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Santé
Pour que l’IA soit bénéfique
Pas une semaine ne passe sans qu’un article de journal ou de revue ne discute des changements positifs que l’intelligence artificielle (IA) pourrait entraîner dans un secteur de la santé confronté, partout en Occident, à des défis majeurs.
Catherine Régis Professeure titulaire
Titulaire d’une Chaire de recherche du Canada en droit et politiques de la santé et d’une Chaire Canada - CIFAR en IA et droits de la personne
Membre académique associée
Mila (Institut québécois d’intelligence artificielle)
Co-présidente Groupe de travail sur l’IA responsable du Partenariat mondial sur l’ IA (2021 -2023)
Et cela se perçoit avec des défis aussi importants que ceux du vieillissement de la population et de la hausse des coûts ou de la pénurie de main-d’œuvre.
Il est clair que l’ IA pourrait avoir des effets marqués dans le domaine de la santé, certains étant déjà bien visibles. Elle peut servir à accélérer les processus de découverte et d’essai de médicaments, à amenuiser le poids et les coûts associés aux tâches administratives n’ayant que peu, voire aucune valeur ajoutée sur le plan humain, à mieux cerner les risques qu’une personne subisse un arrêt cardiaque ou se suicide, à gérer les listes d’attente et les affectations du personnel, à améliorer les diagnostics ou à prédire l’éclatement d’une crise de santé publique par la simple analyse du contenu des médias sociaux. Mais on n’intégrera pas l’ IA dans le système de la santé comme on achète un certificat de dépôt, avec la promesse d’un rendement garanti !
Pour tirer avantage de l’IA en santé (ou dans d’autres secteurs), il faudra d’abord veiller à ce que son développement soit centré sur l’humain, c’est-à-dire s’assurer qu’il se réalise en fonction des véritables attentes et besoins de l’ensemble des acteurs du système (des patients aux professionnels, en passant par les gestionnaires). Il faudra ensuite apporter l’ensemble des changements sans lesquels ceux-ci seront incapables de tirer profit de l’IA dans le contexte qui est le leur – qu’on parle de changements aux processus de travail, aux responsabilités des professionnels ou à leur formation.
Si les deux facteurs en question ne sont pas pris en compte, si l’intégration de l’IA est essentiellement considérée comme un enjeu technique plutôt qu’un défi à la fois technique et socio-organisationnel, le fossé entre l’optimisme du discours des partisans de l’IA et la réalité de son déploiement dans le monde réel s’élargira (et la confiance en l’IA s’érodera).
L’action des régulateurs sera nécessaire pour assurer le développement d’une IA fortement centrée sur l’humain et stimuler la réalisation des transformations requises pour déployer cette technologie avec succès. Cette action devra notamment viser à garantir que les systèmes d’IA lancés sur le marché se conforment aux normes appropriées en matière de protection de la vie privée, de sécurité, d’efficacité et ainsi de suite. Il faudra responsabiliser les organisations et les personnes qui développent, déploient et utilisent l’ IA en les forçant, notamment, à rendre des comptes. Et il faudra rendre obligatoire la diffusion de l’information dont les patients, les gestionnaires et les travailleurs ont besoin pour cerner le potentiel et les limites des outils mis entre leurs mains.
Il semble évident que l’ IA fera partie intégrante de la médecine de demain et qu’elle a le potentiel de contribuer à l’amélioration du fonctionnement des systèmes de santé, mais la route pour y parvenir sera longue, évolutive et parsemée d’embûches. Notre capacité à anticiper l’avenir avec lucidité et la manière dont nous y ferons face détermineront fortement l’ampleur des bénéfices que nous pourrons tirer de l’IA.
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