Mars 2018
Vivre, tout simplement
INTERVIEW de Pierre Rabhi
6,50€
POTENTIEL, ! NATURE DE L'ÊTRE Michael Singer nous parle du monde, du mental et du cœur ENVIRONNEMENT Le projet Green Kanha
Heartfulness Vivre, tout simplement
Rédaction – Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi, Genia Catala, Elizabeth Denley, Emma Ivaturi, Christine Prisland, Barbara Sonvilla Graphisme – Hélène Camilleri, Emma Ivaturi, Uma Maheswari, Rike Michaelsen Traduction – Marianne et Jean-Pierre Baillon, Genia Catala, François Déroulède, Sylvie Galland, Marie Laure Lagrange, Jean-Pierre Le Grand, Beba Marantz, Sandrine Nothomb, Michelle Pain-Orcet, Vincent Scarito Photographies – Michel Barraud, Gabriele Diwald, Gumenyuk Dmitriy, Xan Griffin, Daniel Hansen, Fuyu Liu, Rike Michaelsen, Mona Mishra, Mi-Pham, Marissa Rodriguez, Adam Yasmin, Megevand Illustrations – Anna Isaeva, Fabio Kohler, Kanika Singh Contributeurs – Ram Chandra, Margaret Noble, Kamlesh Patel, Rosalind Pearmain, Madhusudan Reddy, Michael Singer, Carol Tallon, Félicie Toczé, Ravi Venkatesan, Adam Yasmin Interviewés – Crystal Jones, Pierre Rabhi
ISSN : 2491-2255 N° CPPAP : 0419 K 93360
Envoi des contributions et correspondance avec la rédaction en français, magazine@unimeo.com – en anglais, contributions@heartfulnessmagazine.com Publicité – en français, magazine@unimeo.com ; en anglais, advertising@heartfulnessmagazine.com Abonnements – en français, www.unimeo.com ; en anglais, www.heartfulnessmagazine.com Impression – Aumüller Druck, GmbH & Co. KG, Weidener Straße 2, D-93057 Regensburg Publication – Unimeo, 5 Esplanade Compans Caffarelli, 31000 Toulouse Droits d'impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l'éditeur 2018 © Tous droits réservés à Unimeo Editeur – Unimeo
www.heartfulness-magazine.fr Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate »
et le logo « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.fr.heartfulness.org est également la propriété de l'Institut Heartfulness.
Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l'Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
Contributeurs Michael Singer Michael Singer est l'auteur de L'âme délivrée, un voyage au plus profond de nous-même, qui est devenu un succès international. Ayant vécu une forte expérience d'éveil intérieur en 1971, il s'est concentré sur le yoga et la méditation. En 1975, il a fondé Temple of the Universe, un centre de yoga et de méditation où les gens de toute religion ou croyance viennent vivre la paix intérieure. Parallèlement à ces activités, il est également le créateur d'un logiciel de pointe pour la gestion de la pratique médicale et il est le PDG fondateur d'une société publique.
Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, Pierre Rabhi défend un mode de société respectueux de l’homme et de la nature, et soutient le développement de l’agroécologie à travers le monde. Il est reconnu expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Par son engagement, ses discours et ses écrits, il a inspiré de nombreux mouvements et poussé de plus en plus de gens à s’interroger sur leur mode de vie et leur relation à la Terre.
Félicie Toczé Après avoir suivi diverses formations en France, au Japon, en Angleterre et en Australie, Félicie est devenue consultante en alimentation, chef à domicile et traiteur, et donne des cours de cuisine particuliers et collectifs à Paris et en province. Elle a développé une approche à la fois équilibrée, sensible et créative. Ses présentations soignées, son goût pour les formes et les couleurs sont une source d’inspiration pour une cuisine végétarienne riche et variée. Après avoir publié La cuisine des 5 saisons et Japonismes, elle prépare un nouvel ouvrage consacré au riz.
Elizabeth Denley, Rishabh Kothari Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi Genia Catala, Emma Ivaturi
Potentiel Dans ce numéro, nous explorons la nature du potentiel. On l’identifie souvent à nos aptitudes,
nos capacités, nos talents dans la vie de tous les jours. Les incarnons-nous vraiment, ou sommesnous pris au piège de vouloir être quelqu’un d’autre ?
Or nous sommes uniques, et tout commence par la nécessité d’être soi-même. Chacun a, encapsulées en lui, les graines de ses potentialités qui ne demandent qu’à éclore : ce que nous
sommes capables de réaliser, ce que nous pouvons transformer, ce que nous n’avons pas encore découvert de nous-même…
Le potentiel est tout cela, et bien plus encore. C’est une inépuisable source d’inspiration, le champ de tous les possibles. Offerts à tous, accessibles à tous. Et c’est le voyage intérieur qui nous mène dans cet univers où tout est potentialisé.
Pour nous accompagner, l’écrivain Michael Singer décode les conditionnements qui nous font regarder le monde d’une façon biaisée et nous éloignent de nous-même. Pierre Rabhi partage
ce qui l’a façonné, son enfance en Algérie, les étapes importantes de sa vie, son lien particulier
avec la nature, sa transformation par la lecture de Socrate et Krishnamurti et sa découverte du silence intérieur. Kamlesh Patel célèbre les bienfaits des asanas et montre que, pour en bénéficier
pleinement, l’âme, le cœur et le mental doivent être profondément impliqués. Crystal Jones
insiste sur l'importance de la voix intérieure qu’il faut percevoir et suivre dans le processus de guérison. Et le photographe Adam Yasmin tente de capturer la beauté insaisissable de la cérémonie du thé.
Alors partons à la découverte de notre potentiel ! La rédaction
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l’interview Sur le terrain
Pierre Rabhi
L’initiative Green Kanha
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focus Points de vue
Trois questions sur le potentiel
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la pensée et l’action Un autre regard
Refuge intérieur & transformation
Réflexion
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Conscience et potentialité
Agir autrement
Le domaine de la potentialité est le domaine cosmique, où tout est possible.
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Apprendre à voir
Découvrir la nature de notre être Michael Singer nous explique le monde et comment il influence la création de nos pensées.
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Le négociateur Heartfulness
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Se prendre en main
Jusqu’où peut-on voler?
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Pionnier de l’agroécologie, il partage son amour pour la Terre mère et nous révèle les événements de sa vie qui ont façonné sa vision du monde et son travail.
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ça change tout Témoignage
Le pouvoir de la paix
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le goût de la vie être inspiré
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La science de la spiritualité
Santé de l’être
Ashtanga Yoga - Asana
La danse sacrée de la guérison Crystal Jones partage son expérience et sa découverte d’un espace transformateur.
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Kamlesh Patel montre que pour bénéficier pleinement des asanas il faut que l’âme, le cœur et le mental soient profondément impliqués.
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La recherche intérieure
Mourir à soi-même
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Portfolio
Reflets de thé Des photographies d’Adam Yasmin
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Cuisine nature
Les 5 éléments et leurs correspondances Avec des recettes de Félicie Toczé
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Sagesse populaire
Le secret du bonheur Un guide pratique pour être heureux.
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Portrait
Amour Sister Nivedita, disciple de Vivekananda, se souvient.
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SUR LE TERRAIN
l initiative Green Kanha QUE CHACUN APPRENNE À QUELQU’UN À EN PLANTER UN
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Green Kanha est une initiative environnementale qui se consacre à la création d’un havre protégé où cultiver la méga-biodiversité de l’Inde et ses espèces locales menacées. Nous avons recours aux technologies les plus modernes et à une planification scientifique pour établir, hors du milieu naturel, un centre de conservation rempli de zones de verdure. « Que chacun apprenne à quelqu’un à en planter un », tel a été le grand thème de cette campagne qui nous a permis de planter plus de 100 000 arbres.
NOTRE HISTOIRE Le lieu où est implanté le Green Kanha Movement est également un centre de retraites spirituelles appelé Kanha Shantivanam. Il est situé dans les régions sèches et arides du Ranga Reddy District, au Telangana, sur le plateau du Deccan, où la diminution rapide de la nappe phréatique et les étendues de terres stériles nécessitaient des mesures urgentes. En avril 2017, quelques volontaires sensibles aux problèmes environ-
nementaux ont lancé avec amour et espoir le Green Kanha Movement ; ils se sont consacrés avec passion à reconstituer des espaces verts luxuriants et à transformer Kanha en un centre de conservation en dehors du milieu naturel. À Kanha, on cultive des arbres de la région qui ont une valeur écologique, économique et socioculturelle. On y trouve aussi un arboretum d’arbres médicinaux, une banque de plasma germinatif d’espèces de l’Inde
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péninsulaire, avec des vergers à graines. Plusieurs centaines d’arbres déracinés lors de travaux d’élargissement de routes ont trouvé une nouvelle vie après leur transfert à Kanha. Ce mouvement écologique novateur attire maintenant des citoyens du monde entier. Ensemble, sans nous soucier de différences de nationalité, de langue, de race, de classe et de sexe, nous œuvrons à créer de magnifiques espaces verts où les
Sur le terrain
champs vibratoires bénéfiques émanant des arbres génèrent une condition intérieure idéale.
VISION Le Nature-Forward Movement, le mouvement en faveur de la nature pour créer un lieu où l’homme et la nature coexistent harmonieusement. Nous vivons dans un monde où les excès de la technologie nous ont éloignés de nos racines. Aujourd’hui, les parents emmènent leurs enfants au centre commercial plutôt qu’en promenade autour d’un lac. Nos vies dans les métropoles sont conditionnées par nos montres digitales et la nécessité d’agir dans l’urgence et sans réfléchir. Dans cette précipitation, nous oublions de faire des pauses, d’observer la nature et d’en tirer des leçons. La course au progrès dans laquelle
nous sommes engagés est insoutenable et fait violence à la nature, déstabilisant l’équilibre délicat que la Terre Mère a soigneusement élaboré pour ses enfants. À Kanha, le silence et la beauté de la nature sont impressionnants. Le dessein du Green Kanha Movement est la création d’un lieu où l’humanité coexiste harmonieusement avec la nature et en intègre les leçons pour équilibrer sa propre évolution. En septembre 2012, le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature adopta une résolution reconnaissant aux enfants le droit humain de connaître le monde de la nature. Cette déclaration fut déterminante pour inculquer une éthique environnementale aux nouvelles générations. Ces artisans du futur sont nombreux à Kanha, où ils agissent pour ramener la paix et l’harmonie dans le monde, grâce à une vie en phase avec les rythmes de la nature et à une relation d’amour avec elle.
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ACTIVITÉS Dans ce but, nous avons lancé les initiatives vertes suivantes :
PLANTATION D’ARBRES ET D’AUTRES VÉGÉTAUX • Le reboisement par des arbres considérés comme sacrés et bénéfiques par les systèmes de santé traditionnels. • Des aménagements paysagers qui privilégient les espèces d’arbres de la région ayant une valeur écologique, économique et socioculturelle. • Un arboretum d’arbres médicinaux et des jardins d’herbes aromatiques. • Une banque de plasma germinatif des arbres importants de l’Inde péninsulaire, avec des vergers à graines d’ensemencement et des vergers à graines clonaux.
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Sur le terrain
• Une pépinière qui compte environ 200 000 jeunes arbres. • La transplantation d’arbres déracinés lors de travaux urbains d’élargissement des routes et replantés pour border des avenues à Kanha. • Une ferme de légumes biologiques qui pourvoit aux besoins alimentaires de Kanha.
PROTECTION DES EAUX
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• L’aménagement de zones humides pour traiter de façon naturelle et écologique les eaux usées de Kanha sans aucune consommation d’énergie. • L’installation en de nombreux points, avant le début de la mousson, de réservoirs et de bassins pour la collecte des eaux de pluie. • La mise en place d’un système moderne d’irrigation goutte à goutte. Des recherches sont en cours pour le simplifier et le rendre plus écologique et durable. • La création dans tout le campus d’étangs d’irrigation naturelle, dont cinq sont en cours d’élargissement et d’approfondissement pour que tout le domaine soit desservi.
• Un système de compostage organique qui transforme les déchets alimentaires en engrais pour les jardins. • Une fabrique de briques à base de cendres volantes, dont la confection est relativement propre et peu polluante, à la place de briques d’argile conventionnelles. Elle en a produit près de 1,2 million l’année dernière. • L’ énergie solaire qui alimente le centre de méditation, les communautés résidentielles, les réverbères et les autres structures importantes. Nous étudions aussi l’utilisation de l’énergie
AUTRES OPÉRATIONS ÉCOLOGIQUES • La gestion des déchets, avec tri des aliments, des divers matériaux recyclables et des déchets à jeter.
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solaire pour les techniques agricoles. Nos installations auront bientôt une capacité d’environ 1 mégawatt.
IMPLIQUEZ-VOUS L’initiative Green Kanha vous invite à lui apporter votre précieuse contribution, en tant que particulier ou en tant qu’entreprise. Chacun peut participer en parrainant un arbre, ou en collaborant comme volontaire aux plantations sur le site. Les entreprises peuvent contribuer dans le cadre de leur programme de Responsabilité Sociétale des Entreprises.
Vivre l’expérience Brighter Minds c’est atteindre l’excellence en harmonie NOUVELLE FORMATION POUR LES ENFANTS DE 6 A 15 ANS
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Nous recherchons la potentialitĂŠ qui crĂŠe la conscience. Ram Chandra de Shahjahanpur
focus:
potentIEL
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1 Que représente pour vous le potentiel ? A-til changé au cours de votre vie ?
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questions sur LE POTENTIEL
Comment cultivez-vous et enrichissez-vous votre potentiel ?
Points de vue
3 Selon vous, quel est votre véritable potentiel, votre potentiel le plus profond ?
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Il est tellement plus facile de reconnaître le potentiel des autres, parce que cela ne passe pas par le filtre de notre ego. En Occident, on mesure le développement humain selon des critères scientifiques, dictés par le cerveau gauche. On établit des standards pour définir la croissance « normale », de la naissance à l’âge adulte. Les écoles sont conçues pour développer le potentiel humain dans tous les domaines de la connaissance. Plus on maîtrise de sujets, plus on est considéré comme compétent. Mais qu’en est-il de l’âme ? C’était une sphère traditionnellement réservée à la religion ; malheureusement les systèmes religieux se sont trop structurés, ils ont réservé l’aspect spirituel à une élite isolée et les masses n’y ont pas accès. Au cours du siècle dernier est né un nouveau mouvement, la psychologie transpersonnelle, qui ne se limite pas au « normal » mais comprend aussi l’exceptionnel et le plus élevé. Ceux qui parviennent à réaliser leur potentiel partagent
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leurs expériences avec leur entourage. Les gens qui souhaitent une approche théologique plus concrète sont actifs dans leur communauté et viennent en aide à ceux qui ont en besoin. Réaliser notre potentiel, c’est comme recueillir l’eau de la pluie pour étancher notre soif et celle de ceux qui nous entourent, en se sentant responsables d’eux. Savoir que d’autres peuvent se joindre à nos efforts pour créer un réseau de disponibilité et d’amour revient à puiser directement à la Source. Ce travail en commun allège aussi nos soucis !
TINA FEGHALI Dubai, Émirats arabes unis
Le potentiel, c’est la connaissance du Soi. Au fil du temps, la connaissance de notre potentiel génère une félicité – nos activités nous donnent un sentiment de bien-être, un sentiment de libération, un bonheur qui nous encourage à nous relier encore et encore à cette source. Nous pouvons le faire en peignant, en dansant, en lisant, en courant, ou de toute autre façon. C’est la découverte de nos talents. Mais sans l’attitude juste, le potentiel est dépourvu de cadre. Dans mon enfance, le sentiment que je pouvais accomplir certaines choses a été le point de départ de mon cheminement. Ma mère m’a appris un jour à dessiner une maison avec un beau jardin et cela m’a mise sur l’orbite de la créativité. Je me suis constamment exercée à la peinture et au dessin, ce qui m’a ouvert la voie et tracé mon avenir. Avec le recul, je vois que mon potentiel a peu changé, mais il semble s’être élargi. Mon désir de devenir artiste m’a conduite sur une trajectoire similaire, et je suis devenue écrivain d’art, conservatrice et créatrice en arts plastiques. C’est de nouveau ma mère qui m’a encouragée à terminer ma maîtrise en littérature, ce qui m’a poussée à écrire, à devenir conservatrice et à ouvrir le monde complexe des arts contemporains à mon public. J’explore encore mon potentiel le plus intime qui est de percevoir le cosmos au sein de cette
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existence terrestre ; c’est la raison principale pour laquelle nous sommes ici-bas ; c’est le sentiment d’être en harmonie avec tout ce qui est noble et spirituel ; c’est la capacité de me connecter avec la grandeur du potentiel présent en moi et autour de moi… Lorsque je me serai développée jusqu’à faire disparaître toute barrière – ce sera peut-être une nouvelle illumination qui réorientera mon potentiel dans tous les aspects de la vie.
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ATIYA AMJAD Hyderabad, Inde
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Quand je me pose la question de mon véritable potentiel, quelque chose se déclenche à l’intérieur, quelque chose qui est relié au plus profond de mon cœur. Cela touche ma capacité d’aimer et plus encore de faire tout ce que j’ai à faire dans un état d’amour, de contentement, de conscience, de joie intérieure. Penser à mon potentiel évoque en moi mes talents, mes capacités particulières en relation avec la question : « Quelle est ma contribution à la vie ? » Tel un champ d’une infinie variété de fleurs, j’ai la croyance que chaque être humain a sa propre expression, sa manière à lui de contribuer à la beauté de la vie et de la célébrer. Je réalise qu’au cours de mon existence, ma vision de mes compétences et de mes talents a bien changé. Quand j’étais jeune, je pensais que réaliser mon potentiel était de satisfaire les objectifs de mes parents, d’être une bonne élève, de réussir mes études. Parallèlement, j’ai toujours développé mes dons artistiques dans le dessin et la peinture. Après mes études de droit, je suis entrée dans un célèbre cabinet d’avocats de Bruxelles où j’ai pu exprimer et développer mes compétences intellectuelles. En réalité, j’ai assez rapidement pris conscience que ce n’était pas la vie que je désirais mener. Malgré ma brillante réussite professionnelle, j’étais déprimée, je ressentais un grand vide intérieur. J’ai cherché des réponses et c’est à cette époque que j’ai découvert la méditation. Elle a transformé ma vie en me faisant accéder à mon véritable
potentiel intérieur et à donner un nouveau sens à mon existence. Depuis lors, mon but constant a été de me rapprocher de l’essence. C’est ce qui a guidé tous mes choix importants. Aujourd’hui, je ne suis plus avocate, mais tout ce que j’ai appris durant ces années au barreau sert un but plus élevé. J’essaye de communiquer aux personnes en recherche le fruit de mes découvertes intérieures et ma plus grande joie est de les inspirer à travers mes créations artistiques.
FLORENCE DE FOOZ Bruxelles, Belgique
Le potentiel est quelque chose qui change et évolue sans cesse. Le but de la vie consiste à découvrir ce potentiel, qui est en majeure partie latent et caché en nous. Qui sait jusqu’à quelle profondeur nous pouvons aller ! Je pense que la plupart des gens sous-estiment largement leurs propres capacités. On peut parfois avoir de grandes difficultés à trouver son potentiel caché. Quand tout se passe bien dans la vie, on a tendance à démontrer qu’aucun changement n’est nécessaire. Mais les situations qui
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nous obligent à renoncer aux représentations que nous avons de nous-mêmes, aussi bien les positives que les négatives, donnent à notre vrai potentiel l’occasion d’émerger. Nous avons bien sûr aussi besoin, pour cultiver notre potentiel, du soutien de notre entourage.
LAURA LAINE Helsinki, Finland
Pendant les jours d’hiver, quand tout le monde se repose, la nature travaille assidûment. Quelque part dans la forêt, un gland se bat pour devenir un chêne. Ayant commencé sa vie comme une fleur, il s’est lentement transformé en un gland – fruit de l’arbre – et il est heureux de vivre pour toujours paisiblement avec ses sœurs et ses frères sous la garde de leur mère. Mais, dans la vie, rien n’est immuable. Bientôt, le temps commence à changer, annonçant le passage de l’été à l’automne, puis au froid de l’hiver. Le gland reste fixé à sa branche, mais il remarque soudain que tous ses frères et sœurs sont partis. Dans un moment d’abandon, il capitule et quitte lui aussi sa branche, résigné à mourir. Pourtant, à sa grande surprise, la chute ne le tue pas. Au lieu de ça, il a un sentiment de liberté, sa coque commence à s’ouvrir. Il finit par s’endormir et reste ainsi enfoui sous les feuilles mortes pendant tout l’hiver. Quand le printemps arrive, il se réveille, sentant la pluie et la terre chaude qui le recouvre. Il a soudain la vision de possibilités infinies, de la réussite au bout du chemin, et dans son cœur il chante : « Que la lumière soit ! » Devenu un bourgeon, il continue à tendre les bras jusqu’à ce qu’un jour le jeu des écureuils attire son attention. Quand il regarde autour de lui, il n’est plus un petit gland mais un chêne adulte avec
son propre manteau d’émeraude. Avec jubilation, il prend conscience de chaque petit gland qu’il porte maintenant dans ses bras, se demandant ce qui va leur arriver – s’ils auront le courage de s’abandonner pour développer tout leur potentiel.
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Car pour atteindre notre potentiel, notre plein potentiel, notre potentiel le plus élevé, nous n’avons pas besoin d’acquérir quoi que ce soit... nous devons simplement tout laisser s’épanouir.
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ELIZA UNGER Hunedoara, Roumanie
Réf lex ion
Co n sc i e n c e & POTENTIALITÉ KAMLE S H PATE L par tage quelques réflexio ns sur la p otentialité d u point de v ue sp iri tuel.
Nous pensons souvent à notre « potentiel » en référence aux capacités que nous avons dans la vie courante – ce que nous sommes capables de réaliser, ce que nous pouvons améliorer, et ce que nous n’avons pas exploré à propos de nous-mêmes. Mais il y a un autre aspect du potentiel. La science spirituelle nous dit que la potentialité est à la base de la conscience ; cette conscience est comme un jouet pour les enfants. À travers le voyage spirituel, nous nous développons dans le royaume où la conscience prend sa forme véritable. Nous recherchons l’équivalent de la teinture mère à partir de laquelle les médicaments sont préparés ; nous cherchons la potentialité à partir de laquelle la conscience est préparée.
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Que signifie utiliser la potentialité à partir de laquelle la conscience est préparée ? Le domaine de la potentialité est le domaine cosmique, où tout est possible avant que quoi que ce soit ne se manifeste dans le monde. Ainsi les âmes libérées capables de voyager dans la région cosmique, au-delà des dualités, peuvent utiliser à la fois la conscience et la potentialité comme elles l’entendent. Leur potentiel humain est allé dans de multiples dimensions, ouvrant ainsi une plus grande partie du spectre de la conscience. Tout est potentialisé. Imaginez à quel point cet état d’existence est plus vivant ! Pour en savoir plus «!Marcher vers la liberté!», article de Kamlesh Patel, publié dans le magazine Heartfulness no 11, septembre 2017
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Dans cette première partie, MICHAEL SINGER, l’auteur de « L’âme délivrée, un voyage au plus profond de nous-même », nous parle de la nature du monde, du mental et du cœur. Il décrit aussi l’impact de nos pensées et des impressions laissées par le passé sur notre vision du monde et sur notre potentiel.
Découvrir
LA N AT UR E de notre être
App rendre à voir
Il faut parvenir à se placer suffisamment en retrait du mental pour découvrir ce qui n’en fait pas partie – alors sa nature nous apparaît.
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n fin de compte, il y a quatre choses que nous devons connaître : le monde, le mental, le cœur et nous-même, c’est-à-dire la personne qui fait l’expérience des trois autres. Une fois que nous connaissons la nature de ces quatre choses, nous savons tout ce que nous devons savoir. Le tout est de déterminer jusqu’où nous devons explorer chacun de ces aspects pour en saisir la nature. Commençons par le monde. Quelle est la nature du monde qui nous entoure ? C’est un sujet qui paraît très vaste, mais au sens le plus large, c’est en fait assez simple : la nature du monde est l’existence de la forme. Un champ d’énergie s’est manifesté sous une myriade de formes, conformément à des lois sous-jacentes. C’est à peu près tout. Nous n’avons pas besoin de connaître le comportement de chaque espèce qui vit dans l’eau et sur la terre pour connaître la nature du monde. Nous devons simplement constater que l’eau et la terre existent, et que des animaux y vivent. C’est suffisant pour explorer la nature des choses. Le monde est quelque chose qui existe, et dont on peut faire l’expérience. Il était là avant notre arrivée sur terre, et il sera là après notre départ. Inutile de l’analyser : ouvrons les yeux, et nous verrons les myriades de formes que la création a fait naître. L’essentiel est d’être conscient que le monde n’a rien à voir avec nous, qu’il existe en dehors de nous. On s’en rend bien compte en pensant à des planètes lointaines comme Mars et Jupiter. Ce ne sont que deux planètes en orbite autour d’une étoile, notre Soleil. Le fait que nous puissions les regarder au télescope ne signifie pas qu’elles aient quoi que ce soit à faire avec nous. Nous ne serons plus là dans quelques années, mais ces deux planètes et leur étoile poursuivront leur course pendant des milliards d’années. De plus, le cosmos contient des myriades d’étoiles, qui toutes existent indépendamment de nous. Même la planète Terre existe en-dehors de nous. Elle n’est qu’une des planètes qui gravitent autour d’une des étoiles de l’univers. Cela dure depuis cinq milliards d’années, et nous n’y sommes absolument pour rien.
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Dans la méditation profonde, il n’y autour de nous que paix, sérénité et calme absolus. Mais si nous dirigeons notre attention vers le mental personnel, nous entendons du bruit.
Au sens le plus large, telle est donc la nature du monde qui nous entoure. Sa nature est l’existence, la forme, et cela n’a rien à voir avec nous. Nous ne sommes que ceux qui font l’expérience de l’existence de la création. Mais de quoi, dans cette création, faisons-nous réellement l’expérience ? Il n’y a pas de nombre assez petit pour définir la part de ce que nous connaissons par rapport à celle que nous ignorons. Voyez à quel point notre champ de vision est limité : nous ne voyons même pas ce qui se passe derrière nous ou chez le voisin. Quel pourcentage de tout ce qui se produit dans l’univers en cet instant nous échappe-t-il ? La quantité de ce que nous pouvons en voir à un moment donné est pratiquement nulle : c’est moins que ce que représente un grain de sable par rapport au sable de toutes les plages du monde. Alors pourquoi imaginer que l’univers ait quoi que ce soit à voir avec nous ? Il faut nous réveiller et envisager le monde dans une perspective universelle. Quand on prend suffisamment de recul, la nature du monde nous apparaît clairement. Il en va de même pour la nature du mental. Quelle est la nature du mental ? En réalité il est plus facile de comprendre la nature de l’univers entier que de saisir celle du mental ; non pas du fait de sa complexité, mais parce que les arbres nous cachent la forêt. Nous ne pouvons voir le mental, parce que nous sommes perdus dans nos pensées. Nous sommes obnubilés par elles au point de ne pouvoir prendre le recul nécessaire pour voir ce qui les crée. Il faut parvenir à se placer suffisamment en retrait du mental pour découvrir ce qui n’en fait pas partie – alors sa nature nous apparaît. C’est la méditation qui nous donne cette perspective. En méditation profonde, nous voyons le mental au loin, comme lorsque nous regardons une étoile. Si nous pouvions nous approcher d’elle, nous la verrions non pas comme un point scintillant dans la nuit, mais comme une boule de
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feu géante. Pour voir ce qui est « étoile », il faut pouvoir distinguer ce qui est « non-étoile ». Il en va de même pour le mental. Quand nous prenons du recul en plongeant profondément dans notre Soi, nous pouvons voir le mental à distance, en train de jacasser. Mais à sa périphérie il ne produit pas ce bavardage, et au-delà de ses limites règne un silence total. Autrement dit, en méditation profonde il n’y autour de nous que paix, sérénité et calme absolus. Mais si nous dirigeons notre attention vers le mental personnel, nous entendons du bruit. Ainsi, le fait de « voir » le mental silencieux, nous permet de distinguer le mental qui génère les pensées. Cela dit, nous n’arrivons pas à maintenir cette perspective très longtemps. Nous nous perdons rapidement dans nos pensées. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas voir la nature du mental. Dans son sens le plus pur, la nature du mental est un champ d’énergie non manifestée, laquelle a le pouvoir de se manifester sous forme de pensées. Le mental est en quelque sorte un océan d’énergie dans lequel les pensées se forment comme des vagues. Elles vont et viennent, tout comme les vagues montent et descendent dans l’océan. Chaque pensée est différente, de même que chaque vague est différente, alors qu’elles sont toutes des manifestations du même océan. Le mental est un champ d’énergie qui existe entre nous (l’Être intérieur) et le monde que nous voyons. Ce champ d’énergie est régi par des lois qui amènent les vaguelettes de pensées à se manifester de telle ou telle façon. Tout comme les scientifiques étudient les vagues pour en comprendre le comportement, vous pouvez faire de même avec vos pensées. Vous verrez qu’il y a des lois qui déterminent la manière dont le mental crée les pensées. Si je pouvais savoir tout ce qui vous est arrivé au cours de votre existence, je connaîtrais toutes les données qui ont programmé votre mental. En prenant la juste mesure de tous
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les facteurs en cause, je pourrais prédire quelles pensées vous viendraient à la vue de telle ou telle chose dans le monde. En effet, le mental a enregistré certaines impressions et appris des schémas qui, tout en demeurant sous-jacents, déterminent la façon dont les pensées se manifestent. Notre mental est la somme des expériences que nous avons intégrées. Toutes celles que nous avons faites à travers nos sens ont laissé des impressions sur le champ d’énergie qu’est le mental. Sur la base de ces impressions, le mental génère différentes pensées à différents moments. C’est de là que viennent les pensées. Lorsque le monde sensoriel pénètre dans notre mental, celui-ci crée des pensées conformes aux schémas qu’il a mémorisés. Une fois que nous avons pris conscience de ce phénomène, nous réalisons qu’il s’est répété durant toute notre vie. Quels que soient les points sur lesquels nos sens se sont focalisés, ils ont programmé notre mental. Il ne faut voir là aucune planification : notre mental a simplement enregistré les événements qui se déroulaient là où notre regard se portait. Si l’un ou l’autre de ces événements n’avait pas eu lieu, ou si nous avions regardé dans une autre
direction, notre mental aurait été programmé différemment, et nous penserions selon d’autres schémas. S’il n’y avait qu’une chose à comprendre et à retenir, ce serait celle-là. Chaque seconde, nous faisons l’expérience d’une infime portion du monde, et pourtant ces événements qui s’inscrivent dans notre mental nous sont présentés ensuite comme la vérité absolue. Or c’est loin d’être le cas, et il est essentiel, pour connaître la vérité, de comprendre la dynamique selon laquelle le monde programme notre mental. Nos pensées n’ont rien de sacré, et elles n’ont vraiment rien à voir avec nous. Elles ne sont que le résultat des impressions déposées sur notre mental. Nous pouvons donc regarder nos pensées aller et venir avec le même détachement que nous contemplons les vagues de l’océan. Or ce n’est pas ce qu’on fait – on y croit vraiment. Quand une pensée surgit, elle devient tout notre univers. Chacune de nos décisions est basée sur nos pensées. Nous sommes presque en adoration devant elles. Plus que ça : nous croyons être nos pensées. Supposons qu’en ce moment même vos pensées se mettent soudain à déclarer : « Je n’aime
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Ap pren dre à voir
Le mental réagit en fonction des impressions qui l’ont programmé, et ce que nous prenons pour nos pensées sont les ondes provoquées par cette réaction. pas cet article. Je ne suis pas d’accord avec ce qu’il dit », de quoi s’agirait-il ? Ce ne seraient que des pensées formées au sein du mental. Pas une seule de nos pensées n’échappe à cette programmation par nos expériences. La somme de toutes ces impressions détermine ce qu’on pense. Ensuite, on prononce tout haut ce que nos pensées nous soufflent intérieurement. Notre mental nous dit littéralement quoi dire, et nous le répétons. N’est-ce pas effrayant ? Presque personne n’en parle, et rares sont ceux qui l’expliquent. Quel que soit le niveau de nos études, nous n’avons jamais suivi de cours qui nous explique ce qui se passe dans notre mental. Au lieu de nous enseigner sa nature, on s’efforce de le programmer. Comment sommes-nous censés nous libérer ? Le mental réagit en fonction des impressions qui l’ont programmé, et ce que nous prenons pour nos pensées sont les ondes provoquées par cette réaction. Nous croyons prendre des décisions, mais ce n’est pas le cas. Par exemple, nous regardons quelqu’un et notre mental nous dit : « Je ne l’aime pas. » C’est peut-être dû au fait que la chemise de cet homme a réactivé une mauvaise expérience de notre enfance. Nos attirances, nos aversions et toutes nos opinions sont déterminées par les impressions inscrites dans notre mental. Alors comment pouvons-nous affirmer que nos choix sont les nôtres ? Nous ne faisons que suivre la programmation de notre mental.
Mais il existe une chose encore plus puissante que le mental pour influencer notre façon d’interagir avec le monde : notre cœur. Le cœur ne fait pas partie du champ d’énergie qui crée les pensées. Comme toute chose dans la création, il a sa nature propre. L’image qui représente le mieux le cœur est celle d’un champ d’énergie dans lequel des courants d’intensité variable circulent dans différents sens. Ces courants, tels des vecteurs d’énergie, peuvent se diriger vers quelque chose ou s’en éloigner, et si leur flux est bloqué, cela peut causer de graves perturbations. Nous faisons fréquemment l’expérience de ces courants. Quand nous apercevons une chose qui attire notre cœur, il se crée un vecteur d’énergie qui s’oriente vers elle. Et subitement, elle nous attire comme un aimant. Notre mental a beau dire : « Non, je ne veux pas faire ça, ça pourrait me créer des ennuis », l’attraction du cœur reste très puissante. Cela montre à quel point le cœur et le mental sont distincts l’un de l’autre.
À suivre © 2012 by Michael A. Singer. Cet article est une transcription remaniée d’un extrait d’un CD audio The Clarity of Witness Consciousness Lecture Series!: The World, the Mind, the Heart, and You, publié par Shanti Publications © 2009 Michael A. Singer.
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" PENSÉE Le but de la vie est d’accorder le battement de notre cœur au rythme de l’univers, d’accorder notre nature à la Nature. Joseph Campbell
REFUGE INTERIEUR
transformation
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Ouvrir son cœur aux besoins de ceux dont le foyer est devenu un lieu dangereux et qui cherchent désespérément un endroit sûr – migrants, êtres maltraités par leurs proches ou victimes de toute forme d’exclusion – représente par fois une expérience révélatrice. ROSALIND PEARMAIN, psychothérapeute, évoque pour nous deux situations qui lui ont démontré la puissance transformatrice du sentiment d e sécurité.
I
l y a quelques années, en rencontrant un groupe d’adolescents rescapés d’une situation traumatisante, j’ai eu la chance de découvrir à quel point un lieu sûr et accueillant avait pu transformer leur réalité. C’était à l’occasion d’un camp d’été portant sur les arts créatifs, tenu dans un centre de retraite à Vrads Sande, au Danemark, par deux organisations spirituelles, l’Institut des Quakers et l’Institut Heartfulness. J’ai interrogé certains de ces jeunes pour comprendre en quoi cette expérience de groupe avait été si marquante dans leur vie. J’ai découvert que, pour eux, les deux éléments les plus importants et les plus transformateurs avaient été le sentiment d’être à l’abri, de se sentir en sécurité, et le fait d’avoir été véritablement accueillis, dès le pas de la porte. Ne s’étant pas sentis jugés, ils avaient pu s’exprimer en toute
liberté, être totalement eux-mêmes. Ils avaient retrouvé en eux une source vive, une spontanéité. Ils avaient renoué avec eux-mêmes. Cela m’a rappelé une recherche que j’avais menée pendant mon cursus universitaire. Il s’agissait d’une étude comparative entre un groupe de personnes qui pratiquaient pour la première fois la méditation Heartfulness et un groupe de stagiaires en psychothérapie. Mes observations portaient sur les changements d’attitude des uns et des autres au cours de leurs expériences respectives. Il s’est avéré que ceux qui méditaient ont vu très rapidement les relations avec leur entourage s’améliorer ; ils devenaient plus sociables, plus ouverts, ce que leurs proches confirmaient. J’avais fait l’hypothèse que ce surcroît d’harmonie et d’entente avec les autres provenait d’une sensi-
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Un a utre regard
Lorsque nous nous sentons en sécurité, nous ouvrons notre cœur facilement, comme une fleur au soleil. bilité plus développée grâce à la pratique de la méditation sur le cœur. Toutefois, les stagiaires rapportaient des changements de comportement similaires, en particulier une plus grande empathie et un développement de leurs capacités d’écoute. Ce n’était donc pas l’amélioration de l’aspect relationnel qui différenciait les deux groupes. En allant plus loin dans ma recherche, j’ai découvert que les personnes qui méditaient se distinguaient par l’expérience de ressentis intérieurs. Pour la plupart, elles avaient éprouvé une profonde sensation d’infini, de sécurité, de calme, et l’impression d’une rencontre avec elles-mêmes. Alors que les jeunes migrants avaient trouvé refuge dans un lieu qui les accueillait sans condition, tels qu’ils étaient, les méditants avaient trouvé refuge dans leur propre cœur, en y faisant l’expérience d’une sécurité intérieure et d’un accueil inconditionnel. Dans les deux cas, le sentiment de sécurité s’était avéré déterminant, avec un énorme impact sur la façon dont nous nous connectons à nousmêmes, aux autres et au monde. Lorsque nous nous sentons en sécurité, nous ouvrons notre cœur facilement, comme une fleur
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au soleil. En méditant sur la lumière dans le cœur, nous trouvons ce soleil intérieur, ce soutien au milieu des luttes, des difficultés et des incertitudes que nous rencontrons au quotidien. Et même si, emportés dans ce tourbillon, nous perdons contact en surface avec ce sentiment de sécurité, nous l’éprouvons toujours au plus profond de nous. Et plus nous nous ancrons dans ce sentiment, plus nous le transmettons aux autres, en étant simplement là, avec eux. Au centre de soi, il y a en permanence un endroit sûr qui peut rayonner à l’infini.
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Le NÉGOCIATEUR
heartfulness 2 e PARTIE
Des résultats durables grâce aux négociations Heartfulness
28 RAVI VENKATESAN, dans son article précédent, décrivait le rôle important que joue la disposition initiale dans une négociation, c’està-dire les idées et les pensées dont la tête est remplie, ainsi que les émotions et les sentiments dans le cœur. Dans ce deuxième volet, il se concentre sur les éléments qui constituent cette disposition initiale, en proposant des moyens de les gérer au mieux.
La disposition initiale La disposition est définie comme un aspect naturel ou prédominant de notre esprit, qui se manifeste dans nos comportements et nos relations avec les autres ; on peut par exemple se trouver dans une disposition heureuse, égoïste, etc. Entrer en négociation déclenche des réactions émotionnelles et intellectuelles liées à ce qui s’y passe. Mais avant cela, chacun arrive sur les lieux de la négociation avec un esprit disposé d’une manière qui influencera fortement son déroulement. Façonner cette disposition sera donc un premier pas essentiel pour que les conditions soient optimales. Nous allons étudier quatre aspects spécifiques de la disposition : les préférences et les
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Ag ir autrem ent
J’a im e l es re nco ntres perso nnel l es
J’ai me b i en ce b ure au J’ai ho rreur de c et te c h ais e
Je déteste m anger pend ant les négoci ati ons
Je n’a im e p as l es déje un e rs d’af faires
J’aime Susan ne, pourquoi n’est- el le pas venue ?
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aversions, les inquiétudes et les préoccupations, les désirs et la culpabilité.
Les « j’aime » et « je n’aime pas » Pensez à une partie de votre cœur qui réagit à tout ce qui se passe – au cadre et au décor, à la chaise sur laquelle vous êtes assis, à la couleur des murs, à la personne en face de vous, etc. Certaines réactions sont assez fortes pour parvenir à votre
conscience ; d’autres ne font pas surface, mais influencent néanmoins ce que vous ressentez. N’oubliez pas qu’il en va de même pour la personne avec qui vous négociez. Il est important d’observer attentivement les réactions de votre cœur à toutes sortes de choses, au moment où vous entrez dans le lieu de négociation, puis de vous orienter consciemment vers une position neutre. En d’autres termes, mettez un bémol à tous vos réflexes fortement positifs aussi bien qu’aux négatifs.
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Agi r au trem ent
Pour y parvenir, faites l’exercice suivant
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Choisissez un type de négociation que vous pratiquez régulièrement. Si vous êtes un manager, cela peut être une situation où vous confiez un travail à un membre du personnel ; si vous êtes un employé, ce sera le moment où vous discutez d’une nouvelle tâche avec votre patron. Réfléchissez aux choses qui vous semblent plaisantes ou désagréables dans cette interaction, et repérez l’origine de ces impressions dans « ce que vous aimez » et « ce que vous n’aimez pas ». Par exemple, vous pouvez être anxieux chaque fois qu’on vous confie une nouvelle responsabilité ; c’est peut-être dû au fait que vous aimez recevoir des instructions précises et détaillées, alors que votre chef préfère indiquer une direction générale et vous laisser de l’autonomie. Efforcez-vous d’aborder cette interaction en vous plaçant dans une disposition neutre. Pour ce faire, rappelez-vous consciemment les choses qui vous plaisent et celles qui vous déplaisent fortement et atténuez ces penchants. Cela vous rendra plus ouvert d’esprit. Voyez ensuite si vous avez ressenti une différence dans l’interaction. Notre disposition – en particulier nos fortes préférences et aversions – suscite souvent des réactions qui empêchent d’obtenir les meilleurs résultats. Pratiquer cet exercice pour l’inscrire dans notre mémoire automatique aidera grandement à y remédier. En résumé, avant une négociation, rappelez-vous vos préférences et vos aversions marquées, diminuez-les consciemment pour vous amener à un état d’esprit neutre et ouvert. Voyez quels changements en découlent.
Les soucis et les inquiétudes Chacun porte en permanence son lot de soucis et de préoccupations. La plupart concernent notre carrière, notre travail et notre famille, mais ils peuvent également avoir d’autres origines. Lorsque nous entamons des négociations, ces préoccupations pèsent sur nous et nous empêchent souvent d’atteindre les meilleurs résultats. Nous ne pouvons pas les faire disparaître, mais nous pouvons utiliser la puissante technique de méditation Heartfulness pour modifier notre disposition avant une négociation. Lorsque nos inquiétudes s’intensifient au fil d’une négociation, nous avons souvent l’impression que la personne en face de nous est un adversaire. En revanche, si au départ nous la ressentons comme un membre de notre famille, un frère ou une sœur, nous aborderons la conversation avec plus d’aisance et une meilleure compréhension. Pour qu’un tel sentiment s’inscrive spontanément dans notre disposition, nous pouvons simplement fermer les yeux et méditer tous les soirs pendant cinq à dix minutes, en portant notre attention sur le cœur et en pensant que tous les êtres humains sont nos frères et sœurs. Essayez de le faire pendant une semaine avant une prochaine négociation aux enjeux importants, et observez la différence dans votre disposition, dans la façon dont vous percevez vos collègues, puis évaluez les résultats.
Les désirs Nous avons tous des désirs et des aspirations. Souvent, ils ont tendance à obscurcir notre jugement, surtout lorsque nous prenons place à une table de
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Ag ir autrem ent
négociation. Ils nous amènent à nous centrer sur notre propre intérêt et sur la position de l’autre personne, au lieu de rechercher une compréhension mutuelle. Le simple fait d’écrire les deux ou trois principales choses que nous désirons, et d’en tenir compte pendant le processus de négociation, les empêchera d’influencer inopinément l’issue de la négociation.
La culpabilité Le pire fardeau que nous portons est la culpabilité. Elle est suscitée à la fois par ce que nous avons fait de mal et par ce que nous avons omis de faire alors que nous l’aurions dû. La culpabilité crée une lourdeur qui assombrit tout processus de négociation, en empêchant une discussion ouverte et en bloquant l’émergence de solutions créatives. Il n’y a pas de réponses simples à la culpabilité, surtout si elle reste à un niveau subconscient.
En résumé, pratiquez les deux méthodes Heartfulness proposées ici, tout en atténuant vos préférences et vos aversions marquées, et en notant vos deux ou trois désirs principaux avant la négociation. Observez comment cela modifie votre disposition initiale. Dans les articles suivants, nous verrons ce qui se passe pendant la négociation, et quels sont les moyens de gérer les sentiments et les émotions qui habitent votre cœur, ainsi que les idées et les pensées qui vous traversent l’esprit, afin d’obtenir les meilleurs résultats.
Voici cependant une pratique Heartfulness qui apporte une grande aide : Chaque soir au coucher, prenez quelques minutes pour aller dans votre cœur ; passez en revue la journée, repentez-vous de toutes les erreurs que vous auriez pu commettre, même inconsciemment, puis prenez sincèrement la résolution de ne pas recommencer. Cela allège le fardeau de notre cœur et nous rend plus légers. Essayez de le faire pendant une semaine et voyez si votre disposition change.
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À suivre
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Jusqu’ où peut-on
voler! M AD H U S U DAN RED DY n o u s li v re qu elq u es réf lex io n s su r l ’u t i l isa t io n du temps et la ré u ssite.
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S e pren dre en m ain
S
’il y a quelque chose de précieux dans la création, c’est le temps. La vie est quelque chose qui s’inscrit dans chaque journée, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. Alors comment utiliser méthodiquement notre temps afin de réussir ?
C’est Napoléon qui disait : « Tant que tu n’auras pas déployé tes ailes, tu ne sauras pas jusqu’où tu peux voler. » Nos ailes possèdent une énorme puissance ! Voyons déjà comment nous nous levons. Combien d’entre nous se disent au réveil : « Ce monde est magnifique, voilà une nouvelle journée merveilleuse qui commence » ? La façon dont nous débutons la journée en colore le déroulement. Les 30 premières minutes sont des moments précieux qui détermineront la qualité de la suite de notre journée. Donc, si nous choisissons de passer ces moments avec sagesse, en nous disciplinant, le reste de notre temps sera peut-être également bien utilisé.
Faites en sorte de vous réveiller avec enthousiasme et un sourire sur le visage. Restez ainsi pendant quelques minutes. Puis ouvrez très doucement les yeux et essayez de voir la beauté du monde qui se trouve devant vous. Pendant les 20 minutes suivantes, lisez un livre inspirant, méditez ou faites du yoga. Intégrez des moments d’exercice dans votre routine quotidienne. Il ne faut pas beaucoup de temps pour faire du yoga et de la méditation. Déjà 30 minutes par jour vous permettront de développer une profonde concentration qui vous épargnera des heures d’étude et vous permettra de lire avec plus d’attention. Puis le soir, avant de vous coucher, prenez cinq minutes de réflexion, les yeux fermés, pour évaluer la façon dont les choses se sont passées pendant la journée. Si vous avez blessé quelqu’un, c’est le moment de vous libérer de cet incident en regrettant votre attitude. Ces quelques minutes avant de dormir sont le moment idéal pour analyser votre journée et découvrir de meilleures façons d’être. Nous disposons chaque jour de 24 heures. Ce qui caractérise les personnes qui réussissent est l’efficacité avec laquelle elles utilisent leur temps. Tout comme les vagues de l’océan ne s’apaisent jamais, les hauts et les bas de la vie n’ont pas de fin. Si nous voulons nager dans l’océan, nous devons braver les vagues. De même, si nous voulons réaliser quelque chose dans la vie, il nous faut
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Se prendre en m ain
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continuer à avancer vers nos objectifs en faisant face aux défis constants de l’existence. Le temps n’est pas comme un puits où l’eau est constamment à disposition, que nous en puisions ou non. Tâchez d’utiliser au mieux votre temps aujourd’hui. Planifiez votre programme et vous vous rapprocherez de plus en plus de vos objectifs. Je ne sais pas si l’on gagne quoi que ce soit à perdre du temps ; ce qui est sûr, c’est qu’on gaspille ainsi son incarnation en tant qu’être humain. Deux choses sont irrécupérables, une fois perdues : l’une est la vie, l’autre le temps. La première n’est pas entre nos mains, nul ne sait quand la vie quittera son corps, mais la deuxième dépend de nous. Un enseignant avait envoyé deux de ses élèves couper du bois dans la forêt voisine. L’un d’eux prit une hache, se rendit à la forêt au petit matin et commença à couper un arbre. Au coucher du soleil, il était toujours attelé à la même tâche. L’autre élève passa d’abord une heure à aiguiser sa hache puis partit abattre un arbre. Il travailla rapidement et revint en ayant terminé le travail demandé. Pour réussir, nous devons aiguiser la hache que nous appelons le mental. Comment faire ? Certains étudiants se plaignent : « J’ai étudié pendant des heures et des heures, pourtant je n’ai pas réussi ! », alors que d’autres lisent moins, réfléchissent davantage, planifient leur préparation et atteignent leurs objectifs. La vie étudiante est une bonne période pour construire son avenir ! C’est le moment de réfléchir à ce qu’il est bon de penser, d’apprendre à ignorer les pensées inutiles et indésirables, de lire des livres, de résoudre des énigmes, de jouer à des jeux et de partager les difficultés des autres, en les aidant de son mieux. Cherchez constamment des moyens plus faciles et plus efficaces d’exécuter vos tâches quotidiennes. Cela vous rendra heureux et vous fera économiser beaucoup de temps.
La vie est quelque chose qui s’inscrit dans chaque journée, chaque heure, chaque minute, chaque seconde.
Beaucoup d’entre nous voyagent en bus ou en train. Nous regardons par la fenêtre, nous dormons ou nous bavardons. Pensez à l’avocat Michael Gilbert qui écrivit un livre dans le train qu’il prenait tous les jours. Cela dit, nous avons besoin de prendre des pauses. Lorsque vous étudiez, détendez-vous et fermez les yeux toutes les heures, en essayant d’absorber ce que vous avez étudié jusque-là. Essayez aussi de découvrir la période qui vous convient le mieux pour étudier. Est-ce de 5 à 11 heures du matin, par exemple ? Étudiez en suivant un plan. Et si vous n’aimez pas votre système actuel, eh bien changez-le, tout simplement. Pour réussir, interrogez-vous : « dans tout ce que je fais, est-ce que j’utilise mon temps correctement ou non ? » Les bonnes questions amènent les bonnes réponses, qui seules nous
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aident à comprendre le vrai sens de la vie. De même qu’un arbre coupé repousse, de même que la lune perd tous les mois son éclat à la nouvelle lune et le retrouve quand elle est pleine, le sage excelle dans sa vie en dépit des revers. Voici un autre exercice qui vous aidera à muscler vos compétences mentales : prenez au hasard l’un de vos sujets d’intérêt et réfléchissez-y quelques minutes. Votre mental reste-t-il attentif plus de cinq minutes ? Ne vous découragez pas si tel n’est pas le cas. Pratiquez l’exercice pendant une semaine. Votre attention augmentera de quelques
minutes chaque jour, et il ne tient qu’à vous de continuer à étendre cette durée. Pour surmonter la procrastination, il n’y a qu’une stratégie : ce que vous devez faire aujourd’hui, faites-le aujourd’hui. Cela nous évite d’être entravés dans notre développement et réduit notre tendance à remettre à plus tard ce qui nous serait bénéfique. Nous attendons des résultats de tout ce que nous faisons. Toute action entraîne nécessairement un résultat, mais ce n’est peut-être pas celui que nous espérons. Soyez heureux que votre verre soit à moitié plein au lieu de regretter qu’il soit à moitié vide. Les gens qui réussissent visualisent leurs rêves et font les efforts qu’il faut pour les réaliser. Lorsque l’occasion frappe à notre porte, allons-nous répondre et lui ouvrir ? C’est Napoléon qui disait : « Tant que tu n’auras pas déployé tes ailes, tu ne sauras pas jusqu’où tu peux voler. » Nos ailes possèdent une énorme puissance ! Si nous avons foi dans cette puissance et poursuivons calmement notre travail, en évitant la hâte et en restant détendus, le résultat sera au rendez-vous. Mais, avant tout, servir les gens autour de nous, les rendre heureux et être heureux nous-mêmes développera notre force intérieure et nous fera gagner beaucoup de temps !
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l’i nte r vi ew Il est salutaire et nécessaire pour nous tous de retourner à la terre et de contempler ses beautés pour retrouver l’émerveillement et l’humilité. Rachel Carson
UNE interview EXCLUSIVE PIERRE RABHI partage ce qui l’a façonné, son enfance en Algérie, les étapes importantes de sa vie, le lien particulier qu’il a développé avec la nature, sa transformation par la lecture de Socrate et de Krishnamurti et la découverte du silence intérieur.
À la source
de l’action 1ère partie
Vous avez passé votre enfance dans une oasis en Algérie puis, très tôt, vous avez été confronté à la modernité. Comment l’écart entre ces deux cultures si divergentes a-t-il façonné l’homme que vous êtes aujourd’hui ? Cela a été difficile pour moi. Je suis né dans une culture musulmane des pays du Sud, dans un milieu oasien. J’ai perdu ma mère à l’âge de 4 ans – un point extrêmement important dans mon itinéraire. Et, peu de temps après, on a découvert de la houille dans le sous-sol de notre région. Les Français sont venus exploiter ce charbon, puisque l’Algérie était leur colonie, ce qui a provoqué un énorme bouleversement dans nos mœurs, nos
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cultures, notre biotope. Tout a été chamboulé. Cette petite oasis tranquille depuis des siècles s’est trouvée dans une forme d’effervescence, avec des mutations hyper-accélérées. Beaucoup de gens sont devenus des mineurs, ont été exploités, et c’est dans ce contexte que mon père s’est inquiété de l’avenir ; estimant que la règle du jeu n’était plus entre nos mains, il m’a confié pour être éduqué à un couple de Français sans enfants qui a bien voulu me prendre en charge et m’initier à la culture nouvelle. Cela m’a amené à vivre de façon alternée entre modernité et tradition, islam et christianisme, dans une situation d’écartèlement. Devant des valeurs totalement inconciliables, encore plus au plan religieux, puisque le credo de l’islam c’est que Dieu n’a pas enfanté, ni n’a été enfanté, alors que dans le monde chrétien, évidemment on parlait de Jésus comme du fils de Dieu… Ainsi l’enfant que j’étais se trouvait un peu comme entre le marteau et l’enclume, ce n’était pas simple. Voilà comment ma petite vie a démarré. À l’adolescence, mes questions se sont confirmées, et les réponses n’étaient pas évidentes puisque je voyais bien que je n’arrivais pas accorder islam et christianisme. Je me suis dit que les philosophes avaient peut-être des réponses à me donner. J’ai donc beaucoup lu, en étant un élève très moyen à l’école, parce que l’école m’ennuyait un peu. Je suis allé vers les philosophes, mais, après en avoir ingurgité pas mal, la conclusion est revenue à Socrate : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». Voilà… et c’est ce que je peux encore affirmer aujourd’hui.
Quelques années plus tard vous vous rendez en France, racontez-nous ce qui vous a amené à vous installer dans un domaine perdu des Cévennes – un choix qui va influencer toute votre vie ?
Je me suis retrouvé à Paris au cœur même, si on peut dire, du brasier d’une modernité imbue d’ellemême, qui prétendait avoir trouvé la solution du bonheur de l’humanité. Comme il fallait que je gagne ma vie, j’ai été ce qu’on appelle un ouvrier spécialisé dans une entreprise. Ça m’a offert un nouvel observatoire de la condition humaine. Et là, j’ai vraiment remis en question ce postulat du bonheur que la société proposait. J’ai peu à peu compris la servitude humaine, troquer son existence contre un salaire, quitte à y sacrifier sa vie. Ce n’était plus vivre, c’était exister. Et puis je me disais qu’il y avait tant de richesses que la nature nous offrait, tant de choses si belles, mais que nous n’étions pas là pour les admirer, ni rien d’autre d’ailleurs. Car c’était pour tout le monde 11 mois de coma et 1 mois de réanimation… ça se limitait à ça. Et puis, j’ai rencontré une jeune fille qui avait les mêmes aspirations. On s’est dit : pourquoi est-ce qu’on passerait notre vie entre quatre murs, dans une ville ? Pourquoi ne pas aller vers la nature, vers la vastitude, l’infini du monde, avec les grands cieux, l’espace ? Et on a décidé de retourner à la terre et de nous y installer comme paysans.
Alors comment cela s’est-il passé ? Comment vous y êtes-vous pris pour vivre à la campagne, loin de tout ? On n’était pas du tout formés. Ce retour à la terre est devenu une nouvelle initiation. Comment allions nous devenir des paysans ? Je suis allé dans une école spécialisée dont je suis sorti avec un diplôme en agriculture. Puis j’ai été ouvrier agricole pour connaître la réalité de façon tangible et concrète. Cela a été pour moi le premier grand « éveil ». J’ai immédiatement saisi que l’agriculture qu’on appelle moderne, performante, est une mas-
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Inte r view
Celui qui m’a le plus convaincu, c’est Socrate : en disant qu’il ne savait rien, il disait la vérité. sacreuse de la nature, une massacreuse de la terre, par l’usage permanent de substances toxiques. On les utilisait pour tout, dans la terre, sur les végétaux, sur l’environnement, etc. L’agriculture était devenue une véritable pratique de destruction. C’est comme ça que je la percevais, d’autant plus que l’ami médecin qui m’a fait connaître le pays était dans la santé publique et pouvait témoigner des dégâts, et même des décès provoqués par l’usage massif des pesticides. Donc j’étais à bonne école… Une école concrète, pas seulement théorique. C’est là que je me suis dit que, si je ne pouvais pas me passer de ces pratiques, je ferais autre chose, je ne ferais pas d’agriculture. Puis, par mon ami médecin, j’ai découvert Rudolf Steiner, un Suisse qui proposait la biodynamie. En fait, j’ai lu La fécondité de la terre, un ouvrage d’Ehrenfried Pfeiffer, un collaborateur de Steiner, où il exposait les méthodes dites biodynamiques,
tout à fait conformes à la nature, voire même bénéfiques pour les sols, sans nuisance et sans destruction. J’ai donc pratiqué la biodynamie dans un premier temps, puis l’agriculture biologique et maintenant, j’en suis à l’agroécologie. C’est comme ça qu’on a expérimenté dans notre ferme une agriculture non nocive, tant en élevage qu’en agriculture. Et ça a bien marché. À partir de là, je suis devenu en quelque sorte un des « prophètes », un « chantre » de l’agriculture naturelle, écologique, biologique ! Et puis, j’ai voulu partager mon expérience et j’ai écrit un livre que j’ai intitulé Du Sahara aux Cévennes.
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Quand on est relaxé, on croit qu’on est dans le silence, mais le silence n’est pas de cette nature. C’est quelque chose à quoi je m’ouvre. Comme l’air. L’air est là, je le respire.
42 Il a été publié, a eu du succès et a été primé par l’Académie des Cévennes. J’y exposais les faits, je n’étais pas un donneur de leçons ; je voulais simplement parler de mon propre itinéraire, témoigner des mutations par lesquelles j’étais passé, qui étaient révélatrices finalement du mouvement général de l’histoire moderne. À partir de là, je me suis mis à écrire d’autres choses. Vu le succès, j’ai écrit, écrit, écrit… Et en même temps, je me suis engagé. Après avoir réussi à survivre et à produire là où nous habitions, j’ai voulu essayer de voir si l’agriculture conforme aux lois de la vie était applicable auprès des paysans les plus démunis. C’est comme ça que je suis allé travailler en Afrique. On a créé le premier centre d’agroécologie au Burkina Faso, et c’est ce qui m’a mis en quelque sorte le pied à
l’étrier pour aller beaucoup plus loin. Et je suis allé de plus en plus loin, menant une observation qui s’est accompagnée d’une réflexion philosophique sur la société, une quête spirituelle et une proposition pratique. C’est comme ça que sont nés ces trois pôles sur lesquels j’ai voulu agir et témoigner.
Vous partez donc dans les années 80 au Burkina Faso pour partager les
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principes et les techniques de l’agroécologie et expérimenter sous d’autres climats votre découverte. Je suis tombé dans un contexte particulier, sahélien, avec une population presque majoritairement paysanne. Cette population a vécu de sa terre pendant des siècles, et même si elle n’a pas toujours été « sage » (on a beaucoup déboisé, par exemple), elle a survécu. Comme cette population représentait une importante main-d’œuvre, tous les paysans ont été mobilisés pour cultiver des produits exportables, dans le but de faire rentrer des devises. Du coup, on les a fait travailler avec des engrais et des pesticides, toutes choses qu’ils ne possédaient pas et qu’on leur a fait acheter. De plus, comme dans tant d’autres cas, cela s’est fait à leur détriment, puisque qu’ils ne cultivaient plus pour se nourrir, et qu’ils étaient maintenant obligés d’acheter leur alimentation avec ce qu’ils gagnaient. Le résultat, c’est qu’ils ont fini complètement endettés. Ce système a fini par les entraîner dans une complète dégradation de leurs conditions de vie. En fait j’accuse toutes ces choses-là d’avoir été parmi les facteurs qui ont aggravé les famines au Sahel. Nous avons donc commencé par créer un premier centre d’agroécologie, qui a donné naissance à un vivier de transmetteurs qui ont enseigné autour d’eux, dans le pays, puis dans d’autres régions d’Afrique. Aujourd’hui de nombreux Burkinabés pratiquent ce genre d’agriculture. Ce qui démontre que même une terre pauvre, si on la respecte, peut nous nourrir en qualité et en quantité.
Vous avez inspiré tant de personnes par votre engagement, vos conférences, vos écrits. Quels sont vos propres maîtres à penser, les êtres qui vous ont inspiré ?
J’ai beaucoup lu, comme je vous l’ai dit. J’ai eu ma phase catholique, puis musulmane et, progressivement, j’ai eu ma phase d’homme spirituel sans église. Et j’y suis encore. À travers mon itinéraire, celui qui m’a le plus convaincu, c’est Socrate : en disant qu’il ne savait rien, il disait la vérité. Je ne pense pas que qui que ce soit puisse récuser cette idée. Qu’est-ce que nous savons ? Je pense que c’est très limité. Puis, j’ai traversé une période de ma vie très complexe : je n’arrivais pas à clarifier les choses, je n’étais pas heureux, alors que nous venions de réussir notre opération de retour à la terre et que nos enfants allaient bien. On avait tous les attributs du bonheur, si on peut dire. Dans ces moments-là, on éprouve et on vit quelque chose d’intime, est-ce lié à notre passé ou à autre chose ? En tout cas je n’étais pas bien, vraiment pas bien et je cherchais la sortie. C’est quand j’ai découvert Krishnamurti que les choses ont évolué. Je n’étais pas tombé sur un donneur de leçons, sur un maître à penser, sur un maître de quoi que ce soit. Il a cette approche maïeutique, socratique, qui amène à se dire : « Tu cherches toujours à te comprendre à travers l’environnement de pensées, à travers les autres, alors qu’en fait il faut que tu arrives à te comprendre à partir de toi et de ton intériorité ». Cette approche a été incroyablement salutaire, parce que je n’avais plus aucun recours, ni religieux, ni philosophique, ni d’aucune sorte. À travers Krishnamurti, j’ai été plongé dans une solitude intéressante qui déclenche – au-delà de la simple pensée – un mode d’analyse de soi, qui amène à se connaître, à trouver par soi-même. On n’attend plus que quelqu’un nous tende la main. Je retrouvais l’approche socratique. C’est à partir de là que je me suis dit « tu ne dois plus compter que sur toi ». Je suis entré dans une investigation directement reliée à ce que l’on ressent, à ce que l’on pense, enfin à tout ce qui détermine notre mode d’exister. Et
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J’ai compris que je ne devais pas compter sur la pensée de qui que ce soit, mais sur la lucidité qui m’est donnée – qui n’est pas en moi mais qui m’est donnée – dès lors que je cesse de vouloir trouver des solutions.
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c’est alors que j’ai compris qu’il ne faut pas que je compte sur la pensée de qui que ce soit, mais sur la lucidité qui m’est donnée - qui n’est pas en moi mais qui m’est donnée - dès lors que je cesse de vouloir trouver des solutions. Il faut simplement être à l’écoute de soi, de sa propre évolution : comment je réagis, pourquoi je suis jaloux, pourquoi ci, pourquoi ça. C’est une initiation de soi par soi. Et ça, ça m’a vraiment tiré d’affaire, d’une façon très puissante, très forte. Du coup, j’ai retrouvé l’énergie pour continuer mon aventure terrestre telle qu’elle avait été engagée.
Depuis la découverte de Krishnamurti, vous avez donc toujours recours à cette voix intérieure pour vous guider dans ce que vous faites, dans vos choix ? Absolument. Je vérifie que je suis sur la bonne voie. Tout le monde est sur la voie, mais il faut s’assurer qu’on est sur la bonne. Et pour s’en assurer, on se dit : est-ce que je fais du tort aux gens ? Est-ce que je suis conformiste, est-ce que je suis influencé par des idées toutes faites, est-ce que je suis rattaché à une église, à un dogme, à quoi
que ce soit ? Quand on n’est plus rattaché à rien, alors on est vraiment relié, non pas attaché, mais relié, ouvert à l’Absolu. Et l’Absolu… ça me fait penser à ce que disait Maître Eckhart : « Cessez de parler de Dieu. Tout ce que vous dites de lui est mensonge. »
Et que se passe-t-il quand on n’est plus attaché à quoi que ce soit ? On doit se demander si c’est l’imagination qui produit ce qui nous rassure et nous console, ou si on est vraiment dans un silence, un silence qui parle bien plus que n’importe quelle parole. Un silence où, enfin, quelque chose peut s’exprimer, quelque chose qui n’est pas issu des tourments, ni d’une quête trop forte de la vérité. Le silence, ce n’est pas aller dans le désert. Il y a la nature du silence dans le désert, qui est l’absence de bruit, et qui fait dire qu’on est plus en soi quand on est en plein désert. Peut-être, mais ce n’est pas de ce silence-là que je parle. C’est un silence que l’on peut avoir dans la foule, on n’est pas forcé d’être dans la vacuité pour l’obtenir. Mais c’est un silence « actif », qui ne nous vient pas comme ça, cela demande d’être présent.
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Oui, il est important de se relier à son silence intérieur. Mais comment s’y prendre ? Oui, en effet. Soit on attend de quelqu’un une recette toute faite et on l’applique, mais je considère que ce qu’on nous propose souvent aujourd’hui, ce n’est pas le silence, c’est plutôt de la relaxation. Quand on est très relaxé, on croit qu’on est dans le silence, mais le silence n’est pas de cette nature. Il est d’une nature transcendante, c’est quelque chose à quoi je m’ouvre. C’est comme l’air. L’air est là, je le respire. C’est comme l’amour, je le vis. Dans tout cela on est complètement isolé, sans l’être. Car c’est en voulant être isolé qu’on est le plus relié, à l’inverse plus on veut être relié, moins on l’est. Le silence relève d’une nature particulière, je vous en parle, mais c’est difficile d’en parler…
dissension. Jamais. Ce n’est pas dans sa vocation, ni dans son essence. Je pense que l’amour a de multiples tonalités et intensités. Il y a le premier cercle de l’amour humain pour ses proches. Après, il y en a un deuxième, un troisième… jusqu’à l’amour qui englobe tout.
À suivre Interview de SYLVIE BERTI ROSSI
45 Vous venez de parler de l’amour. Vous évoquez souvent la puissance de l’énergie d’amour, comme moteur pour se changer et changer les choses. Absolument. Mais le mot « amour » a une résonance qui provoque toutes sortes d’interprétations et de fantasmes. Alors qu’en réalité il est d’une essence transcendante. Je pense que l’être humain est fait pour ça. Aimer, c’est aimer l’arbre, aimer la terre, aimer le poisson, aimer, aimer, aimer… Et il y a un amour particulier, plus intense, dédié à sa compagne ou son compagnon, à ses enfants, aux êtres qui nous sont les plus chers – l’amour homme-femme, je le vis comme une grande célébration ! Mais l’amour n’est pas réservé qu’à ça. Quand on aime un arbre, ce n’est pas personnalisé, c’est comme une essence, comme une réalité transcendante à laquelle on se connecte. C’est pour ça que l’amour inconditionnel ne peut jamais produire de
Dernières parutions Cyril Dion et Pierre Rabhi, Demain entre tes mains, Actes Sud, 2017 Pierre Rabhi, Claire Eggermont et Marc N’Guessan, L’enfant du désert, Plume de carotte, 2017 www.pierrerabhi.org
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change Tant que vous n’aurez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous
appellerez cela le destin. Carl Jung
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Le p ouvoir d e la pa i x CAROL TALLON nous parle de voyages épiques, d’éveils spirituels, de la nuit noire de l’âme et du pouvoir guérisseur de l’amour.
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es gens parlent de voyages extraordinaires qui commencent par un premier pas, mais je ne suis pas trop sûre de cela. Plus j’y pense, plus je suis convaincue que le plus extraordinaire des voyages se planifie rarement. Au contraire, il évolue sur des semaines, des mois, des années et des décennies. Peut-être même sur toute une vie. Le fondateur d’Apple, Steve Jobs, l’a parfaitement exprimé quand il a décrit la vie comme un exercice qui consiste à « relier des points ». Le voyage et le parcours empruntés sont évidents rétrospectivement ; mais quand vous vous trouvez au milieu du chaos insensé qu’est la vie, vous devez croire que lorsque vous sautez, bondissez ou bataillez d’un point à l’autre, ceux-ci vont finalement se relier de manière significative. Tout se résume en fait à la confiance. Mais la confiance est un drôle de concept. Nous nous fions davantage aux organisations qu’aux personnes qui les composent ; pensez aux
banques et aux banquiers. Nous faisons confiance à ceux qui nous conseillent plus qu’à nous-mêmes. Pourquoi en est-il ainsi ? La confiance ou la foi en un pouvoir supérieur – Dieu, l’Esprit, l’Univers – on la donne trop facilement ou pas du tout. C’est aussi le cas pour la confiance et la foi que nous plaçons en nousmêmes, ou que nous accordons à d’autres. Comment serait-ce de pouvoir nous faire pleinement confiance, de faire confiance au monde qui nous entoure et à la place que nous y occupons ? Aucun doute sur soi, aucun syndrome de l’imposteur. À quoi cela ressemblerait-il ? Ma façon de voir n’est pas meilleure que la vôtre, mais je crois que cela ressemblerait à la paix ; une paix individuelle, personnelle. Et si cette confiance prenait de l’ampleur dans cet âge viral, jusqu’où cette paix personnelle pourrait-elle s’étendre ? À nos familles peut-être, à nos collectivités, à notre pays ou même au monde entier.
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Est-ce trop simpliste ? Peut-être, peut-être pas. Mais je me souviens de Malala, devenue une icône, et du pouvoir que détient un seul individu. Le pouvoir. Dans quelle mesure êtes-vous à l’aise en lisant ce mot ? Le pouvoir. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Qu’est-ce que ce mot déclenche dans votre esprit – la corruption, la richesse, le mal, le bien ? J’ai appris à accepter le pouvoir en le voyant comme cette étincelle intérieure qui jaillit de mon esprit chaque fois que j’entreprends une action pour laquelle je me sens guidée. Quand ce pouvoir m’ébranle, je le perçois comme quelque-chose de palpable, une explosion qui dilate ma poitrine et fait fourmiller tout mon corps, jusqu’à mes doigts qui en tremblent. Cette sensation physique et cette énergie sont si fortes que je sens le bout de mes doigts lancer des étincelles, comme s’ils pouvaient allumer un feu par simple contact. Par deux fois, dans ma vie d’adulte, j’ai oublié mon propre pouvoir. Je comprends et j’accepte maintenant que c’est une chose qui peut facilement nous arriver. Je crois que nous naissons tous brillants, mais que les défis de la vie nous épuisent et nous font oublier notre pouvoir personnel, ce pouvoir inné. La vie parfois assombrit notre lumière, et quand cela arrive, il est difficile de voir les choses clairement. Nous avons besoin de lumière. Le monde a besoin de ma lumière et il a besoin de la vôtre. Notre rôle dans cette vie est certainement d’entretenir cette lumière et d’empêcher cette étincelle intérieure de s’éteindre complètement. La première fois que cela m’est arrivé, ma vie était devenue une sorte de gare de triage, avec beaucoup de gens interférant, s’efforçant d’aider. Parlant de moi, jamais à moi. Les problèmes qui n’étaient pas urgents étaient ignorés ; les problèmes urgents étaient traités mais rien ne me guérissait. Comment cela aurait-il pu se faire ? À ma grande frustration, je n’apprenais rien. Cette crise faisait
s’écrouler ma vie autour de moi, mais je résistais au changement, à la guérison et à l’aide qui m’était offerte. En luttant pour rester ferme face à ma vie brisée, je me suis refusé la possibilité d’une vie nouvelle, plus simple et meilleure. J’ai perdu ce beau potentiel d’apprendre des leçons et de me libérer des schémas auto-destructeurs. Je me suis relevée et j’ai boité encore quelques années. Il s’est passé presque dix ans avant que l’occasion ne se présente à nouveau. Cette deuxième occasion, comme la première, ne ressemblait pas à une opportunité. J’ai eu l’impression que mon monde s’effondrait à nouveau, mais cette fois je n’avais plus les forces pour tenter de m’y accrocher. J’étais fatiguée, mon âme était exténuée, rompue. Je me sentais brisée. Il y a tellement de façons de décrire cette période ; c’était plus qu’un passage à vide, j’étais au fond du trou. Je traversais ma nuit noire de l’âme. Pour la première fois, je savais que j’avais baissé les armes. Et c’est ce qui devait être ma grâce salvatrice. L’avantage d’être au fond du trou, c’est qu’on ne peut pas tomber plus bas. Par conséquent, il n’y avait pas de masque à maintenir, plus de déni, plus de fuite devant la réalité. Aucun endroit n’est plus réel que le fond du trou ; et cette certitude, dans ce moment d’incertitude dévastatrice, m’a sauvée. L’adversité peut être un puissant tremplin. Finie la fierté qui refuse de l’aide, disparue la peur d’échouer, finies les absurdités de l’ego dont j’étais particulièrement adepte pour me protéger et sauver la face. Tout était parti. Et à la place, de façon totalement inattendue, j’ai trouvé une sorte de paix. Mais c’était une paix par explosion. Cela m’a rappelé que tous les éveils ne sont pas doux. En m’abandonnant à toutes les formes d’aide ou de consolation qui m’étaient offertes, j’ai fait l’expérience de l’amour. J’ai compris l’importance de la compassion, pour moi et pour les autres. Cette période de ma vie m’a apporté la clarté, et cela a tout changé.
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On a beau savoir que le pardon, la compassion, l’empathie et l’amour sont les moyens de lâcher les pensées négatives, les reproches, la culpabilité ou le rôle de victime – tout ce qui nous empêche d’avancer – il n’empêche que ça ne nous vient pas facilement. S’imaginer envoyer des vagues d’amour à quelqu’un, alors qu’on ne ressent rien, peut tenir du défi. Ce que j’ai appris jusqu’ici dans cette vie, c’est que tout commence par l’amour. Avec l’amour, toute guérison peut arriver, car la compassion est simplement un sous-produit ou le signe de cet amour. Avec la compassion, les reproches se dissipent ; et sans reproches, le besoin de pardonner n’a simplement plus lieu d’être. J’aimerais pouvoir identifier le moment où j’ai commencé à ressentir l’amour. Dans les deux ou trois jours qui ont suivi, j’ai ressenti la plus forte sensation d’étourdissement, de bonheur explosif, de paix et de quelque chose que je peux seulement décrire comme une expansion de la poitrine. Cela ne ressemblait en rien aux sentiments des six mois précédents. J’ai su alors que le changement était en vue. J’étais surprise, et je n’aurais pas dû l’être. C’était exactement ce que j’avais demandé, ce que j’avais cherché et ce pour quoi j’avais médité… Pourquoi sommes-nous surpris d’obtenir ce que nous demandons ? Ainsi, à mesure que j’apprends, s’il y a une chose que je peux enseigner, c’est l’amour. Aimez-vous d’abord vous-même, les autres ensuite, et tout le reste suivra.
Pour en savoir plus www.caroltallon.com
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Cela m’a rappelé que tous les éveils ne sont pas doux. En m’abandonnant à toutes les formes d’aide ou de consolation qui m’étaient offertes, j’ai fait l’expérience de l’amour.
La danse sacrée de la guérison
Vous avez développé une approche particulière pour accueillir vos patients, pouvez-vous nous en parler ?
Le Dr CRYSTAL JONES accompagne les gens et les aide à retrouver leurs capacités en créant un espace de rencontre particulier entre guérisseur et patient.
Ce qui se crée, quand deux personnes se réunissent pour susciter la guérison, je le perçois comme un espace, comme une danse sacrée. En général, il y a le guérisseur et, comme j’appelle le patient, le facilitateur de la
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guérison, mais pour moi, il s’agit avant tout de deux personnes sur la même longueur d’onde. Lorsqu’une personne est en quête d’une autre approche de la guérison, d’un approfondissement, et qu’elle croise le chemin d’un guérisseur, elle doit également être responsable et comprendre ce qu’elle souhaite en retirer, au lieu de se reposer sur l’idée : « Cette personne est un médecin, ou un professeur de yoga, elle maîtrise son domaine, elle va pouvoir me donner ce dont j’ai besoin. » En tant que guérisseur, je pose généralement la question : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que mon approche, ma voie, peut faire pour vous servir ? » Nous ne pouvons pas entrer dans une danse sacrée tant que nous ne reconnaissons pas tous deux que notre guérison a lieu à l’intérieur de nous. Et que cette puissance de guérison qui est la nôtre se manifeste en lien avec l’autre ; elle permet de se décrypter mutuellement ainsi que de traverser ensemble nos dysfonctionnements et schémas destructeurs.
À partir de là, comment trouvez-vous l’équilibre entre votre rôle de guide et le fait de permettre à la guidance intérieure de la personne d’émerger naturellement ? Je guide les personnes en les écoutant. Ce sont elles qui mènent le jeu. Je me considère comme un guide au même titre que pourrait l’être le traducteur d’une langue étrangère. J’entends ce que les gens disent – j’écoute ce qu’ils confient, quels sont leurs soucis, ce qu’ils expriment avec le non-verbal – et quand ils semblent coincés dans un schéma, je traduis ce que cela raconte pour leur permettre de comprendre pourquoi leur corps répond de cette façon ; et pour découvrir quelles sont les valeurs, les expériences essentielles, les vérités fondamentales qui les accompagnent. Ainsi,
c’est leur propre guide intérieur qui m’expose ce qu’il en est. Quand je leur demande qui ils sont et ce qu’ils veulent retirer de cette expérience, cela m’ouvre un chemin et je comprends leur système de croyance. Je perçois qu’ils ont peut-être besoin de se sentir utiles ou aimés – cela dit, ce ne sont pas des limites qu’ils ont en eux, ce sont des murs ! Quand tout cela me devient clair, je peux voir où se trouve la déconnexion, le dysfonctionnement, et pourquoi ils ne sont pas nécessairement là où ils voudraient être. Il ne suffit pas de dire qu’on a telles valeurs fondamentales et qu’on souhaite se trouver à tel endroit pour qu’on y soit. Cette incongruence ne produira jamais vraiment de résultats, et mon travail consiste alors à entrer dans la situation et à les aider à créer ce nécessaire niveau de congruence, c’est-à-dire mettre leurs souhaits en adéquation avec la réalité. C’est un processus évolutif, ça n’arrive donc pas nécessairement en une séance. C’est possible, mais mais ce n’est pas censé arriver à un moment précis. Il s’agit plutôt d’un processus qui tend à faire évoluer une vérité pour qu’elle devienne une croyance fondamentale, et quand cela arrive, le résultat issu de cette nouvelle croyance peut alors se produire. De par mon expérience, j’ai compris que ce que nous cherchons n’est jamais en dehors de nous ; nous sommes simplement incapables d’accepter cette évidence ou de nous en souvenir.
Vous parliez du fait d’être une traductrice. Il me semble que la guérison est beaucoup une question de réconciliation de la syntaxe. Nous nous disons une chose, pour découvrir ensuite qu’en réalité c’en est une autre. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont nous pouvons traduire un
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problème en des termes plus stimulants, plus encourageants ? Ça peut sembler un cliché, mais cela concerne beaucoup les idées « d’insuffisance et d’abondance ». Avoir un problème veut dire que nous avons l’impression que quelque chose nous manque – et cela suffit déjà à nous faire comprendre que nous ne sommes pas dans le moment présent. Une personne qui vient pour être guérie n’est pas dans le moment présent, parce qu’il lui manque quelque chose. Elle doit donc arriver au point où elle n’a plus le sentiment de manquer de quoi que ce soit, et comprendre que ce sont ses expériences qui l’ont amenée à ce point. L’étape suivante est de lui permettre de réaliser qu’elle est l’excellence et la perfection personnifiées. Pour cela, elle doit entrer en elle-même, ce qui ne pose pas nécessairement de difficulté. Chaque fois que nous voyons les choses comme des problèmes, nous mettons en doute le fait d’être à l’image de la perfection. Ainsi, nous luttons continuellement contre nous-même, en continuant à être ce que nous ne sommes pas, plutôt que de traverser nos peurs et parts d’ombre et de réaliser que tout cela est notre complétude. Là où nous sommes en cet instant, c’est là, notre complétude. Si nous voulons créer une nouvelle histoire, nous le pouvons, mais il n’y a rien de mal à vivre notre histoire existante ; elle est tout simplement ce que nous avons vécu jusqu’à présent, avec tout ce que nous avons accepté comme vérités. Alors, voyons ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. En admettant que nous ne voulions plus que certains schémas de croyance représentent notre vérité, allons-nous les faire évoluer, ou plutôt rester en sécurité, juste là où nous nous trouvons ? Une fois que tout est mis à plat, nous pouvons décider dans quelle direction aller, parce qu’à présent c’est notre décision : « Bon, sur la base de ce que je viens de raconter, j’ai compris d’où ça vient et pourquoi ça se produit. Si je veux changer, je le
peux. Si je ne veux pas, personne ne m’y oblige. » Que nous voulions changer dans six semaines, ou dans six ans, peu importe. Nous avons eu l’occasion de comprendre : « Je n’ai pas de problème. Je suis juste un scénariste. » Et quand on voit ce qui ne fonctionne pas sur scène, on a la possibilité de remanier le script. Pas besoin de changer les personnages, il suffit de changer le script.
Nous avons ainsi la possibilité d’évoluer, ce potentiel est en nous. Selon vous, quels sont les principaux seuils ou étapes que nous devons franchir pour poursuivre ce voyage ? L’une des étapes les plus importantes est la connexion à sa puissance personnelle et la prise de conscience que nous sommes les co-créateurs de notre vie. C’est ce qui nous permet de prendre des décisions, et surtout de comprendre que la vie se passe à travers nous et pour nous, et non malgré nous. Des situations se produisent, mais elles se produisent à travers nous et pour nous. Pour moi, la plus grande limitation est de se voir comme une victime. Je ne veux pas dire que personne n’a jamais été victime de quoi que ce soit, mais que chacun a tendance à penser ou agir sur le mode : « Qu’est-ce qui m’arrive ? ». Néanmoins, même si nous pensons ou agissons de cette façon, nous pouvons toujours en prendre conscience et transformer cette histoire en ce que nous voulons. Mais si nous ne comprenons pas le pouvoir que nous avons – pour changer cette histoire en ce qui sert le plus grand bien – nous continuerons à nous sentir dans un problème, à penser que quelque chose cloche en nous, et nous continuerons à vivre notre vie à reculons.
À suivre
Interview de EMMA IVATURI
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ê tre in spiré.
Seul l’amour donne d e la valeur à toute chose. Thérès e d ’A vil a
PRATYAHARA
PRANAYAMA
Retrait à l’intérieur
Régulation du souffle
ASANA Posture
Ashtanga
DHARANA Focalisation mentale
yoga
NIYAMA
DHYANA Méditation
Régularité Observation
SAMADHI
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Condition originelle (équilibre)
YAMA
Bonne conduite
Seriez-vous intéressé si quelqu’un vous disait qu’il existe un ensemble de pratiques simples qui aident à gérer tous les aspects de la vie quotidienne, tout en élevant le potentiel humain à un niveau qui dépasse l’imagination la plus folle ? Cela attiserait pour le moins la curiosité de la plupart des gens. En fait, cela correspond précisément à la description des pratiques du yoga, mais rares sont ceux qui s’en rendent compte. Le yoga comprend un ensemble holistique de pratiques qui visent au développement personnel et au bien-être du corps, de l’esprit et de l’âme. Il y a quelques milliers d’années, le grand sage Patanjali a répertorié les pratiques yogiques en vigueur en son temps et les a présentées dans un traité en huit étapes, qu’on utilise encore aujourd’hui. Il s’agit de l’ashtanga yoga. Mais les pratiques du yoga ont évolué depuis Patanjali, surtout au cours des 150 dernières années, pour répondre aux besoins de l’époque. Dans cette série d’articles, KAMLESH PATEL décrit chaque étape du yoga à la lumière des pratiques yogiques modernes de Heartfulness. Il nous montre comment concilier nos pratiques spirituelles intérieures et la vie dans le monde, et comment affiner notre personnalité pour parvenir au véritable état du yoga – c’est-à-dire à l’efficacité dans l’action et à l’harmonisation des aspects spirituel et matériel de la vie.
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ASANA Asana est la troisième des huit étapes de la pratique du yoga de Patanjali. KAMLESH PATEL nous montre que le rôle d’asana est de nous procurer une stabilité physique nous permettant d’établir une stabilité intérieure ; la science yogique d’asana aide des gens du monde entier à prendre soin de leur santé et de leur bien-être.
Cette troisième étape de l’ashtanga yoga de Patanjali est probablement la plus populaire aujourd’hui, mais aussi la moins bien comprise. En pensant aux asanas, beaucoup d’entre nous visualisent des exercices de hatha yoga à la salle de gymnastique ou de yoga locale, mais il y a là bien plus à comprendre. Le mot « asana » vient de la racine sanscrite as, qui signifie « s’asseoir » : à l’origine, asana était la posture assise pour méditer. Le but du yoga ayant toujours été l’union ou l’unité avec l’infini, l’objectif principal de cette pratique est donc la méditation et, à travers elle, l’union. C’est dans ce
contexte que Patanjali définit et décrit la pratique d’asana dans les trois sutras suivants : 2.46: Sthira sukham asanam Sthira signifie « stable, constant » ; sukham signifie « confortable, détendu »; asanam signifie « la posture ou la position assise ». Asana est donc une position assise stable et confortable. 2.47: Prayatna shaithilya ananta samapattibhyam Prayatna signifie « tension ou effort » ; shaithilya signifie « relâcher ou détendre »; ananta signifie « infini, sans fin » ; samapattibhyam signifie « porter son attention sur et fusionner avec ». Asana consiste donc à relâcher les tensions, et à laisser la conscience fusionner avec l’infini. 2.48: Tatah dwandwa anabhighata Tatah signifie « ainsi » ; dwandwa signifie « la dualité ou les paires d’opposés », tels que la lumière et l’obscurité, le bien et le mal ; anabhighata signifie « sans impact ou libre de la souffrance ». Asana nous libère ainsi de l’impact des dualités de la chaleur et du froid, du plaisir et de la douleur, etc.
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En résumé, voilà ce que nous dit Patanjali de la pratique d’asana : trouvez une position assise stable et confortable, afin de pouvoir relâcher vos tensions et laisser votre conscience fusionner avec l’infini, et vous serez libéré de l’impact des dualités de l’existence. Tel est le but d’asana. Swami Vivekananda a apporté d’autres précisions sur le rôle d’asana : pour votre méditation quotidienne, trouvez une posture dans laquelle vous pouvez rester longtemps. Ce devrait être une posture facile, et pas nécessairement la même pour tous. Ce qui importe, c’est que cette posture laisse le flux des énergies circuler dans le système. Dans son livre Raja Yoga, Vivekananda explique qu’une activité importante se déroule dans le corps lorsque nous méditons : « Certains courants nerveux doivent être déplacés et dirigés dans un circuit nouveau. De nouvelles sortes de vibrations apparaissent et toute la constitution est, en quelque sorte, refondue. Mais la partie essentielle de l’activité a pour siège la colonne vertébrale, si bien que
la seule chose nécessaire pour la position adoptée est que la colonne vertébrale soit libre, droite, et que la poitrine, le cou et la tête soient en ligne droite, dans le prolongement l’un de l’autre. Que tout le corps soit soutenu par les côtes et vous aurez une posture naturelle et facile, la colonne vertébrale droite. »1 Il s’agit peut-être là de la toute première description de la neuroplasticité résultant de la méditation. Vivekananda a situé ce processus de neuroplasticité non seulement dans le cerveau, mais aussi dans le système nerveux central, en particulier dans la moelle épinière, de la poitrine à la tête et au cerveau, c’est-à-dire dans les régions qui comprennent les chakras du cœur et du mental. Vivekananda nous a également indiqué la façon de maintenir cet alignement de la colonne vertébrale et du cerveau : « Dites-vous que vous êtes fermement assis et que rien ne peut vous ébranler. Puis passez lentement en revue la perfection de votre corps, de la tête aux pieds. Pensez qu’il est pur comme du cristal, et qu’il est un vaisseau parfait pour naviguer sur l’océan de la vie. »2 L’essentiel est de laisser le corps libre, en maintenant la poitrine, les épaules et la tête droites, de façon à ne plus du tout sentir son corps. Quand on va au-delà du physique, on perd tout sens du corps, du plaisir et de la douleur. Ensuite on se sent tellement reposé ! C’est le repos le plus parfait qu’on puisse donner au corps. On considère souvent que les meilleures postures pour la méditation sont celles où l’on a les jambes croisées, avec les deux mains reposant sur les cuisses, comme siddha-asana et padmasana, la position du lotus. Ram Chandra de Shahjahanpur a expliqué la philosophie qui sous-tend la position des jambes croisées : si par la méditation nous devons retourner à notre origine en contractant notre existence jusqu’au néant, il est utile d’adopter 1! 2
Coffret Raja Yoga. Histoire et tradition, vol. 5, pp. 27-28 Ibid., p. 186
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une position physique similaire de contraction ou de retrait. « De par sa tendance à s’élever, la contraction commence toujours par le bas, pour graduellement monter. Pour s’élever, on doit donc commencer par contracter le bas. Cela ne peut se faire qu’en ramenant les jambes et le reste du corps dans une certaine position et en la maintenant. Quelle que soit la posture adoptée, elle jouera finalement le rôle d’un asana. Cet élément est essentiel, parce qu’il prépare notre chemin vers l’Ultime. La posture doit toujours être la même. En agissant ainsi on s’associe à la grande force, la chose même dont on se sert dès le départ pour atteindre son objectif. Ainsi la forme qui est associée à la Réalité offre-t-elle une grande aide au premier stade de l’initiation. La pratique de sandhya, assis, le dos bien droit, a été considérée comme la posture la plus avantageuse depuis des temps très anciens. Dans cette position, le flux de la grâce divine descend directement sur le chercheur. S’il est légèrement affaissé, penché ou dans une position instable, le courant de splendeur risque d’être bloqué ou gêné. Pour bénéficier pleinement de la descente du courant, le chercheur devra s’asseoir dans une position correcte et stable. »3
On considère souvent que les meilleures postures pour la méditation sont celles où l’on a les jambes croisées, avec les deux mains reposant sur les cuisses, comme siddha-asana et padmasana, la position du lotus.
Siddhasana
Mais la position assise alignée ne nous aide pas seulement à recevoir le flux de la grâce divine. Cette posture stable et confortable a aussi une incidence sur notre bien-être physique. Nos têtes sont lourdes – même lorsqu’elles sont en équilibre sur le cou, elles pèsent environ 5 kilos. Or que se passe-t-il lorsque, profondément absorbés dans une méditation accompagnée de transmission, nous perdons conscience ? Parfois notre tête tombe en avant jusqu’à toucher notre poitrine, et dans cette position elle peut exercer une traction allant jusqu’à 27 kilos sur le cou et les épaules. Imaginez l’effet, au bout d’un certain temps, sur le dos, le cou et le système nerveux central ! Il importe donc de rester droit, stable, équilibré et détendu quand on médite. Garder la tête en équilibre sur le cou et les épaules pendant la méditation requiert une conscience forte. Pour l’acquérir, il nous faut méditer. Tout est donc interconnecté – le physique, le mental et le spirituel. Même pour rester dans un asana stable et confortable tout au long d’une méditation, nous devons aiguiser notre conscience. 3
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Coffret Raja Yoga. Histoire et tradition, vol. 6, p. 154
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En méditant pour atteindre l’état d’unité avec Dieu, les anciens rishis découvrirent rapidement qu’il fallait aussi prendre soin du corps et l’exercer. Comme le fait de rester constamment assis en méditation n’était pas bon pour leur santé, ils trouvèrent d’autres postures qu’ils pouvaient adopter au cours de la journée sans sortir de leur état méditatif. Ils demeuraient ainsi en méditation tout en améliorant leur système immunitaire, leur respiration, leur circulation sanguine, leur tonus musculaire et leur souplesse articulaire. C’est ainsi que se développèrent les pratiques physiques du hatha yoga. Mais s’agit-il simplement d’exercices physiques ? Le légendaire maître de yoga B.K.S. Iyengar a dit un jour : « Vous devez pratiquer l’asana avec votre âme. Comment le faire avec l’âme ? Ce n’est possible qu’avec l’organe du corps le plus proche de l’âme – le cœur. Un asana accompli vient donc du cœur et non de la tête. Car il ne s’agit pas seulement de le faire, mais d’y être. Beaucoup de gens s’efforcent de penser à la façon de pratiquer un asana, alors qu’il faut y pénétrer par le ressenti, avec amour et dévotion. » Les asanas sont efficaces lorsque le cœur, le mental et le corps travaillent à l’unisson. Chaque mouvement est effectué lentement, avec une
conscience intensifiée de ce qui se passe. Si les asanas sont pratiqués dans un esprit méditatif, ils apporteront de nombreux bienfaits, et pas seulement sur le plan physique. Les asanas maintiennent la souplesse des vertèbres de la colonne vertébrale, ce qui est important pour se mouvoir correctement ; c’est la clé de la plasticité générale du corps. Selon la terminologie yogique, cela permet la libre circulation de l’énergie le long de la colonne vertébrale. Et que faisons-nous de cette énergie qui s’écoule librement ? Elle est attirée à l’intérieur avec pratyahara, la cinquième étape de Patanjali. Les asanas étirent et tonifient les fascias, ce tissu conjonctif qui se trouve partout dans le corps. Les fascias maintiennent les muscles ensemble à la bonne place, les séparent pour qu’ils fonctionnent indépendamment les uns des autres et fournissent une surface lubrifiée leur permettant de se mouvoir en douceur. Le domaine du hatha yoga continue de s’étendre et de se développer, et on enseigne aujourd’hui quantité d’asanas. En voici sept parmi les plus courants, avec quelques bienfaits qu’ils offrent pour la santé, juste pour vous donner une idée de la façon dont la science yogique des asanas s’est développée :
En méditant pour atteindre l’état d’unité avec Dieu, les anciens rishis découvrirent rapidement qu’il fallait aussi prendre soin du corps et l’exercer. Comme le fait de rester constamment assis en méditation n’était pas bon pour leur santé, ils trouvèrent d’autres postures qu’ils pouvaient adopter au cours de la journée sans sortir de leur état méditatif.
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L a science de l a spiritualité
1. Tadasana favorise l’étirement général et la circulation sanguine. Il soulage les douleurs aux genoux, les dépôts de calcium, tels les éperons calcanéens, et les crampes. Il améliore l’équilibre physique et mental. Il est aussi bénéfique dans les cas d’Alzheimer et d’autres formes de démence.
3. Parsva Uthanasana aide à la digestion et améliore la flexibilité du dos et des muscles ischio-jambiers. Il apporte le calme et un objectif.
Parsva Uthanasana
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Tadasana
2. Veerabhadrasana est bon pour le cou, les épaules et les maux de dos. Il favorise également l’expansion de la poitrine, et aide en cas d’asthme et de cancer (en élevant le niveau d’oxygène). Il renforce la confiance.
Veerabhadrasana
4. Dvipada Pitham aide à gérer la pression artérielle, qu’elle soit haute ou basse. Il soulage également les maux de tête et tonifie le dos, les genoux, les épaules et les muscles des mollets. Il renforce l’équilibre et la confiance.
Dvipada Pitham
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La science de la sp iritualité
5. Jatarapar iv r itti tr avail le sur le système digestif et élimine les impuretés du corps.
7. Suryanamaskar aide à gérer le diabète et les problèmes de thyroïde. Il apporte de la confiance et active tout le système nerveux.
Jataraparivritti Suryanamaskar
64 6. Mahamudra ouvre la région pelvienne, et favorise la santé reproductive. Il soutient la concentration et calme l’esprit. Il est excellent pour les femmes enceintes.
La principale chose à retenir est que l’ashtanga yoga forme un tout. Il n’a pas été conçu pour que nous choisissions à volonté l’une ou l’autre des huit étapes. Pour vraiment bénéficier des asanas, il faut que l’âme, le cœur et le mental soient profondément impliqués. Vous pouvez commencer n’importe où, mais si votre désir de croître est sincère, le reste finira par suivre.
Mahamudra
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Mou ri r
à s o i- m êm e THÉOPHILE L’ANCIEN et son jeune ami THÉO poursuivent leur conversation sur la mort, en se penchant cette fois-ci sur l’expérience de « mourir à soi-même » durant la méditation.
– Certains disent qu’avec la méditation « nous mourons avant de mourir », « nous mourons à nous-même ». Peux-tu me dire ce que cela signifie ? demande Théophile le Jeune. – C’est un vaste sujet, nous allons plutôt commencer par une expérience, si tu le veux bien. Assieds-toi très confortablement, plonge dans ton cœur, laisse-toi absorber par la lumière, perds-toi en elle. Que vois-tu ? – La lumière a perdu toute sa luminosité. C’est une lumière sans lumière. Je continue à m’absorber toujours plus profondément dans le cœur. Je ne peux plus rien décrire. En fait je suis aspiré dans un vide paisible, il n’y a plus de repères. Tout est immobile. C’est un mouvement sans mouvement. – Maintenant relaxe-toi, nous nous parlerons à nouveau après ta méditation. Une heure est passée, Théophile l’Ancien dit : « C’est tout. » Théophile le Jeune sort tout doucement de sa méditation comme l’Ancien le lui a appris. La conscience émerge à nouveau en lui. Il la laisse
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L a recherche intérieure
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se déployer dans son espace intérieur. Il remonte lentement en surface par paliers, reprenant possession de son corps, de ses sensations. Son attention se tourne alors vers l’extérieur et il aperçoit le vieil homme souriant face à lui. – Combien de temps penses-tu avoir médité ? interroge le vieil homme. – Comme d’habitude dans mes expériences méditatives, j’ai l’impression que cela dure quelques minutes, mais cette fois-ci j’ai perdu toute conscience. Je suis revenu à moi juste avant que tu dises « c’est tout ». – Remémore-toi l’état d’extrême profondeur. Que te rappelles-tu ? – Une infime conscience demeurait. J’existais sans exister. En fait quelque chose subsistait, mais j’avais perdu la notion du moi. J’ai compris : je pense que c’était le Soi supérieur. – La méditation a duré une heure, reprend Théophile l’Ancien. – Une heure ! s’exclame le jeune homme, cela m’a paru si bref ! – Pendant cette heure, tu es « mort à toi-même » tout en étant vivant, continue l’Ancien. C’est un des plus hauts niveaux de conscience, le suivant est le sahaj-samadhi, lorsque ta conscience est en même temps dans les profondeurs du Soi et pleinement présente à la vie, aux autres. – Existe-t-il un rapport avec les EMI (Expérience de Mort Imminente ou NDE, Near Death Experience) ? – Il y a des similitudes, nous faisons cette expérience consciemment en méditation, alors que les personnes qui font une EMI la vivent souvent au cours d’une intervention chirurgicale pendant un arrêt cardiaque. Leur électroencéphalogramme est plat : ils sont en mort clinique, mais ils reviennent à la conscience. L’expérience est si forte qu’ils s’en
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L a rech erche intérieure
souviennent encore longtemps après. Souvent, cela change radicalement leur vie. – Peux-tu m’expliquer ce qui s’est passé durant ma méditation ? – Grâce à la posture de méditation, à la relaxation corporelle et à la transmission, tu as quitté la conscience corporelle puis la conscience de la région du cœur, pour entrer dans le champ de la conscience cosmique. C’est en elle que vient puiser la conscience dite intuitive. C’est le lieu de la conscience universelle, du mental universel où nous trouvons l’inspiration, l’intuition, les rêves prémonitoires et même les révélations, qu’elles soient spirituelles ou scientifiques. – Penses-tu que les grandes découvertes proviennent de cette dimension ? – Oui, n’as-tu pas remarqué que les grandes découvertes se font souvent simultanément aux quatre coins du globe ? – Tu veux dire que je pourrais volontairement aller collecter des informations au niveau cosmique ?
– C’est possible mais, comme dans nos entretiens, il faut savoir poser la bonne question. Cela nécessite déjà un certain niveau de conscience et de connaissance. C’est comme dans le livre canonique de la médecine chinoise, le Huangdi Nei Jing, où c’est l’empereur Wuang Ti (l’Empereur Jaune) qui sait poser les bonnes questions à son précepteur Qi Pa. La connaissance se protège elle-même. Elle n’est accessible que dans certaines conditions… mais c’est une autre histoire. – Comme tu me l’as fait remarquer, une purification et une illumination des cinq points du cœur sont nécessaires, n’est-ce pas ? Et peut-être même celles des cinq points suivants ? Le vieil homme approuve silencieusement.
À suivre
Grâce à la posture de méditation, à la relaxation corporelle et à la transmission, tu as quitté la conscience corporelle puis la conscience de la région du cœur, pour entrer dans le champ de la conscience cosmique. C’est en elle que vient puiser la conscience dite intuitive. C’est le lieu de la conscience universelle, du mental universel où nous trouvons l’inspiration, l’intuition, les rêves prémonitoires et même les révélations, qu’elles soient spirituelles ou scientifiques.
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Po r trai t
AM UR MARGARET NOBLE (1867-1911) était une travailleuse sociale irlando-écossaise, auteur et enseignante. Elle rencontra Swami Vivekananda à Londres, en 1895, et le rejoignit ensuite à Calcutta, en 1898. Une des raisons pour lesquelles Vivekananda avait invité Margaret en Inde était qu’il souhaitait lui voir dispenser un enseignement aux femmes du pays. Fidèle à sa vocation, elle ouvrit une école de jeunes filles à Calcutta quelques mois plus tard. Vivekananda l’initia officiellement à brahmacharya , la « vie pure », et lui donna le nom de SISTER NIVEDITA, qui signifie « celle qui se dévoue ». Elle était également proche de la sainte Mère, Sarada Devi, l’épouse de Ramakrishna Paramahansa, qui l’accueillit en tant que khooki, « petite fille » en bengali. Ses Œuvres complètes comptent de nombreux récits de la vie et des enseignements de Vivekananda, et nous donnent de celui-ci un portrait très vivant. Voici un épisode marquant d’un voyage au Cachemire.
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He a r t f ul n es s
Po r trait
I
l parla de l’avenir. Il n’y avait rien à désirer, sinon la vie de vagabond sur les bords du Gange, dans le silence et la nudité. Il ne posséderait rien. « Swamiji » était mort et enterré. Qui était-il, pour se sentir responsable de l’enseignement du monde ? Tout cela n’était qu’agitation et vanité. La Mère n’avait pas besoin de lui, lui seul avait besoin d’Elle. Même le travail, quand on l’avait vu de près, n’était qu’illusion. Il n’y avait pas d’autre voie que l’amour. Si les gens péchaient contre nous, il fallait les aimer jusqu’à ce qu’il leur soit impossible de résister. C’était tout. Cependant, au moment où j’écris ces mots, je sais bien que je ne peux donner une idée de l’immensité de tout ce qui s’exprimait là, comme si aucun coup, donné à qui que ce soit dans le monde, pouvait ne pas affecter le cœur de notre Maître ; comme si aucune douleur, même celle de la mort, ne pouvait susciter autre chose que l’amour et la bénédiction. Il nous raconta l’histoire de Vashishtha et de Vishwamitra ; évoqua les cent descendants de Vasihshtha qui furent tués ; et le roi qui partit seul, sans terre et sans couronne, pour vivre sa vie. Il nous représenta la hutte au clair de lune, parmi les arbres, et Vashishtha et sa femme, à l’intérieur. Il est penché avec une grande attention sur une page précieuse écrite par son grand rival, quand elle s’approche, s’appuie un instant sur lui et murmure : « Regarde comme la lune est brillante, ce soir ! » Et lui, sans lever les yeux, lui répond : « Mais dix mille fois plus brillant, mon amour, est l’intellect de Vishwamitra ! »
perdu dans l’admiration du génie de son ennemi ! C’est ainsi, dit le Swami, que devrait être notre amour, tel celui de Vashishtha pour Vishwamitra, sans la moindre trace d’un souvenir personnel. À cet instant, un paysan apporta des gerbes de fleurs de poirier et les déposa sur la table où nous étions assis. L’une de nous les souleva en disant : « Swami, elles sont destinées aux dévotions, car elles ne porteront aucun fruit ! » Mais il la regarda en souriant, et elle ne put rompre le charme pour aller les offrir. Ainsi, il s’en alla. Tous, serviteurs et bateliers, amis et disciples, parents et enfants, nous l’accompagnâmes au tonga, le chariot au bord de la route, pour lui dire au revoir. Une petite silhouette robuste, la fille de quatre ans de son chef batelier, dont nous avions depuis longtemps remarqué le dévouement, trottinait résolument à ses côtés, avec un plateau de fruits pour son voyage posé sur sa petite tête ; elle resta là, avec un sourire d’adieu, tandis qu’il s’éloignait. Et nous, non moins profondément touchés que cette petite fille, mais infiniment moins généreux, dans la complexité de nos pensées et de nos émotions d’adultes, ne savions pas quand nous reverrions son visage, tout en étant conscients que nous avions passé, ce jour-là, des heures dont le rayonnement allait baigner tout notre avenir.
Extrait de Complete Works of Sister Nivedita, Volume 1, chapter « The Master As I Saw Him ».
Tout est oublié ! La mort de ses cent enfants, ses propres torts et ses souffrances – et voilà son cœur
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Le goรปt
DE LA
VIE
Comprendre que nous appartenons tous à une seule et même
humanité est une étape essentielle qui déterminera la façon dont nous pourrons continuer à coexister sur cette sphère que nous appelons la Terre.
Il y a beaucoup de frontières à démanteler, mais les plus importantes sont celles qui se trouvent dans nos cœurs et nos esprits – les frontières qui séparent l’humanité d’elle-même.
Ai WeiWei
Reflets
DE THÉ Cette exploration en images du photographe ADAM YASMIN nous emmène dans l’univers du thé et nous entraîne à la découverte des autres et de soi.
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E
n 2009, après m’être immergé pendant neuf mois dans l’univers d’une maison de thé de San Francisco, appelée Om Shan Tea, j’ai fait découvrir à d’autres la cérémonie du thé et les qualités de bienveillance et de convivialité dont elle est la source. Le propriétaire est devenu non seulement un ami proche, mais mon mentor, et m’a encouragé dans ma pratique du thé gongfu en me parrainant en tant que satellite de sa maison de thé, pendant que j’étais à Los Angeles. Ensuite, de 2012 à 2013, j’ai approfondi ma connaissance du chadao, la Voie du thé, auprès d’un maître du thé taiwanais, et renoncé à mon projet de démarrer ma propre entreprise de thé. En 2015, ma vie s’est transformée simultanément et profondément sur deux plans différents : je me suis lancé dans une carrière de designer à plein temps et suis devenu père pour la première fois. Dans le cadre de mon travail, je me suis trouvé confronté au paradoxe de rencontrer des clients dans leur environnement professionnel et de me connecter avec eux pour développer un projet, tout en observant à quel point ils étaient coupés
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d’eux-mêmes et des autres. Mais cela ne nous empêchait pas de parler des heures durant de technologie et de connectivité – mais c’est une autre histoire. Alors, pour rester ancré, j’ai commencé à apporter au bureau la cérémonie du thé pour la partager avec mes collègues ; ce faisant, j’ai touché une corde prête à résonner. C’est ainsi que, depuis 2016, je me suis surtout attaché à introduire la pleine conscience dans la culture d’entreprise et les environnements high tech, à travers la détox numérique et la cérémonie du thé. On observe toujours un large éventail de réactions chez les personnes qui n’ont jamais assisté à une cérémonie du thé ; c’est donc une opportunité pour elles et pour moi de nous exprimer et de nous entraîner à l’empathie. Les rencontres que j’ai faites ont littéralement transformé ma vie. C’est en versant du thé gongfu pendant un festival que j’ai rencontré Pamela, ma compagne de vie, et aujourd’hui nous avons une petite fille de deux ans. J’ai très vite réalisé que ce thé était un remarquable lubrifiant social, sans alcool et sans faux-semblants. Considérant les derniers siècles de l’histoire du monde, on ne peut nier le fait que le thé et les épices (le long de la route de la soie) ont été à l’origine de notre
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société mondiale. Après l’eau, le thé est le second breuvage le plus populaire au monde. Le thé m’a amené à nouer des liens de toutes sortes que je continue à chérir à ce jour.
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Parfois, je sens que les reflets du bol de thé incarnent ma compréhension de Nietzsche : « Quiconque combat des monstres doit s’assurer qu’il n’en devient pas un lui-même, car, lorsque tu regardes longtemps le fond de l’abîme, l’abîme aussi regarde au fond de toi. » Autrement dit, les dessins formés par les reflets sont en quelque sorte une fenêtre qui me permet de poursuivre ma propre quête et d’intégrer mon ombre. Je partage souvent ces images en espérant qu’elles encourageront les autres à créer des liens et leur donneront envie de faire table rase. Je trouve qu’il y a une telle beauté dans l’espace de la cérémonie du thé que j’aime en capter les moments ; je les partage souvent avec d’autres dans l’espoir qu’ils s’arrêteront un instant, cesseront de faire défiler le flux d’images sur Instagram et observeront ce qui se passe alors.
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www.adamyasmin.com Instagram@adamyasmin_
Cu isine nature
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Les
elements
FÉLICIE TOCZÉ nous montre comment intégrer à nos vies le cycle naturel des 5 éléments de la médecine chinoise.
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ans la médecine chinoise, les 5 éléments apparaissent comme une matérialisation du cycle naturel des saisons. Ce sont le Bois, le Feu, la Terre, le Métal et l’Eau qui correspondent respectivement au printemps, à l’été, aux intersaisons, dont l’été indien, à l’automne puis à l’hiver. Ils viennent illustrer et donner forme à chaque saison, grâce à des caractéristiques qui leur sont propres. Le cycle des 5 éléments se retrouve également à l’échelle de notre quotidien : matin, midi, après-midi, soirée et nuit. Il est intéressant de constater que de nombreux cycles naturels se manifestent à différents niveaux. C’est ainsi que la notion de saisonnalité se retrouve dans la météo de notre journée. En nous réveillant le matin, l’esprit du Bois nous permet de trouver en nous l’énergie montante et fraîche du printemps. À midi, le Feu de notre journée, nous sommes à l’été du jour, et notre énergie est extravertie et joyeuse. Puis une douceur d’après-midi s’installe, le besoin de revenir
vers le centre, la Terre nourricière, c’est notre intersaison. La lumière baisse, le gris du Métal prend place, l’énergie se fait dense et ralentit. Enfin, la nuit, hiver de notre journée, nous permet de nous restaurer, de reprendre des forces pour le lendemain ; c’est alors l’Eau qui entre en jeu, élément des profondeurs qui nous offre un temps précieux pour nous reconstituer. Ce cycle décrit également des états psychologiques et physiques qu’il est intéressant d’apprendre à identifier afin de pouvoir les influencer grâce à des outils simples comme des exercices de yoga, un travail sur les méridiens et, bien sûr, grâce à l’alimentation. Il existe deux enchaînements, ou cycles d’interaction des 5 éléments : le premier est dit « nourricier » et le second « de contrôle ». Comprendre ces interactions naturelles permet d’utiliser un élément pour agir sur un autre, soit lors d’un excès, soit lors d’un déficit. Voici comment comprendre ces cycles : le Bois nourrit le Feu, qui nourrit la Terre de ses
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Cui sin e nature
LES 5 ÉLÉMENTS ET LES PHASES DE TRANSFORMATION
YIN
PHASE MAXIMALE D’EXPANSION
Bois
Feu
Représente u n état gazeux q ui d ir ige l’énergie vers l e ha ut et lui d o nne une force d’expansi on nouvel le.
Re p rés e nte l ’ét a t m ax i m a l d ’ex p an si on , c e l ui d u p l a s m a , o ù l ’é n e rg i e est très a c t i ve et i m p a l p a b l e.
Eau
Représente l’ét a t l i q u i d e qu i co mm ence à réve i l l e r l ’é n e rg i e en la mettant d o uc e m e nt en mouve ment
Terre
Re p rés e nte l ’ét a t de l a te rre o ù l ’é n e rgi e c o m m e n c e à s e c o n c e nt re r et d eve n i r m a t i è re.
Metal
Représ ente u n éta t d e c o ntra c t i o n , o ù l a m a t i è re se sol id i fie et d ev ie nt co mp a c te.
YANG
PHASE MAXIMALE DE CONTRACTION
Cu isine nature
cendres, qui elles-mêmes se « fondent » dans les profondeurs pour donner naissance au Métal, dont la force minérale donne sa puissance à l’Eau. Mais le Bois sait aussi maintenir la Terre grâce à ses racines ; le Feu brûle le Bois ; la Terre contient l’Eau ; le Métal coupe le Bois de sa hache ; enfin, l’Eau éteint le Feu. Nous pouvons appliquer ces deux cycles à nousmêmes en intégrant les caractéristiques principales de chaque élément. Cela nous permet de prendre en main la gestion de nos émotions et de notre énergie en utilisant de plus le pouvoir équilibrant de l’alimentation pour réguler ces mouvements intérieurs.
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LE S
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En écoutant son corps, en le soutenant grâce à la dynamique des 5 éléments, nous nous offrons le privilège d’être en harmonie avec la Nature, de mieux vivre ses changements et de nous renforcer face à notre environnement.
É LÉ M E N TS E T L EURS CO RR E SP ON DAN CE S
BOIS – Printemps Saveur : acide Méridiens : Foie, Vésicule-Biliaire Styles de cuisson : rapides et à feu fort, tempura Nourriture : graines germées, jeunes feuilles et pousses, vinaigre, oléagineux et graines, fruits acides METAL – Automne Saveur : astringente, piquante Méridiens : Poumon, Gros Intestin Styles de cuisson : à la pression, au four Nourriture : légumes racine, grains
FEU – Été Saveur : acide Méridiens : Foie, Vésicule-Biliaire Styles de cuisson : rapides et à feu fort, tempura Aliments : graines germées, jeunes feuilles et pousses, vinaigre, oléagineux et graines, fruits acides EAU – Hiver Saveur : salée Méridiens : Reins, Vessie Styles de cuisson : soupe, mijoter longuement Nourriture : condiments salés, algues, miso, légumineuses TERRE – Intersaison, fin d’été Saveur : douce Méridiens : Rate-Pancréas, Estomac Styles de cuisson : cuisson lente et humide, avec un peu d’eau ou d’huile Nourriture : légumes ronds et doux, cucurbitacées, fruits sucrés
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Les rece!es AVOINE À LA CANNELLE ET AUX CHAMPIGNONS, SAUCE FORESTIÈRE Pour 6 personnes
La sauce forestière 2 échalotes huile d’olive
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250 ml de bière ambrée (l’alcool s’évapore à la cuisson) 300 ml de bouillon de légumes (ou dashi) 1 branche de thym
L’avoine & les champignons
3 baies de genièvre
240 gr d’avoine complète mise à tremper la veille
1 c à s de poudre de champignons
puis rincée
200 ml de crème végétale cuisine
un bâton de cannelle
2 c à c de confiture de cassis (ou une autre baie)
un petit morceau de kombu
2 c à c de levure de bière
une petite branche de thym
1 c à c de sel aux plantes
une pincée de sel
Poivre du moulin (par exemple, un voatsiperifery
260 gr de champignons bruns de Paris huile
ou pourquoi pas un poivre blanc de Penja)
d’olive et sel (fumé si possible)
Faire dorer les échalotes émincées dans un filet d’huile d’olive. Verser dessus la bière ambrée et le bouillon de légumes. Ajouter la branche de thym, les baies de genièvre écrasées et faire réduire 1015 min. Filtrer (cette préparation est excellente ajoutée à un autre plat !). Remettre ce bouillon sur feu doux et ajouter la poudre de champignons, la crème végétale, la confiture de baies, la levure de bière, le sel aux plantes et poivrer. Dans une cocotte, cuire l’avoine et les autres ingrédients dans suffisamment d’eau (un doigt audessus), 45 min environ. Laisser reposer pour que la céréale continue de cuire tout doucement. Couper les champignons en fines lamelles et les faire revenir doucement, de préférence dans une poêle en fonte avec un filet d’huile d’olive. Saler en fin de cuisson. Mélanger à l’avoine.
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CAROTTES AUX ABRICOTS SECS Pour 6 personnes 750 gr de carottes (si possible en panaché de couleurs!!) 5 abricots secs (50 gr) 1 c à c de sel aux plantes 2 c à s de vinaigre de cidre 50 gr de noix concassées grossièrement (torréfiées ou non).
Placer les carottes coupées dans la longueur dans un plat allant au four et arroser d’un filet d’huile d’olive. Faire chauffer 200 ml de bouillon de légumes avec les abricots secs coupés en dés et y ajouter le sel aux plantes avec le vinaigre de cidre. Verser sur les carottes et enfourner dans le four préchauffé à 180° pendant 45 min. À la sortie du four, garnir avec les noix.
A table
Servir ensemble l’avoine aux champignons et les carottes, le tout arrosé de sauce forestière. Proposer une salade d’hiver avec du persil haché et une vinaigrette bien relevée à la moutarde, dans laquelle on pourra incorporer une touche de miel et des épices à pain d’épices pour renforcer la touche scandinave.
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LE SECRET DU BONHEUR AUTOUR DU MONDE
2e partie
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es chercheurs ont étudié le bonheur dans le monde entier. Des organismes ont même classé les pays sur une échelle du bonheur. Alors qu’est-ce que les esprits les plus curieux de la planète ont découvert ? Ont-ils trouvé le secret du bonheur ? Le bonheur provient-il de passer du temps avec ses proches ou d’en passer seul dans la nature ? De se perdre en dansant sur les rythmes de la musique, ou de se retrouver en méditant en silence ? Le secret du bonheur est en fait tout cela, et plus encore. Cela varie d’un pays à l’autre, d’une tradition à l’autre. Dans certaines cultures, le bonheur provient d’une pratique corporelle, comme le Tai Chi, qui fait partie de la routine des Chinois depuis des siècles. Pour les autres, le secret réside dans une philosophie vécue au quotidien. Les Costaricains, par exemple, sont guidés par l’idée d’une « vie pure » simple et insouciante, la pura vida. Selon le rapport annuel sur le bonheur dans le monde, la Norvège vient en tête et doit son score élevé à sa façon d’envisager l’attention portée à l’autre, la liberté, la générosité, l’honnêteté, la santé, l’argent et la bonne gouvernance. De son côté l’indice Happy Planet classe le Costa Rica au rang du pays le plus heureux de la planète. Bien qu’opposés en matière de climat, les deux pays partagent une chose importante : des citoyens heureux. Malgré les variations de ce qui constitue le bonheur dans les divers pays du monde, il y a des points communs. Le plus notable concerne la richesse matérielle, ou plutôt l’absence de celle-ci. Sur cette terre, peu de gens, si tant est qu’il y en ait, trouvent le bonheur dans leurs possessions matérielles et leur succès financier. La plupart ont plutôt tendance à l’atteindre en appréciant les petites choses de l’existence et, plus encore, les gens dans leur vie. Ci-dessous, nous vous révélons certains de ces secrets, ainsi que les résultats de la recherche qui nous expliquent pourquoi ils fonctionnent chez les personnes qui les pratiquent. Et s’ils fonctionnaient aussi pour vous ?
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Sagesse po pu laire
INDE Yoga /yo-ga/ Une pratique qui allie postures corporelles, méditation et contrôle du souffle pour développer l’attention à soi et atteindre un niveau de conscience plus élevé.
Pourquoi ça marche Les yogis sont connus pour être complètement engagés dans l’instant, moins stressés que la moyenne et jouir d’une bonne santé.
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ISRAEL Shabbat /cha-bat/
Le jour de repos hebdomadaire où on laisse de côté son travail, où on se déconnecte du monde digital pour passer du temps en famille.
Pourquoi ça marche Notre corps et notre esprit ont besoin de se reposer des fatigues d’une semaine de travail. C’est essentiel pour maintenir à long terme notre santé mentale et physique.
© https://www.hometogo.com/media/secret-to-happiness.
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Sagesse po pu laire
JAPON Hanami /Ha-na-mi/ La version japonaise de « prends le temps de sentir le parfum de la rose ». La contemplation des fleurs est une pratique culturelle très prisée, en particulier celle où l’on se réunit pour aller contempler et admirer la floraison des cerisiers au printemps.
Pourquoi ça marche Il est prouvé que prendre plaisir à notre environnement naturel et humer le parfum des fleurs active la production d’endorphines, ce qui est excellent pour notre humeur et notre bien-être.
CROATIE
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Fjaka /Fiah-kah/ Fjaka, c’est essentiellement ne rien faire. Cela permet aux Croates de complètement relaxer leur corps et leur esprit.
Pourquoi ça marche Selon le Dr Mark Hyman, cette pause est une partie essentielle de la revitalisation mentale et physique à court terme, et de la santé à long terme.
Il n’y a pas qu’une seule voie pour atteindre le bonheur, mais une chose est sûre!: il vous est loisible d’adopter une de ces pratiques ou philosophies dès aujourd’hui. Elles ne vous demandent rien d’autre que de donner un peu de votre temps et de votre énergie. Ce n’est vraiment pas cher payer les résultats inestimables que vous obtiendrez!!
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Up Croisière-découverte L’Inde spirituelle
À N E PA S M A N Q U E R
Le dimanche 8 avril prochain, la Fédération Védique de France organise une croisière sur la Seine, de 10h à 16h, avec un programme festif de musique, contes, danse indienne, méditations guidées et déjeuner indien. Bienvenue à cet événement où seront fêtées les « sagesses de l’Inde » ! Pour en savoir plus et réserver votre place (tarif : 61€), visitez le site de la Fédération Védique de France. https://federationvediquedefrance.fr
SUR NOS ONDES
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M É D I T E R À D I S TA N C E
L’appli Let’s Meditate
Méditer avec un formateur Heartfulness à toute heure et en tout lieu. fr.heartfulness.org Télécharger l’application let’s Meditate sur Android ou iOs letsmeditate@heartfulness.org
He a r t f ul n es s
C’est la réunion de trois voix issues de l’Afrique et des Antilles : Gerald Toto (Martinique), Lokua Kanza (RwandaCongo) et Richard Bona (Cameroun). Modestement baptisé « Bondeko » qui signifie fraternité, cet album célèbre l’union des langages et du mariage des sonorités. En créole, en français, en swahili ou dans une langue inventée, ces voix de soie se font écho, exprimant un métissage à l’heure du tout-monde, portant un message humaniste, tourné vers la lumière. Toto Bona Lokua Bondeko (No Format)
À LIRE
The Heartfulness Way
Que feriez-vous si vous appreniez qu’il existait un moyen de transcender la souffrance et de renouer avec l’espoir et la joie ? Durant deux ans, un chercheur, J. Pollock, s’est entretenu avec un maître spirituel, Kamlesh Patel, pour explorer une approche de la vie extraordinairement simple, mais efficace, appelée Heartfulness. De cette complicité est né un texte lumineux permettant à chacun de découvrir la pureté, la paix et l’unité en lui-même : the Heartfulness way. En cours de traduction en français.
www.theheartfulnessway.com 3 master classes
Découvrez le « Heartfulness Way » dans trois master classes de méditation en ligne et gratuites conduites par Daaji. Il vous enseignera les bienfaits multiples de la méditation quotidienne. Ces master classes seront disponibles chaque jour après votre inscription et accessibles tout au long de la journée. Chaque session dure 35 à 45 min. fr.heartfulness.org/masterclass
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MASTER CLASSES
La méditation et l’évolution de la conscience
Suivez une série de vidéos animées par Daaji sur Udemy (en anglais). Vous y apprendrez à utiliser des outils qui vous aideront à mener une vie heureuse et épanouissante en approfondissant la méthode Heartfulness. daaji.org/udemy Ma rs 2 01 8
COURS EN LIGNE
À VIVRE
H E A RTS P OT
Près de chez vous
Cours Heartfulness
6 Webinars en direct avec des conseils pratiques pour vivre à partir du cœur, soulager la souffrance, trouver l’équilibre et nourrir la paix et la joie.
Les 3, 10, 17, 21, 28 mars et 7 avril.
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Dirigé par Helle Laursen, MA, spécialiste de la résilience émotionnelle. Cours en anglais. webinar.heartfulness.org
À S AV O U R E R
Le magazine Heartfulness
Le nouvel abonnement annuel (12 numéros) est disponible en ligne pour 63€ (France) et 66€ (Europe) frais de port inclus. Vous pouvez le commander dès aujourd’hui unimeo.com Un cadeau inspirant à s’offrir et à offrir à vos proches pour vous accompagner tout au long de cette nouvelle année ! Vous pouvez aussi découvrir le magazine en vous abonnant gratuitement au e-magazine heartfulness-magazine.fr He a r t f ul n es s
Trouver un formateur Heartfulness près de chez vous ! Explorez les Heartspots et les centres pour participer aux méditations de groupe et aux événements. heartspots.heartfulness.org heartspots@heartfulness.org
LE BILLET
de Daaji Premièrement, les organes sensoriels, les yeux, les oreilles, le nez… reçoivent les signaux extérieurs. Deuxièmement, les centres du cerveau captent ces signaux. Troisièmement, le mental recueille ces impressions. Quatrièmement, l’intellect reçoit les impressions transmises par le mental, puis réfléchit et décide. Cinquièmement, l’ego dit oui ou non. Les trois dernières étapes se jouent dans le champ de la conscience. L’âme reste un témoin.
Apprendre à être Vivre l'année 2018 avec Heartfulness Apprenez à gérer votre vie et vos émotions grâce la méditation du cœur 3 Master classes de méditation en ligne et gratuites, conduites par Daaji
disponibles sur fr.heartfulness.org
Faites l'expérience de l'unité et de l’harmonie Daaji partage sa sagesse, sa connaissance, son apprentissage et sa longue pratique de la méditation et de la spiritualité. Son approche est à la fois scientifique et pratique. Il n'est pas nécessaire d'avoir déjà médité pour participer et ressentir les bienfaits pour soi-même.
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