La préfabrication et la question de l'échelle.

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La préfabrication et la question de l’échelle Construction économe, variable, adaptable.

Mathilde Gattegno Séminaire matière à penser 2015 - 2016

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Résumé

Ce travail aborde la façon dont la préfabrication et la question des échelles cohabitent au sein d’un projet, et des relations qu’elles entretiennent. D’un côté, la préfabrication est un outil bien connu de l’architecture, présentant une palette d’options pour travailler le projet. De l’autre, l’échelle ou les échelles est une notion complexe qui entoure le domaine de l’architecture. Pour comprendre cette relation, nous comparons deux projets : le pavillon IBM de Renzo Piano Building Workshop et la couverture du site de fouilles de Bibracte réalisée par Paul Andreu et TESS. La comparaison ne se limite pas à l’objet fini mais à la façon dont ils ont été pensés et conçus. De leurs ressemblances, nous pouvons proposer alors réponse autour de la complexité générée par les deux facteurs que sont l’échelle et la préfabrication.

This work talks about how prefabrication and scales coexist within a project, and what is the relationship between them. On one side, prefabrication is a common tool in architecture, with a range of options to work on the project. On the other side, scales are a complex concept that surrounds the fields of architecture. To understand this relationship, we compare here two projects: the IBM travelling pavilion of Renzo Piano and the Bibracte excavations coverage conducted by the team of Paul Andreu and TESS. Comparison is not only about the finished object, but also about the way they were conceived and designed. From their similarities, we can try to formulate an answer on the complexity generated by both scale and prefabrication.

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Sommaire Introduction 6 I – La complexité d’un projet : des composants d’échelles différentes

A – Composants préfabriqués de structure

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1 - Typologies d’éléments 13 2 – Matériaux 15 3 - Tolérance 22

B – Échelles dans un projet

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1 – L’échelle comme outil 25 2 – L’échelle comme façon d’appréhender l’espace 25 3 – L’échelle comme proportion 26

II – Études de cas : la préfabrication comme outil du projet

A – Le Pavillon IBM de Piano B – La couverture d’un site à Bibracte C – Relations entre les deux projets

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III – Une complexité maîtrisée

A – Les avantages de la préfabrication

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1 - Le prototypage 46 2 – La production sérielle 47 3 – La légèreté 48

B – La fabrication d’un tout

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Conclusion 57 Iconographie 59 Bibliographie 60

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Introduction

Dans un bâtiment, des objets de différentes tailles et proportions s’imbriquent les uns dans les autres pour produire l’objet projeté. Quelle que soit la façon de construire, régler les liens et les changements d’échelles a toujours été compliqué. Prenons par exemple le cas des charpentes traditionnelles. Le charpentier va poser successivement plusieurs types de pièces pour constituer la toiture. Tout d’abord, les fermes, éléments ayant le plus souvent la plus grande taille, puis les chevrons sur lesquels reposent les pannes qui viennent changer le sens de portée de la structure et réduire l’échelle des matériaux. Puis il faut encore ajouter les liteaux pour ainsi progressivement arriver à une trame suffisamment serrée pour y installer les tuiles. Ces multiples étapes montrent la recherche permanente de l’homme sur le moyen de faire des charpentes efficaces, grandes sans trop d’appuis intermédiaires ainsi qu’une couverture constituée de petits éléments. Au XVIe siècle, Philibert de l’Orme, architecte du roi, révolutionne le monde de la construction grâce à ses recherches sur la façon de travailler le bois. Dans cette période prolifique en inventions dans tous les domaines, il innove en travaillant sur l’assemblage des charpentes. Celles qu’il dessine sont composées de petits éléments de bois (fig.1). Ces éléments peuvent être simplement taillés dans des bûches de chauffage. Il était motivé par la recherche d’un travail plus facile et moins coûteux. Plus facile pour pouvoir employer des ouvriers moins qualifiés, dont les salaires sont moins élevés, et moins coûteux aussi en matières premières. Il applique ainsi au bois sa science de la stéréotomie et propose des charpentes qu’il estime trois fois moins chères que celles produites avec la méthode classique alors en

Fig. 1

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vigueur. Il théorise sa pensée dans un livre issu de ses expériences où il décrit tout le processus depuis l’art de choisir le bois jusqu’à la mise en place de son invention. « Le principe est pourtant simple : la poutre est remplacée par un arc en bois, appareillé comme un arc en pierre : les planchettes sont taillées comme des claveaux, leurs joints rayonnant vers le centre de l’arc » 1 De plus son invention permet aussi un entretien dans le long terme. Là où dans une charpente classique, il faut envisager une intervention lourde sur l’édifice pour changer le moindre élément, il suffit dans ce nouveau système de simplement changer une courte pièce de bois. Après des premiers prototypes testés avec des vérins devant le roi, Philibert de l’Orme commence à projeter son invention sur des portées plus importantes que celles des constructions de son époque. Il commence par dessiner des portées d’une cinquantaine de mètres pour un dôme censé couvrir les dortoirs de l’abbaye de Montmartre puis à se pencher sur la conception d’un pont de cent mètres de long sans appui intermédiaire pour franchir la Seine2. Ainsi, jusqu’à Philibert de l’Orme les charpentes étaient faites de madriers et leur taille était limitée par la dimension des arbres disponibles. Avec son système, Philibert de l’Orme propose de franchir de plus grandes portées avec des petits éléments. Il faut toutefois noter que l’usage d’éléments de dimension réduite n’est pas une nouveauté. Les charpentes traditionnelles à pan de bois sont déjà répandues en Europe à cette époque-là. L’architecture vernaculaire a en effet développé en parallèle des systèmes constructifs fait de petits éléments. De l’Europe au Japon, tout un vocabulaire d’assemblage de petits éléments se développe. Si la préfabrication continue d’être utilisée et à se développer, on retrouve deux siècles plus tard, un système que nous pourrions rapprocher de celui de Philibert de l’Orme. En effet, la conquête de l’Ouest américain est facilitée par l’invention d’un nouveau système constructif, parent du colombage européen. Celui-ci est fait de petits éléments de bois et de clous alors nouvellement produits à la chaîne : le balloon frame ou construction à ossature croisée (fig. 2). Il est intéressant de voir ici l’importance de la préfabrication : les clous jusqu’à lors fabriqués par des cloutiers, de façon artisanale sont alors produits en grande quantité par des machines3. 1 PEROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Philibert de l’Orme, architecte du roi (15141570), Paris, Mengès, 2000 2 POTIE Philippe, Philibert de L’Orme : figures de la pensée constructive, Marseille, Parenthèses, 1996 3 MCMURRY Sally, ADAMS Annmarie, People, power, places, Knoxville, University of

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Fig. 2

D’autre part, les morceaux de bois sont aussi découpés grâce à une nouvelle machine : la scie à vapeur. Pour ces deux composants, on obtient des éléments produits en série, tous identiques et de petites dimensions. On retrouve dans cette démarche la même motivation que dans celle de Philibert de L’Orme : une matière première abondante, facile à manipuler et une qualification peu élevée requise de la part des utilisateurs. Dans le cas du balloon frame, la notion de rapidité d’exécution est aussi un facteur décisif. Les colons ont effectivement besoin de construire rapidement leurs maisons pour ensuite commencer à cultiver la terre. La préfabrication dans le bâtiment a donc largement contribué à la conquête de l’Ouest américain. Mais si nous revenons à l’architecture dite savante, nous pouvons nous intéresser au travail de Buckminster Fuller. Sa réflexion tourne aussi autour de l’assemblage de petits éléments pour former des structures soit de grande portée comme pour les dômes géodésiques, soit transportables comme ses recherches autour de tentes pour l’armée américaine (fig. 3 et 4). Il assemble ses premiers dômes géodésiques à l’aide de ses étudiants, en cherchant des solutions efficaces pour résoudre les problèmes créés au niveau des nœuds, point de connexion des barres4.

Fig. 3 et 4

Nous voyons à travers ces exemples l’émergence de la préfabrication dans l’architecture construite avec des petits éléments. Que ce soit par l’assemblage des éléments prédécoupés à l’avance ou par l’anticipation des nœuds d’assemblages. La préfabrication est résultante de la recherche d’économie. Mais quand la préfabrication est intégrée et pensée dès l’amorce du projet, elle introduit une nouvelle façon d’aborder la construction et l’architecture. La préparation de composants conçus et fabriqués à l’avance permet une autre approche du projet. Ces composants peuvent servir de nombreuses fonctions dans le projet en étant impliqués depuis la structure jusqu’à l’enveloppe. Et pour ce faire, on trouve dans les projets des composants de toutes formes et échelles, du nœud d’assemblage aux éléments longilignes que sont les barres, poutres et poteaux. Nous verrons dans ce travail des éléments structurels préfabriqués qui composent des architectures démontables. Comment la façon de penser un projet par la préfabrication a pu améliorer l’imbrication des échelles au sein d’un projet ? Le travail de Philibert de l’Orme soulève un paradoxe entre la dimension des éléments qui composent une structure et la taille de celle-ci. Il raccourcit ses morceaux de bois pour allonger la portée de sa charpente. Ce faisant, il multiplie le nombre de raccords et potentiellement les problèmes d’assemblage. De Tennessee press, 2000 4 SNYDER Robert, Buckminster Fuller : scénario pour une autobiographie, Vérones, Images Modernes, 2004

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façon intuitive, il invite la préfabrication dans la construction et par ce biais entretient un rapport complexe avec les échelles. Aujourd’hui architectes et ingénieurs peuvent partir de la préfabrication comme postulat de base pour dessiner leur projet. L’architecture travaille à la fois avec des objets concrets et des outils intellectuels. Dans un premier temps, nous détaillerons les outils de base dont disposent architectes et ingénieurs à travers les matériaux et la façon de les mettre en forme grâce à la préfabrication. Mais aussi des paramètres de réglage d’un projet comme l’échelle, notion complexe et polysémique de l’architecture. Puis nous verrons comment deux projets exploitent les possibilités offertes pour concevoir des objets qui entretiennent un rapport particulier avec l’homme : des structures démontables. Ces projets nous aiderons à comprendre comment l’imbrication d’éléments préfabriqués apporte des solutions à la problématique des imbrications d’échelles.

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I – La complexité d’un projet : des composants d’échelles différentes A – Composants préfabriqués de structure Le but d’une construction est de remplir une fonction. Pour cela, elle génère des espaces généralement clos, protégeant des intempéries. Dans ces constructions, certains éléments sont dits structuraux : ils soutiennent l’édifice. Au cours des siècles, c’est la structure, bien plus que les matériaux qui la composent, qui a subi plusieurs révolutions pour améliorer les portées et économiser la quantité de matériaux utilisés. En effet, en comparaison, les matériaux courants dans le bâtiment ont peu changé. Néanmoins certains nouveaux matériaux présentent des avantages économiques du fait de leur performance, et donc de leurs dimensions une fois mis en œuvre. Le béton armé, l’acier à haute résistance, l’aluminium et aujourd’hui le béton à ultra haute performance ont ainsi été ajoutés au cours du temps au catalogue des matériaux disponibles, mais les matériaux courants sont encore semblables à ceux de nos ancêtres. « Le dôme de Saint-Pierre (la plus grande église de la chrétienté), dont la portée est de 42m, possède en réalité non pas un, mais deux dômes en briques, et pèse environ 678kg/m². Alors que le dôme du CNIT (palais des expositions à Paris), double dôme en béton et cinq fois plus grand que celui de Saint-Pierre, pèse seulement 140kg/m². »1 De son côté, la préfabrication fait partie des innovations qui sont apparues au cours du temps pour améliorer la performance des bâtiments. Améliorer leur consommation en matériaux mais aussi augmenter la vitesse de réalisation et réduire le coût de construction. Comme nous avons pu le voir dans l’introduction, la façon raisonnée de faire de la préfabrication apparait au XVIe siècle. Il existait déjà des productions d’objets en amont de la construction, mais pas encore de bâtiments pensés par la préfabrication. Les matériaux ne sont pas tous ou exclusivement préfabriqués ou exclusivement fait sur site. Le béton par exemple est un matériau qui se prête à un grand nombre de mises en œuvre différentes. Pour la préfabrication cela va de l’élément standardisé comme le bloc de béton (parpaing) que l’on trouve dans le commerce au tronçon de pont préparé en usine et apporté sur le chantier. Tandis que sur site, le béton peut être coulé sur place dans des banches. 1

SALVADORI Mario, Comment ça tient ?, Marseille, Parenthèses, 2005, p11

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Sa mise en œuvre est intiment liée à la façon de fabriquer le béton : c’est un matériau coulé dans un moule. On peut ainsi travailler à volonté sa forme, sa texture, la dimension des éléments. L’usage du béton préfabriqué est varié : en structure comme pour des poteaux préfabriqués, ou en parement grâce à des habillages de béton pour les façades. D’une certaine façon, la limite du béton se situe sans ses caractéristiques mécaniques et notamment au fait qu’il ne reprenne pas de traction. Cela peut présenter des inconvénients structurels pour le bâtiment mais aussi lors du transport des éléments. Les forces exercées sur un élément ne sont pas celles qu’il subira pendant sa vie dans le bâtiment et cela nécessite une anticipation. D’autre part, des matériaux comme le verre ou les métaux nécessitent forcément une étape de préfabrication car leur fabrication nécessite de les fondre à des températures élevées.

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1 - Typologies d’éléments Ces matériaux sont mis en forme par différents procédés, ceux-ci dépendant largement des propriétés intrinsèques aux matériaux. Ces formes peuvent être classées en grandes familles comme les voiles, les poteaux ou encore les dalles. Les familles sont des façons d’appréhender une forme d’un point de vue descriptif, notamment pour comprendre leur fonctionnement dans la structure mais aussi leur fonctionnement interne. Les dalles sont des éléments importants de la construction formant plafond, plancher et parfois toitures. Leur dimensionnement est conditionné par leurs conditions d’appuis. On distingue les dalles appuyées ou encastrées sur deux lignes d’appuis parallèles ou bien appuyées ou encastrées sur l’ensemble de leur contour. Les dalles peuvent être constituées d’un mono matériau ou bien de différents matériaux collaborant comme par exemple acier et béton.

Fig. 5 : Dalle sur deux appuis continus et dalle son contour. Les poteaux ont pour rôle de descendre les charges jusqu’aux fondations. Les poteaux sont donc des éléments comprimés. Ils sont peu sollicités en flexion dans les bâtiments courants. La reprise des efforts de contreventement du bâtiment est assurée par d’autres éléments de structure. Leur répétition et leur placement dans l’espace permet de donner forme à celui-ci sans forcément avoir besoin de cloison.

Fig. 6 : Différentes typologies de poteaux

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Les voiles sont des éléments minces et verticaux. Ils assurent à la fois des fonctions porteuses, séparatives et de contreventement. A partir d’une certaine hauteur, la géométrie du voile change et fait apparaître des nervures pour le raidir. Si les voiles peuvent être coulé en place, ils peuvent aussi avoir différents degrés de préfabrication, allant du mur complet livré sur le chantier au pré-mur fait en usine mais achevé sur site. La poutre est un élément placé horizontalement et pouvant résister à des efforts de flexion (généralement le poids du plancher ou de la toiture posée dessus). La poutre sert à transmettre ces efforts aux éléments qui la portent, qu’ils soient un mur ou des poteaux. Un ensemble de poutres forme une poutraison, celle-ci peut donner un rythme à l’espace qu’elle délimite.

Fig. 7 : cheminement des efforts dans une poutre. Les poutres treillis sont des éléments préfabriqués qui comprennent des membrures de faible diamètre comparé à la dimension globale de la poutre. Ces barres sont les éléments qui composent les structures treillis et sont divisées en trois catégories : membrure inférieure, membrure supérieure et diagonale. Chacun de ces éléments travaille soit en traction soit en compression pure et sont reliés entre eux par des rotules.

Fig. 8 : exemples de poutres treillis brevetées. La complexité apparaît lorsqu’il s’agit de joindre ces éléments entre eux. Les nœuds sont des éléments plus complexes. Ils concentrent les efforts en un point tout en gérant la continuité entre deux éléments. Pour un nœud joignant des barres, le nombre de barres influe directement sur la complexité de celui-ci. Et augmente aussi la nécessité d’anticiper et de dessiner ce nœud. Il existe trois types de liaison : l’encastrement, l’appui simple et l’articulation. Chacun permet différents degrés de liberté aux éléments qu’ils joignent. L’encastrement ne permet aucun déplacement, l’appui simple permet un mouvement de translation tandis que l’articulation permet la rotation.

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2 – Matériaux

Fig. 9 : classification des matériaux vis-à-vis de la courbe module de Young (GPa) en fonction de la contrainte (MPa).

Les métaux L’acier, l’acier inoxydable, le fer, le bronze, et des alliages de nickel sont des métaux que l’on peut extruder. L’acier est le métal le plus courant en construction. Les éléments linéaires comme les barres type IPN sont laminés à chaud en suivant les dimensions d’un catalogue. Le laminage à froid lui est plutôt réservé aux éléments plats comme les tôles. Du fait des caractéristiques de l’acier, il est moins facile à mouler que l’aluminium et est donc réservé à généralement des pièces moins complexes. La fonte est coulée dans des moules. Elle se différencie de l’acier par un taux de carbone plus élevé, ce qui lui donne une moins bonne résistance en flexion. La fonte était couramment utilisée pour faire des poteaux mais aujourd’hui son utilisation est plutôt dans le domaine de la mécanique. L’aluminium est souvent retenu pour ses qualités comme sa durabilité, son adaptabilité et sa relative économie. L’aluminium n’a pas changé depuis sa découverte en 1807 mais il est principalement utilisé dans des alliages, notamment avec des ajouts de magnésium ou de silicones pour augmenter ses capacités mécaniques en architecture.

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Mise en forme L’extrusion permet aux architectes et aux ingénieurs de créer des pièces de sections spécifiques à un coup relativement peu élevé. C’est une façon de mise en forme qui assure un contrôle facile de la qualité des éléments produits. Néanmoins, l’aluminium n’est pas uniquement un produit dont les pièces sont faites spécifiquement pour un projet, mais il est aussi produit dans des séries standardisées comme les menuiseries, des profilés et autres pièces extrudées, comme pour les autres métaux extrudés.

Fig. 10 : exemple de profilés obtenus par laminage à chaud de l’acier. Ce sont des éléments standardisés qui composent les catalogues.

Le moulage est une technique très ancienne de travailler le métal, qui a été grandement perfectionnée depuis la deuxième moitié du XIXème siècle notamment grâce à l’évolution de la qualité des métaux employés. « La résistance caractéristiques à la traction d’une fonte utilisée dans la première moitié du XIXe siècle était inférieure à 100 N/ mm². [Aujourd’hui] cette valeur est passée à plus de 1400 N/mm² au cours des années 1980, grâce à d’importants progrès de la métallurgie. »2 Le moulage est utile pour des éléments spécifiques d’une structure. Il permet de résoudre les besoins géométriques et structurels dans un composant tout en économisant de la matière. Le moule assure une répétition identique des pièces, assurant une qualité régulière. En fonction de la méthode employée, il est aussi possible d’obtenir des finitions très précise, notamment avec le moulage à cire perdue, mais aussi une tolérance très fine.

2 STACY Michael, Component design, Italie, Architectural Press, 2001, p65 « The typical tensile strength of a cast iron used in the first half of the nineteenth century was less than 100N/mm². [Today] this had increased to over 1400N/mm² the 1980s, via key advances in metallurgy. »

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La technique utilisée pour la mise en forme des tôles dépend de la ductilité du métal considéré. D’autre part, si une finition avec un revêtement polymère est prévue, il faut alors prendre en compte ce paramètre. Il existe quatre principales techniques de mise en forme de panneaux métalliques: par rouleaux, presses-plieuses, mise en forme à la main ou par presses. Les revêtements en tôle pliée sont des éléments linéaires usuels dans les couvertures de bâtiments. Le fonctionnement est simple, de longues plaques sont nervurées dans un sens majeur pour leur donner leur rigidité. Ainsi, la résistance des tôles dépend de l’épaisseur de la feuille de métal et des caractéristiques des nervures.

Fig. 11 : Préparation des moules pour les nœuds en aluminium du pavillon IBM.

Avec l’utilisation de presses-plieuses, le métal est écrasé entre en presse supérieure et inférieure pour lui donner une forme. L’important est de prévoir à l’avance le retrait de la forme. Une tôle à l’origine de deux mètres de large sera forcément réduite une fois les pliages opérés, il faut donc prendre en compte la dimension finie de l’élément. Cette technique permet aussi bien de créer des plis nets que des courbures dans le métal. La presse peut être aussi utilisée pour rigidifier le panneau en lui imposant des déformations permanentes et d’atteindre la plasticité du matériau. La limite est encore une fois la ductilité du matériau, qui peut être augmentée grâce à des alliages superplastiques. Ces alliages permettent des nouvelles formes sous presse comme des cavités, des formes de bulles ou de diaphragmes. Enfin la limite commune à toutes ces techniques est la dimension des panneaux disponibles. Une fois travaillé, les dimensions finies du panneau sont inférieures au panneau d’origine du fait des pliages opérés. Les métaux sont tous des matériaux recyclables facilement. Recycler de l’aluminium demande seulement 5% de l’énergie qu’il a fallu pour le produire depuis la bauxite.

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Le bois Le bois a été le premier matériau à être préfabriqué de façon réfléchie. De Philibert de l’Orme à aujourd’hui, les pièces de bois sont taillées et usinées avant d’être conduites au chantier. Le bois d’œuvre est un matériau comportant des défauts liés à la croissance de l’arbre. A travers la préfabrication, l’homme s’est employé à réduire ces défauts pour créer des matériaux homogènes et performants. Le lamellé-collé se compose de planches de bois superposées et collées horizontalement entre elles. L’épaisseur de ces planches excède rarement 30mm d’épaisseur sauf pour un bois d’excellente qualité, et pour des éléments qui ne seront pas soumis aux intempéries. La disposition des planches est importante car elle permet une bonne répartition des efforts internes : chacune a le cœur tourné vers le haut sauf la dernière, d’autre part, les planches sont aboutées en quinconce. La longueur des éléments créés est généralement limitée plutôt par l’usine qui la produit que par réelle contrainte technique. A partir de cette technique il est possible de produire des profils et des formes, allant de la section rectangulaire au caisson en passant par les profils en Iamellé-collés. Il est aussi possible de créer des éléments courbes en cintrant le bois. Le lamellé-collé est utilisé pour des structures du fait de sa grande résistance en flexion.

Le contreplaqué est un terme qui englobe une famille de dérivés du bois comprenant au moins trois couches de bois superposés à fil croisés. Ce sont des familles de panneaux qui peuvent être utilisés comme éléments porteurs, voligeages ou coffrages de béton. Les panneaux lattés type menuiserie sont des panneaux comprenant au minimum deux feuilles de placage et une âme en lattis, avec à nouveau une disposition en fibres croisées. Ils sont utilisés comme revêtement ou entretoises. Les panneaux de copeaux forment une autre famille où les panneaux sont constitués de copeaux de bois brut, des matières fibreuses et des liants à bases de résines artificielles. Ils peuvent être de plusieurs formes, incluant des vides tubulaires ou bien en étant recouverts d’un matériau améliorant leurs propriétés élastomécaniques.

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Fig. 12 : sur une poutre, les lamelles sont déposées puis l’ensemble est recoupé selon la forme voulue.


Enfin, la dernière famille regroupe les panneaux constitués de fibres. Cellesci sont disposés sans ordre et peuvent être accompagnées de liants ou de masses de remplissage. Dans ces panneaux, il n’est plus possible de voir la structure du bois, qui n’a plus de direction privilégiée.

Les polymères souples Les polymères souples extrudés sont généralement produits à partir de matières premières regroupées sous le nom de caoutchouc. Sous cette appellation nous pouvons trouver du caoutchouc naturel ou des polymères comme l’EPDM3 ou le silicone. Le PVC4 peut aussi faire partie de cette catégorie de polymères. Ces polymères présentent des qualités qui sont utilisées pour résoudre différents problèmes en architecture allant depuis créer une étanchéité, accompagner un mouvement ou encore être un isolant (thermique ou électrique). Pour cette famille de matériaux, la notion de dureté est importante. Elle définit la souplesse du matériau et se mesure en degré avec comme échelle: 20° étant très souple comme la mousse et 98° dur comme le nylon. « Le gras de votre pouce est généralement de 25°, une gomme blanche Staedtler 55° et un bouchon de bain généralement 95° »5. Ce paramètre de dureté est déterminant pour la pression élastométrique générée par le matériau, et donc pour la qualité d’un joint d’étanchéité. Le caoutchouc naturel ou poly isoprène est un polymère qui se récolte et qui est renouvelable. Il est disponible dans toute une gamme de duretés, très résistant et extrêmement résilient. Il atteint rapidement ses limites lorsqu’il est en contact avec des fluides organiques, et il a tendance à se dégrader à l’air libre. L’ozone ou sa mise en tension peuvent aussi accélérer sa dégradation. L’EPDM est résistant aux conditions climatiques et est largement utilisé dans les joints d’étanchéités et dans les panneaux de toitures. Il est à l’origine développé pour entrer dans la composition des pneus car il résiste aux attaques d’ozones et de produits à base aqueuse. Il est aussi résistant jusqu’à 130°C et reste stable même sous les UV du soleil. Sa limite de résistance apparaît quand il est exposé à des produits dérivés du pétrole. S’il existe majoritairement en noir, il est toutefois possible de le trouver dans d’autres couleurs, mais les additifs nécessaires diminuent sa résistance aux UV ainsi que ses propriétés mécaniques. 3 Ethylène-propylène-diène monomère 4 Polychlorure de vinyle 5 STACY Michael, Component design, Italie, Architectural Press, 2001, p34 « The ball of your thumb is typically 25°, a white Staedtler eraser 55° and a bath plug typically 95° »

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Le néoprène regroupe sous son nom la famille des polychloroprènes. Ils ont été inventés pour pallier aux défaut du caoutchouc naturel face aux conditions climatiques. Dans ses détails de la Maison du peuple, Jean Prouvé anticipe l’usage de ce matériau dans l’assemblage des façades alors que ce matériau n’était pas encore commercialisé.

Fig. 13 : dessin d’un joint en néoprène, croquis de Prouvé pour la Maison du peuple. Le silicone est un matériau composé de longues chaines de molécules, ce qui le rend résistant. Le verre fait partie de la famille des silicones, sa spécificité étant qu’il est fait à partir de silicates (sable). Les plastiques sont faits à partir de bases carbones, ils sont résistants et peuvent prendre plusieurs formes. Les silicones combinent les avantages du plastique et du verre. A l’origine, ce matériau est exclusivement développé pour la science mais il bascule finalement dans le monde de la construction à travers les pistolets à joints silicone en 1958. Ce matériau peut être appliqué encore humide, ou bien extrudé ou moulé. Il offre une excellente durabilité et supporte des températures allant de -60°C à +205°C et peut être produit dans n’importe quelle couleur.

Les polymères rigides Les polymères rigides sont obtenus à partir de deux techniques différentes : extrusion ou pultrusion. La technique choisie dépend du matériau et de sa flexibilité lorsqu’il est chaud. Le PVC-U est extrudé tandis que la fibre de verre renforcée de plastique ou de fibre de carbone est obtenue par pultrusion. Le PVC-U est aujourd’hui très largement utilisé pour les menuiseries de fenêtres, du fait de son faible coût et de sa résistance sans beaucoup d’entretien. Toutefois, s’il est utilisé pour des fenêtres de dimension usuelle c’est parce qu’il ne peut pas supporter des dimensions plus grandes. Sa souplesse ne lui permet plus de supporter le poids du vitrage. Les menuiseries de grandes dimensions sont alors renforcées de métal ou le PVC est extrudé en association avec des fibres de verre, et on parle dans ce cas de pultrusion.

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La pultrusion ne permet pas seulement d’associer deux polymères, mais elle permet aussi de s’assurer que toutes les fibres d’un matériau soient dans le même sens. La pultrusion est une opération plus coûteuse que l’extrusion mais elle apporte plusieurs avantages : le ratio poids/ performance du matériau est amélioré, la dilatation thermique est réduite proche de zéro, les propriétés du matériau créé peuvent être adaptées au projet et le matériau a une meilleure stabilité aux UV.

Fig. 14 mécanisme de la pultrusion.

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3 - Tolérance La tolérance est une variation permise dans une caractéristique d’un élément : la dimension, le poids, l’assemblage… La précision possible sur un élément dépend du matériau et du mode de fabrication de celuici. La tolérance est souvent confondue avec d’autres sources possibles de variations dans la construction. En particulier les variations liées à la thermique ou à l’hygrométrie. Dans ces cas-là, au moment de l’assemblage des précautions sont prises. Par exemple sur de très grandes structures métalliques qui portent des ensembles vitrés. Les dilatations sont mesurées en fonction de l’heure pour pouvoir ajuster les éléments à la structure. Pour les tolérances de dimensions on a : - La tolérance de la fabrication, à savoir par exemple la précision avec laquelle un panneau de verre doit être coupé. - La tolérance d’assemblage qui est la combinaison des tolérances des différents composants assemblés - La tolérance du chantier comme par exemple la précision avec laquelle des banches pour béton peuvent être réalisées sur site. La tolérance est un élément qui doit être anticipée, que ce soit à la conception où même à la création des premiers composants. Elle fait partie du dessin des pièces. Par exemple, pour une barre de 6 à 10m de long en aluminium, un écart de 0.34mm sera toléré dans son épaisseur pour une technique par extrusion. Un mauvais ajustement sur le chantier peut conduire à une vieillesse prématurée d’un ensemble d’éléments et créer la possibilité de voir des problèmes apparaître, comme par exemple des fuites. Des ajustements sur site permettent aussi de régler des détails esthétiques comme la bonne position des éléments. «Une partie du défi est la précision de l’œil humain, qui peut juger une différence avec l’acuité du 1000e de pouce ou 0,0254 mm. »6 Pour ce type d’ajustement, non seulement les tolérances de fabrication des pièces sont prises en compte, mais aussi les conditions de chantiers. Un élément de façade est par exemple fixé à d’autres éléments déjà en place sur le site qui ont pu subir des décalages. Le travail des ouvriers est luimême soumis à des tolérances de pose et de réalisation. Ainsi le nouvel 6 STACY Michael, Component design, Italie, Architectural Press, 2001 « Part of the challenge is the accuracy of the human eye, which can judge difference of acuity to 1000th of an inch or 0.0254 mm. »

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élément préfabriqué qui arrive, aussi parfait qu’il puisse être, nécessite une certaine souplesse d’ajustement pour rejoindre le chantier. Souvent l’ajout d’un boulon intermédiaire qui permet un réglage de distance ou bien un trou oblong au lieu de parfaitement rond pour y passer une fixation sont ainsi ajoutés lors de la conception. Au-delà de l’objet mécanique, l’architecture produit des objets sensibles et doivent donc s’ajuster à la perception, qui des fois contredit la réalité physique. Ces ajustements existent non seulement au niveau de la construction mais aussi des finitions. Un exemple célèbre est le cas de la Tour Eiffel peinte de trois nuances différentes en fonction de la hauteur pour la faire paraître uniforme depuis le sol. Préfabriquer signifie fabriquer avant et l’industrie permet la production sérielle d’objets. La qualité des objets est optimisée et standardisée tout comme leur mise en place sur le chantier. La construction est ainsi rationalisée et largement anticipée. L’industrialisation d’objets préfabriqués peut être utilisée avec des combinaisons matériaux/éléments de façon pratiquement infinie. Les architectes et ingénieurs peuvent toujours innover en imaginant des nouveaux objets, en utilisant des techniques soit traditionnelles sur un nouveau matériau soit des nouvelles techniques sur un matériau traditionnel, comme pour le bois lamellé collé. La préfabrication permet la création d’objets sur mesure, qui sont rentabilisés quand ils sont produits en grand nombre. Cette particularité est importante pour les projets qui vont nous intéresser en étude de cas, car chacun à sa façon exploite cette particularité.

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B – Échelles dans un projet L’échelle est un concept qui n’est pas propre à l’architecture mais qui se retrouve dans la plupart des sciences ; à partir du moment où celles-ci mesurent des éléments, les expriment avec des unités et cherchent à réaliser des comparaisons. L’échelle est un mot polysémique et particulièrement au sein de l’architecture. Ce mot exprime à la fois un système de mesure numérique, une façon de rendre compte de la taille à travers un référentiel mais aussi une façon de penser l’espace. Le fait de n’utiliser qu’un unique mot pour désigner trois notions différentes est une source de complexité en architecture. D’autant plus que si le premier sens du mot échelle est clair, les deux autres ouvrent de vastes champs de questionnement. Ces relations complexes d’échelle à échelle ont largement été questionnées par Philippe Boudon pour ses recherches menées dans le cadre de LAREA 7. « Méthodologiquement, la fréquence d’occurrences du terme [échelle] s’offrait tout naturellement à l’analyse, et en même temps, cette fréquence devait bien avoir raison d’être. Un matériau systématique pouvait être réuni, devant permettre de réfléchir sur la question de la pensée architecturale en répertoriant une liste de la variété des significations et des emplois du terme « échelle ». En essayant de comprendre le discours des architectes utilisant ce terme, il s’agissait d’essayer de mieux comprendre la pensée architecturale à l’œuvre. Mais reste toujours la question de la valeur de fondement de la question de l’échelle pour une architecturologie, question dont il faut se demander encore si elle est en relation ou non avec celle de la spécificité de l’architecture. Car si une hypothèse était formulée sur l’échelle comme lieu de la pensée architecturale – idée permettant de considérer la différence de l’architecture avec la géométrie, cette autre pensée de l’espace – il ne fallait pas rejeter l’examen des questions d’échelle qu’on pouvait trouver hors de l’architecture, ne serait-ce qu’à titre heuristique : l’échelle cartographique par exemple, comme donnée extérieure à l’architecture, encore que fonctionnant dans le dessin architectural comme dans la cartographie. Déjà ici nous avons pointé trois nœuds de questionnement : l’échelle comme lieu de la spécificité architecturale d’une pensée de l’espace qui se distingue de la géométrie, l’échelle comme concept oppositif à la proportion, l’échelle comme code de représentation cartographique. » 8 7 Laboratoire d’Architecturologie et de Recherches Épistémologiques sur l’Architecture 8 BOUDON Philippe, Echelle(s), Paris, Anthropos, 2002, p48

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L’échelle se présente comme un outil numérique, comme une façon d’appréhender l’espace d’une façon plus sensible que la géométrie mais aussi comme un mot faisant partie du champ lexical de proportion. Nous allons reprendre les trois niveaux que distingue Boudon. Tout d’abord, le code de représentation.

1 – L’échelle comme outil Ainsi le sens premier du mot échelle est le rapport qui existe entre un objet et sa représentation. Dans ce cas, une valeur numérique nous informe de la réduction opérée, comme par exemple 1/50ème indique un dessin cinquante fois plus petit que la réalité de l’objet physique. De façon plus générale, l’échelle nous explicite le rapport entre l’objet et sa représentation. Pour Philippe Bourdon, il y a un modèle, une forme originelle sur laquelle on applique une échelle.

2 – L’échelle comme façon d’appréhender l’espace L’échelle est une notion qui établit un ensemble de mesures par rapport à un référentiel. « A l’échelle globale », « échelle micro ou macroscopique », « échelle locale » sont toutes des expressions qui nous parlent, où nous avons conscience de la taille de l’objet impliqué par habitude culturelle. En architecture cette notion est omniprésente à toutes les étapes du projet : de l’inscription géographique du projet dans son territoire jusqu’à la conception du plus petit composant. De son dessin à sa projection dans son contexte. Nous zoomons progressivement de l’échelle territoriale à l’échelle urbaine, puis à celle du bâtiment lui-même, à l’échelle humain et enfin à celle des composants qui composent ce bâtiment. Ainsi l’échelle peut être l’échelle numérique des dessins, comme l’échelle des cartes IGN, mais aussi l’ordre de grandeur relative d’un élément interne ou externe par rapport à un système, que ce soit un repère graphique ou un mot comme dans l’illustration ci-après. « L’architecture se compresse et se dilate en un microcosme et un macrocosme. Il y aurait d’un côté ce qui tient dans la main […] A l’autre extrémité scalaire se trouverait la taille urbaine du grande progetto, repérable en avion et en travelling automobile. » 9

9 GUBLER Jacques, Jean Tschumi, architecture échelle grandeur, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2008, p10

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3 – L’échelle comme proportion De ce fait une forme seule n’a pas d’échelle, mais placée à côté d’un référentiel oui. De façon claire, c’est le rôle que joue la silhouette sur les coupes que nous dessinons. Cette silhouette nous permet de nous représenter rapidement la dimension de l’objet grâce à un référentiel socioculturel connu, la taille d’un humain. Ainsi l’échelle nous permet-elle de nous faire une idée de la dimension d’un objet sans avoir recours à des mesures (fig. 14). Et cela du fait que le cerveau humain travaille automatiquement et sans qu’on en ait réellement conscience par comparaison avec des objets connus. Un dessin sans suffisamment de repères sera alors sans échelle.

Fig. 15 « Trois rectangles dont l’image se constitue par des échelles différentes »10 Le Modulor de Le Corbusier est une application directe de ce constat. Un objet sans rapport avec son environnement n’est pas adapté à la vie pratique. Avec son échelle de mesure, la silhouette humaine devient le système de mesure (fig.15). Par ce moyen, Le Corbusier inscrit son architecture et les espaces qu’elle génère dans un rapport très fort avec l’utilisateur. Le Modulor est décliné en deux séries, la bleue et la rouge et il les présente comme un outil universel pour l’architecture. A partir de ce travail, un grand nombre d’architectes s’est adossé sur ce système d’échelle, ou même en ont fait des variantes.

Fig. 16 Dans un autre cas, le mot échelle peut désigner un rapport du bâtiment à son environnement, comme un bâtiment « à l’échelle de la ville » ou bien « hors d’échelle » pour le lieu où il s’installe, ou vis-à-vis du programme 10

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BOUDON Philippe, Echelle(s), Paris, Anthropos, 2002, p124


auquel il doit répondre. Dans cette désignation, le mot échelle voit son sens glisser vers un sens plus proche de la notion de proportion. Mais dans ces cas-là aussi la notion de relativité est toujours présente : il n’y a d’échelle que dans la comparaison, entre un modèle et sa reproduction. Dans les cas abordés précédemment, l’échelle englobe l’intégralité du projet, son rapport avec son environnement. Mais si nous entrons dans le projet, le même jeu d’échelle existe entre les différents éléments du projet. Les proportions entre les pièces, ces rapports de tailles qui sont créés participent à l’expressivité de celui-ci. Il existe aussi un paradoxe intéressant de l’échelle sur la notion d’agrandissement d’un modèle. Nous avons vu dans l’introduction que Philibert de l’Orme réduit la dimension de ses pièces pour franchir une plus grande portée. L’agrandissement linéaire n’est pas toujours la réponse en construction. La logique « j’ai une plus grande portée donc je mets une poutre de plus grande dimension » n’est pas une vérité absolue. La position de la matière, sa géométrie dans l’espace joue un rôle important et change les capacités d’un élément pour un même matériau de base. Dans le cas du béton, le travail de Nervi est une démonstration de géométrie sur des éléments préfabriqués. Il développe au cours de sa carrière un système de voûtes constituées d’éléments préfabriqués courbes ; ces caissons servent pour les coulées de béton dans les nervures. Ce qui est intéressant c’est qu’il commence à utiliser ce système en 1939 pour le faire breveter en 1943 et continuer encore à l’améliorer au cours du temps. D’une certaine façon, chaque bâtiment sert de prototype, d’objet de recherche pour le suivant.

Fig. 17, 18 et 19

Fig. 20

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Il existe donc tout un autre système d’échelles internes au projet, que nous pourrions appeler microscopiques qui font écho aux échelles plutôt extérieures ou macroscopiques. Toutes ces géométries, ou proportions interagissent pour créer un objet unique, perçu dans son environnement. La manipulation des échelles en architecture donne à la conception des éléments et du projet une dimension complexe. Les éléments préfabriqués jouent un rôle direct dans l’inscription du projet dans son contexte mais aussi dans les rapports qu’il entretient avec les utilisateurs. L’association de la notion d’échelle aux possibilités évoquées plus tôt offre une grande complexité à l’architecture. Surtout quand nous considérons l’échelle à la fois comme une contrainte de travail, à savoir un élément un prendre en compte pour la conception du projet et pour son inscription dans un environnement existant. Mais aussi comme un outil de travail qui donne la proportion entre les éléments, leur rapport et par conséquence une partie de l’esthétique d’un projet. Faire le choix de la préfabrication est déjà prendre position quant à toutes ces problématiques. Les projets suivant proposent des recherches poussées dans l’usage de la préfabrication pour fabriquer le projet. Fabriquer l’objet mais aussi l’idée qu’il véhicule, fabriquer du sens.

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Fig. 21

Fig. 22

Fig. 23

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II – Études de cas A – Le Pavillon IBM de Piano Le pavillon dessiné par Renzo Piano a été conçu pour être itinérant. Il a été régulièrement déplacé de ville en ville pour la promotion des ordinateurs IBM (fig.22). A chaque fois démonté, déplacé par un groupe de camions puis remonté dans un nouveau site, à chaque fois en plein cœur de la ville, de préférence dans un parc. Le pavillon prend ses inspirations dans le Crystal Palace, lui aussi en rapport avec la nature, pavillon de l’Exposition Universelle de Londres, tenue en 1851. Ainsi, ils partagent tous deux la recherche de transparence, et la répétition méthodique d’éléments pour donner le rythme à leurs des espaces intérieurs (fig.21).

Fig. 25

L’intégration dans des sites plantés a été un facteur important dans la conception du pavillon. La demande d’IBM était de pouvoir présenter les ordinateurs hors d’un magasin ordinaire mais dans un bâtiment à la fois technologiquement avancé tout en restant proche de la nature (fig. 22 et 25). C’est à partir de cette apparente dichotomie que Piano a choisi de le relier à la nature par le biais de différentes caractéristiques du pavillon. Il s’est associé à Shunji Ishida et à l’ingénieur Peter Rice pour pouvoir trouver une solution qui répondrait à la problématique posée par IBM. L’association des compétences était un objectif phare du Building Workshop créé par Piano, un endroit où les différents corps de métiers travaillent ensemble pour donner vie à des projets complexes. Le pavillon né de cet atelier est une structure mêlant différents matériaux, techniques et savoir-faire. D’abord la transparence, qui donne à voir les ordinateurs depuis l’extérieur, mais qui les place très proches des arbres une fois le visiteur à l’intérieur de l’édifice lui-même est une première hypothèse de projet. D’autre part, les éléments en bois qui composent les arches se rapprochent de la nature via le matériau utilisé mais aussi la forme des pièces qui présentent un aspect biomorphique.11 La partie technologie était majoritaire, représentée par l’usage du polycarbonate associé à des nœuds en aluminium. « Le

11

BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop: oeuvres complètes., Vol. 1, Londres : Phaidon, [1994] 2005, p110

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fait de placer les ordinateurs de manière à ce qu’ils soient vus sur un fond naturel rejoignait le principe originel de l’exposition qui était de présenter des ordinateurs aux jeunes comme partie intégrante et naturelle de la vie quotidienne. »12 Le pavillon se présentait sous la forme d’une voûte de 48m de long par 12 de large et de 6m de haut. En tout il était composé de 34 arches, chacune constituée de 12 pyramides, soit 6 sur chaque demi-arche. Au moment du transport, chaque demi-arche pouvait encore être démontée en deux pièces, faciles à transporter jusqu’à l’un des 18 camions. Deux de ces camions n’étaient pas utilisés pour la structure, mais pour fournir au pavillon le réseau électrique, la climatisation mais aussi abriter l’ordinateur central. A chaque station, le montage prenait deux semaines et était suivi par une semaine de simulations d’éclairages ou de conditions thermiques. Ces simulations permettaient d’évaluer précisément la disposition des pyramides opaques ou transparentes ainsi que des écrans en toile tendue à l’intérieur du pavillon. Après le succès de ce premier pavillon, IBM en commanda un deuxième à Piano ; le Ladybird aurait dû être plus petit mais le projet n’aboutit pas. Ce projet devait corriger certains défauts de son prédécesseur comme améliorer la facilité de montage, mais aussi intégrer de nouvelles fonctions comme une façade mobile inspirée de l’aile d’une chauve-souris. Le pavillon est une structure posée sur un plancher suspendu, en acier dont l’intérieur creux permet d’y installer des gaines. Celui-ci repose sur un sol préparé à l’avance avec des fondations en béton. Les demi-arches sont fixées en premier sur les bords puis leurs sommets sont rattachés au milieu. Cette opération ne nécessite que peu d’équipement, simplement une machine pneumatique pour tenir la première demi-arche en attente de sa sœur. Chaque arche ainsi formée est autoportante, elles sont ensuite simplement juxtaposées, reliées entre elles par le sommet. Elles associent différents matériaux à la fois traditionnels et modernes pour donner une impression à la fois organique et technologique. Les pyramides sont assemblées par modules de trois, opaques ou transparentes et ne jouent pas seulement un rôle structurel, mais sont véritablement la peau du bâtiment. Elles sont fixées grâce à des pièces en aluminium moulé aux éléments en bois (fig 22 et 23). A leur base, pour les relier à la corde intérieure, un boulon est placé entre la pyramide et l’élément en aluminium. Les trois matériaux utilisés ayant des coefficients de dilatation différents qui nécessite différents stratagèmes pour régler les variations. De plus, les opérations de montage et démontage régulier en 12 Ibidem

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Premier modèle de l’arche : une arche complète avec des articulations très présentes

Les articulations étaient composées soit d’une pièce circulaire (sommet des pyramides, soit d’une pièces semi-circulaire (cordes latérales) dans lesquelles venaient s’emboîter divers pièces complémentaires, ici l’embout d’une corde.

Croquis pour une pyramide à gaz photosensible

Fig. 26 Première arche et hypothèses pour un prototype 33


1 : fixation de la pyramide à son sommet. 2 : système de boulons entre les cordes et les pyramides pour permettre les différentes dilatations et offrir une tolérance au montage. 3 : de même au sommet, les demi-arches sont reliées entre elles mais aussi à leurs voisines grâce à un assemblage en aluminium. 4 : fixation de cordes entres elles et avec l’arche voisine. Le montage par module ne mutualise aucune corde, mais deux sont juxtaposée et reliées entre elles par une pièce en aluminium. 5 : les pieds de la structure sont réglables pour s’adapter au terrain, même si celui-ci a déjà été préparé.

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Fig. 27 : Projet réalisé, avec une arche articulée au sommet. 5

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Fig. 28 : dessin d’assemblage en aluminium pour les parties dÊployables du Ladybug

Fig. 29

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des lieux différents fait aussi travailler la structure et nécessite une certaine tolérance de la part des pièces. Les boulons au sommet de la pyramides tout comme ceux positionnés à la base jouent ce rôle. L’étanchéité assurée par des joints en néoprène concourt aussi à la flexibilité du pavillon. Une fois l’ensemble érigé, le plancher était fini puis les membranes internes déployées avant d’enfin pouvoir meubler le pavillon. Le pavillon a été utilisé en toute saison et devait en permanence maintenir un climat satisfaisant pour les ordinateurs. En hiver, le risque était l’humidité et notamment la buée sur les parois. Pour la chasser, un système emprunté au monde de l’aéronautique soufflait de l’air chaud depuis un conduit situé au sommet du pavillon à travers à des buses tournées vers les pyramides. L’été, un bâtiment transparent se prête facilement à la surchauffe comme une serre. Plusieurs solutions ont été déployées dans l’optique de réduire la température mais aussi l’éblouissement et les reflets sur les écrans. Un premier système actif de climatisation placé au centre du plancher pompait l’air vicié pour en injecter un neuf et frais. Un deuxième système passif associait pyramides opaques et écran de toile pour générer une ombre suffisante. Leur disposition ayant été réfléchie au moment des tests en phase de montage. Enfin, l’implantation dans le site, largement pensé en amont permettait de tirer au maximum parti des arbres environnants. Le projet d’origine était composé d’arceaux complets sur lesquels seraient venus se fixer les pièces en aluminium faisant office de joints, sur lesquels auraient été fixés les pyramides. Bien que cette solution ait été parfaitement réalisable, elle aurait rendu le pavillon compliqué à démonter et à transporter. Un arceau complet en bois était trop encombrant tandis qu’installer chaque pyramide individuellement rallongeait considérablement le temps de montage. C’est seulement après que fut développée l’idée du quart d’arceau avec des modules de trois pyramides, bien plus faciles à manipuler par les ouvriers. D’autant plus que les pyramides restaient fixées à la structure en bois, ils suffisaient donc de les empiler dans les camions pour les stocker. Une autre idée avait été proposée au démarrage du projet, pour régler à la fois les problèmes lumineux et thermiques : une double pyramide de polycarbonate formant des poches, elles même remplies de gaz photosensible. Cependant, malgré le côté magique de cette solution, aucun membre de l’équipe n’arriva à la mettre en œuvre. La façon de travailler du Building Workshop est souvent axée autour d’une phase de conception longue et approfondie, largement documentée car jalonnée de nombreuses étapes. Une fois la forme fixée en demi-cylindre, la création des demi-arches a été un parcours complexe. Chaque pièce a été dessinée, fabriquée une première fois, modifiée ou abandonnée comme

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dans le cas des doubles pyramides. Si on parle toujours d’un travail itératif pour la création d’un projet, peu d’architectes vont jusqu’à la création de prototypes à l’échelle réelle.

Ici, la préfabrication a joué un rôle prépondérant. D’abord, les pièces en aluminium ont été moulées dans un atelier et directement testées, tout comme les pièces en lamellé-collé. Piano va jusqu’à l’assemblage d’une arche complète échelle 1 :1 pour vérifier que tous les éléments travaillent comme prévu dans la structure, mais aussi pour s’assurer de sa légèreté et de sa résistance. Une grande attention est portée au plus petit élément tout comme à l’ensemble créé. « Toutefois, le pavillon diffère significativement des structures précédentes de Piano, tant par la richesse des matériaux que par l’hommage rendu à l’artisanat. Au lieu des anciennes structures fragiles et sans substance, les piliers de bois coulé créent une présence sensuellement tactile qui attire le visiteur. (C’est presque comme si les énormes gerberettes moulées du Centre Pompidou avaient été réduites et placées à portée de main). »13 De son inscription dans la ville à la conception des pièces en aluminium, le jeu d’échelles dans la conception du pavillon est riche et complexe. L’arrivée dans une nouvelle ville générait à elle seule un grand travail. Le pavillon était installé dans un lieu central et presque systématiquement dans un parc. Sauf une fois où il a été placé sur une péniche. Avant son arrivée le sol est préparé mais aussi les accès et le parc lui-même puisque les arbres étaient retaillés. A l’assemblage, aucune pièce n’excède 80cm de long seule, mais ensemble elles forment des éléments de plus grandes dimensions. Une fois tout assemblé le pavillon de 48m de long se présente comme un objet ayant une certaine uniformité tout en gardant très présents les trois matériaux qui le composent.

13 BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop: oeuvres complètes., Vol. 1, Londres : Phaidon, [1994] 2005, p110

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B – La couverture d’un site à Bibracte Le projet de couverture est né d’un besoin précis : l’absence de couverture pratique pour un grand site de fouille. Les éléments existant dans le commerce n’excèdent pas douze mètres de portée et ne supportent pas de charge trop importante comme la neige hivernale. Ce sont des structures de petite taille qui doivent être démontées chaque automne et remontées au printemps tandis que le site est protégé, interdisant l’accès au site durant l’hiver. En 2003, Bibracte lance un concours dans le cadre de sa mission de recherches pour la « conception et l’expérimentation de nouveaux outils et de nouvelles méthodes de travail en archéologie ». Le projet qui en résulte est un prototype, un modèle destiné à être reproduit sur d’autres sites de fouilles. C’est l’équipe de Paul Andreu et du bureau d’étude RFR qui va développer le projet. « Les objectifs généraux : - Couvrir des modules de fouilles de 300 à 900m², - S’affranchir au maximum des contraintes verticales, - Favoriser l’accès au public, - S’adapter à l’évolution des recherches, - Contribuer à renforcer l’image du chantier en cours, - Améliorer et requalifier un lieu de travail évolutif. Les fonctions souhaitée pour ce type d’équipement : - Protection des fouilles (de l’eau, de la neige), - Protection des chercheurs (de la pluie, de la neige, du vent, du soleil), - Libre accès aux engins, - Accueil des visiteurs sans perturber les chercheurs. Les principales questions auxquelles le concepteur doit répondre sont les suivantes : - Comment traiter un chantier de fouilles de 3000m² avec des unités modules de 300 à 900m² qui s’adaptent aux particularités des chantiers, dont la portée minimale est de 15m et dont la perspective d’avenir est de 10 ans ? - Comment concilier légèreté, mobilité, durabilité d’une structure qui résiste au vent, au poids de la neige en optimisant les coûts de construction et d’entretien ? »14 14

ANDREUX PAUL, dossier de presse, p2

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Fig. 31

Fig. 32

Fig. 33

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Fig. 34

Fig. 35

Fig. 36

Fig. 37

Fig. 32 et 36 : Dans le sens longitudinal, la structure présente une forme courbée. Les poutres Ming sont alors différentes pour s’adapter. Leur membrure supérieure épouse la forme de la courbe. Dans le sens transversale la structure est horizontale, tout comme la membrure supérieure des poutres. Fig. 33 et 37: Répartition des différents types de poutres Ming sur le projet. Chaque module de quatre est composé de poutres légèrement différentes.

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Fig. 38

Fig. 39

Fig. 41

Fig. 38, 39 et 40 : plan, moule et pièce fini pour le triangle central des poutres Ming. Cette pièce a été prototypée plusieurs fois pour obtenir la forme définitive. Fig. 41 : Les prototypes ont été accompagnés d’études informatiques sur les contraintes subies par la pièce moulée centrale. Au final, l’extrémité inférieur a été épaissie pour répondre aux besoins de la structure.

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Fig. 40 Les objectifs fixés par le client montrent déjà une complexité dans le projet, notamment un emboîtement d’échelles : une structure manipulable, adaptée à des modules de fouille de différentes tailles tout en proposant un franchissement important sans structure intermédiaire. Un système constructif est proposé, adapté d’un système chinois appelé « Ming ». C’est une répétition de petits éléments légers et identiques qui sont connectés par des articulations. Chaque élément est ainsi maintenu dans la structure par ses voisins, formant des modules juxtaposés, reposant sur des poteaux à la limite du système. Les poutres formant ses modules sont des tiges en aluminium de 3,75m de long et de 43kg. Ce poids est ainsi inférieur aux 50 kg considéré comme étant le poids maximum qu’un individu peut soulever. Assemblées entre elles, les poutres forment des carrés de 1,80m de côté, et ensemble une couverture de forme modulable allant jusqu’à 30 mètres de portée. Ce système de poutres, aussi appelé nexorade, présente un autre avantage intéressant : la structure est insensible aux tassements d’appuis. La rigidité est garantie par le décalage géométrique de chaque poutre. L’assemblage de cette structure peut être réalisée par simplement deux individus. Une fois cette structure primaire montée, elle est recouverte d’une toile PVC tendue par des lests. Ces lests permettent de lutter contre le soulèvement de l’ensemble puisqu’elle n’a pas de fondation où être accrochée. En hiver, l’ajout de poteaux à l’intérieur de la structure permet de supporter le poids de la neige tout en évitant un sur-dimensionnement des poutres pour le reste de l’année ; et donc de garantir leur légèreté.

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La phase de conception a été accompagnée de prototypes en grandeur réelle. La poutre triangulaire a notamment été testée plusieurs fois pour sa résistance, son poids mais aussi la facilité d’assemblage des éléments entre eux. Entre chaque test, elle a été redessinée et un échange a eu lieu entre l’architecte, l’équipe d’ingénieurs mais aussi l’entreprise de fonderie. Ces différents essais ont permis d’optimiser la géométrie de la poutre, notamment au niveau des nœuds, pour garantir une résistance optimale de la structure tout en diminuant le poids au minimum.

C – Relations entre les deux projets D’un côté le pavillon IBM exploite la préfabrication comme un outil pour assembler différents matériaux ensemble. Chacun est exploité au mieux de ses capacités et liés entre eux par des systèmes complexes dont la précision a été optimisée grâce à la préfabrication. La disposition de chacun permet de créer une structure peu commune, une série de portiques en arche et en trois dimensions où les fibres de bois sont mises à distance grâce aux pyramides pour donner de l’inertie. Au contraire, la couverture du site de fouille exploite un matériau unique, déployé sous une forme unique et répétée elle aussi ajustée finement grâce à la préfabrication. Ici la structure est connue que l’on appelle celle-ci système Ming ou nexorade. Ici c’est la recherche de la forme optimale de la poutre qui a été primordiale, pour obtenir une résistance et un poids optimum. Dans ce projet, la structure est indépendante de la couverture qui se déploie par-dessus avec un système de lestes pour lutter contre le soulèvement. Dans ces projets, la lecture des échelles est présentée différemment. Pour le Pavillon IBM, le choix des différents matériaux donne à lire jusqu’à la plus petite pièce d’assemblage. Celle-ci s’inscrit dans un ensemble plus grand et ainsi de suite jusqu’à l’arche, au pavillon entier et même son inscription dans la ville, malgré sa nature temporaire. Dans le cas de Bibracte, le choix d’une grande pièce unique et répétée dans plusieurs sens brouille la lecture de l’individu « poutre » au proje d’une nappe continue. Impression renforcée par la couverture qui est détachée de la structure et se déploie de façon continue au-dessus. De plus, elle a pour but de ne pas altérer le sol, donc son inscription dans le site se fait de façon légère et en ne couvrant pas l’intégralité des fouilles mais seulement une partie. Malgré les différences entre ces deux projets, ils se rejoignent sur des points communs primordiaux : tous les deux font usage de la préfabrication pour explorer et tester les possibilités des projets. Ces tests sont pour les deux projets des prototypes à l’échelle réelle des éléments clés, que ce soit une arche complète ou une poutre. La préfabrication a dans les deux cas induit la répétition d’un module qui se développe pour créer la structure, que ce soit dans une ou deux directions.

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III – Une complexité maîtrisée A – Les avantages de la préfabrication 1 – La légèreté Une des évolutions notables avec le développement de la préfabrication est l’allègement des structures. La construction traditionnelle en murs pleins ou même à pan de bois sont des architectures ayant un poids propre lourd. Comme nous l’avons souligné en première partie, la progression en architecture n’est pas seulement l’apport de nouveaux matériaux plus performants dans le monde de la construction, mais aussi la façon de les mettre en forme. La géométrique compte autant que le choix du matériau et ses capacités intrinsèques. Une poutre treillis franchissant une grande portée aura un poids largement inférieur à son équivalent en béton. A nouveau, la préfabrication a apporté une nouvelle maitrise de ce paramètre, permettant l’allègement des structures. Le travail de Prouvé pour créer des maisons flexibles en est la démonstration. Il développe le concept de la maison usinée, légère et démontable et cela au travers du recours à la préfabrication d’éléments. De son expérience dans les ateliers, il travaille des matériaux légers comme la tôle d’acier plié. Certains de ses projets comme la Maison des jours meilleurs sont des bâtiments facilement assemblables et démontables. Ici aussi le rapport à la manipulation d’élément par des personnes participe à sa conception des éléments. La taille mais aussi le poids des panneaux qui doivent rester manipulables, bien que les chantiers soient assistés d’engins de levage. La maison entièrement préfabriquée est alors montée en sept heures. Sur les études de cas développées dans cette étude, ce sont toutes deux des structures légères où la structure est réduite à une mince ossature. Le poids a joué dans les deux cas un rôle décisif. Et non seulement pour leur caractéristique essentielle d’être montées la main mais aussi pour des conditions de transport. La préfabrication s’impose pour permettre la gestion de la matière, son optimisation, et faciliter sa mise en œuvre. Le pavillon IBM a démontré d’ailleurs certaines faiblesses à l’usage qui auraient dû être corrigées avec le pavillon Ladybug. De l’autre côté, le site de fouille est toujours en activité et la structure n’a pas eu (encore ?) à être déplacée. Son impact visuel est tellement fort pour l’image du site et du musée qui l’accompagne qu’il est aujourd’hui possible de se demander si son statut de repère ne bloque pas sa vocation à être un jour démontée.

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La maitrise qu’offre la préfabrication sur la matière est le vecteur principal de cet allègement. Du fait de la conception en amont des pièces et de la possibilité de test grandeur réelle, il est possible de laisser le minimum de matière. Le matériau est utilisé dans ses capacités optimales que ce soit dans sa géométrie ou dans la position dans la structure.

2 – La production sérielle La production sérielle dans le cadre de la préfabrication en architecture se divise en deux branches : la préfabrication dite ouverte ou fermée. La préfabrication ouverte est le fait de concevoir des éléments adaptables à plusieurs situations, plusieurs projets. Ils sont généralement basés sur un développement modulaire et se déclinent dans une gamme, un catalogue, d’éléments qui peuvent être assemblés entre eux. La préfabrication fermée est quant à elle restreinte à un projet. Chaque pièce est pensée à l’avance pour remplir une fonction précise dans une structure déterminée. Il y a deux façon d’aborder la préfabrication fermée: soit en constituant un mécano complet comme pour le pavillon IBM, soit en créant un système modulaire proliférant comme dans le cas de la couverture du site de fouille à Bibracte. L’idée de la préfabrication est de faciliter la construction sur site. La production des pièces dans un atelier ou une usine permet de contrôler leur qualité. Elles sortent du même moule, pour les pièces en métal, et on peut avoir en un coup d’œil un aperçu de la série produite. Cela permet de repérer les éventuelles différences entre les objets produits. La préfabrication permet aussi de réduire les coûts quand le volume produit est suffisamment important. Soit c’est la fabrication d’éléments utilisés sur plusieurs projets différents comme les menuiseries des fenêtres. Soit c’est un élément répété un grand nombre de fois sur un même projet. Pour le pavillon IBM, le module de base peut être considéré comme une pyramide et son environnement direct, à savoir trois cordes de bois et les noeuds en aluminium. Ce module est répété six fois sur une arche et il y a 34 arche. Il y a ainsi 204 modules pyramides sur l’ensemble du pavillon. Et dans ce module même plusieurs pièces sont identiques. Comparé au 183 poutres Ming réparties en cinq catégories différentes, les deux projets se situent dans le même ordre de grandeur de répétition. Par deux fois les concepteurs arrivent donc à des solutions pour profiter pleinement des avantages offerts par la préfabrication. Ces paramètres permettent ensuite une meilleure mise en œuvre sur le chantier et un gain de temps. Dans le cadre des projets étudiés, le temps est un facteur important, notamment pour le pavillon IBM et son agenda de voyage.

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3 - Le prototypage « 182. La recherche et le développement expérimental (R-D) englobent les travaux de créations entrepris de façon systématique en vue d’accroître la somme de connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société, ainsi que l’utilisation de cette somme de connaissances pour concevoir de nouvelles applications. […] 183. La construction et l’essai d’un prototype représentent souvent la phase la plus importante du développement expérimental. Un prototype est un modèle original (ou une situation d’essai) qui présente toutes les caractéristiques techniques et les performances du nouveau produit ou procédé. L’acceptation d’un prototype correspond souvent à la fin d’une phase de développement expérimental et au début des phases suivantes du processus d’innovation. »15 Les prototypes sont des objets conçus pour tester une ou plusieurs qualités d’un projet afin d’en valider sa conception. On peut ainsi apprécier soit la structure, l’esthétique, la faisabilité ou bien tout à la fois, si le prototype le permet. Celui-ci peut être le projet entier mais en architecture il est plus généralement limité à une partie du fait de la taille des objets. Il vient généralement compléter un travail de recherche et de conception qui a pu être alimenté par des maquettes (physiques ou informatiques), des dessins et tout autre support. Il est l’aboutissement de recherches, fixant un état du projet à partir duquel il faudra résoudre les problèmes qu’il soulève. Dans ces deux projets, nous remarquons l’usage important des prototypes et des tests grandeur nature. Les démarches se rejoignent dans la direction de l’innovation pour répondre à un problème unique. Dans les deux cas, l’aluminium est choisi non seulement pour sa légèreté mais aussi pour la facilité à le mouler et donc à le reproduire à l’infini. Le Building Workshop de Piano a inscrit cette démarche prospective dans le fonctionnement même de l’agence. La coopération entre architectes, ingénieurs mais aussi artisans est très importante dans la conception des projets. Dans le cas d’un pavillon, c’est d’autant plus frappant que les pièces produites sont d’une dimension qui reste dans la création artisanale, la conception de prototype est facilement appréhendable. Pourtant, même pour un bâtiment comme Beaubourg avec des pièces de huit mètres comme les gerberettes, la démarche est la même que pour un pavillon dont les pièces d’assemblages se mesurent en centimètres. 15 OCDE, Manuel d’Oslo, 1993, p46

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« Notre approche du design est pas strictement classique et implique l’utilisation de modèles physiques et des maquettes à l’échelle réelle pour aider à tester et développer nos concepts proposés. Nous croyons également que le processus de conception est pas linéaire et qu’il nécessite architectes à penser et à dessiner à des échelles différentes en même temps, prenant en compte chaque détail achevé dans le développement de la conception globale. »16 Nous pouvons y voir un souci d’anticipation et de précision réglés par une grande quantité de tests, mais aussi une intégration de la tolérance puisque les deux projets sont voués à être démontés et remontés plusieurs fois. Un des points communs à ces deux études est l’usage du prototype dans le processus de création. Du fait de la dimension des objets créés par l’architecture, ce n’est pas une démarche qui tombe sous le sens. Il est plus aisé d’imaginer le prototypage dans des domaines comme le design. L’architecte a tendance à travailler avec des maquettes, des modèles numériques et à s’appuyer sur les calculs de l’ingénieur. Pourtant, le prototype permet de tester bien plus que le bon fonctionnement d’un élément dans l’ensemble. «Les avantages du prototypage sont considérables et ne sont pas nécessairement coûteux ou chronophage. Le prototype peut être produit pour tester un principe d’ingénierie, l’ajustement d’un composant ou de mesurer sa qualité esthétique. » 17 Le prototypage est réellement quelque chose que l’on planifie en amont, pour savoir quelle partie sera ainsi réalisée. Dans le projet de Renzo Piano, il y a même plusieurs phases de prototypage : une phase où les éléments en aluminium sont taillés dans du bois pour tester la forme. Puis une seconde phase où ils sont réellement coulés en aluminium. Pour ce qui est des parties en polycarbonate, plusieurs essais sont faits pour faire une double épaisseur de polymère et générer entre les deux un espace confiné qui puisse être opacifié à l’aide d’un gaz. Malgré divers tests, cette idée n’aboutit pas et est écartée au profit d’écrans de tissus tendus dans le pavillon.

16 Renzo Piano Building Workshop, company profile « Our approach to design is not strictly conventional and involves the use of physical models and one-to one scale mockups to help test and develop our proposed design concepts. We also believe that the design process is not linear and that it requires architects to think and draw on different scales at the same time, considering each finished detail in the development of the overall design. » 17 STACY Michael, Component Design, Italy, Architectural Press, 2001, p176 « The benefits of prototyping are considerable and are not necessarily expensive or time consuming. The prototype may be produced to test an engineering principle, the fit of a component or to measure its aesthetic quality. »

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Demande

Contraintes

Hypothèse(s)

Dessins

Maquettes

3D

Test

Modèle

Validation des hypothèses

Prototype

Production

Étapes intégrant la préfabrication

Fig. 42 : processus de projet fonctionnant avec l’étape prototype, d’après les études réalisées.

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Identification d’un problème


Prototype

Améliore

Maitrise

Préfabrication

Coût

Légèreté

Facilité de mise en œuvre

Qualité

Fig. 43 : préfabrication et prototype ne vont pas toujours de paire, mais offrent des avantages à être utilisés conjointement.

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B – La fabrication d’un tout L’architecture a toujours été un objet de complexité intimement lié avec d’autres domaines de recherches. Que ce soit la politique, le religieux mais aussi les sciences. Les changements de paradigmes des sciences au cours de l’histoire ont directement affecté le monde de l’architecture. Le passage de la terre centre de l’univers et de toutes choses au système solaire tel que nous le connaissons aujourd’hui résonne fortement avec les recherches autour du plan centré puis de son éclatement en architecture. Le terme de complexité renferme ainsi un grand nombre de paramètres qui affectent l’architecture. Pour la structure et la conception du bâtiment, l’emboitement des échelles en fait partie et à sa façon génère une problématique que l’on peut appeler la génération d’un tout. Pour Edgar Morin, éléments et ensemble entretiennent une relation complexe et qui n’est pas forcément cumulative. Certains éléments de la structure ne seront pas exploités dans toutes leurs potentialités mais dans celle(s) qui convient au système choisi pour la structure. « Le tout est moins que la somme des parties : cela signifie que des qualités, des propriétés attachées aux parties considérées isolément, disparaissent au sein du système » 18 Néanmoins, cet aspect apparemment négatif du tout est compensé par un autre : certaines qualités des éléments n’apparaissent qu’une fois en position dans l’ensemble auquel ils doivent appartenir, comme un nœud d’aluminium ne présente pas d’intérêt tant qu’il n’est pas relié à sa structure. La position antagoniste d’éléments créée des confrontations intéressantes et exploitable. La mise en tension d’éléments en architecture est souvent le résultat de ce genre de système, où deux éléments qui s’opposent créent un système tirant profit de cette situation. C’est d’ailleurs l’autre postulat de travail de Morin, il parle d’émergent ou de micro-émergences. « Des qualités inhérentes aux parties au sein d’un système donné sont absentes ou virtuelles quand ces parties sont à l’état isolé ; elles ne peuvent être acquises et développées que par et dans le tout. »19 Le choix pour chaque élément des qualités qui vont être exploitées et de celles qui seront laissées de côté est le travail des concepteurs, et ce en fonction des paramètres que le projet impose. Dans son livre, Alain Farel 18 MORIN Edgar, La Méthode 1 : la nature de la nature, Paris, Editions du Seuil, 1977 19 Ibidem

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prend l’exemple de la Bibliothèque de France où la hiérarchisation des contraintes du projet aboutit à des choix pénalisants pour le projet. Dans ce cadre de ce projet, la balance créée par l’objet final est défavorable. Trop d’éléments perdent leurs qualités qui sont diluées dans l’objet qu’est la bibliothèque. L’architecture est ainsi en permanence confrontée à des facteurs à la fois contradictoires et complémentaires. L’architecture est un assemblage d’éléments entre eux pour constituer un élément plus grand. C’est en quelque sorte une conception organique de la structure. Comme les feuilles et les branches forment un arbre, les éléments forment un bâtiment. Ici les nœuds et les éléments longilignes forment la structure. Ils ne peuvent pas fonctionner les uns sans les autres, et dans le cas de projets comme celui de la couverture du site de fouille, il devient même difficile de déterminer la limite des éléments. « La construction est l’art de faire un ensemble signifiant à partir de plein de choses. Les bâtiments sont témoins de la capacité humaine à construire des choses concrètes. Je crois que le véritable noyau de tous les travaux d’architecture réside dans l’art de la construction. A un moment où les matériaux concret sont assemblés et érigés, l’architecture que nous avons espéré devient partie du monde réel. Je ressens du respect pour l’art de se joindre, cette capacité des artisans et ingénieurs. Je suis impressionné par la connaissance de l’homme sur comment faire les choses. »20 Le tout est une des dimensions magiques des objets, qu’ils soient du fait de la nature ou de la main de l’homme. Juxtaposer ou assembler des éléments jusqu’à ce que nous reculions d’une échelle et que nous percevions un nouvel élément unique. Mais si nous regardons à plus petite échelle, nous pouvons de nouveau voir ces pièces qui le composent. Ce mouvement de va et vient est essentiel à toute les étapes de conception du projet. Durant la conception, l’architecte peut modifier un élément à une échelle et doit ensuite balayer l’ensemble des échelles du projet pour vérifier que la modification s’ajuste partout. Si ce n’est pas le cas, une nouvelle modification est faite ainsi qu’un nouveau balayage. L’ajustement des projets est un mécanisme itératif. Au-delà de la dimension technique de la complexité à laquelle la préfabrication apporte un panel de solution, l’architecture se déploie dans bien d’autres domaines. 20 ZUMTHOR Peter, Thinking architecture, Basel, Birkhäuser, 2010 « Construction is the art of making a meaningful whole out of many parts. Buildings are witnesses to the human ability to construct concrete things. I believe the real core of all architectural work lies in the art of construction. At a point in time when concrete materials are assembled and erected, the architecture we have been looking for becomes part of the real world. I feel respect for the art of joining the ability of craftsmen and engineers. I am impressed by man’s knowledge of how to make things. »

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« L’architecture doit donc convoquer à son chevet non seulement la technique (de construction), et le design (au sens de conception d’une forme), mais également l’urbanisme, la sociologie, la psychologie, l’histoire voire la mythologie, la culture dans tous ses aspects, la démographie, l’économie, l’écologie ; et cette liste n’a rien de limitatif, plusieurs de ces disciplines devant d’ailleurs être prises dans toute leur dimension prospective. »21 La préfabrication exploitée dans toutes ses possibilités, à savoir jusqu’à la fabrication de prototypes, permet à l’architecte de se placer dans une démarche d’innovation. D’autre part, si les métaux sont des matériaux facilement appréhendables dans ce mode opératoire, les autres matériaux ne sont pas exclus. Le béton est lui aussi un matériau que l’on peut mouler et reproduire, mais d’autres matériaux traditionnels comme la terre cuite sont de nouveau dans le champ de recherche pour de nouvelles façons de construire. Cette position de chercheur permet aussi de se pencher de façon approfondie sur des paramètres de la complexité induite par des nouveaux rapports d’échelles maîtrisés.

21 FAREL Alain, Architecture et complexité, Le troisième labyrinthe, Paris, Les éditions de la passion, 1999

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Conclusion L’imbrication des échelles dans un projet est un problème qui se pose à chaque nouveau projet. Chaque architecte y est confronté à sa manière, selon sa façon d’aborder le site, l’environnement mais aussi la conception des espaces dans son projet. Il existe un grand nombre de façons de répondre au problème et la préfabrication peut en être une, ou du moins une aide. Elle apporte avec elle un certain nombre d’outils à l’usage de l’architecte et de l’ingénieur qui permettent une maîtrise nouvelle du projet. L’anticipation est un point clé de la préfabrication, et ce à travers différents points comme la gestion de la production, la possibilité de créer des prototypes. La préfabrication apporte donc des solutions pour faciliter les imbrications d’échelles, mais elle permet aussi de montrer une nouvelle complexité. Quand la préfabrication conduit en plus à la répétition, pour exploiter sa capacité sérielle, elle a la capacité de renforcer la notion d’emboîtement d’échelles car la répétition d’un module lui donne de la force d’expression, le conforte en tant qu’un tout et ce tout en gardant l’identité de chaque sous élément qui le compose. Les assemblages se donnent à lire et, par voie de fait, offrent une certaine forme de complexité au projet. On peut opposer cette façon de faire à celle d’un béton coulé sur site qui génère un espace continu où les assemblages sont cachés, masquant une partie des sous-ensembles au profit du tout. Une fois ces outils en main, il est possible d’affronter ce concept flottant qu’est l’échelle ou plutôt les échelles.

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Iconographie Fig 1 : POTIE Philippe, Philibert de L’Orme : figures de la pensée constructive, Marseille, Parenthèses, 1996 Fig 2 : CAPOTOSTO John, Basic carpentry, Reston, Reston Publishing Compagny, 1975 Fig 3 et 4 : SNYDER Robert, Buckminster Fuller : scénario pour une autobiographie, Vérones, Images Modernes, 2004 Fig 5, 6, 10 et 12 : DATRY Annabelle, MEUNIER Aymeric, PILLIER Eric, Structures avancées 3ème année, Cours de l’école d’architecture de la ville et des territoires, 2012 Fig 7 et 8 : SALVADORI Mario, Comment ça tient ?, Marseille, Parenthèses, 2005 Fig 9, 13 et 14 : STACY Michael, Component design, Italie, Architectural Press, 2001 Fig 11, 21, 22, 23, 24, 25, 28, 29 et 30 : BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop: oeuvres complètes., Vol. 1, Londres: Phaidon, [1994] 2005 Fig 15 : BOUDON Philippe, Echelle(s), Paris, Anthropos, 2002 Fig 16 : LE CORBUSIER, Le modulor, Basel, Birkhaüser, 1948 Fig 17, 18, 19 et 20 : NERVI Pier Luigi, Aesthetics and technologiy in Building, The Charles Eliot lectures, 1961 – 1962, Cambridge, Harvard Universty Press, 1966 Fig 31, 34, 35, 39, 40 et 41 : http://www.tess.fr/projet/couverture-defouilles, consulté le 1/10/2015 Fig 26, 27, 32, 33, 36, 37, 38, 42 et 43 : documents personnels

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Bibliographie Généralité DE L’ORME Philibert, Nouvelles Inventions pour bien bastir à petits fraiz, In Architecture, Bruxelles, Mardaga, 1981 PEROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Philibert de l’Orme, Architecte du roi (1514-1570), Paris, Mengès, 2000 POTIE Philippe, Philibert de L’Orme : figures de la pensée constructive, Marseille, Parenthèses, 1996 MCMURRY Sally, ADAMS Annmarie, People, power, places, Knoxville, University of Tennessee press, 2000 GRAF Franz, DELEMONTHEY Yvan, Architecture industrialisée et préfabriquée: connaissance et sauvegarde, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012 HAMBURGER Bernard, VENARD Jean-Louis, CONAN Michel, Série industrielle et diversité architecturale, Atelier de recherches et d’études d’aménagement, Paris : la Documentation Française, 1977 SNYDER Robert, Buckminster Fuller : scénario pour une autobiographie, Vérones, Images Modernes, 2004 BOUDON Philippe, Introduction à l’architecturologie, Paris, Dunod, 1989 BOUDON Philippe, Echelle(s), Paris, Anthropos, 2002 GUBLER Jacques, Jean Tschumi, architecture, échelle, grandeur, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2008 LE CORBUSIER, Le modulor, Basel, Birkhaüser, 1948 LE CORBUSIER, Le modulor 2, Basel, Birkhaüser, 1955 ZUMTHOR Peter, Thinking architecture, Basel, Birkhäuser, 2010 NERVI Pier Luigi, Aesthetics and technologiy in Building, The Charles Eliot lectures, 1961 – 1962, Cambridge, Harvard Universty Press, 1966 DATRY Annabelle, MEUNIER Aymeric, PILLIER Eric, Structures avancées 3ème année, Cours de l’école d’architecture de la ville et des territoires, 2012 KOLB Joseph, Bois, systèmes constructifs, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2010 GOTZ Karl-Heinz, HOOR Dieter, MOHLER Karl, NATTERER Julius, Construire en bois, choisir, concevoir, réaliser, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 1987

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GERALD Jean, L’acier matériau de construction, Cours de l’école des Ponts ParisTech, 2014 SALVADORI Mario, Comment ça tient ?, Marseille, Parenthèses, 2005 STACY Michael, Component design, Italie, Architectural Press, 2001 BERNARD Paul, La construction par composants compatibles, Le Moniteur, 1979 HOYET Nadia, Concevoir avec les composants, La pratique architecturale et les conventions de coordination modulaire, 1981 STILLER Adolph, « Des bâtiments démontables et transportables », In Jean Prouvé : La poétique de l’objet technique, Weil am Rhein, Vitra Design Museum, 2000 CERON Jean-Paul, La société de l’éphémère, Paris, MSH, 1979 ABRAHAM Pol, Architecture préfabriquée, Paris, Dunod, 1949 CHEMETOV Paul, Création architecturale et industrialisation : pour une architecture de composants industriels, 1971 OCDE, Manuel d’Oslo, 1993 MORIN Edgar, Science avec conscience, Paris, A. Fayard, 1982 MORIN Edgar, La complexité humaine, Paris, Flammarion, 2008 MORIN Edgar, La Méthode 1 : la nature de la nature, Paris, Editions du Seuil, 1977 FAREL Alain, Architecture et complexité, Le troisième labyrinthe, Paris, Les éditions de la passion, 1999

Etudes de cas Pavillon IBM BUCHANAN Peter, Renzo Piano Building Workshop: oeuvres complètes., Vol. 1, Londres: Phaidon, [1994] 2005 BORDAZ Robert, PIANO Renzo, Entretiens, Paris, Cercle d’art, 1997 KRONENBURG Robert, Portable architecture; 3ème éd., Oxford, Architectural press, 2003 Exposition : Renzo Piano Building Workshop, La méthode Piano, Cité de l’architecture et du Patrimoine, 11/11/2015 - 29/02-2016 Ressource en ligne : http://www.rpbw.com/, consulté le 7/10/2015

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Couverture du site de fouille Documents de marché, agence TESS Andreu-Vaudeville-Aubry, couverture de fouilles, site de Bibracte, Le Moniteur architecture, (2010, avril) n°196, p56-57 ANDREUX PAUL, dossier de presse, 2008 Ressource en ligne : http://www.tess.fr/projet/couverture-de-fouilles, consulté le 1/10/2015 http://www.bibracte.fr/, consulté le 7/10/2015

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