Février 2018
Vivre, tout simplement
6,50€
ASHTANGA YOGA
LA BIENVEILLANCE
Le secret du changement est dans la noblesse de caractère
Une interview exclusive de Chökyi Nyima Rinpoché
FOCUS : SOYEZ VISIONNAIRES
Comment imaginez-vous le monde en 2018 ?
Heartfulness Vivre, tout simplement
Rédaction – Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi, Genia Catala, Elizabeth Denley, Emma Ivaturi, Christine Prisland, Barbara Sonvilla Graphisme – Hélène Camilleri, Emma Ivaturi, Uma Maheswari, Rike Michaelsen, Nehal Tantia Traduction – Genia Catala, Sylvie Galland, Marie Laure Lagrange, Jean-Pierre Le Grand, Beba Marantz, Sandrine Nothomb, Michelle Pain-Orcet, Vincent Scarito Photographies – Designhorf, Steinar Engeland, Andy Klotz, Rajesh Menon, Mona Mishra, Cristian Newman, Justin Peterson, Evie Shaffer, Arnau Soler, Dawid Zawila Illustrations – Cristina Bernazzani, Luke Doyle Contributeurs – Meghana Anand, Yves Benhamou, Luke Doyle, Charles Eisentein, Patrick Fleury, Victor Kannan, Andy Klotz, Negin Motamed, NS Nagaraja, Kamlesh Patel, P. Rajagopalachari, Nimay Sheth, Hari Venkatesan Interviewés – Megha Bajaj , Nidhi Gupta, Chökyi Nyima Rinpoche
ISSN : 2491-2255 N° CPPAP : 0419 K 93360
Envoi des contributions et correspondance avec la rédaction en français, magazine@unimeo.com – en anglais, contributions@heartfulnessmagazine.com Publicité – en français, magazine@unimeo.com ; en anglais, advertising@heartfulnessmagazine.com Abonnements – en français, www.unimeo.com ; en anglais, www.heartfulnessmagazine.com Impression – Aumüller Druck, GmbH & Co. KG, Weidener Straße 2, D-93057 Regensburg Publication – Unimeo, 5 Esplanade Compans Caffarelli, 31000 Toulouse Droits d'impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l'éditeur 2018 © Tous droits réservés à Unimeo Editeur – Unimeo
www.heartfulness-magazine.fr Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate »
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Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l'Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
Contributeurs Kamlesh Patel Guide spirituel et responsable international Heartfulness, Kamlesh Patel incarne cette rare fusion du cœur oriental et de l'esprit occidental. Dans une approche à la fois scientifique et pratique, il partage aujourd'hui son expérience de la méditation et de la spiritualité dans des conférences, des interviews et des cours dans le monde entier. Auteur de nombreux écrits, notamment sur l'évolution de la conscience, il vient de co-écrire The Heartfulness Way : Heart-Based Meditations for Spiritual Transformation. Pour en savoir plus : daaji.org
Chökyi Nyima Rinpoché Rinpoché est un professeur de renommée mondiale et un maître de méditation dans les traditions Kagyu et Nyingma du bouddhisme tibétain. Ses enseignements se concentrent actuellement sur une chose très précieuse que nous, êtres humains, pouvons apprendre et maîtriser : la bienveillance. En plus de ses monastères et couvents au Népal, Rinpoché dirige les centres Rangjung Yeshe Gomde et les Maisons du Dharma dans le monde entier. Il est le fondateur de l'Institut Rangjung Yeshe, centre d'enseignement supérieur proposant des programmes d'études bouddhistes et de langues himalayennes, ainsi que du Rangjung Yeshe Shenpen, organisme social à but non lucratif qui aide les personnes défavorisées au Népal.
Negin Motamed Negin Motamed a été inspirée par le mystère de l'existence dès sa petite enfance, ce qui a développé ses intérêts pour la philosophie, la physique, la mythologie, la psychologie, la littérature mystique et l'art. Elle travaille dans le domaine de l'architecture et de la planification, et se consacre parallèlement à la peinture, la photographie et la poésie. Elle aime le contact avec la nature, que ce soit en faisant du jardinage, en se promenant ou simplement en l'écoutant en silence. Elle pense qu'aider les autres à se dégager de leurs complexités et à faire l'expérience de l'amour et de la joie l'a également aidée dans sa croissance personnelle.
Elizabeth Denley, Rishabh Kothari Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi Genia Catala, Emma Ivaturi
Oser rêver « L'avenir appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves », a dit un jour Eleanor
Roosevelt. Et l’histoire est pleine d’hommes et de femmes qui ont cru à une vision et l’ont défendue envers et contre tout. Ces précurseurs, en décalage avec leur époque de par leurs idées, leur sensibilité, leurs découvertes, leur prescience, n’ont souvent pas été compris par
leurs contemporains. D’autres, comme Martin Luther King, Gandhi ou Nelson Mandela, ont eu un impact immédiat sur la société et ont inspiré des millions de personnes.
Qu’ils aient ouvert des voies dans les domaines scientifique, politique, artistique ou de
la technologie, ils ont tous un point commun : l’absolue nécessité de suivre un appel, une
urgence, d’être cohérents avec eux-mêmes, fidèles à leur vision – quel qu’en soit le prix. À notre époque, Steve Job, reconnu lui aussi comme un visionnaire et un novateur, témoigne
qu’il n’a fait que suivre son cœur tout au long de sa vie. « Ne laissez pas le bruit des autres étouffer votre voix intérieure, disait-il dans un discours à de jeunes diplômés, ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. Ils savent où vous devez aller. »
Et c’est bien ce que nous inspirent les contributeurs de ce numéro. Kamlesh Patel nous
entraîne dans une vision renouvelée de l’antique tradition de l’ashtanga yoga, qui permet
de transformer notre caractère, de raffiner notre manière de vivre, en laissant la noblesse du cœur imprégner nos actions et nos comportements. Chökyi Nyima Rinpoché insiste sur l’importance de cultiver la bienveillance, une attitude rayonnante, capable de changer l’avenir.
Et les sœurs Megha Bajaj et Nidhi Gupta, dans leur approche révolutionnaire de l’enfant, ont développé une méthode qui éveille et stimule son potentiel de visionnaire.
Enfin Charles Eisenstein observe l’équilibre des forces dans le monde : d’un côté, les
gouvernements, les lobbies, la grande finance, et en face, nous, le citoyen lambda… sans aucune chance de pouvoir changer quoi que ce soit. Et pourtant ! L’auteur nous révèle, par les lois de l’inter-être, l’impact mystérieux du « petit » sur le « puissant », démontrant que chacun de nous peut contribuer au monde auquel il aspire.
Car le monde est ce que l’on pense qu’il est. Tout est possible. La rédaction
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l'interview
focus Le saut
Une nouvelle humanité Victor Kannan découvre de nouvelles dimensions de l'évolution.
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Éducation
Miraaya Un centre holistique unique en son genre.
Prenez soin de votre conscience
la pensée et l’action Réflexion
Méditer c'est agir
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Changer le monde
Points de vue
Charles Eisenstein se penche sur notre capacité individuelle à influencer l'avenir de l'humanité.
Trois questions sur les visionnaires
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Penser le futur
Soyez visionnaires P. Rajagopalachari nous encourage à suivre notre vision.
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Tout est interdépendant
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Agir autrement
Le négociateur Heartfulness
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Chökyi Nyima Rinpoché évoque le lien entre conscience et bienveillance.
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le goût de la vie
ça change tout Attitude
L'art de vieillir Negin Motamed nous invite à accueillir la sagesse et la beauté de l'âge.
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Portfolio
être inspiré La science de la spiritualité
Moment suspendu
Ashtanga Yoga - Niyama
Grâce intérieure, harmonie extérieure
Kamlesh Patel nous montre l'importance de la noblesse de caractère pour avancer sur le chemin spirituel.
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Sagesse populaire
Le secret du bonheur Un guide pratique pour être heureux.
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La recherche intérieure
La conscience du cœur Un dialogue sur le sens de la vie et de la mort.
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Créatures australiennes Des photographies de Andy Klotz.
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Être parent
Le temps qui guérit La tendresse change la vie.
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Up 82
sur le terrain 6
Au début de cette année, un groupe de huit jeunes Kényans s'est rendu à Kanha Shantivanam, le centre Heartfulness près d'Hyderabad en Inde, pour y suivre le cours de formateurs Heartfulness. Ils travaillent tous pour une ONG au Kenya appelée CAP Youth Empowerment Institute, où ils aident des jeunes défavorisés et vulnérables à développer leurs compétences et à trouver un emploi. À ce jour, ils ont aidé environ 16 000 jeunes et prévoient de pouvoir en aider 60 000 d'ici 2021. En 2016, le CAP a intégré avec succès la méditation Heartfulness à sa formation aux compétences personnelles. Voici ce que ces huit jeunes ont raconté après leur séjour à Kanha. Elizabeth Wambui Njuguna Naivasha Le sourire sur mon visage manifeste le bonheur que j'ai dans le cœur ici à Kanha. Mes deux
fossettes sont devenues encore plus profondes. Cette joie ne peut se mesurer. Mon travail au CAP ces quatre dernières années a donné un immense élan à ma vie, surtout depuis que les cours Heartfulness ont été intégrés au programme, il y a un an. Nos jeunes étudiants ont ainsi la possibilité de se détendre et de méditer avant de commencer leurs leçons. Le feed-back que nous donnent leurs parents est toujours positif ; ils s'étonnent : « Comment se fait-il que des enfants arrivent ainsi à méditer et à se concentrer ? » Je pense que Heartfulness a représenté un outil très utile, qui a vraiment aidé les jeunes dans leur apprentissage. La technique de nettoyage intérieur Heartfulness a joué un rôle majeur dans ma vie. Cela
Hea r tf ulnes s
me permet de bien dormir du fait d'avoir éliminé les soucis du jour ; et le lendemain je commence ma journée en me sentant fraîche et revitalisée.
Francis Mwago Mbugua Meru Après avoir commencé à pratiquer Heartfulness, je me suis soudain mis à changer. Parfois, on ne sait pas qu'on change, jusqu'à ce que les autres le remarquent et nous le disent. Après avoir reçu des compliments, j'ai pratiqué la méditation avec d'autant plus de sérieux. J'arrive maintenant à me focaliser dans la vie, avec ma famille et tous ceux qui m'entourent. Ce que j'ai appris de très étonnant, c'est que notre monde est déterminé par la façon dont nous sommes à l'intérieur. Si nous pouvons nous changer à l'intérieur, nous changerons tous ceux qui nous entourent, et aussi notre environnement.
Harun Mwau Watuka Nairobi Je me suis aperçu que certaines choses que je pensais ne jamais
Sur le terrain
pouvoir atteindre étaient tout à fait réalisables. Heartfulness m'a aidé à devenir et à être ce que je suis maintenant. Quand on a de l'amour dans le cœur et l'esprit en paix, grâce à Heartfulness, on est capable de se concentrer sur son travail, de prendre les bonnes décisions et de gagner du temps. Et c'est grâce à tout cela que j'ai pu réussir dans tout ce que j'entreprends.
comparé à tous ceux que j'ai connus, si propice à la méditation. Et puis il y a l'amour qu'on trouve ici. Tout le monde a été si accueillant. Spirituellement, nous avons été formés pour offrir la transmission à des groupes de personnes.
Lilian Chepng'Etich Lelei Thika
Je travaille au CAP depuis 2014, avec des jeunes qui semblent perdus quand ils arrivent. Si bien que leur transformation, qui en a fait des personnes considérées comme importantes dans la communauté, m'a profondément touchée. Après avoir été à Kanha je me sens tellement heureuse, tellement transformée. J'ai rencontré des gens merveilleux, et je me sens plus chez moi là-bas que nulle part ailleurs. Mon moi intérieur a changé – je n'ai pas de mots pour dire ce que je ressens, combien je suis heureuse. Je rapporterai tout Kanha au Kenya avec moi – l'amour, la joie, l'hospitalité, la beauté, tout.
Kanha est un endroit où on trouve la paix et où on fait l'expérience de quelque chose qu'on ne ressent pas dans le monde extérieur. C'est un très bel endroit pour se connecter à soi-même. J'ai beaucoup appris sur la façon de se comporter, de bien méditer et d'avoir de bonnes relations avec les autres. Je rapporterai beaucoup de choses avec moi : la principale est la méditation, qui nous aide à relever les défis quotidiens et à résoudre les problèmes. Les étudiants qui viennent chez nous au CAP ont beaucoup de problèmes à résoudre. Grâce à Heartfulness, nous pouvons les aider à s'accepter, à se connecter à eux-mêmes et à trouver des solutions en les amenant à prendre conscience que tout est sous leur contrôle.
Jacob Nyang'Owo Nairobi
Nicholas Mmaitsi Mwole Nairobi
Venir à Kanha m'a apporté plus de connaissances sur la méditation, et plus de compréhension de beaucoup de choses. Cela a changé ma façon de méditer. Cet endroit est si calme et paisible,
Au CAP, nous apportons aux jeunes des compétences qui les aideront à nager dans l'océan de la vie. Trois matins par semaine, nous commençons par 35 minutes de méditation Heart-
Juliana Wambui Mwangi Kakamega
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fulness, et nous observons les effets positifs sur les étudiants qui arrivent mieux à résoudre leurs problèmes, prendre des décisions et gérer leur colère. Kanha est impressionnant. Je n'ai jamais ressenti quelque chose de pareil. Nous vivons tous ensemble comme frères et sœurs. L'amour ici est incroyable. J'ai changé spirituellement. Maintenant, je peux faire une prière, méditer, et je connais la façon de procéder pour chaque pratique. Quand je rentrerai au Kenya, je raconterai à ma famille et à mes amis tout ce que peut nous apporter Heartfulness.
Sellah Opanga Achwanya Kisumu Kanha est plein d'amour. Les gens viennent de nombreux pays et on sent l'amour circuler entre eux. Ils prennent soin les uns des autres. Ils sont en paix avec tout ce qui les entoure. Je vais donc emporter la paix et l'amour qui sont en moi pour les partager avec tous les miens quand je serai de retour à la maison. J'ai vu combien Heartfulness aidait les étudiants au Kenya, en particulier le processus de nettoyage intérieur. Les élèves qui souffrent dans leur cœur, qui sont incapables de pardonner ou de lâcher prise, s'ouvrent et parlent de leur situation et de leur histoire. Tant qu'ils ne peuvent pas lâcher ce poids, ils ne travaillent pas bien, le nettoyage les a donc vraiment aidés.
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FOCUS :
soyez visionnaires Rêvez des rêves qui vous élèvent,
car ce que vous rêvez, vous le deviendrez. Votre vision est la promesse de ce que
vous serez un jour. Votre idéal est
ce que vous allez finalement dévoiler. James Allen
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une
humanité
VICTOR KANNAN nous présente une vision selon laquelle l'humanité entrerait collectivement dans une nouvelle dimension de l'existence, de la conscience et de la félicité.
Hea r tf ulnes s
Focus : le saut
L
a notion de don, dans sa magnificence, est vraiment l'essence de la spiritualité, c'est une source d'unité, d'amour et de compassion. Pour certains d'entre nous, c'est même le but de l'existence. Mais avons-nous tous la même compréhension de ce but ? Selon le professeur Lawrence Krauss1, l'existence elle-même n'en a aucun : « L'idée d'un univers sans but ne doit pas nous déprimer ni suggérer que nos vies n'en ont pas. De par des péripéties cosmiques sidérantes, nous nous trouvons sur cette planète reculée, dans un coin perdu de l'univers, dotés d'intelligence et de conscience. Nous ne devrions pas désespérer, mais profiter humblement de ces dons, en tirer le meilleur parti possible, et célébrer notre bref passage sous le soleil de la terre. » Dans un éditorial du Los Angeles Times2, il ajoute : « Vivre dans cet univers étrange et admirable qui est le nôtre, indifférent à nos désirs et nos espoirs, est pour moi bien plus satisfaisant
La perspective traditionnelle du succès et du pouvoir est aujourd'hui dépassée, au prof it de l'existence universelle et du bien commun.
que de vivre dans un univers de contes de fées inventé pour justifier notre existence. » C'est passionnant ! Cette perspective est libératrice. Cela signifie qu'on peut avoir un but individuel. Au lieu d'épouser une vision du monde imposée, nous pouvons créer nos propres mini-univers pleins de gens et d'aspirations, et décider ensemble du futur de nos sociétés. Et celui-ci évoluera à mesure que notre expérience collective nous apprendra comment mieux vivre et à quoi aspirer. La société est la somme des pensées individuelles, et actuellement nous voyons celles-ci changer très rapidement. La perspective traditionnelle du succès et du pouvoir est aujourd'hui dépassée, au profit de l'existence universelle et du bien commun : « Œil pour œil rend le monde entier aveugle. » Dans le jeu du progrès économique à somme nulle, la polarisation des nantis et des démunis s'est accélérée. Comme pour l'élastique, il ne s'agit pas de savoir si ça va casser et faire mal, mais quand. Une telle polarisation existe aussi dans le domaine du bien-être mental, émotionnel et spirituel, et beaucoup parmi nous se sont déjà éloignés du paradigme de la réussite et du pouvoir, pour aller vers « davantage de sens ». Ce changement mondial se manifeste dans divers champs de recherche. Par exemple, la psychologie de l'intelligence émotionnelle et la science de l'exploration neurale reflètent toutes deux ce mouvement des humains du monde entier vers « davantage de sens ». La théorie U d'Otto
1. http://genesis1.asu.edu/essay Krauss.html 2. http://articles.latimes.com/2012/apr/01/opinion/ la-œ-krauss-cosmology-design-universe-20120401 3. https://www.presencing.com/theoryu
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Focus : le saut
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Scharmer3, et la Grande Théorie du Tout du physicien Thomas Campbell l'illustrent également. Beaucoup d'autres contribuent aussi à ce débat qui prend de l'ampleur. Que ce soit le Dalaï-Lama, Daniel Goleman, Bruce Lipton, Oprah Winfrey ou Arianna Huffington, tous aident à faire entendre de mieux en mieux l'appel de la spiritualité. Tous ceux qui pratiquent la vraie spiritualité répandent l'amour universel, la paix et l'harmonie. Là où il y a l'amour, la souffrance des autres n'est pas tolérée, et encore moins provoquée. Le genre d'amour dont nous parlons est une « énergie vivifiante » qui ne se limite pas à la romance et à la passion. Là où règnent l'amour et la paix, une harmonie naturelle se répand. Même quand le tigre dévore une chèvre, cela fait partie de la survie de la nature. Le tigre s'arrête dès qu'il est rassasié. Si nous mangions uniquement ce dont nous avons besoin pour survivre – et pas plus – il n'y aurait ni destruction de forêts ni réchauffement climatique. Là où règnent l'amour, la paix et l'harmonie, on trouve un objectif commun, une productivité et un travail d'équipe d'un genre différent : ils ne visent pas seulement à créer davantage de confort sur le plan matériel, mais peuvent aussi provoquer un saut dans l'évolution humaine. On dit que tous les 100 000 ans, la vie sur terre est prête à faire un saut évolutif. Le dernier se serait produit il y a environ 100 000 ans, avec l'arrivée de l'homo sapiens sur cette planète. Peut-être sommes-nous à la veille du prochain saut évolutif. S'il n'est pas causé par des moyens pacifiques tels que l'amour, la compassion et l'harmonie, il le sera par des moyens destructeurs. Quand il n'y a pas d'autre remède, on combat le mal par le mal, en l'amplifiant. L'état actuel de l'humanité sera guéri par cet état même. Ce qu'il y a peut-être de mieux à faire est donc de prendre du recul, de participer au mouvement silencieux et paisible de l'épanouissement humain,
Là où règnent l'amour, la paix et l'harmonie, on trouve un objectif commun, une productivité et un travail d'équipe d'un genre différent : ils ne visent pas seulement à créer davantage de confort sur le plan matériel, mais peuvent aussi provoquer un saut dans l'évolution humaine. et de servir de canal au prochain saut évolutif quand il sera imminent. Si nous y collaborons, nous profiterons de la prochaine dimension de l'existence. Sinon, devrons-nous périr ? Le choix nous appartient. Nous pouvons nous fixer un but individuel motivant et nous rallier à la sagesse spirituelle séculaire contenue dans le troisième critère de réussite dans l'existence décrit par Arianna Huffington dans son livre Thrive. Celui-ci est constitué de notre bien-être, de notre aptitude à écouter notre intuition et notre sagesse intérieure, de notre sens de l'émerveillement et de notre disposition à compatir et à donner. C'est en comprenant cela et en acquérant ces compétences, et surtout en transmettant ces notions aux autres, que nous instaurerons collectivement la prochaine dimension de l'existence humaine, de la conscience et de la félicité – et verrons surgir une nouvelle espèce humaine.
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NOUS AVONS RENCONTRÉ LE DR NIDHI GUPTA ET MEGHA BAJAJ
MIRAAYA JEUNES VISIONNAIRES
Miraaya Holistic Growth Center est une organisation extraordinaire, unique en son genre, dont le but est de préparer les enfants à la vie et pas seulement aux examens, grâce à des cours donnés dans leur propre centre ou en association avec des écoles et des institutions préscolaires. Miraaya soutient également la santé holistique et le bien-être des adultes par des sessions en ligne individuelles et des cours pour entreprises. Miraaya a été cofondée par trois personnalités dynamiques : RAJESH CHAUDHARY, comptable et philanthrope, DR NIDHI BAJAJ GUPTA, physiothérapeute renommée et coach de vie et de leadership à travers le monde, et MEGHA BAJAJ, écrivain lauréate de prix littéraires, scénariste et éducatrice révolutionnaire. Lancée en 2012, Miraaya a reçu plusieurs prix et distinctions à l'échelle nationale et internationale, et les deux sœurs comptent parmi les 50 femmes les plus inspirantes en Inde selon We Are The City.
Fo cus : éducation
Qu'aimez-vous le plus dans l'enseignement ? Racontez-nous un moment clé de votre carrière.
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NG : Une tante qui vient de temps en temps en visite remarquera toujours qu'un enfant a grandi – ce que ne perçoivent pas ceux qui le voient tous les jours. C'est ainsi que je me sens lorsque je vois mes élèves une fois par semaine dans notre centre ou tous les trimestres dans les écoles. Je suis à même de les observer objectivement pour les aider avec amour à développer leurs forces et à s'améliorer dans les domaines où c'est nécessaire. J'aime pouvoir initier chez l'enfant une transformation qui l'aidera peut-être tout au long de sa vie. Ce rôle de mentor, de guide, me comble. Une de mes élèves, que ses camarades de classe taquinaient, commençait à faire des complexes à propos de sa couleur de peau et de son apparence. Quand elle me l'a confié, j'ai voulu qu'elle dépasse cela d'une belle manière. En plus de diverses feuilles de travail et d'histoires axées sur la croissance de l'amour de soi, nous avons apporté deux lapins en classe : un blanc et un noir. Les enfants devaient interagir avec eux et partager leur expérience. J'ai demandé à cette élève si la couleur des lapins faisait une différence. Après avoir réfléchi un instant, elle a répondu : « J'ai compris maintenant, professeur, ce n'est pas la peau qui compte, mais ce qui est à l'intérieur. » J'ai ressenti une bouffée d'amour, de fierté et de bonheur grâce à la leçon essentielle qui avait été apprise ce jour-là. MB : J'étais une enfant plutôt pensive, très créative, et un peu dyslexique. Même si j'ai étudié dans une des meilleures écoles de Mumbai – et je suis très reconnaissante pour tout ce que j'y ai appris – une partie de moi se sentait très seule et très incomprise. J'étais considérée soit comme hyper-timide, soit comme très arrogante. J'ai réalisé à l'adolescence à quel point il est important
Il est profondément satisfaisant de voir nos élèves s'épanouir : les plus timides trouver leurs marques, les trop sûrs d'eux trouver leur niveau, les plus compatissants éprouver encore plus d'amour pour les autres et pour eux-mêmes, et les plus créatifs trouver leur moyen d'expression privilégié.
pour un enfant d'avoir un mentor, un coach de vie, quelqu'un qui puisse l'aimer et l'accepter tel qu'il est, tout en le poussant à être meilleur, à se dépasser. Comme je n'en ai pas eu, jusqu'à ce que je trouve mon mentor spirituel, j'ai senti qu'il fallait que je sois cette ancre dans la vie de beaucoup d'enfants pour leur éviter de gaspiller tant d'années à se trouver, comme ça m'est arrivé. Nous avions un élève issu d'une famille aisée, très intelligent, et qui avait l'air bien élevé. Ça l'avait rendu un peu arrogant, et condescendant quand il s'adressait aux autres enfants qui lui en voulaient. En classe nous avons joué une petite histoire avec des œufs ; l'un d'eux s'imaginait qu'il pouvait constamment sauter d'un canapé en étant sûr que rien ne lui arriverait, et il a fini, hélas, par se casser lui aussi. Dans un environnement très aimant, et par l'expérience, nous avons réussi à faire comprendre à ce garçon de quoi il était question. Le fait qu'il en ait pris conscience –
Hea r tf ulnes s
Focus : éducation
oui, je peux être sûr de moi, mais pas trop – m'a rendue heureuse. Il est profondément satisfaisant de voir nos élèves s'épanouir : les plus timides trouver leurs marques, les trop sûrs d'eux trouver leur niveau, les plus compatissants éprouver encore plus d'amour pour les autres et pour eux-mêmes, et les plus créatifs trouver leur moyen d'expression privilégié. Que pensez-vous du système éducatif conventionnel ? Quels seraient les changements urgents à faire ?
Quels sont les défis que vous rencontrez dans le cadre de Miraaya ? NG : Aucune organisation n'est parfaite, et Miraaya a encore beaucoup de chemin à faire. Nous cherchons constamment à apprendre et à nous améliorer. Notre équipe est formée de gens passionnés qui aiment les enfants, et qui aiment aussi travailler avec des adultes, mais notre sens des affaires a besoin de beaucoup se développer. Nous avons fait appel à des experts en gestion d'entreprises pour nous aider en 2018.
NG : Je pense que les écoles font de leur mieux. Le hic, c'est qu'elles doivent tellement se concentrer sur les programmes d'études, et je trouve que le développement du QE (quotient émotionnel) d'un enfant ne devrait pas être entravé ni gêné. Je pense qu'un des changements les plus urgents et nécessaires serait de garantir qu'une heure par jour soit exclusivement consacrée à préparer les enfants à la vie. On ne peut pas se reposer sur le fait qu'ils vont l'apprendre comme ça, sur le tas. MB : Les écoles font du bon travail – et certaines de l'excellent. De façon générale on prend de plus en plus conscience de l'importance de l'éducation holistique et du développement de l'enfant. Mais ce qui me préoccupe, c'est qu'avec une proportion enseignant/enfant de 1:20, ou 1:40, dans certaines écoles, comment l'enseignant pourrait-il connaître chaque enfant intimement et traiter la myriade de problèmes qui surgissent en lui ? Je vois Miraaya comme un très bon appoint pour les écoles, car nous nous concentrons sur le développement holistique, le quotient émotionnel, et la formation de racines en nous efforçant d'insuffler aux enfants le sens de leur culture et la fierté de savoir d'où ils viennent et, à partir de là, où ils vont.
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Focus : éducation
Quelles sont les méthodes alternatives ou progressistes chez Miraaya ? Et pourquoi ce nom, que signifie-t-il ?
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NG : Miraaya utilise beaucoup de techniques qui développent l'attention et encouragent l'enfant à prendre conscience de son monde intérieur. La nature, les relations, les animaux et les plantes sont primordiaux dans notre approche. Contrairement aux écoles, tenues à un programme et à des délais, nous nous concentrons uniquement sur le développement de l'être intérieur de l'enfant. Nous modifions souvent notre cours du jour pour répondre à un besoin urgent et particulier d'un enfant, ce qu'une école normale ne peut pas faire, même si elle le souhaitait. Bien plus qu'un ensemble de compétences, c'est l'attitude que nous développons chez l'enfant, ce qui l'aide dans tous les domaines. Nous utilisons la méthode VAK (supports visuels, auditifs et kinesthésiques) dans notre salle de classe ce qui rend les sessions très vivantes. Pour rendre l'apprentissage plus passionnant et amusant, nous utilisons aussi des cartes mentales, des graphiques de l'âme, des diagrammes et des feuilles de travail pour « faire connaissance avec celui ou celle qui est en moi ». Après le cours, toute l'équipe se réunit pour discuter de la croissance et du progrès de chaque enfant et on consigne dans un livre des notes détaillées sur chacun d'eux. Nous les partageons avec les parents qui souhaitent nous rencontrer pour en discuter.
mondiale. Ils tiennent également compte des besoins des parents et des enfants pour résoudre les problèmes du quotidien. Miraaya peut s'intégrer dans n'importe quelle école dans le monde – nous avons déjà suivi plus de 25 000 élèves ayant fait l'expérience de Miraaya avec beaucoup de profit.
ressants ?
Avez-vous en tête quelques cas inté-
NG : Je pourrais vous citer des exemples chaque jour – car tant de changements tangibles et intangibles font désormais partie de notre quotidien.
MB : Même si j'aime un grand nombre de nos méthodologies, ce sont nos feuilles de route qui sont uniques et vraiment hors normes. Conçues pour faire jaillir le meilleur de chaque enfant, elles ont été créées par des écrivains amoureux de la vie, de la langue, et de parfaits coaches en leadership qui ont l'expérience de la myriade de problèmes auxquels les enfants sont confrontés à l'échelle
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Focus : éducation
Celui qui me vient à l'esprit est le cas d'un petit garçon qui avait développé beaucoup d'agressivité et avait pris l'habitude de frapper les autres enfants. Au lieu de lui dire de ne pas le faire ou de lui faire sentir que c'était mal, je lui ai demandé de toucher doucement mon visage avec ses mains, en lui disant : « Les mains sont faites pour aimer. » J'ai ensuite plongé ses mains dans la terre et l'ai encouragé à faire du jardinage en lui disant : « Les mains sont faites pour créer la vie. » Je l'ai aussi encouragé à peindre en lui disant : « Les mains servent à s'amuser. » Lentement, il est tombé amoureux de ses mains et de lui-même. Et cette habitude de taper les autres s'est arrêtée d'elle-même. Récemment sa mère, qui était à bout de nerfs, m'a envoyé un mail des États-Unis me racontant qu'il avait toujours été embarrassant pour elle de l'emmener chez ses cousins, sachant qu'il les frapperait, mais cet été-là il leur avait seulement donné des petites tapes, leur avait montré combien les mains étaient belles et leur avait appris tout ce qu'on pouvait faire avec elles.
MB : Une de mes étudiantes était persuadée de ne pas bien écrire. À chaque session nous lui avons un peu plus ouvert l'esprit, nous nous sommes assis avec elle dans la nature, laissant les mots lui venir et devenir pour elle un moyen d'exprimer ses pensées. Elle a fini par publier un petit article dans un journal national. Le bonheur que j'ai vu en elle m'a rendue heureuse. Nos vies ont été remplies de ces petits miracles… c'est une telle satisfaction de savoir qu'on peut changer chez un enfant un « je ne peux pas » en un « je peux » ; qu'on a la possibilité de les aider à surmonter leurs peurs et certains doutes sur eux-mêmes en créant un environnement dans lequel ils ont le sentiment d'être un champion ; et surtout de pouvoir les amener jour après jour à aimer apprendre. www.miraayathecentre.org
C'est une telle satisfaction de les aider à surmonter leurs peurs et certains doutes sur eux-mêmes en créant un environnement dans lequel ils ont le sentiment d'être un champion ; et surtout de pouvoir les amener jour après jour à aimer apprendre.
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Points de v ue
NOUS AVONS POSÉ À NOS LECTEURS TROIS QUESTIONS SUR LES VISIONNAIRES.
Q u e l l e e st vo t re vision de la planète Te r re e n 2 0 1 8 ? Q u e l e st l e v i s i o n n a i re q u i vo u s a l e p l u s i n s p i ré, e t p o u rq u o i ? Q u e l s p ro j e t s o u i n i t i a t i ve s v i s i o n n a i re s a i m e r i ez -vo u s co n c ré t i s e r ?
Ma vision pour la planète Terre en 2018, ce sont des découvertes révolutionnaires, des changements qui apportent des innovations, et davantage d'acceptation. Je vois des gens concevoir des idées innovantes et un nombre croissant de personnes ressentir le besoin de calmer leur esprit et de concentrer leur énergie sur le bien commun. Je vois les jeunes et les enfants prendre la relève et, avec leur logique et leur imagination, trouver des solutions durables aux problèmes de la terre, tels que la pollution, les risques de guerre, les catastrophes naturelles. Le besoin d'acceptation deviendra plus profond, et c'est l'art, la poésie, les récits et les médias sociaux qui déracineront le patriarcat, le racisme, les préjugés et les stéréotypes. Les gens seront plus tolérants les uns envers les autres et plus nombreux à prendre soin de leur santé physique et mentale. Je crois que chacun de nous a la possibilité d'être visionnaire. Pour ma part, je vois un
monde où chacun peut accéder à l'instruction et vivre sa vie dans le respect et la dignité. Où chacun accepte l'autre tel qu'il est, en s'efforçant d'accéder au meilleur de lui-même. Où des gens de tous horizons se rassemblent pour sauver la terre, des gens connectés les uns aux autres qui font tomber les frontières et cohabitent dans l'amour et la paix. L'idée peut sembler utopique, mais l'espoir, la foi et les prières adressées à l'univers font des miracles. Kashish Kalwani Delhi, Inde
Il viendra une époque différente, où être un humain signifiera avoir une certaine façon de ressentir et d'être conscient. Nous pourrions l'appeler douceur. Cette douceur émanera de chacun et touchera toutes les formes de vie. Le sentiment de notre identité, de notre moi ne sera pas délimité précisément ni teinté de peur. Au contraire, nous bénéficierons d'une intensité et d'une vitalité enrichies par les diverses fréquences et réponses des autres formes de vie. Nous nous sentirons plus vivants, plus connectés et plus
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aptes à évoluer et à créer que nous ne l'avons jamais été. Le spectre de l'existence sera amplifié et dépassera les limites de l'espace, du temps et de la manifestation. La beauté se déploiera comme dans les aurores boréales, mais nous la ressentirons et la connaîtrons dans notre intériorité. Cet état de l'être sera plus profondément en harmonie avec la source divine et nous ferons l'expérience de l'énergie de la joie de façon naturelle et normale. Pour le dire simplement, c'est la vision de l'amour libéré des contraintes qui limitent actuellement notre compréhension... Rosalind Pearmain Abingdon, Royaume-Uni
Points de v ue
Ma vision pour la planète Terre en 2018 ? Il y règnera davantage de bonté, d'acceptation et d'amour. Après des années de cupidité, d'hyperconsommation et de narcissisme, j'ai vraiment l'impression que les gens reviendront à leur cœur. J'imagine un changement dans le sens d'un courant qui est déjà amorcé. Je crois que l'empathie et la compassion généreront plus d'acceptation, d'amour et de bonté envers la Terre Mère et tous ses habitants. Martin Luther King avait une vision bénéfique pour toute l'humanité ; même si l'égalité raciale en était le moteur, sa réalisation impliquait l'acceptation des autres, la bonté et l'empathie à partir d'une vraie centration sur le cœur. Les visions concernent tout le monde, et il faut beaucoup de gens pour allumer une étincelle et la garder en vie jusqu'à ce que la vision soit réalisée.
Il se peut qu'il y ait des reculs et des détours, nous devons donc manifester la lumière de cette vision tous les jours dans nos cœurs et nos esprits. Et le moyen d'y parvenir, c'est de faire nos choix quotidiens selon cette vision et de renoncer aux tentations qui jalonnent nos vies. Comme je suis venue à la foi par la spiritualité il y a quelques années seulement, j'ai encore le souffle coupé en découvrant des visions et des visionnaires, et en voyant ceux qui travaillent quotidiennement à leur concrétisation. Leur foi, leur dévouement et leur persévérance m'inspirent et m'encouragent à agir quotidiennement pour réaliser mon but et ma vision d'un monde meilleur, dans l'acceptation des autres. Ruth Haynes Victoria, Canada
Chaque fois que je pense à ce sujet, je vois la Terre comme une personne et je l'imagine bouleversée et pleurant devant une ancienne photo d'elle, où elle était verte, florissante et joyeuse. Ma vision de notre chère Terre, bien qu'elle puisse sembler idéaliste et folle, serait de retrouver l'ancienne, plus saine et plus heureuse. Quand je dis saine, je veux dire lui restituer sa verdure, sa faune, les oiseaux rares menacés d'extinction, l'eau et l'air purs qu'elle dispense de façon naturelle à tout le monde. Ce serait aussi restaurer son magnifique équilibre naturel qui s'est altéré dans le monde d'aujourd'hui. Cette vision est quelque chose que je désire vraiment réaliser, même si cela prendra du temps. Je m'efforce d'y contribuer en faisant ma part, mais il faut absolument que tous y participent. Cela commence à la maison, par un mode de vie minimaliste. Je fais de mon mieux pour réduire les déchets, les répartir dans des poubelles séparées, faire du compost. Je plante aussi de petits arbres à la maison et dans les environs.
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De façon plus large, je pense que l'effet d'entraînement est déterminant. Par exemple, je veille à ce qu'au moins ma famille et mes proches saisissent l'importance de la nature et de la vie simple. Ils font de même avec leurs amis et leur famille, et ainsi de suite. Neelam Shivhare Toulouse, France
Devenez visionnaires 20
Dans une conférence donnée en décembre 2011, PARTHASARATHI RAJAGOPALACHARI parle de ce que signifie être visionnaire. Voici quelques extraits de ce discours inspirant où il éclaire différents aspects de la vision.
Nous utilisons tous le mot « vision » sans comprendre ce qu'il signifie vraiment. Une vision n'est pas un rêve. Un rêve est quelque chose qui vous arrive sans avoir été sollicité, même s'il peut avoir un certain but : chercher à vous éveiller, à prendre conscience d'une chose que vous devez faire, ou à laquelle vous devez faire attention, ou peut-être juste une chose en passant. Une vision n'est pas un rêve. Une vision a trait à l'état de veille. Même si la vision a quelque chose d'insistant, il ne s'agit pas d'une obsession, l'obsession est générée par ce qui vous possède (l'argent, la drogue, une histoire d'amour). Une vision ne vous possède pas ; c'est vous qui la possédez. Elle est à l'intérieur de vous et non à l'extérieur. Il existe des visions collectives, elles nécessitent non seulement une obéissance, mais une participation. Pour contrôler une armée, seule l'obéissance est nécessaire, mais notre participation n'est pas
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Focus : penser le futur
de ce type. C'est une participation intelligente et volontaire, c'est le partage d'une vision qui doit tous nous englober. La vision doit inclure de nombreuses qualités : la bonté, l'amour, la compassion, la clémence. Les possédons-nous ou nous contentons-nous de les prêcher ? Prêcher ne demande pas beaucoup d'effort, de force d'âme ou de quoi que ce soit d'autre. On peut vous apprendre à prêcher. Les visions ne sont pas floues, comme lorsque, détendu dans un fauteuil, on s'amuse à imaginer des possibilités. Ce sont des rêveries, pas des visions. La vision est résolue, déterminée. Le but ne quitte jamais votre esprit. Il est là, insistant. Il est là quand vous mangez, quand vous dormez, quand vous vous réveillez. Et quand les circonstances deviennent de plus en plus difficiles, la vision doit devenir toujours plus insistante, dominatrice, et vous pousser en avant. Selon vous, pourquoi le Christ s'estil laissé crucifier ? C'est elle qui maintient vivant le christianisme encore aujourd'hui, et sa poussée continue. Il y a certains cas où l'impulsion initiale est si forte qu'elle se prolonge durant des millénaires, voire des millions d'années. Prenez le Big Bang de la science, de la cosmologie – un seul bang, et il continue à produire l'expansion de l'univers ! C'est comme si vous donniez un tel coup de pied à un ballon qu'il continue encore sur sa lancée quelque part dans l'univers. Alors, qu'est-ce qu'une vision ? Comment la définir ? Certaines tribus primitives avaient un chaman, un sorcier-guérisseur, qui était censé avoir « le rêve ». On disait qu'il possédait le rêve, mais on ne précisait jamais ce qu'était ce rêve, ce que
rêvait le rêveur. Le rêve existait, et cela suffisait. Et cette vision donnait confiance à la tribu qui se savait guidée par le canal de quelqu'un choisi dans ce but, qui avait le pouvoir de libérer cette vision pour l'évolution de tous. Dans son essence, une vision est juste un atome, l'élément fondamental d'une pensée. Il est donc bon de penser plus, plutôt que de simplement écouter plus, noter plus, et décider d'en faire plus. Les gens qui en font plus sans écouter ni penser sont comme des petits soldats mécaniques ; vous les remontez et ils marchent – gauche, droite, gauche, droite. Alors, soyez courageux et pensez. Vous savez, il faut du courage pour penser. On disait aude sapere en latin. Le mot « audacieux » vient de là. Osez penser. Quand les gens n'osent pas penser, ils utilisent les pensées des autres. Babuji, qui avait lu quelques pages de la philosophie de Mills, mit le livre de côté en disant : « Je ne veux pas de ses pensées dans ma tête, je veux mes propres pensées dans ma tête. » Est-il devenu un homme instruit ? Non, il est devenu la connaissance même. Parce qu'au lieu d'avoir à lire des milliers de livres d'un millier de bibliothèques, il a créé sa propre base de connaissances, comme on dit dans le jargon moderne. Il l'a créée à l'intérieur de lui, dans son cœur. Avons-nous le courage de faire de même ? Vous pouvez l'avoir si vous osez penser – aude sapere. Dans le même ordre d'idée, il y a ce que Babuji appelle le kshobh, ou le Big Bang en physique. Nous avons chacun un kshobh, quelque chose qui explose soudain en nous, qui crée une vision. Ainsi, de la non-existence sort l'existence. Pour créer l'existence, vous devez être inexistant. Il faut donc être simple, vivre simplement, penser simplement. Ne pas avoir de pensées compliquées. Soyez simple, peu exigeant, mais avec une vision d'une puissance irrésistible, qui peut être l'âme de ce monde, et l'âme du futur.
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LA PENSÉE Chaque bonne action,
chaque geste constructif
fait briller la flamme un peu
plus haut. Peu importe si nos contributions nous semblent
petites ou insignifiantes –
quand nous faisons du bien
dans le monde, il s'additionne. David Suzuki
Mediter YVES BENHAMOU nous propose une réflexion sur la méditation et le rôle qu'elle joue dans différentes traditions religieuses et philosophiques.
V 24 Méditer, c'est se construire intérieurement pour se préparer à l'action juste.
oilà 37 ans que je médite, et chaque jour me convainc davantage que la méditation est une activité tout à fait naturelle, comme de penser, dormir ou respirer… naturelle et salutaire. C'est d'ailleurs une activité qui se retrouve dans toutes les civilisations. Le mot viendrait de la racine latine mederi, soigner, ou encore de medium, milieu, centre. Selon cette étymologie, méditer serait un moyen de soigner son « centre », de soigner l'intérieur de son être… Pour moi, méditer, c'est s'absorber profondément dans une pensée. Je préfère le mot absorption à concentration qui renvoie à un effort, une pression du mental. Le mot pensée reste néanmoins gênant puisque, pendant la méditation, notre mental se calme et peut devenir tout à fait silencieux. La méditation n'en reste pas moins une activité qui mobilise notre mental pour qu'il s'oriente vers l'intérieur… On voit que résumer en une formule ce que représente le fait de méditer est difficile, cela dit, ceux qui la pratiquent le confirmeront : la méditation est une expérience agréable et tout à fait apaisante ! Mais ce caractère apaisant pourrait être mal compris. Entre paix intérieure, ataraxie, équani-
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Réflexion
mité et… paresse, inaction, passivité, le pas est vite franchi. Or, précisons-le, la méditation, si elle exclut la vaine agitation, est bien une action à part entière. Cette activité nécessite même une structure intérieure solide pour pouvoir en explorer les bienfaits. En hébreu, le mot pour « méditation » (hitbonénout) est d'ailleurs apparenté au mot « construire ». Et le Talmud souligne qu'une bonne santé physique et mentale est nécessaire pour aborder la méditation dans la tradition judaïque ! Nous pourrions donc proposer une nouvelle formule : méditer, c'est se construire intérieurement pour se préparer à l'action juste. L' état méditatif peut également se vivre en pleine action, et non nécessairement en position assise, car toute action accomplie en conscience est de la méditation. Ainsi, au sens strict, la méditation est une double pratique : rester conscient et « actif » dans l'inaction ; et rester conscient et « inactif » dans l'action. Pour Maître Eckhart, philosophe allemand, dominicain du 13e siècle, la prière silencieuse (dont le silence justement n'est autre que méditatif ) permet selon ses propres mots, de rester libre en pleine action. Herrigel, philosophe du début du 20e siècle, connu pour son traité Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, va dans le même sens en exprimant ce « faire sans se laisser piéger par l'action », dans sa formulation : « s'efforcer à laisser faire ». Un « laisser faire » qui n' équivaut pas à un « laisser aller ». Quant au pape François, il invite à ne jamais opposer contemplation et action, mais toujours à les unir harmonieusement. Citant la célèbre phrase de saint Benoît qui recommandait au moine : « ora
et labora » (prie et travaille), il en propose une nouvelle interprétation : « prie et agis ». Pour les philosophes grecs, en particulier Platon, la contemplation est synonyme de libération du monde des sens, des désirs. Par la maîtrise de soi qu'elle permet, la contemplation est le moyen d'atteindre la perfection en affranchissant l'être de l'agitation, de l'aliénation, de la fuite du grand Soi – une attitude si courante dans nos sociétés modernes consuméristes – et de permettre l'action juste. Dans le bouddhisme, on compare l'esprit du pratiquant à une montagne que les vents ne peuvent ébranler : il n'est ni tourmenté par les difficultés ni exalté par le succès. Mais cette équanimité intérieure n'est pas non plus indifférence. Elle s'accompagne d'une véritable jubilation intérieure et d'une ouverture d'esprit qui se traduit par un altruisme à toute épreuve. Ce petit tour d'horizon nous a fait découvrir des constantes dans les diverses pratiques, et il en ressort que, dans toutes les traditions religieuses ou philosophiques, méditation et action sont étroitement liées et que l'une sans l'autre ne serait pas complète. La méditation apparaît ainsi comme le lit commun de l'expérience intime universelle et, par là même, le terrain le plus favorable du dialogue entre les hommes, que ce soit dans un cadre religieux ou profane, pour parvenir à la compréhension et à la paix. Elle n'a donc rien d'un repli sur soi, c'est au contraire un extraordinaire moyen de puiser l'essentiel en soi, de trouver l'assise intérieure, une manière de construire solidement son fondement pour être pleinement et efficacement engagé dans le monde.
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Tout est
` intErdependant
Un changement à l'échelle individuelle peut-il nous aider à résoudre les problèmes actuels de l'humanité et contribuer à créer le monde auquel nous aspirons ? C'est la question que développe ici CHARLES EISENSTEIN.
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P
ermettez-moi de vous parler d'une logique dans laquelle je baigne depuis que j'ai pris conscience, à l'adolescence, de l'état de notre planète : le monde a de graves problèmes. La crise est imminente – plus de temps à perdre avec de petites solutions insignifiantes : elles seront balayées par le tsunami du changement climatique, de l'effondrement économique, de l'holocauste nucléaire, des guerres pour accéder aux ressources raréfiées, et ainsi de suite. Bref, aux grands maux, les grands remèdes. C'est dire que tout ce que vous ferez au niveau local doit être transposable à grande échelle. À moins de devenir virale, votre solution n'aura qu'un impact négligeable. Cette logique implique évidemment une hiérarchisation qui valorise en priorité la contribution de certains individus – ceux qui ont le bras long, une grande tribune, une voix puissante, ou encore l'argent ou le pouvoir institutionnel capable d'influer sur la vie de millions de gens. Cette valorisation, vous en êtes conscients, se calque de très près sur la répartition du statut et du pouvoir dans notre culture dominante, ce qui devrait nous faire réfléchir. La logique du « grand » dévalue les efforts de la grand-mère qui passe la journée avec sa petite-fille, du jardinier qui restaure un petit coin de terre pour en faire un potager ou de l'activiste qui réussit à libérer une orque en captivité. Elle minimise la valeur de tout ce qui n'a aucun effet à grande échelle sur le monde – le féminin, le personnel,
l'intime, ce qui est calme et doux – en fait tout ce que dévalorisent le capitalisme, le patriarcat et la technologie. Pourtant, cette logique semble imparable. Mon message aura bien plus de portée s'il touche des millions de personnes plutôt que mille ou quelques-unes. Et si le jardinier fait une vidéo de la régénération de son lopin de terre et la diffuse sur les médias sociaux, son impact sera bien plus grand que s'il fait son travail discrètement. N'est-ce pas ? Nous en venons ici à ce que certains appellent « la théorie du changement », qui sous-tend l'ambition de faire quelque chose de grand, prévu pour toucher des millions de personnes. La force d'un individu est limitée, mais s'il réussit à coordonner l'action de millions d'autres, en devenant président ou pandit, par exemple, son influence en tant qu'agent du changement sera démultipliée. C'est pourquoi l'ambition de certains activistes ou responsables d'ONG fait parfois étrangement écho à celle des célébrités et des grands PDG, dans la course compétitive pour capter des financements, des membres, des likes sur Facebook, des listes d'adresses ou l'attention des consommateurs. Pourtant cette assimilation de « plus grand » à « meilleur », fondée sur un rapport de force, ne peut mener qu'au désespoir, à la paralysie et au burnout ceux qui cherchent à créer un monde plus juste du point de vue écologique et social. D'une part les élites dirigeantes, adeptes du statu quo, ont bien
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28 plus de pouvoir – plus d'argent, plus d'armes et, grâce aux médias, plus d'influence – que n'importe quelle organisation activiste. Et le combat semble perdu d'avance. D'autre part, si nous acceptons la formule « plus grand, c'est mieux », la plupart d'entre nous doivent vivre avec l'idée profondément démoralisante que nous sommes plus petits et moins bien. Combien d'entre nous avons une voix assez puissante pour atteindre des millions de personnes ? Évidemment pas beaucoup. Des philosophes et des moralistes se sont colletés durant des siècles avec une proposition plutôt décourageante : ce que l'on fait n'a aucune importance. Par exemple, quels que soient vos efforts pour recycler et conserver, ils ne feront aucune différence ; il faudrait que des millions de gens fassent de même ; et si tel était le cas, que vous le fassiez ou non n'aurait aucune importance. Les philosophes ont avancé divers
principes moraux et éthiques pour réfuter cette logique à première vue inattaquable. Principalement Kant, avec son « impératif catégorique » : agissez comme vous voudriez que chacun agisse en pareille situation. Malgré tout il nous faut une autre raison pour nous pousser à accomplir ces petites choses. Une raison qui va au-delà de « si tout le monde les faisait, on finirait par créer un monde plus beau ». Parce que vous et moi ne sommes pas « tout le monde ». Mon propre endoctrinement à cette logique de la grandeur a eu sur ma vie un effet insidieux, me poussant à toujours me demander si j'en faisais assez. Chaque fois que je m'attache à l'intime et aux petites choses de la vie, que je cesse de compter les heures pour cultiver une relation, embellir un espace ou entrer dans le monde intemporel des
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Aux grand maux, les grands remèdes. C'est dire que tout ce que vous ferez au niveau local doit être transposable à grande échelle. À moins de devenir virale, votre solution n'aura qu'un impact négligeable.
enfants avec mon plus jeune fils, j'éprouve un vague malaise : « Il y a quelque chose de plus important que je devrais être en train de faire. » La logique de la grandeur s'attaque au cœur même de la vie. Pourtant, nous avons tous une autre échelle de valeurs, qui tient les petites actions personnelles pour sacrées. Si un être cher a une urgence, nous laissons tout tomber, parce l'aider est alors la chose la plus importante au monde, tout comme de se rendre au chevet d'un ami mourant ou d'être là pour un enfant à une occasion particulière. De plus, la réalité dément souvent la logique de l'impact mesurable. Les actions les plus percutantes ont souvent été accomplies sans la moindre intention publicitaire. Rappelez-vous l'homme de la place Tian'anmen. Le symbole aurait-il été aussi fort s'il avait commencé par s'assurer qu'on le prendrait en photo ?
Dans mon travail, j'ai constaté que les réunions les plus chargées de signification ont été celles qui n'avaient pas été enregistrées, comme si le fait d'être dans une pièce à l'abri du monde extérieur nous avait permis d'entrer plus profondément dans une réalité à part. De plus, la puissance de ces rencontres semble s'être répercutée au-delà de l'espace et du temps, quand bien même rien n'avait été entrepris dans ce sens. Peut-être les lois de la causalité sont-elles bien différentes de ce qu'on nous a appris. Nous nous éloignons aujourd'hui de ce scénario qui nous isole les uns des autres et du monde, au profit d'une approche à la fois nouvelle et ancienne, que Thich Nhat Hanh appelle l'inter-être, ou l'interdépendance de tous les phénomènes. Dans cette perspective, le soi et l'univers se reflètent mutuellement ; ce que chaque être vit se déroule aussi dans un coin de nous-mêmes. Chacun de nos actes se répercute sur le monde entier et finit par nous affecter. Rupert Sheldrake appelle cela le principe de la résonance morphique – le changement à un endroit génère un champ de changement qui fait surgir des changements similaires partout ailleurs. Peut-être que cette transition est partiellement encouragée par l'étrange et croissante incapacité qui semble paralyser les pouvoirs qui ont le plus de moyens à leur disposition ? En dépit de leur
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puissance militaire, les États-Unis se montrent de plus en plus incapables d'atteindre leurs objectifs en matière de politique étrangère. Malgré sa pharmacopée et son arsenal d'antibiotiques, la médecine moderne paraît impuissante à endiguer une stagnation ou un déclin de la santé dans le monde développé. Et même si les banques centrales peuvent créer de l'argent en quantités infinies, elles sont impuissantes à redresser l'économie mondiale. En tant que société, notre confiance dans les méthodes et les moyens censés nous donner du pouvoir est en train de s'éroder.
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Le principe de l'inter-être ou de la résonance morphique coïncide avec ce qui se produit lorsque nous abordons avec amour, courage et compassion les êtres et les lieux qui nous entourent. Sans savoir pourquoi et comment nos choix peuvent modifier le monde globalement, nous sentons que c'est le cas – même si, paradoxalement, ce n'est pas ce qui nous pousse à agir ainsi. Ces moments, où nous choisissons d'écouter la voix du cœur plutôt que la raison calculatrice qui nous souffle que nous sommes déraisonnables, peu réalistes ou irresponsables, sont des occasions d'auto-création. Dans la perspective de l'inter-être et de la résonance morphique, cette opposition entre le cœur et l'esprit se désintègre. Chaque geste de compassion renforce le champ global de la compassion ; chaque choix de conscience renforce le champ global de la conscience. Chaque acte devient égal aux autres ; chaque acte s'amplifie, même si c'est à travers un processus tellement mystérieux et impossible à retracer qu'il échappe à toute séquence de cause à effet identifiable. Qui saura jamais quels fruits jailliront de la patience monumentale dont vous avez fait preuve avec votre enfant – et dont personne n'a été témoin – un certain après-midi si frustrant ?
Il existe une sorte d'éthique première, selon laquelle nous sommes tous d'égale importance et aucune vie humaine ne doit être valorisée au détriment d'une autre. De même, il doit exister une perspective divine en vertu de laquelle les décisions du président d'un pays n'ont ni plus ni moins de poids que celles du toxicomane solitaire dans sa ruelle. Les décisions de l'un peuvent avoir un effet visible et immédiat, tandis que celles de l'autre porteront fruit dans 500 ans. Nous ne pouvons pas le savoir. Cela ne veut pas dire que nous devrions nous investir dans l'humble et le petit avec l'espoir qu'ils auront un impact macroscopique, ni remplacer la valorisation de la grandeur basée sur la causalité newtonienne par une autre, basée sur la résonance morphique. Ce que je souhaite, c'est que l'approche basée sur une échelle de grandeur cesse de faire obstacle à l'amour en action. Je trouve pour ma part que la perspective de l'inter-être atténue le malaise que provoquent des questions comme : « Et si cela ne servait à rien et ne faisait aucune différence ? » Ce malaise est chevillé à la vision moderne du monde, notamment aux structures sociales de notre modernité, où nos liens personnels avec la communauté, le lieu, la famille élargie et les êtres du monde végétal, animal et minéral sont affaiblis ou rompus. Dépossédé de relations personnelles entières et complètes, le moi se sent déplacé, perdu et jamais tout à fait chez lui. Quand je suis en lien avec ceux et celles que je croise tout au long de la journée, quand je les connais et qu'ils me connaissent, je me connais aussi. J'appartiens à un lieu. C'est encore plus vrai si je suis en relation vivante avec les animaux, les plantes et la terre autour de moi et qu'ils me nourrissent, m'habillent et m'abritent.
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Nous ne créons pas des mouvements, ce sont plutôt les mouvements qui nous créent. Pareils à des déferlantes dans l'océan, ils surgissent, somme de millions d'ondulations qui se renforcent mutuellement. Quand je vois le figuier qui pousse dans mon jardin comme un individu unique avec qui j'ai une relation de soutien mutuel, alors je n'ai pas besoin d'une raison macroscopique pour m'en occuper, tout comme je n'ai pas besoin d'avoir une raison de m'occuper de mes enfants. Mais si je parle du problème de la déforestation mondiale, alors je ne vois plus les arbres comme des individus, mais comme les membres génériques d'une catégorie, comme des unités dont la seule qualité est qu'ils contribuent à une quantité. Si je pense en termes d'hectares ou de tonnes de carbone, alors bien sûr, plus il y en a, mieux ça vaut. Mieux vaut protéger un million d'hectares qu'un millier d'hectares. Mieux vaut protéger un millier d'arbres qu'un seul. Et pourtant, tout à l'heure, j'irai arroser mon figuier. La planète ne se porterait-elle pas mieux si je n'investissais pas autant d'énergie pour si peu de résultats ? Ne devrais-je pas agir à une plus grande échelle ? Autrement dit, le « plus c'est gros, mieux c'est » (bigger is better) est encodé dans notre système social moderne, tout comme dans la conception moderne des grands ensembles collectifs et impersonnels. Il est implicite dans la vision scientifique
du monde selon laquelle « seul ce qui est mesurable est réel », et dans un système économique qui assigne une valeur linéaire à toute chose. Pour l'esprit contemporain, œuvrer à une moins grande échelle est donc profondément irrationnel, voire subversif. Cela va à l'encontre non seulement de la programmation économique conventionnelle, mais aussi des concepts quasi-économiques utilisés en philanthropie (l'impact mesurable) et l'environnementalisme (la comptabilité carbone). Célébrer l'action à une petite échelle ne signifie pas nier la validité de toute initiative qui exigerait prévoyance et planification, et impliquerait des millions de personnes. Le problème, selon moi, c'est qu'une tendance innée, basée sur l'idéologie et l'habitude, incite l'esprit « modernisé » à envisager automatiquement les choses à grande échelle. Quand les gens me demandent pourquoi je ne fonde pas une organisation centrée sur mes activités professionnelles, je réponds que je ne suis pas certain que le monde ait besoin en ce moment d'une organisation de plus. Pour le meilleur ou pour le pire, les organisations se comportent en organisations. Or nous avons besoin d'autre chose
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– de quoi, je ne sais pas vraiment, mais cela aura peut-être une chance d'émerger si nous résistons à cette impulsion de tout faire croître.
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Face à l'ampleur des crises qui secouent la planète, le désir de trouver des réponses de même envergure est tout à fait compréhensible. Beaucoup de gens disent qu'on devrait créer un mouvement. Je crois que c'est faire fausse route : nous ne créons pas des mouvements, ce sont plutôt les mouvements qui nous créent. Pareils à des déferlantes dans l'océan, ils surgissent, somme de millions d'ondulations qui se renforcent mutuellement. En général, quand nous créons un jardin, fondons une coopérative, résistons à une expulsion ou plantons un figuier, ce n'est pas pour lancer un mouvement. À l'inverse, c'est plutôt le mouvement qui nous y incite, qui nous invite à participer, chacun à sa manière. En travaillant à notre niveau, nous laissons de côté l'ambition de sauver le monde, mais nous nous donnons une chance de prendre part à quelque chose qui pourrait précisément y aboutir. Pour moi, travailler à plus petite échelle, c'est avoir confiance, d'une certaine façon, que c'est la chose juste à faire, ici et maintenant. Si j'abandonne l'idée d'avoir un impact macroscopique, mon action devient une sorte de prière, comme si j'essayais de me mettre en phase avec le monde que j'aimerais voir émerger. Mark Dubois, un de mes amis environnementalistes, m'a raconté la triste histoire d'une rivière qu'un groupe de militants et lui ont essayé de sauver, face à un projet de barrage. Ils n'ont pu empêcher la destruction d'une portion de rivière magnifique, avec des écosystèmes vierges. Leur chagrin a été si intense que pendant longtemps ils supportaient à peine de se voir, tant ils étaient catastrophés. Leurs années d'activisme semblaient n'avoir rien donné. Par contre, ce fut le dernier
barrage construit en Amérique du Nord. Comme si leurs actions avaient été une sorte de prière. Comme si l'univers leur avait demandé : « Vous êtes certains que vous ne voulez plus de ces barrages ? Vos intentions sont-elles réellement pures ? » En se donnant entièrement à la cause, ils ont répondu à la question. Dans la perspective de l'inter-être, aucune action n'est perdue. Je suis conscient qu'il y a quelque ironie à vouloir assigner une place à l'action à petite échelle dans le contexte grandiose d'une nouvelle vision du monde. Par leur nature même, les visions du monde d'une portée universelle risquent de dévaloriser le local et le particulier, en gommant leurs différences d'une manière qui conforte le plus souvent l'hégémonie idéologique (voire les intérêts économiques et politiques) de ceux qui tiennent un discours d'universalisation. Avons-nous besoin de grands concepts comme l'inter-être ou la résonance morphique pour aider les petits et les humbles ? Je ne crois pas qu'il y ait de réponse facile à de telles questions, puisque toute réponse simple et catégorique serait ellemême à grande échelle, ne serait-ce que par le fait de critiquer des entreprises de grande envergure. Je choisis donc d'éluder la question pour offrir, avec mes excuses, une nouvelle proposition à portée universelle : commençons par nous libérer de ce réflexe d'émettre des jugements fondés sur l'échelle de grandeur.
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Comment obtenir des résultats durables grâce à des négociations Heartfulness
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Le mot « négociation » déclenche une réaction allergique chez la plupart d'entre nous. Il évoque la confrontation, l'argumentation et les débats. Nous avons souvent peur de perdre lors d'une négociation, et l'idée d'avoir le dessous nous stresse et nous met en colère. Certains se situent à l'opposé : ils aiment débattre et argumenter. Ils sont sûrs de gagner dans toutes les négociations et d'obtenir les meilleurs résultats. Dans une position comme dans l'autre, tous voient les négociations comme un bras de fer et croient qu'il y a toujours un gagnant et un perdant. Nous pensons surtout aux négociations dont les enjeux sont considérables, comme celles des pays en guerre sur les conditions de paix ou celles des entreprises sur les termes d'une fusion. En réalité
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nous négocions tout le temps – que ce soit avec un collègue pour décider où aller manger, avec notre conjoint quant au film à regarder ou avec les enfants au sujet du temps qu'ils sont autorisés à passer devant la télévision. En tant que jeune cadre sorti d'une école de commerce, j'aimais les négociations ardues. J'utilisais toutes les tactiques préconisées pour prendre le dessus. Mes préférées provenaient de livres tels que L'art de la guerre de Sun Tzu, Le prince de Nicolas Machiavel, Power, les 48 lois du pouvoir de Robert Greene, etc. J'y ai appris à mener des stratégies, à cacher des informations, à dissimuler mes véritables intentions et à ruser pour prendre l'avantage. Quelques années dans le monde des affaires m'ont fait découvrir qu'il n'était pas judicieux de gagner des négociations ponctuelles au détriment des relations. J'ai alors voulu obtenir des résultats gagnants-gagnants pour les deux parties et recherché le moyen de transformer un adversaire en partenaire. J'ai commencé à lire d'autres livres, et mes préférés sont devenus ceux du Harvard Negotiation Project : Comment réussir une négociation de Roger Fisher et Willam Ury, Beyond Reason de Roger Fisher et Daniel Shapiro, et Getting Together de Roger Fisher et Scott Brown. Ces livres m'ont appris à négocier des accords gagnants-gagnants tout en construisant des relations. En poursuivant mes recherches sur le moyen idéal de négocier, j'ai réalisé que nous nous focalisions principalement sur la tête, le siège de la logique et de la raison, et non sur le cœur, celui des sentiments et des émotions. Nous ne sommes pas assez attentifs à ce que font nos egos malgré nous. Les enseignements de Heartfulness m'ont conduit à une approche différente, où il s'agit
d'aller au-delà de la tête et de se servir du cœur. La tête continue à jouer un rôle en utilisant la logique et la raison, mais le cœur l'emporte en déterminant ce qui est juste, éthique et durable. C'est une approche naturelle et simple, qui néanmoins génère les meilleurs résultats pour toutes les parties impliquées. Elle nous évite d'avoir à jouer des rôles, à tromper l'autre et lui dissimuler nos véritables desseins ; elle nous permet au contraire d'être courageusement authentiques tout au long du processus.
Pensées et idées Perceptions de l'ego – moi vs toi Intellect – Logique et raison Mental – Idées et vagabondages mentaux
Sentiments et émotions Clarté vs doute
Peur vs courage
Amour vs haine
Paix vs agitation
Avidité vs contentement
État d'esprit initial – Soucis et inquiétudes – Désirs – Pensées et idées dans la tête Figure 1 - Aspects du champ vibratoire cœur-esprit
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Je voudrais partager cette approche avec vous dans cette série d'articles. La pratiquer fera de vous un négociateur Heartfulness. Si vous cherchez des techniques qui vous permettent de gagner au détriment des autres, cette série n'est pas pour vous. Mais si vous souhaitez négocier une victoire qui soit à la fois la vôtre et celle d'autrui, lisez la suite. Le premier pas à faire pour devenir un négociateur Heartfulness est de développer une conscience à 360 degrés pour percevoir les aspects subtils de nos têtes et de nos cœurs qui entrent en jeu lorsque deux individus négocient. Ce sont des aspects sous-jacents qui influencent la manière dont les négociations se dérouleront. Dans les articles suivants, nous aborderons chacun d'eux et la façon de les gérer. Comme chaque fois qu'il s'agit d'acquérir de nouvelles compétences, telles qu’apprendre à faire du vélo ou conduire une voiture, vous aurez de la peine au début à gérer les nombreux facteurs à prendre en compte ; mais la pratique aidant, cela deviendra une seconde nature, et vous adopterez cette attitude spontanément et sans effort. Considérons le cœur et l'esprit comme un champ vibratoire (fig. 1, p.35) : à l'un des pôles émergent constamment des sentiments et des émotions, à l'autre des pensées et des idées. Nous les répartissons en trois groupes : • • •
État d'esprit initial Sentiments et émotions dans le cœur Pensées et idées dans la tête.
plus amicale. Si vous n'aimez pas les cadres formels, une salle de réunions d'affaires pleine de gens en costume cravate peut vous amener à vous refermer sur vous-même et à manquer de souplesse. Les soucis et les inquiétudes – Chacun a une foule de choses qui l'inquiètent ou le préoccupent : ne pas être capable d'obtenir une augmentation de salaire peut signifier perdre la face devant ses pairs, ou acheter une nouvelle maison au-dessus de ses moyens et ne pas pouvoir la meubler pendant quelques années. Les désirs – Chacun est en proie à des désirs qui infléchissent et influencent constamment sa position. Mon désir peut se porter davantage sur le statut social apporté par une promotion que sur une augmentation. Je serais donc prêt à négocier une augmentation plus faible pour obtenir une promotion.
Sentiments et émotions dans le cœur Nous avons dans le cœur des sentiments et des émotions contradictoires. Tout au long du processus de négociation, l'équilibre entre eux ne cesse de se modifier. Gérer ces contradictions peut libérer une très grande aptitude à faire route vers les meilleurs résultats.
État d'esprit initial Ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas – Chacun a sa propre palette de goûts et d'aversions qui influence la négociation. Par exemple, je peux aimer la pizza, et si j'en mange une au déjeuner, je serais d'humeur
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Avidité vs contentement Paix et relaxation vs agitation Empathie, amour et compassion vs colère, haine et dégoût Peur, anxiété et nervosité vs courage et confiance Sentiment de clarté vs sentiment de doute et d'incertitude
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Idées et pensées dans la tête De même que notre cœur ne peut arrêter de ressentir, notre esprit ne peut cesser de penser. Il est également important de comprendre et de gérer les pensées et les idées qui l'habitent. Perception de l'ego – la perception que j'ai de moi vs celle que j'ai de l'autre. Intellect – j'utilise mon intellect pour fonder mes pensées sur la logique et la raison. Les vagabondages mentaux – les pensées et autres digressions de mon mental. Pour comprendre l'interaction de tous ces éléments, essayer le jeu de rôle suivant avec une amie :
Scénario Vous rencontrez une amie à l'heure du déjeuner pour discuter d'un projet de vacances conjointes pour vos deux familles. Vous aimez généralement la montagne, et votre amie choisit toujours la mer, vous savez donc que la destination fera débat. Elle a aussi tendance à dire : « Mon mari préférerait… » et à détourner la conversation. Vous avez l'intention de contrer cela en l'encourageant à prendre une décision.
Avant le jeu de rôle, prenez le temps de noter vos dispositions préalables en vous basant sur la liste ci-dessus. Lorsque vous commencerez à discuter des endroits où vous pourriez aller, soyez attentives aux sentiments et aux émotions de votre cœur figurant sur la liste. Observez également la perception que vous avez de vous-même vs celle que vous avez de votre amie. Notez tout raisonnement logique que vous adoptez pour avancer des arguments et vous opposer à d'autres. Notez les moments où votre esprit est distrait, erre, ou produit d'autres idées liées ou non à cette conversation.
Après le jeu de rôle, échangez vos notes et vos observations l'une avec l'autre. Cela vous donnera un aperçu de tout ce qui se passe sous la surface, même pour une négociation aussi simple que celle-ci. Dans les articles suivants, nous examinerons de manière plus approfondie comment gérer chacun de ces aspects pour devenir un négociateur Heartfulness. Notre but est que notre cœur guide notre tête, et que les deux travaillent ensemble pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
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UNE interview exclusive GABRIELE FONSECA s'entretient avec CHÖKYI NYIMA RINPOCHÉ à propos de la conscience et de la manière dont elle se développe grâce à la bienveillance.
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Prenez soin
de votre
Où la conscience entre-t-elle ? De quoi a-t-elle l'air ? Quelle forme a-t-elle ? Quelle couleur ? La science aujourd'hui s'intéresse au cerveau, beaucoup de recherches sont en cours, pourtant, cela fait des millénaires que nous nous intéressons à la conscience.
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Pouvez-vous nous éclairer sur ce que le bouddhisme dit de la conscience?
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Oui, je vais essayer. Mais il est difficile de parler de la façon dont la conscience se développe – quand, comment, pourquoi. Abordons-la sous un angle différent. Nous, les humains, sommes aussi des animaux donnant naissance à des petits et soumis à tous les hauts et les bas de la biologie et de l'existence. Alors, pourquoi des parents en bonne santé n'arrivent-ils pas toujours à concevoir un bébé, alors que certains couples qui ne sont pas en bonne santé ont facilement des enfants ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui entre en jeu pour qu'une nouvelle vie soit créée dans certains cas et pas dans d'autres ? Il s'agit d'une énergie particulière. Les bouddhistes l'appellent conscience-énergie. On pourrait aussi tenter d'appréhender la conscience d'un autre point de vue, en examinant ce que nous imaginons que nous sommes. Avec quoi nous identifions-nous ? Sommes-nous notre corps, notre richesse, notre famille ? De fait, le monde entier est notre « terrain de jeu » et nous développons un fort attachement au corps physique, à la richesse, à la famille, au nom, à la renommée, au pouvoir. Nous pensons vraiment que tout cela est à nous. Nous signons des documents qui nous donnent la propriété de certaines choses, et qui nous font dire : « Je suis le propriétaire. Je possède tout ça. » Mais en y regardant de plus près, nous n'en sommes pas vraiment les propriétaires. Nous nous leurrons – nous pensons posséder des choses alors que nous ne possédons même pas notre corps ! Tout cela est loué, comme un appartement ou une chambre d'hôte. C'est comme si, en logeant dans un hôtel, on se disait : « Cet hôtel est à moi. » On se cramponne si fort au physique... Pourtant, les questions qui méritent vraiment qu'on y réfléchisse sont ailleurs : comment la conscience est-elle entrée dans ce corps physique
et que deviendra-t-elle ensuite, puisque nous ne vivrons pas plus de cent ans ? Meurt-elle aussi, en s'évaporant comme de l'eau ? Sinon, où va-t-elle ? Avons-nous le pouvoir de la faire aller où nous voulons, ou est-elle hors de notre contrôle ? Si elle n'est pas sous notre contrôle, alors dans les mains de qui est-elle ? Entre les mains de Dieu, de Bouddha, d'Allah, d'Ishwara ? Si c'est le cas, quelle preuve en avons-nous ? Et si nous nous en remettons à eux, nous emmèneront-ils dans un bel endroit après la mort ? Qui le sait ? Qui nous le garantit ? Donc, parmi les milliards d'humains qui vivent aujourd'hui, il y a des croyants et des non croyants. La plupart des religions sont fondées sur la foi, mais la foi n'est pas l'apanage des religions, la foi est aussi la croyance en Dieu ou dans le principe divin. Si vous êtes bouddhiste, par exemple, mais que vous n'avez pas assez approfondi les enseignements, vous pouvez penser que Bouddha Bodhisattva vous aidera et vous guidera. Mais Bouddha dit bien : « Je ne peux pas te protéger. Je ne peux pas te sauver. Je ne peux pas te guérir. Je peux seulement t'apprendre à te sauver, à te soigner et à te protéger. » Alors qui protège qui ? Qui sauve qui ? La richesse me sauvera-t-elle ? Mon nom, la célébrité ou la puissance me sauveront-ils ? La famille me sauvera-t-elle ? Dieu me sauvera-t-il ? Je suis bouddhiste et Bouddha dit qu'il ne peut pas me sauver. C'est sans doute décevant, mais c'est très logique. Quand nous sommes malades, nous pensons que le médecin va nous guérir, mais ce n'est pas lui qui nous guérit – ce sont les médicaments. Ainsi, dans l'enseignement bouddhiste, les choses les plus importantes sont la bienveillance impartiale et la compassion. Nous ressentons tous, nous exprimons tous de l'amour et de l'attention – pas seulement les humains d'ailleurs, les animaux aussi – mais cet amour est partial. Nous nous fions à ceux qui nous font confiance, nous aidons et
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soignons ceux qui nous aident, nous aimons ceux qui nous aiment. C'est comme dans les affaires. Ce n'est pas si pur que ça. C'est pourquoi, pour les bouddhistes, la bonté et la compassion doivent être impartiales, elles sont autant destinées à ceux qui vous aiment qu'à ceux qui vous haïssent, à ceux qui vous aident que ceux qui vous font du tort. Car tous ont pareillement besoin d'amour et d'aide, directement et indirectement.
Comment est-ce possible ? Pour être capables de développer l'amour impartial, la bonté et la compassion – même envers des ennemis – nous devons prendre soin de notre conscience. Où la conscience entre-t-elle ? De quoi a-t-elle l'air ? Quelle forme a-t-elle ? Quelle couleur ? La science aujourd'hui s'intéresse au cerveau, beaucoup de recherches sont en cours, pourtant, cela fait des millénaires que nous nous intéressons à la conscience. Un jour ou l'autre, il nous faudra bien lâcher tout le reste – la richesse, la célébrité, la famille, et même ce corps, ce corps, constitué de cinq éléments, qui après la mort ne sera plus qu'une poignée de cendres, qui disparaîtra à son tour. Qu'en est-il de la conscience, disparaît-elle ? Non, elle ne disparaît pas, alors ne devons-nous pas de toute urgence prendre soin d'elle ! Personne
ne sait quand il lui faudra quitter cette maison dont il est l'hôte. On ne peut le prévoir. Alors que faut-il faire de cette conscience ? Quand faut-il la développer ? Maintenant ! Ne laissons pas passer un jour de plus, chaque seconde est précieuse.
Par quels moyens pouvons-nous développer la conscience ? La bonté et la compassion envers tous est la chose la plus importante. Pourquoi ? Cela met la conscience dans un état de flottement. Cela la purifie. Mais ce n'est pas suffisant. Nous avons besoin de la réalisation, et que devons-nous réaliser ? Que nous vivons dans l'illusion, dans la confusion. Rien n'est réel de ce que nous croyons être réel. Rien n'est permanent de ce que nous imaginons être permanent. Nous sommes même incapables de mettre le doigt sur le « moi », le « je », parce que « moi » et « je » sont dans l'erreur, prisonniers d'une croyance erronée. Il faut donc en apprendre plus sur la conscience. Comment en apprendre plus sur la conscience ? Je ne dirais pas que le bouddhisme est supérieur à d'autres systèmes, mais les enseignements bouddhistes contiennent de nombreux textes sur la conscience. Les réponses se trouvent dans le Dharma du Bouddha. La science moderne peut également nous ouvrir des portes. Les scientifiques
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sont dignes de respect et je pense qu'ils nous respectent aussi. L'un d'eux m'a avoué : « Maintenant je sais que je ne saurai jamais. »
Quels sont les liens entre la conscience et la bienveillance ?
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Je voyage beaucoup et je vois que le principal problème, dans ce monde, n'est pas le manque d'instruction, ni le manque de technologie, ni même un manque économique. En équilibrant vraiment les choses, tout le monde pourrait bien vivre. Le problème vient de ce que nous nous trouvons entre des extrêmes, avec des gens qui ont beaucoup plus que ce dont ils ont besoin et d'autres qui peinent à survivre. Et il y a tant d'argent qui va dans l'armement. Les humains sont intelligents mais ils font des choses horribles. Tout cela est extrêmement triste et douloureux, et ne semble pas s'améliorer. La technologie est devenue une puissance. L'intelligence artificielle se développe de plus en plus, on parle même de robots dotés de sentiments. Il ne s'agit pas d'une blague, ni d'un jouet. Cela signifie qu'on donne énormément de pouvoir et d'énergie à la technologie. Dans ce processus, nous devenons de moins en moins importants en tant qu'humains et nous laissons la technologie nous contrôler. Il est donc grand temps, pour notre bonheur personnel, de développer la bienveillance envers les autres, chacun dans sa région, dans son pays. Le problème aujourd'hui est le manque de bonté et de compassion. La conscience est tellement puissante que, si elle est mal orientée, le monde entier sera détruit par la technologie. Si au contraire nous nous tournons du côté positif, la conscience nous aidera et cela n'aidera pas seulement l'humanité, mais notre environnement naturel – ce qui sera bien plus important que la technologie. Sans eau, comment survivre ? Sans un sol sain, que pour-
rons-nous produire ? Il est temps de prendre soin de notre environnement global. Je me pose de plus en plus cette question : qu'est-ce qui manque le plus dans ce monde ? C'est l'entraide, c'est de prendre soin les uns des autres. C'est pour cela qu'il est si important de toucher tous ceux qui veulent en savoir plus sur la conscience. Nous devons vivre chaque instant avec bonté, avec bienveillance. C'est ainsi que nous pouvons contribuer à l'ensemble. Cette attitude a le pouvoir de guérir – et grâce à elle nous nous guérissons les uns les autres. Alors tout devient paix, harmonie, et il en jaillira un monde heureux.
La méditation peut-elle aider à développer la bonté et la bienveillance ? De nos jours, les gens utilisent si facilement les mots « méditation » et « pleine conscience », mais savent-ils de quoi il s'agit ? La méditation est quelque chose de si profond et comprend tellement d'étapes. Et pour vous guider dans cette exploration, la personne qui va vous enseigner la méditation est très importante. Elle doit connaître
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en détail le mental et la conscience et avoir de l'expérience pour pouvoir enseigner ou partager. Ce n'est pas un jeu et nous ne devrions pas nous lancer dans des expérimentations les uns avec les autres, car le domaine du mental est beaucoup plus sensible que le domaine physique. Nous ne nous attendons pas à ce que des médecins jouent avec notre bien-être physique, en nous donnant de mauvais médicaments, cela peut être dangereux. Mais il est encore plus important de veiller à notre bien-être mental. Nous ne devrions pas jouer parallèlement avec différentes sortes de méditation, cela aussi peut être dangereux. Le problème aujourd'hui c'est que beaucoup de gens ne veulent pas apprendre auprès d'un bon enseignant – souvent parce qu'ils voient cela comme de la religion. Alors ils se retrouvent coincés dans des méthodes qui se réclament de toutes sortes de choses et ne parviennent pas à développer leur conscience. Beaucoup sont très intéressés par la pleine conscience et la méditation. C'est bien, mais ils ont vraiment besoin de savoir pourquoi et comment, et de discerner quels effets résultent de quelle qualité de méditation. Vous avez demandé comment développer la bonté et la bienveillance. La bienveillance a pour base le calme. Sans calme, pas de bienveillance. Sans bienveillance, pas de réalisation. Tout cela est lié. Sans fondations, il n'y a ni murs ni plafond.
Et qu'en est-il du cœur ? Ces temps-ci, on parle beaucoup du mental, du cerveau, du cœur et du sentiment. Je peux penser et comprendre avec ma tête, mais je dois réaliser et avoir de l'expérience à travers mon cœur. Une fois que l'expérience m'est venue par le cœur, je peux comprendre grâce à mon mental.
Nous devons vivre chaque instant en pleine santé, de façon joyeuse. Et cela n'est possible qui si nous fondons notre vie sur la bonté et la bienveillance. Une émotion négative nous rend malheureux, alors qu'une émotion positive nous rend heureux. Or personne ne veut être malheureux. Tout le monde veut le bonheur. Alors, comment y parvenir ? J'entends souvent ce genre de messages : « Je ne veux pas méditer. Ça ne m'intéresse pas. Je suis libre penseur, je suis médecin, je suis un scientifique. Je ne veux pas avoir à faire avec la religion. Pourquoi prier ? Où est le Divin ? Où est Dieu ? Je ne crois pas à tout ça. Je fais confiance aux pilules parce qu'elles fonctionnent. Je fais confiance à l'alcool ou même à d'autres substances. Ça me rend calme, ça me fait du bien. » Mais ces substances ne vous apportent pas le bonheur ; elles ne font que vous embrumer l'esprit et vous abîmer le cerveau et le cœur – en plus de vous rendre dépendant. Alors que faites-vous ? Comme vous voulez toujours profiter de la vie, vous partez en vacances dans l'idée que ça vous requinquera, que votre mal-être disparaîtra. Vous découvrez de beaux paysages, vous écoutez des musiques inhabituelles, vous mangez la meilleure nourriture du monde. Cela vous apporte-t-il le bonheur ultime ? Alors, quelle est l'émotion positive, l'approche positive ? Commencez par apprécier tout ce que vous avez. En ce moment vous êtes heureux, alors comment ne pas vous entendre avec les autres ? Pratiquez le pardon, excusez-vous, ne laissez pas pourrir les problèmes, ils vous rendront malade. Résolvez-les le plus rapidement possible. Si vous êtes jaloux du succès des autres, vous vous infligez des tortures mentales inutiles. Vous n'en tirerez aucun avantage. Vous n'éprouverez que de la colère, de la souffrance et peut-être même pire que ça ! Alors que faire ? Vous réjouir. Les émotions positives débouchent sur le bonheur.
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ÇA CHANGE TOUT Ce ne sont pas les astres qui fixent notre destin, mais nous-mêmes qui le tenons entre nos mains. William Shakespeare
L Art
DE VIEILLIR
NEGIN MOTAMED nous parle du vieillissement dans une société qui pousse à rester jeune, beau et en bonne santé le plus longtemps possible, et nous offre une source d'inspiration pour aller à contre-courant et vieillir en conscience et en beauté !
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Attitude
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uand on parle de vieillir, dans le monde d'aujourd'hui, on dirait toujours qu'il s'agit de quelque chose de négatif, par quoi il faut « passer », comme on traverse les traumatismes, les chagrins et les maladies. Du point de vue matériel, ça ne fait aucun doute, c'est la vie qui décline, c'est un processus de diminution, de lente destruction de la matière qui s'installe. Nous assistons à la déformation de notre corps qui passe peu à peu de fort à fragile, de dynamique et souple à voûté. C'est en clair la route qui nous mène à la mort. Et de même que la mort est taboue dans notre culture matérialiste, le vieillissement l'est aussi. D'où la gigantesque industrie des produits anti-âge, des suppléments de toutes sortes, des injections de Botox, des opérations de chirurgie esthétique et autres tentatives de repousser l'inéluctable. C'est la démonstration que notre culture ne l'accepte pas comme une étape naturelle de la vie. Cette résistance obsessionnelle au vieillissement s'est transformée en une peur profonde dans notre conscience collective, à tel point que certains, pour conserver leur jeunesse, ne vivent pas pleinement leur vie ; ils font des compromis, ne profitent du contact doux et bienfaisant du soleil sur leur peau que pendant quelques minutes avant de se couvrir de vêtements et de crème solaire. D'autres cachent leur âge comme si vieillir était un crime ! Pour moi, cacher ou réduire le nombre des années vécues est le signe que nous n'avons pas le sentiment de les avoir vraiment vécues. Et si on les a bien vécues, pourquoi ne pas en être fier et en parler comme d'une partie significative de sa vie ? Le vieillissement fait partie du cycle naturel de l'existence ; il suit son cours, tout comme le cycle des saisons. Le passage du printemps à l'été,
puis à l'automne et à l'hiver se produit que nous le voulions ou non ! Et lorsque nous l'acceptons et suivons le courant de la vie avec élégance, tout prend une autre qualité, nous devenons partie prenante de ce processus, nous n'avons plus à lutter, et notre point de vue change : de victime nous devenons co-créateur. Nous revendiquons et reprenons le pouvoir que nous donne la Nature. Ayant abandonné le refus, nous participons activement et joyeusement au processus. Mais que signifie en réalité participer joyeusement au processus de vieillissement ? Le premier pas est évidemment de l'accepter comme une évidence. C'est accueillir résolument cette nouvelle étape de notre vie, se renseigner sur les transformations à venir, depuis les changements physiologiques de nos hormones, de nos muscles et de nos os, jusqu'aux changements émotionnels. C'est comme se préparer à l'automne avant la fin de l'été. Nous sommes parés, nous savons exactement ce que demande le jardin. Nous commençons à collecter les graines des fleurs, engranger les récoltes, préparer le sol pour le printemps, planter les bulbes dans la terre… De même, en nous familiarisant avec les changements qui se produisent en vieillissant, nous pouvons nous préparer mentalement et choisir une stratégie. Certains voudront déménager dans un espace plus petit pour faciliter son entretien et passer plus de temps à voyager, à se détendre ou à cultiver de nouvelles habitudes, comme la méditation, le yoga, une alimentation plus saine, etc. À ce stade de notre vie, nous avons généralement moins de responsabilités envers les enfants et plus de liberté financière pour suivre une nouvelle vocation. Ainsi, certains d'entre nous décideront de consacrer leur temps au service de la société,
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bénévolement ou dans le cadre d'une nouvelle carrière, en faisant quelque chose qui les inspire. Tout est possible quand nous laissons le vieillissement apparaître pleinement dans notre être, et donc dans notre vie, et que nous acceptons de suivre le courant, en observant attentivement nos changements intérieurs et extérieurs. Nous remarquons alors que certaines choses moins d'importance, alors que d'autres en ont bien plus. Nous observons les modifications et le ralentissement de certaines fonctions du corps, nous voyons notre peau se rider et nos cheveux blanchir. Au lieu de nier ces faits et de résister aux changements intérieurs et extérieurs, nous pouvons choisir de les regarder avec un certain émerveillement, de nous arrêter pour réfléchir à notre nouvelle condition, puis d'agir en conséquence.
Prendre de l'âge est quelque chose qu'il faut explorer avec un esprit et un cœur ouverts, avec curiosité et respect, comme si nous nous préparions à un voyage vers une terre vierge, un pays inconnu ! En fait, à mesure que nous vieillissons, notre apparence reflète nos vieux schémas de pensée, nos habitudes et notre mode de vie. Alors tout ce qui nous déplaît quand nous nous regardons dans ce miroir changeant, nous devons le transformer à l'intérieur ! Nous sommes constitués non seulement d'un corps matériel, mais aussi d'autres couches non matérielles et plus subtiles – notre intellect, nos facultés de pensée, notre couche émotionnelle, notre ego et notre conscience globale. Ces couches non visibles, non physiques et plus profondes, font de nous ce que nous sommes réellement.
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Quel est le sens de disposer d'une vie humaine ? Qu'est-ce qui la rend particulière ? Cela ne vient pas seulement de ce que nous avons un plus gros cerveau et que nous marchons sur deux pieds, en d'autres termes ce qui nous différencie d'autres espèces. Notre aspect physique, avec tout ce qu'il a d'unique, fait simplement de nous une autre espèce animale. Ce genre de considérations nous oriente de plus en plus vers nos aspects spirituels, qui, à l'inverse de notre apparence physique, peuvent se perfectionner à mesure que nous vieillissons. Ils représentent un potentiel que nous pouvons cultiver pour nous épanouir. Il va de soi que toute personne vieillissante ne devient pas forcément plus sage ni ne se développe en conscience, mais cette possibilité s'offre à nous quand nous commençons à explorer cet aspect de notre être et que nous travaillons à notre croissance. Lorsque notre beauté extérieure s'efface, il arrive qu'une porte s'ouvre sur notre monde intérieur et que, grâce à l'observation consciente, nous soyons guidés de façon naturelle vers la découverte de ces autres couches de notre être. Tout cela fait partie de la participation active au processus de vieillissement. C'est d'ailleurs la raison qui sous-tend le respect ancestral pour les anciens qu'on rencontre dans toutes les traditions et cultures autochtones. Ils symbolisent la sagesse et la conscience qui sont censées se développer pendant que nous ajoutons des années à nos vies. Où et quand avons-nous perdu le respect que nous avions pour les anciens et pour la vieillesse ? Qu'est-il arrivé à notre culture pour que nous perdions ainsi le contact avec la nature et ses cycles ? Nous avons tous rencontré des vieillards rayonnant d'une beauté magique, éthérée, subtile, qui affleure de l'intérieur. Elle se reflète dans tout leur être, comme si chacune de leurs rides faisait apparaître leur beauté intérieure sur leur visage, leur corps fragile, leur peau pâle et leurs cheveux blancs. C'est comme s'ils devenaient de plus en
Au moment où notre corps s'affaiblit, s'ankylose et souffre, et où il faut f inalement s'en défaire et le laisser derrière nous, nos ailes de géant aux couleurs lumineuses sont déjà là pour nous permettre de prendre gracieusement notre envol.
plus transparents pour révéler le processus mystérieux qui prend place en leur for intérieur. Ils sont entourés d'une aura de calme, d'équilibre, de légèreté qui leur donne encore plus de présence. Ces êtres n'ont assurément pas peur de vieillir. Au contraire, ils accueillent cette étape de leur vie gracieusement, confiants dans la richesse et la beauté qu'ils ont acquises intérieurement et qu'ils offrent sans compter. C'est là, pour moi, tout l'art du vieillissement. Et cela ne se produit pas si l'on reste attaché à une conception superficielle de la beauté. Cela n'advient que lorsque nous accueillons la nouveauté de ce changement, que nous acceptons le changement comme le seul fait immuable dans notre univers, et surtout que nous collaborons avec lui pour enrichir et développer notre existence intérieure et notre conscience. Ce processus est une métamorphose, c'est l'expérience de la chenille. Au moment où notre corps s'affaiblit, s'ankylose et souffre, et où il faut finalement s'en défaire et le laisser derrière nous, nos ailes de géant aux couleurs lumineuses sont déjà là pour nous permettre de prendre gracieusement notre envol.
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EXTÉRIEURE 50 Un jour qu'elle se trouvait dans sa piscine, NIMAY SHETH aperçoit un paon méditatif dans le soleil couchant et ce spectacle l'a ouverte à la grâce de l'instant présent.
L
autre jour, je faisais mes exercices quotidiens dans la piscine. Alors que je sortais la tête de l'eau après avoir effectué quelques longueurs, j'ai aperçu un paon perché sur un arbre, au loin, qui observait paisiblement le coucher du soleil. Indifférent à la chaleur et à l'humidité qui saturaient l'atmosphère, il semblait prendre plaisir à ce simple et routinier spectacle de la nature. Je suis restée captivée par l'immobilité de l'oiseau, en me demandant comment le règne animal parvenait toujours à être en lien avec la nature alors que nous, les humains, nous luttons continuellement avec cet aspect des choses. Je pouvais sentir un monde de différence entre mon mental agité et l'état détendu du paon.
Alors je me suis mise à un exercice que mon professeur m'avait encouragée à faire pendant mon temps libre :
Entre dans ton cœur et émets la suggestion que tout ce qui t'entoure – les particules de l'air, les gens, les oiseaux, les arbres, les fleurs – est profondément absorbé dans le souvenir du divin. La première fois que je l'ai entendue, je n'ai pas pu croire à ce que disait cette phrase – peut-être que ça me semblait trop beau pour être vrai. Mais ce jour-là, après avoir mis de côté mon esprit critique, j'ai émis silencieusement la pensée suggérée
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51 et j'ai senti une force subtile emplir tout mon être. J'ai ouvert les yeux et j'ai eu la sensation de faire partie intégrante de ce moment de conscience. Mon esprit agité était maintenant aussi calme qu'une mer d'huile, et j'ai tranquillement levé mon visage vers le ciel pour sentir le soleil couchant. Près de moi, des arbres balançaient leurs branches ici et là, comme s'ils jouaient au chat et à la souris avec le vent. Les plantes et les arbres sont remplis d'un tel amour, me suis-je dit, prêts à se sacrifier ou à jouer, au gré du temps. Les humains, avec leur conscience individuelle, auront-ils jamais la possibilité d'être remplis d'une telle grâce, d'une telle simplicité ? Je me suis rappelé ce profond sentiment d'urgence, cette envie qui me vient, chaque fois que je les rencontre, de ressembler aux villageois dont il émane tant de grâce. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus en phase avec la nature, donc avec moi-même. C'est précieux de pouvoir plonger profondément en moi
pendant la méditation et d'en sortir dans un sentiment d'unité avec tout ce qui m'entoure. Imaginez que vous appliquiez cette suggestion dans des moments éprouvants : coincé dans la circulation, en plein milieu d'une dispute avec des collègues. Quel effet avons-nous sur notre environnement lorsque nous irradions une telle grâce et un tel équilibre ? Bien plus, quel est l'impact sur la conscience collective quand nous conservons ce sentiment et accomplissons toutes nos actions avec cette intention ? D'autres personnes pourront elles aussi se mettre à refléter ou à « s'emparer » de ce sentiment. Lentement, mais sûrement, l'harmonie se développera dans notre existence. Ce ne sera peut-être pas visible à l'œil nu, mais ce sera bien réel dans l'espace du cœur. Par cette inspiration collective, nous contribuerons à l'éveil d'un très beau sentiment d'harmonie au sein de notre vie – pour le bien de toute la planète !
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LE SECRET DU BONHEUR AUTOUR DU MONDE
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D
es chercheurs ont étudié le bonheur dans le monde entier. Des organismes ont même classé les pays sur une échelle du bonheur. Alors qu'est-ce que les esprits les plus curieux de la planète ont découvert ? Ont-ils trouvé le secret du bonheur ? Le bonheur provient-il de passer du temps avec ses proches ou d'en passer seul dans la nature ? De se perdre en dansant sur les rythmes de la musique, ou de se retrouver en méditant en silence ? Le secret du bonheur est en fait tout cela, et plus encore. Cela varie d'un pays à l'autre, d'une tradition à l'autre. Dans certaines cultures, le bonheur provient d'une pratique corporelle, comme le Tai Chi, qui fait partie de la routine des Chinois depuis des siècles. Pour les autres, le secret réside dans une philosophie vécue au quotidien. Les Costaricains, par exemple, sont guidés par l'idée d'une « vie pure » simple et insouciante, la pura vida. Selon le rapport annuel sur le bonheur dans le monde, la Norvège vient en tête et doit son score élevé à sa façon d'envisager l'attention portée à l'autre, la liberté, la générosité, l'honnêteté, la santé, l'argent et la bonne gouvernance. De son côté l'indice Happy Planet classe le Costa Rica au rang du pays le plus heureux de la planète. Bien qu'opposés en matière de climat, les deux pays partagent une chose importante : des citoyens heureux. Malgré les variations de ce qui constitue le bonheur dans les divers pays du monde, il y a des points communs. Le plus notable concerne la richesse matérielle, ou plutôt l'absence de celle-ci. Sur cette terre, peu de gens, si tant est qu'il y en ait, trouvent le bonheur dans leurs possessions matérielles et leur succès financier. La plupart ont plutôt tendance à l'atteindre en appréciant les petites choses de l'existence et, plus important encore, les gens dans leur vie. Ci-dessous, nous vous révélons certains de ces secrets, ainsi que les résultats de la recherche qui nous expliquent pourquoi ils fonctionnent chez les personnes qui les pratiquent. Et s'ils fonctionnaient aussi pour vous ?
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Sagesse populaire
ÉGYPTE
Tarab
[TAH - rahb] L'extase que transmet la musique arabe, par ses chants et son instrumentation.
Pourquoi ça marche L'émotion causée par cette musique traditionnelle provoque dans le corps une décharge de dopamine, une substance qui donne une sensation de plaisir.
SUÈDE
Gökotta
[yuk-ku-tah]
Se lever tôt le matin et sortir pour entendre le chant des oiseaux.
Pourquoi ça marche Une étude publiée en 2008 dans le journal Psychological Science démontre que le fait de s'immerger dans la nature renforce les facultés cognitives et aide à se recharger en énergie.
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Sagesse populaire
ESPAGNE
Sobremesa
[so-bre-ME-sa]
Le temps qu'on passe autour de la table, à parler en famille et avec des amis, après le repas.
Pourquoi ça marche C'est un moment propice à renforcer les liens avec vos proches ; en vous faisant lever le pied et vous détendre, il diminue le stress.
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ISLANDE
Un sens renforce de la communaute Les Islandais ne se sentent jamais isolés ou seuls face aux épreuves. Ils veillent toujours les uns sur les autres et sur le bien commun. Des études publiées dans le Journal of Personality and Social Psychology montrent que le sentiment d'appartenance et la certitude rassurante de ne pas être seul sont les clés du bonheur et du bien-être.
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Sagesse populaire
COSTA RICA
Pura Vida [PU-ra VI-da] Littéralement « vie pure », c'est la façon de vivre costaricaine au quotidien qui traduit un esprit insouciant, décontracté et optimiste.
Pourquoi ça marche D'après la recherche du Dr Sonja Lyubomirsky, savourer les petits moments de l'existence vous donne une vision de la vie plus gaie et plus heureuse.
CHINE
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Tai Chi [taï tchi] Un exercice méditatif séculaire consistant en mouvements gracieux et fluides qui font circuler l'énergie interne du corps, ou chi.
Pourquoi ça marche Un article de la Harvard Health Letter note que la pratique lente et contrôlée de cet exercice réduit la tension artérielle et réduit le stress.
Reproduit avec l'autorisation de https://www.hometogo.com/media/secret-to-happiness.
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inspiré
ÊTRE
N'avez-vous pas remarqué que l'amour était silence ? Que ce soit en tenant la main
de quelqu'un, en regardant un enfant avec amour ou en absorbant la beauté d'une soirée. L'amour n'a ni passé ni futur – et il en va de même de cet état de silence
extraordinaire. Et sans ce silence, qui est le vide absolu, il n'y a pas de création. J. Krishnamurti
PRANAYAMA
PRATYAHARA
Régulation du souffle
Retrait à l'intérieur
DHARANA
ASANA Posture
Ashtanga
Focalisation mentale
yoga
DHYANA Méditation
NIYAMA Régularité Observation
SAMADHI
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Condition originelle (équilibre)
YAMA Bonne conduite
Seriez-vous intéressé si quelqu’un vous disait qu’il existe un ensemble de pratiques simples qui aident à gérer tous les aspects de la vie quotidienne, tout en élevant le potentiel humain à un niveau qui dépasse l’imagination la plus folle ? Cela attiserait pour le moins la curiosité de la plupart des gens. En fait, cela correspond précisément à la description des pratiques du yoga, mais rares sont ceux qui s’en rendent compte. Le yoga comprend un ensemble holistique de pratiques qui visent au développement personnel et au bien-être du corps, de l’esprit et de l’âme. Il y a quelques milliers d’années, le grand sage Patanjali a répertorié les pratiques yogiques en vigueur en son temps et les a présentées dans un traité en huit étapes, qu’on utilise encore aujourd’hui. Il s’agit de l’ashtanga yoga. Mais les pratiques du yoga ont évolué depuis Patanjali, surtout au cours des 150 dernières années, pour répondre aux besoins de l’époque. Dans cette série d’articles, KAMLESH PATEL décrit chaque étape du yoga à la lumière des pratiques yogiques modernes de Heartfulness. Il nous montre comment concilier nos pratiques spirituelles intérieures à la vie dans le monde, et comment affiner notre personnalité pour parvenir au véritable du yoga – c’est-à-dire à l’efficacité dans l’action et à l’harmonisation des aspects spirituel et matériel de la vie.
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NIYAMA Niyama est la deuxième des huit étapes de la pratique du yoga de Patanjali. KAMLESH PATEL nous montre que yama ne suffit pas pour mener une vie juste – il s’agit encore de cultiver la noblesse de caractère en observant les prescriptions positives de niyama.
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upposons que vous soyez déjà en train d’accomplir les cinq vœux du chercheur de la première étape, yama. Ce faisant, vous abandonnez de nombreuses tendances et de traits de caractère négatifs, éliminez de votre système quantité de complexités qui sont autant d’épines sur le chemin spirituel. La pratique du nettoyage intérieur enlève le fardeau des samskaras accumulés dans le cœur et, grâce à vos efforts sincères, les tendances et les schémas émotionnels qui les accompagnent peuvent aussi s’éliminer. De fait, yama représente la suppression de « tout ce qu’il ne faut pas faire », ce qui constitue une partie de la psychologie yogique. Mais yama suffit-il ? Il nous faut poursuivre le raffinement de notre caractère, et pour cela pratiquer niyama, ce qui exige de cultiver et de façonner la noblesse de caractère. Cela comprend
toutes les « choses à faire », les vertus, les devoirs positifs et l’observance de certaines dispositions intérieures. Niyama consiste à trouver un ordre sur lequel fonder notre vie et l’intensifier. Il nous fournit l’orientation pour façonner notre mode de vie de telle façon qu’il répande spontanément le parfum de notre état intérieur. Il s’agit du raffinement de soi jusqu’à des états de plus en plus subtils, à la fois intérieurement et extérieurement. Niyama, qui est la noblesse, l’élégance, la courtoisie, peut finalement nous amener à vivre une existence en harmonie avec notre nature divine. Essentiellement, il s’agit de se déterminer intérieurement à adopter une régularité pour qu’un jour la conscience du corps s’accorde spontanément à l’esprit, suivant un rythme qui engendre des automatismes. Dans la nature, on le voit, il règne un ordre prodigieux. Plus le but est élevé, plus il faut de l’ordre. Suivre yama et niyama est le devoir de tout chercheur en spiritualité. Tandis que yama représente la destruction de tout ce qui est indésirable, niyama consiste à accueillir dans son cœur toutes les qualités requises. Quelles sont-elles ? Dans le yoga traditionnel les cinq niyamas sont :
SHAUCHA Le premier niyama est shaucha, la pureté. Tous les grands enseignants spirituels ont insisté sur l’importance de la pureté, qui découle naturellement du perfectionnement des yamas. Les niyamas succèdent en quelque sorte à la culmination de yama. Pour mon cœur, la pureté est semblable à Dieu. Elle est l’essence de la Réalité. Vers la fin de sa vie, Ram Chandra nous a donné un message très important : la pureté tisse notre destinée avec l’Ultime. C’est une pensée très profonde qui accorde une grande importance et une gravité à la pureté.
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Tapas
la pénitence ou la suppression des impuretés
Santosh
le contentement et le bonheur intérieur
Swadhyaya l’étude de soi
NIYAMA
Shaucha
Ishwar pranidhan
la pureté du corps et du mental
l’abandon à Dieu
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Swami Vivekananda disait : « Selon les sages, il y a deux sortes de purification – l’intérieure et l’extérieure. La purification du corps par l’eau, la terre ou d’autres substances est la purification extérieure, par le bain, etc. La purification intérieure est celle de l’esprit, elle se fait par la vérité et par toutes les autres vertus. Les deux sont nécessaires. La pureté intérieure ne suffit pas, si on reste sale à l’extérieur. Lorsqu’on ne peut avoir les deux, c’est la pureté intérieure qui prime, mais personne ne devient un yogi tant qu’il ne possède pas les deux. » 1 Au cours de notre évolution, la nourriture que nous mangeons, les vêtements que nous portons et toutes nos habitudes innées doivent peu à peu 1
s’adapter au niveau que nous atteignons. Nous n’évoluons pas seulement intérieurement, mais également dans nos manières et notre mode de vie. Une transformation complète est nécessaire. La pureté imprègne ainsi tous les niveaux de notre être, de l’intérieur vers l’extérieur.
SANTOSH Le deuxième niyama est santosh. Que désirons-nous le plus dans la vie ? Quelle que soit son origine, chacun dira le bonheur, le contentement. L’état de contentement nous permet d’accepter n’importe quelle situation en restant reconnaissants à Dieu. Et qu’est-ce qui nous apporte le bonheur ? Peutêtre une merveilleuse relation, des enfants qui
Swami Vivekananda, Raja yoga, chapter 8, « Raja Yoga in Brief »
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L a science de la spiritualité
réussissent leur vie, une existence confortable, paisible et calme. Cependant, même si nous gagnons sur tous les tableaux, sans la paix intérieure nous ne serons pas heureux. Pourquoi ? Parce que le bonheur se trouve à l’intérieur. En fait, le bonheur ne dépend pas de choses ou de personnes extérieures, bien que les circonstances extérieures puissent renforcer l’état intérieur. Pour autant que nous ayons le nécessaire, tout l’argent, les plaisirs, les amis, le succès ou les possessions ne nous apporteront pas le bonheur. Le philosophe Schopenhauer définit celui-ci comme la totale satisfaction de tous les désirs. On pourrait l’évaluer mathématiquement :
Bonheur =
Nombre de désirs satisfaits Nombre total des désirs
Si, sur dix désirs, cinq sont satisfaits, on est heureux à 50 %. Si les dix sont comblés, on est heureux à 100 %. Mais plus on a de désirs, plus il est difficile de tous les satisfaire, et donc moins on est heureux. Le bonheur est inversement proportionnel au nombre de désirs. Que se passe-t-il quand on n’a plus aucun désir ? Le dénominateur est égal à zéro. Si on divise n’importe quel nombre par zéro, on obtient l’infini. Quand on a zéro désir, notre bonheur est sans limite. En diminuant le nombre de nos désirs à zéro, nous faisons la paix avec nous-même. Pourtant, est-ce possible d'arriver à zéro désir ? Est-ce faisable ? Pourquoi ne pas remplir au mieux ses devoirs, qui eux n’appartiennent pas à la catégorie des « désirs » et ne deviennent pas un fardeau. Alors comment supprimer les désirs ? Heartfulness parvient à ce résultat par un ensemble de pratiques complémentaires :
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Premièrement, nous apprenons à ignorer l’attraction des pensées pendant la méditation, pour qu’elles cessent de nous contrôler. Nous développons ainsi la maîtrise du processus de pensée, et cette maîtrise s’approfondit jusqu’à ce que nous transcendions aussi l’attraction des sentiments et des émotions dans notre cœur, ce qui survient grâce à la transmission qui apporte le soutien nécessaire. Deuxièmement, par la pratique quotidienne du nettoyage, nous enlevons les impressions sous-jacentes, ou samskaras, qui résident dans notre subconscient et « accrochent » nos désirs. Ce processus est essentiel, parce que beaucoup de nos désirs ont une racine subconsciente sur laquelle nous ne pouvons pas travailler de façon consciente. C’est le nettoyage qui permettra d’éliminer cette racine subconsciente. Troisièmement, au moment du coucher nous nous connectons à notre propre Source par une prière où nous reconnaissons que nos désirs créent des obstacles. Puis nous offrons notre cœur à cette Source, notre Divinité intérieure, pour qu’elle nous aide à éliminer nos désirs. Au lieu de tenter de les supprimer à l’aide de la conscience inférieure de notre ego, nous prenons une voie directe en y engageant notre conscience supérieure. Quatrièmement, nous suivons un ensemble de directives simples pour la conduite de notre vie, que nous appelons les dix maximes. Elles détiennent des secrets spirituels qui jadis se transmettaient de cœur à cœur. Elles sont issues de perceptions directes, de l’étude de la Nature, et ont été
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révélées par l’intermédiaire de vibrations ou shruti. Ram Chandra de Shahjahanpur les a transmises en mots pour nous permettre de les mettre en pratique dans notre vie quotidienne.2 Cinquièmement, nous laissons l’état méditatif acquis pendant la méditation vibrer à l’arrière-plan pendant la journée, c’est ce qu’on appelle le souvenir constant. Dans cet état, une partie de notre attention reste tournée vers l’intérieur, et l’autre s’écoule à l’extérieur pour accomplir nos tâches quotidiennes. Il est alors impossible de former des impressions et l’état de pureté peut se préserver.
TAPAS
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Le niyama suivant est tapas – la pénitence ou la combustion interne, le feu intérieur qui entraîne
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une purification et un raffinement de plus en plus élevés. Il nous apporte la maîtrise des sens. C’est une manifestation en nous du feu de la Divinité, qui correspond à l’éveil du troisième chakra dans la région du cœur, le point du feu. Tapasya nous apporte la discipline, l’amour, l’enthousiasme et le désir ardent d’atteindre le but spirituel. Il consume aussi toutes les habitudes et les tendances qui pourraient bloquer notre progression, et développe la volonté. Au niveau physique, tapasya est lié à la pratique du jeûne, où l’autophagie nous aide à éliminer les déchets du corps. Cela ne veut pas dire qu’il faille mortifier le corps ou s’enfuir dans la jungle, comme on l’a souvent compris à tort. Il s’agit en fait de prendre la vie à bras-le-corps et de faire face à tout ce qui se présente. Cela signifie aussi sacrifier certaines ressources dont nous disposons pour le bien-être de la création divine.
Ram Chandra, Raja yoga. Histoire et tradition, vol. 6, p. 133 sqq.
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Pour façonner notre état intérieur af in qu’il soit en résonance avec le Divin, il nous faut travailler sur notre caractère et mettre en lumière les habitudes et les tendances qui limitent notre personnalité, pour leur permettre de disparaître.
généralement pas enclin à l’étude de soi. Pourquoi un esprit mécontent aurait-il recours à une auto-analyse systématique ? Swadhyana est parachevé par la méditation sur le principe divin. Un esprit impur peut-il méditer ? Un cœur mécontent peutil méditer ? Une personne qui n’a pas simplifié sa vie grâce à tapasya peut-elle méditer ? Il faut nous poser ces questions vitales, fondamentales. Heartfulness facilite l’étude de soi de nombreuses façons, même lorsque nous manquons de pureté, de simplicité et de contentement. Cela dit, si nous possédons déjà ces qualités, avons-nous besoin de méditer ? Non, évidemment…
SWADHYAYA Swadhyaya signifie « étude de soi » ; swa veut dire « soi » et adhyaya « étudier ». Il est primordial de nous observer et de nous analyser au cours du voyage du yoga, faute de quoi il nous est impossible de prendre conscience de nos intentions et de nos actions. Comme les pensées sont l’expression de notre état intérieur, les observer nous aide à l’étudier. Pour façonner notre état intérieur afin qu’il soit en résonance avec le Divin, il nous faut travailler sur notre caractère et mettre en lumière les habitudes et les tendances qui limitent notre personnalité, pour leur permettre de disparaître. C’est un processus délicat, car nous avons tendance à nous juger, ce qui entraîne de la culpabilité et de la honte. Tel n’est pas l’approche du yoga, où l’auto-analyse sert à s’améliorer et à s’affiner sans cesse dans l’acceptation de soi-même. Sans la pureté, la discipline et le contentement intérieur, on néglige l’étude de soi. Pourquoi un esprit impur voudrait-il s’analyser ? Sans être passé par une expérience d’austérité, on ne sera
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Premièrement, la méditation nous apprend à nous placer en observateurs, à être attentifs à notre univers intérieur. Ainsi, quand surviennent des perturbations, nous en prenons rapidement conscience et nous efforçons de les éliminer par le processus du nettoyage, sans nous laisser entraîner dans les émotions de ce que nous observons en nous. Deuxièmement, nous sommes encouragés à écrire notre journal pour mieux nous sensibiliser à notre condition intérieure. En cultivant l’observation, l’acceptation, et l’empathie envers nous-mêmes, nous pouvons changer plus rapidement. Troisièmement, grâce à notre connexion avec la Source par la prière, nous sommes mieux à l’écoute de notre cœur et réceptifs à sa sagesse. Quatrièmement, la pratique du souvenir constant nous connecte en permanence à cette sagesse intérieure qui nous aide dans l’étude et l’affinement de nousmêmes.
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Swadhyaya comprend aussi la lecture et l’étude de la littérature sacrée. Ces textes nous fournissent des points de référence dans notre voyage intérieur, qui nous permettent de savoir où nous allons et comment nous progressons. Cette lecture nous apporte la sagesse de ceux qui ont déjà parcouru le chemin et nous incite à poursuivre notre avancée. Ces textes sacrés renferment de nombreux niveaux de signification et de compréhension, et ces couches se révèlent à mesure que nous avançons dans notre voyage.
ISHWAR PRANIDHAN
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Le dernier niyama est ishwar pranidhan, qui signifie l’abandon au Dieu omniprésent. Il nous conduit aussi à l’abandon et à l’acceptation de soi, et se reflète dans nos attitudes et notre comportement par une totale humilité et un émerveillement pur et innocent. Cet état est le résultat et l’aboutissement naturels de la foi. L’acceptation mène à l’abandon de la façon la plus naturelle. L’amour nous fait faire des choses magnifiques pour notre bien-aimé. Dans l’amour, quand il y a totale acceptation, l’idée d’asservissement ou d’abandon imposé n’entre même pas en ligne de compte. À l’inverse, un cœur plein de haine, d’insatisfaction, de confusion, de violence, d’impureté et de complexités ne peut rien faire pour favoriser la joie, ni pour lui-même ni pour les autres. Un esprit impur est-il capable d’acceptation et d’abandon ? Dans l’abandon, le poids de l’ego se dissipe, nous laissant libres de prendre notre essor et permettant à la conscience de s’étendre sans limite. L’énergie réprimée jusque-là s’exprime instantanément – alors, nous sommes en paix avec nous-mêmes, dans la félicité intérieure. Acceptant toute chose, nous pouvons nous abandonner à l’Existence tout entière. Il n’y a plus de processus sélectif d’acceptation et d’abandon. 3
S’abandonner n’est pas un effort individuel ou de groupe, c’est le résultat de nos tentatives dans le champ spirituel, sous la conduite d’un guide compétent. Dans la Bhagavad Gita, le Seigneur Krishna nous livre également son enseignement sur niyama. Niyama nous conduit à abandonner avec dévouement et dévotion les fruits de nos actions au Divin. Cela implique des actions désintéressées et la dissolution de tout attachement égotique aux choses que nous pensons, disons ou faisons. Il en résulte une plus grande efficacité dans l’action, comme l’enseigne Krishna à Arjuna. Grâce à ces cinq niyamas, l’esprit n’erre plus dans toutes les directions, comme nous l’explique merveilleusement Swami Vivekananda dans un chapitre consacré à la concentration3. Alors, il n’y a plus qu’un point de mire : le but intérieur. La concentration en découle de façon naturelle, et ces pratiques nous amènent très simplement à la cinquième étape de l’ashtanga yoga, pratyhara. Ce que nous verrons dans un de nos prochains numéros.
Complete Works, vol. 6, p. 123
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CULTIVER LA BONNE ATTITUDE ENVERS NIYAMA. TOUT EST LÀ! Quelle est la meilleure façon de cultiver les niyamas ? On les pratique souvent de façon obligatoire et mécanique, comme des prescriptions ; or la discipline ne doit pas exister au détriment de l’amour. L’amour suscite la joie. Si la discipline ne s’accompagne pas de joie, elle n’est qu’une façon de se torturer. Contraindre quelqu’un à quelque chose, c’est de la dictature et c’est contre-productif. Une discipline imposée, que ce soit à nous-mêmes ou à quelqu’un d’autre, devient une prison. Et si Niyama est infligé, il ne peut devenir un moyen de libération. Que se passe-t-il quand nous imposons niyama aux autres ? Il y a une personne qui force et l’autre qui est forcée, elles sont en opposition. Elles n’ont aucune joie à être ensemble. De même, s’il arrive que ma conscience ou une inspiration passagère me pousse pour un temps à pratiquer niyama, les choses se gâteront dès que l’inspiration initiale sera tarie. Je serai déchiré entre ma résolution première d’être discipliné et ma faiblesse, mon impréparation, mon manque d’intérêt, de joie et d’amour. C’est ce qui se passe fréquemment avec les résolutions du Nouvel An. Une fois l’inspiration dissipée, la résolution se change en corvée. On finit par donner naissance à deux « moi ». L’un voudrait agir et l’autre résiste, plaide ou persifle : « C’est de l’esclavage, laisse-moi dormir encore un peu ! Je peux faire ça plus tard. » – « Tu ferais mieux de te réveiller et de faire ce que tu t’es engagé à faire ! » Quand la discipline est soutenue par la joie, nous sommes heureux de suivre un certain rythme.
Quand on fait quotidiennement de l’exercice et qu’un jour on en est empêché, ça nous manque et notre corps sent la différence. La joie éprouvée à faire quelque chose engendre la discipline. Cette discipline nous enrichit, nous ennoblit et nous rend libres, car on la suit avec allégresse. Yoga veut dire « union » – l’union de notre soi inférieur avec le Soi supérieur. Cette union nous ouvre à l’art d’écouter le Soi profond. Lorsque c’est le Soi qui impose ses règles, et non quelqu’un d’autre, le résultat est très différent. Quand on est uni au plus Haut, intégré à Lui, la vie est guidée par la « con-science » (avec science), et non par des connaissances figées et limitées ou des dogmes. Notre intégrité respire alors la joie qui surgit lorsqu’on suit la conscience intérieure. Dès lors il est facile d’être un individu discipliné, apte maintenant à devenir un disciple. Par opposition, cela nous fait comprendre un autre mot, « con-fusion » (avec fusion), qui survient quand trop de choses se mêlent, en l’absence d’union ou de fusion avec le Soi supérieur. Faites la comparaison entre marcher sur un sentier, rouler à vélo, conduire sur une route à voie unique, conduire sur une autoroute à voies multiples, voyager en avion et s’élever dans une fusée. Dans quel cas seriez-vous le plus libre de vous déplacer ou de voyager ? Vous pensez probablement que c’est dans la fusée, mais est-ce vraiment le cas ? Lorsque nous marchons, nous sommes soumis à très peu de règles. Nous pouvons nous arrêter et repartir quand bon nous semble, changer de direction, accélérer ou ralentir. A bicyclette, on doit respecter quelques règles de plus. En voiture, il y en a davantage, pour que chacun soit en sécurité ; et plus la route comporte de voies, plus on roule vite, plus on doit être attentif et discipliné. Un pilote d’avion a encore moins de liberté qu’un conducteur de voiture, et ceux qui sont dans une fusée voient la leur réduite au minimum ; ils ne peuvent faire un mouvement, manger, dormir ni
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travailler quand ils le veulent. Donc plus nous allons haut, plus nous avons besoin de discipline, et plus nous avons besoin de joie pour que cette discipline soit voulue et aimée. Prenons deux scénarios : dans le premier un homme se réveille à cinq heures du matin pour aller chercher sa bien-aimée à l’aéroport. Dans le deuxième, on exige de lui qu’il se lève à cinq heures du matin pour nettoyer la maison, ce qui le contrarie. Quelle différence y aura-t-il dans son attitude ? De même, quelle attitude sera plus fructueuse quand on pratique les niyamas ? Ils doivent être pratiqués avec une joie immense et, ce qui importe plus, sans se sentir asservi. Sinon ils ne rempliront pas leur but, qui est de procurer un ordre plus élevé, un plus haut niveau d’osmose avec l’Être supérieur. On distingue généralement deux genres d’actions : celles qui naissent d’une répression, et celles qui découlent d’un laxisme pratiqué au nom de la liberté. Les deux vont à l’encontre du processus évolutif et les deux portent atteinte à la vraie liberté. La vraie liberté consiste à faire ce qui est juste. Et comment décider de ce qui est juste ? Cette capacité nous est donnée par la première des quatre sadhanas du yoga, viveka, qui est la faculté de discriminer et de faire des choix judicieux. À moins d’avoir assimilé ce premier pas de la sadhana chatusthaya, nous ne serons pas capables de choisir ce qui est juste. Dans La Réalité à l’aube4, Ram Chandra décrit les qualités des quatre sadhanas, en commençant par les deux premières, viveka (la discrimination) et vairagya (le renoncement) : « Viveka et vairagya sont un état du mental qui se développe à différentes étapes, par la pratique constante de certaines sadhanas yogiques, telles que le souvenir, la dévotion ou l’amour. Le véritable viveka ne peut se développer tant que les sens ne sont pas totalement purifiés, le mental convenablement ajusté et discipliné, et l’ego (ahankara) purifié. 4
Nous constatons que viveka est en fait le résultat de pratiques suivies dans un but défini. » Il explique ensuite que vairagya résulte à son tour de viveka. À ce point, Ram Chandra introduit une innovation par rapport à l’approche traditionnelle, innovation rendue possible par la transmission yogique. Il explique que les pratiques yogiques de Heartfulness développent automatiquement viveka et vairagya, sans que nous ayons besoin de les pratiquer. Il ajoute qu’« on ne les considère pas comme des sadhanas ; on les laisse se développer automatiquement chez l’aspirant au cours de son évolution. » Avec Heartfulness, nous commençons avec la troisième sadhana qui comporte six formes de réalisation spirituelle, ou shat-sampatti. « Le premier sampatti est sham, la condition paisible du mental qui conduit à un état de calme et de tranquillité. Quand nous le pratiquons, viveka et vairagya suivent automatiquement. […] Une pratique n’est d’aucune utilité si elle n’a pas pour résultat naturel viveka et vairagya. La forme authentique de viveka se produit quand une personne se rend compte de ses défauts et de ses insuffisances, et que du fond du cœur elle s’en repent. » Donc en suivant avec sincérité les pratiques méditatives Heartfulness, le cœur est purifié et nous sommes à même de plonger profondément dans son immensité et de puiser dans la sagesse universelle. Ainsi viveka se développe de façon naturelle, sans efforts excessifs ni contrainte.
Ram Chandra, Raja Yoga. Histoire et tradition, vol. 6, pp. 75-77
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L a science de la spiritualité
Laissez votre cœur s’exprimer en toute circonstance, ne le réfrénez pas. Il doit jouer son rôle dans votre existence terrestre. Revenons aux deux types d’actions évoquées. Celles en réponse à la répression favorisent l'esclavage intérieur, ce qui limite l’expansion de la conscience. Celles nées du laxisme sèment les graines d’où naîtront les désirs qui nous asservissent d’une autre façon. L’aversion tout comme la complaisance sont coupables. Elles sont les « j’aime » et « je n’aime pas » et donnent lieu aux impressions qui s’accumulent dans notre cœur, créant de la lourdeur et nous éloignant de la source de notre être. Comment s’élever au-dessus de l’aversion et du laxisme ? Il nous faut établir niyama dans nos vies, pour que la rivière continue à s’écouler vers l’océan infini, contenue par deux berges qui la guident vers sa destination. Imaginez une rivière dépourvue de berges pour la délimiter ! Les pratiques Heartfulness nous préparent à répondre à toutes sortes de situations de la vie qui exigent de la discipline et le raffinement du caractère, que ce soit pour dépasser nos faiblesses, travailler avec notre ego, prendre de sages décisions, nous auto-analyser, résoudre des problèmes et des conflits avec les autres et nous améliorer continuellement. Nous ne nous imposons plus de règles sans avoir conscience des conséquences de ce que nous faisons. Dans la vie quotidienne, la discipline se situe à divers niveaux. La discipline militaire se fonde sur le patriotisme, le courage et l’obéissance ; la discipline religieuse prospère grâce à la carotte de la libération ou du ciel, et 5
au bâton de la peur de la mort ou de l’enfer ; alors que la véritable discipline doit naître de l’amour et de la joie. Quand la transmission yogique connecte le chercheur au guide, elle amplifie les effets de la suggestion positive, appelée sankalpa, ce qui peut entraîner des résultats miraculeux. Par exemple lorsque le guide ou un formateur Heartfulness émet la pensée subtile « que telle ou telle qualité se développe chez le chercheur », si celui-ci coopère, niyama est établi. En fin de compte, « la perfection de la noblesse humaine réside dans le fait que le dévot demeure en permanence dans la sphère de la dévotion », comme l’a dit Ram Chandra dans sa sixième maxime. Même un guide spirituel compétent ne peut nous insuffler de nobles qualités si notre cœur n’est pas préparé et désireux de les cultiver, s’il n’est pas en osmose avec sa plus haute vocation. Ram Chandra nous donne encore une autre indication sur la façon de cultiver niyama5 : « Ce séjour sur terre est une étape déterminante dans votre évolution ; ne laissez pas vos chances se perdre dans le tumulte des jours. Les vicissitudes de la vie doivent vous être utiles ; vos bonnes et mauvaises expériences doivent vous aider à progresser, à être éclairés sur la réalité cachée derrière toutes ces tribulations. Cette succession de moments vécus dans l’esprit, qui maintenant vous caractérise et résulte de la sagesse acquise au fil des jours, fait de votre vie une illumination permanente. Soyez réceptifs à tout ce qui arrive ; ne négligez aucun détail, tout est important. Des signes – qui balisent votre chemin – vous sont donnés ; à vous de les décoder. Laissez votre cœur s’exprimer en toute circonstance, ne le réfrénez pas. Il doit jouer son rôle dans votre existence terrestre ; il l’embellit, il lui donne ses lettres de noblesse. Celles-ci survivront à cette incarnation. Elles resteront imprimées sur les tables du temps. »
Message du Monde Lumineux, mardi 8 mai 2001 – 10h
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du cœur DIALOGUES AVEC THÉOPHILE L'ANCIEN
La mort n'a rien à voir avec s'en aller. Le soleil se couche, la lune aussi, mais ils ne s'en vont pas. Rumi
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Nous retrouvons notre duo, THÉOPHILE L'ANCIEN et son jeune ami THÉO, qui parlent aujourd'hui de la fin de la vie et de la meilleure manière de s'y préparer.
– Comment se fait-il que tu n'aies jamais eu peur de la mort ? demande Théo – Je ne sais pas, c'est ainsi, répond Théophile l'ancien. – Tu as sûrement dû y penser, pourtant ? – Pour moi, c'est un fait, tout comme l'existence de Dieu. J'y crois. Je n'ai aucun mérite. C'est comme si tu me demandais : « Est-ce que tu crois en l'oxygène ? » – C'est la foi, alors ? – Même pas, c'est une évidence, un fait. – Dans ce cas pourquoi as-tu recherché le Divin ? Quelle est cette quête de Dieu qui a dirigé toute ta vie ? – Aujourd'hui, je dirais plutôt que Dieu a fait la quête de lui-même et qu'il s'est retrouvé. – C'est étrange, non ? – Oui, pour moi aussi, comment te l'expliquer ? Dieu se cherche dans chacune de ses créatures et Il se retrouve inéluctablement. – Ce n'est pas exceptionnel alors ? – C'est un processus divin généralisé. – Et que ressent sa créature quand Il s'est trouvé en elle ? – C'est comme l'explosion d'une super nova, mais sans explosion. Seul demeure le Silence éternel, porteur de toute vie et de félicité. – Est-ce le « Rien-Tout » que tu évoques si souvent, le « zéro infini » ?
– Les mots sont bien faibles pour décrire cela. Essayons notre processus habituel si tu le veux bien. Théo se met aussitôt en état de réception en fermant doucement les yeux. Tandis que sa respiration s'apaise et qu'il plonge dans la méditation, la voix sereine de l'Ancien le guide tranquillement : – Imagine cette explosion de joie de la super nova en toi … Silence. – Efface-la … Silence. – Il reste la simple Présence … Silence. – Efface la Présence et la douce félicité qui en émane … Silence. – Ce qui reste, c'est peut-être ce que tu appelles « zéro infini » … – Efface-le aussi … Silence. – C'est la perception la plus sensible de Dieu, que puisse avoir un être humain. Après un moment de silence, Théo questionne : – On peut effacer comme ça à l'infini ? – Assurément, répond l'Ancien amusé. – Revenons à la question de la mort. Comment as-tu réagi quand tu as été confronté directement à cette éventualité en 2007 ? L'annonce de ta maladie et l'éventualité de ta propre mort ont dû quand même être un choc ? – Crois-moi cela ne m'a rien fait. Quand mon ami médecin m'a annoncé le diagnostic, je me suis dit : « Tiens, tu ne verras peut-être pas tes soixante ans. », mais en moi, tout était en parfait
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équilibre. Être ici ou de l'autre côté m'était égal. J'aimais être dans ce monde avec les miens, mais le monde lumineux était aussi « chez moi ». Tôt ou tard nous devons mourir, ce n'est pas une surprise. Alors il est préférable d'intégrer cette donnée et de vivre sa vie pleinement, en réalisant sa destinée. – J'ai du mal à te comprendre ! – Quand tu vis à partir de ton âme, de l'atman, la mort n'existe plus : tu envisages juste la fin d'un précieux véhicule que ton âme radieuse a emprunté pour un temps. – Tu ne ressens aucun attachement à la vie ? – Je l'aime beaucoup. Et le fait d'avoir dansé un temps avec la mort me la fait apprécier encore plus. C'est un don de Dieu pour que l'homme réalise des choses fantastiques. – Que se passe-t-il après, dans les autres dimensions ? – Tu le verras par toi-même en temps voulu. L'Ancien se tait un long moment. Théo sait qu'il vaut mieux ne pas insister et décide d'aborder le sujet différemment : – Comment dois-je faire pour ne pas avoir peur de la mort ? – Te connaître, distinguer ce qui appartient à l'éphémère, à la personnalité, pour ne pas t'y attacher ; t'identifier à ce qui appartient à ton éternité, qui est la réalité permanente de l'être. – C'est ce qu'on appelle l'âme ? – Tout à fait. Tu la visites régulièrement au cours de tes méditations dans les profondeurs du cœur. Il te suffit juste de retenir cette condition, de la ramener à la surface de ton être et de vivre intensément ton quotidien. – Mais alors pourquoi tout le monde a-t-il peur de la mort ? – La peur de la mort est naturelle. Elle est liée à l'instinct de survie qui fait partie du programme implanté chez tous les mammifères. Il en va de
même pour l'instinct de protection pour les petits, qui sont fragiles et constituent des proies faciles pour leurs prédateurs. – Tu veux dire que ce sont les lois de Prakriti, de la Nature, qui sont la cause de cette peur ? La Nature nous a compliqué la vie, alors ! – Uniquement celle des êtres humains, car ce n'est pas le cas pour le monde animal. Prends l'exemple des gazelles, elles ne deviennent vigilantes que lorsque le lion est en chasse. Là, il y a danger de mort et la peur va leur commander le mouvement et la fuite pour sauver leur vie. Le reste du temps, elles peuvent brouter tranquillement à quelques mètres de leur prédateur. Elles savent. L'animal vit pleinement sa vie, dans l'instant. L'homme, lui, reste souvent piégé dans son passé, ou se projette sans cesse dans le futur. – Il en oublie le présent. C'est pour cela que nous méditons, afin de vivre pleinement dans le présent ? – Le présent éternel qui donne accès à l'infini intérieur et à l'amour sublime. – Pourrait-on dire alors que l'homme s'est perverti ? – On peut plutôt le voir autrement ; disons qu'il est doté d'une conscience. L'être primitif développe en premier la conscience de lui-même pour répondre à ses besoins fondamentaux. Ensuite, il devient capable de conceptualiser la vie, sa vie. Il a donc conscience de ses capacités, ce qui le mènera tôt ou souvent tard à une conscience supérieure. – Il est aussi le premier prédateur sur terre ! – Le problème n'est pas qu'il soit un prédateur, mais qu'il rompe l'équilibre et l'harmonie de la Nature. L'humain n'est ni en phase avec la Nature, ni avec sa propre nature. – Quelles en sont les conséquences ? – La destruction et le malheur pour lui et autour de lui. – D'où la nécessité de l'écologie.
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71 – C'est un premier pas, mais nous devrions surtout développer l'écologie intérieure et accéder à un plus haut niveau de conscience. – Les animistes, les chamanes sont en harmonie avec la Nature. Quand ils prennent la vie à un animal, ils le font comme un sacrifice et remercient l'animal sacrifié pour le don de sa vie. Ils ne tuent que pour se nourrir. – Les hommes ont beaucoup oublié. Dans leur égocentrisme forcené, ils se sont coupés des forces supérieures de la Nature, mais aussi des forces élémentales. – Tu parles des devas, des elfes et autres esprits de la Nature ? – Surtout des forces supérieures dites cosmiques qui guident cet univers. Je ne veux pas leur donner de noms. – Tu penses aux hiérarchies angéliques, celle des Maîtres, des devas ? – C'est comme cela qu'on les appelle aussi.
– Mais alors pourquoi Dieu a-t-il créé un monde comme le nôtre ? – Dieu a créé pour nous un monde sur mesure, à notre mesure, et il nous a dotés du libre arbitre. Ce que tu vois c'est ce que nous avons fait de ce monde. Il peut être un paradis ou un enfer. Cela dépend de nous. – Que manque-t-il à l'homme ? – La conscience du cœur ! Si dix pour cent, non, un pour cent de la population mondiale en était doté, la Terre serait radicalement changée. Devant l'affirmation de son mentor, Théophile le Jeune reste pensif et silencieux : – Il faut prier pour que l'humanité s'éveille et devienne enfin amour, murmure-t-il tristement. – Cela viendra. Dieu est infiniment patient, le rassure le vieux sage.
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L'un des plus importants principes de la vie est d'être en harmonie avec la nature. Vous pouvez nager dans le sens du fleuve ou à contre-courant, mais que gagnerez-vous en lui résistant ? Kamlesh Patel
Créatures
australiennes iennes austral Un reportage du photographe ANDY KLOTZ
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M
e retrouver dans la nature est toujours un privilège. J'adore ça. Je revis, je me sens en contact avec le Divin, surtout en présence d'une autre créature, d'une autre forme de vie. J'aime attendre et observer. J'aime aussi relever le défi de saisir une image nette que je montre ensuite à d'autres gens pour qu'à leur tour ils se sentent heureux en voyant à quel point la nature peut être belle. Plus tard, la photographie me rappelle le temps passé à attendre, en silence, l'apparition d'un animal.
Pardalote À Blackheath, dans les Montagnes Bleues, durant un pique-nique. C'est un jeune pardalote pointillé, pas effrayé pour un sou. J'ai pu m'approcher avec un objectif grand angle. Comme il ne restait immobile qu'une fraction de seconde, j'ai fait un grand nombre de prises avant d'obtenir celle-ci.
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Por tfolio
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Pigeon Un magnifique pigeon bronze vient tous les aprèsmidis dans le jardin de mon ami, à Hazelbrook, dans les Montagnes Bleues, à l'ouest de Sydney. J'ai aimé la lumière qui filtrait à travers sa queue.
Cacatoès Par un jour brumeux, j'ai guetté ces deux cacatoès à huppe jaune, puis je suis resté à les contempler.
Héron Un héron à face blanche, à Cygnet, dans le sud-est de la Tasmanie. Nous campions près d'une rivière et il venait y pêcher près de nous. J'ai été séduit par cette image de l'oiseau à travers les herbes.
Libellules Des libellules aux couleurs superbes, dans le Queensland, sur une rivière au bord de la route. Lorsque j'ai regardé la photo, j'ai découvert une petite araignée cachée sous la tige, juste pour nous faire une surprise.
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LOISIR Quelle vie est celle-ci, quand, tout à nos tâches, Nous n'avons pas le temps de nous arrêter et d'observer. Pas le temps de rester là, sous les branches, Et d'observer longuement, comme les vaches ou les moutons. Pas le temps, quand on traverse les bois, De voir où les écureuils cachent leurs noix. Pas le temps de voir, en plein midi, Des ruisseaux scintillant d'étoiles, comme des ciels, la nuit. Pas le temps de nous retourner quand nous regarde la Beauté, Et de suivre ses pieds qui dansent. Pas le temps d'attendre que sa bouche Embellisse le sourire dans ses yeux esquissé. Une pauvre vie que celle-là si, tout à nos tâches, Nous n'avons pas le temps de rester là et d'observer. William Henry Davies
Être parent
Le temps
QUI GUÉRIT
Dans ce témoignage, MEGHANA ANAND évoque les exigences et les joies d'être mère, et la beauté de donner de son temps aux enfants.
J
'ai lu pour la première fois ce poème, Loisir, quand j'étais à l'école. Sa simplicité et sa profondeur m'ont touchée. Même aujourd'hui, en le lisant, j'ai envie de m'arrêter et de prendre du temps pour chérir les joies et les beautés simples qui m'entourent. Être parent me donne encore plus de raisons de le faire. Je me rappelle un soir où je berçais mon fils de cinq mois dans mes bras, en fredonnant doucement une berceuse. Soudain un sourire traversa le petit visage – le tout premier sourire qu'il offrait à sa mère. Ce souvenir est si vif : de grands yeux brillants me fixent, faisant fondre mon cœur d'une étrange manière. Pendant un
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moment, je n'ai pu que rester là, à le regarder. Je me sentais aimée. Je me sentais bénie. Je me sentais guérie. Quand il a eu cinq ans et qu'il partait tous les matins pour le jardin d'enfants, ces mêmes yeux me lançaient un regard brillant derrière les vitres du bus scolaire, lorsque je lui disais au revoir de la main. Le temps est le plus grand défi auquel j'ai été confrontée depuis la naissance de mon
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fils. Il m'a été très difficile de m'éloigner d'une routine centrée sur moi-même pour adopter un mode de vie qui tournait complètement autour de mon enfant. Souvent, je ne savais pas comment l'encourager à dépenser son énergie de manière fructueuse et constructive. Il ne se satisfaisait pas de ma seule présence physique, il cherchait mon attention, même mentalement et émotionnellement. Alors qu'il sautait d'une activité à l'autre, avec ce qui semblait être un réservoir inépuisable d'énergie de haute puissance,
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je luttais pour maintenir mon enthousiasme et ma patience, tout en essayant de suivre son rythme. Je me demande comment faisaient autrefois les familles, dotées au moins d'une demi-douzaine d'enfants qui prospéraient avec aisance et naturel – tout cela sans les aires de jeu, les crèches et les jardins d'enfants. Il y avait toujours plusieurs enfants, mais aussi beaucoup d'anciens pour les surveiller et prendre soin d'eux. L'atmosphère était très propice à un apprentissage sain de l'enfant, avec un beau mélange d'amour, de liberté et de discipline. Je le vois naturellement reflété dans mon fils : son bonheur est sans borne quand il est avec ses grands-parents ! Après avoir d'abord tenté de me cramponner à mon temps et à mon espace, j'ai lentement appris à lâcher prise. Plus je lâchais, en donnant la priorité aux besoins de mon enfant, plus cela le rendait heureux. Plus il était heureux, plus je me sentais guérie et en paix avec moi-même. Je me suis efforcée, quand j'étais avec lui, de l'être dans tous les sens du terme – physiquement, mentalement et émotionnellement. Il était si sensible qu'il pouvait sentir ma moindre préoccupation et réclamait aussitôt toute mon attention. Qu'il s'agisse d'une sortie avec lui ou de la lecture de
son livre de contes préféré, j'ai compris que ces moments passés ensemble étaient uniques et ne pouvaient pas se reproduire. Parfois, je rejoignais mon fils et son groupe d'amis dans leurs jeux et leurs promenades à bicyclette, surtout en tant que spectatrice. Ces heures étaient ponctuées de luttes, de querelles, de rafistolages et d'études des environs. La moindre création de la nature pouvait être une source d'émerveillement. Que ce soit pour une bouse de vache fraîchement tombée ou les fascinants mimosas pudiques (dont les feuilles se replient au moindre contact), leur babil innocent et leurs exclamations reflétaient la fraîcheur avec laquelle ils voyaient les choses. En explorant et en découvrant le monde avec eux, j'ai découvert ce que signifiait être jeune de cœur. Parmi les plus beaux moments que je passe avec mon fils, il y a l'heure du coucher. Ces instants, au cours desquels je le trouve particulièrement réceptif et disposé à écouter et à absorber, ont quelque chose de sacré. La plupart du temps, il insiste pour écouter une histoire ou une chanson. Parfois, il dit : « Mamou, parle-moi », alors je lui parle de la journée et de ses événements, de lui et de moi, de ceci et de cela. Il semble tout absorbé dans la joie d'être ensemble. Il a huit ans maintenant, mais il prend toujours très au sérieux ce rituel. Et je suis plus qu'heureuse de m'y livrer. Je me souviens d'une soirée où il montait et descendait une pente sur son scooter. Soudain il est venu vers moi et s'est assis sur mes genoux. La tête levée vers le ciel, il s'amusait à regarder les nuages qui passaient. Comme il me montrait leurs formes changeantes, je me suis mise à partager son amusement. Rien ne sortait de l'ordinaire, pourtant le temps semblait éternel. Alors que nous étions là tous les deux, à contempler l'immensité du ciel bleu, je me suis sentie aimée. Je me suis sentie bénie. Je me suis sentie guérie.
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Extrait
The Heartfulness Way : Méditations sur le cœur et transformation spirituelle par Kamlesh Patel et Joshua Pollock theheartfulnessway.com
remarque que les nouveaux aspirants sont souvent nerveux à l'idée de méditer, relève Joshua Pollock. Ils craignent d'avoir du mal à gérer leurs pensées. – Beaucoup de gens pensent que la nature de l'esprit est d'être agité, rétorque Daaji. Ils disent que son état naturel est la perturbation. Je ne suis pas d'accord. En fait, je voudrais dissiper cette idée. – Pourquoi l'idée de difficulté est-elle si enracinée ? – De nombreux enseignants établis ont adopté ce point de vue. À mon avis, ils rendent un mauvais service à la cause de la méditation. Si l'on se dit que l'esprit est intrinsèquement instable, il devient notre ennemi. Et que fait-on des ennemis ? – On les combat. – Et la méditation devient une bataille, renchérit Daaji. Cela devient un effort pour réprimer l'esprit. Mais dis-moi, tes pensées et tes émotions t'ont-elles jamais empêché de profiter d'un bon film ? – Non. – Et pourquoi ?
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– Un film capte notre attention, alors on ne remarque pas ce genre de choses. – Exactement. Quand quelque chose attire notre attention et la retient, nous devenons insensibles aux pensées indésirables. Il faut juste donner à son esprit quelque chose à se mettre sous la dent – quelque chose qui l'absorbe vraiment. Ensuite, on s'aperçoit qu'il se stabilise naturellement, qu'il se concentre sans effort. Tu vois, nous ne souffrons pas d'une incapacité à nous concentrer. Nous nous concentrons sans peine sur nos intérêts. Mais arrivons-nous à les choisir ? Il semble que certains objets nous attirent plus que d'autres. Cela provient des impressions que nous portons dans notre conscience - mais nous explorerons ce sujet plus tard. De toute façon, quand quelque chose nous attire, nous sommes en quelque sorte ravis au sens propre. Nous sommes totalement concentrés. Ce n'est que lorsqu'un objet ne nous intéresse pas qu'on doit faire un effort pour se concentrer. Par exemple, que se passe-t-il lorsque tu lis un livre sur un sujet qui ne parle pas à ton cœur ? Ton esprit vagabonde
Extrait
toutes les deux phrases, n'estce pas ? Et tu réalises bientôt que tu n'as aucune idée de ce que tu viens de lire. Tu dois remonter le long du texte jusqu'à ce que les choses recommencent à te sembler familières. Pour finir le livre, il faut vraiment te concentrer ! – Donc l'intérêt réussit là où la force échoue. – Exact. Sans intérêt, toute activité est ennuyeuse. Si l'esprit ne trouve pas une idée séduisante, il répugne à rester sur le sujet. Il préférerait se concentrer sur autre chose. – Alors concentration et focalisation ne sont pas la même chose, c'est ça ? – La vraie focalisation ne demande pas d'effort. C'est quelque chose qui survient naturellement. C'est seulement quand elle ne s'opère pas toute seule que nous devons faire des efforts. Voilà ce qu'est la concentration – une tentative de focalisation. Méditer, comme nous le définissons, c'est penser à une chose de façon continue. C'est pourquoi beaucoup de gens prennent ça pour de la concentration. Mais la méditation n'est pas la concentration. La concentration demande de l'énergie, tandis que la mé-
ditation est sans effort, elle n'implique aucune force. Dans la concentration, nous devons canaliser notre esprit. Nous concentrer sur une seule idée à l'exclusion de toutes les autres auxquelles nous préférerions penser ! Plus nous nous concentrons, plus notre conscience devient exclusive. Au maximum, toute notre conscience se concentre sur un seul point, excluant tout le reste. Cela demande de gros efforts ! Arrêter le flot des pensées n'est pas facile. L'esprit a un élan naturel. Il veut aller dans une certaine direction, mais on le force à aller ailleurs. C'est comme tenter de détourner un torrent. Même si on parvient à le forcer à la soumission, il s'agit ensuite de l'y maintenir ! Au moment où on relâche son effort, il rebondit, comme un ressort étroitement enroulé. Combien de temps peut-on maintenir une telle intensité ? Et la méditation peut-elle être relaxante ou paisible quand on applique tant d'efforts pour se concentrer ? Alors oublions la concentration. Pour la vie de tous les jours, elle est sans doute nécessaire, mais elle
échoue complètement dans le domaine spirituel. – Mais nous définissons bien la méditation comme un état de focalisation, demande Joshua Pollock. – Oui, mais une focalisation sans effort. Dans cet état, l'esprit se fixe naturellement sur une pensée. C'est ce qui arrive spontanément quand un objet est capable d'attirer et de retenir notre attention. Lorsqu'elle est ainsi maintenue, nous sommes dans un état connu sous le nom d'absorption. C'est un autre mot pour l'état méditatif. – Donc l'objet de la méditation est extrêmement important. – O ui, l'objet détermine également l'effet que notre méditation aura sur nous. Un objet limité produit un effet limité. Mais quel genre d'effet produirait un objet illimité ? – Quel est l'objet illimité ? – La Source. La Divinité ellemême – la source originelle. Chercher la divinité avec le mental, c'est la chercher extérieurement. Cela devient trop cérébral, trop abstrait. Si nous essayons de nous concentrer, nous ne trouvons rien sur quoi nous concentrer. Si nous essayons de la saisir,
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elle nous échappe. La Divinité est quelque chose que nous devons trouver à l'intérieur. Quand sa brise rafraîchissante nous atteint, c'est à travers le sentiment, la sensation qu'elle nous vient. La pensée est étroite, mais le sentiment est large. Il est holistique. Il englobe la pensée, pourtant il se situe au-delà de celle-ci. Il englobe toutes nos facultés, tout en les dépassant. Par le sentiment, des vérités plus profondes se révèlent. La divinité ne peut pas être connue, mais sa présence peut être ressentie. Et peut-on sentir cette présence avec son foie ou dans ses talons ? Peut-on la sentir avec ses épaules ou ses coudes ? C'est le cœur qui est l'organe du sentiment, et c'est par le cœur que nous le sentons. Donc le cœur est l'endroit où nous devons le chercher, c'est pourquoi nous méditons sur le cœur. C'est là que s'achève notre voyage dans le domaine des connaissances, des concepts et des formes. Parution En Inde, le 19 janvier 2018 Aux USA, printemps 2018
Up À VIVRE
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