Heartfulness magazine 2018 edition 4

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Avril 2018

Vivre, tout simplement

D É TOX

digitale 6,50€

LA NATURE DE L'ÊTRE Michael Singer nous parle du dialogue entre le mental et le cœur, SOUFFLE, ÉNERGIE & EGO la force du pranayama


Heartfulness Vivre, tout simplement

Rédaction – Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi, Genia Catala, Elizabeth Denley, Emma Ivaturi Graphisme – Hélène Camilleri, Emma Ivaturi, Bharath Krishna, Uma Maheswari, Rike Michaelsen Traduction – Marianne et Jean-Pierre Baillon, Genia Catala, Martine Corso, François Déroulède, Sylvie Galland, Marie Laure Lagrange, Jean-Pierre Le Grand, Beba Marantz, Sandrine Nothomb, Michelle Pain-Orcet, Vincent Scarito Photographies – Ben Bowens, Ivana Cajina, Robert Collins, Charles Deluvio, Nathan Dumlao, Thai Hamelin, Erik Heddema, Brandon Kawamura, Bharath Krishna, Frank McKenna, Brenda Neth, Leon Prado, Kelly Raye, Paul Rysz, Chris Sabor, Pawan Sharma, Dawid Sobolewski, Markus Spiske, Sebastian Staines, Vincent Van Zalinge, Fabrizio Verrecchia, Josh Willink Illustrations – Anna Isaeva, Fabio Kohler Contributeurs – Raja Amarnath, Meghana Anand, Hilary Hart, Fabio Kohler, Vani Kola, Llwellyn Vaughan-Lee, Brenda Neth, Kamlesh Patel, Chitra Rajan, Michael Singer, Chiara Townley, Ravi Venkatesan, Adam Yasmin Interviewés – Sarah Baldwin, Crystal Jones, Pierre Rabhi

ISSN : 2491-2255 N° CPPAP : 0419 K 93360

Envoi des contributions et correspondance avec la rédaction en français, magazine@unimeo.com – en anglais, contributions@heartfulnessmagazine.com Publicité – en français, magazine@unimeo.com ; en anglais, advertising@heartfulnessmagazine.com Abonnements – en français, www.unimeo.com ; en anglais, www.heartfulnessmagazine.com Impression – Aumüller Druck, GmbH & Co. KG, Weidener Straße 2, D-93057 Regensburg Publication – Unimeo, 5 Esplanade Compans Caffarelli, 31000 Toulouse Droits d'impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l'éditeur 2018 © Tous droits réservés à Unimeo Editeur – Unimeo

www.heartfulness-magazine.fr Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate »

et le logo  « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.fr.heartfulness.org est également la propriété de l'Institut Heartfulness.

Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l'Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.


Contributeurs Michael Singer Michael Singer est l'auteur de L'âme délivrée, un voyage au plus profond de nous-même, qui est devenu un succès international. Ayant vécu une forte expérience d'éveil intérieur en 1971, il s'est concentré sur le yoga et la méditation. En 1975, il a fondé Temple of the Universe, un centre de yoga et de méditation où les gens de toute religion ou croyance viennent vivre la paix intérieure. Parallèlement à ces activités, il est également le créateur d'un logiciel de pointe pour la gestion de la pratique médicale et il est le PDG fondateur d'une société publique.

Llewellyn Vaughan-Lee & Hilary Hart Llewellyn est le fondateur du Golden Sufi Center. Auteur de plusieurs livres, il s'est spécialisé dans le domaine du travail sur les rêves où il intègre l'ancienne approche soufie à la psychologie moderne. Depuis 2000, il se concentre sur la responsabilité spirituelle à notre époque et sur l'éveil à l'unité de la conscience globale. Il a écrit sur le principe féminin, l'âme du monde et l'écologie spirituelle. Il a été interviewé par Oprah Winfrey dans son émission Super Soul Sunday, et la série Global Spirit diffusée sur PBS lui a consacré un reportage. Hilary écrit sur le mysticisme en mettant l'accent sur les femmes et la conscience féminine. Originaire de la Nouvelle-Angleterre, elle suit la voie soufie et vit actuellement à Taos, au Nouveau-Mexique. Parmi ses livres les plus connus : Body of Wisdom – Women's Spiritual Power and How It Serves, et The Unknown She : Eight Faces of an Emerging Consciousness.

Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d'origine algérienne, Pierre Rabhi défend un mode de société respectueux de l'homme et de la nature, et soutient le développement de l'agroécologie à travers le monde. Il est reconnu expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l'élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Par son engagement, ses discours et ses écrits, il a inspiré de nombreux mouvements et poussé de plus en plus de gens à s'interroger sur leur mode de vie et leur relation à la Terre.


Elizabeth Denley, Rishabh Kothari Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi Genia Catala, Emma Ivaturi


Koi dn9? Avec le temps, nos moyens de communication ont évolué. Nous sommes loin du langage des signes, des signaux de fumée, des battements de tambour et des hiéroglyphes, des soirées passées

au salon, des lettres manuscrites, des télégrammes et des téléphones fixes. Nous voilà plongés dans une ère numérique high-tech où envoyer une lettre par la poste et parler face à face de-

vient ringard. Maintenant on ping ou on texto au lieu d'écrire des lettres ou des mails, et nous WhatsAppons plutôt que de rencontrer nos proches en personne. Comment ce changement de paradigme dans nos interactions influence-t-il notre façon de communiquer ? Et quel effet

cette exposition constante aux rayonnements électromagnétiques peut-elle avoir sur notre santé et notre bien-être ? Plus précisément, que faisons-nous à ce sujet ?

Dans ce numéro, nous explorons différentes façons d'utiliser la technologie numérique à notre

avantage, mais avec prudence et discernement. Michael Singer nous donne un aperçu du potentiel du cœur humain dans la dernière partie de son article, tandis que Pierre Rabhi, dans son interview, nous invite à construire une société plus écologique et plus humaine et à retrouver la

simplicité et la joie dans nos vies. Daaji continue sa série sur l'Ashtanga Yoga avec le pranayama, et nous développons la posture du lotus padmasana dans notre nouvelle section sur les asanas du yoga. Sarah Baldwin nous ouvre à un tout nouveau monde de jouets, Vani Kola révèle le secret

qui donne de l'élan à sa vie quotidienne, et Llewellyn Vaughan-Lee et Hilary Hart partagent

la joie de ne faire qu'un avec la nature et nous suggèrent des moyens de nous désintoxiquer de nos portables en marchant en conscience.

La nature a sa propre façon de communiquer. Et il faut plus que mettre nos téléphones portables sur silence pour le percevoir. À voir le rythme auquel la technologie progresse, il se peut qu’un jour nous communiquions sans mots, à travers le silence, en silence. Mais pour l'instant, trouvons des moyens d'utiliser nos gadgets à bon escient ! La rédaction


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l'interview Pierre Rabhi, 2e partie Sur le terrain

Un ancrage quotidien

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focus

la pensée et l'action

Points de vue

Agir autrement

Trois questions sur la détox digitale

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Réflexion

Vite... on se déconnecte ! Comment retrouver aujourd'hui une communication humaine.

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Le négociateur Heartfulness

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À l'écoute de son corps

Méditer pour mieux dormir

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Pionnier de l'agroécologie, il partage son amour pour la Terre mère et partage ses idées, son engagement, ses projets et l'importance de vivre la joie.

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ça change tout Grandir à son rythme

Jouer autrement

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le goût de la vie être inspiré

L'écologie spirituelle

Marcher

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Apprendre à voir

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La science de la spiritualité

Attitude

Ashtanga Yoga - Pranayama

J'aime les regarder envahir le ciel

Kamlesh Patel nous expose l'art de la respiration et son lien avec la vitalité et l'ego.

Yogasanas Heartfulness

Les 4 piliers du développement personnel

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Santé de l'être

La danse sacrée de la guérison, 2e partie Crystal Jones partage son expérience et sa découverte d'un espace transformateur.

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Gérer son cœur

Découvrir la nature de notre être, 2e partie

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Padmasana La position du lotus

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Portfolio

Art & méditation Un essai de Fabio Kohler

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SU R L E T E R RAI N

Un ancrage quotidien 6 VA N I KO L A , i nvest i s s e u r e n c a p i t a l risque, nous explique comment elle a su trouver sérénité et équilibre entre le monde des affaires et de la finance, dans lequel elle évolue constamment, et sa vie familiale.

Ingénieur de formation, je suis devenue, par hasard, investisseur en capital-risque. Quand un jeune me demande quel est « le secret de ma réussite », je ne sais pas quoi lui répondre. D'abord, je ne dirais pas que j'ai réussi. Ensuite, le succès est pour moi un voyage plutôt qu'une destination. Ma plus grande réussite, c'est d'être capable d'accepter les revers et les échecs de la vie, tout en conservant le courage de prendre des risques ; de ne pas avoir de regrets, tout en appréciant le moment présent. Je dois cela à ma pratique quotidienne de la méditation. C'est

elle qui m'a permis d'avancer dans ce voyage à la découverte de moi-même et d'être déterminée dans mes actions. Dans mon parcours, les rôles d'entrepreneur, d'investisseur en capital-risque, de mère aimante et de fille attentionnée sont autant de facettes qui doivent coexister harmonieusement pour que je me sente entière. J'ai commencé à pratiquer la méditation Heartfulness il y a une vingtaine d'années. À cette époque, en 1995, j'étais PDG d'une start-up en Californie. J'avais un enfant en bas âge et je me

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Su r l e te r ra i n

sentais constamment déchirée entre les exigences familiales et celles de mon travail. Ce stress se manifestait par un manque de patience, de la mauvaise humeur, la peur de l'échec et la culpabilité de ne jamais en faire assez ; cela me dérangeait beaucoup. Mais après avoir commencé la pratique de la méditation, j'ai senti que l'univers m'apportait une solution. Petit à petit, j'ai découvert mon potentiel ; j'ai appris à prendre des risques tout en restant fidèle à mes convictions. Méditer chaque jour m'a libérée de la crainte de l'échec, et j'ai découvert qu'en me positionnant clairement dans mes décisions, je pouvais ressentir de l'empathie et accepter les différences avec respect.

Un corps et un esprit sains sont nécessaires dans ce monde en perpétuelle évolution. Et je pense que la pratique de la méditation serait également un plus pour les jeunes de la génération numérique, dont la capacité d'attention est moindre. Il est important de prendre conscience que notre ego stimule l'ego de l'autre et provoque des conflits, que la peur nous rend indécis et que le pouvoir nous fait perdre la faculté d'empathie. J'ai aussi réalisé qu'en ayant moins de conflits intérieurs, je rencontrais moins de conflits à l'extérieur. Être capable de percevoir les gens et les situations, de résoudre les problèmes et de prendre des décisions efficaces sont des savoir-faire recherchés dans le domaine du leadership. La méditation quotidienne m'aide à développer ces compétences clés.

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De nos jours, les femmes sont censées posséder toutes ces qualités, tout en répondant aux multiples demandes qui s'adressent à leur cœur, à leur mental et à leur temps disponible. Pour atteindre cet équilibre, une femme doit être solidement enracinée. Nous avons beau travailler dur, l'impression diffuse de ne pas en faire assez, à la maison comme au travail, reste présente et nous laisse un sentiment de culpabilité. La méditation que je pratique est présentée dans un livre récemment paru, The Heartfulness Way. Cela dit, il n'y a rien de tel que l'expérience. Je me suis engagée il y a vingt ans dans ce voyage à la découverte de moimême… il reste pour moi une constante source d'inspiration et un ancrage quotidien.

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focus

DÉTOX

DIGITALE


L'esprit humain doit l'emporter sur la technologie. Albert Einstein


& DÉTOX DIGITALE 1 Pour la plupart d'entre nous, la technologie digitale fait partie intégrante de nos vies. On communique par SMS, mails, WhatsApp, Instagram, FaceTime, Skype, etc. Cela a-t-il modifié votre façon de communiquer et les relations avec votre entourage ?

2 Comment peut-on utiliser les avantages de cette technologie sans être submergé par ses effets négatifs ?

3 Vous posez-vous la question de l'impact des ondes électromagnétiques sur votre santé et votre bienêtre ? Avez-vous entrepris quelque chose à ce sujet ?

Au début des années 70, quand je poursuivais mes études à Londres, les appels téléphoniques coûtaient si cher que je n'ai parlé à mes parents que trois fois en cinq ans. On correspondait aussi par lettre, mais ça ne remplaçait pas le contact personnel. J'étais adolescent, et l'absence de communication avec ma famille m'a beaucoup traumatisé. Tout a tellement changé, depuis ! Les technologies me permettent aujourd'hui de communiquer régulièrement avec ma sœur et mes proches qui vivent au loin. Alors que les technologies numériques nous rapprochent de ceux qui sont loin, elles peuvent aussi créer une distance avec ceux qui vivent près de nous. Quand j'ai réalisé, il y a quelques années, que j'envoyais un texto ou un message WhatsApp au lieu de parler à une personne, j'ai décidé d'essayer d'abord de la

rencontrer, surtout au travail, puis d'utiliser le téléphone et ensuite les courriels, si je dois garder une trace ou expliquer quelque chose en détail. J'utilise les textos en dernier recours ou pour des rappels et des rendez-vous. J'essaie aussi d'éviter Facebook, sauf pour suivre quelques personnes que je trouve inspirantes. Prenez le temps de parler avec les gens. Le langage corporel et l'interaction humaine font une grande différence et permettent d'éviter bien des malentendus. Évitez les groupes WhatsApp ou Facebook, sauf si le but du groupe est bien défini. Ne publiez pas de données personnelles sur ces plates-formes. Limitez l'utilisation de la technologie à des moments précis. Contrôlez la technologie, plutôt que de vous laisser contrôler par elle. Je n'ai pas observé que la technologie ait tellement affecté ma santé, à part une baisse de

la vue, due sans doute à l'usage intensif de l'ordinateur au travail. Mais j'observe autour de moi des comportements compulsifs et de la dépendance. Des gens vérifient leurs messages sur leur téléphone en traversant la rue ! Et on m'a dit que l'utilisation constante de ces technologies augmentait le bavardage du mental, et perturbait le sommeil et le bien-être.

RAVI RAVENDRAN Directeur de projets à la retraite, Wellington, Nouvelle-Zélande


Points de v ue

L'efficacité toujours croissante des communications numériques a certainement eu pour effets d'accroître mes performances et de m'ouvrir des portes professionnellement. Cependant même si, grâce à ces technologies, j'élargis constamment mon réseau d'amis, je constate aussi l'effet singulier qu'elles ont sur moi. Alors que je me sens revigorée, heureuse, satisfaite, voire inspirée, quand je rencontre des amis, le fait de « communiquer » avec eux à travers un écran me laisse en quelque sorte sur ma faim. La communication s'appauvrit insidieusement. Les messages-textes et les emojis ne permettent pas de transmettre certaines nuances plus subtiles, et ces tête-à-tête manquent souvent de cœur, sans compter les risques de malentendus. Pourtant, les relations virtuelles prennent de l'ampleur, souvent parce que mes interlocuteurs préfèrent ce moyen. Einstein disait : « J'ai bien peur que le jour où la technologie supplantera les interactions humaines, nous aurons une génération d'idiots. » Et comme notre espèce semble avoir le don de comprendre les choses

trop tard, sa prédiction pourrait bien se réaliser. Pourtant, vouloir, c'est pouvoir. Personnellement – je ne suis pas parfaite ! – je suis aussi tombée dans le piège de la technologie intelligente, car elle a tout pour nous séduire, mais j'ai réussi à apprendre à l'utiliser au lieu d'en abuser. Chaque fois que nous tendons la main, par simple désœuvrement, vers cet appareil intelligent, nous avons le choix d'exercer notre volonté et d'essayer plutôt de faire quelque chose de constructif qui nous redonne des forces. Ce ne sont pas les options qui manquent ! Tout récemment encore, je faisais peu de cas des avertissements sur les effets néfastes des technologies numériques sur ma santé spirituelle, mentale et physique. Cependant, en prenant l'habitude de m'observer, j'ai remarqué que je me sentais souvent très fatiguée après quelques heures d'utilisation. Dès lors, j'ai recouru aux grands moyens : je fais des pauses régulières, je sors prendre l'air, je parle au moins quelques minutes avec quelqu'un ou je m'installe pour lire un livre. J'éteins également le Wifi la nuit et, si je suis en train de manger, de faire la cuisine ou de méditer, je ne garde jamais mon portable ou

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mon ordinateur à portée de main. Si vous avez des idées à ce sujet, merci de les partager.

PANKHI CHAUHAN Conceptrice-rédactrice et conseillère créative, Ahmedabad, Inde

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Je trouve les communications numériques plus impersonnelles, moins intimes. Notre lien avec l'autre semble manquer de profondeur ou de qualité. Mais ces technologies me donnent une grande marge de manœuvre et me permettent de travailler à distance. J'aime avoir accès à cette quantité d'informations, avoir un GPS pour me repérer dans des endroits inconnus, utiliser mon portable pour m'assurer, avant de faire des courses dans un magasin, qu'il vend des pro-


Points de v ue

duits de bonne qualité à des prix raisonnables. À la maison, je fais toujours transférer mes appels de mon portable vers ma ligne fixe, pour ne pas passer mon temps à vérifier mes messages. Rencontrez les gens en personne et, lorsque vous leur parlez, rangez votre portable, idéalement après l'avoir mis en sourdine ou en mode avion. Cela vous permettra de vous concentrer sur votre interlocuteur et de lui donner la priorité absolue. J'ai mis longtemps à comprendre qu'en fait ces technologies me rendaient très malade. Depuis, tous les appareils qui se trouvent à la maison sont reliés par des fils afin de limiter notre exposition aux rayonnements électromagnétiques. Pour visionner quelque chose sur une tablette, nous utilisons le point d'accès du téléphone.

PAUL PASTERNAK Canada

Nous vivons dans un monde très « branché » ! Les progrès de la technologie nous ont rapprochés de beaucoup de

personnes que nous avions perdues de vue depuis longtemps, ils ont renouvelé nos relations et changé notre façon de travailler. Le papier et les espaces de travail pourraient bientôt devenir obsolètes. Cependant, comme dans tous les domaines, le manque de modération nuit. La surutilisation de ces technologies mine les relations personnelles, surtout avec nos proches. Les échanges en personne semblent voués à disparaître. Tout ce qui est puissant peut devenir néfaste, faute d'un usage équilibré. Ces outils numériques nous donnent un grand pouvoir, et il serait bon de les utiliser avec prudence et discernement. Pour commencer, nous pouvons diminuer l'usage des fonctions de « divertissement ». Sans une utilisation modérée, cette technologie peut gravement affecter notre vue et nos mouvements musculaires, nous rendre dépressifs et nous entraîner dans un mode de vie problématique. Je vois beaucoup de jeunes devenir dépendants, se coucher et se lever tard et gaspiller leur temps. Ils courent également le risque d'être exposés à de « mauvaises » informations. Au moment de nous coucher, nous pouvons débrancher nos appareils et nous abstenir de

les consulter au saut du lit et chaque fois que nous nous réveillons la nuit. La modération, c'est la clé.

PRASANNA KRISHNA Directeur chez Welfare Harvesters, Bangalore, Inde

Les textos, les courriels et WhatsApp jouent un rôle important dans ma vie. Je les utilise pour garder le contact, généralement personnel, avec un réseau d'amis et de membres de ma famille devenu bien plus grand que par le passé. Ce type d’échanges me donne le temps de réfléchir à mes réponses, de prendre conscience de la nature de ma communication – par exemple, l a p a r t d ' e go d a n s m e s


Points de v ue

réponses – et de me rendre sensible aux sentiments de mon destinataire. J'ai tendance à éviter les médias sociaux et les discussions de groupe, sauf pour de simples partages d'informations. Je pense que chacun devrait faire preuve de bon sens dans ces domaines. On pourrait – et on devrait – commencer par se demander, de temps en temps : « Quel est le but de cette communication ? » Ainsi les technologies numériques contribueraient à notre développement personnel en encourageant une réflexion et en accélérant cette prise de conscience. Je réalise toutefois, en écrivant ces lignes, que j'ai la chance de ne pas évoluer dans un environnement de travail compétitif où l'on est constamment sous pression, comme c'est actuellement le cas de beaucoup de jeunes adultes. Et je ne suis pas non plus quelqu'un de juvénile manquant de confiance et cherchant à s'affirmer et à être rassuré. J'essaie d'écouter ce que mon corps me dit au sujet de cet aspect encore largement inconnu dans nos vies et de suivre les directives que nous donne la recherche environnementale. Cela se traduit par une utilisation minimale et ciblée de ces technologies.

Nous pouvons nous tourner vers la nature et observer nos sensations, puis comparer avec ce que nous ressentons quand nous sommes immergés dans le numérique et soumis à son bombardement sensoriel. Nous devons trouver un équilibre en nous et travailler à le maintenir. Il nous incombe, dans ce domaine, de faire tout notre possible pour préserver les enfants. Nous avons créé quelque chose d'extrêmement séduisant et utile pour eux, mais le venin de sa queue est mortel.

ANNA CHRISTINA PEARSE Bristol, Royaume-Uni

Nous avons besoin de LinkedIn, Facebook, Instagram, Google Plus, MeetUp, etc., pour être au courant de ce qui se passe autour de nous, échanger nos points de vue et influencer notre réseau social de manière positive. Les personnes actives sur le plan culturel ou social, notamment, peuvent partager leurs opinions et leur vécu dans les plus brefs délais avec le plus grand groupe possible.

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Une foule d'applications nous permettent aussi de faire nos courses, d'effectuer des transactions bancaires, de vérifier l'état du trafic routier avant de nous rendre au travail, de consulter les horaires des transports en commun et ainsi de suite. Il semblerait peu avisé de se priver de toutes ces possibilités ! Ce serait comme vouloir moudre du blé avec un moulin à vent, ou puiser de l'eau avec un seau et une corde. Qui le fait encore ? Lorsque nous avons besoin de calme et de concentration au travail ou pour nous plonger dans une activité, il suffit de mettre notre portable en mode silencieux. Nous pouvons aussi choisir d'instaurer des périodes sans Wifi pendant nos moments de détente, la nuit, ou quand nous passons du temps en famille ou avec nos amis le week-end. Il est temps de prendre la technologie numérique pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un outil puissant, certes, mais un simple outil, que l'on n'a pas à combattre, et dont on ne doit pas abuser.

NEGIN MOTAMED Examinateur plans de zonage, Beaverton, Ontario, Canada

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Vite...

Déconnecte !

on se

À l'ère de la technologie triomphante, MEGHANA ANAND en appelle à la désintoxication numérique et réfléchit aux moyens de retrouver les anciennes formes de communication humaine, dans notre monde à la fois hyper-connecté et déconnecté.


Réflexion

L

'autre soir, alors que je dînais dans un restaurant avec ma mère, j'ai vu une expression d'amusement passer sur son visage. Elle observait la table en face de la nôtre. Un jeune couple attendait d'être servi, et tous deux, captivés par leur téléphone portable, semblaient avoir totalement oublié le monde autour d'eux et jusqu'à la présence l'un de l'autre. J'étais plus divertie par l'amusement de ma mère que par l'attitude du couple, qui n'était pour moi qu'un des nombreux exemples d'un comportement de plus en plus fréquent. Cela dit, cet épisode m'a laissé une forte impression. De retour à la maison, j'ai passé en revue mes propres habitudes et pris conscience, avec un certain dépit, de mon constant besoin de consulter mon portable et mes réseaux sociaux, que ce soit nécessaire ou non. Alors qu'un nombre croissant de chercheurs révèlent les dangers des ondes électromagnétiques, l'effet que ces gadgets risquent d'avoir sur la génération à venir, nos enfants, est source de vives inquiétudes. Le Dr Natwar Sharma, pédiatre dans un service de soins intensifs, fait part de son expérience : « À l'heure actuelle, nous n'avons aucune idée de l'impact de ces gadgets sur le cerveau des enfants. Je remarque qu'ils se mettent très en colère contre leurs parents quand ceux-ci ne leur donnent pas l'iPad ou le téléphone mobile qu'ils demandent, ou ne leur permettent pas d'utiliser l'ordinateur. C'est effrayant. J'appelle ça de la ‘gadgetomanie', parce qu’une fois en dialogue avec ces appareils certains enfants perdent vraiment la tête. Et c'est nous qui les leur fournissons ! Et ce, faute de temps à leur consacrer. Nous ne réalisons pas ce que nous infligeons ainsi à leur cerveau en pleine croissance. » J'ai moi-même observé des changements de comportement chez mon fils quand il est expo-

sé longtemps à un téléphone cellulaire ou à un ordinateur. Je le vois devenir agressif et déphasé, et il lui faut un certain temps pour retrouver son attitude normale, calme et réceptive. J'ai remarqué des altérations de mon propre processus de réflexion et des perturbations de mon rythme de sommeil les jours où je passe plus de temps que d'habitude sur des appareils électroniques. À quoi cela tient-il ? Selon le Dr Elizabeth Denley, « le corps subtil, qu'on appelle aussi le mental, est notre corps énergétique, et il comporte son propre champ électromagnétique. [...] Les charges négatives et positives dans ce champ d'énergie correspondent aussi au yin et au yang, à l'électron et au proton, à la femelle et au mâle, et aux pôles positif et négatif d'un courant électrique, etc. [...] Les flux d'énergie dans notre corps, dans la terre, dans n'importe quel être, créent des champs. « Que se passe-t-il lorsque s'ajoutent à notre environnement des fréquences électromagnétiques créées par l'être humain ? Elles interfèrent avec nos champs électromagnétiques naturels. Plus les émetteurs sans fil qui prolifèrent dans les zones urbaines sont puissants, plus ils interfèrent avec nos propres champs d'énergie. Certaines personnes sont très sensibles aux effets de ces ondes et développent des maux de tête, des éruptions cutanées, des nausées et des problèmes nerveux. Les scientifiques en sont encore à se demander si ces symptômes sont causés par les ondes, à défaut de preuves suffisantes. Étant donné que la recherche scientifique se polarise sur le corps physique, elle ne mesure pas les effets qui se produisent en réalité au niveau du corps subtil, du champ énergétique – et qui peuvent se traduire ensuite par des symptômes physiques. La plupart des maladies commencent

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Réflexion

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par un déséquilibre ou une perturbation dans le corps subtil. [...] « Il y a quelques années, dans une école du nord du Jutland, au Danemark, cinq élèves de neuf ans, qui avaient des difficultés à se concentrer, ont mené une expérience. [...] Elles ont pris 400 graines de cresson qu'elles ont mises dans 12 bacs. Elles en ont placé 6 dans une pièce sans rayonnement électromagnétique et 6 dans la pièce voisine à côté de deux routeurs Wifi. Toutes les graines ont été arrosées régulièrement et exposées aux mêmes conditions de lumière. Après douze jours, les résultats étaient clairs : les graines de cresson proches des routeurs s'étaient moins bien développées, certaines avaient muté ou étaient mortes. Les filles ont été choquées par les résultats. [...] « L'une d'elles a déclaré ensuite : “ Aucune d'entre nous ne dort plus avec son mobile à côté du lit. Le téléphone est soit éloigné, soit laissé dans une autre pièce. Et l'ordinateur est toujours éteint. » Les organisations multinationales commencent maintenant à prendre conscience des effets néfastes qu'une surexposition à la technologie numérique peut avoir sur la productivité et la santé de leurs employés. Bon nombre d'entre elles permettent à leurs employés de faire des retraites et leur proposent d'autres méthodes innovantes pour leur permettre de se remettre de cette lourde addiction. « Ce n'est un secret pour personne que nos appareils peuvent altérer notre bien-être physique et émotionnel. [...] Alors que certains hôtels proposent des forfaits offrant un bref répit de la communication numérique, il existe d'autres méthodes plus immersives de reprendre contact avec les activités de la vie réelle. Des retraites comme celles de Digital Detox, qui organise des camps d'été aux États-Unis, adoptent une approche sur le mode de la série « Wet Hot American Summer » pour aider les gens à guérir de la technologie. On y remplace Instagram, e-mail et Facebook par

le yoga, la méditation, les machines à écrire et l'artisanat. Les gouvernements de certains pays ont même adopté des lois interdisant l'envoi de courriels aux employés en dehors de leurs heures de travail officielles pour diminuer le taux élevé de stress et de burnout dans le milieu des grandes entreprises. Dans une recherche très intéressante menée récemment, des neuroscientifiques ont étudié les effets d'une cure de désintoxication numérique sur le comportement de 35 PDG et entrepreneurs, au cours d'un voyage dans le désert marocain. Le premier jour, hébergés dans un hôtel chic, ils avaient eu libre accès à leurs téléphones et autres tablettes, mais pendant les quatre jours suivants, ils s'étaient retrouvés dans la seule compagnie les uns des autres, sans aucun appareil électronique. En l'absence de leur smartphone, les participants au programme ont développé de meilleures attitudes de communication, tissé des liens plus profonds, ont mieux dormi, fait preuve d'une meilleure mémoire et sont devenus plus ouverts au changement et aux nouvelles perspectives. À la fin du séjour, plusieurs participants ont exprimé le souhait d'introduire la désintoxication numérique dans leur vie quotidienne. Tandis que les organisations et les grandes entreprises se sensibilisent à la question cruciale du bon usage de la technologie et mettent en place les innovations nécessaires, voici quelques habitudes que j'ai consciemment commencé à introduire dans ma routine et qui peuvent également vous aider : • Allumez le routeur uniquement lorsque vous avez besoin d'accéder à Internet. Gardez-le éteint à tout autre moment, en particulier pendant les heures de sommeil. • Laissez vos smartphones dans une autre pièce que celle où vous dormez. Nous avons en nous une horloge biologique pour nous réveiller. Si nécessaire, utilisez un réveil pour ne pas dépendre du téléphone portable.

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Réflexion

Que se passe-t-il quand s'ajoutent à notre environnement des fréquences électromagnétiques créées par l'être humain ? Elles interf èrent avec nos champs électromagnétiques naturels. Plus les émetteurs sans f il qui prolif èrent dans les zones urbaines sont puissants, plus ils interf èrent avec nos propres champs d'énergie.

• La meilleure façon de surmonter une habitude est de développer une contre-habitude. Si vous êtes accro aux réseaux sociaux, une façon d'en sortir est de fixer 2 ou 3 créneaux horaires dans la journée pour relever vos messages, en les ignorant totalement le reste du temps. Cette méthode fonctionne bien car il s'agit juste d'entrer dans un rythme qui ensuite devient automatique. • Lorsque vous travaillez sur l'ordinateur, n'activez la connexion Wifi que lorsque vous devez accéder à Internet ou envoyer des e-mails. Faites de même avec le Wifi de votre téléphone portable, branchez-le seulement quand vous en avez besoin. C'est une façon de se distancer des connexions réseau non sollicitées qui sont continuellement actives, surtout si vous vivez en communauté ou partagez le même appartement avec plusieurs personnes. • Si vous devez travailler pendant de longues heures sur votre ordinateur, faites des pauses à intervalles réguliers pour boire de l'eau et vous sentirez votre énergie se réveiller. • Évitez d'utiliser des téléphones portables en présence d'enfants, sauf pour faire des appels et y répondre. Les enfants imitent continuellement leurs parents et leur environnement. • En voiture comme à pied, rangez les smartphones dans un sac ou un étui plutôt que dans les poches de vos vêtements.

• Si vous êtes en voyage d'agrément ou en vacances, ne prenez pas vos téléphones avec vous. Laissez-les chez vous et sentez la différence ! • Désactivez toujours Bluetooth, sauf quand vous l'utilisez. Il y a un an, j'étais plutôt fermée à l'idée de WhatsApp, Facebook et autres forums publics, parce que je les percevais comme une intrusion dans ma vie privée et une pure perte de temps. C'est un extrême, tandis que l'addiction à ces gadgets et aux réseaux sociaux en est un autre. Les inconvénients de la technologie tiennent à l'usage inadéquat qui en est fait. Kate Unsworth, la PDG de Kovert Designs, qui a mené la recherche à laquelle a participé l'équipe d'entrepreneurs au Maroc, l'exprime on ne peut mieux : « Il nous faudra plus que de simples débranchements individuels de temps en temps. Il faudra une transformation radicale de nos valeurs sociales et un nouveau code de conduite. » Références https://www.fastcompany.com/3049138/what-reallyhappens-to-your-brain-and-body-during-a-digital-detox https://www.highsnobiety.com/2017/11/13/digital-detoxtech-addiction-millennials/ http://www.heartfulnessmagazine.com/what-wecannot-see/

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LA  PENSÉE Hea r tf ulnes s


L'homme de mĂŠditation est l'homme qui ne perd pas de temps, ne gaspille pas d'ĂŠnergie, ne manque aucune occasion. Annie Besant

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Le N É G O C I AT E U R

heartfulness 3 E PARTIE

Les sentiments et les émotions

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Dans les deux précédents articles, RAVI VENKATESAN soulignait l'importance de notre disposition initiale, des sentiments, des a priori et des idées qui nous habitent, avant et pendant une négociation, et qui vont en déterminer le cours. Dans cette troisième partie, il s'appuie sur des exemples concrets de la vie quotidienne pour nous montrer l'incidence de nos sentiments et de nos émotions sur l'issue de la négociation. Il nous donne également des conseils et des astuces quant à la façon de les gérer.

Les sentiments et les émotions dans le cœur forment toujours des paires d'opposés. On peut en définir cinq principales.

LES PENSÉES ET LES IDÉES

Perception de l'ego – moi vs nous Intellect – Logique et raison Mental – Idées occasionnelles et vagabondes

LES SENTIMENTS ET LES ÉMOTIONS

La clarté vs le doute La peur vs le courage Le calme vs l'inquiétude

L'Amour vs la haine L'avidité vs le contentement

LA DISPOSITION INITIALE

– Les soucis et les inquiétudes – Les désirs – Les "j'aime" et "je n'aime pas"

Hea r tf ulnes s


Agir autrem ent

L'avidité versus le contentement Cette paire d'opposés est à l'origine de la plupart des sentiments et des émotions, elle est donc très importante. Prenons un scénario où Sam et Janet, un jeune couple américain, tentent de se mettre d'accord sur la destination de leurs prochaines vacances. Ils ont tous deux économisé depuis quelques années et désirent quelque chose d'exceptionnel. À bien des égards, Sam et Janet représentent l'exemple type de « l'attraction des contraires ». Sam en veut toujours plus. Il est à l'affût des meilleures occasions et veut en tirer le maximum. Janet a tendance à se satisfaire de tout ce qu'elle obtient et veille à ne pas dépasser ses moyens.

Sam : Allons à Paris cette fois.

Sam : Et on va faire les choses en

C'est super en été… et si romantique.

grand, on va y aller en première classe ! Je peux obtenir un prêt personnel à mon travail.

Janet :

Je me disais qu'on pourrait aller à Laguna Beach. Les billets coûteraient moins cher, et ça permettrait de faire un autre voyage à Noël.

Janet : Non, un prêt,

ce n'est pas une bonne idée. Déjà que toutes nos économies vont y passer ! Et si l'un de nous perdait son travail ?

Sam : On a travaillé si

dur pour ces vacances ! J'ai vraiment envie d'un truc génial. Allez, pourquoi ne pas vraiment se faire plaisir pour une fois ?

Sam : Mais pourquoi te

mettre une chose pareille en tête ? Si tu n'as pas envie d'y aller, bon, alors on n'y va pas !

Janet : Bon, j'ai envie que tu sois content. Alors d'accord pour Paris.

Arrêtons-nous un instant pour réfléchir à cette très simple négociation. Beaucoup d'entre nous en ont vécu de semblables. Sam a négocié efficacement, en faisant valoir les raisons d'aller à Paris. Janet était réticente, mais a fini par accepter. Mais Sam en a voulu encore plus, ce qui a fait capoter toute la négociation. Souvent, quand on se laisse gagner par l'avidité, on dépasse les limites de l'autre, qui se bloque et réagit par la colère, ce qui nous oblige à faire davantage de concessions pour en revenir au même point. C'est la raison pour laquelle il faut soigneusement éviter d'en vouloir trop dans une négociation.

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Agir autrem ent

Conseils pour gérer l'avidité versus le contentement : • Chaque fois que vous communiquez votre position, demandez-vous : « Ai-je vraiment besoin de ça, ou est-ce que j'en demande plus, juste pour le plaisir d'en obtenir davantage ? » Cela dit, on exige souvent plus que nécessaire pour se ménager une marge de manœuvre. C'est une bonne tactique, à condition de rester attentif à la façon dont l'autre percevra notre position. • N'hésitez pas à relever l'avidité, de façon polie et respectueuse. Vous pourriez rétorquer : « Ça me paraît beaucoup. En avez-vous vraiment besoin, ou est-ce juste quelque chose qui vous ferait plaisir ? » Ou encore : « Est-ce une simple satisfaction ou un must ? » Ce type de questions peut encourager votre interlocuteur à se repositionner en limitant son avidité.

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Le calme versus l'inquiétude Prenons un scénario où Jean et Thomas, deux étudiants, veulent louer l'appartement de Marie. Celle-ci a vraiment besoin de le louer, mais elle s'inquiète à l'idée que des étudiants l'occupent.

Marie : Je suis contente que vous vous intéressiez à cet appartement. Mais êtes-vous certains de pouvoir payer le loyer ?

Jean : C'est cher, mais Thomas et moi pouvons

y arriver en travaillant à temps partiel. L'appartement nous plaît et nous nous réjouissons à la perspective d'y vivre.

Marie : Très bien, mais il faudra respecter quelques

règles. Vous ne pouvez pas recevoir beaucoup de monde. Et il n'est pas possible d'organiser des fêtes.

Thomas : Pour nous, ça n'irait pas. Et si on vous promettait de tout maintenir propre et en bon état,

en s'engageant à prendre en charge les réparations si des dommages se produisaient ?

Marie : Et pourquoi des dommages devraient-ils se produire ? J'ai vraiment besoin de louer cet appartement, mais je suis très anxieuse à l'idée qu'il soit saccagé.

Jean : Nous ne le saccagerons en aucun cas, mais

nous voulons recevoir des amis. Nous ferons en sorte que tout se passe bien.

Marie : Je ne suis plus si sûre que ce soit le meilleur choix pour moi.

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Agir autrem ent

Cette négociation est un bon exemple des craintes qui peuvent s'emparer de quelqu'un et perturber son jugement. Marie aurait pu offrir un rabais sur le loyer en échange de l'entretien de l'appartement. Elle aurait pu proposer des horaires pour recevoir des amis, et ainsi de suite. Mais son appréhension a entravé sa faculté de trouver des options créatives.

Conseils pour gérer le calme versus l'inquiétude : • Détendez-vous avant les négociations. Identifiez tout ce qui vous inquiète et notez-le. Cela vous permettra de ne pas vous laisser envahir par les craintes au point de ne plus pouvoir les contrôler. Voici un site qui propose une très bonne façon de se détendre : https://youtu.be/qXUZ9X8_gD0 • S i vous remarquez que votre vis-à-vis est inquiet, suggérez-lui poliment de reporter la négociation. • Demandez à l'autre de considérer la question de votre point de vue. Généralement, cela l'apaise et le met dans de meilleures dispositions.

Dans le prochain article, nous examinerons d'autres sentiments et émotions, illustrés par de nouveaux scénarios. Nous découvrirons que ces émotions antagonistes sont interconnectées et créent des cercles vertueux ou vicieux qui impactent nos négociations. Le premier pas vers l'amélioration est la prise de conscience. Dans votre prochaine négociation, efforcez-vous de débusquer ces deux paires d'opposés – l'avidité versus le contentement et le calme versus l'inquiétude – en vous-même et chez l'autre.

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Le DR RAJA AMARNATH et CHITRA RAJAN nous expliquent l'importance du sommeil dans notre vie quotidienne et comment la méditation favorise la paix de l'esprit et la détente physique propices à une bonne nuit de sommeil.

Méditer pour

mieux dormir

Q

uatre nécessités gouvernent notre existence physique : respirer, boire, manger et dormir. Le sommeil est donc essentiel à notre santé et à notre bien-être, au même titre que les trois autres besoins. Dormir, pourquoi ? La science donne plusieurs réponses à cette question. La théorie évolutionniste voit le sommeil comme une réponse adaptative, les cycles de sommeil se sont développés naturellement pour favoriser la survie pendant les périodes de vulnérabilité. Selon la théorie de l'hibernation, le sommeil sert fondamentalement à conserver l'énergie des

organismes, et sa durée correspond à leurs besoins ou à ceux de leur niche écologique. La théorie restauratrice ou réparatrice soutient que le sommeil restaure et revitalise les processus physiologiques, donnant ainsi au corps la possibilité de se régénérer. La recherche scientifique montre que plusieurs grandes fonctions réparatrices – développement musculaire, réparation des tissus, synthèse des protéines, libération des hormones de croissance – s'accomplissent principalement pendant le sommeil.

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À l' é c o u te d e so n c o r ps

Les habitudes de sommeil

Nos périodes d'éveil et de sommeil sont régies par notre horloge biologique circadienne interne. Le rythme circadien, le cycle veille-sommeil de 24 heures que l'on observe chez presque toutes les espèces, contrôle les aspects vitaux de notre physiologie, et toute perturbation de ce cycle est étroitement associée à un déséquilibre métabolique. Or la flexibilité des horaires de travail, de repas, de sommeil, de socialisation et d'exercice fait partie de la vie moderne. Les populations urbaines, notamment, prennent l'habitude de la privation de sommeil, sans en réaliser les conséquences. Un sommeil quotidien réparateur est d'autant plus important du fait des longues heures

consacrées au travail durant la semaine, qui sont source d'impatience, d'anxiété et de stress. Nos besoins de sommeil varient également avec l'âge : 12 heures par jour pour les enfants et environ 8 heures pour les adultes. Selon les Instituts américains de la santé, le trouble du sommeil le plus répandu, l'insomnie, touche 6 % de la population mondiale, tous groupes d'âge confondus. Stress, dépression, blessures, maladies, longues heures de travail, consommation excessive de caféine ou d'alcool, hyperstimulation du mental par la technologie, heures de sommeil irrégulières : les causes sont multiples et souvent difficiles à cerner.

Les cycles du sommeil

Au cours d'une nuit, notre sommeil traverse une série de cycles où alternent sommeil calme, avec des mouvements oculaires lents (NREM, non-rapid eye movement), et sommeil actif ou paradoxal, avec des mouvements oculaires rapides (REM). Une première période de sommeil calme est suivie d'une période plus courte de sommeil actif, après quoi le cycle recommence. Les rêves surviennent généralement pendant le sommeil paradoxal.

Il y a trois étapes de sommeil calme ou NREM :

Étape 1 :

Vous avez les yeux fermés, mais on peut facilement vous réveiller ; cette phase dure 5 à 10 minutes.

Étape 2 :

Vous êtes dans un sommeil léger ; votre rythme cardiaque ralentit et votre température corporelle baisse ; votre corps se prépare au sommeil profond.

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Étape 3 :

C'est la phase de sommeil profond ; il est plus difficile de vous réveiller, et si cela se produit, vous vous sentez désorienté pendant quelques minutes.

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À l ' é c o u te d e so n c o r ps

Pendant les phases profondes de sommeil NREM, le corps répare les tissus, reconstruit les os et les muscles, nettoie le système nerveux central et renforce le système immunitaire.

La privation de sommeil

La privation de sommeil peut résulter tout autant d'une période de sommeil plus courte que d'un sommeil moins profond. Les interruptions répétées provoquent des périodes de sommeil calme incomplètes et des phases de sommeil actif plus longues, si bien que la profondeur de la phase NREM, nécessaire à un repos réparateur, n'est pas atteinte.

Autrement dit, si la durée du sommeil est importante, sa profondeur l'est tout autant, et un sommeil trop léger peut induire un manque. La privation chronique de sommeil engendre bon nombre de problèmes : stress et anxiété, dépression, obésité, diabète, cancer, maladies cardiovasculaires, affaiblissement du système immunitaire, perte de productivité, vieillissement prématuré, voire mort prématurée. Un autre volet de la recherche concerne les liens entre sommeil, apprentissage et mémoire. Une privation de sommeil affaiblit notre concentration, notre attention et notre vigilance, et nuit à l'assimilation de l'information. Un manque de sommeil de qualité affecte l'humeur, la motivation, le jugement et la perception des événements, alors qu'à l'inverse une bonne nuit de sommeil apaise l'inquiétude et contribue à la stabilité émotionnelle.

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Les pratiques méditatives contribuent à une saine intégration des fonctions cérébrales, et elles ont une influence positive sur l'état cognitif et émotionnel des patients. La diminution des pensées confuses, grâce à la méditation, engendre un calme apaisant.

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À l' é c o u te d e so n c o r ps

Mieux dormir grâce à la méditation

On pense que notre esprit génère environ 50 000 pensées par jour. En majorité répétitives et limitatives, elles forment une spirale d'anxiété et de soucis à propos du passé et de l'avenir qui est la principale source de stress à l'origine des troubles du sommeil. Or le fait d'entraîner notre esprit à méditer en ignorant nos pensées nous amène à une conscience accrue du présent et crée un état d'équilibre intérieur qui élimine le stress. Un mental entraîné à une méditation régulière – surtout si elle s'accompagne de transmission – favorise un sommeil sain, rapide, profond et continu. La pratique qui consiste à maintenir un état méditatif au cours de la journée, pendant que nous vaquons à nos activités, aide encore davantage à prévenir le stress. Le sommeil survient lorsque l'esprit conscient est détendu et que nous plongeons dans notre inconscient. Il est intéressant de noter que la méditation induit la même détente que le sommeil : dans les deux cas, notre respiration et notre rythme cardiaque tendent à s'harmoniser à mesure que nos ondes cérébrales se modifient et que nous commençons à éprouver une sensation de paix et de bien-être profond. La mélatonine, parfois appelée « le remède miracle interne », est une hormone produite par le cerveau. Régulatrice des rythmes circadiens, elle est considérée comme essentielle aux sentiments de bonheur et de bien-être. Les insomniaques ont de la difficulté à produire suffisamment de cette substance chimique vitale, indispensable à un cycle de sommeil normalisé. Or il se trouve que la méditation favorise la synthèse de la mélatonine. Les troubles du sommeil causés par des maladies peuvent être traités par la méditation. Cela inclut la prévention, le traitement et la réadaptation dans les cas de maladies cardiaques, d'asthme bronchique et de névrose anxieuse, de maladies pulmonaires obstructives chroniques, de dépression,

de cancer, de certaines maladies dégénératives et de douleurs chroniques. Les pratiques méditatives contribuent à une saine intégration des fonctions cérébrales, et elles ont une influence positive sur l'état cognitif et émotionnel des patients. La diminution des pensées confuses, grâce à la méditation, engendre un calme apaisant. Ainsi des personnes pratiquant régulièrement la méditation ont constaté qu'elles dormaient mieux et avaient besoin de moins de sommeil. Presque tous celles et ceux qui souffrent d'insomnie font des efforts pour s'endormir. Or ces efforts les rendent tendus et alertes, alors que le sommeil est précisément un phénomène qui se produit sans effort. En réalité, quand nous nous efforçons de nous endormir, nous nuisons au sommeil. L'auteur des Yoga Sutras, Patanjali, a dit que le sommeil et le samadhi ont ceci en commun : les deux surviennent ; alors que plus nous nous efforçons de les atteindre, plus ils se dérobent. La méditation produit une énergie de conscience, ce qui nous permet de cultiver sans effort « l'art d'être » au cours de la journée. C'est la garantie d'un sommeil profond et réparateur.

Pour en savoir plus : Amarnath, R. et al. 2017. Improving Sleep Quality Through Heartfulness Meditation — Technical Aspects and Benefits. IJHSR, 7(5): 368–381.

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Inter vi ew L'âme est l'instrument de la joie. Non ! C'est la joie même, et elle ne peut exister sans la béatitude et le bonheur. Ram Chandra de Fatehgarh



une interview exclusive de pierre rabhi

de l'action

Ă€ la source

2e partie

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Inter v iew

Dans ce 2e volet, PIERRE RABHI évoque son engagement, ses projets qui visent à stimuler la conscience et le changement au sein de nos sociétés, et l’urgence de réajuster nos besoins à la réalité de la planète. Il nous parle aussi de l’importance d’aimer et de vivre dans la joie.

Dans la première partie de l'interview, vous disiez que votre action se poursuivait selon trois axes : une réflexion philosophique sur la société, une quête spirituelle et une proposition pratique. Estce que la création de « Colibris » en 2007 s'inscrit dans cette logique ? Comment a démarré ce mouvement et à quoi attribuezvous son prodigieux développement ?

une société plus écologique et plus humaine. Aujourd'hui, ce mouvement a pris beaucoup d'ampleur ! Les Colibris agissent selon trois axes : inspirer, relier et soutenir les citoyens engagés dans une démarche de transition individuelle et collective. Les Colibris mettent en œuvre de très nombreux projets que j'aurais du mal à tous vous présenter, il y en a beaucoup. On peut citer par exemple la Collection Domaine du Possible coéditée chez Actes Sud, les groupes locaux qui travaillent sur leur territoire à faire du lien et mettre en œuvre des projets concrets, l'université des Colibris qui propose des formations en ligne gratuites sur l'écoconstruction, la permaculture, l'agroécologie ou encore l'éducation. Et enfin la Fabrique, qui est une plateforme d'entraide citoyenne grâce à laquelle chacun peut offrir son temps, son talent, du matériel, ou un peu d'argent au service de projets inspirants. Bref, énormément de choses sont réalisées et je suis très heureux aujourd'hui du travail accompli et des quantités de projets concrets mis en œuvre. Ce développement s'est accéléré : les librairies et les bibliothèques sont aujourd'hui pleines de livres qui constatent les dérives, mais maintenant les gens ont envie de passer aux actes, de trouver des solutions, et c'est ce que proposent les Colibris !

En 2007, avec plusieurs amis, dont Cyril Dion et Isabelle Desplats, nous avons souhaité engager une réflexion active et développer un mouvement citoyen pour répondre concrètement aux envies d'agir de celles et ceux qui souhaitent construire

Ces dernières années, vous avez soutenu des projets qui diffusaient les mêmes valeurs que les vôtres, notamment

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Inter v iew

en Crète et au Maroc, pouvez-vous nous en parler ?

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Effectivement, nous menons de très nombreuses actions. Un fonds de dotation a été créé en 2013 avec pour objectif de récolter des subsides pour nous aider à aider. Ce fonds est une petite structure qui reste attachée à « Small is beautiful ». Nous soutenons, dans la mesure de nos petits moyens financiers, des initiatives qui partagent nos valeurs d'humanisme et de respect du vivant et de la biodiversité. Au Maroc, l'ONG Terre & Humanisme Maroc a créé un centre de formation à l'agroécologie, non loin de Marrakech. En Crète, en collaboration avec Kaligraines et Mélitakes, le Fonds de Dotation a aidé à la construction d'une éco-cabane pour héberger les volontaires. Le Fonds de Dotation Pierre Rabhi a aussi soutenu des projets portés par des ONG en Afrique, un autre dans la réserve Navajo dans le sud des États-Unis, et les actions du mouvement des Femmes Semencières.

Votre parcours de vie, vos réflexions, vos rencontres, vos lectures vous ont donc amené à placer l'homme et la nature au cœur de votre réflexion et de votre action. Quelles sont les idées qui vous portent ? Je vous ai déjà dit ce que je pense de notre modèle de société esclavagiste. Cette espèce de troc « je donne ma vie contre un salaire ». On donne sa vie à un système qui n'est pas équitable : il y a une hiérarchie, de gros possédants et de grands démunis. Dans l'évolution humaine, le souci de la répartition et de l'équité n'a pas été très présent.

Tout a toujours été fondé sur une hiérarchie de l'avoir, au détriment de l'être. Dans l'acquisition de l'argent, du « lucre », il y a des gens très haut placés, des gens tout en bas et des gens entre deux. Et tout cela établit une hiérarchie de destins que je ne peux pas tolérer, car je suis totalement révolté par le fait que l'argent puisse déterminer le mode d'organisation sociale. L'argent devrait être au service d'autre chose. Nous venons d'ailleurs de lancer une collection qui s'appelle les « Carnets d'alerte », pour essayer de faire comprendre ces problématiques dans une approche synthétique. Quand on a écrit celui sur la finance, Les excès de la finance ou l’art de la prédation légalisée, on a mis en évidence cette manière de légaliser et de normaliser « l'accaparement » : à partir

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Inter v iew

La société a toujours été fondée sur une hiérarchie de l'avoir, au détriment de l'être.

du moment où je paie, j'acquiers tout légalement. Cette forme d'acquisition légale satisfait peut-être l'organisation sociale, mais pas la morale. Ce n'est pas parce qu'un individu a de l'argent qu'il peut acheter la forêt amazonienne, ou que les grands cartels peuvent accaparer et confisquer à l'humanité un bien qu'ils n'ont pas fabriqué. Si l'humanité était « intelligente » - parce que malheureusement elle ne l'est pas - elle devrait reconnaître ce que la nature ou le divin nous a donné tout à fait gratuitement, comme un bien commun à tous les humains et à toutes les créatures vivantes. L'homme s'est auto-proclamé le meilleur, et à partir de là, il a défini les règles dans son intérêt, de façon totalement arbitraire. D'autre part le monde masculin a complètement écarté la dimension féminine. Depuis des millénaires, nos sociétés reposent sur la subordination de la femme. Même la Bible relaie cette idée et soutient cette place de la femme. J'ai lu l'Ancien Testament, et il est difficile de rencontrer une femme qui « tienne debout ». Et c'est bien à Ève que l'on doit tous nos ennuis : quelle idée d'aller croquer cette pomme ! A suivi un bazar pas possible ! Donc on part de cette idée qui s'incruste, ensuite se pétrifie et finit par donner des certitudes. D'abord Dieu est masculin, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas double, il ne serait pas tous les deux. À partir de là, une civilisation entière est influencée par des préceptes, des principes, des

crédos arbitrairement établis. Cette asymétrie entre féminin et masculin crée le chaos et la destruction. La femme en tant qu'énergie créatrice, en tant que génitrice et mère de l'humanité est naturellement encline à protéger la vie, et il nous faut rendre hommage à ces gardiennes de la vie et écouter le féminin qui est en chacun de nous. Sans lui, il n'y a pas de changement possible. Du coup, tous ces arbitraires-là ont construit cette société où la peur domine tout et où l'on se croit intelligent en fabriquant des armes, avec au bout l'apothéose de l'arme atomique. Quand on voit ça, l'intelligence de l'humanité n'est pas évidente. En fait, nous avons beaucoup confondu nos aptitudes avec l'intelligence. Des aptitudes nous en avons, mais de l'intelligence, non. Parce que si nos bonnes aptitudes avaient été régies par l'intelligence, tout serait dans un ordre intelligent. Aujourd'hui nous en sommes très loin, puisque la tuerie et la violence sont mieux défendues que la vie. On encourage la violence par de nouvelles machines à tuer, et en plus on détruit la nature. Ce qui veut dire que le phénomène humain en tant que tel – une minute et demie à deux minutes sur les 24 heures de l'histoire de la Terre – est un véritable désastre. L'être humain est la catastrophe écologique numéro 1. J'ai coécrit un bouquin avec Jean-Marie Pelt, dans lequel il a fait une rétrospective de la manière dont la vie s'est organisée sur terre. Cela s'est fait dans la coopération et « l'associativité », un principe qui régit la nature et qui montre que la vie doit davantage à l'alliance qu'à la rivalité. Je dis souvent aux gens qu'un lion mange une antilope, mais qu'il n'a pas de banque d'antilopes. Il faut bien qu'il survive. Mais il ne survit pas par l'accumulation, il n'est pas dans la spéculation, il survit du fait de la nécessité à laquelle il est soumis, comme chacun de nous. C'est là la grande différence

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avec l'accaparement indéfini de quelques êtres humains qui confisquent à l'humanité un bien qui lui revient légitimement.

Vous parlez de décroissance, de la nécessité urgente de diminuer nos besoins et de la responsabilité de léguer un monde en meilleur état aux futures générations. Quelle est votre vision de ce que pourrait être la société de demain ?

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J'ai en effet beaucoup dit sur le sujet de la décroissance, puisqu'en France on m'a poussé à me présenter aux élections présidentielles de 2002. Après bien des hésitations, en me demandant « mais qu'est-ce que je vais faire dans cette galère », j'ai fini par me présenter. La seule chose qui me motivait c'est qu'on puisse créer une dynamique, que cette candidature devienne le prétexte à un dialogue entre les gens. Il faut aujourd'hui que les citoyens parlent entre eux et ne fassent pas qu'écouter les politiciens. Je me suis donc dit que c'était une opportunité à saisir. On a établi un programme qui était plutôt un manifeste : « Quelle planète laisserons-nous à nos enfants, mais aussi quels enfants laisserons-nous à la planète ? » C'était un appel à l'insurrection des consciences : « Dépassons tous les clivages, tous les particularismes qui nous enlisent dans une fragmentation incurable, et essayons l'unité. » Notre programme était donc fondé sur tout ce qui peut contribuer à l'unité, à l'émergence d'un monde différent, à un changement de paradigme et, parmi les propositions, il y avait la fameuse « décroissance ». J'ai essayé d'expliquer ce concept de décroissance, mais ça n'a pas toujours été bien compris.

Quand nous avons lancé notre campagne, un certain nombre de politiciens nous ont entendus, nous ont rejoints, ont souscrit à notre programme, ce qui a été pour nous un immense encouragement. Toute notre démarche était centrée sur le débat public, et les gens ont parlé, discuté, échangé, dans une multitude de lieux. Et puis le temps a passé… et l'idée de décroissance était mal comprise, peut-être qu'on n'a pas su l'expliquer… Mais ce qui est certain, c'est qu'une chose fondamentale avait été dite : nous ne pouvons pas, l'humanité ne peut pas avoir des prétentions illimitées, des appétits illimités dans un ordre, un système qui, lui, est limité. La planète ne peut pas reproduire la forêt au fur et à mesure qu'on la coupe. On ne peut pas réapprovisionner les mers en poissons au fur et à mesure qu'on les pêche, etc. Certains ont adhéré à cette idée, d'autres pas. On n'a pas de statistiques sur l'impact de cette proposition, mais on a eu beaucoup de retours positifs. Je n'ai jamais démordu de cette idée que la décroissance était nécessaire. Pour moi, la simplicité, la sobriété représentent la vraie puissance, et c'est un choix conscient que chacun peut faire en faveur de la terre et de l'équité. J'ai alors écrit un ouvrage que j'ai intitulé Vers la sobriété heureuse. Mon éditeur m'avait dit qu'il serait miraculeux que ce type d'essai se vende à plus 4 000 exemplaires, et j'en suis aujourd'hui à 350 000…

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On a établi un programme qui était plutôt un manifeste : « Quelle planète laisserons-nous à nos enfants, mais aussi quels enfants laisserons-nous à la planète ? » C'était un appel à l'insurrection des consciences.

Ça n'a rien à voir avec moi, c'est simplement qu'aujourd'hui les gens comprennent que vouloir une société complexe à laquelle on donne toute son existence, et être heureux en même temps, ça ne marche pas. Au contraire ! Les sociétés prospères n'ont jamais consommé autant d'anxiolytiques et de divertissements de tous genres. Du coup, les gens sont abrutis, peu présents à la réalité. Pourquoi ? Peut-être parce que cette réalité leur fait peur. On cherche à s'évader par tous les moyens. Bien sûr l'évasion est plus facile que de prendre à bras-le-corps les problématiques et les traiter avec la rationalité et la détermination qu'il faudrait. Aujourd'hui la conjoncture est difficile pour tout le monde, en tout cas en France où personne n'est assuré d'avoir du boulot dans 5 ans. On voit un délitement général du système social qui ne risque pas de s'arrêter. On pourra essayer tout ce qu'on voudra, ça ne changera rien : c'est la logique elle-même qui fait que ça ne peut pas s'arrêter. Ce qu'il faut maintenant, c'est prôner la puissance de la modération et considérer la modération et la sobriété comme les clés de notre survie. Développer la sobriété, c'est faire un choix juste, moralement et structurellement juste. C'est pour ça qu'il y a un engouement de plus en plus grand pour la simplicité… ce serait donc la

simplicité, plutôt que la complexité, qui pourrait nous mener à la joie.

idée ?

Pouvez-vous développer cette

La joie est libre. C'est quelque chose qui vient d'ailleurs, qui est d'une autre essence, d'une essence transcendante. Comme nous n'y avons plus accès dans notre société, nous remplissons nos vies par le plaisir. Je n'ai rien contre le plaisir, bien entendu, mais quand il devient industriel et éphémère, on le consomme comme le reste. Je connais des gens qui devraient être heureux et comblés parce qu'ils ont tout, mais quant à être profondément dans la joie… Je trouve parfois la joie chez des gens qui n'ont presque rien, où chaque heure qui passe est une heure de félicité. Ils n'ont pas un instant d'accablement ! C'est pour ça que croire qu'on peut atteindre par la voie matérielle quelque chose qui relève de la transcendance, c'est tout simplement impossible. Mais quand on n'a rien, on n'est pas heureux non plus. Avoir le nécessaire, c'est ça qui nous apporte un apaisement intérieur et qui prédispose à la joie.

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Interview de Sylvie Berti Rossi

Dernière parution Cyril Dion et Pierre Rabhi, Demain entre tes mains, Actes Sud, 2017 www.pierrerabhi.org

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change

Notre entreprise, dans ce qu'elle a de plus élevé, doit viser à développer des êtres humains libres, capables par eux-mêmes de donner un but et une direction à leur vie. Le besoin d'imagination, le sens de la vérité et le sentiment de responsabilité – ces trois forces sont le nerf même de l'éducation. Rudolf Steiner


Jouer autrement ar 1 p e

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Êtes-vous déjà allés au pays de l'imaginaire ? Les enfants l'explorent tout le temps. Sur sa chaîne de radio Toxic Free Talk Radio, DEBRA LYNN DADD, très engagée dans la défense des consommateurs, s'entretient avec SARAH BALDWIN qui encourage parents et enfants à développer leur imagination et leur créativité. Sur son site internet www.bellalunatoys.com, elle propose des jouets écologiques, en bois ou en d'autres matières naturelles.

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Nous sommes envahis de produits chimiques toxiques. On en trouve partout – dans les produits de consommation courante, nos aliments, l'eau que nous buvons, dans nos corps et dans nos maisons ! Mais aujourd'hui nous allons parler de jouets non toxiques et, plus encore, d'une autre façon de jouer. Le soleil brille ici à Clearwater, en Floride, et mon invitée est Sarah Baldwin, propriétaire de l'entreprise Bella Luna Toys. Bonjour Sarah ! Bonjour Debra, merci de m'avoir invitée. Merci d'être venue. Bella Luna Toys offre une gamme de jouets écologiques en matières naturelles, inspirés de la pédagogie Waldorf. Pour commencer, qu'est-ce que la pédagogie Waldorf ? Waldorf est un courant pédagogique qui a débuté en Allemagne dans les années 1920. Il est présent

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Grandir à son r y thm e

décisive, c'est pourquoi les jouets naturels, sains et inventifs sont si essentiels. Avant d'aller plus loin, racontez-nous votre histoire. Qu'est-ce qui vous a amenée à vous y intéresser ? aux États-Unis depuis longtemps mais, au cours de ces dix à vingt dernières années, sa popularité a littéralement explosé dans le monde entier. Il existe maintenant plus de cent écoles Waldorf aux États-Unis, et on en trouve de plus en plus en Chine, par exemple. Waldorf a toujours favorisé la croissance naturelle de l’enfant, le jeu naturel, mettant en avant l'importance du jeu et de l'imagination chez les jeunes enfants. Je pense que la raison de cette popularité grandissante provient du développement des neurosciences, des recherches sur le cerveau et de celles sur le développement de l'enfant qui montrent combien le jeu imaginatif dans la petite enfance est crucial. Nous pensons que le jeu qui laisse libre cours à l'imaginaire, dans les premières années de vie, est la clé de la pensée créative à l'âge adulte. Imaginez un avenir plein de tous ces créateurs du futur, et pas seulement envahi de consommateurs. L'imagination est absolument

J'ai découvert le système d'éducation Waldorf peu de temps après la naissance de mon premier enfant, il y a plus de vingt ans. Avant cela, j'étais actrice, mais la pédagogie et l'enseignement m'avaient toujours intéressée. Lorsque je suis devenue mère, mes priorités ont radicalement changé et mon intérêt pour les enfants et l'enseignement s'est confirmé. J'ai entendu parler de la pédagogie Waldorf lorsque mon fils était bébé et je suis allée visiter une de leurs écoles. Quand je suis entrée dans le jardin d'enfants, je suis restée saisie par la beauté de cet environnement, par ces jouets en bois, ces rideaux de soie… tout cela m'a semblé à la fois si calme et si riche. Les enfants venaient de faire du pain, et ça sentait bon. Dehors, il y avait un jardin. Les enfants semblaient pleins d'énergie et très inventifs dans leurs jeux. Des petites pantoufles étaient alignées dans un coin de la pièce. À ce moment-là, prise d'une grande excitation, j'ai pensé : « Voilà l'environnement idéal pour les

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enfants » et, pensant à mon fils, je me suis dit : « Moi aussi, je veux venir ici tous les jours ! » Ainsi, avant même que mes enfants aillent dans une de ces écoles, je me suis inscrite à la formation d'enseignants, ce qui a changé très profondément ma vie et celle de ma famille. Une fois mon diplôme en poche, j'ai enseigné à tous les niveaux, des ateliers parents–enfants aux petits de deux ans, en passant par les sections de maternelle avec des enfants de quatre, cinq et six ans. Après avoir enseigné un certain nombre d'années, j'ai senti à nouveau le besoin de changer il y a environ cinq ans, sans savoir exactement ce que je voulais faire. À l'époque où mes enfants étaient adolescents, le nombre d'inscriptions à l'école a chuté et il a fallu licencier un professeur. Comme je me sentais prête pour un changement, j'ai offert de démissionner. Peu après, j'ai découvert que Bella Luna Toys était à vendre. C'était une société présente sur Internet qui vendait le type de jouets que nous utilisions dans la pédagogie Waldorf. Même sans aucune expérience, à l'époque, des affaires et du commerce de détail, je me suis sentie attirée, car je connaissais bien ces jouets et je les aimais. L'idée de pouvoir les présenter à une toute nouvelle

génération de jeunes parents m'enthousiasmait. Je voulais partager mes connaissances et mon amour pour ces jouets, promouvoir l'importance du jeu et de l'imagination chez les jeunes enfants et soutenir les parents dans cette voie. Alors je me suis lancée, j'ai acheté l'entreprise en ligne, et nous en sommes aujourd'hui à notre cinquième saison de Noël ! L'entreprise a beaucoup grandi, j'ai maintenant un blog et une série de vidéos où je partage ma passion pour les jouets et pour la pédagogie Waldorf. Je ne pense pas que nous avions des écoles Waldorf ici lorsque j'étais enfant, du moins mes parents n'en savaient rien, sinon ils m'y auraient sûrement inscrite. C'est une chose utile et magnifique et cela me fait vraiment plaisir que des gens comme vous la développent. Pourriez-vous expliquer la différence entre le jeu Waldorf et ce que font les enfants qui jouent avec des jouets que l'on trouve dans les magasins de jouets ordinaires ? D'abord, les jouets Waldorf sont presque toujours constitués de matériaux naturels, comme le bois, le coton, la laine et la soie, qui sont non seulement sains et sans danger pour les enfants, mais qui stimulent aussi leur sensorialité. Rudolf Steiner, fondateur de cette pédagogie, soulignait

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l'importance de la sensorialité dans l'apprentissage du monde que font les jeunes enfants, c'est pourquoi nous développons leurs sens avec des matières agréables au toucher. Une autre chose qui différencie les jouets Waldorf des jouets habituels, c'est qu'ils n'ont pas de forme. Pour vous donner un exemple, un assortiment de pièces de bois brut provenant de branches d'arbres fraîchement coupées font un jouet génial. Ce sont des formes organiques, qui ne sont pas figées, sans angles durs, sans rigidité, qui permettent à l'imagination de l'enfant d'aller dans toutes sortes de directions – ainsi de petits disques de bois scié peuvent devenir des assiettes, de l'argent ou tout autre chose. Les jouets les plus extraordinaires, dans ma classe, étaient des choses que nous avions trouvées dans la nature : une brassée de pommes de pin ou un panier de pierres polies par la rivière. Et les jouets que nous introduisons maintenant dans notre gamme sont des poupées fabriquées à la main avec des fibres naturelles : leur peau est en coton ou en soie, elles sont rembourrées avec de la laine, elles ont des cheveux en fil de coton ou en mohair, etc. Elles ont des visages très simplifiés, ce qui est une des caractéristiques de la poupée Waldorf. Parfois, il n'y a pas de visage du tout, mais la plupart des poupées auront deux points pour les yeux et un petit point pour la bouche. Ainsi l'enfant peut donner libre cours à sa fantaisie, imaginer que sa poupée est heureuse ou triste, qu'elle pleure ou qu'elle dort, contrairement à une poupée en plastique moulé dure et rigide qui, avec son sourire et ses yeux fixes, est toujours éveillée et heureuse. Pour vraiment développer l'imagination des enfants, nous sommes donc à la recherche de jouets dont la forme reste ouverte, avec lesquels on peut jouer de plusieurs façons plutôt que d'une seule, et qui peuvent représenter toutes sortes de choses.

Je trouve ça très beau. Comme vous l'avez dit, cela encourage les enfants à faire travailler leur imagination, qui deviendra plus tard un excellent outil dans leur vie. Les rendre capables d'imaginer ce qu'ils veulent dans le monde, puis de pouvoir le créer parce qu'ils en ont pris l'habitude, c'est tout simplement magnifique. C'est vrai. Je suis en train de regarder votre site web et j'apprécie beaucoup vos descriptions détaillées et les informations sur les matériaux qui composent vos produits et vos jouets, ce qui nous permet d'acheter en connaissance de cause. Oui, c'est absolument essentiel. Certaines teintures non toxiques, par exemple, contiennent de l'huile d'amande, et si votre enfant y est allergique, il est particulièrement important que vous connaissiez tous leurs ingrédients. Dans le cas d'enfants ayant des hypersensibilités ou des allergies, les parents doivent être très attentifs aux composants des peintures et des vernis utilisés. Pour cette raison, nous vendons également un grand nombre de jouets en bois brut sans vernis. J'aime ces jouets sans vernis car ils restent un peu abstraits. Oui, je trouve aussi.

À suivre

Publié avec l'autorisation de http://www.debralynndadd. com/toxicfreetalkradio/a-different-way-to-playnaturaltoys-inspired-by-waldorf-education/.

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Les 4 piliers du développement personnel 46 CHIARA TOWNLEY fait part de ses découvertes et décrit quatre qualités humaines qui l'ont aidée à garder l'esprit ouvert et à maintenir vivant son sens de l'émerveillement. Durant nos premières années, nous sommes impatients d'apprendre à marcher et à parler. Ensuite, à l'école, nous étudions toutes sortes de sujets – nos esprits sont ouverts, prêts à tout absorber, comme des éponges. Mais à l'âge adulte, il arrive que nous mettions beaucoup d'énergie à renforcer nos croyances existantes, dressant ainsi une barrière entre nous et « l'autre », au lieu de découvrir un enrichissement dans nos différences. Or, l'enfermement dans un cocon paralyse. C'est en gardant vivant son sens de l'émerveillement qu'on découvre beaucoup de choses sur soi-même et sur le monde. Voici les quatre piliers qui peuvent nous aider à grandir, quels que soient nos antécédents et nos croyances.


Attitude

LA CURIOSITÉ

LA COMPASSION

Nous sommes curieux de naissance, mais certains d'entre nous perdent cette curiosité en devenant adultes. Nul besoin de retourner à l'école pour apprendre des choses nouvelles, on peut très bien apprendre par soi-même ; les livres et les vidéos sont un excellent moyen de nourrir et d'approfondir nos centres d'intérêt. Je lis beaucoup et chaque conversation avec des gens proches ou des inconnus est une occasion de découvrir quelque chose que j'ignorais encore. Chacun a quelque chose de nouveau à m'enseigner, et moi aussi j'ai quelque chose à lui transmettre.

À mesure que nous prenons conscience du monde qui nous entoure et entrons en contact avec nos sentiments, nous créons un espace intérieur pour contenir nos émotions et celles de nos proches. Nous les ressentons, les acceptons et apprenons à les gérer. Nous commençons à envisager la souffrance des gens autour de nous avec d'autres yeux – ceux de la compassion. Ayant cessé de nous juger et de juger autrui, nous étendons notre amour à toutes les créatures. De nature émotive, je souffre parfois de la douleur que d'autres ressentent. Si vous êtes comme moi, la méditation peut vous aider à cultiver le détachement. Les philosophies orientales nous enseignent que la compassion et le non-attachement vont de pair.

LA CONSCIENCE La capacité d'observer ce qui se passe autour de nous et en nous, et celle d'être en contact avec nos émotions, est quelque chose d'essentiel à cultiver. La sensibilité et la conscience de soi sont indispensables pour créer une relation saine avec le monde et avec nous-mêmes. Quand on aborde la vie de façon purement rationnelle, on a parfois du mal à se connecter à ses sentiments. Des disciplines comme la méditation peuvent nous y aider. Il est essentiel de prendre le temps de respirer et d'examiner ce qui se passe en nous.

LE SERVICE Notre volonté de contribuer à rendre le monde meilleur est l'étape suivante. Bien sûr, personne ne peut sauver le monde à lui tout seul, néanmoins chaque petit geste compte. Et même si nous n'avons pas la possibilité de faire des dons à des œuvres de bienfaisance ni d'exercer un travail qui nous plaît, ce qui compte avant tout c'est notre attitude dans tout ce que nous faisons. Celui qui nettoie les rues avec soin offre là un service à sa communauté. Quand j'étais plus jeune, je voulais être psychologue ; j'ai finalement abandonné cette idée, sachant que je ne serais pas capable de me dégager affectivement de la vie de mes patients. J'ai trouvé dans l'écriture le meilleur service que je pouvais offrir pour inspirer d'autres personnes, et cela sans compromettre mon équilibre émotionnel. Le service est la dernière étape du développement personnel, parce qu'il rassemble toutes les leçons apprises précédemment, en les vivifiant.

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La danse sacrée de la guérison - 2 e PA RT I E Dans la seconde partie de cette interview exclusive, le Dr Crystal Jones explore avec nous la notion de l'instant présent. Elle connaît différentes approches de la guérison, telles que la médecine allopathique, les médecines alternatives, le yoga et la méditation. Elle guide les femmes qui sont prêtes à guérir en les impliquant dans un processus de découverte de soi.


Santé de l'être

Nous vivons une période d'évolution collective. Vous suivez un certain nombre de patients depuis déjà plusieurs années. Voyez-vous des points communs dans ce qu'ils vivent et dans la façon dont ils relèvent les défis de la vie ? Ce que j'observe le plus souvent, c'est que les gens n'ont pas conscience de leur système de valeurs, ni de leur propre vérité. Je pourrais parler de nombreux cas différents, mais prenons l'exemple de l'infertilité. Certaines femmes me disent qu'elles n'arrivent pas à être enceintes. Cela peut leur arriver après avoir rencontré plusieurs femmes ayant eu le même problème, ou après être tombées sur un médecin qui les a diagnostiquées infertiles. Peutêtre aussi se sont-elles dit, à des moments de leur vie, qu'il valait mieux ne pas tomber enceintes. Ainsi, toutes sortes de messages ont été transmis à leur corps, et elles ont fini par créer une vérité à laquelle elles croient. Dans ces cas-là, je ne peux pas faire grand-chose tant que leur scénario ne change pas. Et tout ça, à cause d'un mot que quelqu'un a prononcé. C'est le prix à payer quand on donne du pouvoir à quelque chose ou quelqu'un d'extérieur à soi. Que vous a-t-on dit ? Qu'est-ce que ce livre vous a raconté ? Qu'est-ce que le docteur a diagnostiqué ? Ce sont parmi les plus gros blocages que j'aie pu observer. Un autre blocage, spécialement chez les femmes, est celui de l'identité. Certaines n'ont aucune idée de qui elles sont en dehors de leur relation aux autres. Comme elles ne savent pas qui elles sont, ou ce qu'est leur Soi supérieur, elles se sentent complètement perdues quand on

leur demande d'entrer en contact avec leur Soi, parce qu'elles ont délégué l'autorité à d'autres. Et au moment où le rapport à l'autre change – d'enfant on devient mère ou de fille on devient femme – elles ont l'impression de ne plus avoir d'identité du tout. Ainsi l'identité représente un repère capital. Quand les gens parviennent à me dire qui ils sont au plus profond d'eux-mêmes, en dehors de tous les titres, rôles ou fonctions, ils sont sidérés de découvrir que leur identité ne se définit pas par rapport à d'autres et qu'ils ne sont pas, par exemple, le sauveur qu'ils croyaient être.

47 Et quand les gens réussissent à se défaire de ces identités-là, que leur restet-il ? Que découvrent-ils ? Ils commencent à découvrir que leur vie est une expérience. Ils en arrivent à un point où ils peuvent dire « je suis » sans éprouver le besoin d'y ajouter un qualificatif. À ce stade, il n'est plus question d'être fort ou faible, bon ou mauvais. Quand on en est à « je suis », on est capable de vivre l'instant présent, de s'adapter à ce qui vient, à ce qui s'en va, parce qu'on n'est plus tenu d'être fort ou faible, ni contraint à une bonne ou une mauvaise décision. « Je suis » est basé sur mes vérités, mes croyances, mes valeurs. Et si je veux en changer, je le ferai.

Alors on n'est plus fort ni faible, on « est ». On va au-delà de la dualité.

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Oui, on réalise que l'ombre, la lumière et les zones grises ne sont pas en dehors de nous. En les intégrant, on prend vraiment conscience de ce qu'est l'unité.

Vous avez dit que la vérité évolue. Pouvez-vous nous expliquer comment ces premières impressions, dont nous faisons des vérités, se construisent ? Et comment, en examinant ces impressions, on voit cette vérité évoluer ?

Et que recommandez-vous comme pratiques pour vivre cette unité ?

Je crois que la vérité est évolutive. C'est à cause de l'histoire de l'éléphant et des aveugles. L'un touchait la queue, un autre la trompe, etc., et chacun racontait à quoi l'éléphant ressemblait dans des descriptions différentes. Une fois qu'ils eurent fait le tour de l'éléphant, leur vérité a commencé à évoluer, puisqu'elle se fondait sur l'expérience de ce qu'ils avaient touché là où ils se trouvaient. C'est ce que j'entends par vérité évolutive. Il arrive un moment dans la vie où nous construisons des fondations, un système de base qui détermine nos valeurs, notre morale, notre éthique, etc., puis soudain la vie nous surprend et nous secoue. L'envie nous prend de découvrir quelque chose de différent, mais on ne s’y risque pas parce qu'on nous a dit que ce n'était pas bien. L'idée de vérité évolutive nous permet au contraire d'explorer des choses, de faire ce que nous n'aurions pas osé faire, par peur le plus souvent. Nous tentons de nouvelles expériences et nous pouvons choisir : « J'aime ça » ou « Je n'aime pas ça ». « Je vais intégrer ça » ou « Je ne vais pas l'intégrer ». Au fur et à mesure que nous avançons en âge, notre vérité évolue. Et cela dès le point de départ, dès la rencontre du spermatozoïde et de l'ovule. Nous évoluons constamment. Alors voulons-nous nous fixer à un stade de pseudo-maîtrise de soi, et vivre selon un ensemble de principes et de règles, sans laisser rien ni personne modifier notre système de croyance ? Je pense que c'est à ce moment-là qu'on commence à se s'engourdir, à cacher des choses et à fantasmer… Il arrive que certaines situations ou certaines personnes nous ouvrent à de nouvelles perspec-

Bien évidemment, la méditation. Je sais, c'est une chose que beaucoup de gens pratiquent aujourd'hui, mais ce que j'entends, c'est qu'on s'installe vraiment dans le silence avant de commencer sa journée, avant de demander à tout le monde – ou à son téléphone – le programme du jour. Simplement ça, rester assis en silence. Et quand vous restez ainsi, en silence, vous faites l'expérience de vous-même. Vous commencez à sentir ce qui monte en vous. Si vous ressentez quelque chose que vous ne pouvez pas ignorer, comme la colère ou la jalousie ou « je n'en vaux pas la peine », restez en méditation avec ce sentiment et voyez ce qui vous vient. « Pourquoi ai-je l'impression que je ne vaux rien ? Pourquoi m'a-t-on dit que j'étais nulle ? Est-ce que je vaux quelque chose ? » Restez ainsi et posez-vous ces questions. Faites-le sans attendre la venue d'une réponse, simplement pour faire l'expérience de ce qui se passe en vous. Plus on est prêts à vivre la réalité telle qu'elle se présente, plus on se dit : « Je veux vraiment savoir qui je suis. Je veux vraiment entrer dans la plénitude. » Mais souvent, quand on relit les réponses qu'on a écrites, on pense : « Ce n'est pas terrible » ou « Ce n'est pas ça que je voulais voir sortir. » Alors, au lieu de juger, restez simplement avec votre sentiment et accueillez ce qui vient. C'est ainsi que vous faites certaines expériences et parvenez à formuler votre propre vérité.

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Et quand vous restez ainsi, en silence, vous faites l'expérience de vous-même. Vous commencez à sentir ce qui monte en vous.

tives, et parfois nous les considérons comme des envahisseurs, ce qu'elles ne sont pas forcément. Lorsqu'on accueille l'idée que la vérité est évolutive, on s'ouvre à une foule de choses. Alors qu'en étant pris dans un système où « cela doit être ainsi », on ne peut même pas savoir si telle ou telle situation nous correspondrait, car on l'a automatiquement définie comme indésirable.

Une grande partie de ce que je vous ai dit concerne la notion de l'instant présent. Car la vérité évolutive implique : « Je suis ici et maintenant ». Qu'est-ce qui fonctionne ? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Qu'est-ce qui sonne juste ? Qu'est-ce qui sonne faux ? C'est notre intuition qui nous le dira. On peut interroger son Soi supérieur : « Comment ressens-tu ce “oui” ? Comment ressens-tu ce “non” ? Que choisir ? » C'est ça, la vérité évolutive. Et le fait que cela concerne tout le monde nous rend plus tolérants à la vérité des autres, sachant qu'elle aussi est évolutive. Notre vérité n'est pas plus juste que la leur.

Oui, et cela nous amène à reparler de la résistance à la guérison, qui semble souvent liée au jugement critique et au be-

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50 On peut interroger son Soi supérieur : « Comment ressenstu ce “ oui” ? Comment ressenstu ce “ non ”? Que choisir ? » C'est ça, la vérité évolutive. soin de maintenir la vision que nous avons de nous-mêmes et de l'autre.

sommes là tous les deux, alors dansons ensemble cette danse sacrée. »

Nous voilà revenues à notre point de départ, à l'instant présent. Absolument. Tout tient à cela : vivre l'instant présent.

Absolument. La vérité telle que la vit un professionnel peut ne pas coïncider avec la vérité de votre corps, mais lui paraître si solide qu'il n'est pas capable d'entrer véritablement en relation avec vous ; il pense à ce qu'il est censé être, au lieu de vivre ce qui est et de se dire : « Ok, nous

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Interview d'Emma Ivaturi


COMMENT SE RÉGÉNÉRER? Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux doucement et détendez-vous. Portez votre attention sur votre dos et sur l'arrière de votre crâne. Emettez la suggestion que toutes les complexités et impuretés accumulées pendant la journée s'en vont. Imaginez qu'elles sortent par le dos, du haut du crâne jusqu'au coccyx. Pensez qu'elles s'échappent sous forme de fumée ou de vapeur. Poursuivez ce processus qui est à la fois actif et doux. Lorsque vous le sentez bien installé, vous pouvez l'accélérer. Poursuivez pendant 15 à 20 minutes. Puis vous ajoutez l'élément suivant au processus : imaginez que la lumière descend de la Source et entre par l'avant de votre corps. Elle passe à travers tout votre corps, vous aide à enlever les complexités et impuretés et ressort par le dos. Cette lumière remplit le vide laissé par ce qui a été retiré. Terminez par une suggestion ferme : à présent, toutes les complexités et impuretés sont parties et je me sens vraiment plus simple et pur.

fr.heartfulness.org


Toutes choses partagent le même souffle – la bête, l'arbre, l'homme... l'air communique son esprit à toute la vie qu'il soutient. attribué au Chef Seattle


être insp iré.


PRANAYAMA Régulation du souffle

ASANA Posture

PRATYAHARA Retrait à l'intérieur

Ashtanga

DHARANA Focalisation mentale

yoga

DHYANA Méditation

NIYAMA Régularité Observation

SAMADHI

YAMA

Condition originelle (équilibre)

Bonne conduite

Seriez-vous intéressé si quelqu'un vous disait qu'il existe un ensemble de pratiques simples qui aident à gérer tous les aspects de la vie quotidienne, tout en élevant le potentiel humain à un niveau qui dépasse l'imagination la plus folle ? Cela attiserait pour le moins la curiosité de la plupart des gens. En fait, cela correspond précisément à la description des pratiques du yoga, mais rares sont ceux qui s'en rendent compte. Le yoga comprend un ensemble holistique de pratiques qui visent au développement personnel et au bien-être du corps, de l'esprit et de l'âme. Il y a quelques milliers d'années, le grand sage Patanjali a répertorié les pratiques yogiques en vigueur en son temps et les a présentées dans un traité en huit étapes, qu'on utilise encore aujourd'hui. Il s'agit de l'ashtanga yoga. Mais les pratiques du yoga ont évolué depuis Patanjali, surtout au cours des 150 dernières années, pour répondre aux besoins de l'époque. Dans cette série d'articles, KAMLESH PATEL décrit chaque étape du yoga à la lumière des pratiques yogiques modernes de Heartfulness. Il nous montre comment concilier nos pratiques spirituelles intérieures avec la vie dans le monde, et comment affiner notre personnalité pour parvenir au véritable état du yoga – c'est-à-dire à l'efficacité dans l'action et à l'harmonisation des aspects spirituel et matériel de la vie.


L a science de la spiritualité

Pra nayama Prana • Pranayama • Prana Pratishtha • Pranahuti

Pranayama est la quatrième des huit étapes du yoga de Patanjali. Dans cet article, Kamlesh Patel nous expose le but des pratiques du pranayama, et nous indique les plus importantes « choses à faire » et « choses à ne pas faire ». Il présente aussi le prana comme étant à la base de toutes ces pratiques, et nous parle en outre de prana pratishta dans la dévotion traditionnelle, et de pranahuti dans la méditation Heartfulness, en nous expliquant comment la régulation et la stabilisation de notre champ énergétique nous aident à plonger profondément dans la méditation pour atteindre le centre de notre être.

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epuis des milliers d'années, les êtres humains ont adoré et prié des idoles, des statues, des images de dieux, de saints, et des symboles comme la croix. Ces images au symbolisme souvent très profond ont été chargées de prana, ou essence spirituelle, par des saints et des prophètes. On appelle cette façon de charger une image ou une statue la prana pratishta. On peut alors se poser cette question : « Si un saint ou un yogi peut infuser l'essence spirituelle dans une statue inanimée, une croix ou une pierre, ne peut-il pas infuser cette même essence dans le cœur d'un être humain, un être humain capable de capter et recueillir cette divine essence directement, au lieu de passer par l'intermédiaire d‘une idole ? » La réponse apparaîtra clairement plus loin dans cet article. Swami Vivekananda a dit un jour : « En métaphysique, le prana représente la somme totale de l'énergie de l'univers. Selon les philosophes, cet

univers procède par vagues ; il croît, décroît, et se dissout en quelque sorte, puis il recommence toutes les étapes, pour à nouveau disparaître lentement. Et cela continue ainsi, comme une pulsation. L'univers entier est composé de matière et de force. Pour les philosophes sanskrits, tout ce que nous appelons matière solide ou liquide provient d'une matière primitive, qu'ils nomment akasha ou éther. Et ils appellent prana la force primordiale dont toutes les forces que nous voyons dans la nature sont des manifestations. C'est l'action de ce prana sur l'akasha qui crée l'univers ; à la fin d'un cycle, il y a un temps de repos. Une période d'activité suivie d'un temps de repos, telle est la nature de toute chose. » Telle est aussi la nature de notre respiration. Quelle est la première chose que nous espérons à la naissance d'un bébé ? Qu'il respire normalement. Et à la fin de la vie, c'est aussi le souffle

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que nous surveillons, car sans lui c'est la mort. La respiration est un signe de vie et, en ce sens-là, pranayama est centré sur elle. Mais il concerne encore bien d'autres choses. C'est le prana qui nous permet de respirer, qui fait circuler notre sang, active nos nerfs et nos muscles, et c'est par lui que nous pensons. Toutes les formes d'énergie sont des manifestations du prana. Pranayama est la combinaison de deux mots, prana et ayama. Le premier est dérivé du sanskrit an, qui veut dire « bouger » ou « respirer », le préfixe pra servant généralement à renforcer la racine à laquelle il est associé. Ayama signifie « amplifier, étendre, étirer » ; le pranayama est donc l'extension ou l'expansion de la force de vie ou souffle. Le sens d'ayama est parfois aussi « retenir ou contrôler », et dans ce cas pranayama signifie retenir ou contrôler la respiration. Il y a donc à la fois expansion et contraction, tout comme dans la respiration.

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L a science de la spiritualité

LA DESCRIPTION DE PATANJALI Voici ce que Patanjali dit de pranayama dans ses Yoga Sutras :

2.49: Tasmin satî shvasa prashvsayoh gati vichchhedah pranayama. Une fois que nous avons atteint la perfection dans la posture de méditation, nous pouvons commencer la pratique de la régulation du souffle qui entre et sort, et celle de l'expansion de l'énergie vitale ou prana. Cela s'appelle pranayama.

2.50: Bahya abhyantara stambha vrittih desha kala sankhyabhih paridrishtah dirgha sukshmah. Pranayama a trois aspects : le flux qui sort, ou exhalaison, celui qui entre, ou inhalation, et l'absence de l'un et l'autre pendant la transition stationnaire entre les deux, que l'on appelle rétention ou suspension. Ces trois états sont réglés par le lieu, le temps et le nombre, et la respiration devient lente et subtile.

2.51: Bahya abhyantara vishaya akshepi chaturthah. Il y a un quatrième type de pranayama, qui transcende ces mouvements vers l'intérieur et l'extérieur. Il apparaît de façon naturelle pendant la concentration.

2.52: Tatah kshiyate prakasha avaranam. Il en résulte une diminution du voile qui recouvre la lumière intérieure.

2.53: Dharanasu cha yogyata manasah. Le mental est maintenant prêt pour la concentration ou dharana. En résumé, une fois que nous avons perfectionné notre posture de méditation, nous pouvons pra-

tiquer la régulation de l'entrée et de la sortie du souffle et l'expansion de notre énergie vitale. Notre respiration comporte trois aspects : l'exhalaison, l'inhalation et la transition stationnaire entre les deux. Ces trois états sont réglés par le lieu, le temps et le nombre, et finalement la respiration devient lente et subtile. Ces pratiques ont pour effet de diminuer le voile qui recouvre la lumière intérieure ; le mental est alors prêt pour la concentration. Le quatrième type de pranayama transcende ces mouvements vers l'intérieur et vers l'extérieur ; il apparaît de façon naturelle pendant la concentration. On comprend maintenant la séquence que Patanjali avait envisagée pour les étapes de son ashtanga yoga. En premier viennent yama et niyama, car sans le raffinement du caractère, la spiritualité ne vaudrait rien ! Il n'y aurait pas d'équilibre entre les états intérieur et extérieur. Ensuite, pour débuter la pratique spirituelle, il faut adopter la bonne posture, afin de créer un champ favorable à une approche intérieure – ce qui correspond à la troisième étape de l'ashtanga yoga, asana, la perfection de la posture étant une condition préalable à tout ce qui va suivre. Pranayama découle ainsi directement d'asana, et crée un champ d'énergie propice à la fois à pratyahara et à dharana, les cinquième et sixième étapes.

L'ÉNERGIE QUI ENTRE ET L'ÉNERGIE QUI SORT À l'origine, le but de pranayama était donc de réguler la respiration pour qu'elle devienne lente et subtile, de sorte que l'attention se tourne vers l'intérieur, ce qui calme le mental et dissipe la tendance des pensées à se disperser. Car après tout, que sont les pensées, sinon de l'énergie ? Cette orientation du champ énergétique vers l'intérieur renforce le lien du pranayama kosha, l'enveloppe énergétique de l'être humain, avec les plans plus

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subtils de l'existence – le mental et l'âme – alors que cette énergie est habituellement dirigée vers l'extérieur, vers le monde physique. Les pratiques yogiques du pranayama agissent sur le champ énergétique de l'être humain (qu'on appelle le corps subtil) et sur le pranayama kosha qui lui est rattaché. Quand elles sont effectuées correctement, ces pratiques apportent un équilibre mental et un bien-être qui contribuent à notre bonne santé, notre système énergétique étant alors en résonance harmonieuse avec l'énergie de l'univers. On peut se représenter le pranayama comme l'expansion de la vitalité ; comme respirer avec l'inspir et l'expir du tout. Notre expansion se mêle au souffle infini de l'Éternel. Quand nous faisons des exercices de respiration en gardant cela à l'esprit, nous en voyons les effets.

58 Les pratiques yogiques du pranayama agissent sur le champ énergétique de l'être humain, qu'on appelle le corps subtil, et sur le pranayama kosha qui lui est rattaché. Quand elles sont faites correctement, ces pratiques apportent un équilibre mental et un bien-être qui contribuent à notre bonne santé, notre système énergétique étant alors en résonance harmonieuse avec l'énergie de l'univers.

Si l'on cherche juste à inspirer et expirer selon un certain rythme, on n'y prend aucun plaisir. Mais lorsqu'on est conscient de ce but plus élevé, cela donne une tout autre signification à notre pratique. Nous pouvons facilement observer ce qui se passe sitôt que nous modifions notre façon de respirer : tout notre champ énergétique se transforme. Voyez comment votre respiration diffère quand vous êtes en colère et quand vous êtes calme, quand vous dormez et quand vous êtes éveillé, quand vous aimez et quand vous êtes égoïste. Les diverses formes de respiration reflètent aussi un mouvement plus profond, celui de l'énergie qui entre et qui sort. On peut rapprocher cela de la deuxième loi thermodynamique de Newton sur l'entropie : dans les systèmes désorganisés, l'entropie, ou le désordre, augmente. Lorsque nous nous fâchons contre quelqu'un, par exemple, notre champ énergétique est déstabilisé parce que notre attention est attirée vers l'extérieur, à la périphérie de notre être. Notre système devient instable. À l'inverse, quand l'énergie afflue vers le centre de notre être, nous nous sentons rafraîchis et régénérés, et notre respiration devient rythmée, plus subtile et plus détendue. Au centre de notre être nous ne faisons plus qu'un avec toute chose – en fait, il n'existe plus que l'unité. Ainsi, quand notre énergie se tourne vers l'intérieur, nous nous rapprochons de l'harmonie.

SOYEZ ATTENTIFS ! Les pratiques du pranayama sont donc très utiles pour réguler notre système énergétique, car elles nous apportent des éléments qui le stabilisent et en font diminuer l'entropie, le désordre. Mais si on les utilise mal, au lieu d'affiner notre champ énergétique, elles le perturbent. Cela se produit quand on ne reçoit pas les bons conseils, il vaut donc toujours mieux s'initier aux pratiques du pranayama avec un expert.

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Quand l'énergie afflue vers le centre de notre être, nous nous sentons rafraîchis et régénérés, et notre respiration devient rythmée, plus subtile et plus détendue. Au centre de notre être nous ne faisons plus qu'un avec toute chose – en fait, il n'existe plus que l'unité.

La science du pranayama comprend aussi de nombreuses nuances. Voici quelques conseils que Ram Chandra de Fatehgarh donnait à ses disciples : • Avant de pratiquer le pranayama, évitez les nourritures froides et acides, de même que les aliments très épicés, qui peuvent également être nuisibles. • Au commencement, on peut observer des saignements du nez ou des oreilles ou du sang dans les selles. Tout cela disparaîtra par la suite. • Au début, il vaut mieux ne pas pratiquer le pranayama trop longtemps, mais plutôt augmenter progressivement le nombre de respirations. • Expirez lentement, par les narines, et non par la bouche, car cela peut abîmer les dents. • On ne doit pas pratiquer le pranayama l'estomac vide, ni immédiatement après avoir mangé. L'estomac ne doit être ni totalement vide ni totalement plein.

On y distingue cinq processus énergétiques (karmendriyas), et cinq flux d'énergie (pranas). Les processus énergétiques sont l'élimination, la reproduction, le mouvement, la saisie avec les mains et la parole. On appelle les cinq flux d'énergie, dans le corps humain, les vayus ou vents. Ce sont :

Ces restrictions s'appliquent aux débutants. Ceux qui maîtrisent le pranayama peuvent le pratiquer comme ils l'entendent, mais sans exagération, car les excès créent toujours des perturbations. Au fil des années, j'ai pu observer que chaque fois que se manifestaient des perturbations physiques importantes au cours de la méditation – comme des secousses inconscientes – elles étaient dues à une pratique excessive du pranayama.

LE PRANAYAMA KOSHA Le pranayama kosha est l'enveloppe dans laquelle nous faisons l'expérience du flux de l'énergie.

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• le flux intérieur qui gouverne la respiration et la réception de toutes choses, de l'air et de la nourriture aux idées et aux impressions ; • le flux de l'élimination qui va vers le bas et vers l'extérieur – l'excrétion, la miction et la menstruation, sur le plan physique, et tout ce qui doit être éliminé sur le plan mental ; • le flux qui équilibre et intègre, au point de rencontre du flux qui va vers l'intérieur et de celui qui va vers l'extérieur ; il est associé à l'assimilation et à la digestion ; • le flux montant qui dirige l'énergie vers de plus hauts niveaux de conscience et gouverne l'expression de soi par la communication ;

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Quand notre système nerveux sympathique est activé par le stress, nous pouvons nous calmer en activant de la même façon le système parasympathique, par exemple par la chandra nadi. Et quand nous avons besoin d'être plus actifs et engagés, nous pouvons de même activer le système sympathique par la surya nadi. Nous avons donc toujours la possibilité de rétablir l'équilibre.

• le flux qui passe par les nadis : le système circulatoire, le système nerveux, le système lymphatique, le mouvement des muscles et des articulations, les pensées et les émotions. Bien que le pranayama kosha puisse être régulé par des exercices de respiration, il est subtil, et n'est pas rivé au système physique. Il pénètre tout et nous enveloppe comme une bulle d'énergie, créant le champ de l'aura. Comme les chakras du corps subtil sont associés au pranayama kosha, il faut donc aussi, pour raffiner celui-ci, méditer et nettoyer le corps subtil. Chaque fois qu'un déséquilibre ou une maladie survient, le premier kosha atteint est généralement

le pranayama kosha. C'est pour cela que les traitements d'acupuncture et d'acupressure sont pratiqués sur nos méridiens énergétiques. Donc c'est notre champ d'énergie qui est perturbé, avant que ne se manifestent des maux physiques, quels qu'ils soient. On peut même prédire l'état de santé de quelqu'un simplement en regardant l'aura autour de son visage. On ressent par exemple la différence entre une personne en colère, un amoureux, ou encore une mère tendre avec son bébé. Car notre attitude a un fort impact sur notre pranayama kosha. Quand celui-ci est lumineux, tout notre état de santé en bénéficie. Nous irradions l'état dans lequel se trouve notre enveloppe d'énergie, y compris la joie et l'amour – l'amour est très palpable. Comme je l'ai dit plus haut, quand nous sommes stressés, en colère ou réactifs, nous avons besoin de plus d'énergie, et celle-ci est généralement dirigée vers l'extérieur. Quand le système nerveux sympathique est stimulé, il active le pranayama kosha. Notre rythme cardiaque s'accélère, notre respiration se fait irrégulière, et notre corps se prépare à répondre au stress. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le pranayama a été créé : pour équilibrer les systèmes sympathique et parasympathique. Quand notre système nerveux sympathique est activé par le stress, nous pouvons nous calmer en activant de la même façon le système parasympathique, par exemple par la chandra nadi. Et quand nous avons besoin d'être plus actifs et engagés, nous pouvons de même activer le système sympathique par la surya nadi. Nous avons donc toujours la possibilité de rétablir l'équilibre. Le kosha énergétique est plutôt difficile à affiner, car la conscience s'y mêle à l'ego, et cela peut avoir le même résultat que lorsqu'on met du sodium en contact avec de l'eau – une explosion ! Tous nos processus énergétiques et nos cinq sens cognitifs puisent leur énergie dans cette enveloppe, c'est

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elle qui régule notre conscience de veille et qui nourrit les émotions naturelles de la passion et de la colère. Les luttes et les conflits au travail ou à la maison, avec ceux qui nous sont chers, sont dus aux déséquilibres de cette enveloppe ; quand elle se détériore, on peut devenir terriblement égoïste, alors que bien utilisée, elle contribue à la réalisation du Soi. La poursuite constante du plaisir et l'excès de matérialisme peuvent aussi altérer le délicat équilibre de cette enveloppe d'énergie. À l'inverse, la modération des émotions et des autres facultés harmonise le pranayama kosha, et par conséquent le corps physique. Les pratiques Heartfulness de méditation sur le point A et de nettoyage du point B1 aident beaucoup au raffinement de cette enveloppe. Le jeu des opposés y est particulièrement marqué. Les attitudes de « j'aime » et « je n'aime pas », les attirances et les répulsions rendent cette enveloppe encore plus redoutable. La modération n'est pas chose facile quand ces émotions surgissent. Il importe de surveiller notre façon 1

de parler, notre langage corporel et notre attitude intérieure. Cela signifie rester humbles et respectueux envers chacun, y compris les enfants et les aînés. Cultiver constamment un sentiment d'insignifiance et refréner son ego sont les meilleurs moyens de raffiner cette enveloppe. Elle ne retrouve son éclat naturel que lorsque l'ego est entièrement affiné et ramené à sa pureté originelle.

PRANAHUTI Éprouver un sentiment d'insignifiance est déjà une réalisation de haut niveau, mais le véritable raffinement de l'ego ne s'obtient qu'en voyageant dans les régions encore plus élevées du mental et au-delà. Tant que ce travail n'a pas été accompli, le pranayama reste susceptible d'enflammer l'ego. C'est pourquoi Heartfulness a recours à un moyen extrêmement subtil pour diriger de façon hautement « potentialisée » le flux énergétique vers l'intérieur : la pranahuti, ou transmission. Ahuti signifie « offrande ». La transmission est ainsi une offrande de prana qui vient directement de

Ram Chandra, 2014. Efficacy of Raja Yoga in the Light of Sahaj Marg. Shri Ram Chandra Mission, India.

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la Source et qu'un guide compétent dirige vers le cœur du chercheur. Le prana, tout comme l'air, est autour de nous, et le guide agit comme un soufflet qui propulse l'essence du prana dans notre cœur. Quand nous méditons avec la transmission, notre attention se tourne naturellement vers l'intérieur, tout comme notre respiration ; et alors notre système devient extrêmement stable, ce qui diminue de plus en plus l'entropie. Notre respiration se régule de façon naturelle grâce au flux intérieur de la pranahuti. Cela nous conduit aussi tout naturellement aux étapes suivantes, pratyahara et à dharana, et nous aide à plonger plus profondément dans dhyana, si bien que nous atteignons souvent l'état de samadhi dès les premières séances de méditation. Les pratiques du yoga ont considérablement évolué au cours du siècle passé, grâce au flux très subtil de la pranahuti, qui est la spécificité de Heartfulness.

Le fait de penser à yama et niyama en respirant nous aide aussi. Imaginez, à chaque inspiration, que vous aspirez la bonté et la noblesse de l'existence qui vous entoure (niyama), et à chaque expiration, que vous expulsez de votre système des complexités inutiles (yama).

LES PRATIQUES DE PRANAYAMA Comme c'est le cas pour asana, la science du pranayama a beaucoup évolué depuis l'époque de Patanjali ; son seul but était alors de rassembler la force de vie vers l'intérieur et de la dilater pour qu'elle fusionne avec le tout infini. De nos jours on utilise les pratiques du pranayama dans différents buts, en particulier pour équilibrer les systèmes énergétiques. De simples exercices de respiration sont très utiles à la santé et au bien-être général. Pour en savoir plus, contactez-nous sur wellness@ heartfulness.org. Je trouve très bénéfiques ces conseils donnés par Swami Vivekananda : d'abord, tenez-vous droit ; pensez que votre corps est parfait, en bonne santé et fort ; puis envoyez un flot d'amour tout autour de vous, en imaginant que le monde entier est heureux ; priez ensuite, si vous croyez en Dieu ; et respirez.

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Guide spirituel et responsable international Heartfulness, Kamlesh Patel incarne cette rare fusion du cœur oriental et de l'esprit occidental. Dans une approche à la fois scientifique et pratique, il partage aujourd'hui son expérience de la méditation et de la spiritualité dans des conférences, des interviews et des cours dans le monde entier. Auteur de nombreux écrits, notamment sur l'évolution de la conscience, il vient de co-écrire The Heartfulness Way : Heart-Based Meditations for Spiritual Transformation. Pour en savoir plus : daaji.org


COMMENT SE DÉTENDRE? Asseyez-vous confortablement et fermez doucement les yeux. Commencez par les orteils. Remuez-les. Maintenant, sentez qu’ils se détendent… Détendez vos chevilles et vos pieds… Sentez l’énergie qui monte de la terre… de vos pieds jusqu’à vos genoux, et qui détend les jambes… Détendez les cuisses… L’énergie monte le long des jambes… et les détend. Maintenant détendez profondément vos hanches… votre ventre… et votre taille… Détendez votre dos… Votre dos est entièrement détendu, du haut en bas… Détendez votre poitrine et… vos épaules. Sentez simplement que vos épaules fondent… Détendez le haut de vos bras… Détendez chaque muscle de vos avant-bras… vos mains… jusqu’au bout des doigts… Détendez les muscles du cou… Portez votre attention sur votre visage… Détendez les mâchoires… la bouche… le nez… les yeux… les lobes des oreilles… les muscles du visage… le front… jusqu’au sommet de la tête. Sentez que tout votre corps est maintenant complètement détendu… Dirigez maintenant votre attention sur votre esprit, vous sentant profondément détendu à l’intérieur… Respirez calmement... Laissez votre esprit se relâcher. Déplacez votre attention vers le cœur… Émettez tranquillement l’idée que la Source de lumière illumine votre cœur de l’intérieur et attire votre attention. Sentez-vous immergé dans l’ amour et la lumière dans votre cœur. Restez dans le calme et le silence et absorbez-vous lentement en vous-même.

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LA NAT URE de notre être 2 e PA RT I E

Auteur de L'âme délivrée, un voyage au plus profond de nous-même, MICHAEL SINGER partage ses réflexions sur la nature du monde, de l'esprit et du cœur. Dans ce second volet, il plonge plus profondément dans la nature de l'esprit et du cœur et nous explique comment gérer les émotions suscitées par le cœur et être en paix avec la gamme immense de ses ressentis.


Gérer son cœur

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ourquoi notre cœur est-il attiré par certaines choses, et non par d'autres ? La réponse est assez simple : dans l'ensemble, notre cœur – tout comme notre mental – est programmé par nos expériences passées. Dans la philosophie yogique, on appelle cette programmation samskaras. Ce sont des impressions du passé qui ont créé certains circuits énergétiques ou configurations dans le cœur. Stimulé par un objet, le cœur aura tendance à projeter son énergie dans la direction qui lui est familière. Cela dit, il n'y a pas que les objets extérieurs qui stimulent le cœur – les pensées le font également. Comme vous le savez, le cœur influence le mental et réciproquement. Quand le cœur est attiré par quelque chose, le mental y revient sans cesse : nos pensées se fixent sur cette personne, ce lieu ou cette chose, alors que ce n'était pas le cas auparavant. De même, quand quelque chose nous effraie vraiment, on n'arrive plus à penser à autre chose. Je vais maintenant aborder la question du cœur d'une façon qui pourrait vous déplaire. Le cœur est un champ d'énergie très actif, avec des flux vectoriels sous-jacents, mais rien de tout cela ne nous concerne. Ce n'est qu'un élément parmi

d'autres dans notre champ de conscience. À un moment nous remarquons qu'une chose nous plaît, et cinq minutes plus tard elle nous rebute. Cela se produit constamment. Une personne qui nous attire profondément dit ou fait quelque chose qui nous déplaît et aussitôt nous nous détournons d'elle. C'est ce que l'on appelle le cœur personnel, car ses flux énergétiques sont configurés par nos expériences personnelles. Habituellement, la plupart d'entre nous suivons soit le cœur personnel, soit le mental personnel. En général c'est le mental qui l'emporte car, selon une logique basée sur ses expériences passées, il nous dit : « Je sais comment te rendre heureux. » Mais le mental n'a aucunement la capacité de nous rendre heureux. Tout ce qu'il sait faire, c'est penser. Le vrai bonheur vient du cœur. Le fait même de devoir réfléchir à la manière de trouver le bonheur rend la chose impossible. La seule chose dont le mental soit capable est de calculer ce qui pourrait nous rendre heureux sur la base de nos expériences passées. Or un instant il aime une chose, l'instant d'après il ne l'aime plus. Nous avons fait des milliards d'expériences, et ce que nous pensons vivre dans le moment présent reflète

La meilleure façon de faire la paix avec le mental est de se réconcilier avec le cœur.

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simplement le vécu qui s'en rapproche le plus et s'est réactivé. Finalement, on réalise qu'à force de se préoccuper des attirances et des aversions du mental on ne parvient plus à ressentir le bonheur véritable qui surgit spontanément du cœur. Vaut-il donc mieux suivre le cœur plutôt que le mental ? À vrai dire, aucun des deux ne peut nous mener là où nous voulons, car ni l'un ni l'autre n'est « nous ». Nous sommes celui qui fait à la fois l'expérience du cœur et celle du mental. Il nous est impossible de voir objectivement qui nous sommes, puisque nous sommes l'observateur. Que voit-on lorsqu'on regarde son propre cœur ? Nous pouvons constater par exemple qu'il s'ouvre et se referme – ce que nous ressentons comme de l'attirance ou de la répulsion, de l'amour ou de la peur. Lorsque le cœur s'ouvre à une expérience, nous ressentons une grande force intérieure, mais si quelque chose vient fermer notre cœur, toute cette énergie s'évanouit ou devient perturbatrice. C'est ce qui nous révèle que nous ne sommes pas notre cœur : nous étions là lorsque l'attirance s'est manifestée, et nous étions là lorsqu'elle a cessé

d'exister. Nous sommes celui qui, de l'intérieur, observe tous ces changements. Avec le temps, nous réalisons qu'il n'y a en nous qu'un seul « moi » – celui qui voit le monde, observe le mental et fait l'expérience du cœur. Il n'existe qu'un seul être conscient, celui qui vit toutes ces expériences. Et tout ce à quoi nous assistons n'a rien à voir avec nous. Seule la conscience d'être a quelque chose à voir avec nous. Lorsque nous atteignons cet état de conscience, nous sommes réveillés. Mais nous ne pourrons explorer la véritable nature de notre être que lorsque nous serons en paix avec le monde, notre mental et notre cœur. C'est là notre tâche spirituelle. C'est en honorant la nature du monde que nous parvenons à vivre en paix avec lui. Notre travail consiste à l'aimer, l'honorer, l'accueillir quand il vient, prendre congé de lui quand il s'en va. Car en réalité il ne fait que ça : aller et venir. Dieu cherche ainsi à nous enseigner quelque chose : chaque matin vient un jour nouveau, qui chaque soir s'en va pour ne plus jamais revenir. Il est là, et soudain il disparaît, comme dans les tours

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Gérer son cœur

de magie. Cela n'a rien à voir avec nous ; nous faisons simplement l'expérience de son passage. Mais l'incessante activité du mental nous empêche d'honorer le monde. En se basant sur les expériences du passé, le mental s'est fait sa propre idée de ce qui devrait arriver, et il est persuadé d'être dans le vrai. Un sage comprend que cette conviction fait partie de la nature du mental, et il ne la combat pas. Il regarde le mental personnel avec compassion, réalisant qu'il cherche simplement à résoudre les problèmes du cœur. La meilleure façon de faire la paix avec le mental est donc de se réconcilier avec le cœur. Le problème sous-jacent, c'est que le cœur n'est pas plein d'amour et de contentement, si bien que le mental cherche constamment à réarranger le monde pour pallier ce manque. Mais ces tentatives sont vouées à l'échec : il nous faut traiter directement avec le cœur. Le cœur a la capacité de passer de profondeurs abyssales aux sommets les plus élevés. Il peut être empli d'amour, de beauté et de chants, ou se sentir vide, douloureux et asséché. Cela fait partie de la nature du cœur humain. Tel un extraordinaire instrument de musique, il possède un immense registre. Mais si on ne parvient pas à en jouer, on se tourne alors vers le mental pour savoir que faire. On utilise le mental pour créer une autre réalité, où tout comblerait les désirs de notre cœur. Puis on sort dans le monde et on s'efforce de contrôler et de

manipuler les événements, afin de rendre notre réalité conforme à cette image. Et si nous laissons aller les choses, voilà les interactions que nous observerons entre le monde, le mental et le cœur. L'alternative consiste à apprendre à gérer notre cœur. Notre travail spirituel le plus important est d'apprendre à être en paix avec l'immense registre de notre cœur. En se réveillant chaque matin, il faudrait se dire : « Mon cœur est très intéressant, et aujourd'hui je ferai face à tout ce qu'il ressentira, quoi que ce soit et où qu'il aille. » Ce sera peut-être un amour intense ou une terrible peine. Nous nous retrouverons peut-être aux plus hauts sommets de notre être, pensant que c'est là le but de notre vie, ou nous en explorerons les bas-fonds, croyant que notre vie n'a aucun sens. Mais aucun des deux n'est vrai : ce ne sont que des lieux auxquels notre cœur a accès. Lorsqu'on se situe dans la conscience témoin, on s'émerveille devant le registre incroyable du cœur humain. L'amour, le mépris, la joie, le chagrin, la fierté et la honte ne sont qu'autant de lieux où le cœur peut se rendre, selon qu'il est ouvert ou fermé à ce qui passe par les sens ou par le mental. En fin de compte, notre incapacité à gérer ce qui vient du cœur gouverne notre vie tout entière. Ce n'est pourtant pas une fatalité. On peut célébrer la nature du cœur humain et éprouver une grande joie à explorer toute sa gamme. Les gens ne comprennent pas ce qu'est la voie du

Il faut apprendre à gérer notre cœur. Notre travail spirituel le plus important est d'apprendre à être en paix avec l'immense registre de notre cœur.

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La plus haute pratique spirituelle, chaque jour, à chaque instant, consiste à rendre leur liberté au monde, au mental et au cœur. Quand ils sont libres d'être fidèles à leur nature, alors nous aussi sommes libres d'être fidèles à la nôtre – à notre vrai Soi. Tel est le voyage de retour à la nature de notre être.

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bonheur inconditionnel. Cela ne signifie pas que notre cœur nage constamment dans le bonheur, mais qu'on est en paix avec tout ce que le cœur ressent. Voyez-vous la différence ? La conscience d'exister pour avoir l'honneur de faire ces expériences apporte une joie profonde. Les larmes qui coulent alors sur nos joues ne sont ni des larmes de tristesse ni des larmes de joie. Elles sont causées par l'insondable profondeur de l'expérience que le cœur nous donne à vivre. Le cœur est un fantastique cadeau de l'Univers. Il confère à notre existence une richesse inouïe, mais notre incapacité à le gérer nous prive de la liberté d'explorer la véritable nature de notre être. Cette liberté, nous l'obtenons lorsque nous apprenons à honorer le monde, à observer la nature transitoire du mental personnel, et sommes capables d'accompagner et de gérer les mouvements du cœur humain. Alors seulement nous pouvons nous installer confortablement dans notre Soi ; alors seulement nous sommes libres de nous fondre tout naturellement dans la véritable nature de notre être. Et quelle est la nature de notre être ? Le Christ a déclaré : « Moi et le Père sommes un. » La Genèse nous dit : « Dieu a créé l'homme à son image. »

Telle est la véritable nature du Soi, et nous pouvons en faire l'expérience directe. Rappelons-nous que, chaque fois que le cœur semble aller dans une direction qui nous semble impossible à gérer, nous avons la possibilité de simplement respirer et nous détendre à l'intérieur de notre Soi, au lieu de nous laisser piéger dans les jeux du cœur ou du mental. C'est la forme la plus élevée du yoga. La plus haute pratique spirituelle, chaque jour, à chaque instant, consiste à rendre leur liberté au monde, au mental et au cœur. Quand ils sont libres d'être fidèles à leur nature, alors nous aussi sommes libres d'être fidèles à la nôtre – à notre vrai Soi. Tel est le voyage de retour à la nature de notre être.

© 2012 by Michael A. Singer. Cet article est une transcription remaniée d’un extrait d’un CD audio The Clarity of Witness Consciousness Lecture Series : The World, the Mind, the Heart, and You, publié par Shanti Publications © 2009 Michael A. Singer. www.store.untetheredsoul.com www.untetheredsoul.com

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COMMENT MÉDITER? Asseyez-vous confortablement dans un endroit où vous pouvez méditer sans bruit ni distractions, de préférence au même endroit et à la même heure chaque jour. Éteignez votre téléphone portable et autres appareils. Fermez doucement les yeux et détendez-vous. Asseyez-vous le dos droit, mais sans rigidité. Prenez quelques minutes pour détendre votre corps avec la relaxation Heartfulness. Portez votre attention vers l'intérieur et prenez un moment pour vous observer. Ensuite, émettez calmement la suggestion que la Source de lumière est là, présente dans votre cœur. Pensez que cette lumière vous attire de l'intérieur. Faites cela de manière douce et naturelle. Il n'est pas nécessaire de vous concentrer. Si vous sentez que votre attention dérive vers d'autres pensées, revenez tranquillement à l'idée de la Source de lumière dans votre cœur. Laissez votre attention posée sur le cœur. Sentez que vous vous fondez dans cette perception. Vous allez peut-être dépasser l'état de vigilance pour atteindre un état de détente profonde. Tout va bien. Restez en méditation jusqu'à ce que vous sentiez qu'elle est terminée.

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Le goû t

VIE

DE LA

La magie commence en vous. Sentez votre propre énergie, et réalisez qu'une énergie semblable est présente dans la terre, les pierres, les plantes, l'eau, l e ve nt , l e fe u , l e s c o u leurs et les animaux. Scott Cunningham


Marcher Llewellyn Vaughan-Lee et Hilary Hart

D

ans notre vie contemporaine survoltée, nous sommes entraînés dans une activité incessante qui nous sépare constamment de la dimension plus profonde de nous-mêmes. Avec nos téléphones intelligents et nos écrans d'ordinateur, nous restons souvent à la surface de notre vie, au milieu du bruit et du bavardage qui nous distrait continuellement, qui nous empêche d'être enracinés dans notre vraie nature. Sans le savoir, nous sommes noyés de plus en plus profondément dans une culture de matérialisme sans âme. Il est donc de plus en plus important d'avoir des activités extérieures qui peuvent nous relier à ce qui est plus naturel et nous aider à vivre en relation avec l'environnement. Là où nous sommes profondément enracinés dans notre être, dans une conscience du moment qui seule peut donner un sens réel à notre existence quotidienne. Au fil des années, j'ai développé un certain nombre de pratiques simples qui associent l'action et une qualité d'attention centrée sur le cœur. Ces activités, comme marcher, cuisiner avec amour et attention, peuvent nous reconnecter avec le réseau de la vie, notre interconnexion naturelle avec la vie dans sa beauté et son émerveillement. Elles peuvent nous aider à « désencombrer » notre vie extérieure et à nous enraciner dans ce qui est simple et réel. L'une de ces pratiques, qui combine l'action et la sensibilisation, est la marche.

HeaHe r tfaulnes r tf ulnes s s


Éc o l o g i e spi r i t u e l l e

Marchez comme si, à chaque pas, vous embrassiez la terre avec vos pieds. —Thich Nhat Hanh

J'ai toujours aimé marcher à l'aube, sentir la terre au tout début du jour, percevoir sa pulsation, sa beauté et sa magie, avant que les pensées et les obligations ne viennent encombrer ma journée. Je me réveille tôt, prends une tasse de thé chaud, puis médite en silence jusqu'aux premières lueurs du jour. Je descends alors la colline jusqu'à la route qui longe les zones humides où je vis. Parfois le givre scintille autour de moi, parfois l'eau est recouverte de brume et la silhouette d'une aigrette blanche se dessine parmi les roseaux. Marcher, respirer, sentir la terre, c'est aussi une méditation silencieuse. Je m'efforce de faire autant que possible le vide en moi, d'être simplement présent dans le demi-jour et conscient de tout ce qui m'entoure. Prière, méditation, présence, conscience – ce ne sont là que des mots pour évoquer une immersion dans le mystère que nous appelons la nature. Ici le sacré me parle dans son langage, et je tente de l'écouter. Je vis maintenant près de zones humides, et les marées font partie de cette rencontre, de cette communion. Autrefois, dans d'autres paysages, c'étaient des rivières et des ruisseaux, des bruissements d'ailes d'oiseaux aquatiques, l'aube qui se levait sur des prairies. Ou encore, dans des forêts, d'autres chants d'oiseaux, ou des animaux qui trottent sur le sentier, une biche et son petit. Partout c'est une question d'écoute attentive, de profonde réceptivité à ce qui m'entoure, et d'hommage à un monde autre que celui des humains. C'est aussi un rappel de ce qui est essentiel,

fondamental, et cela me nourrit tout au long de la journée. C'est un retour au sacré senti et vécu, sans mots ni pensées – une conscience primitive, comme si c'était le premier jour. Je pratique cela depuis ma jeunesse – dès que j'ai commencé à méditer, j'ai ressenti le besoin de marcher. On ne me l'a pas appris, c'est venu spontanément comme une nécessité, une façon d'être, un antidote au monde qui m'entourait – un monde de gens et de problèmes, d'exigences et de désirs. Quand je mets un pied devant l'autre alors que le jour vient à peine de se lever, il me semble que ces tensions ne peuvent pas m'atteindre, comme si j'étais immergé dans quelque chose de plus simple, de plus essentiel. Cette façon de poser un pied après l'autre sur la terre est une pratique qui vient de mes propres profondeurs, et non pas d'un livre ou d'un professeur. J'ai appris plus tard qu'on l'appelait « marche sacrée », et c'est bien en effet un retour au sacré. Mais c'est encore plus profond et fondamental que n'importe quel but. La nature me parle et j'écoute. Elle appelle et quelque chose au plus profond de moi lui répond, que je n'ai qu'à laisser advenir. Je fais partie d'une vie bien plus vaste que n'importe quel « moi ». La terre nous nourrit : elle nous donne l'air que nous respirons et la nourriture que nous mangeons. Elle est généreuse à bien des égards, même si nous l'oublions ou abusons d'elle. Elle nous offre aussi une nourriture encore plus essentielle, un don invisible et intangible. Ma promenade matinale est

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Éc o l o g i e spi r i t u e l l e

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une communion – qui se change en une intense ivresse quand je suis réceptif. Elle me vient des paysages, de la mousse qui ruisselle des arbres, des fleurs roses et blanches qui accueillent le printemps, du cri d'un oiseau de mer. Les premiers rayons du soleil sont toujours une bénédiction. Ce n'est pas avec mon mental que je comprends cela, c'est mon âme qui le sent, qui en a besoin. C'est comme revenir aux origines, à ce monde primitif que nous n'avons jamais réellement quitté. Notre civilisation actuelle a beau l'avoir oubliée, reniée, recouverte, elle a beau prétendre que nous n'avons plus besoin de cette communion, mon âme et mes pieds savent qu'il n'en est rien. Ce monde primitif est le paysage de l'âme, tout comme le sont les zones humides qui s'étendent face à l'océan. Car il peut s'agir de n'importe quel paysage. Une promenade dans les rues de la ville est faite des mêmes éléments : les pieds qui touchent le sol, le rythme de la marche, la respiration, le même ciel au-dessus de nos têtes, le vent qui caresse le visage. Je voudrais pouvoir dire que cette pratique est facile, mais trop souvent je dois me souvenir

de me reconnecter à la terre, de vider ma tête de ce qui l'encombre, de mes pensées habituelles. Je dois rester dans cette conscience de l'instant présent, sentir mes pieds, sentir l'air, écouter. Je dois me rappeler que je ne suis pas séparé mais que je fais partie de tout ce qui m'entoure. Je dois mettre de côté le mythe de la séparation, cette grande contre-vérité. Nous sommes l'air que nous respirons, la terre que nous touchons, nous appartenons à la vie une et à ses multiples manifestations. Nous sommes la terre qui s'éveille au petit matin, nous sommes les bourgeons colorés qui éclatent au printemps. Être pleinement vivant, c'est sentir que nous faisons partie de ce grand mystère qui englobe tout. Ma promenade matinale est un souvenir, une reconnexion dont mon corps fait l'expérience et que mon âme ressent.

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Exercices pratiques Pas à pas, la marche renforce notre connexion à la terre. Être attentif au rythme de nos pieds, au balancement de nos bras, à l'inspir et à l'expir de notre souffle, à la façon dont la marche nous fait traverser l'espace et le temps, tout cela nous aide à développer cette relation à la terre, et nous rappelle consciemment et inconsciemment à quel point nous faisons partie de la nature. La nature est faite de cycles et de rythmes, et la marche – pour autant que nous ne nous focalisions pas sur notre destination – nous met en résonance avec cette réalité non linéaire.

Pour la pratique de la marche, il vaut

peut-être mieux commencer seul pour bien ressentir la communication intime avec la nature. Comme pour un rendez-vous amoureux au début d'une relation, on n'a pas envie de partager cette rencontre avec d'autres. Choisissez un moment où vous êtes seul et où il vous est possible d'écouter, d'entendre et de ressentir. Peut-être au début ou à la fin de la journée, avant que ne commence le tumulte de la vie, ou une fois qu'il a cessé. Les pauses de midi ou de l'après-midi au travail conviennent moins bien, mais si ce sont les seuls moments à disposition, veillez à ce que la promenade soit assez longue pour que vous puissiez vous débarrasser des pensées et des tensions de la journée.

Éteignez votre téléphone mobile, ou

mieux, laissez-le à la maison ou au bureau. Les vulnérabilités inhérentes à la vie sont parfois camouflées par nos dispositifs de sécurité, tels les appareils portables. Si vous pouvez vous passer de la sécurité qu'ils vous procurent, faites-le ! Les réseaux sociaux fonctionneront très bien sans être documentés sur votre marche.

Trouvez si possible un parc ou un sentier dans un bois tranquille. Laissez le rythme

de vos pas apaiser votre mental et créer un espace d'écoute. Ressentez le contact de vos pieds avec la terre et la circulation de l'air dans vos poumons. Observez ce qui attire votre attention, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur : les mouvements internes de votre corps, les sensations de chaleur ou de fraîcheur, la vue des oiseaux, le bruit d'un avion au loin. Laissez les pensées et les impressions aller et venir, elles font partie du rythme naturel de votre marche. Tout comme on revient à la respiration dans la méditation silencieuse, portez à nouveau votre attention sur vos pieds qui rencontrent le sol et le quittent.

Efforcez-vous de marcher tous les jours si vous le pouvez. Marchez sans attentes,

dans une attitude d'ouverture et de gratitude. Si vous éprouvez le désir de vous rapprocher de la nature et d'être mieux connecté à elle, laissez ce désir vous motiver et vous guider.

Sören Kierkegaard, philosophe existentialiste du 19e siècle, écrivit un jour dans une lettre adressée à sa nièce : « Tous les jours, je me promène dans un état de béatitude et m'éloigne de toute maladie. C'est en marchant que j'ai rencontré mes plus belles idées, et je ne connais aucune pensée, aussi sombre soit-elle, qui ne puisse être dissipée par la marche. » Il s'agit de la première des 10 pratiques décrites dans "Spiritual Ecology: 10 Practices to Reawaken the Sacred in Everyday Life", 2017, de Llewellyn Vaughan-Lee & Hilary Hart. Publié avec l'autorisation des auteurs.

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J'AIME LES REGARDER

envahir le ciel Le soir de la super lune, BRENDA NETH célèbre la Nature et l'intelligence des corbeaux, qui l'inspirent sur le chemin de son voyage intérieur.


Appre n d re à vo i r

J

'aime tant les voir se rassembler dans le ciel, battant de leurs ailes noires, croassant à l'unisson. C'est le jour du nouvel an 2018 et je suis sur le campus de l'Université de Washington à Bothell. Ils sont revenus : comme chaque soir 16 000 corbeaux se posent sur le sol, dans les arbres et sur les toits. Nous les regardons voler devant la super lune, nommée ainsi en raison de sa grande taille. Nul ne sait pourquoi 16 000 corbeaux se rassemblent chaque soir sur ce terrain de football, avant de rejoindre leurs perchoirs nocturnes dans les arbres en bordure du marais près du collège. Mon amie Jill se tient à côté de moi avec ses jumelles, et alors que nous contemplons la lune, nous les voyons soudain voler vers nous. Ils semblaient s'éloigner, mais c'était une illusion d'optique, ils escortaient simplement la grande lune à l'horizon, avant de retourner vers leurs nichoirs sur le campus du collège. La nouvelle lune se lève au moment où leurs croassements se fondent en un son unique. C'est un spectacle inouï que de voir ces colonies serrées voler vers nous en croassant. Je n'éprouve aucune peur, je ne ressens que de l'amour. Ils viennent simplement pour se reposer, non pas pour manger le maïs, détruire ou déranger qui que ce soit. Ils ne sont pas une malédiction pour l'environnement, bien qu'on les prenne souvent pour des pilleurs. Ils symbolisent pour moi le courage, car ils ont survécu tout au long de l'évolution et vivaient sur cette terre bien avant moi. Chaque fois que j'ai peur, je les vois, maîtres du ciel qui se posent et se promènent à la recherche de leur nourriture quotidienne, protégés et aimés de la Nature comme nous le sommes tous. J'aime tant les voir quand je flâne en ville, chez moi à Seattle. Mon cœur vole avec eux. Je les appelle « bien-aimés ». Je leur lance des graines de tournesol et, au lieu de se battre comme le font les mouettes, chaque corbeau donne de petits coups de bec

jusqu'à ce qu'il reçoive sa récompense : sa graine personnelle. Ces graines qui craquent sont pour moi une métaphore de mon cheminement spirituel. Je dois fixer mon attention sur ma propre faim spirituelle, sans combattre les autres pour atteindre le but en premier. En étant attentive à ce que je fais, je découvre le trésor que j'aurais pu manquer si je n'avais pas fait l'effort de briser les coques de ma résistance individuelle. Ces corbeaux savent quelque chose que nous aussi savons au plus profond de notre cœur. La spiritualité ignore la compétition, elle ne connaît que les rencontres de cœurs assoiffés. Sommes-nous comme ces corbeaux, évoluant au-dessus des superstitions, du jugement des autres et du nôtre ? Si, pour certains, les corbeaux représentent le mal, la mort ou la ruse, les milieux scientifiques les considèrent comme peut-être plus intelligents que les chimpanzés, nos frères les plus proches en termes d'intelligence. Dans leur livre, Gifts of the Crow, les Dr John Martzluff et Tony Angell rapportent des histoires et des recherches qui démontrent l'intelligence cognitive et émotionnelle de ces oiseaux étonnants. Les corbeaux, les corneilles et les geais sont des corvidés et ont tous la capacité de se souvenir, de créer, d'aider, de jouer et d'entretenir des relations. Ils ont des partenaires de vie, les jeunes restent avec leurs parents et les aident à élever les nouveaux oisillons ; ils ne sont pas dépourvus de compassion – ils assistent les handicapés – ni de fureur – ils tuent parfois leurs congénères. Ils ont même des rituels funéraires pour leurs morts. Les histoires étonnantes citées dans Gifts of the Crow illustrent bien la grande similitude qu'ils ont avec les humains. Au crépuscule de ce jour de nouvel an, mes 16 000 oiseaux bien-aimés ont regagné leurs perchoirs, me confortant dans la foi en mon cheminement. Si en une seule nuit, le sol du campus peut accueillir 16 000 corbeaux, alors mon cœur peut tous les accueillir. Une graine à la fois.


Yogasanas Heartfulness

PADMASANA La position du Lotus

Etape 1

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Pliez la jambe droite en tenant la cheville droite avec la main droite et le pied droit avec la main gauche.

légèrement sur le côté droit de la partie inférieure de l'abdomen.

Placez le pied droit fermement à la base de la cuisse supérieure gauche, au creux de l'aine, la plante du pied tournée vers le haut et le talon appuyant légèrement sur le côté gauche de la partie inférieure de l'abdomen.

Placez les deux mains sur les genoux dans la position de chin mudra (le pouce et l'index joints et les autres doigts étendus).

De la même façon, pliez la jambe gauche, placez le pied fermement à la base de la cuisse droite, la plante tournée vers le haut et le talon appuyant

Reposez les genoux confortablement sur le sol, gardez la colonne vertébrale, le cou et la tête droits.

Fermez doucement les yeux, gardez cette posture en faisant des respirations douces, longues et profondes – inspirez et expirez six fois. Relâchez le chin mudra.

Hea r tf ulnes s


Yo ga sa n a s He a r t fu l n ess

Etape 2

En inspirant, étirez les deux bras au-dessus de la tête.

à partir des hanches.

Expirez en maintenant vos bras étirés et en vous penchant lentement en avant

Gardez les yeux fermés, respirez profondément. Maintenez la position en faisant des respirations douces, longues et profondes – inspirez et expirez six fois.

Essayez de toucher le sol avec le front, les bras tendus et les paumes posées sur le sol.

Etape 3

Sentez l'étirement de la colonne vertébrale.

BÉNÉFICES:

En inspirant, levez lentement les mains en même temps que la tête ; en vous étirant vers l'arrière, étendez les mains sur les côtés, ramenez-les derrière le dos et entrelacez les doigts. En expirant, penchez-vous en avant tout en étirant les bras en arrière jusqu'à atteindre la position verticale. Essayez de toucher le sol avec le front. Gardez les yeux fermés, maintenez la position et faites des respirations douces, longues et profondes – inspirez et expirez six fois. En inspirant, remontez, relâchez la posture et détendez-vous dans la position de sithila dandasana (position de relaxation assise).

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Padmasana calme le mental, augmente la conscience et l'attention. La position des jambes et la pression des pieds contre les cuisses réduit le flux sanguin vers les jambes – ce flux est redirigé vers la région lombaire de la colonne vertébrale et vers l'abdomen et les organes pelviens, tonifiant ainsi les organes, les muscles et les nerfs de cette région. S'asseoir en position de padmasana renforce les muscles des cuisses et des mollets et contribue à éliminer l'excès de graisse dans l'abdomen, les fesses et les cuisses. Cette pratique favorise l'étirement de la colonne vertébrale, des cuisses, des chevilles, des genoux, des articulations et des muscles des mollets. Elle ouvre les hanches et assouplit les ligaments. Padmasana est le « destructeur de toutes les maladies ».

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Por tfolio

Art m édi tat i on Un essai de Fabio Kohler

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Q

uand un artiste crée un tableau, son esprit est continuellement absorbé par le travail en cours, par le choix de son objet, du thème, du meilleur matériau, des solutions techniques, etc. Il semble assez facile et naturel de méditer sur une activité matérielle. Mais lorsqu'il s'agit d'accéder à des états de conscience supérieurs dans le domaine spirituel, cela paraît plus difficile, car nous n'avons pas d'objet ou de point de référence extérieur comme point de départ. Je me pencherai donc ici sur le processus artistique de la créativité, pour observer comment une activité matérielle peut culminer en une expérience spirituelle. Avant même de débuter un processus créatif, il importe de se ménager des circonstances idéales. D'abord, il faut du temps pour faire place à la créativité. Une personne dont l'assiette est pleine n'est souvent pas d'humeur à sentir ou recevoir

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l'inspiration. La deuxième exigence est un cœur simple et pur. Troisièmement, il est utile de créer un espace – un environnement dédié exclusivement à la création artistique. Dans les premiers instants, l'artiste est inspiré par quelque chose qui le touche intérieurement, puis évolue vers un sentiment d'enchantement. Il entraîne son œil à devenir tel un nouveau-né observant le monde entier avec un sentiment d'émerveillement. Ensuite, il se donne suffisamment de temps pour observer le sujet, lentement, patiemment. C'est comme lire un roman de trois cents pages et raconter ensuite toute l'histoire. Si on ne prend pas le temps de lire le roman dans son intégralité, on n'obtient pas une vue d'ensemble. Plus tard, on commence à dessiner légèrement sur le papier ou la toile. À cette étape, on repro-

duit avec les mains ce que les yeux ont vu et ce que l'on a ressenti. Lorsqu'on observe quelque chose continument, les yeux se déplacent autour de l'objet. De la même manière, la main répète ce mouvement oculaire. Dans un premier temps, l'image dans son ensemble est esquissée sur le papier, ce qui définit la mise en page du sujet. C'est plus tard que nous entrons dans le détail. Il est très important de ne pas se perdre dans les détails à ce stade initial. Comme le dit un vieux dicton chinois : « Si vous voyez la feuille, vous ne voyez pas l'arbre. Si vous voyez l'arbre, vous ne voyez pas la forêt. » Après un certain temps, lorsqu'on a suffisamment d'informations visuelles sur le papier ou la toile, on peut se mettre à analyser les proportions, à identifier les abstractions géométriques dans les

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figures en apportant les corrections nécessaires. C'est là qu'entre l'esprit analytique, mais encore faut-il qu'il soit équilibré et intégré au flux naturel de la représentation. Plus tard, on observe la lumière et l'obscurité, en ajoutant des degrés d'ombre profonds et intermédiaires, et en laissant des espaces vides aux endroits où la lumière frappe le plus. S'il s'agit d'une peinture, l'étape suivante serait alors d'ajouter des couleurs et des nuances. À un certain point, l'objet extérieur n'est plus nécessaire. Maintenant, on explore en profondeur l'univers graphique ou pictural, devenu une nouvelle réalité. On exprime alors ses sentiments les plus intimes, tout à la liberté de contempler son monde intérieur. Cette étape peut prendre des heures, des jours, des semaines, des mois, voire des années.

Et même lorsque l'œuvre semble aboutie, on peut très bien continuer à la « cuire à feu doux » en faisant constamment de petits perfectionnements et affinements. En fait, l'œuvre d'art n'est jamais terminée, c'est un processus qu'on a abandonné à un certain point et que les autres perçoivent comme achevé. Pour exemple, on peut citer la Joconde, la célèbre peinture de Léonard de Vinci, qu'il peignit pendant trois ans et continua d'affiner encore onze ans avant de se séparer de son œuvre. Je trouve préférable de passer plus de temps sur un ou deux dessins, en approfondissant chacun d'eux, plutôt que de travailler sur plusieurs à la fois et de les finir trop vite. La profondeur qu'on atteint dans chaque travail a une grande importance. Cet approfondissement se poursuit d'une œuvre à l'autre – chacune conduisant à une

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profondeur plus grande dans la suivante. C'est un voyage vertical. À la fin, lorsqu'on est sorti du processus artistique et que l'on contemple son œuvre, toutes sortes de sentiments surgissent : « Comment cela s'est-il produit ? » ou « Qui a fait ça ? » En même temps, tous les efforts et les sentiments vécus en travaillant sont encore très vivants et nous mènent au travail à venir. On n'a pas le choix, il faut continuer à exceller, parce que l'œuvre d'hier, l'effort d'hier, ne satisfait plus l'âme. Cela continuera jusqu'à ce que notre dernier souffle sur terre marque la fin de ce processus.

La beauté ultime de la création artistique est d'affiner l'outil au point de devenir un canal de création réceptif aux inspirations venues du plus profond du cœur. Nous sommes voilà devenus capables d'intégrer complètement le processus artistique à la spiritualité.

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Up Yoga, l’art de la transformation 2500 ans d’histoire du yoga, Éditions La Plage. Nous sommes nombreux aujourd’hui à pratiquer le yoga pour son ouverture spirituelle et ses bienfaits pour la santé, mais bien peu à connaître son extraordinaire histoire. Ce livre exceptionnel invite le lecteur à explorer 2500 ans de culture et d’art : du premier manuel d’asanas aux photographies coloniales de fakirs, ce sont 200 chefs-d’œuvre qui illustrent les transformations artistiques, philosophiques et religieuses du yoga à travers les civilisations. Sept textes d’experts et d’universitaires explorent l’histoire et l’évolution de la pratique du yoga des temps anciens à nos jours, à travers les cultures hindu, jain, boudhiste, sikh et musulmane. https://www.laplage.fr

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O U V RAG E

F O R M AT I O N

M É D I T E R À D I S TA N C E

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Ap r il 2018

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À LIRE

The Heartfulness Way

Que feriez-vous si vous appreniez qu'il existe un moyen de transcender la souffrance et de renouer avec l'espoir et la joie ? Durant deux ans, un chercheur, J. Pollock, s'est entretenu avec un maître spirituel, Kamlesh Patel, pour explorer une approche de la vie extraordinairement simple, mais efficace, appelée Heartfulness. De cette complicité est né un texte lumineux permettant à chacun de découvrir la pureté, la paix et l'unité en lui-même : the Heartfulness way. En cours de traduction en français. www.theheartfulnessway.com

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COURS EN LIGNE MASTER CLASSES

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Découvrez le « Heartfulness Way » dans trois master classes de méditation en ligne et gratuites conduites par Daaji. Il vous enseignera les bienfaits multiples de la méditation quotidienne. Ces master classes seront disponibles chaque jour après votre inscription et accessibles tout au long de la journée. Chaque session dure 35 à 45 min. fr.heartfulness.org/masterclass

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“Le duo Rasa formé par Nicolas Delaigue (Sitar) et Nihar Mehta (Tablas) proposait un concert méditatif de musique classique de l'Inde, le 7 avril dernier au Heartspot de Nice. Cette musique est l'un des supports les plus puissants pour voyager dans son intériorité et expérimenter la paix intérieure. Les deux musiciens interprétaient des mélodies issues du répertoire des Ragas traditionnels (« ce qui colore l'âme »). Les émotions et les sensations qui naissent de cette musique mènent à une danse de l'esprit et à une profonde expérience méditative. Si l'initiative vous inspire, écrivez à art-connect@institut-heartfulness.fr

À S AV O U R E R

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Le magazine Heartfulness

H E A RTS P OT

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L E B I LLE T

de Daaji

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De la réunion à l'union à la fusion Quand deux personnes se rencontrent... Quand deux esprits se rencontrent... Quand deux cœurs se rencontrent… Quand leurs consciences à tous deux confluent en un seul océan… Quand ces deux-là se fondent l'un dans l'autre... Là fleurit l'esprit divin... Il y règne la joie et bien plus encore... Maintenant, le vrai voyage commence. Le contentement n'est pas l'union de deux cœurs. Il s'agit D'UNE SEULE & UNIQUE... EXISTENCE Après la fusion, l'existence individuelle est en parfaite harmonie avec le reste du Royaume de Dieu. Je n'ai besoin de rien. Je n'ai aucune raison de me plaindre. Je n'ai aucune raison de lutter. Mon cœur est serein et apaisé. J'ACCEPTE…


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