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Actions - principes de Mise en culture

Une nouvelle page pour la pierrière de la Lustre - la mise en culture

La mise en culture de la carrière est la clé de voûte de sa valorisation. C’est la rendre utile pour son territoire, c’est le moyen de retrouver la richesse dans la faiblesse. Ici la ressource produite est renouvelable, ne demande pas de fragiliser davantage ces paysages. L’orientation pour ce projet n’est pas gratuite, pourtant cela ne semble pas évident à mettre en place: c’est un sol pauvre, drainant, alcalin (donc à faible capacité d’assimilation de nutriments pour les plantes)… Le sol de la carrière est encore jeune, la colonisation a dû commencer il y a une centaine d’année, or il faudrait 500 ans pour obtenir 5 cm de terre (INRA Orléans). Cependant le sol n’est jamais mort, ou inculte. On le voit bien, le sol est foncièrement calcaire mais il est le support d’une grande biodiversité. Aucun terrain n’est parfait, aucune méthode n’est à jeter ou miraculeuse. Il suffira d’adapter les techniques de production à la forme du site ; les essences cultivées à la nature du sol pour optimiser la productivité, ainsi remporter ce défi de rendre la carrière culte, utile.

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La pédogénèse la formation d'un sol (source : SVTMaroc)

Roche mère

Colonisation par des végétaux pionniers et début d’érosion par les conditions météos.

Formation d’un horizon d’altération Développement de végétation, érosion accélérée par l’action des racines.

Pour la Pédogénèse, la création d’un sol, des couches de végétation pionnière s’enchaînent cycliquement et se superposent année après année, alimentant une couche de matière organique, permettant à des plantes aux racines de plus en plus grandes, de s’installer et de se nourrir. Ces racines finalement robustes approfondissent l’altérité de la pierre, alors que la couche de matière organique s’enrichit en surface. Les racines des arbres et arbustes en place ont certainement commencé à éroder en profondeur, déstructurer la roche mère. Il est trop tôt pour parler d’horizons diversifiés, en revanche l’horizon humifère doit atteindre un mètre par endroit.

Formation d’un horizon humifère

Diversification exponentielle de la végétation permise par le développement d’une terre végétale et d’un humus.

Diversification des horizons en profondeur

Approfondissement continu du sol, et développement d’horizons par le viellissement, et l’action de la vie du sol.

1.

Jardin de pierres sèches

Verger terrassé

Potager

1. Lieux de culture

m 25 50

3. Lisières

La partie jardinée du projet se divise en trois grandes parties: Au cœur de la carrière et face à l’entrée se trouvent le potager. De la culture en rangs, dessinée pour l’optimisation du cheminement, quatre serres pour les jeunes plants et l’expérimentation dans l’adaptation des essences introduites. Les planches maraîchères seront composées sur des principes d’associations vertueuses en termes de strates, de temporalité, d’enrichissement du sol… Sur les hauteurs sont installés les vergers, pour profiter au maximum de l’exposition. L’éperon central organisé en terrasses fera partie des circuits d’exploration et offrira de nombreux points de vu précieux sur l’ensemble du site. La partie la plus sèche des terrasses abritera un jardin de pierres sèches, cultivant des aromates, des plantes médicinales et autres herbes utiles au fourrage, aux purins et aux mulchs. La lisière des boisements de la partie sud du site est cultivée sur le principe de la forêt nourricière. C’est une vision de l’agriculture inspirée par la Forêt-Jardin, un gradient entre l’habitat de l’humain, travaillé et la forêt, un espace sauvage où c’est la nature qui régit les cycles de la culture. Il s’agit donc d’essences accompagnatrices: des bulbeuses et des petits fruitiers. Les clairières sont clôturées par périodes pour ajouter un élevage d’ovins, quatre têtes maximum pour consommer le fourrage issu du site et produire du fumier. Le mouton d’Ouessant serait un bel exemple d’association, on l’utilise pour nettoyer les sous-bois en zone d’arboriculture fruitière et d’agriculture traditionnelle.

1. Le potager, au plus proche des autres usages, nourrissant la localité

2. Jardin en terrasses, tirant parti des conditions du relief, dégageant des perspectives pour l’exploration

3. La lisière, rencontre d’espaces par la forêt-jardin et la forêt-pâturée

Les choix pratiques reviendront à l’exploitant.e, cependant en tant que paysagiste, j’ai des préconisations pour répondre aux particularités du site. Pour commencer, pour éviter au maximum le passage d’engins, on pourra économiser le travail du sol. Pour la préparation des planches, on pourra faucher les espaces à cultiver, composer cette matière, puis couvrir. C’est une technique de Faux semis, où on cherche à épuiser la banque de graines du sol, on parlera de solarisation par l’usage de bâches noire, faisant monter la température du sol, stimulant la pousse des plantes en place, permettant d’occulter et finalement tuer l’essentiel des adventices. Cette matière enrichira le sol avant même les premiers semis. Également, faire une culture principalement de carottes permettra de décompacter efficacement les sols, au moins pour une première saison. Leurs racines sont pivotantes et peuvent creuser aussi profondément qu’une bineuse ou un motoculteur et ce, sans boulverser l’équilibre « aerobie / anaerobie» du sol. Pour l’irrigation du site, des travaux de raccordement ou de forage sont très coûteux et potentiellement risqués. D’autant qu’ils ne sont pas primordiaux. Une agriculture intensive demande énormément d’eau, mais sur une échelle d’exploitation comme celle-ci, on pourra préconiser un arrosage très limité, même par cette nature de sol. Une couverture régulière et généreuse de mulch conservera l’humidité en surface pour la relâcher progressivement, en plus d’apporter des nutriments desquels les sols calcaires peuvent manquer. Le mulch est un paillage composté en l’occurrence composé de purin d’accompagnatrices, Bois raméal fragmenté BRF et autres broyats récupérés auprès des déchetteries et entreprises d’espaces verts de la région. On peut ajouter que les semences paysannes, en plus d’être capable de se reproduire, demandent de moins grandes concentrations d’eau, voir pas d’arrosage du tout. On pourra toute fois prévoir deux récupérateurs d’eau de pluie d’1m³ par serre, huit en tout. Cela permettra d’arroser un dixième à un cinquième des quantités recommandée dans un potager conventionnel, pour accompagner les semis et compenser les périodes sèches.

Certains légumes et aromates tolèrent les sols calcaires, quelques uns les préféreront. Notamment pour ses vertus anti-fongiques, profitables notamment aux Bracicacées (brocoli, colza, cresson de fontaine, chou, chou de Bruxelles, chou-fleur, chou-rave, kale, mizuna, moutarde, navet, radis, raifort, rapini, roquette, rutabaga). Les asperges, bettraves ou panais présentent de bons rendements sur des sols calcaires. L’association avec des trèfles, vesces ou lupins peuvent être profitables pour leur capacité à fixer l’azote, enrichir le sol en nutriments desquels peuvent manquer les sols calcaires. Les essences du jardin sec peuvent aller des espèces de rocaille aux essences calcicoles, les achillées, armoise, centaurées, coquelicots, pavots lavandes, œillets, valerianne, sauge, thym. Pour les fruitiers des vergers, abricotier, pêcher, prunier, pommiers (Malus et Prunus), figuier ou encore vignes peuvent toujours s’adapter aux sols calcaires avec les bons porte-greffes. Sous le couvert des lisières, dans la forêt nourricière s’associent des essences forestières comestibles, les noisetiers, les cornouillers et les églantiers, les alliums (ail, ail des ours, oignon, oignon rocambole), ils invitent éventuellement à la cueillette.

Typologies des espaces nourriciers

a. Le potager - culture raisonnée, en rang et sous serre

Bracicacées - préférence pour sol calcaire

brocoli, colza, cresson de fontaine, chou, chou de Bruxelles, chou-fleur, chou-rave, kale, mizuna, moutarde, navet, radis, raifort, rapini, roquette, rutabaga

Asperges, bettraves ou panais - rendement satisfaisant sur sol calcaire

Fixateurs d’azote - essences accompagnatrices

trèfles (tous), lupins (sauvage et cultivé), luzerne, faux-Indigo bleu et jaune, astragale du Canada - Essences arborées : Aulne blanc et Robinier faux-acacia

b. Les terrasses - verger et jardin de pierres sèches

Fruitiers - sur porte-greffe adapté au calcaire (à associer aux fixateurs d’azote)

abricotier, pêcher, prunier, pommiers (Malus et Prunus), figuier ou encore vignes

Plantes de rocaille calcicoles - purin (engrais naturel), mulch (paillage construit) et usage médicinal

achillées, armoise, centaurées, coquelicots, pavots, lavandes, œillets, valerianne, sauges, thym

c. Les lisières - forêt cultivée par association d’essences, et pâturage itinérant d’ovins

Fruitiers forestiers - invitation à la cueillette

noisetiers, cornouillers et églantiers

Alliums - bulbeuses forestières

ail, ail des ours, oignon, oignon rocambole

Pâture - nettoyage écologique, compostage et fertilisation

Mouton d’Ouessant

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