![](https://assets.isu.pub/document-structure/231221151412-28b4b507d85b72272e6a83336c371433/v1/0bd2d5edf02564964b81d5fe23efb31a.jpeg?width=720&quality=85%2C50)
3 minute read
DOSSIER
en insertion professionnelle, pour les accompagner et les rendre employables.
M.H. : Vous venez d’évoquer différents profils, mais y’a-t-il beaucoup de jeunes coutumiers des violences ?
O. S. : Dans notre association la moyenne d'âge est de 24 ans. Donc on s’occupe beaucoup des jeunes, on en a douze actuellement. On travaille notamment avec la Protection Judicaire de la Jeunesse (PJJ), qui nous envoie des jeunes. En 2022, je me souviens, on en avait un qui venait de sortir de prison, et deux jeunes qui étaient tête de file d'une bande rivale à Kawéni. On les a recrutés chez nous, on leur a donné un contrat, on leur a confié des responsabilités et nous avons vu leur changement petit à petit. C’est parce qu'on leur a donné des opportunités alors qu’ils n’en avaient pas. Quand on les a responsabilisés, quand ils ont touché leur premier salaire à la fin du mois, quand ils ont vu ce qu'ils ont gagné, on a vu le changement d’attitude et de discours chez eux. On a vu leur attitude changer, on a vu le discours changer. C'est pour cela que je dis toujours que les SIAE sont parmi les solutions à cette délinquance-là. Le jeune a un conseiller en insertion professionnelle (CIP), qui va l’aider à monter un projet professionnel s’il en a un, et s’il n’en a pas du tout, il va lui en monter un pour qu'il puisse savoir ce qu'il veut faire dans la vie. Et on a aussi ce que l'on appelle un encadrant technique qui va le former à un métier. Je vais donner un exemple. Il y en a un qui est rentré dans notre chantier d'insertion mais qui voulait être ambulancier. Donc on lui a donné un support de travail, à travers nos chantiers d’insertion, pour qu'il puisse développer le savoir-faire et le savoir-être professionnel, pour qu’il se réveille le matin, qu’il sache respecter un règlement intérieur, l’autorité, son supérieur. Et en même temps, le CIP l’accompagnait pour passer des formations pour être ambulancier. Et aujourd'hui, il est ambulancier en Petite-Terre. Je le vois quelques fois sur la route avec les ambulances et il est super content. Il faut leur montrer que ce genre d’opportunité existe.
M.H. D’après votre expérience auprès de cette tranche d’âge, vous pensez que c’est le manque d’opportunité qui conduit à la violence ? O.S. : C'est exactement ça. C'est un manque d'opportunités, de perspectives, de valorisation. Personne ne voit ni ne regarde ces jeunes-là, et ils n’ont pas de modèles de réussite dans leur quartier.
Si on ne leur donne pas ces perspectives-là, ils se retrouvent tout seul dans un tourbillon où ils se disent “De toute façon, dans mon quartier ou dans mon village personne n’a réussi, donc pourquoi moi ?” . Moi j’ai eu beaucoup de mal à m’insérer. Aujourd'hui, je sers un peu de modèle justement pour ces jeunes-là. Il y en a qui me demande des conseils, des idées, que ce soit dans les études ou autre, et j’en suis ravi. Moi j’ai aussi fait pas mal de bêtises quand j’étais jeune. C’est le sport qui m’a aidé. Au collège, il y avait un professeur de sport qui a remarqué mes capacités en l'athlétisme. Cela m’a permis de faire de l’athlétisme à haut niveau. C’est le sport qui m’a aidé à sortir de la violence, parce qu’a Kawéni, la violence elle est là depuis des lustres. Et après ma carrière sportive, je me suis mis dans les études jusqu’à avoir un master. Dans le sport, il y a aussi la notion de responsabilité, d’être payé que par le fruit de ses efforts.
M.H. : Constatez-vous une réelle différence chez ces jeunes une fois qu’ils ont commencé à travailler sur les chantiers d’insertion de votre association ?
O.S. : La différence est là, la différence est frappante. Quand ils commencent à toucher leur premier salaire, quand ils ont un bulletin de salaire avec leur nom, c’est quelque chose d’incroyable chez eux. Donc on voit la différence, mais surtout on les responsabilise. On leur dit “tu es responsable de ça, alors si ça se passe mal, c’est de ta faute, pas de celle de quelqu’un d’autre”
M.H. : Est-ce qu’on peut considérer les chantiers d’insertion comme une solution à la violence à Mayotte ?
O.S. : La situation qu’on connaît actuellement n’est pas une fatalité. On peut encore faire quelque chose, on peut encore sauver ces gamins. Il y a les idées, mais maintenant il faut mettre un coup d’accélérateur. Les associations, ce sont les premiers outils qui travaillent avec ces jeunes-là, donc il faut les aider, les regrouper. Après, il ne faut pas juste avoir un projet associatif. Aujourd'hui, dans ces quartiers-là, il faut avoir un vrai projet économique, social et solidaire. Ce n'est que comme ça que ça peut marcher. Parce que si on fait que du social, et qu’il n’y a pas d’économie dedans, au bout d’un moment le jeune va se dire « Le bénévolat c’est bien, mais jusqu’à quand ? » . Si dans ces projets-là on a du social tout en rajoutant un peu d’économie en créant des emplois, je pense qu’on peut sauver ces jeunes. Ils ont juste besoin d'être valorisés, qu’on leur montre des perspectives et surtout faire ce travail de modèle. En métropole, on a des modèles de gens des quartiers qui réussissent, on les met en avant, mais à Mayotte, je n’ai pas encore vu un jeune de ma commune qu’on a valorisé. Or les jeunes font ce qu’ils voient, donc s’ils voient un des leurs monter un business, devenir ingénieur, architecte, journaliste, ils vont se dire « C’est possible, je peux faire comme lui »