numéro 10 8€ juillet 2017
Heartfulness FOCUS
soi I relations I travail I inspiration I vitalité I nature I jeunesse
UN SOUFFLE DE LIBERTÉ
STRESS ET ÉNERGIE Comment survivre au XXIe siècle ?
LA SCIENCE DE LA SPIRITUALITÉ Marcher vers la liberté
LA NOUVELLE ÉCONOMIE Norlha, la mode de Paris sur les hauts plateaux du Tibet
LIBERTÉ ET CRÉATIVITÉ
Interview de Jan Kounen
Heartfulness Through meditation, transformation
Offrez-vous l'expérience de la beauté du cœur
fr.heartfulness.org
L'édito
Un souffle de liberté Chacun de nous naît avec un potentiel illimité. Alors, qu’est-ce qui nous restreint ? Qu'est-ce qui nous empêche de nous envoler ? Quand on nage à contre-courant, on lutte, on s’essouffle, alors que si on se laisse porter par le flux, tout devient plus facile. La plupart de nos combats, dans l’existence, viennent de ce que nous nageons vers l’amont – nous résistons à ce que la vie nous offre. A l’inverse, quand nous acceptons les situations comme elles se présentent, nous sommes portés, le monde s’ouvre à nous. C’est ce dont témoignent, dans un de nos articles, deux femmes qui ont poursuivi et réalisé au Tibet un rêve complètement fou. À travers tout ce numéro souffle un vent de liberté, la liberté sous toutes ses formes. Une passionnée de jardinage compare le travail de désherbage au nettoyage intérieur qui l’aide à se libérer des pensées négatives sur elle-même. Un autre article évoque le détachement du yogi qui est aussi une forme de liberté… Un cinéaste nous parle de l’importance de la bienveillance, de ce que la méditation a apporté dans sa vie, et de sa vision artistique et intérieure de la liberté. Cette notion de liberté culmine dans l'article de Kamlesh Patel qui nous engage à entreprendre le voyage ultime, à marcher vers « la » liberté, qui seule peut satisfaire le besoin profond de l’âme. Le pouvoir de la pensée peut nous enfermer dans la prison de nos peurs, de nos désirs, de nos idées toutes faites – sur nous, les autres, la réalité – ou au contraire nous entraîner vers la liberté. C’est précisément ce que suggère, dans un livre de Richard Bach, Jonathan Livingston le goéland à l’un de ses élèves: – Tu as la liberté d’être toi-même, le véritable toi-même, ici et maintenant, et rien ne peut t’en empêcher. – Vous dites que je peux voler ? – Je dis que tu es libre. La rédaction
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ATTITUDE
La science de la compassion et de l’émerveillement, fin
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ENTRETIEN
Jan Kounen Avec le temps, la notion de liberté et de créativité s’est traduite chez moi par une capacité plus grande et plus sereine à gérer la prise de risque.
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Entre stimulus et réponse, fin
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ÉDUCATION
RÉFLEXION
Vivre avec les nouveaux enfants Arroser les comportements positifs exige de la patience et de l’entraînement, et quand vous serez fatigué ou frustré, vous n’y réussirez pas toujours.
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30 focus l' énergie de la liberté 30 La science de la spiritualité Marcher vers la liberté
Cette marche vers la liberté n’est autre que le voyage spirituel, et il existe une carte pour nous guider, pour nous indiquer les directions à prendre : c’est l’anatomie spirituelle du système humain.
38 Au cœur de l’atome
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LA PENSÉE ET L'ACTION
Norlha, la mode de Paris sur les hauts plateaux tibétains Je ne connaissais rien à la laine de yak, sinon une anecdote racontée par le tailleur du Dalaï Lama. Il avait créé pour un aristocrate tibétain, voulant impressionner les dignitaires chinois, une veste Mao en laine… de yak ! J’avais retenu ce détail.
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ÇA CHANGE TOUT
Stress et énergie. Comment vivre au XXIe siècle ?
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YOGA
Le cheminement d’un yogi, 2e partie
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PORTFOLIO
Bouddhisme au Myanmar
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LE GOÛT DE LA VIE
66 Le mouron des oiseaux, fin 70 La recette de Félicie
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PLANÈTE KIDS
72 Et si on faisait un portrait ? 74 Les trois frères, 2e partie
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ACTUALITÉS
Les coups de cœur de la rédaction
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Ont contribué Jan Kounen Diplômé de l’Ecole des Arts Décoratifs de Nice, Jan Kounen est un cinéaste prolixe qui se distingue tant dans le courtmétrage et les vidéos-clips
DIRECTRICE DE PUBLICATION
que les longs métrages,
(édition francophone)
comme Dobermann,
Sylvie Berti Rossi
Blueberry ou Coco Chanel et RÉDACTION
Igor Stravinsky qui clôturera le
Anglais : Rishabh Kothari, Elizabeth Denley, Emma Ivaturi, Veronique Nicolai (partie pour les enfants ) Français : Sylvie Berti Rossi, Génia Catala, Hélène Camilleri
Festival de Cannes en 2009. En parallèle, il explore l’univers intérieur dans des documentaires, tels que D’autres mondes où il retrace
TRADUCTION Génia Catala, Sylvie Galland, Jean-Pierre Le Grand
son immersion dans la culture chamane, et Darshan - l’étreinte, inspiré par sa rencontre avec Amma.
GRAPHISME Hélène Camilleri, Sylvie Berti Rossi
COUVERTURE Uma Maheswari
PHOTOGRAPHIES Kristopher Roller, Clem Onojeghuo, Vinh Pham, Andrew Neel, Bernard Benant, Riley mc Cullough, Eutah Mizushima, Franck Mac Kenna, Andre Benz, Ben White, Evan Kirby,
Patrick Fleury Acupuncteur et enseignant en énergétique chinoise, il vit avec sa famille dans
Anders Jilden, Kim Yeshi, Cathryn Lavery, Jeremy Iwanga,
une petite ville côtière du
Niket Vaidya, Félicie Toczé, Anne-Grethe Kousgaard
Sud de la France. Il a formé pendant de nombreuses
ILLUSTRATIONS
années médecins et théra-
Sylvaine Jenny, Maja Bruun-Smidt, Juliette Alay
peutes. Depuis plus de 45
CONTRIBUTIONS Dacher Keltner, Jan Kounen, Dr James Doty, Terran Daily,
ans, il pratique et enseigne la méditation. Son but est
Kamlesh Patel, Yves Benhamou, Kim Yeshi, Sanjeev Sharma,
d’éveiller les consciences et les
Patrick Fleury, Niket Vaidya, Alanda Greene, Félicie Toczé,
cœurs aux bienfaits du raja-yoga.
Anne-Grethe Kousgaard, Guy Lemitres
A travers ses séminaires, ses conférences et ses articles, cet érudit diffuse l’enseignement du raja-yoga et de la méditation Heartfulness dans le monde entier.
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Magazine Heartfulness
à ce numéro Kim Yeshi Marquée dans son enfance par les ENVOI DES CONTRIBUTIONS
récits familiaux des deux guerres,
Correspondance avec la rédaction et ligne rédactionnelle
de la grande dépression, et par
magazine@unimeo.com
la guerre froide, Kim Yeshi comprend très jeune que la
PUBLICITÉ
seule sécurité doit se trou-
magazine@unimeo.com
ver en soi. Elle découvre la ABONNEMENTS
méditation zen à 15 ans, le
www.unimeo.com
yoga à 16, et à 17 ans est initiée au bouddhisme par un guru tibétain. Pendant ses études aux États-Unis elle rencontre son mari tibétain, ensemble ils vont
IMPRESSION Aumüller Druck GmbH & Co. KG, Weidener Straße 2 D-93057 Regensburg
créer le Norbulingka Institute à Dharamsala, PUBLICATION
à l’origine du projet Norlha.
Unimeo, 1185 Chemin des Campelières 06250 Mougins FRANCE
Droits d’impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l’éditeur.
Yves Benhamou Médecin homéopathe, Yves Benhamou s’est parallèlement consacré à
2017 © Tous droits réservés à Unimeo
ISSN : 2491-2255 N° CPPAP : 0419 K 93360
l’écriture de romans et de pièces
Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg
de théâtre. Diplômé du
Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate » et
Conservatoire national de
le logo « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj
Toulon, il joue également du
Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine
clavecin et fait de la musique
ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que
de chambre. Formateur Heartfulness, il donne
ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.heartfulness.org est également la propriété de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
régulièrement des conférences
Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine
en France et à l’étranger sur la
ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l’Institut
méditation et la spiritualité. Sa sensibilité artistique
Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
l’ouvre naturellement à la joie du cœur, qu’il désire partager avec le plus grand nombre.
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La science
de la
compassion et de l'émerveillement Dans cette dernière partie, le professeur DACHER KELTNER, ce passionné de justice sociale et du pouvoir de l’émerveillement dans la vie quotidienne, continue à nous parler des recherches centrées sur l’émerveillement et la compassion effectuées au Greater Good Science Center, et de l’évolution de nos sociétés.
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attitude
Q
Je pratique la méditation Heartfulness, issue de la tradition du yoga, qui associe le cœur et le mental, alors que le mouvement occidental de Mindfulness s’est davantage centré sur la perception et l’ancrage dans l’instant présent. Vous combinez les deux approches puisque, appartenant au mouvement Mindfulness, vous et votre équipe travaillez sur la compassion et les qualités de cœur. Ce que vous avez dit de l’émerveillement est passionnant. Comment l’étudiez-vous scientifiquement ? Dans tous nos travaux, je me réfère à la perspective évolutionniste, initiée par Charles Darwin, et en particulier son opinion sur le fait que les émotions – qui prennent racine dans le cœur – déterminent profondément nos modèles d’interactions sociales. L’émerveillement est ce sentiment de vénération, de révérence, que nous éprouvons envers ce qui est plus grand que nous, que ce soit un vaste paysage, un bâtiment magnifique ou la rêverie dans laquelle nous plongent les premiers pas de notre enfant. Dans notre recherche, la première étape a été de déterminer ce qui provoque ce sentiment. C’est très intéressant et plein de surprises – la religion est moins importante que je ne croyais. La nature l’est beaucoup plus, ainsi que la magnanimité que peuvent montrer certains êtres. Des gens sont littéralement plongés dans l’émerveillement en voyant à quel point d’autres personnes peuvent être généreuses, bonnes et vertueuses.
Notre deuxième concept de travail est que l’émerveillement nous aide à intégrer des communautés solides et soudées, à être humbles, à nous sacrifier pour autrui, à ne pas trop nous centrer sur nousmême, à penser à l’autre, à prendre en compte des points de vue différents du nôtre. Nous avons donc mené de multiples études sur le terrain en suivant des gens dans des situations qui inspirent l’émerveillement – devant des séquoias, en face d’une belle vue, au concert, au musée. Nous avons aussi mis au point des expériences en laboratoire, la projection du programme Google Earth de la BBC, par exemple, qui laisse les spectateurs subjugués par la beauté du monde. Nous avons pu démontrer ainsi que l’admiration nous rend humbles, enclins au sacrifice, créatifs, scientifiques, et nous fait sortir de nos préjugés. Ce travail révèle ainsi plein de choses enthousiasmantes et belles. Nos investigations portent aussi sur la physiologie – pourquoi nous avons la chair de poule, par exemple.
Q
C’est fascinant, parce que toute la science du yoga est basée sur l’émerveillement et la vénération. Les études scientifiques à ce sujet m’intéressent donc beaucoup. Je pratique le yoga, pas de façon disciplinée, mais je connais bien l’état d’émerveillement qu’il peut nous faire ressentir. C’est d’ailleurs ce qui a suscité mon intérêt pour ce sujet. Je me souviens du temps où
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attitude
je faisais du yoga, à 17 ans, alors que ce n’était pas tellement répandu aux États-Unis ; à la sortie de mes cours j’était émerveillé par tout ce qui m’entourait, et c’est précisément ce sentiment que notre équipe tente de comprendre.
Q
Vous avez aussi parlé de la compassion. Parlez-nous du rôle de la compassion dans le mouvement Mindfulness. Je pense que cela remonte à l’action de Sa Sainteté le Dalaï Lama, et au bouddhisme tibétain qui propose beaucoup d’exercices de compassion et de bienveillance. Jack Kornfield fait un très beau travail avec cette approche. On se met vraiment à prendre en compte l’humanité des autres, leurs souffrances, leurs efforts pour bien faire. Et les travaux scientifiques de Jon Kabat-Zinn, Richard Davison, Barbara Frederickson, et d’autres encore, montrent que lorsqu’on médite sur la compassion, notre système immunitaire fonctionne mieux, la chimie de notre cerveau se modifie et provoque des émotions positives, nous sommes plus heureux et la réactivité du nerf vague augmente. Le nerf vague est ce grand faisceau de nerfs qui nous aide à nous connecter aux autres, à respirer, etc. Les travaux que nous menons depuis 10 ans sur la forme la plus basique de la compassion sont encore plus intéressants. Au labo, nous montrons des images chargées d’atrocités et de douleur, des visions qui littéralement vous arrachent des larmes. Et voilà ce que nous découvrons : même devant ces scènes de cruauté et de vraie souffrance, les gens se sentent plus connectés à l’humanité, les préjugés qu’ils ont les uns envers les autres s’évanouissent, le nerf vague s’active et ils se sentent plus heureux et plus forts. Il nous faut étreindre, embrasser la souffrance des autres. C’est fondamental.
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Je connais bien l’état d’émerveillement que le yoga peut nous faire ressentir. C’est d’ailleurs ce qui a suscité mon intérêt pour ce sujet. Quand je sortais de mes cours, j’étais émerveillé par tout ce qui m’entourait, et c’est ce sentiment que notre équipe tente de comprendre.
Q
Nous sommes tous connectés.
Oui, c'est vrai, tout est connecté.
Q
Notre monde traverse de nombreuses turbulences, transitions, transformations. Comment les choses vont-elles évoluer, selon vous ? Vers quoi allons-nous ? Et comment faire pour stimuler cette compassion, cette bonté, cet émerveillement au point que la conscience collective puisse s’élever ? C’était intéressant pour moi d’écrire un livre sur le paradoxe du pouvoir, de passer deux ans à réfléchir sur l’inégalité, la hiérarchie et la domination, et je vais vous dire dans quelle direction je crois que nous allons. Dans les sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs, qui ont évolué pendant environ 200'000 ans, on était assez égalitaires, entre hommes et femmes notamment, et il y avait partage au sein de communautés solidaires. Les archéologues pensent qu’ensuite, avec la sédentarisation et l’augmentation des populations, on a vu apparaître divers problèmes sociaux, tels que
l’inégalité, la pauvreté, la misogynie, la polygamie et l’esclavage, quand certains ont commencé à croire que d’autres personnes leur appartenaient. Je pense que depuis 3 à 400 ans, il s’est produit dans différentes sphères une révolution due à la compassion qui nous a fait lentement sortir d’une structure sociale hiérarchique et dominatrice. On le constate dans le fait que les femmes ont plus de pouvoir et que les jeunes enfants sont mieux traités, et dans les efforts de la société pour abolir l’esclavage. Il y a également une prise de conscience de la pauvreté : bien qu’elle soit endémique aux États-Unis, si on la compare à ce qu’elle était il y a 300 ans, on vit mieux. J’ai donc l’impression qu’il y a un lent mouvement qui nous entraîne vers la compassion. C’est un combat qu’on doit mener sur plusieurs fronts, il faut choisir un secteur et continuer de lutter, ne pas baisser les bras. En ce qui me concerne, je m’occupe de permettre à des enfants pauvres de sortir, d’aller en plein air, et j’œuvre pour davantage de justice pénale. D’autres
aident des jeunes filles à avoir confiance en elles pour pouvoir prendre des responsabilités dans le monde et se servir de la compassion pour combattre l’injustice. Il y a de multiples façons de s’engager.
Q
Merci Dacher d’avoir partagé avec nous vos idées, votre combat et votre histoire.
Merci, Elizabeth, et merci de faire partie de ce mouvement.
Le professeur Dacher Keltner est l’auteur de The Power Paradox : How We Gain and Lose Influence, Penguin, 2017
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La science est non seulement compatible avec la spiritualité, elle est une profonde source de spiritualité. CARL SAGAN
PHOTOGRAPHIE ANDREW NEEL
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entretien
Interview de JAN KOUNEN Photographies de Bernard Benant
Très tôt j’ai préféré voyager et passer du temps dans un monde imaginaire, peuplé d’histoires et de mythologie.
Cinéaste créatif et aventureux, JAN KOUNEN est également réalisateur de documentaires qui ont trait à la spiritualité. Dans cette interview, il retrace son cheminement intérieur, sa découverte et son immersion dans l’univers chamanique, ce qui donnera naissance au film Blueberry, l’expérience secrète et au documentaire D’autres mondes, et enfin l’expérience transformatrice qu’ont représentée sa rencontre avec Amma et le tournage du film inspiré par elle, Darshan - l’étreinte.
Q
Qu’est-ce qui vous a motivé, au début de votre carrière cinématographique, à aborder dans vos films le monde de la spiritualité ? Etait-ce une façon de chercher un ailleurs ?
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Dans mon milieu familial et social, ce genre de questionnement et de recherche n’était pas abordé et je ne me posais pas de questions d'ordre spirituel. J’ai naturellement découvert que je préférais voyager dans les romans de science-fiction, dans l’imaginaire, ces mondes qui me paraissaient plus riches que la tristesse de la réalité ambiante. Que je préférais passer du temps au cinéma et que c’est ce vécu intérieur qui me faisait vibrer. Alors, à mon tour, j’ai commencé à raconter des histoires et à faire du cinéma. Mes premiers films sont plutôt violents, punks, parce qu’il y avait cette colère que je portais en moi, devant le monde qui m’était proposé. En 1996, j’ai réalisé Dobermann, un film provocateur. Une fois que ce coup de colère
a pu s’exprimer, j’ai compris que je pouvais choisir d’aller plus loin dans cette énergie de révolte ou au contraire de me libérer des jugements négatifs que j’avais notamment sur la religion et d’explorer un territoire qui m’avait toujours fasciné à travers la littérature, celui du monde mystique. La lecture des ouvrages de Thomas Merton sur les « pères du désert », certains recueils d’Arnaud Desjardins et de Krishnamurti m’ont permis de découvrir cet espace de la conscience et de la méditation. Cette découverte m’a fait comprendre qu’au lieu d’emmagasiner de la connaissance, du savoir-faire, pourquoi ne pas se pencher d’abord sur le fonctionnement de notre esprit, aller dans l’autre sens et observer notre fonctionnement intérieur ?
Ces livres et les expériences décrites par leurs auteurs m’ont permis d’entrevoir un espace inconnu qui m’attirait. J’ai senti une résonance intérieure, quelque chose de non tangible que je devais creuser. A ce moment-là, j’étais engagé sur un nouveau film. J’ai donc passé des mois à lire, à pratiquer la méditation, tout en cherchant un sujet de film. Dans le cinéma, l’avantage, quand vous choisissez un sujet, c’est que le film devient l’aventure qui vous amène au cœur du sujet. Venant d’une énergie cinétique, violente, visuelle, rapide, je me suis demandé comment parler de ce que je découvrais dans mon voyage intérieur ; comment aborder des thèmes comme l’illumination et la conscience de façon cinématographique. C’était compliqué, qui allait donner de l’argent pour filmer
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quelqu’un assis sous un arbre faisant l’expérience de l’éveil ? C’est ensuite que j’ai trouvé une approche cinématographique avec une histoire plus prenante et construite. J’ai découvert les médecines traditionnelles indigènes qui proposaient des expériences de conscience très fortes en lien avec la science des plantes, comme par exemple l’ayahuasca. Ayant toujours été attiré par les sports extrêmes, ce genre d’expériences « un peu frontière » me convenait
comprendre et à théoriser ce qui m’arrivait. J’avais vécu normalement pendant 35 ans et tout à coup, grâce à une porte de ma conscience qui s’était ouverte, ma perception des choses avait changé. L’approche scientifique, avec ses protocoles qui permettent de vivre une expérience et de la répéter, en comparant les résultats, m’a permis de valider ce que j’avais vécu, même si en partie cela remettait en question le système dans lequel j’avais été éduqué. J’ai rencontré des scientifiques, psychiatres, neurologues,
comme porte d’entrée. C’est comme ça qu’est né le film Blueberry, axé sur la rencontre d’un cowboy avec un guérisseur indien, et dont la trame était une histoire d’initiation entre ces deux hommes.
philosophes et historiens que j’ai aussi eu besoin d’interviewer. Aujourd’hui, 18 ans après, je retourne régulièrement en Amazonie pour approfondir cette démarche. Au final ce film m’a fait faire une double expérience : d’une part j'ai moi-même avancé et de l'autre j’ai pu partager mon aventure et la métaphoriser dans Blueberry. J’ai pu offrir ainsi un témoignage sur ce monde que j'avais découvert. C’est la dimension documentaire de ce film, ce qui lui donne sa force, sa puissance onirique. La culture indigène a développé la science de l’esprit, alors que nous, en Occident, avons développé des compétences avancées dans des domaines orientés vers la matière. Si aujourd’hui certaines personnes ont du mal à découvrir leur intériorité, c’est parce que notre culture est orientée vers le monde matériel. Notre conscience n’est pas alignée avec la nature mais avec la matière. Persuadé qu’il n’est que matière, l’homme s’associe et s’identifie à ce monde matériel avec qui il « pactise » tout en s’efforçant de le dominer. À la sortie du film, j’ai constaté que la force des images de synthèse utilisées pour décrire l’expérience intérieure du personnage, associée au chant du guérisseur, qui véhicule une énergie et une force émotionnelle, avait déclenché une prise de conscience et une résonance dans le public : entraînant de la peur chez les uns, un appel chez d'autres, et chez beaucoup de spectateurs un rejet.
Q
Comment avez-vous approché et construit ce projet cinématographique ?
Au départ, c’était un fantasme. Après un grand travail de documentation et d’investissement personnel, j’ai vécu une expérience qui a bouleversé ma vie. A la différence de l’anthropologue qui reste en dehors du phénomène étudié, l’artiste au contraire fusionne avec son sujet par une approche sensorielle et non théorique. Je suis donc allé en Amazonie où j’ai fait la connaissance de Kestenbetsa. Il m’a initié à des pratiques initiatiques qui m’ont fait changer de paradigme et ont modifié ma vision du monde et de moi-même. Psychologiquement, c'était très fort, déstabilisant. Tous mes systèmes de croyances se sont effondrés. J’ai été connecté à quelque chose d’extraordinaire que je n’avais pas anticipé. Dès lors, j’ai décidé de passer du temps avec les Indiens pour approfondir cela et tisser des liens avec eux. Ce n’est que sept ans plus tard que j’ai fait le film. J’ai eu alors besoin de faire valider mon expérience par le monde scientifique et de me confronter à des gens de ma culture qui avaient expérimenté des choses similaires pour m’aider à
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A propos du film « Darshan - l’étreinte », qu’avez-vous découvert au contact d’Amma ?
Après avoir vécu une expérience transformatrice auprès des chamans d’Amazonie, j’ai pensé qu’il devait exister d’autres approches permettant de vivre des expériences similaires. J’ai assisté à Paris à des conférences de Maîtres spirituels tibétains et autres. A cette époque je n’avais pas de projet de film. Un jour j’ai appris qu’un maître indien donnait un enseignement à Paris et que plusieurs milliers de personnes étaient attendues. L’ampleur du phénomène a attisé ma curiosité et j’ai pu assister le soir même à cet événement. Dans un premier temps c’est la dimension énergétique des bhajan (chants dévotionnels) qui m’a surpris. J’ai senti qu’il y avait quelque chose d’assez fort. Le lendemain le producteur avec qui je travaillais m’appelle et me dit qu’il avait rencontré la
veille Amma, et qu’il pressentait que ce serait un bon sujet de film. Nous avons donc décidé de suivre sa tournée européenne et de la rejoindre en Hollande. Grâce à des relations, nous avons pu être introduits et j’ai observé de près ce qui se passait durant le Darshan. Ce qui se partageait entre Amma et ceux qui recevaient le Darshan était d’une beauté et d’une émotion palpables. Je sentis qu’il y avait un film à faire et une expérience à vivre. Je ne savais pas grand chose d’Amma et n’avais pas forcément envie de me documenter sur elle. Les portes se sont progressivement ouvertes et j’ai reçu mon premier Darshan. J’ai d’abord été secoué par cette étreinte, puis j’ai senti, comme dans la médecine amazonienne, que les effets de l’expérience vécue se répercutaient dans le monde des rêves, que mon espace intérieur était modifié et qu’un nettoyage énergétique s’était produit. L’expérience fut convaincante.
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Finalement nous avons trouvé l’argent pour produire le film que nous avons tourné en trois parties : les célébrations des 50 ans d’Amma, sa tournée en Inde et une partie plus intimiste dans son ashram. Cela nous a demandé une grande capacité d’adaptation, de fluidité et de concentration. La réalisation de ce film fut considérée par elle et par les autres pratiquants de l’ashram comme notre seva, notre service rendu, offert et dédié à Amma. Ce fut une très belle aventure qui nous a amenés au festival de Cannes, puisque le film a été sélectionné hors compétition en 2005.
Q
Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans cette rencontre avec Amma ?
Sa présence et l’énergie qu’elle génère. Etre à son contact vous demande une grande capacité de concentration ainsi qu’un ancrage en vous-même pour rester vraiment centré. Et puis ce qui est fascinant, c’est cette capacité d’Amma d’offrir le Darshan sans discontinuer pendant plusieurs jours. C’est une chose vertigineuse qui nous dépasse, qui révèle une force surnaturelle, et qui nous ouvre à un autre espace de perception. En même temps, elle a cette incroyable capacité de gérer des questions organisationnelles, de prendre des décisions sur le plan matériel et de porter des projets avec la même intensité.
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Que retenez-vous plus particulièrement de son enseignement ?
Lorsque nous étions à l’ashram, nous participions au bhajan chaque jour à 18h. Ce rendez-vous journalier m’a fait prendre conscience de la nécessité d’avoir une pratique régulière et de la force qu’elle nous donne. Peu importe la pratique, il est nécessaire s’accorder un espace et un temps pour recontacter ce vécu intérieur. Parfois, l’expérience seule ouvre des portes et nous fait vivre des états de conscience modifiés. Mais
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ensuite, sous la pression du monde dans lequel nous vivons, il me semble nécessaire d’avoir une pratique pour conserver un pied dans cet espace, sinon on risque de perdre le bénéfice de cette transcendance et de retomber dans nos anciens schémas de pensée et nos croyances.
Comment l’expérience spirituelle a-t-elle influencé votre rapport à la liberté et à la créativité ?
à la fin d’un film. Cela ressemble à la responsabilité d’un guérisseur ou d’un maître spirituel qui, après nous avoir fait traverser des espaces intérieurs parfois douloureux ou sensibles, nous laisse avec tellement de bienveillance dans un état d’apaisement et de bien-être. Avec le temps, la notion de liberté et de créativité s’est traduite chez moi par une capacité plus grande et plus sereine à gérer la prise de risque. Avant, j’étais comme tout le monde, influencé par mes peurs.
Je pense que l’espace énergétique et psychologique dans lequel vit un artiste, c’est là qu’il puise les éléments de sa création. La réalité est constituée d’ombre et de lumière. L’obscurité est une énergie très souvent abordée dans les contes et les mythes. Ce qui m’importe aujourd’hui c’est comment, après leur avoir fait traverser une multitude de sensations, de perceptions et d’émotions, je laisse les spectateurs
Aujourd’hui, mon but est de vivre simplement et naturellement l’aventure qui se présente. Ce n’est pas le résultat qui compte. Vivre l’expérience sans peur en donnant le meilleur de moi avec le sentiment d’avoir fait « ma part ». La vie est courte, autant s’efforcer d’explorer des univers, de s’enrichir intérieurement, de voyager dans nos différentes dimensions avec bienveillance – en essayant de traduire cela au plus juste dans l’expression artistique, en transmettant
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des émotions, une vision ou une critique, de façon de plus en plus intuitive, sans peur et sans se préoccuper de réussir ou pas. J’ai reçu des propositions de Hollywood que j’ai refusées à cause des contraintes qu’on m’aurait imposées qui auraient pu déséquilibrer mes valeurs fondamentales. C’était une façon de garder ma liberté.
Q
Comment aujourd’hui la méditation, les techniques de bien-être et d’intériorisation influencent-elles nos sociétés ? Je constate qu’il y a beaucoup plus d’ouverture aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Les gens en général portent d’avantage d’intérêt et accordent plus de crédit à ce qui touche à la conscience et à la méditation. J’ai récemment assisté à une conférence sur les liens entre chamanisme et physique quantique, par un scientifique, en présence du ministre de la culture.
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Les scientifiques sont les nouveaux prêtres capables de faire évoluer notre système de croyances, notre rapport à la réalité, par le fait qu’ils apportent des preuves. Comme, par exemple, lors d’une expérience de méditation, de montrer que les deux hémisphères cérébraux se synchronisent et procèdent à un rééquilibrage de notre système nerveux. La science a le pouvoir de valider ces expériences. Je pense que le changement complet de paradigme, qui verra la spiritualité et les sciences de l’esprit s’intégrer pleinement dans notre mode vie, ne s’opérera que si les scientifiques démontrent la réalité de phénomènes comme par exemple la vie après la mort. C’est à ce moment-là que nous commencerons à changer nos comportements. C’est le niveau d’ouverture de notre esprit qui prédétermine notre réalité. Depuis trop longtemps, l’être humain est devenu un parasite pour la planète. Alors que le monde végétal est symbiose, l’être humain va à l’opposé. Mais de plus
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en plus de scientifiques et d’artistes prennent position pour retrouver davantage de symbiose, proposer des alternatives qui mettent fin à ce « parasitisme » et faire émerger une nouvelle conscience. Moi-même j’ai été influencé par la lecture de Carlos Castaneda, des films comme 2001 l’odyssée de l’espace ou Dune de Frank Herbert. Aujourd’hui c’est une chance de pouvoir faire découvrir la méditation et ainsi de permettre à chacun de percevoir et d’expérimenter par lui-
C’est évident. C’est là qu’on apprend à respecter la liberté de chacun. L’expérience spirituelle nous révèle l’importance d’être conscient, juste et honnête dans le lien à soi et à l’autre. Chacun a sa propre vérité et c’est ce qui fait notre force. Partager son vécu spirituel, c’est souvent nécessaire au début. Mais par la suite, surtout dans la vie de famille, cela se transforme en capacité d’écoute, en attention au questionnement de chacun, en étant plus présent pour fluidifier les choses. Quand je suis à fleur de peau ou en colère,
même un espace auquel il n’avait pas accès. C’est donc par l’individu et le travail de chacun, grâce à un atelier bien-être, une interview sur YouTube ou la lecture d’un livre, que cette nouvelle culture pourra émerger. Personnellement, je pense qu’il est bon d’imprégner cette pensée positive en soi et de croire qu’on va retrouver l’Essence perdue, le point d’équilibre, la symbiose avec la nature, en avançant vers davantage de conscience, de bienveillance. On risque d’ailleurs d’y être contraint par les problèmes de surpopulation, de surproduction et les conséquences du dérèglement climatique. Il faut espérer que nous trouverons à terme la force et les ressources pour développer un mode de vie plus respectueux de la planète, et qui préserve les générations futures. Et plus nous serons connectés à notre réalité intérieure, plus nous serons capables d’influencer le monde extérieur. Pour en revenir à toutes ces propositions de pratiques spirituelles, je pense qu’il est important de ne pas se lancer seul, mais d’être guidé. C’est un monde inconnu dont il n’est pas forcément utile d’ouvrir toutes les portes. Parfois on peut complètement se tromper. C’est la même règle dans le monde matériel. On ne part pas en moto sans avoir appris à conduire.
je me dis qu’il faut que j’aille méditer. Ce voyage à travers les espaces de la conscience m’a appris que le meilleur moyen de voir ce qui est n’est pas de se projeter en avant mais de se tourner vers ce qu’on a vécu, vers des moments d’harmonie, puis de réajuster le présent pour retrouver cet état. C’est peut-être ça la famille ! Faire se côtoyer simultanément et dans un même espace la différence et l’harmonie. C’est cette confrontation assumée qui ouvre à l’expérience de la liberté. La méditation nous permet de nous relier à cette liberté individuelle et de partager la liberté de façon collective. Il me paraît essentiel aujourd’hui de donner à nos enfants, par une éducation adaptée, le moyen d’expérimenter la méditation au lieu de leur imposer des programmes qui les parasitent et les éloignent de ce qu’ils sont, en les privant de la capacité de se comprendre et de se connaître par eux-mêmes. Je pense qu’il serait bon de proposer dans les écoles une méthode simple de méditation. Cela aiderait beaucoup les enfants à mieux gérer leurs émotions et leurs relations à la famille, aux autres et à ce monde en devenir !
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Recherche spirituelle individuelle et vie de famille, est-ce compatible ? Cela a-t-il du sens pour vous ?
Interview Philippe Lopez
A ne pas manquer au festival d'Avignon Découvrez le ciné-méditation mardi 18 et samedi 22 juillet 11 et 14h atelier-découverte de la méditation Heartfulness 17h ciné-méditation avec la projection du documentaire Darshan - l'étreinte , suivie d'un atelier découverte de la méditation Heartfulness Programme complet sur fr.heartfulness.org
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entre Stimulus
et réponse FIN
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J’aimerais que vous nous disiez ce que ça représente, d’être chirurgien. Avoir jour après jour une telle responsabilité sur la vie des gens… ça m’est difficile à imaginer ! De quelle façon l’approche Mindfulness vous a-t-elle influencé dans votre profession ?
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La nature même de mon travail de neurochirurgien exige une formation poussée et une technologie de pointe. Pourtant, ce que je dis aux étudiants et aux internes, c’est que, même si tout cela est indispensable, le succès de mes opérations tient tout autant à la compassion et à la manière dont je prends soin des patients. Et ça n'a rien à voir avec l’habileté à manier un scalpel. Ce qui compte, c’est d’être présent auprès d’une personne, d’être là pour elle. J’ai pu tant de fois observer que cette attitude aide profondément les patients, car elle modifie toute la dynamique. Lorsque les gens arrivent chez le médecin ou le neurochirurgien, c’est souvent la chose la plus
entretien
}Q & R } john malkin s'entretient avec le Dr James R. Doty
Après nous avoir expliqué les avantages évolutifs de la compassion, puis exploré divers aspects du comportement humain liés à la compassion et aux problèmes sociaux, JAMES DOTY avait évoqué le souvenir d’une femme remarquable qui l'avait aidé jeune garçon à trouver son chemin. Aujourd’hui, il nous parle de l’impact de la compassion sur son travail de neurochirurgien.
importante qui leur soit arrivée, à eux et à leurs proches, alors que pour nous c'est la routine. Et il y a quelque chose d’horrible à traiter cela comme une banalité. Être présent – quand bien même c’est notre routine quotidienne – est très, très important, car cela crée immédiatement une atmosphère de calme et donne aux patients la sensation qu’on s’occupe vraiment d’eux. Donc, au lieu que se déclenche une réaction de leur système nerveux sympathique, associée à la peur et à l’anxiété, il s’installe en eux un état de calme, propice à la guérison des plaies, et qui en plus améliore leur état physiologique. Or nous savons que certains types de stress, en particulier le stress
aigu profond, peuvent provoquer la mort par arrêt cardiaque. D’où l’importance de relations basées sur la compassion. Quand vous vous sentez calme et que le stress ne vous fait pas paniquer, vous faites tout tellement mieux... Ce sont ces états émotionnels positifs que nous pouvons cultiver par certaines pratiques mentales. Rappelez-vous qu’après l’école de médecine un neurochirurgien fait une formation de sept ans. Dans le contexte de mon travail – et cela a évolué durant toutes ces années — j’essaie de fonctionner dans un état de calme et de légèreté qui me permet, quand quelque chose tourne mal, de ne pas réagir de manière
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entretien
Quand vous vous sentez calme et que le stress ne vous fait pas paniquer, vous faites tout tellement mieux ! Ce sont ces états émotionnels positifs que nous pouvons cultiver par certaines pratiques mentales.
négative. On entend parler de chirurgiens qui jettent leurs instruments par terre et s’emportent contre leurs collègues. En ce qui me concerne, si quelque chose va mal, ma première réaction est de me dire que, jusqu’à preuve du contraire, c’est de ma faute. Cela stoppe toute velléité de m’emporter contre les gens – et je ne le fais pas, bien sûr. Lorsque vous êtes calme et que vous n’avez pas de réaction de peur face à un événement inattendu, cela stimule la fonction de contrôle des actions, située dans le lobe frontal, ce qui favorise la prise de décision, la créativité et l’efficacité. Quand on cultive de manière délibérée la compassion et un état d’esprit positif, cela change tout. Au terme de mes six semaines de rencontres avec Ruth, ma situation personnelle n’avait pas changé d’un iota... et pourtant, tout avait changé ! Et la raison pour laquelle tout avait changé, c’est qu’au lieu d’éprouver des émotions négatives face aux circonstances de ma vie, j’étais passé à l’acceptation pure et simple de ma situation. J’étais dans un autre état d’esprit. Dans un état de bonheur, d’acceptation et de gratitude. J’ai pu pardonner à ceux dont je pensais qu’ils m’avaient blessé ou méprisé. Je n’éprouvais plus aucune colère envers mon père et ma mère, parce que je comprenais qu’ils avaient leurs propres difficultés et qu’ils devaient affronter leur propre souffrance. Je vous le dis, les situations n’ont aucun pouvoir : c’est nous qui leur donnons du pouvoir ! En comprenant
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cela, j’ai pu aborder ma situation autrement. Et quand j’ai changé d’état d’esprit et que j'ai pu laisser tomber ma colère, mon désespoir et mon découragement, la façon dont le monde interagissait avec moi a aussi changé. Ce qui m'a permis d’avoir le succès que j'ai connu, c’est le fait de regarder le monde avec reconnaissance, de pratiquer le pardon, d’être compatissant envers moi-même et envers les autres, de reconnaître la dignité de chaque personne et de pratiquer l’équanimité et l’humilité. J’ai pris conscience que mon but est d’être utile aux autres, de les accueillir et de leur offrir un amour inconditionnel. Cela me permet d’avancer dans le monde, et cela permet au monde de m’accueillir en retour.
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Ce que vous venez de dire me fait penser à cette phrase de Viktor Frankl que je cite de mémoire : « Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace, et c’est dans cet espace qu’on trouve la liberté ». C’est exactement ça ! D’ailleurs Viktor Frankl est un de mes héros. Il a compris qu’entre le stimulus et la réponse il y a un temps d’arrêt, et que c’est là que tout se passe. Quand vous apprenez à marquer ce temps d’arrêt, que vous êtes bien intentionné, que vous êtes attentif à vous-même et que vous avez mis en pratique ce dont nous avons parlé, votre réaction est totalement différente. C’est notre façon de réagir qui change tout. Par exemple, on est souvent confronté à des gens qui semblent contrariés ou en colère, et on a juste envie de répondre sur le même mode. Mais quand on s’arrête un instant pour réfléchir à ce qui se passe, on réalise qu’en fait ces émotions et ces comportements négatifs n’ont souvent rien à voir avec nous. Ils sont peut-être liés à un événement qui s’est produit auparavant, une situation difficile avec un conjoint, de mauvaises nouvelles à propos d’une chose importante, etc.
Entre le stimulus et la réaction il y a un espace. Cet espace nous donne le pouvoir de choisir notre réponse. C’est de notre réponse que dépendent notre croissance et notre liberté. Viktor Frankl
Quand nous arrivons à marquer un temps d’arrêt, cela réfrène notre nature réactive et notre système nerveux sympathique ne se déclenche pas. Par conséquent nous avons les idées plus claires, nous sommes beaucoup plus réfléchis, plus créatifs, ce qui mène à un monde meilleur. C’est vraiment la synthèse de tout ce que nous avons évoqué, que ce soit la guerre, la colère ou les dégâts à l’environnement – ce sont autant de conditions du cœur humain. Au cours de la vie, beaucoup d'entre nous ont eu le cœur blessé. La plupart du temps ces blessures guérissent rapidement. Mais chez certains ces plaies du cœur sont profondes. Ce sont précisément ces blessures qui sont à l’origine de nos comportements négatifs. Et ce n’est que lorsque nous nous attacherons à guérir les plaies du cœur qu’il y aura la paix dans le monde. Cela ne
viendra ni des sciences ni des technologies. C’est seulement en entrant en nous-mêmes, en pratiquant ce dont nous avons parlé, en agissant avec le cœur ouvert que nous parviendrons à guérir ces blessures. C’est le seul moyen !
Le docteur Doty est l’auteur de La fabrique des miracles, qui vient de paraître en français aux éditions Flammarion. Il est co-fondateur du « Center for Compassion and Altruism Research and Education (CCARE) », à l’université Stanford, à Palo Alto, en Californie.
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Vivre avec
les nouveaux enfants 26
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Arrosez tous les jours ce que vous désirez voir pousser. S’appuyant sur son expérience professionnelle d’ergothérapeute pour enfants, TERRAN DAILY nous suggère des moyens d’encourager et de cultiver les meilleurs comportements possibles chez nos enfants.
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rrête de pleurnicher ! Combien de fois faut-il te dire de ne pas arracher les jouets des mains de ta sœur ! Ne me dis pas que tu as de nouveau oublié ton sac d’école ! Est-ce que tu feras une fois tes devoirs sans que je te harcèle ? Dans la plupart des familles, la vie est pimentée d’un certain nombre de gronderies, mais quand celles-ci deviennent le mode de communication le plus fréquent, et que le comportement de l’enfant empire au lieu de s’améliorer, il faut que quelque chose change. Imaginez un instant votre vie de famille comme un jardin, les divers comportements de vos enfants comme des plantes, et l’attention que vous leur portez comme de l’eau. Quelles plantes allez-vous cultiver ? Je suppose que ce sont des comportements harmonieux, responsables, respectueux, ceux qui font preuve d’un désir de grandir. La tactique consiste alors à déverser votre attention sur les comportements positifs, à les aider à se renforcer, tout en vous focalisant le
moins possible sur ceux qui sont négatifs, jusqu’à ce que ceux-ci diminuent et finissent par disparaître. Dans le dernier article il était question de définir clairement les buts à atteindre et d’« arroser » les comportements que nous désirons cultiver avec les récompenses dont nous avions convenu avec les enfants. Mais il existe quantité d’autres façons d’irriguer les comportements positifs. Voici quelques stratégies.
Dites clairement ce que vous voulez Avant de pouvoir arroser les comportements que nous désirons cultiver, il faut les définir clairement. Il est malheureusement plus facile de reconnaître ce que nous ne voulons pas que ce que nous voulons. Une façon d’y voir plus clair consiste à noter les comportements de votre enfant qui vous énervent le plus ou vous inquiètent. A côté de chacun d’eux, écrivez ce que vous voudriez qu’il fasse à la place. Par
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exemple : « Paul arrache un jouet des mains d’Anna » devient « Paul demande à Anna de lui prêter son jouet et attend de voir si elle le lui donnera. Si Anna refuse, il trouve autre chose à faire ou demande de l’aide à un adulte. »
plaisir, même s’il s’agit de petites choses. Parlez-en. Exprimez votre approbation. Passez en revue votre liste de comportements souhaités et cherchez les progrès qui pourraient être faits en ce sens. Si vous voyez votre enfant accomplir
Si vos enfants sont assez grands pour cela, il peut être utile et amusant de les impliquer. Choisissez un ou deux comportements problématiques sur votre liste, et demandez à votre enfant de chercher ce qu’il pourrait faire à la place. Il peut aussi se dessiner en train d’adopter la nouvelle attitude. Mettez le dessin au mur et proposez aux autres membres de la famille de faire des commentaires. « Oh, j’adore cette image d’Anna et toi en train de jouer tranquillement ! »
ne serait-ce qu’un tout petit pas dans la bonne direction, dites-lui que vous l’avez remarqué et exprimez votre approbation. Dans notre exemple, Paul dira peut-être à Anna d’une voix menaçante : « Donne-moi ce jouet ! » D’accord, ce n’est pas exactement ce que vous imaginiez, mais au moins il parle à Anna au lieu de lui arracher le jouet. Vous pourriez allez auprès d’eux – assez rapidement pour que les choses ne dégénèrent pas – et dire : « Paul, ça me fait très plaisir que tu parles à Anna au lieu de lui prendre son jouet. Mais peux-tu trouver une façon vraiment gentille de le lui demander ? » Vous avez arrosé le tout petit pas que Paul a fait vers un comportement pacifique et respectueux, et vous l’aidez à continuer dans la bonne direction. Peut-être qu’une autre fois il se conduira vraiment comme vous le désirez. Il viendra vous dire : « Anna ne veut pas partager ! Je lui ai demandé, mais elle ne veut pas me donner le jouet ! » Il a fait exactement ce que vous lui aviez suggéré – s’adresser à un adulte – c’est donc le moment de le féliciter. « Oh Paul, je suis si contente que tu sois venu vers moi au lieu de lui prendre son jouet ! »
Encouragez les valeurs positives Vous pouvez ensuite réfléchir aux valeurs qui soustendent les comportements que vous souhaitez voir votre enfant adopter, et les noter aussi. Pour l’exemple ci-dessus, les valeurs seraient la paix, l’harmonie, la patience et le partage. En voyez-vous d’autres ? Cherchez ensuite des récits ou des exemples historiques qui mettent l’accent sur ces valeurs et lisez-les ou parlez-en à vos enfants pendant la semaine. Vous pouvez faire avec eux des posters qui illustrent chacune de ces valeurs, et les mettre au mur à côté de leurs dessins. Porter ce genre d’attention aux valeurs positives est un puissant moyen de les arroser. Toute la famille peut s’impliquer.
Surprenez votre enfant en train de faire quelque chose de bien Vous voilà maintenant mis au défi. Il n’y a pas que votre enfant qui doit changer ! Vous devez vous entraîner à remarquer des attitudes qui vous font
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Laissez les mauvaises herbes mourir de soif Accorder le moins d’attention possible aux comportements dont vous ne voulez pas peut se montrer tout aussi difficile que de remarquer ceux que vous désirez. Si votre enfant fait quelque chose qui pourrait le mettre en danger, lui ou un autre, ou risquer
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Arroser les comportements positifs exige de la patience et de l’entraînement, et quand vous serez fatigué ou frustré, vous n’y réussirez pas toujours. De la même façon que vous le faites pour vos enfants, félicitez-vous quand vous aurez fait ne serait-ce qu’un petit pas dans la bonne direction. Allez-y tranquillement, faites-vous confiance.
d’abîmer le bien d’autrui, vous devez intervenir – un minimum d’attention est donc nécessaire. Mais vous pouvez rester neutre, protéger les personnes et les objets sans vous mettre en colère et gronder. Si par exemple Paul et Anna commencent à se battre physiquement, il faudra les séparer, pour qu’ils se calment et que vous puissiez ensuite parler ensemble de la situation. Souvent, le comportement problématique est plus gênant ou irritant que dangereux. Ce peut être par exemple Valentin, le grand frère de Paul et Anna, qui oublie souvent de ramener son sac d’école à la maison. Vous êtes exaspéré, mais vous cherchez ce que vous pouvez faire d’autre que gronder, puisque de toute façon ça ne marche pas.
Par exemple marquer d’une étoile sur un calendrier les jours où il pense à son sac et lui donner une récompense au bout de dix fois. Les jours où il l’oublie, encouragez-le : « Bon, je suis sûr que tu y penseras la prochaine fois. Alors, comment allons-nous trouver quels devoirs tu dois faire pour demain ? » Arroser les comportements positifs exige de la patience et de l’entraînement, et quand vous serez fatigué ou frustré, vous n’y réussirez pas toujours. De la même façon que vous le faites pour vos enfants, félicitez-vous quand vous aurez fait ne serait-ce qu’un petit pas dans la bonne direction. Allez-y tranquillement, et cherchez si vous le pouvez le soutien de votre conjoint, d’autres personnes de la famille, ou d’un professionnel. L’école de votre enfant, ou son médecin, pourrait peut-être vous aider. J’espère qu’en y mettant de la persévérance et du cœur vous verrez votre famille se mettre peu à peu à cultiver un beau jardin d’harmonie, de responsabilité, de respect et de bonheur.
Pour en savoir plus 1. How to Use Positive Reinforcement for Children, on the New Kids Center website : http://www.newkidscenter.com/PositiveReinforcement-for-Children.html 2. Nelson, J. et al, 2007. Positive Discipline A-Z: 1001 Solutions to Everyday Parenting Problems, 3rd Edition, Three Rivers Press, Random House, Inc., USA 3. Tillman, D. and D. Hsu, 2001. Living Values Activities for Children Ages 3-7, Health Communications, Inc., USA 4. Miller, J.C., 1998. 10 Minute Life Lessons for Kids: 52 Fun and Simple Games and Activities to Teach Your Child Honesty, Trust, Love, and Other Important Values, HarperCollins, USA
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En tuant le temps, on blesse l'éternité. HENRY DAVID THOREAU
PHOTOGRAPHIE ANDRE BENZ
Marcher vers la
LibertĂŠ
focus l'énergie de la liberté
La science de la spiritualité Série sur l’évolution de la conscience
KAMLESH PATEL nous emmène en voyage – le voyage ultime vers la liberté – et nous explique pourquoi, dans le monde entier, la liberté a une telle importance.
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n étudiant l’histoire, on se rend compte qu’il existe un certain nombre de principes et de valeurs auxquels les gens de toutes cultures, de tous milieux et de tous horizons ont toujours attribué une grande importance. L’un des plus précieux est la liberté. Ram Chandra de Shahjahanpur disait que « l’aspiration naturelle de l’âme est de se libérer de l’esclavage ». Cette soif, ce désir ardent de liberté est ce qui oriente essentiellement la vie humaine. On pourrait dire en fait que le véritable but de l’être humain est de marcher vers la liberté. Mais de quelle liberté parle ici Ram Chandra ? Est-ce se permettre tout ce qu’on veut sur cette terre pour son bien-être, sa propre satisfaction, au détriment d’autrui, d’autres espèces et de l’environnement ? Le philosophe grec Platon a clairement répondu que non, soutenant que la liberté s’accompagne de la responsabilité de faire des choix qui s’accordent avec la bonté. Au XVIIe siècle, John Milton disait la même chose. Dans les enseignements de toutes les religions, philosophies et traditions spirituelles, on trouve l’idée qu’il faut choisir ce qui est juste plutôt que ce qui est agréable. Le noble chemin octuple du Bouddha est basé sur les mêmes prémisses, tout comme les préceptes éthiques du yoga – yama et nimaya – et les dix commandements de la tradition judéo-chrétienne. Revenons aux paroles de Ram Chandra, « L’aspiration naturelle de l’âme est de se libérer de l’esclavage. »
Quel esclavage ? À quoi l’âme est-elle asservie ? Tout au long de cette série d’articles sur l’évolution de la conscience, nous avons touché de près cette question. L’évolution de la conscience est précisément l’expansion qui se produit pas à pas, à mesure que nous transcendons ce qui asservit l’âme. Nous avons exploré les trois corps de l’être humain : l’âme est au centre de notre existence ; elle est entourée d’enveloppes dont le nombre est infini, et qui toutes peuvent se charger de complexités et d’impuretés. La véritable marche vers la liberté consiste à purifier ces enveloppes pour qu’elles cessent d’entraver l’âme. Afin que celle-ci soit libérée de toutes lourdeurs et puisse prendre son envol et devenir une avec l’âme universelle, que nous appelons le divin ou Dieu, et vivre dans la conscience universelle. Cette marche vers la liberté n’est autre que le voyage spirituel, et il existe une carte pour nous guider, pour nous indiquer les directions à prendre. Cette carte est l’anatomie spirituelle du système humain. Dans les articles précédents nous avons commencé à l’explorer, nous allons maintenant le faire plus en profondeur. La plupart d’entre vous ont entendu parler des chakras, qu’on décrit souvent comme des centres du système humain où l’énergie se concentre. Traditionnellement, on en compte sept principaux : le chakra racine à la base de la colonne vertébrale, le chakra sacré juste au-dessous du nombril, le chakra du plexus solaire, le chakra du cœur, le chakra de la
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gorge, le chakra du front et le chakra de la couronne, au sommet de la tête (schéma ci-contre). Mais nous savons maintenant que l’anatomie spirituelle comprend bien davantage de chakras, qui s’étendent jusqu’à la protubérance occipitale, à l’arrière de la tête. Les trois chakras inférieurs sont communs à toutes les espèces animales supérieures, mais seuls les humains ont la possibilité d’éveiller et de développer le chakra du cœur et ceux qui se trouvent au-dessus (schéma p. 38). Le chakra du cœur n’est pas qu’un seul point, une seule étoile, c’est une constellation de nombreuses étoiles dont les 5 principales (appelées aussi chakras) se rapportent aux 5 éléments qui se manifestent dans tout l’univers : la terre, l’air, le feu, l’eau et l’éther, aussi appelé akasha, l’espace. Nos corps sont également composés de ces 5 éléments, et ceux-ci sont présents dans le chakra du cœur. Dans le chakra 1 du cœur ce sont les qualités de l’élément terre qui dominent. Les quatre autres éléments y sont présents dans une moindre proportion. Le chakra 1 se trouve en bas à gauche de la poitrine, près du cœur physique. Le chakra 2 est celui de l’âme, situé en bas à droite de la poitrine. La qualité de l’espace, ou akasha, y domine. Le chakra 3, où l’élément feu est prépondérant, se trouve à gauche en haut de la poitrine. Le chakra 4, où l’élément eau domine, est en haut à droite de la poitrine, et le chakra 5, où l’élément air prédomine, est situé sur la gorge. Tous appartiennent à la grande région du cœur, ou Pind Pradesh. Lorsqu’on pratique Heartfulness, la première étape consiste à purifier et éveiller les 5 chakras du Pind Pradesh afin que la conscience puisse se répandre à travers cette vaste région.
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Magazine Heartfulness
Après avoir traversé les chakras de la région du cœur, le voyage se poursuit dans des régions de plus en plus élevées. Pour aller plus loin, la qualité importante dont nous avons besoin est la générosité.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous ? La première chose, c’est que nous apprenons à purifier et maîtriser l’aspect « sentiments » de la vie. Nous parvenons à dissiper les couches d’altération et de disfonctionnement émotionnels qui entourent l’âme et faussent nos perceptions, de telle sorte que sagesse et clarté deviennent l’état naturel de notre être. Nous développons la confiance qui nous permet d’écouter notre cœur. Notre vie devient plus simple et plus pure. Au cours de ce voyage à travers la région du cœur, nous apprenons au chakra 1 à travailler sur nos attirances et nos aversions, la poussée de nos désirs, nos préoccupations matérielles, l’avidité et la jalousie, le ressentiment et l’auto apitoiement, la sensualité et la lascivité, la culpabilité et la honte. Quand nous maîtrisons ces émotions grâce à la purification du chakra 1, nous développons un sentiment naturel de contentement et de légèreté. Ce qu’il y a de beau avec l’élément terre du chakra 1, c’est qu’il soutient et permet tout. Son acceptation est totale, sans aucun jugement. La
focus l'énergie de la liberté
Chakras traditionnels
Sahasrara dal kamal – le lotus aux mille pétales Ajna – le chakra du troisième œil Vishuddhi – le chakra de la gorge Anahata – le chakra du cœur Manipura – le chakra du nombril Svadhisthana – le chakra sacré Muladhara – le chakra racine
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Emplacement des 13 chakras de la région du cœur à la région centrale
Sommet du crâne *SDK : sahasra dal kamal
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Arrière de la tête
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terre permet par exemple qu’un meurtre soit commis, sans provoquer de séisme. La terre n’engloutit pas le meurtrier. Nous marchons sur la terre mère, et elle accepte notre poids. Nous pouvons créer un magnifique jardin, ou le brûler, la terre assiste à tout, elle nous tolère, nous accepte, telle une mère.Lorsqu’une personne développe cette qualité au plus haut degré, elle est devenue si aimante que, pareille à une mère,
Arrêtons-nous sur ces deux propriétés du feu : il purifie et fait fondre. Quel est l’élément solide qui fond en nous ? Dans nos interactions avec les autres, on se sent parfois vibrants et dynamiques, et parfois sans désir de faire quoi que ce soit, comme gelés. C’est de cela qu’il s’agit. Quand le feu de l’amour est là, on évolue facilement, car l’amour facilite et bonifie tout. Mais si l’on est chargé de complexités et de lourdeur
elle tolère et accepte tout.
on a de la peine à avancer. Le feu a encore une autre propriété. Même quand on oriente une allumette ou un briquet vers le bas, la flamme monte. Notre amour, le feu de l’amour, doit s’élever. Quand nous parlons de s’élever, c’est toujours de divinité que nous parlons. L’ amour nous connecte à la source, et au guide qui nous y conduit, et facilite par là notre marche vers la liberté.
Le chakra 2 est le cœur spirituel. C’est là que nous faisons l’expérience de la paix, de la légèreté, du calme et de la béatitude de l’âme. La compassion y atteint son apogée. Au début, il est difficile d’intégrer cette expérience à la vie quotidienne ; ces sensations sont si exaltantes que tout ce qu’on désire, c’est méditer et rester dans cet état de paix. D’une part on y ressent un calme et une paix immenses, et de l’autre, de façon très subtile, une aspiration à aller de l’avant. Peu à peu, en poursuivant notre voyage à travers le chakra 2 et en équilibrant les chakras 1 et 2, nous apprenons à la fois à nous ancrer sur le plan terrestre et à nous élever dans l’espace. Nous commençons à intégrer la matière et l’esprit dans nos vies. C’est ce qui crée la base qui nous permet d’avancer vers les chakras situés plus haut dans la poitrine, où nous rencontrons les autres éléments : le feu, l’eau et l’air. Le feu est l’énergie vitale et nous plongeons plus profondément dans cet élément au chakra 3. Le feu purifie. Il faut soumettre le minerai à de hautes températures pour le purifier et en extraire l’or. Quand on chauffe de la glace, que se passe-t-il ? Elle fond – elle se transforme en eau, puis en vapeur qui devient assez puissante pour propulser une locomotive.
Au chakra 3, nous apprenons à utiliser l’amour et la colère comme des émotions qui nous transforment et nous guident dans notre voyage. La colère dans sa forme la plus pure nous est utile, car elle nous alerte sur le fait que quelque chose ne va pas ; elle nous rappelle qu’il faut changer nos tendances et nos comportements pour pouvoir continuer sur la bonne voie. Lorsque nous sentons cette friction intérieure, nous savons que quelque chose doit être affiné. L’effet purificateur du feu au chakra 3 nous aide ainsi à changer, si bien que nous suscitons l’amour chez les autres. Qu’est-ce qui s’est transformé ? Ce qu’il y a de pire en nous, la haine par exemple. Elle a été muée en amour. C’est précisément ce qui nous aide à nous élever. Le feu a contribué à faire fondre notre cœur où la dévotion et l’amour véritables se mettent à croître. Nous n’avons plus à feindre l’amour – nous ne pouvons nous empêcher d’aimer. L’amour est devenu notre nature même. Quand l’amour ou la colère sont dirigés vers l’extérieur et qu’ils se concentrent sur des personnes ou des choses, ils peuvent tous deux nous entraîner
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focus l'énergie de la liberté
dans des imbroglios et des situations complexes, nous dérouter et provoquer des perturbations émotionnelles. Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas aimer sur le plan humain, ni utiliser la colère pour nous améliorer dans le quotidien, mais il importe de garder le champ de la conscience clair et pur, et surtout de ne pas le polluer par des émotions turbulentes. C’est dans ce but que Heartfulness utilise le processus du
Le chakra 5 est dominé par l’élément air dont les qualités sont la légèreté, la clarté et l’intelligence. L’air est toujours en mouvement, on ne sait jamais quelle direction il va prendre. De même notre mental, nos humeurs, nos émotions ne cessent de fluctuer. Au chakra 5, on peut rencontrer beaucoup d’illusions. Quand on a dans le cœur de la lourdeur ou des turbulences émotionnelles, l’élément
nettoyage : il vivifie et régénère chaque jour le champ de la conscience pour purifier le corps subtil.
air manifeste cette confusion et ces illusions. Il faut alors nous arrêter et attendre que la confusion ait disparu et que le cœur puisse à nouveau nous guider de façon claire. Au cours de notre voyage dans la région du cœur, nous purifions tous ces sentiments. Chacun a sa raison d’être, et nous apprenons à les utiliser de façon constructive pour continuer à évoluer. Après avoir traversé les chakras de la région du cœur, le voyage se poursuit dans des régions de plus en plus élevées. Pour aller plus loin, la qualité importante dont nous avons besoin est la générosité. La générosité du cœur a la capacité de lâcher les différences, les opposés, ou dwandwas, et de discerner les choses dans une juste perspective. Transcender ce Pind Pradesh signifie aller au-delà du plan terrestre de l’existence vers la Région du Mental, et finalement encore au-delà, vers la Région Centrale. Nous explorerons ces régions la prochaine fois, dans le but de mieux comprendre ce que veut dire marcher vers la liberté.
Passons au chakra 4, que suscite en nous l’élément eau ? Il a un effet très apaisant, calmant. Il rafraîchit notre esprit et tranquillise notre cœur. L’état dont nous avons fait l‘expérience avec le feu, toujours impatient d’aimer, devient plus paisible. L’amour a considérablement perdu de son intensité. Il devient pareil à une profonde rivière coulant vers la Source. Il est moins expressif et plus intérieur. L’effervescence émotionnelle de l’amour que l’on trouve au chakra 3 s’ennoblit et devient plus subtile lorsqu’elle est associée à l’élément eau. Quand l’amour s’approfondit, une force intérieure se développe et se manifeste au chakra 4 sous forme de courage et de confiance en tout ce que nous faisons. Le courage est très bénéfique quand il s’accompagne d’une saine humilité et d’une sollicitude pour les autres, mais il peut être destructif s’il est imprudent, irresponsable et dirigé par l’ego. Au chakra 4 nous faisons également l’expérience de la peur et apprenons à la maîtriser. Si vous êtes tout seul sur l’océan et qu’il y a des vagues de dix mètres, vous aurez peur. La peur est un contrepoids au courage, elle nous empêche de commettre des imprudences. Dans sa forme la plus pure, elle nous maintient sur la bonne voie. Mais quand elle est surchargée d’impressions, la peur peut être négative et paralysante.
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focus l'energie de la liberté
La régénération… Comment s'y prendre ?
Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux doucement et détendezvous. Portez votre attention sur votre dos et sur l'arrière de votre crâne. Emettez la suggestion que toutes les complexités et impuretés accumulées pendant la journée s’en vont. Imaginez qu’elles sortent par le dos, du haut du crâne jusqu’au coccyx. Pensez qu’elles s'échappent sous forme de fumée ou de vapeur. Poursuivez ce processus qui est à la fois actif et doux. Lorsque vous le sentez bien installé, vous pouvez l’accélérer. Poursuivez pendant 15 à 20 minutes. Puis vous ajoutez l’élément suivant au processus : imaginez que la lumière descend de la Source et entre par l’avant de votre corps. Elle passe à travers tout votre corps, vous aide à enlever les complexités et impuretés et ressort par le dos. Cette lumière remplit le vide laissé par ce qui a été retiré. Terminez par une suggestion ferme : à présent, toutes les complexités et impuretés sont parties et je me sens vraiment plus simple et pur.
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Au cœur
de l’atome YVES BENHAMOU explore la force nichée au coeur de l'infiniment petit, du subtil, et nous explique pourquoi on a toujours avantage à préférer la fusion à la fission.
Il y a la force manifeste, toujours impressionnante, qui nous renvoie à notre propre faiblesse, et puis il y a la force cachée, celle du subtil, de l’infinitésimal : la plus puissante ! Imaginons un bulldozer énorme, capable de déplacer et soulever des tonnes de cailloux et de gros blocs de roche. Regardons son travail, la puissance de ses mâchoires, ses rotations, ses chenilles en mouvement, au milieu des vrombissements de son moteur. L’homme aux commandes est concentré, malgré la fatigue. Les blocs sont extraits, déplacés, la terre versée. Nous pourrions rester là un long moment, impressionnés par tant de force mécanique. Maintenant, imaginons que notre œil puisse accéder à cette matière (cette terre ou ce bloc de roche) dans sa structure la plus intime, la plus élémentaire : l’atome. Regardons, ou plutôt admirons sa complexité, sa vie secrète. Que pourrions-nous voir si notre œil avait l’acuité d’un microscope électronique ? Nous pourrions admirer l’agencement miraculeux qui construit toute matière : un nombre précis de minuscules électrons, tournant à une vitesse
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faramineuse et réglée pour l’éternité (soit plus de 2000 km/sec), autour d’un noyau compact, dense, immobile. Entre l’orbite des électrons et le noyau, un espace qui semble vide. Dans ce vide réside, ou plutôt vit, pourtant le lien qui lie ces infimes satellites en mouvement autour de leur noyau, centre de cette architecture élémentaire. Le noyau lui-même est composé de particules distinctes : protons et neutrons, agglutinés, soudés par un lien bien plus fort encore que celui qui l’unit à ses électrons. Examinons maintenant deux cas de figure : • Que se passe-t-il quand une énergie assez puissante permet la désunion de ces particules nucléaires ? Il en résulte la libération d’une énergie plus puissante encore : l’énergie nucléaire, domestiquée par l’homme à des fins plus ou moins vertueuses. C’est la fission nucléaire. • Maintenant, que se passerait-il si l’on pouvait, après avoir isolé des noyaux, les réunir, les souder entre eux afin de constituer un noyau plus volumineux ? Une énergie encore supérieure à la précédente (4
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fois plus) serait libérée par ce processus ! Il s’agit là de la fusion nucléaire, naturellement à l’œuvre dans notre soleil et la plupart des étoiles, encore à l’étude et prometteuse d’une nouvelle source d’énergie, car immensément moins polluante que la fission évoquée précédemment. En théorie, en utilisant 1 m3 d’eau des océans pour cette fusion, on serait à même de produire autant d’énergie qu’avec 700 tonnes de pétrole ! Cela posé, quelles conclusions philosophiques, et au-delà spirituelles, pouvons-nous dégager de ces considérations ? Que la force la plus puissante est celle de l’infiniment petit, de l’infiniment subtil : un bulldozer, malgré sa taille, sa masse, sa technologie, n’est conçu que pour déplacer une quantité limitée de matériaux ; alors qu’un infime noyau d’atome renferme la puissance de l’énergie nucléaire ! Que l’énergie de la fusion, qui réunit des particules jusque-là isolées, est supérieure, en rendement et en vertu, à l’énergie de la fission, qui elle sépare, isole, pollue pour des milliers d’années. Au total, nous approchons là une paire de vérités spirituelles : • La vraie force est dans l’infime, se cache dans le délicat, là où l’on ne la soupçonnerait pas de prime abord. Nous pouvons évoquer la fable de Jean de la Fontaine, si célèbre, Le chêne et le roseau qui démontre poétiquement qu’un roseau résiste mieux qu’un chêne à l’ouragan le plus ravageur. • Réunir potentialise plus que diviser : l’adage « L’union fait la force » l’emporte sur « Diviser pour régner ». Mais ne faisons-nous pas nous-mêmes, chaque jour, l’expérience de ces deux lois spirituelles, lorsque nous nous asseyons pour méditer dans notre cœur ? La transmission yogique que nous recevons dans la méditation Heartfulness n’est-elle pas la démonstration que l’infiniment subtil peut vaincre les résistances psychologiques les plus tenaces, peut même agir, en
La force la plus puissante est celle de l’infiniment petit, de l’infiniment subtil : un bulldozer, malgré sa taille, sa masse, n’est conçu que pour déplacer une quantité limitée de matériaux ; alors qu’un infime noyau d’atome renferme la puissance de l’énergie nucléaire !
les transformant, en modifiant leur structure même, sur les éléments de la matière, à savoir nos molécules et nos tissus nerveux ? De même, dans le domaine de la physique quantique, comme nombre d’expériences ont pu le démontrer, la pensée peut agir sur la matière, influencer le comportement des particules. Enfin, la méditation qui réunit les êtres (yoga signifie union) sera sans doute un des instruments les plus efficaces pour accéder aux valeurs qui sauveront l’humanité. N’y a-t-il pas là une incroyable leçon de sagesse spirituelle à comprendre et à intégrer ?
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Expérience de Tania Singer La méditation et la génétique Voici une nouvelle preuve des changements que la pratique de la méditation provoque au niveau moléculaire. Elle vient de nous être fournie par un groupe de six chercheurs travaillant dans les universités de Wisconsin-Madison, Barcelone et Lyon. Ceux-ci ont détecté, chez des sujets bien expérimentés en méditation, une réduction de l’expression des gènes directement impliqués dans les processus inflammatoires (RIPK2 et COX2). Il y aurait donc, comme pour le cerveau, une certaine plasticité de notre système génétique. La méditation pourrait ainsi trouver pleinement sa place dans l’arsenal thérapeutique des processus inflammatoires.
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Tania Singer, spécialiste mondiale de l’empathie, et ses collègues Richard Davidson (université de Madison) et Antoine Lutz (CERN de Lyon) ont entrepris une étude qui vise à entraîner pendant une année 200 volontaires novices à l'empathie et à la compassion, et d’observer sous scanner les modifications cérébrales de certaines zones. A raison de vingt minutes de méditation par jour sur la compassion, méditation proche dans ses principes de la méditation du cœur Heartfulness, les examens révèlent dès la huitième semaine que l'amygdale, aire liée à l'agressivité et à la peur, diminue en densité, et que les zones reliées à l'empathie, comme l’insula, sont activées et augmentent structurellement, avec davantage de connexions neuronales. Si d’autres expériences avaient déjà montré que la méditation était capable de modifier le fonctionnement du cerveau en activant certaines zones et en en mettant d’autres au repos, cette magnifique expérience menée par Tania Singer et son équipe nous montre que la méditation est tout à fait capable de modifier la structure même du tissu cérébral, en « musclant » certaines zones. Tous se passe comme si, grâce à la pratique de la méditation et à l’augmentation des connexions neuronales qu’elle permet, le tissu cérébral devenait plus dense : c’est la neuroplasticité du cerveau. Fait remarquable, la zone concernée par nos peurs, nos aversions, à savoir l’amygdale cérébrale, étant moins souvent sollicitée grâce à l’apprentissage et à la pratique régulière de la méditation, sa structure s’en trouve moins dense, moins riche en connexions, ce qui se traduit par une diminution de nos réflexes de peur, de rejet et de méfiance. Voici établie la traduction physiologique et même anatomique de la pratique méditative.
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Une pause… Comment se détendre ?
Asseyez-vous confortablement et fermez doucement les yeux. Commencez par les orteils. Remuez-les. Maintenant, sentez qu’ils se détendent… Détendez vos chevilles et vos pieds… Sentez l’énergie qui monte de la terre… de vos pieds jusqu’à vos genoux, et qui détend les jambes… Détendez les cuisses… L’énergie monte le long des jambes… et les détend. Maintenant détendez profondément vos hanches… votre ventre… et votre taille… Détendez votre dos… Votre dos est entièrement détendu, du haut en bas… Détendez votre poitrine et… vos épaules. Sentez simplement que vos épaules fondent… Détendez le haut de vos bras… Détendez chaque muscle de vos avant-bras… vos mains… jusqu’au bout des doigts… Détendez les muscles du cou… Portez votre attention sur votre visage… Détendez les mâchoires… la bouche… le nez… les yeux… les lobes des oreilles… les muscles du visage… le front… jusqu’au sommet de la tête. Sentez que tout votre corps est maintenant complètement détendu… Dirigez maintenant votre attention sur votre esprit, vous sentant profondément détendu à l’intérieur… Respirez calmement... Laissez votre esprit se relâcher. Déplacez votre attention vers le cœur… Émettez tranquillement l’idée que la Source de lumière illumine votre cœur de l’intérieur et attire votre attention. Sentez-vous immergé dans l’ amour et la lumière dans votre cœur. Restez dans le calme et le silence et absorbez-vous lentement en vous-même.
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NORLHA l a m o d e D E pa r i S sur les hauts plateaux
tibEtains
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Très jeune, KIM YESHI rencontre un maître et devient bouddhiste. Elle se passionne pour le Tibet et rêve de transformer la vie du peuple tibétain. Elle nous raconte comment s’est créé le Norbulingka Institute pour les Tibétains en exil, puis le projet Norlha, encore plus fou : développer une entreprise qui va poser les fondements d’une nouvelle économie pour les nomades des hauts plateaux tibétains.
J
’ai toujours aimé les beaux tissus. Enfant, les toilettes décrites dans les livres de la Comtesse
de Ségur m’émerveillaient. Ma meilleure amie et moi nous enveloppions dans de vieilles robes de demoiselles d’honneur ayant appartenu à mes sœurs, ajoutant des bijoux en toc donnés par ma mère, et les foulards Hermès que je piquais dans ses tiroirs. Nous nous pavanions devant la glace, telles de grandes dames du passé. Mes parents aimaient les belles choses et avaient acheté et restauré un petit château en Normandie. Tous les dimanches, j’accompagnais mon père qui faisait les brocantes et le marché aux puces, et faisait venir des artisans du faubourg Saint-Antoine pour tendre les murs d’étoffes de soie et de velours de Lyon. Je regardais avec fascination le tapissier, un petit homme juché sur une échelle, qui crachait ses clous qu’il enfonçait ensuite d’une main habile. En grandissant, je remarquai que les coupes chics des manteaux en France étaient bien supérieures aux formes sans charme des manteaux anglais, mais que les tissus d’Outre-Manche, avec leur mélange de poil de chameau et de cachemire, étaient sans rival. Nous en avions un plein placard à la campagne et les sortions pour nous promener dans les bois. Malgré leur âge et leur aspect usé, il émanait d’eux un bienêtre décontracté et complice, plein de chaleur, une sensation qui pour moi devint plus tard une définition du confort personnel, que seule une matière exceptionnelle peut apporter. En 1973, âgée de 17 ans, je partis étudier aux ÉtatsUnis. Déjà bouddhiste et pratiquant le yoga, je décidai
d’étudier le tibétain et en vint ainsi à connaître mon futur mari, Kalsang, qui venait d’arriver d’Inde. Les leçons de tibétain donnèrent lieu à un rapprochement marqué, et à l’obtention de mon bachelor en anthropologie. Nous décidâmes de poursuivre des études supérieures en bouddhisme tibétain. Kalsang, qui avait déjà une formation d’enseignant en tibétain, enseignait la langue et les dialectes aux étudiants américains, tout en préparant son Ph.D., pendant que je finissais mon master. Deux ans plus tard, en 1979, déçus par la vie universitaire, nous avons changé de cap. Nous voulions participer et contribuer à quelque chose de vrai, de vivant. Nous sommes allés en Inde rejoindre la communauté tibétaine en exil. Là, j’ai découvert non
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seulement une culture riche en spiritualité, mais la littérature et les nombreuses formes d’art religieux qui m’ont fascinée. Entre 1979 et 1989, nous avons eu quatre enfants, et avons fondé le Norbulingka Institute, un havre pour les artisans tibétains qui arrivaient de plus en plus nombreux. Nous avons recruté des maîtres artisans en peinture de thangkas, ou peintures religieuses, en statues martelées, et en appliques de tissus, créant des thangkas à partir de centaines de pièces de brocard, ainsi que des ébénistes qui taillent le bois en tableaux délicats. Auprès de chaque maître, nous avons placé des apprentis, de jeunes migrants, avec ou sans expérience, ayant traversé la chaîne de l’Himalaya dans l’espoir de trouver un meilleur destin sur l’autre versant. Pendant plus de dix ans, j’ai créé des produits adaptant le savoir-faire tibétain au monde d’aujourd’hui, en cherchant des soies et des brocards précieux dans le fin fond de l’Inde. Norbulingka ne disposait d’aucune subvention ; en 2005, nous avions déjà plus de 300 employés, payés par les ventes de nos produits. Ça n’a pas été facile, mais nos efforts nous ont permis de rémunérer nos artisans et de monter une opération couronnée de succès, tout en transformant la vie de centaines d’hommes et de femmes.
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Mes enfants ont grandi dans ces chantiers et parmi les peintres, les tailleurs et les menuisiers. Vers 2003, mon mari et moi avons décidé d’envoyer au Tibet notre fille Dechen, qui avait presque terminé son bachelor aux États-Unis, pour explorer les possibilités de se fournir en laine de yak. Elle avait déjà passé six mois en Chine à apprendre le chinois et avait visité Lhassa l’année précédente. Je ne connaissais rien à la laine de yak, à part une anecdote racontée par le tailleur du 13e et du 14e Dalaï-lama, un vieux monsieur auprès duquel, dans les années 90, j’avais passé des journées entières à écouter le récit de sa vie. Il me raconta que, dans les années 60, un aristocrate tibétain, devenu officiel du gouvernement chinois à Lhassa, devait se rendre à un congrès à Pékin et voulait une veste qui possèderait, malgré le carcan du style réglementaire de l’époque, un caractère mettant en valeur une qualité bien tibétaine. Le tailleur lui fit une veste Mao de coupe parfaite en… laine de yak. A l’époque, j’avais retenu ce détail et c’est ainsi que la laine de yak, khullu en tibétain, fit son chemin au plus profond de ma conscience. Quelques années plus tard, je me suis familiarisée avec le cachemire, de la chèvre au produit fini. J’ai visité plusieurs fois la Mongolie, et l’idée de travailler
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avec des fibres précieuses et d’en fabriquer des tissus d’exception a marqué le début de mon obsession. J’ai commencé avec de la laine de chameau, provenant de Mongolie puis filée et tissée au Népal, dans l’atelier d’un ami. Pendant toutes ces années passées en Inde, Kalsang et moi rêvions de créer une activité au Tibet même. Connaissant la situation des émigrés qui traversaient
maître tailleur avait raison, le khullu était une fibre exceptionnelle. Dechen repartit au Tibet au printemps 2006, et à l’automne, avec son mari Yidam et un petit groupe de nomades du village de Ritoma, fit un stage au Cambodge, puis à Katmandou pour apprendre le tissage. Bien que les Tibétains filent et tissent la laine de mouton, c’est dans un contexte intemporel, où
l’Himalaya pour chercher fortune en Inde, et qui avaient grossi les rangs des employés de Norbulingka, je savais que la transition d’une vie pastorale traditionnelle à une vie où le marché faisait son chemin jusqu’aux régions les plus éloignées était difficile ; les jeunes, maintenant scolarisés, refusaient, surtout les filles, de revenir à une vie de nomade dure et ingrate. Notre rêve était de créer un atelier au Tibet même, et la mission de Dechen en cet été 2004, fut d’en examiner les possibilités. Elle a commencé par prendre des photos et établir des contacts avec des familles que nous connaissions en Amdo, province tibétaine du Nord-Est maintenant intégrée aux provinces chinoises du Gansu et Qinghai. L’ Amdo est une immense étendue de pâturages verdoyants habitée par des millions de yaks et de moutons, bien plus nombreux que les hommes. Dechen a tout appris sur la vie nomade, y compris les difficultés que rencontraient les jeunes entre deux mondes. L’année suivante, elle y est retournée avec son frère Genam, 18 ans, avec mission d’acheter et de traiter du khullu de yak. Ils sont restés cinq mois, en augmentant l’équipe de deux membres, Dunko, du village de Ritoma et Sonam Dolma, de Labrang. Ils ont acheté 2 tonnes de fibre brute, qu’ils ont fait nettoyer dans des usines d’éjarrage au bord du Plateau. Le résultat fut mis en ballots et chargé dans un camion transportant du beurre à Lhassa, puis à Katmandou ou le khullu fut filé et tissé en châles soyeux. Le résultat me remplit de joie ; le
le temps ne se compte pas en termes d’argent, et le résultat est plutôt utilitaire. Si les fermiers sédentaires
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Notre rêve est d’encourager une économie nouvelle, adaptée à notre temps, pour ceux qui sont souvent oubliés dans l’ouragan du progrès. du Tibet central tissent des étoffes d’exception depuis des siècles, les nomades restent assez rustiques, et leurs produits auraient eu peu de chances sur le marché d’aujourd’hui. Il était vital que nous devenions durables, et auto-suffisants, non seulement pour survivre, mais pour réussir. Pour cela, il fallait une technique qui soit plus performante, tout en restant simple. La solution s’offrait avec la technologie intermédiaire des métiers à navette, datant du XVIIIe siècle et introduits en Inde par les Anglais au début du XIXe. Ces métiers étaient
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non seulement efficaces et sophistiqués sur le plan technique, mais aussi bien adaptés à une petite production et à l’environnement d’un village. Nous achetâmes notre matériel à Katmandou, quinze métiers d’occasion que nous transportâmes par camion jusqu’à Lhassa. Pour la filature, nous adoptâmes le charka, le rouet indien, rendu célèbre par Gandhi. Je visitai le village de Ritoma pour la première fois en été 2006. J’exposai mon plan et, après une négociation avec le village et le monastère, on nous mit à disposition un terrain à l’entrée du village, en pente douce, face au sud. J’investis mes fonds personnels, et mon mari nomma notre nouvelle société : Norlha, qui signifie « richesse des dieux » en tibétain. La seule raison pour laquelle le village de Ritoma nous accueillait dans cette démarche si peu familière, était que nous promettions des emplois qui permettraient aux jeunes qui délaissaient la vie nomade de rester dans leurs villages, évitant une migration vers les villes.
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Grâce à nos liens avec quelques familles, ils nous firent confiance, un élément précieux dans notre démarche où tout se jouait, non sur les papiers et les contrats, mais sur le rapport humain. Je gardais cette confiance dans mon cœur comme un aiguillon qui nous donnerait le courage, à Dechen et moi, de trouver le moyen d’aboutir. Je croyais à ce projet dur comme fer, mais à part ma fille, j’étais un peu seule.
La construction de l’ atelier commença en avril 2007. L’architecture du bâtiment resta simple ; Dechen et Yidam habitaient chez Dunko, un cousin éloigné de Yidam qui les avait introduits à Ritoma. Dechen prit comme base le plan de sa simple maison nomade, en l’agrandissant plusieurs fois. Une bâtisse de structure traditionnelle en bois, avec poutres et piliers reposant sur d’imposants murs secs, typiques de la
Aller construire à partir de rien un atelier dans un coin perdu avec des pasteurs nomades, ne sachant ni lire, ni écrire, qui n’avaient jamais eu d’horaires fixes ni travaillé entre quatre murs, semblait être un défi insurmontable. Personnellement, cette démarche était la continuation du travail accompli à Norbulingka où Kalsang et moi avions construit une communauté durable d’artisans à partir de migrants sans expé-
région ; elle était à la fois solide et se fondait dans l’environnement local. Nous établîmes un comité dans le village pour nous aider à traiter les demandes d’emploi, bien supérieures aux 30 postes que nous offrions. Ils donnèrent priorité aux femmes, surtout à celles qui étaient pauvres ou divorcées et aux familles avec peu d’animaux, pour qui un salaire régulier était une importante contribution. Le nombre d’employés
rience. Je savais que c’était possible et étais prête à recommencer.
monta rapidement à 70, puis 90, et début 2017, nous étions 130, dont 70% de femmes. La formation fut
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n’avaient jamais rêvé, et les jeunes couples pouvaient maintenant établir leur propre ménage, dégagés de leurs parents ou beaux-parents. En quelques mois, leurs efforts donnèrent des fruits : nous avions des produits qui mettaient non seulement en valeur les qualités exceptionnelles de la fibre, mais aussi celle de nos artisans. Nos premiers clients furent les grandes maisons de Paris. Nous avions peu de fonds, et je mis toute mon énergie dans la création de produits haut de
entreprise durant l’été 2007, dans des tentes, sous l’égide de deux maîtres tisserands du Népal, en attendant l’achèvement de la construction. Nos artisans apprirent vite ; le métier de berger est dur et demande un esprit éveillé en tout temps, été comme hiver ; les troupeaux comprennent des centaines de bêtes, qu’il faut emmener paître et ramener tous les jours, en les protégeant des voleurs et des loups. Les femmes doivent traire les yaks, collecter la bouse qui servira de carburant, faire le beurre et le fromage et préparer les repas. Comparé à ça, un travail régulier exigeant le même éveil et l’attention au détail, dans un environnent chauffé, est perçu comme un privilège donnant à tous le désir de se donner à fond. Les femmes trouvaient une indépendance dont elles
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gamme. Dans les six années qui suivirent, nous travaillâmes avec plus de quinze maisons, dont Lanvin, Balmain, Sonia Rykiel et Heider Ackermann. Puis en 2014, nous prîmes un tournant, décidant de pousser la marque Norlha, pour mettre plus en valeur cette fibre exceptionnelle, le travail artisanal qui l’épaulait, ainsi que son histoire. Ce fut une grande chance pour moi que ma fille Dechen partage ma passion. C’est grâce à son courage et sa détermination que ce projet s’est développé aussi rapidement et aussi bien. Se prenant bientôt au jeu de cette aventure, elle y a mis toute son intelligence et son enthousiasme. L’ aspect humain, en particulier, l’a passionnée, mais ce ne fut pas facile. Face à une société patriarcale, Dechen, une femme menue d’à peine 25 ans, se retrouvait à la tête d’une opération où tout était à réaliser. C’est par sa capacité à s’adapter à toute situation, son habileté à communiquer, son extrême patience à former son équipe et à transmettre ses connaissances, puis la confiance que progressivement ses employés ont développée en elle, leur enthousiasme et leur soif d’apprendre, que Norlha est devenue l’entreprise qu’elle est aujourd’hui. Les défis furent nombreux, mais loin de décourager Dechen, ils l’ont poussée à se battre, à ne jamais lâcher. En plus de la gestion de l’atelier, du développement de systèmes de production inédits, elle participe à la création des lignes de produits et au stylisme. Photographe de talent, elle est aussi responsable de l’image de la marque.
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Dix ans plus tard, nous regardons les jeunes gens, ces anciens nomades qui ont tout misé sur Norlha. Leurs enfants sont nés, ont grandi, ils jouent dans l’atelier après l’école. Ils ont développé une assurance, une confiance dans l’avenir et celui de leurs enfants. Toute une petite économie s’est développée autour de l’atelier, poussée par le poids de plus de 120 salariés qui consomment dans le village même ; restaurants, aménagements, véhicules, petits magasins. Les fêtes locales, le Laptse, hommage aux dieux des montagnes, la fête religieuse du Saga Dawa au monastère, le pique-nique annuel de trois jours de Norlha, sont plus riches, plus denses, plus colorés. Les officiels locaux montrent l’atelier avec fierté aux dignitaires de Pékin ou de Lanzhou. Les lamas du monastère de Ritoma viennent plusieurs fois par an exhorter les employés,
leur rappellent leur chance d’être salariés dans le village même et de vivre à l’aise parmi les leurs, et les exhortent à mettre leur énergie commune à soutenir Norlha, leur bonne fortune collective. Notre rêve est de répliquer l’histoire de Norlha non seulement sur le Plateau tibétain, mais dans toutes les régions où les temps ont changé trop vite, où les sociétés traditionnelles se trouvent bousculées et sont en danger d’être marginalisées. Notre rêve est d’encourager une économie nouvelle, adaptée à notre temps, pour ceux qui sont souvent oubliés dans l’ouragan du progrès. Retrouvez Kim et Dechen dans le documentaire Au fil du monde – Tibet d'Isabelle Dupuy Chavanat et Jill Coulon, le 6 novembre 2017 sur Arte Voir aussi www.norbulingka.org et norlhatextiles.com
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Stress &
énergie
SANJEEV SHARMA , Ph. D., s'attaque aujourd’hui à l’une des causes de maladie les plus répandues qui soient. À le lire, on dirait que tous les espoirs sont permis ! Les gens souffrent d’épuisement professionnel ou de divers types de burnout, comme jamais auparavant. Il est facile de comprendre pourquoi. Entre nos téléphones portables, nos pagers et nos messages instantanés – sans parler de nos engagements et de nos responsabilités personnelles, professionnelles et familiales – il nous arrive d’être « de garde » 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Peu importe combien nous en faisons, notre liste de choses à faire ne cesse de s’allonger. Et c’est sans oublier d’autres menaces comme le terrorisme, le SRAS, le virus du Nil occidental et
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Comment vivre au XXIe siècle ?
d’autres nouvelles maladies infectieuses propres à faire grimper notre niveau d’anxiété. Le simple fait de penser à tout cela peut suffisamment nous inquiéter pour compromettre notre sommeil, ce sommeil dont nous avons si désespérément besoin pour reconstituer nos réserves d’énergie en voie d’épuisement. À la fois fatigués et tendus, nous dissimulons nos bâillements et parvenons avec peine au bout de nos journées. Ce tableau vous est familier ? Vous faites peut-être partie de ces millions de personnes dans le monde qui dépensent chroniquement plus d’énergie qu’elles n’en ont. Ce déséquilibre a d’énormes répercussions à la fois sur le corps et l’esprit. C’est aussi aujourd’hui une des principales causes de maladie dans le monde
ça change tout
Nous avons tendance à voir notre corps comme une structure solide, avec des os, des muscles, des organes, des artères et des veines où le sang circule. En réalité, la matière solide qui compose le corps humain pourrait tenir dans un dé à coudre. Le reste, c’est de l’espace.
développé, où le stress est à l’origine d’environ 80% des problèmes de santé. Pour vous donner une idée des effets qu’a sur votre santé cette dépense excessive de vos réserves d’énergie, imaginez votre corps comme une batterie de voiture qui fournirait constamment du courant sans jamais se recharger complètement. Un jour ou l’autre elle serait à plat et le moteur s’arrêterait.
Nous sommes énergie Nous avons tendance à voir notre corps comme une structure solide, avec des os, des muscles, des organes, des artères et des veines où le sang circule. En réalité, la matière solide qui compose le corps humain pourrait tenir dans un dé à coudre. Le reste, c’est de l’espace – à l’intérieur des cellules, entre les cellules, et entre les organes. Ce qui connecte et anime tous ces éléments, c’est l’énergie que produisent nos
cellules. C’est ce qui nous fait avancer. Et si l’apport énergétique est insuffisant, notre santé en pâtit. Les anciens guérisseurs chinois ont compris cela il y a des milliers d’années. Ils ont conçu l’acupuncture, une discipline thérapeutique qui agit directement sur les centres énergétiques du corps. De même pour les scientifiques et maîtres spirituels indiens d’antan : ils ont développé des techniques de yoga afin d’accroître le prana, terme védique pour désigner la force vitale. Ils avaient compris que l’énergie qui anime nos corps est la ressource humaine la plus précieuse qui soit et que, tout comme celle qui chauffe nos maisons et propulse nos voitures, elle n’est pas infinie. Notre défi ? Utiliser notre énergie avec sagesse, en faisant tout notre possible pour ne jamais l’épuiser ! Le fait de demander constamment à notre corps de fournir de l’énergie sans la renouveler a un impact négatif sur notre santé et notre bien-être. Tant que nous n’aurons pas appris à maintenir l’équilibre entre la quantité d’énergie que nous brûlons et celle que nous stockons, nous ne nous sentirons pas au mieux de notre forme. Or toute action, toute pensée, toute émotion, et particulièrement le stress, consomme de l’énergie. D’où vient toute cette énergie, au juste ? Chaque cellule produit sa propre énergie grâce à ses mitochondries. Ces structures microscopiques transforment les nutriments des aliments en énergie qui est stockée dans des molécules, l’ATP (adénosine triphosphate) et la CP (créatine phosphate), qui toutes deux transportent et libèrent de l’énergie selon les besoins. L’information qui régit notre production d’ATP et de CP est encodée dans notre ADN. Lorsque nos
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mitochondries produisent ces molécules en quantité suffisante, nos cellules ont assez d’énergie pour mener à bien toutes les activités biologiques nécessaires à notre bon fonctionnement. Mais quand nos mitochondries ne peuvent répondre à la demande, nous risquons une crise énergétique cellulaire. Autre facteur qui peut nuire à la capacité de nos mitochondries à produire de l’énergie : les atteintes à notre ADN et aux membranes cellulaires. Les radicaux libres, qui sont des dérivés réactifs de l’oxygène, causent des ravages dans notre corps ; ils endommagent notre ADN et s’attaquent aux composants essentiels de nos cellules. Cela dit, ces molécules instables ont également un potentiel bénéfique puisqu’elles contribuent à détruire les virus et les bactéries infectieuses. Les expressions « stress oxydatif » et « dommages oxydatifs » font référence aux dégâts causés par les radicaux libres à notre ADN, nos parois cellulaires et nos protéines. À mesure que s’amplifient ces ravages, la capacité de nos cellules à générer de l’énergie diminue. Cela peut conduire à la mort cellulaire, aux lésions tissulaires, au vieillissement et aux maladies dégénératives liées à l’âge. Avec leur taux métabolique très élevé, nos cellules cérébrales sont des consommatrices d’énergie extrêmement voraces. Elles sont donc particulièrement vulnérables en cas de dommages oxydatifs et de crises énergétiques. Un déficit d’énergie entraîne la perte de neurones, ce qui accélère le vieillissement cérébral et favorise l’apparition de maladies dégénératives, comme l’Alzheimer et le Parkinson. Le stress oxydatif peut donner lieu à d’autres problèmes : douleurs thoraciques, crise cardiaque, hypertension artérielle, irritations gastriques, ulcères, affaiblissement du système immunitaire et autres
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Nous pourrions comparer le système nerveux parasympathique à une agence interne de protection de l'environnement. De même que les limitations de vitesse permettent d’économiser du carburant, le système parasympathique réduit les dépenses énergétiques en ralentissant les rythmes cardiaque et respiratoire, et en apaisant le cerveau.
complications, selon les vulnérabilités individuelles. Il peut également entraîner l’impuissance chez l’homme et l’arrêt des menstruations chez la femme. Si nous voulons briser le cycle du stress, nous devons bien comprendre les conséquences d’un épuisement énergétique sans renouvellement d’énergie, car c’est précisément ce qui se produit lorsque notre système de réponse au stress est suractivé sur de longues périodes. Rappelez-vous que 80 % des maladies sont déclenchées ou aggravées par le stress !
L'équation stress-énergie La recherche médicale a découvert que notre système de réponse au stress assurait aussi la régulation de
ça change tout
notre énergie. Et puisque ce système consomme lui-même de l’énergie, il peut également souffrir d’épuisement chronique. Les deux principaux composants de notre système de réponse au stress sont la branche sympathique du système nerveux autonome et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénal (HHS). Le système nerveux autonome régule les fonctions involontaires du corps : fréquence cardiaque, pression artérielle, dilatation et contraction des vaisseaux sanguins, respiration, digestion et activité des muscles lisses. Il se compose lui-même de deux branches : le système sympathique et le système parasympathique, qui s’équilibrent mutuellement. La branche sympathique libère les hormones qui accélèrent le rythme cardiaque et la respiration. La branche parasympathique, à l’inverse, les ralentit. L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénal régule les hormones surrénales qui jouent un rôle dans l’équilibre de différents systèmes du corps, y compris le stockage et la libération d’énergie, l’inhibition de la réaction immunitaire et la reproduction. Ce système sophistiqué de réponse au stress est prévu pour être activé pendant des périodes relativement courtes, suivies d’intervalles plus longs de récupération et de régénération. Il était très efficace lorsque nous étions des chasseurs cueilleurs contraints de fuir ou de combattre les ours et les tigres, ou même quand nous vivions dans des agglomérations rurales. Des périodes de repos succédaient alors aux épisodes stressants. Aujourd’hui, avec la vie urbaine moderne et ses agressions chroniques de toutes sortes, nos hormones du stress se déversent en permanence ! Autrement dit, ces hormones, qui sont essentielles à notre survie à
court terme, maintiennent notre corps en constant état d’alerte. Résultat : nos cellules sont incapables d’effectuer des réparations critiques ou de reconstituer leurs réserves d’énergie.
Comment éviter la crise énergétique Nous pourrions comparer le système nerveux parasympathique à une agence interne de protection de l’environnement. De même que les limitations de vitesse permettent d’économiser du carburant, le système parasympathique réduit les dépenses énergétiques en ralentissant les rythmes cardiaque et respiratoire, et en apaisant le cerveau. Les cellules peuvent ainsi diminuer leur production d’énergie et libérer moins de radicaux libres, ce qui donne aux défenses cellulaires la possibilité de neutraliser ces radicaux libres et de faire des réparations avant que la situation n’empire au point de faire perdre aux cellules leur capacité de produire de l’énergie.
Une réponse nouvelle à un problème ancien Depuis quelques années, la recherche médicale a découvert le rôle crucial du système nerveux parasympathique dans la guérison des atteintes corporelles causées par le stress. Les scientifiques avaient longtemps cru que la meilleure façon de lutter contre le stress était simplement
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d’inhiber la réponse du type « fuite ou combat » activée par le système sympathique – sous-estimant par là l'importance de la restauration des réserves d’énergie, qui est le travail du parasympathique. Lorsque nous subissons un stress, le système sympathique augmente notre rythme cardiaque et donne au corps le signal de brûler plus d’énergie. Mais à son tour le système parasympathique ralentit le cœur et conserve l’énergie. Des études montrent que cette action calmante nous protège des dommages liés au stress, et l’on reconnaît désormais le potentiel thérapeutique d’une amélioration de la fonction parasympathique. Le nerf vague, qui représente le plus grand faisceau de nerfs parasympathiques, joue un rôle important dans les interactions entre le mental et le corps, en particulier dans les cas de réactions automatiques, impossibles à maîtriser, qu’on appelle « viscérales ». Donc la prochaine fois que vous aurez une réaction incontrôlée d’angoisse, de trac, de haine ou de violence, sachez que votre nerf vague vous parle ! Or s’il est relativement facile d’acquérir une compétence nouvelle, comme maîtriser un nouveau programme informatique, par exemple, il est pratiquement impossible de réprimer une réaction viscérale. C’est qu’il s’agit de réactions émotionnelles qui sont constitutives de notre personnalité et donc difficiles à modifier. Cela dit, c’est possible. Comment ? En faisant appel à des expériences émotionnelles positives. Ainsi, des relations harmonieuses, une nutrition saine, la libération de notre expression créatrice, des pratiques spirituelles telles que la méditation et le yoga, ou encore de nombreuses formes de psychothérapie, constituent autant de voies pouvant nous aider à nous libérer de notre hyperréactivité. En deux mots, efforcez-vous d’intégrer les aspects matériel et spirituel de votre vie et vous gérerez mieux le stress chronique de la vie urbaine au XXIe siècle.
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ça change tout
Un moment suspendu… Comment méditer ?
Asseyez-vous confortablement dans un endroit où vous pouvez méditer sans bruit ni distractions, de préférence au même endroit et à la même heure chaque jour. Éteignez votre téléphone portable et autres appareils. Fermez doucement les yeux et détendez-vous. Asseyez-vous le dos droit, mais sans rigidité. Prenez quelques minutes pour détendre votre corps avec la relaxation Heartfulness. Portez votre attention vers l’intérieur et prenez un moment pour vous observer. Ensuite, émettez calmement la suggestion que la Source de lumière est là, présente dans votre cœur. Pensez que cette lumière vous attire de l’intérieur. Faites cela de manière douce et naturelle. Il n’est pas nécessaire de vous concentrer. Si vous sentez que votre attention dérive vers d’autres pensées, revenez tranquillement à l’idée de la Source de lumière dans votre cœur. Laissez votre attention posée sur le cœur. Sentez que vous vous fondez dans cette perception. Vous allez peut-être dépasser l’état de vigilance pour atteindre un état de détente profonde. Tout va bien. Restez en méditation jusqu’à ce que vous sentiez qu’elle est terminée.
www.heartfulness.org
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Le cheminement d’un
yogi
Texte PATRICK FLEURY, illustrations SYLVAINE JENNY Retrouvez les dialogues de Théophile sur le site theophilelancien.org.
L
e dialogue sur les Yoga-Sutras de Patanjali se poursuit entre Théophile l’Ancien et son jeune ami Théo, cette fois-ci ils explorent les deux premières étapes : yama, les abstinences, la bonne conduite, et nyama, les observances. YAMA - NYAMA L’ Ancien reprend : – Les huit étapes décrites par Patanjali doivent être considérées comme un tout, comme l’est l’individu, indivisible. L’ homme est composé de trois corps et de cinq enveloppes. Le corps astral, aussi appelé corps subtil, contient quatre éléments : le mental
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(manas), la conscience (chit), l’intellect (buddhi) et l’ego (ahankar). Cela va constituer le point de départ de notre travail spirituel. [Série d’articles sur l’évolution de la conscience, Les 3 corps, 1re et 2e parties, voir magazine Heartfulness Hors série mai 2017 « La science de la spiritualité », p. 16 et suiv.] Le yoga agit sur les trois corps et les cinq enveloppes, tous au service de l’âme (atman). Le processus consiste à les purifier et les affiner. Dans notre méditation nous utilisons le mental (manas), dans l’espace du cœur, pour faire la transition et l’intégration entre le plan matériel et le plan spirituel. Nous l’utilisons pour pénétrer dans la dimension du Soi.
yoga
– Pourquoi toutes ces étapes dans la tradition du yoga ? A quoi correspondent-elles ? – Tous les aspects sont pratiques : les asanas et la respiration servent à maintenir le corps en état de fonctionnement optimal car l’ascèse du yogi est éprouvante tant physiquement que psychiquement. Il se doit d’être fort et déterminé. Postures (asanas), respiration (pranayama), la bonne conduite ou les abstinences (yama) et observances (nyama) ont pour objectif de purifier le corps et l’esprit, en purifiant les canaux d’énergie. Ce nettoyage permet à la force pranique de circuler, d’activer la conscience et, pour nous, d’atteindre l’équilibre et l’éveil. – Tu veux dire que ces simples exercices peuvent éveiller la conscience ? – Tout à fait et aussi développer des capacités intellectuelles et psychiques. – Que veux-tu dire par purification ou nettoyage ? – La purification mentale, utile pour le développement de la conscience, concerne d’abord les abstinences (yama). Celles-ci sont abordées de manière positive : • non violence : ahimsa • dire la vérité : satya • non vol : ashteya • célibat : brahmacharya • non avidité : aparigraha – Il y a donc une connotation morale dans yama ? – Peut-être, mais un individu qui ment, vole ou blesse physiquement, mentalement ou spirituellement, perd son unité et se fragmente. Quand tu dis la vérité tu es dans un état non-duel. – Dans cette liste, peux-tu m’en dire plus sur le célibat ?
– En fait le célibat correspond, pour le yogi, au contrôle de ses sens et de tous ses organes, y compris ses organes génitaux. Le contrôle de la sexualité représente la plus grande difficulté. Dans l’approche Heartfulness, issue de la voie du Sahaj Marg (voir la première partie de cet article dans notre numéro no. 9), nous prônons la vie de famille, l’équilibre en tout. La famille est le meilleur endroit pour évoluer, elle permet de développer l’amour et le sens du sacrifice. – Qu’en est-il des observances (nyama) ?
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– Nyama a aussi cinq branches et chacune d’elles est pratiquée au niveau mental, verbal et physique, en lien avec nos trois corps : • la pureté : shaucha • le contentement : santasha • les austérités : tapas • l’étude des textes sacrés : svadhyana • la consécration à Dieu : Ishvar-pranidhana – Prenons l’exemple de la pureté, comment procéder ? – Le corps est purifié par l’eau. Le mental est purifié par la vérité et l’âme par la connaissance et les austérités. – Et le contentement ? – Le contentement est considéré comme la plus importante des observances. Cela consiste à apprécier et remercier pour tout ce que l’on reçoit de la vie.
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– Cela revient à ne plus avoir de désirs, d’envies et de frustrations ? – C’est le but recherché. Les austérités quant à elles, permettent de se purifier, mais aussi de développer certaines capacités, ce qui peut être nécessaire chez un yogi qui chemine seul, sans aucune aide. Il peut en avoir besoin pour progresser sur la voie de la réalisation. Cela dit, dans le Sahaj Marg, c’est le guide spirituel qui aide l’aspirant à passer chaque étape le moment venu. Pour ça, il utilise la transmission yogique, pranahuti, et le nettoyage des impressions ou complexités, samskaras. En fait les capacités, ou pouvoirs, sont très lourds à porter et il y a toujours le risque que notre ego s’en empare. Comme le disait Parthasarathi Rajagopalachari : « Voyageons léger, nul besoin de porter des pouvoirs. Ce dont nous avons besoin vient toujours à point nommé. »
yoga
– Donne-moi des exemples d’austérités. – L’austérité mentale (baudhika-tapas), signifie l’équilibrage des tendances contraires. Elle engendre la quiétude, l’équanimité, le silence mental et le contrôle des inclinations non équilibrées. Le résultat produit la purification du chakra du cœur (anahata). – Et le pouvoir du cœur n’est-il pas l’Amour ? L’Ancien sourit et ajoute : – Ce pouvoir-là peut être permanent : il n’a que des avantages… – Personnellement, je trouve qu’il y a beaucoup de contraintes et d’ascétisme dans yama et niyama. Cela me dérange un peu. – En fait, dans le Sahaj Marg, ces étapes de yama et niyama, sont traversées naturellement. Nous commençons directement par la septième étape, la méditation. Par exemple, le discernement (viveka) et le renoncement (vairagya) s’installent peu à peu en nous, car, sous l’effet de la transmission que nous recevons en méditant, notre esprit se tourne naturellement vers la Réalité. En fait il n’y a pas de renoncement, mais plutôt un détachement progressif. – Qu’entends-tu exactement par détachement ? – Tu n’as aucun mal à te détacher des jouets de ton enfance aussi merveilleux qu’ils aient été. Quand ton esprit est tourné vers la Réalité, les enfantillages n’ont plus prise sur toi. – Je t’ai entendu parler de non-attachement, qu’en est-il ? – C’est l’étape d’après. Dans le non-attachement, nous sommes dans la vie de tous les jours parmi les nôtres. Nous faisons tout comme eux, sans attachement, avec plaisir même, car l’amour prévaut. J’aime regarder le DVD de la Fée Clochette avec ma petitefille de quatre ans par exemple.
– Ainsi tu es « non-attaché » à la Fée Clochette ! – Qui sait ? L’ Ancien reprend plus sérieusement : – En fait Babuji va encore plus loin. Pour lui, l’étape ultime est celle du « non-attachement-attachement ». – Qu’est-ce que ça veut dire ? – L’ attention est tournée vers l’Éternel. L’installation du discernement, viveka se fait automatiquement grâce à la purification de tout notre système, de l’ego et de ses tendances. Le mental est ajusté, au repos. Alors, les pensées divines, les intuitions et les révélations surviennent. À suivre
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Bouddhisme au Myanmar
Un reportage du photographe NIKET VAIDYA
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Quand on contemple cette simplicité, on aspire à se tourner vers sa propre divinité.
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L
a principale religion des 50 millions d’habitants du Myanmar est le bouddhisme Theravada. Dans la société traditionnelle, le monastère est le centre de la vie du village. Tous sont censés suivre les cinq vertus cardinales du bouddhisme, être charitable et pratiquer la méditation. Ils continuent aussi à révérer les esprits de la nature connus sous le nom de nats, selon une tradition bien antérieure à l’arrivée du bouddhisme. Les monuments bouddhistes ont principalement été construits entre les XIe et XIIe siècles après J.-C., à l’époque où Bagan était le siège de la dynastie Myanmar. Bagan est situé dans une plaine au centre du Myanmar, sur la rive est de la rivière Ayeyarwaddy. Le paysage émaillé de pagodes offre un spectacle saisissant dans la lumière du petit matin. La vie d’un moine bouddhiste est simple et dépouillée de tout superflu.
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Élève tes mots, pas la voix. C’est la pluie qui fait pousser les fleurs, pas le tonnerre.
RUMI
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La journÊe commence de bonne heure avec les prières et les offrandes des villageois. Juillet 2017
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LEÇONS DU JARDIN
"Le mouron des oiseaux" 2e partie
ALANDA GREENE continue à nous parler de ce qu’elle apprend en arrachant les mauvaises herbes de son jardin, et du travail très similaire qu’elle doit faire pour éradiquer certaines tendances et traits de caractère de son jardin intérieur.
J
’attache beaucoup d’importance au fait d’écrire régulièrement mes réflexions, de prendre le temps de passer ma journée en revue, de réfléchir à mes actes, à mes paroles, à mes pensées. Je sais que ce processus est essentiel pour rester consciente de ce que je fais, pour m’aider à examiner ma vie, à repérer les indices que j’ai manqués, par manque d’écoute. Je sais la valeur de cette pratique, pourtant il y a des jours où je me défile. Je suis trop occupée, fatiguée, ou j’oublie – je me trouve des excuses, ou des contre-arguments. Ça m’arrive. C’est humain. Inutile de faire tout un drame de mes faiblesses. Quand j’observe cette façon de me chercher des excuses, je la découvre un peu partout, comme les
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filaments du mouron des oiseaux qui serpentent dans le jardin. Je peux gaspiller mon énergie à déprimer, m’auto-fustiger – comme si j’étais le seul être humain à la ronde à se donner des excuses – avec la honte de me voir agir ainsi, alors que je sais parfaitement ce que je devrais faire ! Et en prime, la peur que le monde entier lise sur mon front : « Elle procrastine, et en plus elle se cherche des excuses » ! Je n’aime pas particulièrement rencontrer cet aspect de moi, parce qu’il ne cadre pas avec mes efforts pour me montrer efficace, compétente, fiable. Dans bien des domaines, c’est bien ce que je suis. Mais pas partout. La procrastination se manifeste là où mes capacités sont proches de leurs limites.
le goût de la vie
Lorsque je suis à la trace J’observe le parcours des tiges du mouron des oiseaux qui, à partir de la racine, sinuent et s’étendent dans toutes les directions, très loin de l’endroit où elles sont sorties de terre. De la même façon, j’examine l’irritation qui surgit en moi. Est-elle due à des paroles qui m’ont été lancées impatiemment, à une attitude que je juge mesquine ou manquant d’égards ? Je peux en rester là, dans la conviction que c’est la faute de l’autre ; ou je peux suivre les circonvolutions qui me feront découvrir mes attentes insatisfaites, mes conceptions toutes faites sur ce que devrait être la réalité… Et en poursuivant l’exploration, je débouche sur les idées, les images de ce que je devrais être – et ne suis pas – et sur ce qui me manque pour avoir
une tendance particulière, je trouve souvent son origine ailleurs que là où je l’avais d’abord imaginée. Par exemple, mon irritation en réaction à ce qu’une autre personne dit se révèle ancrée dans ma tendance à ne pas parler franchement, à ne pas exprimer clairement mes pensées et mes sentiments. Juillet 2017
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de la valeur, du mérite. Cela m’entraîne bien loin de
à accepter, ça fait partie du travail de jardinage. Ce
l’irritation qui a suscité cet examen : c’est comme enfin pouvoir saisir la racine du mouron des oiseaux,
n’est pas un drame d’en trouver et de l’arracher. De même, je comprends aujourd’hui que je n’ai pas à
à bonne distance de l’endroit où j’ai remarqué ses feuilles pointant entre les fanes de carottes. Souvent, en remontant à l’origine d’un comportement que je souhaite transformer, je découvre que celle-ci n’est pas du tout là où je croyais. Et je suis renvoyée à la question de ma valeur personnelle : comment vivre à la hauteur de ce que j’imagine que je dois être pour être acceptée ? Pour être digne d’estime ? Mais au fait pour qui ? pour quoi ? En moi comme dans le jardin, les mauvaises herbes ont tout un réseau de racines souterraines qui restent mystérieuses. En réalité, le mouron des oiseaux est une plante dont les feuilles et les tiges sont saines pour nous. Elles donnent un thé nourrissant, aident à calmer les inflammations, à perdre du poids, et sont un tonic printanier qui fortifie le sang. C’est seulement à la culture des légumes que cette plante n’est pas utile. De même, beaucoup de notions apprises à la maison, à l’école et dans la cour de récréation ne sont pas utiles non plus. Autrefois, elles m’ont peut-être servi à savoir comment me conduire, mais elles ont fini par s’insinuer et s’incruster aux mauvais endroits. Je sais qu’il me faut patiemment identifier leur origine et faire tout ce que je peux pour les éradiquer. Que le mouron des oiseaux réapparaisse encore et encore, je n’y trouve rien à redire, c’est dans sa nature. Mon travail consiste à l’enlever là où il cause des dégâts. Je ne m’attends pas à ce qu’il disparaisse, puisque sa nature est de prospérer ; c’est donc facile
gaspiller mon énergie quand je vois réapparaître des tendances que je pensais disparues. Il suffit de faire le nécessaire. Désherber ce qui doit l’être. Rumi a dit : « Au delà du bien et du mal, il existe un champ. C’est là que je te rencontrerai. » Certains ont interprété cette phrase comme signifiant que le bien et le mal ne sont que des constructions humaines pour contrôler les gens et les sociétés, et que ce que nous faisons ou non n’a pas d’importance, tant que nous n’y mettons pas des étiquettes. Je ne suis pas de cet avis. L’action juste a de l’importance. Mais si je reste prisonnière du sentiment d’avoir raison ou d’avoir tort, cela limite ma croissance. Les mauvaises herbes n’ont pas tort, mais elles doivent être éliminées des plates-bandes, parce qu’elles étouffent les plantes que je cultive. Il y a aussi des choses en moi que je souhaite cultiver et renforcer pour réaliser mon potentiel dans cette vie. Il me faut donc identifier et supprimer ce qui fait obstacle à leur croissance et leur épanouissement. Ce n’est ni juste ni faux. Il s’agit de ce que je veux pour ma vie. Ce que je veux que mon jardin produise. Une des techniques que j’ai apprises pour trouver les racines du mouron des oiseaux est de tirer sur la tige – pas assez pour la casser mais suffisamment pour percevoir sa résistance. Je sens cette résistance sur le sol parmi les autres plantes, elle me guide vers la racine, que je tente ensuite d’extraire. Je fais pareil quand je m’efforce de suivre en moi un trait de caractère jusqu’à sa racine : je cherche à voir où
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le goût de la vie
Quand j’enlève avec persévérance les mauvaises herbes en moi, je trouve ma récompense : je suis invariablement conduite au centre de mon être. Ancrée dans mon cœur, je reconnais la vie de mon jardin dans toute sa grandeur, j'observe ce processus continu et cyclique, et j’accepte paisiblement le rôle que j’y joue. se trouve ma résistance. C’est le fil à suivre, et si je cherche où cette résistance me mène, je découvre les aspects bien cachés qui sont à l’origine de mon comportement. Quand je parcours le réseau des tiges et des feuilles du mouron des oiseaux, je me rapproche de sa source, qui est généralement à bonne distance et souvent à l’opposé de là où je l’attendais. Lorsque je suis à la trace une tendance particulière, une habitude, une caractéristique, je trouve souvent son origine ailleurs que là où je l’avais d’abord imaginée. Par exemple, mon irritation en réaction à ce qu’une autre personne dit se révèle ancrée dans ma tendance à ne pas parler franchement, à ne pas exprimer clairement mes pensées et mes sentiments. Surtout sur le vif. C’est un trait familial et culturel qui a des aspects positifs, car
l’expérience m’a appris à éviter de répondre quand ce qui m’anime est la colère, l’irritation ou la frustration. Ce serait comme arracher une touffe de mouron des oiseaux d’un coup sec. Ça abîmerait les fleurs et les plantes voisines. Mais prendre conscience de la véritable source de ma réaction et exprimer clairement ma position dissipe en général ma contrariété, quoi que l’autre personne ait dit. Le problème n’est pas vraiment celui que j’avais imaginé. Le mouron des oiseaux ne se trouve jamais là où il est d’abord apparu. Sauf quand il est tout petit. C’est le meilleur moment pour l’arracher. Une occasion qu’on rate facilement, car il s’agit d’une si petite chose qu’on n’en tient pas compte ou qu’on la remet à plus tard. C’est si simple de négliger ces petits riens qui m’agacent, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus petits du tout et exigent bien plus d’efforts. Mais quand j’enlève avec persévérance les mauvaises herbes en moi, je trouve ma récompense : je suis invariablement conduite au centre de mon être. Ancrée dans mon cœur, je reconnais la vie de mon jardin dans toute sa grandeur, j’observe ce processus continu et cyclique, et j’accepte paisiblement le rôle que j’y joue. Ce n’est pas mon jardin, ce n’est pas ma vie. Tous deux sont l’expression de la vie une. Et le travail de jardinage, c’est faire l’expérience toujours recommencée de cette perception et de ce sentiment.
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la recette de félicie
Riz noir gluant et spaghettis de courgette vapeur sur une salade estivale de pousses et fleurs, pesto de menthe à l’amande et vinaigrette de framboise
Quantité 4 personnes
POUR LE RIZ GLUANT
dans une passoire et réser-
ajouter dans le mortier.
• préparation 30 min
La veille, faire tremper le
ver. L’eau de cuisson du riz
Saler, poivrer et ajouter un
+ trempage la veille •
riz rincé dans une grande
et des courgettes constitue
peu de zeste et de jus du
cuisson 40 min pour un
quantité d’eau filtrée. Le
une excellente base de bois-
citron. Broyer ensemble ces
riz noir, 20 min pour un
lendemain, faire chauffer
son : ajoutez-y de la menthe
ingrédients. Verser de l’huile
riz blanc, 5 min pour les
de l’eau dans la cuve d’un
fraîche, par exemple, pour
d’olive tout en continuant
courgettes
cuit-vapeur. Déposer sur
une tisane digestive !
de broyer, jusqu’à l’obten-
le panier un torchon fin 150 gr de riz noir
tion de la texture désirée :
mouillé et essoré : il doit
POUR LA SALADE
un pesto peut être plus ou
couvrir toute la surface
Laver et trier la salade,
moins épais en fonction de
2 belles courgettes
et déborder sur les côtés.
mélanger toutes les pousses
la quantité d’huile ajoutée.
ou 4 petites
Verser le riz égoutté dedans.
et herbes. Emincer les radis
Pour conserver le pesto,
2 poignées d’un mélange
Lorsque l’eau bout, déposer
finement dans la hauteur à
veiller à bien le tasser dans
le panier sur la cuve et cou-
l’aide d’une mandoline et les
un contenant ajusté, et ver-
Graines d’alfalfa germées
vrir. Cuire 40 min. Sortir le
placer dans un bol rempli
ser dessus de l’huile d’olive
4 radis roses longs
riz en soulevant les coins du
d’eau glacée. Ne les sortir
qui empêchera la prépara-
2 oignons rouges nouveaux
torchon et le déposer dans
de leur bain qu’au moment
tion de s’oxyder.
un plat large, saler, mélanger
de servir, en les essuyant
du moulin
et laisser reposer. Conserver
pour enlever l’excès d’eau.
250 gr de framboises :
l’eau pour la cuisson des
Eplucher les oignons rouges
POUR LA VINAIGRETTE
courgettes.
et les couper en rondelles
Mixer ensemble les fram-
(ou blanc) gluant
de salades feuilles et pousses d’été
Fleurs de capucine Poivre noir sauvage
conserver quelques Framboises entières pour servir 1 botte de menthe fraîche 1 poignée d’amandes de Provence Huile d’olive fruitée Sel de mer non raffiné
boises, la moutarde, le
line ou d’un bon couteau.
vinaigre et ½ verre d’huile
Réserver au réfrigérateur
d’olive. Saler et poivrer.
Détailler les courgettes
en attendant de servir.
Cette vinaigrette peut être
lavées en spaghettis (avec
filtrée pour obtenir une tex-
1 c à c de moutarde fine
un économe ou un spirali-
POUR LE PESTO
1 c à s de vinaigre de riz
seur). Placer les courgettes
Détacher les feuilles de
1 petit citron
dans le panier et celui-ci
menthe et les hacher au
sur la cuve lorsque l’eau a
couteau. Mettre les feuilles
Poudre de framboise
repris l’ébullition. Cuire 5
dans un mortier. Hacher les
(optionnel)
min. Verser les spaghettis
amandes au couteau et les
POUR LE DÉCORS
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fines à l’aide d’une mando-
POUR LES SPAGHETTIS DE COURGETTE
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ture sans grains.
POUR SERVIR Répartir le mélange de salade, les fleurs, les graines germées, les pétales de radis, les rondelles d’oignons et les framboises entières en couronne. Au centre, déposer une portion de riz, des spaghettis de courgette et le pesto. Verser la vinaigrette. Au préalable, on peut saupoudrer l’assiette vide de poudre de framboise.
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Si on faisait un portrait ? Photos et texte ANNE-GRETHE KOUSGAARD
Peinture de Maja Bruun-Smidt, 18 ans
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planète kids
Y
a-t-il quelqu’un dont tu aimerais beaucoup dessiner ou peindre le visage ? Ça pourrait être une personne proche ou alors que tu ne connais pas. Dans le premier cas, tu lui demandes si elle veut bien que tu la dessines, dans le deuxième, tu peux utiliser une photo. Ce qui compte, c’est que son visage t’attire d’une certaine façon, qu’il te fasse ressentir une émotion, qu’il te touche. Quand tu es prêt à dessiner, commence par observer attentivement les traits de ce visage, la façon dont il est composé, en notant les plus petits détails. Ensuite, connecte-toi à ton cœur et regarde le visage sans focaliser. Quand on ne fixe pas son regard, on a une vue d’ensemble. Pour y arriver, dirige un œil vers l’extérieur, sur ce que tu es en train de regarder, et l’autre œil vers l’intérieur, en contact avec ton cœur. Commence alors à dessiner ou à peindre ton
portrait. Ne juge pas ton travail, garde simplement le cœur ouvert. Quand tu as fini, tu peux choisir de poser une question à ton œuvre : « Si tu pouvais me parler, que me dirais-tu ? » Il y a souvent un message dans une œuvre. Ça pourrait être par exemple : « Écoute l’intérieur » ou « Quels sont tes rêves ? » On te souhaite beaucoup de plaisir !
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Les 3 frères 2e partie Une histoire contée par GUY LEMITRES et illustrée par JULIETTE ALAY
Polo, Jack et Dany, devenus orphelins après un accident de voiture, sont recueillis par des sœurs catholiques qui leur offrent un nouveau foyer, simple mais chaleureux, où ils se remettent peu à peu de la perte de leurs parents. Malheureusement les sœurs ne peuvent garder les enfants au-delà de 12 ans et Dany doit partir. Les trois frères se sont promis de se retrouver quelques années plus tard, mais Polo, le plus jeune, n’arrive pas à se remettre de cette nouvelle séparation. Le destin va lui donner un coup de pouce…
L
es jours passèrent. Les mois passèrent. La neige maquilla l’hiver en père blanc qui, le soir, murmurait des cantiques en sifflant. Les fleurs du printemps ne consolèrent pas plus Polo que l’hiver ne l’avait engourdi. Son frère lui manquait tellement ! Il attendait avec inquiétude le passage d’Alfred le facteur, qui bravait les intempéries sur son vieux vélo pour leur apporter le courrier de la ville. Une lettre de Dany ! Enfin ! La joie pouvait éclater comme un feu d’artifice dans le cœur battant du petit Polo, le temps s’arrêtait, tout devenait rêve.
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Puis les jours se remettaient à défiler les uns derrière les autres, comme les chevaux de bois du vieux manège sur la place de Marvejols. La vague de joie faisait place à une vague de tristesse qui mouillait son petit cœur devenu plage de sable. La plage de Palavas, où ses parents l’emmenaient quand il était tout petit. Polo s’enfonçait dans ses rêves nostalgiques. Le voyant si triste, sœur Marie-Madeleine ne savait plus comment apaiser son chagrin. Un mercredi, elle lui donna six sous pour s’acheter des bonbons à Marvejols.
planète kids
Il enfourcha gaiement son vélo et arriva à toute allure aux portes de Marvejols. Il aperçut un commerçant qui mettait une affiche sur sa vitrine où était écrit en grand : « Chiots à vendre ». Le cœur de Polo se mit à battre très fort. Il descendit de vélo et lança au commerçant : « Combien vendez-vous ces chiots ? » L’homme répondit : « Trente sous ».
Polo chercha dans sa poche et sortit une pièce de cinq sous et une d’un sou. « J’ai six sous est-ce que je peux les regarder ? » Le propriétaire du magasin sourit et siffla. Sa chienne Lady accourut, suivie par quatre charmants petits chiots, la queue fièrement dressée et le visage rieur. Ils étaient tous plus mignons les uns que les autres. Soudain la silhouette d’un cinquième petit chien apparut loin derrière. Il avait du mal à marcher. Son arrière-train se tortillait et lui faisait faire des zigzags, sa langue pendait sous l’effort, mais ses yeux étaient aussi brillants de joie que ceux de ses frères.
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Polo remarqua aussitôt le chiot boiteux et demanda : – Qu’est-ce qu’il a votre petit chien ? »
Alors, le petit Polo se pencha, remonta le bas de son pantalon jusqu’au genou et montra sa jambe gauche. Elle était toute fine, tordue, sans muscles, et soutenue par deux longues tiges de métal. Lors de l’accident de voiture, elle s’était brisée en tant de morceaux que les chirurgiens de l’hôpital n’avaient pas pu la réparer. Polo leva les yeux vers l'homme et murmura : – Je ne cours pas très bien. Je peux mieux comprendre ce petit chiot-là, et il pourra mieux me comprendre.
– Tu vois, quand il est né, le vétérinaire m’a dit qu’il avait une malformation de la hanche. Il boitera le restant de sa vie. Polo poussa un cri d’enthousiasme et s’exclama : – C’est le chiot que je veux acheter ! L’homme répondit : – Non, ce chien n’est pas à vendre. Si tu le veux vraiment, je te le donne ! » Polo, bouleversé, regarda le marchand droit dans les yeux et dit : – Je ne veux pas que vous me le donniez ; il vaut autant que les autres, et je vous paierai le prix juste. Si vous voulez bien, je vous donne mes six sous maintenant et je vous en apporterai cinq tous les mois jusqu’à ce que les trente sous soient payés. Le commerçant répondit : – Mais tu ne veux pas plutôt acheter cet autre chiot, là, qui est si beau et qui n’arrête pas de sauter, de jouer et de courir ? »
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L'homme mordit sa lèvre inférieure. Des larmes lui piquaient les yeux... Il sourit et dit : – Fils, j’espère que chacun de ces chiots aura un maître tel que toi. Tous les deux, vous ne pouvez devenir que de vrais amis. Et un véritable ami se rapproche quand le reste du monde s'éloigne. Polo repartit avec son chien. Sœur Marie-Madeleine accepta en grondant un peu ce nouveau venu si touchant qui avait redonné le sourire à Polo. Elle fit écrire au-dessus de la classe de Polo :
planète kids
Dans la vie, peu importe qui vous êtes si quelqu'un vous apprécie pour ce que vous êtes, vous accepte et vous aime comme vous êtes, sans condition.
Qu’est-il arrivé aux deux autres frères, me demanderez-vous ? Vous le saurez dans les prochains épisodes... Juillet 2017
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Les coups de cœur de la rédaction Nous y serons
À écouter Dialogues en humanité, Lyon,
Festival d’Avignon, 18 et 22 juillet 2017
8 et 9 juillet 2017
« Les voies de l’amour » par la compagnie
Les Dialogues en humanité
Philippe Henry.
auront lieu comme chaque
Les textes de Rumi, poète soufi du XIIIe
année à Lyon, au Parc de la Tête
siècle, et de Kabir, mystique indien du
d’Or, sur le thème « Apprends-
XVe siècle, sont interprétés et chantés
moi à danser sous l'orage ! » et
par Corinne Perez. Elle est accompagnée
nous vivrons des jours heureux...
au violoncelle et aux bols tibétains par Philippe Henry, auteur
À cette occasion, Heartfulness propose des temps d'expérimen-
de la création musicale, dans une mise en scène de Jocelyne
tation de la méditation du cœur, à l'ombre des arbres du Parc
Fontyne et Lise Tur.
de la Tête d'Or, samedi 8 et dimanche 9 juillet, de 14h à 16h.
La poésie de Rumi et de Kabir est un hymne à l'amour – l'amour
Les Dialogues en humanité sont un espace d'échange festif,
mystique de l'âme en quête de son Bien-Aimé. Cette poésie
libre et gratuit. Chacun peut s'exprimer à partir de son vécu,
est aussi un chant d'amour universel.
expérimenter les ateliers du sensible et découvrir les créations
Samedi 15 juillet à 14h et 19h et dimanche 16 juillet à 14h et 17h
artistiques d'ici et d'ailleurs. Un réseau de plus de 60 villes
au centre Heartfulness, 23 rue Ninon Vallin, 84000 Avignon
partenaires de par le monde se constitue pour mettre en œuvre
(participation 12 et 8€)
les pratiques du futur et construire une citoyenneté terrienne, fraternelle. Programme complet du week-end sur dialoguesenhumanite.org
À voir
« Le Trio Soltani » Festival d’Avignon, 18 et 22 juillet 2017
avec Ava, Darius et
Darshan - l’étreinte film de Jan Kounen.
Farshad Soltani.
La tradition hindoue offre une place privilégiée aux « grandes âmes » et aux maîtres spirituels. Amma est devenue aujourd’hui l’un des plus importants maîtres vivants. Incarnation de la mère divine, elle est considérée comme une sainte. « Le film témoigne de l’évolution de ma perception d’Amma, d’abord le regard de l’occidental face à l’étrange, puis un glissement progressif dans le flot de l’amour et la perception de la beauté d’un destin digne d’un mythe. L’histoire d’une petite fille qui était considérée comme folle par tout son village, avec sa volonté d’embrasser le monde, et qui a fini par convertir les autres à sa folie. » Jan Kounen. Découvrez ce documentaire dans le cadre du programme Ciné-méditation qui aura lieu au centre Heartfulness d’Avignon mardi 18 et samedi 22 juillet à 17h. 23 rue Ninon Vallin, 84000 Avignon (entrée libre)
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Musique traditionnelle persane (chant, setar, tombak et daf) et textes du poète mystique perse Rumi. Samedi 15 juillet à 16h et dimanche 16 juillet à 16h et 19h au centre Heartfulness, 23 rue Ninon Vallin, 84000 Avignon (participation 12 et 8€)
actualités
L'idée géniale
En ligne Webinar, 15 juillet 2017,
Warka water
« Role of Young Mothers
Selon le rapport de
in Sustaining Generational
l’OMS de 2013, près
Bonding. »
de 2,4 milliards de
Fondatrice et directrice de la
personnes sont pri-
Science of Learning School en
vées d’eau potable
Jamaïque, Catherine Johnson
saine et 1,8 milliards
est enseignante et conseillère
consomment une eau dangereuse pour leur santé. Quand l'architecte et designer italien Arturo Vittori se rend dans le nord de l’Ethiopie en 2012, il constate que seul un foyer sur trois a accès à l’eau potable. Il décide alors d’apporter son aide. En observant la nature environnante, il découvre des plantes et des animaux (scarabée de Namibie, cactus, araignée, feuille de lotus, etc.) dotés de structures microscopiques leur permettant de capter l’eau de l’air et de survivre en milieu hostile. A partir de ces observations, Arturo Vittori et son équipe conçoivent des matériaux et une structure capable de
pédagogique depuis plus de 30 ans. Son école propose des programmes d’enseignement basés sur les valeurs Heartfulness. Dans ce webinar, Catherine Johnson abordera la dynamique sociale du système familial. La continuité est un facteur essentiel pour que la sagesse se transmette de génération en génération. Les familles qui sont conscientes de cette transmission se constituent sur l’héritage de la génération précédente. La présentation sera suivie de l’expérimentation de la relaxation et de la méditation Heartfulness. En anglais. Pour s’inscrire : webinar.heartfulness.org
collecter l’humidité contenue dans l’air. La Warka Water est une tour de bambou de 10 m et de 60 kg. Elle est capable de recueillir l’humidité de l’air, la rosée et la pluie. L’eau récoltée ruisselle le long de la structure, est filtrée puis se déverse dans un conteneur stockant jusqu’à 1'000 litres d’eau. Chacun peut y puiser pour se désaltérer. D’après les études faites, la Warka Water parvient à récolter 50 à 100 litres d’eau par jour y compris dans les zones les plus arides. De plus, cette tour très facile à construire utilise des matériaux locaux, s’inspire de l’architecture et des techniques de tressage traditionnelles éthiopiennes et s’intègre harmonieusement dans le paysage. Son coût de production n’excèderait pas 1'000 $. Warka vient du nom d’un figuier géant sauvage qui joue un rôle très important dans la culture et l’écosystème de l’Ethiopie. L’invention a récemment remporté le prix mondial du Design à « impact » environnemental 2015-2016. Pour étendre son projet, l’entreprise associative Warka Water a lancé un appel au don sur Internet. Si vous souhaitez les aider, voici le lien : www.warkawater.org
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