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DOSSIER
DOSSIER
Entretien DE L’IMPORTANCE D’INSÉRER LES
Personnes En Situation De Handicap
Les Trophées mahorais de l’entreprise sont également l’occasion de mettre en valeur les publics actifs moins visibles. À cette occasion, l’association pour Adultes et Jeunes Handicapés a participé à la mise en place de la nouvelle catégorie « Handicap et inclusion » afin de valoriser les entreprises qui travaillent avec des salariés handicapés. Bruno de Bonnefoy, le président de l’APAJH à Mayotte, revient sur leurs motivations et les actions menées par l’association afin de faciliter l’insertion professionnelle de ces personnes.
Mayotte Hebdo : Existe-t-il beaucoup de discrimination ou de méconnaissance concernant l’emploi des personnes en situation de handicap à Mayotte ?
Bruno de Bonnefoy : C’est évident, mais pas qu’à Mayotte. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est infiniment plus important. Leur accès au droit est très récent. Chez nous, cela a commencé avec la MDPH, la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Mayotte. Mais il y a des tas d’autres choses qui ne sont pas du tout à jour, par exemple l’accessibilité dans les bâtiments, dans la rue. Rien n’est prévu pour les personnes en situation de handicap. Cependant il ne faut pas oublier qu’à Mayotte on vient de loin ! Il n’y a pas si longtemps, les handicapés étaient cachés dans les maisons. Maintenant, avec l’Éducation nationale, on commence à prendre en charge les enfants. Mais le problème qui se posait encore il y a 4-5 ans, c’est que lorsque la personne atteignait ses 18 ans, elle n’avait plus rien, sans forcément être handicapée intellectuelle.
M.H. : Que fait l’APAJH pour y remédier ?
B.B. : L’APAJH a mis en place la Prat. C’est une file active de 40 personnes en situation régulière sur le territoire. Elles font un bilan de compétences et puis, en fonction de cela et de leurs diplômes, on trouve des entreprises qui peuvent les accueillir. L’idée est qu’à terme cela débouche sur des embauches. Le dispositif n’existe qu’à Mayotte depuis deux ans, il devrait être dupliqué dans plusieurs régions de la métropole parce qu’il fonctionne très bien. En deux ans, il y a au moins 70 personnes qui ont pu avoir une insertion durable, c’est-à-dire un CDI dans les entreprises. Ceci est le premier axe d’action d’insertion par le travail de l’Apajh.
Le second est une entreprise adaptée, spécialement créée pour les personnes en situation de handicap. Ce sont uniquement elles qui travaillent dedans. Pour l’instant elles font seulement du nettoyage de véhicules, mais on a pour ambition d’étendre les activités au nettoyage de bâtiments. Ces personnes sont encadrées par des éducateurs. L’avantage est que l’entreprise adaptée est beaucoup plus souple qu’une entreprise normale.
M.H. : Une entreprise peut-elle être sanctionnée si elle n’embauche pas de personnes en situation de handicap ?
B.B. : C’est bien là le cœur du sujet. Maintenant, toutes les entreprises de 20 salariés ou plus sont tenues d’embaucher des personnes en situation de handicap. Cela doit représenter au moins 6% de leur effectif total. Si elles ne le font pas, elles ont une amende. Certaines entreprises, par méconnaissance peut-être, ne le font pas et payent l’amende. Parfois on a des situations plus compliquées. Des employeurs ont des salariés en situation de handicap mais qui ne sont pas reconnus comme tel. Parfois c’est le salarié lui-même qui ne veut pas être reconnu comme handicapé et son patron se retrouve à payer une amende qu’il aurait pu éviter. Mais le plus mauvais élève est l’État. Dans la fonction publique on est très loin des 6%. C’est dommage parce que c’est lui qui contrôle les entreprises alors qu’il n’applique pas ses règlementations.
B.B. : Lorsqu’un employeur décide d’embaucher une personne handicapée, il est accompagné, on va adapter le poste. Il y a plein d’accompagnements, notamment avec l’Agefiph. C’est une structure qui va non seulement permettre de financer l’aménagement mais il y a même une compensation si on estime que la personne en situation de handicap est moins productive qu’un salarié normal.
M.H. : Pourquoi avez-vous souhaité subventionner la catégorie « handicap et inclusion » pour cette neuvième édition des Trophées mahorais de l’entreprise ?
B.B. : Quand on célèbre les entreprises, on pense moins à des publics plus fragiles qui ont besoin d’un accompagnement plus particulier. C’est très bien de célébrer ceux qui font beaucoup d’argent, on en a besoin. Mais une société fonctionne bien quand on ne laisse pas de côté les plus faibles.
M.H. : Sur quels critères avez-vous choisi les cinq entreprises nommées ?
M.H. : De quelle manière est aidée une entreprise qui souhaite embaucher ces personnes handicapées ?
B.B. : Les entreprises que nous avons proposées sont de deux natures. Il y a des clients de l’entreprise adaptée, qui sont la SIM et les transports Salime. Quant aux trois autres [la laiterie de Mayotte, la régie territoire de Tsingoni et Adecco, NDLR], on souhaite qu’elles soient reconnues car elles ont embauché des personnes qui sortent de la Prat.
Entretien
47% des créateurs d’entreprises à Mayotte sont des femmes. Cette dynamique entrepreneuriale est à conserver pour tendre vers l’égalité. C’est l’une des missions de Taslima Soulaimana, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes à Mayotte, qui parraine la catégorie « Femme entrepreneure de l’année » lors des 9èmes Trophées mahorais de l’entreprise.
Mayotte Hebdo : Les femmes sont de plus en plus présentes dans l’économie mahoraise. Avez-vous observé des changements au niveau des postes, emplois ou responsabilités qu’elles occupent ?
Taslima Soulaimana : Ce que nous relevons, ce sont surtout beaucoup de nouveaux projets portés par des femmes de plus en plus ambitieuses. Des projets aussi qui touchent à différents domaines parce que jusqu’à maintenant, on avait tendance à avoir des activités liées au commerce, à tout ce qui est épicerie, textile et autres. Aujourd’hui, l’offre se diversifie énormément. Ces femmes se montrent de plus en plus innovantes.
M.H. : Comment valoriser justement cet entrepreneuriat ? Pourquoi le faire est primordial ?
T.S. : L’entrepreneuriat occupe une très grande place à Mayotte, nous avons cette chance d’avoir cette dynamique des femmes dans la création de l’entreprise. Nous, notre dynamique, c’est de vraiment valoriser, soutenir, accompagner ces femmes dans l’entrepreneuriat. Pour ça, nous travaillons avec des opérateurs locaux comme la BGE, l’ADIE, les couveuses d’entreprises, pour justement soutenir ces femmes selon leurs besoins.
Dès le début, elles vont avoir besoin d’un accompagnement. D’autres, au bout de 6 mois, un an de création, souhaitent voir un peu plus grand. L’idée est de soutenir ces opérateurs avec des financements. Ils vont mettre en place des projets qui vont répondre à des problématiques liées aux femmes qui se lancent dans l’entrepreneuriat. Il s’agit aussi de faire la promotion de ces parcours. C’est grâce à ces femmes qui osent se lancer dans l’entrepreneuriat, parce que ce n'est pas un chemin facile. Avant tout, ce sont des femmes, des mères, avec une vie de famille. Pour celles qui n’osent pas se lancer, il faut qu’il y ait une lisibilité des aides qu’elles peuvent recevoir. Il leur faut des personnes derrière elles pour les pousser à voir plus grand. L’entrepreneuriat est un levier important dans l’émancipation économique et l’autonomie financière de la femme. On accompagne le plus de femmes possible à monter leur projet, et à faire en sorte que ce dernier soit durable dans le temps. On sait que créer une entreprise, c’est beaucoup de défis, et que sur le long terme, la garder, c’est compliqué.
M.H. : L’égalité professionnelle est quelque chose d’important pour vous. Quels sont vos projets et vos objectifs pour atteindre cette égalité ?
T.S. : L’objectif, c’est de poursuivre sur cette voie de l’égalité réelle. Finalement, réglementairement, tous les textes font en sorte que l’on ait cette égalité. Mais nous, on veut arriver à cette égalité réelle. Pour y accéder, on a besoin des opérateurs, ce n’est pas seule que je vais y arriver. Ils jouent le rôle de cheville ouvrière sur le terrain. Ils ont chacun un public cible. C’est grâce aux projets qu’on monte en étroite collaboration avec ces collaborateurs qu’on réussira à développer cette voie.
L’objectif est d’aussi d’identifier les besoins de ses femmes. Cette année, nous avons l’ambition de signer le PAREF, qui est le Plan d’action régional pour l’entrepreneuriat des femmes. C’est une convention sur trois ans qui recense les problématiques du territoire. Elle répond par des fiches actions concrètes qui se développent au long des trois ans de la convention. On veut pour le moment donner une ligne directrice à cette mise en place de l’égalité réelle. On veut aussi maintenir la durabilité des entreprises créées par ces femmes et entretenir cette dynamique d’activité. Il est primordial par exemple de faire connaître le statut d’auto-entrepreneur à Mayotte, notamment pour sortir toutes ces femmes de l’économie informelle. Je reste attentive et ouverte à toutes propositions pour voir comment on peut répondre aux besoins et soutenir cette dynamique.
Cette année, une nouvelle catégorie a été ouverte pour les TME : Femme entrepreneure. Elle vise à récompenser des cheffes d’entreprise qui font preuve de réussite sur le territoire. Les nommées pour cette première étaient Zily (photo), Nadjlat Attoumani, Némati Toumbou Dani, Sophiata Souffou et Farrah Hafidou. Ce samedi 13 mai, lors de la cérémonie des Trophées Mahorais de l’Entreprise, au bar le Mermoz, c'est la première, qui mêle à la fois une carrière artistique et de cheffe d'entreprise, qui en est devenue la première lauréate.