Mai 2018
Vivre, tout simplement
Comment être
PRÉSENT
6,50€
LE REGARD INTÉRIEUR Kamlesh Patel présente Pratyahara, CHANGER LE MONDE Vasco Gaspar nous parle de méditation et de pleine conscience
Heartfulness Vivre, tout simplement
Rédaction – Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi, Genia Catala, Elizabeth Denley, Emma Ivaturi Graphisme – Hélène Camilleri, Emma Ivaturi, Uma Maheswari Traduction – Marianne et Jean-Pierre Baillon, Genia Catala, Martine Corso, Sandrine Delacroix, François Déroulède, Sylvie Galland, Marie Laure Lagrange, Jean-Pierre Le Grand, Beba Marantz, Michelle Pain-Orcet, Vincent Scarito Photographies – Jade, Foto Garage Ag, Joshua Fuller, Daniel Silva Gaxiola, Simonne Holm, Chang Liu, Mona Mishra, Jenu Prasad Illustrations – Claire Bigand, Filiz Soyak Contributeurs – Ichak Adizes, Théophile l’Ancien, Simonne Holm, Kamlesh Patel, Anna Pearse, Elaine Sainte-Marie, Ravi Venkatesan Interviewés – Sarah Baldwin, Vasco Gaspar, Natwar Sharma
ISSN : 2491-2255 N° CPPAP : 0419 K 93360
Envoi des contributions et correspondance avec la rédaction en français, magazine@unimeo.com – en anglais, contributions@heartfulnessmagazine.com Publicité – en français, magazine@unimeo.com ; en anglais, advertising@heartfulnessmagazine.com Abonnements – en français, www.unimeo.com ; en anglais, www.heartfulnessmagazine.com Impression – Aumüller Druck, GmbH & Co. KG, Weidener Straße 2, D-93057 Regensburg Publication – Unimeo, 5 Esplanade Compans Caffarelli, 31000 Toulouse Droits d'impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l'éditeur 2018 © Tous droits réservés à Unimeo Editeur – Unimeo
www.heartfulness-magazine.fr Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate »
et le logo « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.fr.heartfulness.org est également la propriété de l'Institut Heartfulness.
Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l'Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
Contributeurs Ichak Adizes Ichak Adizes est le fondateur et président de l'Adizes Institute, société internationale de consultation considérée comme l'une des meilleures des États-Unis. En plus de conseiller les gouvernements du monde entier, Ichak Adizes travaille avec une clientèle très diversifiée, allant des start-ups à des membres de Fortune 500. Il a formé des cadres supérieurs dans plus de 50 pays et a écrit 20 livres traduits en 26 langues. Ichak Adizes et sa femme ont six enfants. Il aime jouer de l'accordéon et pratique la méditation.
Vasco Gaspar Vasco Gaspar vit au Portugal et travaille dans le monde entier à promouvoir un monde plus humain et plus compatissant. Il a été formé par les plus grands spécialistes de la pleine conscience, de l'intelligence émotionnelle et des neurosciences. Son rêve est de co-créer l'avenir, ce qu'il réalise dans de nombreuses organisations en formant des gens grâce à une palette d'outils de technologies de pointe centrées sur la conscience. Il se consacre maintenant à la fusion de plusieurs pratiques, la pleine conscience, Heartfulness et presencing, pour créer un nouveau protocole au service du plus grand bien : l'épanouissement de l'être humain. Il milite également pour la protection de la planète.
Filiz Emma Soyak Dès l'âge de 5 ans, Filiz a su que les arts visuels étaient sa vocation et sa façon de s'exprimer. Depuis le début de sa carrière professionnelle en 2000, son travail a été largement montré à l'échelle internationale, avec plus d'une douzaine d'expositions individuelles et près de quarante expositions collectives. Elle est devenue mère en 2016, et ce changement important dans sa vie a réorienté son œuvre vers une approche plus centrée sur la conscience. Elle a découvert que son travail n'était pas seulement une façon de révéler et de comprendre sa vie, mais qu'aujourd'hui plus que jamais il témoignait d'une conscience aiguë de l'instant présent.
Elizabeth Denley, Rishabh Kothari Meghana Anand, Sylvie Berti Rossi Genia Catala, Emma Ivaturi
PRÉSENCE Bienvenue dans notre numéro de mai ! Le 1er mai correspond à l'ancienne fête du printemps de l'hémisphère nord, où l'on rendait
hommage à la vie et à la fertilité de la nature. Alors, au cours de ce mois, pensez à la Terre Mère, et honorez-la de toutes les manières possibles – en nettoyant votre environnement de ses déchets, en réduisant votre consommation d'eau, de polluants et de plastiques, en prenant soin des plantes et des animaux qui vous entourent…
En ce début de printemps, observez, développez l'attention à ce qui se passe autour de vous,
accompagnez les transformations de la nature. Cultivez la qualité, l'intensité et l'aptitude à être présent. Aujourd'hui, dans les cercles de développement personnel, on parle de plus en plus souvent de presencing – un mot qui combine être présent et percevoir. On le définit comme la capacité de se connecter aux sources les plus profondes du Soi afin de permettre à la connaissance de monter à la surface. Mais comment accède-t-on aux sources les plus profondes du
Soi ? Et comment sait-on qu'on est parvenu au plus profond ? Puisque notre voyage intérieur
est infini, le plus profond n'est pas quelque chose de fixe, mais un point vers lequel nous tendons de manière asymptotique. La connaissance, ou l'illumination, n'est donc pas non plus une
chose fixe ; nous sommes éclairés au fur et à mesure que nous avançons dans notre voyage vers l'infini. Le but final étant d'atteindre le stade où, au-delà de la conscience de soi, et au-delà de la conscience du Soi, nous nageons dans l'Unité universelle.
Dans ce numéro, quelques-uns de nos lecteurs témoignent de la façon dont ils vivent l'ins-
tant présent. Kamlesh Patel nous explique l'importance de pratyahara, dans sa série sur l'ashtanga yoga, Théophile l'Ancien évoque les expériences de mort imminente, et Ravi Venka-
tesan continue à nous présenter les meilleures façons de négocier avec le cœur dans le monde des affaires. Et enfin Filiz Emma Soyak, avec son exquise série de peintures « sur un souffle »,
nous invite à la méditation.
Et ce n'est pas tout... alors beaucoup de plaisir dans vos découvertes ! La rédaction
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l'interview Sur le terrain
Vasco Gaspar
Renouer avec l'espoir
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focus
la pensée et l'action
Points de vue
Agir autrement
Vivre le moment présent. Trois questions à nos lecteurs
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Le négociateur Heartfulness
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Combattre le stress
Réflexion
La clé de l'équilibre dans son métier
Ichak Adizes nous encourage à sentir plutôt qu'à penser.
Natwar Sharma nous explique sa technique pour restaurer son énergie dans un quotidien surchargé.
Comment être présent?
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Être parent
Soyez vous-même avec vos enfants
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Ce transformateur des consciences s'investit totalement dans la construction d'un monde plus humain, en associant la pleine conscience, le presencing, les neurosciences et Heartfulness.
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ça change tout Grandir à son rythme
Jouer autrement, 2e partie
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Attitude
Élémentaire, tout simplement Anna Pearse nous apprend à gérer la colère et à l'utiliser comme un outil de développement personnel.
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être inspiré La recherche intérieure
Les expériences de mort imminente et leurs révélations
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La science de la spiritualité
Ashtanga Yoga - Pratyahara Kamlesh Patel développe cette 5e étape du yoga de Patanjali, qui nous permet de diriger vers l'intérieur le flux d'attention des organes des sens.
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le goût de la vie Portfolio
Uno spiro Des peintures méditatives de Filiz Emma Soyak
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Yogasanas Heartfulness
Gomukhasana La posture de la tête de vache
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Cuisine nature
Recette de Simonne Holm Chou-fleur rôti aux légumes verts vapeur
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Up 85
SUR LE TERRAIN
Renouer avec l'espoir
STÉPHAN BERTRY a participé à la première expérience de Heartfulness menée en France avec des groupes de personnes en détresse. Il nous raconte les étapes de cette initiative nouvelle et délicate, et les précautions qu'il a fallu prendre pour aborder ce public fragilisé et parfois traumatisé.
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n 2017, à Lyon, une formation Heartfulness a accompagné la mise en place de PERLE, un dispositif d'accompagnement vers et dans l'emploi, destiné aux réfugiés de pays en guerre, sans abris et personnes isolées résidant dans des structures d'hébergement du Rhône.1 Les ateliers Heartfulness, qui ont eu lieu une à trois fois par semaine, selon les disponibilités du planning, ont accompagné différents groupes de dix à vingt personnes, de janvier à décembre 2017. Au total, environ 250 personnes de toutes nationalités (Afrique, Amérique latine, Moyen-Orient, Europe, Asie) ont fait l'expérience des ateliers Heartfulness. L'équipe encadrante du projet PERLE (chef de projet, chargé d'insertion professionnelle, équipe
de communication, formateur, psychologue, etc.) participait également aux sessions Heartfulness. Il est apparu très vite que ce projet devait être mené avec une attention particulière. Pour commencer, il a fallu de nombreux échanges pour créer un lien de cœur et établir une relation de confiance et d'authenticité entre l'intervenant Heartfulness et les membres de chaque groupe. C'était le premier
Projet initié par la préfecture du Rhône, coordonné par l'association Foyer Notre-Dame des sans-abris et financé par le Fond social européen et différentes structures (Apical, Evolem citoyen, Fonds groupe SEB, groupe Amalia, Crédit immobilier de France). 1
He a r t f ul nes s
Su r l e te r ra i n
pas avant de progresser dans la démarche et leur proposer d'expérimenter Heartfulness. Nous avons commencé en douceur par la relaxation – primordiale dans ce contexte – suivie de deux ou trois minutes de méditation au maximum. Cette étape était douloureuse pour certains, car le simple fait de fermer les yeux et de regarder à l'intérieur de soi faisait resurgir des émotions profondes. Il a fallu beaucoup de compréhension et d'empathie pour les accompagner dans cette première rencontre avec soi-même. Pour ce public surtout préoccupé de trouver les moyens de survivre, cette étape était déjà extraordinaire en soi, et expérimenter pour la première fois un moment d'intériorisation s'est révélé précieux et exceptionnel. Peu à peu, au fil des séances, nous avons été plus loin et avons pu prolonger la durée de la méditation jusqu'à 2030 minutes pour une partie des participants. Certains ont également découvert le cleaning (nettoyage intérieur) en groupe. Nous organisions toujours le dernier atelier d'un groupe en présence de toute l'équipe encadrante du dispositif PERLE. Ce moment partagé était vraiment unifiant et chaleureux : les cœurs s'ouvraient, chacun racontait son expérience avec des mots simples… juste des hommes et
des femmes qui avaient vécu un moment de relaxation et de méditation ensemble, en cherchant finalement la même chose au fond de leur cœur. Dès le début de ces ateliers, Kamlesh Patel avait envoyé un mail pour nous encourager et nous accompagner dans ce processus : « Heartfulness peut aider à devenir plus lucide, à garder espoir, et à redonner un sens à sa vie, à se créer un but et à survivre pour le réaliser. Alors réfléchissez à ce que Heartfulness peut apporter à ces personnes. Je pense que cela pourrait énormément les aider à garder un cœur et un mental fermes et déterminés, et à poursuivre leur objectif malgré la détresse. Il n'y a aucun risque à leur proposer le cleaning et la méditation. Ils peuvent faire dix minutes de chaque. » Il y a deux semaines, alors que je prenais le métro à Lyon, j'ai rencontré Mourad dans la même rame que moi, il était 19h30. Quand je me suis levé pour aller le saluer, un doux sourire a illuminé son visage. Il était avec un ami, également réfugié et en structure d'hébergement. Il m'a présenté, lui a raconté ce que je faisais et comment la formation Heartfulness lui avait appris à se détendre dans des situations difficiles. Et là, dans le métro, après avoir expliqué à son ami qu'il avait trouvé ainsi les ressources intérieures pour faire
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face aux difficultés et surmonter les obstacles, Mourad lui a dit de fermer les yeux et de se mettre à l'écoute de son cœur...
Heartfulness peut aider à devenir plus lucide, à garder espoir, et à redonner un sens à sa vie, à se créer un but et à survivre pour le réaliser.
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FOCUS
être présent
Le moment présent est rempli de joie et de bonheur. Si vous êtes attentif, vous le vivrez.
Thich Nhat Hanh
Qr &
ÊTRE PRÉSENT
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Que signifie pour vous vivre le moment présent ? Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes dans le présent ?
Comment faire pour rester dans cette sensation ? AL# REVENKO Qu'est-ce qui changerait si les gens autour de vous vivaient le moment présent ?
Académie de la pleine conscience. Kislovodsk, Russie
Ê
tre présent signifie être capable de ressentir plutôt que de penser, se souvenir, analyser, planifier ou rêver. En étant présente, je ne pense pas à ce que je voudrais ressentir. Je ressens simplement tout ce qui se présente à moi. Je peux sentir le froid de l'air qui mord mon visage. Je sens le vent qui transperce n'importe quel vê-
tement pendant l'hiver russe. Je sens mon corps ! Quand je suis dans le présent, j'entends les oiseaux chanter ; à l'inverse, quand je suis profondément plongée dans mes pensées, je ne remarquerais même pas le chant le plus sublime d'un célèbre oiseau chanteur russe… Je ne ressens la beauté et la vie autour de moi que lorsque je sors de mes pensées et que je reviens à la vie et au moment présent. Alors je vois la beauté ! Quand je suis dans le présent, je ressens immédiatement l'état d'esprit de mes enfants, je ne fais qu'un avec eux. Je ne m'inquiète donc pas pour eux, je ne les contrôle pas, je ne cherche pas à leur apprendre quelque chose. Je donne de l'amour et de l'attention. Quel plaisir !
Po int s de v u e
Quand je suis dans le moment présent avec mon bien-aimé, je sens l'amour profond qui existe entre deux êtres humains. Je sens sa présence en direct. Je vois ses yeux. Je suis attentive à ce dont il parle. Je me rends compte de ce qu'il ne dit pas. J'aime ! Mes pensées du passé et de l'avenir ne font qu'engendrer davantage de pensées. Être dans le moment présent est un don de la vie.
AMIR IMANI Thérapeute, formateur de pleine conscience et formateur Heartfulness.
Q
uand on parle d'être, on parle de présence. La présence, c'est tout ce que nous sommes de façon naturelle, sans effort, à tous les niveaux. Quand l'effort se manifeste, c'est que nous
changeons d'état et passons au mode actif, ce qui représente également un niveau de présence ; mais on peut aussi y renoncer, et ressentir simplement ce qui se passe ici et maintenant. J'aime cette pratique de prendre conscience de ce qui se déroule et de le laisser entrer en moi, comme une bulle de conscience et de bonté en constante expansion. Quand cet état d'être est au plus près de la nature, il ne demeure que pure compassion pour ce qui surgit ; on voit que la conscience et la bonté ne sont pas deux mais vraiment une, ou du moins des jumelles étroitement liées. Comment pourrions-nous, dans cet état, distinguer la conscience de l'amour, alors que tout ce qui surgit éveille en nous un profond sentiment de connexion ? Notre esprit est allé au plus profond, là où réside le cœur. Quittons-nous jamais le moment présent ? Le poisson quitte-t-il l'eau ou l'oiseau l'air ? Quand on a connu la profondeur infinie de la connexion silencieuse et pleine d'amour avec soi-même, tout fait alors partie de notre être. Nous sommes dans un océan de présence, et si parfois nous nous en détournons, ce n'est qu'un petit fragment que nous laissons entrer en nous avec un sourire. Pouvons-nous aller
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ailleurs qu'ici et maintenant ? C'est tout ce que nous avons, c'est l'espace et le temps où nous sommes, même si nous le gaspillons en nous consacrant au passé ou à l'avenir. Qu'est-ce qui changerait si les gens autour de nous vivaient dans le présent ? Je pense qu'il y aurait beaucoup plus de rires, de pleurs et d'étreintes. Ce sont là quelques-unes des réponses humaines à la connexion profonde avec notre intériorité, avec les autres et avec notre environnement : la joie d'être vivant et en contact, les larmes quand nous ressentons notre douleur et celle des autres, la gratitude d'être un humain capable de ressentir… et l'étreinte vient spontanément, c'est une réponse instinctive pour garder la vie et ses manifestations plus près du cœur – d'où elles viennent.
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Po int s de v u e
BINDU MANI Directrice de banque à la retraite et bénévole dans une ONG Hyderabad, Inde
nous-mêmes. Nous commencerions tous à nous regarder et à nous traiter les uns les autres de manière totalement différente – pas de préjugés, pas de jugement, pas d'attentes, il n'y aurait donc même pas besoin d'acceptation. Il n'y aurait que de l'amour, et l'environnement deviendrait plus propice à notre croissance et à celle de ceux qui entrent en contact avec nous.
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tre présent signifie « être » tout simplement. Comme les arbres, les plantes, les animaux, qui sont simplement là, je le suis moi aussi. Je suis très heureuse d'être dans le présent : sans soucis, joyeuse, vaquant aux tâches nécessaires – sans penser à ce que j'aime ou n'aime pas – je prends plaisir à tout ce qui doit être fait. En d'autres termes, être dans le présent, c'est « suivre le courant ». Comment puis-je rester dans le moment présent ? En étant connectée intérieurement à mon cœur 24/7. J'aime vivre dans le présent. Cela me donne une joie immense. Si les gens autour de moi pouvaient être présents, ce serait merveilleux ! Chacun de nous serait relié à l'Un, si bien que nous serions tous en paix avec
CONNIE GROGAN Rédactrice médicale Starnberg, Allemagne
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ivre dans le présent, c'est la conscience de vivre dans un état de grâce. Il y a des moments de paix et de beauté, mais accepter la souffrance comme un don est aussi une partie essentielle de la vie dans le présent. Vivre dans le présent exige une conscience claire. Au fil des années, la conscience condi-
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tionnée par l'ancienne éducation religieuse, parentale et sociale est remplacée par la conscience divine ; il est donc de plus en plus important de savoir discriminer. Je ne pense pas à rester dans le moment présent. Je le fais, c'est tout. Ma pratique quotidienne de la méditation est essentielle, parce qu'elle m'ancre dans le présent. J'aime nager, parce que toutes les pensées se perdent dans les sensations et le mouvement. J'aime marcher, parce qu'il y a toujours de nouveaux aspects de la beauté à voir. J'aime cuisiner, parce que les légumes ont des couleurs et des arômes agréables qui font monter en moi la reconnaissance. J'aime même balayer mon sol, parce que j'entre dans un rythme. J'aime mon travail, parce que je m'immerge dans la lecture et l'écriture. Je garde à l'esprit l'histoire de Ram Chandra de Shahjahanpur dessinant une seule ligne sur sa main et faisant remarquer que s'il n'y en a pas d'autre, la voie est claire et bien tracée. Il n'y a qu'un seul point de mire. Si tous vivaient dans une attitude d'abandon, le monde serait parfait. Il n'y aurait ni guerre, ni maladie, ni famine. Il n'y aurait que de l'amour.
Po int s de v u e
JESAL MEHTA Homme d'affaires Calcutta, Inde
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tre présent, c'est ne pas être détourné du moment que l'on vit par quoi que ce soit ; c'est être pleinement impliqué dans ce moment. Je pense que lorsque nous sommes dans l'acceptation totale de ce qui était, de ce qui est et de ce qui sera, nous vivons pleinement le moment présent. Vivre au présent me fait me sentir mieux connecté avec ceux qui m'entourent. Je suis aussi capable de voir les gens et les situations d'un nouveau point de vue. Je suis inspiré par les enfants, quand je les vois accueillir chaque moment comme il vient. Pour eux, c'est naturel. Ils ne se préoccupent ni du passé, ni de l'avenir. Ce n'est pas le cas des adultes, malheureusement. Mais ce qui m'a énormément aidé au fil des ans, c'est la simple pratique de la méditation Heartfulness.
Elle permet à l'esprit de rester stable et centré sur le moment présent. Cela a vivifié mon existence. Je pense que c'est avant tout à nous-mêmes que nous rendons service en étant dans le présent. Sans cela, nous nous refusons la chance d'apprendre et de grandir à partir de ce que la vie nous offre à chaque instant. Si nous étions dans le présent, nous nous plaindrions moins et serions plus reconnaissants.
JOAN EVEN Professeur adjointe de théorie et pratique de la méditation Massachusetts, USA
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erchée sur la falaise, regardant l'océan, respirant, blottie dans mon cœur, ressentant en moi une paix intérieure et un flot de gratitude qui me traverse, je suis présente et la
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nature est présente pour moi. Je conduis ma voiture, attentive à mon cœur, consciente que je suis vivante et que cette force de vie est moi et me traverse, je tends la main vers mon mari, il la prend. Je sens une expansion, une ouverture.... Je suis présente et lui aussi. Au milieu d'une fête de famille, je suis consciente d'un sentiment inconfortable de déconnexion, de vide et de tristesse dans ma poitrine. Je respire, je place mon attention sur ma respiration, et je la ressens. Je me blottis à nouveau dans ce lieu paisible, laissant l'énergie calme et aimante de ma Nature me nourrir. Au milieu de la fête, je me tiens là, tranquillement, en remplissant lentement d'amour une partie de cet espace triste en moi. Je suis présente. Ma fille me rejoint, nous partageons un morceau de gâteau, nous rions.... Rebecca est présente avec moi. En arrivant à la maison, une certaine tristesse demeure, je m'assieds dans un endroit calme pour écrire ces lignes. Mon fils, étudiant en deuxième année d'université, arrive, il installe gauchement son mètre quatre-vingt-dix sur mes genoux, me fait un câlin et me dit : « Merci pour tout, Maman. » À nouveau,
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voilà ce qui se passe quand ceux qui m'entourent sont présents.
DR HESTER O'CONNOR
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Psychologue clinicienne Irlande
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arfois, j'ai l'impression que des étrangers sont des gens que je connais déjà. Je ne les ressens pas comme des êtres séparés, « autres ». Il m'arrive d'avoir ce sentiment pendant ma journée de travail ou les week-ends, lorsque je sors. Il est tout à fait délicieux de se sentir connecté aux autres. Quand je suis présente de cette façon, j'éprouve pour eux de la douceur ou de la tendresse. C'est une qualité de connexion à soi-même et aux autres très précieuse. L'image d'un alpiniste redéfinissant la direction à prendre me vient à l'esprit. Faire ma pratique Heartfulness chaque
matin est le meilleur moyen que j'aie trouvé pour me connecter avec l'espace de mon cœur, et c'est particulièrement utile quand je suis moins centrée, loin de mon cœur. En conduisant, je me dis mentalement : « Tout ce qui m'entoure est profondément absorbé dans le souvenir du divin. » Et au travail : « Chacun développe une pensée correcte, une bonne compréhension et une approche honnête de la vie. » Ces suggestions m'aident à me connecter par mon cœur à mon environnement, et je remarque que je me réajuste de manière très subtile. Physiquement, je me reconnecte à ma respiration et je la ralentis. Mentalement, la deuxième suggestion semble dissoudre ma nervosité et m'aide à lâcher mon besoin d'avoir raison dans les réunions. Je laisse aller les choses plus facilement. Le fait d'être plus présente semble également avoir un effet sur mon entourage. Au travail, j'ai tendance à être plus souple et moins rigide. Et il y a des jours où ce sont les autres qui sont plus présents, ce qui a un effet vraiment positif sur moi. Je pense que nous sommes essentiellement des êtres sociaux, plus profondément affectés les uns par les autres que nous ne le pensons. C'est l'état intérieur de chacun
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qui nous aide à créer ensemble notre expérience du moment présent. Plus nous sommes capables d'être présents, plus nous pouvons co-créer de l'harmonie jour après jour.
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26 MAI-7 JUILLET 2018 À NICE
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comment ^ etre
present
Réf lex ion
ICHAK ADIZES nous raconte comment il a enfin appris à être présent et comment cette découverte a changé sa vie, ses relations avec ses enfants et sa perception de la nature.
La pensée New Age répétait ce message : « Soyez dans le présent, cessez de ne penser qu'au passé ou à l'avenir, soyez présent. » Cela rejoignait mes propres expériences. Alors que je développais ma méthodologie et que je la testais auprès de mes clients dans le monde entier, mon esprit était occupé à 100% à penser à l'avenir (aux moyens d'améliorer la méthodologie) ou au passé (diagnostiquer ce qui n'avait pas bien marché et pourquoi). Mes fils se plaignaient, disant que je n'étais pas avec eux. Cela me choquait : Comment ça ? Moi qui prenais des avions de partout dans le monde pour revenir auprès d'eux ! Mais ils avaient raison. Mon corps était là, mais non pas ma présence, ma conscience, mon esprit. Quand mes enfants évoquent quelque chose qui s'est passé entre nous et me demandent si je m'en
Si vous voulez être vraiment présent, arrêtez de penser et ressentez. Sentez ce qui se passe. Posez-vous la question : « Comment est-ce que je me sens ? Face à ce qui arrive en cet instant, qu'est-ce que je ressens ? »
souviens, j'ai un trou. Non, ce n'est pas un début d'Alzheimer, c'est que je n'étais pas là, tout simplement. Mon esprit était avec un client ou occupé par un problème théorique avec lequel je me débattais. J'étais là où était mon esprit – et mon esprit n'était pas là. Ne pas être présent a des répercussions. Sans le présent, il n'y a plus que le passé et l'avenir. Or le passé n'existe plus et l'avenir ne s'est pas encore produit ; lorsqu'on ne vit pas dans le présent, en fait, on ne vit pas. Notre vie consiste à penser à ce qui est advenu ou à imaginer ce qui va advenir, mais la vie, elle, n'advient pas. Quand on n'est pas présent, la vie passe très vite. Lorsque partout on commence à diffuser des chants de Noël, je m'étonne : « Quoi, une année est déjà passée ? Où étais-je pendant cette année ? » Tout est flou, parce que je n'étais pas là. Mon esprit était ailleurs. Alors oui, il nous faut être plus présents pour profiter de la vie, parce que vivre dans le passé ou dans le futur, ce n' est pas faire l'expérience de la vie. Mais comment faire pour être présent ? Je me suis débattu avec cette question. On m'a dit qu'il fallait méditer, que c'est ainsi qu'on devient présent. J'ai essayé au moins une demi-douzaine de méditations : méditation assise, en marchant, etc. La méditation a empêché mon cerveau de me terroriser, mais elle ne m'a pas rendu présent.
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Réf lex ion
Il n'y a pas longtemps, je pense avoir trouvé la réponse : sentir. Si vous voulez être vraiment présent, arrêtez de penser et ressentez. Sentez ce qui se passe. Posez-vous la question : « Comment est-ce que je me sens ? Face à ce qui arrive en cet instant, qu'est-ce que je ressens ? »
En m'encourageant à sentir ce que je vois plutôt qu'à penser à ce que je vois, je suis devenu présent. Je n'étais ni dans le futur ni dans le passé, j'étais là, dans l'instant. Dans le présent.
Plus on ressent, plus on est présent. Sentez ce qui se passe ici et maintenant.
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Je me suis exercé à le faire. J'habite près des falaises de Carpinteria. Elles se trouvent le long de la côte, sur un terrain qui a été acheté par la communauté locale et offert à la ville pour qu'elle en fasse une réserve naturelle protégée. Je vais souvent m'y promener. Dans le passé, mon cerveau n'arrêtait pas de travailler, de faire des heures supplémentaires. Je pensais à mon travail, à mes livres, à mes problèmes familiaux. J'avais l'impression que si je ne pensais pas, je n'existais pas. Mon esprit devait être actif pendant toutes mes heures de veille (probablement aussi durant mon sommeil). Mais comme je l'ai dit, penser m'éloigne du présent et me transporte dans le passé ou l'avenir. Alors, j'ai tenté de suivre ma nouvelle idée. Sentir. Arrêter de penser et ressentir, là où on est.
Je me suis arrêté et j'ai regardé un arbre. J'ai essayé d'éprouver ce que l'arbre ressentait et ce que je ressentais à son sujet. Et c'était très intéressant. C'était comme si l'arbre me parlait. Chaque branche avait quelque chose à me dire : qu'elle lutte pour être au soleil, qu'elle dépend des racines pour se nourrir, que ses feuillages abritent des oiseaux. Puis j'ai regardé les nuages. Qu'est-ce que ça donne comme sensation d'être un nuage ? Et pendant un moment, je me suis identifié au nuage. Comme c'est merveilleux de flotter sans effort loin des reliefs et des obstacles terrestres, en transportant une humidité qui se transformera en pluie et nourrira la terre avec de l'eau vivifiante. J'ai regardé les fourmis en colonne qui se hâtaient d'aller quelque part. En m'encourageant à sentir ce que je vois plutôt qu'à penser à ce que je vois, je suis devenu présent. Je n'étais ni dans le futur ni dans le passé, j'étais là, dans l'instant. Dans le présent. Plus je ressens et moins je pense… et plus ma vie s'allonge.
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Soyez
vous-même AVEC
vos enfants
ELIANE SAINTE-MARIE est la fondatrice de Parenting For Wholeness, créatrice du programme Clean Parenting et auteur de Clean Parenting - The Peaceful Parent's Essential Handbook. Mère de trois merveilleuses filles adultes, elle nous explique sa manière innovante d'aider les parents à passer de la théorie à la réalité quotidienne dans leurs efforts éducatifs.
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Dans ma propre famille, comme dans celles avec lesquelles je travaille, je m'aperçois que le fait d'être authentique et présent à ses enfants est la clé d'une relation de qualité, fluide et vivante, comme peu se l'imaginent possible dans notre monde déconnecté. Je suis coach parental, et la plupart des personnes qui me consultent pensent devoir acquérir de nouvelles compétences pour être de bons parents. Pourtant, bien que j'enseigne certains savoir-faire, l'essentiel de ma pratique consiste à aider ces parents à être plus présents. •
Présents à leurs enfants : à leur vie intérieure, à leur essence, à leur caractère unique ; en les
Mon souhait est de donner à tous les parents la possibilité de se relier à leur guidance intérieure. Une fois qu'ils y ont accès, ils trouvent les mots, les approches et les solutions qui répondront aux besoins spécif iques de chaque situation.
He a r t f ul nes s
Être parents
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voyant vraiment tels qu'ils sont et de façon neuve dans chaque interaction. Présents à eux-mêmes : à leurs valeurs, afin de voir clairement leurs priorités et leurs objectifs ; à leurs émotions, leurs besoins, leur propre expérience, pour accéder à leur guidance intérieure ; à leurs conditionnements, pour prendre conscience de leurs entraves et avoir une chance de s'en libérer. Présents à ce qui se passe ici et maintenant, au lieu de chercher dans leur tête un scénario à appliquer qui ne leur sera d'aucun secours pour répondre réellement à la situation.
Certains parents viennent me voir pour que je leur apprenne des techniques et trouve des solutions spécifiques à leurs problèmes – ce que je ne fais pas. D'abord parce que je ne crois pas qu'elles pourraient leur rendre service à long terme, mais surtout parce qu'une personne extérieure ne peut savoir ce qui est bon pour eux, leurs enfants et leur famille. Devant une décision à prendre, le mental ne peut envisager en même temps qu'un nombre limité de facteurs. Alors que la guidance intérieure est capable de prendre en compte tous les critères pertinents, tels que : • • • • • •
nos valeurs la personnalité unique de notre enfant ce qu'il a déjà traversé, ce à quoi il est confronté, tout ce qui peut influencer son comportement notre vie dans sa globalité, ce qui inclut notre emploi du temps, nos relations, etc. notre intuition de ce qui pourrait se répéter ou survenir en fonction de certaines réponses des facteurs non directement liés à la situation, mais qui pourraient l'influencer
Je ne peux donc pas conseiller à des parents la bonne façon de résoudre un problème familial. Cela dit, je peux les aider à trouver leurs propres réponses. Et surtout les aider à découvrir la meilleure manière de les trouver, afin qu'ils puissent rapidement se passer d'une assistance extérieure. Mon intention – et mon souhait pour tous les parents – est de leur donner la possibilité de se relier à leur guidance intérieure. Car une fois qu'ils y ont accès, ils trouvent les mots, les approches et les solutions qui répondront aux besoins spécifiques de chaque situation. Et cela se produira non pas en étudiant et en mémorisant des phrases, des techniques ou des outils – mais en se rendant pleinement présents, conscients, en harmonie avec l'instant qu'ils vivent et tout ce qu'il requiert d'unique. J'enseigne ainsi des principes de base, comme de développer des attentes réalistes envers ses enfants, apprendre à leur faire confiance, établir avec eux un esprit d'équipe, chercher à comprendre les raisons sous-jacentes à leurs comportements et leur apporter du soutien. Et de nombreux parents ont réellement besoin d'apprendre à devenir des leaders bienveillants et cohérents pour offrir l'accompagnement et le cadre sécurisants, nécessaires au bon développement des enfants. Mais l'essentiel de mon travail, comme je l'ai évoqué, est d'aider les parents à accéder à leur guidance intérieure, à être en phase avec leurs valeurs. Je les aide à ouvrir de nouvelles voies, à développer de nouvelles attitudes, jusqu'à ce qu'elles leur deviennent familières, en les aidant à se défaire de leurs vieux schémas réactionnels. Ils prennent alors confiance en eux et deviennent capables de gérer aisément les problèmes qui se posent. Ancrés dans le moment présent, ils ont librement accès aux ressources qui leur permettent de réagir de manière adéquate en toutes circonstances.
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Être parents
L' AUTHENTICITÉ
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Ce qui nous aide à être présents à nos enfants, c'est d'être authentiques. Tant de parents viennent me demander des formules et des tactiques particulières ou la meilleure façon de s'exprimer, alors que l'approche la plus efficace est simplement d'être soi-même. Les enfants, comme nous tous d'ailleurs, répondent à l'authenticité parce qu'elle est vivante. Elle est vraie, incontestable. L'authenticité s'entend et se ressent. Elle éveille les bonnes volontés, elle inspire, elle relie. Elle touche le désir inné des enfants de faire plaisir. Elle réveille ce qui est vivant en eux. En étant authentiques, nous nous connectons à nos enfants de façon bien plus efficace que par toute autre attitude. Nous entrons en relation avec eux, nous nous engageons. Ce faisant, nous avons plus de chance de susciter leur envie de nous faire plaisir. Je propose souvent aux parents cette mise en situation : Imaginez une situation dans laquelle on veut vous persuader de faire quelque chose. Que ressentez-vous ? Comment réagissez-vous ? Puis imaginez une situation où une personne vous demande de faire quelque chose pour elle en vous en donnant la raison ouvertement, avec authenticité. Comment ressentez-vous cela ? Comment y répondez-vous ? Lorsque nous sommes authentiques, nous prenons la responsabilité de nos émotions. Cela peut être difficile, parce que ça nous oblige à prendre conscience de certaines réalités désagréables, à les regarder avec honnêteté et à accepter d'être vulnérables.
En pratique, cela consiste simplement à exposer la situation avec authenticité – comme nous le ferions envers un adulte – au lieu de chercher à appliquer des techniques toutes faites pour obtenir ce que nous voulons de l'enfant. Par exemple, on pourrait lui dire : « Je me sens mal quand je te vois utiliser ce couteau aiguisé, parce que la dernière fois quelque chose t'a distrait et tu as failli te couper. » Ou bien : « Ça me fait tellement plaisir de me réveiller dans une maison bien rangée, est-ce qu'on pourrait remettre ces jouets à leur
Les enfants sont capables de faire face à la palette de nos émotions tant que nous en assumons la responsabilité. Il est très important de leur montrer comment nous gérons nos émotions négatives. Sinon, comment apprendront-ils à gérer les leurs? place avant d'aller se coucher ? » Ou encore : « J'ai vraiment une journée difficile aujourd'hui. Tu veux bien t'occuper du goûter de ta petite sœur ? » À propos d'authenticité, il est très important de s'assurer que ce que nous partageons avec les enfants soit approprié à leur âge et présenté de façon responsable. Ce que nous exprimons doit être clair et fondé, non pas réactif. Les enfants sont capables de faire face à la palette de nos émotions tant que nous en assumons la responsabilité plutôt
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que de blâmer les autres. Il est très important de leur montrer comment nous gérons nos émotions négatives. Sinon, comment apprendront-ils à se conduire quand ils sont submergés par de fortes émotions ? De plus, le fait de mettre des mots sur ce qui se passe réellement – et qu'ils perçoivent plus ou moins clairement – les aide à se détendre. Le monde qui les entoure prend du sens. Ils ne sont plus confrontés à la réalité discordante d'un discours qui les persuade que tout va bien, que leur maman est heureuse, alors qu'ils ressentent clairement le contraire. En les faisant douter de
leurs perceptions, ce genre de contradictions nuit à leur conscience d'eux-mêmes et à leur capacité de fonctionner normalement dans le monde. En étant présents et vrais avec nos enfants, nous construisons avec eux une vie riche, joyeuse, connectée et harmonieuse. Nous grandissons aussi dans notre capacité à vivre le moment présent et à rester proches de nos valeurs en toutes circonstances. Ce qui nous sert avec nos enfants nous sert dans tous les autres domaines de notre vie, et réciproquement. Quelle belle façon de vivre gagnant-gagnant, dans la confiance, le naturel et la joie !
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Anne Frank
$ PENSÉE
Les sentiments ne peuvent être ignorés, même s'ils semblent injustes ou ingrats.
Le N É G O C I AT E U R
heartfulness 3 E PARTIE
Les sentiments et les émotions dans le cœur, suite
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Dans les trois articles précédents, RAVI VENKATESAN a mis en évidence le rôle important joué dans la négociation par les idées, les pensées, les émotions et les sentiments qui nous traversent. Il a également défini les principales paires d'opposés formées par les émotions et les sentiments qui agitent le cœur, en explorant les deux premières, avidité versus contentement et calme versus inquiétude. Dans cet article, il passe à l'analyse d'autres émotions et sentiments et, à travers des scénarios concrets, nous apporte ses conseils sur la façon de les gérer.
Les émotions et les sentiments dans le cœur forment toujours des paires d'opposés. On peut en définir cinq principales. LES PENSÉES ET LES IDÉES
Perception de l'ego – moi vs nous Intellect – Logique et raison Mental – Idées occasionnelles et vagabondes
LES SENTIMENTS ET LES ÉMOTIONS
La clarté vs le doute La peur vs le courage Le calme vs l'inquiétude
L'Amour vs la haine L'avidité vs le contentement
LA DISPOSITION INITIALE
– Les soucis et les inquiétudes – Les désirs – Les "j'aime" et "je n'aime pas" – La culpabilité
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Amour versus haine Parler d'amour et de haine est une façon extrême de décrire ces émotions opposées. Elles peuvent aussi se manifester sous la forme de la compassion, de l'empathie, de l'affection, etc., avec leurs antithèses, l'irritation, la colère, l'égocentrisme, etc. Pour explorer cette dimension, prenons un scénario où Rita négocie une augmentation avec son supérieur, Jacques, qui a reçu de sa hiérarchie la directive de refuser toute augmentation et de réduire le personnel de 10 %.
RITA : Jacques, l'année dernière je
n'ai pas été très satisfaite de mon augmentation. Elle n'était pas vraiment ajustée à mon rendement. J'espère en avoir une d'au moins 15 % cette année pour compenser.
JACQUES : Je crois que vous ne
comprenez pas ce qui se passe ici, Rita ! C'est vrai, vous avez fait du très bon travail, mais votre demande n'est même pas envisageable. Je suis sous pression pour réduire le personnel et je me bats pour sauver votre emploi.
RITA : C'est totalement injuste. Je
ne peux pas contrôler la performance globale de l'entreprise ! J'ai vraiment bien fait mon travail, et c'est sur cette base que je m'attends à être récompensée. Sinon je ne pense pas être
suffisamment motivée pour continuer à donner le meilleur de moi.
JACQUES: Je comprends ce que
vous ressentez, mais je dois me plier aux restrictions.
RITA: Je pense que vous êtes simple-
ment partial. Je suis sûre que Gary a eu une bonne augmentation, lui. En fait je sais que, l'année dernière aussi, on lui a donné plus qu'à moi.
JACQUES : Écoutez, j'essaie de
vous appuyer de mon mieux, mais votre attitude ne m'aide pas.
RITA : Je me fiche de ce que vous pensez de mon attitude. De toute façon je quitte la boîte. Je ne travaillerai pas ici un jour de plus.
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Dans ce scénario, Rita reçoit des informations auxquelles elle ne s'attendait pas et qui la secouent. Elle est prise dans une spirale descendante de colère, de suspicion et finalement de haine. Elle perd toute objectivité. Non seulement elle n'obtient pas l'augmentation désirée, mais elle finit par perdre son emploi avant même d'en avoir trouvé un autre, ce qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour sa famille. Tout cela parce que son jugement a été obscurci par l'émotion. De son côté, Jacques commence de façon neutre, mais se laisse déborder par la négativité de Rita, et il fait empirer les choses en parlant de son attitude désagréable au moment même où elle est sur le point d'exploser.
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Voici quelques suggestions pour gérer l'amour, la compassion et l'empathie en opposition à la haine, la colère et l'égoïsme : • Respirez plusieurs fois profondément et calmez-vous avant d'entamer une négociation, surtout quand vous savez qu'elle sera difficile. Cela vous mettra dans un état de neutralité et vous rendra plus attentif à votre état émotionnel. • Si la conversation prend un tour émotionnel et négatif, mettez-vous immédiatement à la place de l'autre personne. Essayez de sentir ce qu'elle ressent. Exposez la question ou le problème de son point de vue et demandez-lui de le considérer du vôtre. Par exemple, Jacques aurait pu dire : « De votre point de vue, je comprends très bien que vous vous attendiez à une augmentation, surtout au vu de vos performances de l'année dernière. Mais je voudrais partager avec vous la situation de l'entreprise et vous demander de l'examiner aussi dans ma perspective. »
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• Abordez la conversation avec l'affection que vous auriez en traitant d'un problème avec un membre de votre famille. Par exemple, Rita aurait pu dire : « Jacques, j'apprécie vos efforts pour sauver mon emploi. Je sais que vous défendez mes intérêts, mais je reste persuadée que ma rémunération n'est pas à la hauteur de la plus-value que je représente pour l'entreprise. Y aurait-il moyen d'envisager un bonus unique à la place d'une augmentation ? » Cette approche aurait encouragé Jacques à penser de façon créative à d'autres options. Il vaut bien mieux négocier comme des partenaires qui tentent de trouver le meilleur résultat possible que comme des adversaires qui s'efforcent de gagner en faisant perdre l'autre.
Peur versus courage La peur a de nombreux visages. Elle peut commencer comme de l'anxiété et finir en paranoïa. Le courage, tout en étant très utile, peut aussi être dangereux lorsqu'il est extrême. L'intrépidité, en niant la peur, peut conduire les gens à faire de mauvais choix. La clé, c'est le bon équilibre. Prenons maintenant un scénario où Fred est l'entraîneur d'une équipe de basket-ball dont Gilles est le propriétaire. Ils discutent du remplacement de Rodriguez, leur joueur vedette.
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FRED : Nos échecs récents ont une
seule cause : Rodriguez. À titre individuel, c'est un grand joueur, mais il fonctionne très mal en équipe. Il faut le remplacer pour amener l'équipe à un meilleur niveau.
GILLES : Ce serait de la folie. Il
est le seul à avoir marqué des buts lors des deux derniers matchs et il a été notre meilleur joueur ces deux dernières saisons. C'est un trop gros risque.
FRED : Nous devons tenter quelque
le mettre sur le banc et le rappeler si ça ne marche pas.
GILLES : Je n'aime pas ça du tout. Ça pourrait le démotiver.
FRED : Mais comment faire mon travail efficacement et remonter l'équipe, si je ne peux pas prendre ce genre de décisions ?
GILLES : Ça me semble beaucoup trop risqué, attendons encore quelques jeux et on en reparlera.
chose de nouveau. On peut toujours
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Il s'agit d'un cas classique où la peur entraîne le report de la décision. Qu'il s'agisse du gouvernement, du monde des affaires ou de sport, l'absence de décision cause plus de dégâts qu'une mauvaise décision. C'est toujours par peur qu'on s'abstient de décider. Voici quelques recommandations pour gérer ce genre de situations : •
Avant d'entamer une négociation, dressez une courte liste de ce qui vous fait peur. Réfléchissez rationnellement : ces craintes sont-elles fondées, ou dictées par l'anxiété ?
•
Si, au moment d'engager une négociation, vous vous sentez très mal à l'aise et anxieux, demandez quelques minutes pour faire le tour de la situation, sortez et revenez quand vous vous sentirez mieux. La peur peut avoir un impact physique et il faut un certain temps pour revenir à un état normal.
•
Pour faire face à la peur que ressent une personne avec qui vous négociez, utilisez un langage rassurant et présentez calmement les faits et les options. Par exemple, au lieu de suggérer de mettre Rodriguez sur le banc, ce qui semblait trop risqué pour Gilles, Fred aurait pu dire : « C'est vrai, je vous comprends, il y a un risque. On pourrait peut-être mettre Rodriguez sur le banc pendant un ou deux jeux, ou encore le faire jouer à un autre poste, en lui expliquant que nous essayons différentes stratégies de jeu. Pensez-vous que l'une de ces propositions pourrait nous aider à mettre quelqu'un d'autre à son poste ? »
•
Soyez attentif à la peur extrême ou à l'absence de peur, à la fois chez vous et chez ceux avec qui vous négociez. La clé est de rester dans un état d'équilibre.
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Clarté versus doute La cinquième paire d'opposés est la clarté versus le doute, qui est principalement la conséquence des quatre autres paires que nous avons étudiées. Ces quatre paires – avidité/contentement, calme/inquiétude, amour/haine, peur/courage – sont tissées de sentiments et d'émotions primaires qui s'engendrent les uns les autres. Par exemple, le mécontentement mène généralement à l'inquiétude, qui à son tour conduit à la colère et à la haine, ce qui induit de l'anxiété et de la peur, pour aboutir à un manque de clarté. À l'inverse, le contentement suscite le calme, qui mène à l'amour et à la compassion, lesquels soutiennent le courage, qui permet la clarté. Ces opposés peuvent donc créer un cercle vertueux aussi bien qu'un cercle vicieux.
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AMOU R
PA I X
HA I N E
COU RAGE
C L A RTÉ
I N Q UI É T UD E
CO NT ENT EMENT
PEUR
D O UT E
AV I D I T É
Dans les prochains articles, nous examinerons les pensées et les idées qui trottent dans nos têtes, et la meilleure façon de les gérer pour négocier efficacement.
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COMMENT SE DÉTENDRE? Asseyez-vous confortablement et fermez doucement les yeux. Commencez par les orteils. Remuez-les. Maintenant, sentez qu'ils se détendent… Détendez vos chevilles et vos pieds… Sentez l'énergie qui monte de la terre… de vos pieds jusqu'à vos genoux, et qui détend les jambes… Détendez les cuisses… L'énergie monte le long des jambes… et les détend. Maintenant détendez profondément vos hanches… votre ventre… et votre taille… Détendez votre dos… Votre dos est entièrement détendu, du haut en bas… Détendez votre poitrine et… vos épaules. Sentez simplement que vos épaules fondent… Détendez le haut de vos bras… Détendez chaque muscle de vos avant-bras… vos mains… jusqu'au bout des doigts… Détendez les muscles du cou… Portez votre attention sur votre visage… Détendez les mâchoires… la bouche… le nez… les yeux… les lobes des oreilles… les muscles du visage… le front… jusqu'au sommet de la tête. Sentez que tout votre corps est maintenant complètement détendu… Dirigez maintenant votre attention sur votre esprit, vous sentant profondément détendu à l'intérieur… Respirez calmement... Laissez votre esprit se relâcher. Déplacez votre attention vers le cœur… Émettez tranquillement l'idée que la Source de lumière illumine votre cœur de l'intérieur et attire votre attention. Sentez-vous immergé dans l' amour et la lumière dans votre cœur. Restez dans le calme et le silence et absorbez-vous lentement en vous-même.
fr.heartfulness.org
la clé de L'ÉQUILIBRE DANS SON MÉTIER
C om battre le stress
Q
En tant que thérapeute, comment faites-vous pour soigner vos patients, sans en être vous-même trop éprouvé ? Le docteur NATWAR SHARMA, membre du Royal College of Pediatrics and Child Health (MRCPCH), a été formé et a travaillé dans l'unité de soins intensifs pédiatriques des hôpitaux Apollo de Chennai, en Inde. Pédiatre intensiviste et thérapeute en médecine alternative, il est quotidiennement confronté à la gestion du stress et au défi de prendre le recul émotionnel nécessaire dans sa relation avec ses patients. Interrogé par le docteur VIJI BA$SUBRAMANIAN, il explique comment il restaure son énergie et garde son équilibre malgré un agenda surchargé.
Il y a trois choses que mon guide m'a recommandées : en premier lieu respecter une confidentialité absolue lorsque je soigne un patient ; sinon celui-ci ne pourra pas s'ouvrir librement à moi. Ensuite ne juger personne ; dès que je juge, je suis fichu. J'ai remarqué que même si je ne l'exprime pas, le jugement détruit non seulement ma capacité d'aider mon patient, mais il affecte énergétiquement celui-ci. Il y a une très belle citation dans Autobiographie d'un Yogi : « Le passé de chaque homme est rempli de honte. » Il n'y a pas d'exception. Alors qui suisje pour juger ? Lorsque vous voyagez en bateau, le fait que vous soyez à l'avant ne signifie pas qu'une personne assise à l'arrière soit inférieure à vous. Vous êtes dans le même bateau. Si vous êtes né sur cette Terre en tant qu'être humain, cela signifie que vous êtes venu avec des bagages. Vos bagages peuvent être plus petits, les siens plus gros ; ses bagages sont peut-être plus lourds, les vôtres plus légers ; ce sont toujours des bagages. Une prison est toujours une prison, qu'elle soit faite d'or ou d'acier. Alors qui suis-je pour juger ? La troisième chose est d'éviter d'être en résonance avec les problèmes d'un patient, sinon il m'est impossible de mener à bien mon travail. Je dois me détacher de la situation, autrement je ne pourrai pas m'occuper de cette personne. Ces trois recommandations sont donc très importantes.
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Com battre le stress
Q
Et comment vous y prenez-vous pour les suivre ? Il faut être enraciné ; sans cela, on est vite déstabilisé. Je m'enracine grâce à la méditation. Peuton éviter le stress dans le monde d'aujourd'hui ? Impossible, le monde va trop vite, le monde n'a pas le temps. Rappelez-vous, il y a 20 ans, nous n'avions pas de portables, en revanche, tellement de temps. On pouvait s'asseoir, bavarder, regarder les étoiles. Qui fait encore ça, aujourd'hui ? Si peu de gens. Même dans les campagnes, les gens sont plongés dans leurs smartphones, WhatsApp, etc. Ils n'observent plus la nature ; ils ne savent plus intuitivement l'heure qu'il est, s'il va pleuvoir ou non. Tout ça s'est perdu.
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Alors que faire dans un monde où il est impossible d'éviter le stress ? Il faut le combattre. Comment ? En prenant une pilule ? Il faudra alors en prendre une chaque jour, car le stress, c'est tous les jours. Quelle est cette pilule ? Pour moi, c'est la méditation. Si un jour je ne médite pas, mon stress augmente et il s'accumule. Si dans dix ans vous souffrez d'hypertension ou de diabète, ce sera à cause de tout le stress que vous aurez accumulé. Alors vous vous demanderez : « Estce que j'irai mieux si je commence à méditer ? » Bien sûr, mais cela prendra du temps car vous avez abusé de votre corps pendant longtemps. Il faudra lui donner au moins le même laps de temps pour récupérer. La méditation doit donc être une routine quotidienne. Tous les jours, nous dormons, tous les jours nous sommes stressés, alors pourquoi ne pas méditer chaque jour ? C'est notre pilule. Lorsque nous sommes carencés, nous prenons des comprimés multivitaminés. La méditation est un comprimé « multi-corps » : elle ne concerne pas seulement le corps physique, mais aussi les corps subtils.
Comment faire face ? Il faut être enraciné ; sans cela, on est vite déstabilisé.
Et nous avons une chose merveilleuse dans Heartfulness, c'est le cleaning, le processus de nettoyage, de régénération. Quel que soit notre métier, on accumule beaucoup d'impressions inutiles en travaillant et en interagissant avec les gens ; où que l'on aille, on n'y échappe pas ; et si on s'enfonce dans tout cela, les effets se font sentir. La meilleure chose à faire est d'évacuer ces impressions chaque soir par le processus de nettoyage ; sinon, à long terme, on en subira les conséquences.
Q
Pouvez-vous nous parler de votre expérience de ce processus de nettoyage ? En quoi cela vous aide-t-il ? Si je ne fais pas mon nettoyage pendant trois ou quatre jours, je me rends compte que je m'enlise. Mon esprit n'est plus clair, des pensées me harcèlent, et je me sens lourd intérieurement. Quand je fais mon nettoyage, je dors bien, paisiblement et profondément ; le lendemain matin, ma méditation me recharge, comme une batterie, pour toute la journée. Quand on médite depuis longtemps, la sensibilité se développe : on sait que si on a tel sentiment aujourd'hui, c'est qu'on n'a pas fait ce qu'il fallait. Si on ne se lave pas, on commence à sentir mauvais. Il en va de même intérieurement ; votre cœur vous dira ce qui ne va pas.
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Q
Mais comment cela vous aide-t-il dans votre métier ? Oh, ça m'aide beaucoup ! La méditation crée un équilibre intérieur. Elle fait de vous une personne équilibrée – quel que soit le domaine dans lequel vous travaillez. En fait, c'est une façon de bien s'équiper pour affronter le monde. Lorsqu'on entre dans l'arène, il faut avoir les bons outils et les bonnes compétences pour faire face à toute éventualité. La méditation vous rend plus fort mentalement pour gérer les situations. Par exemple, je m'occupe d'enfants très malades dans les USI (unités de soins intensifs) des hôpitaux. Si je commence à me sentir triste, si je commence à paniquer et à penser : « Comment ce cas va-t-il évoluer ? C'est moi qui suis responsable... », que
m'arrive-t-il à ce moment-là ? Je suis aspiré par la négativité. Dans ce genre de situation, je dois garder l'esprit clair, je dois être lucide pour aider les enfants à aller mieux. Il y a un adage qui dit : « Nous soignons, Il guérit. » Mon travail se limite donc à soigner l'enfant au mieux de mes compétences, en Le laissant décider. Parfois un enfant est si malade qu'on pense qu'il va mourir, mais il survit et sort de l'hôpital. D'autres fois, lorsqu'un petit malade arrive à l'USI, on se dit : « Oh, celui-là n'a rien de grave » et deux jours plus tard, il est mort. Cela nous enseigne la sagesse de ne faire que son devoir, de n'accomplir que son karma, du mieux possible. La méditation donne cet équilibre, cette stabilité mentale pour se concentrer entièrement sur le travail à faire.
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Par une pratique constante de la méditation, notre esprit deviendra calme et paisible, et les idées indésirables cesseront de nous troubler. Ram Chandra de Shahjahanpur
Interview
Mindfulness
HEARTFULNE SS Dans un entretien avec EMMA IVATURI, VASCO GASPAR parle de la méditation, des pensées et de la découverte du monde intérieur.
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Parlez-nous un peu de vous et du genre de travail que vous faites avec la méditation en pleine conscience, ou Mindfulness. J'aime à penser que je travaille comme facilitateur de l'épanouissement humain ! J'investis mon énergie dans le but d'inspirer un changement et une transformation à l'échelle mondiale, pour un monde plus humain et plus compatissant. À cette fin, j'ai partagé des informations en ligne, écrit des livres, donné des conférences et animé des programmes en ligne et en face-à-face, principalement au sein d'entreprises, mais aussi pour tout public. La méditation en pleine conscience n'est qu'une des « technologies sociales basées sur la conscience » que j'ai en-
seignées ces dernières années, principalement en Europe et en Amérique du Sud, mais elle est puissante pour ouvrir le champ de la conscience. L'un des protocoles les plus demandés est Search Inside Yourself, un programme d'intelligence émotionnelle basé sur la pleine conscience, créé par Google en 2007. Il réunit la méditation en pleine conscience et les neurosciences, dans l'objectif de former des leaders plus sages et plus compatissants. J'ai également développé en 2013 mon propre proto-
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cole de méditation en pleine conscience, un programme de 8 semaines appelé ZBHD qui a déjà été suivi par plus de 3000 personnes dans le monde entier. Des études montrent que même quelques minutes de pratique quotidienne peuvent changer de façon significative le niveau du stress, de la confiance en soi, du bien-être mental et de l'attention. Je me consacre maintenant à faire fusionner dans un même protocole différentes pratiques, comme la méditation en pleine conscience, Heartfulness et le presencing (théorie U), tout cela au service du plus grand bien : l'épanouissement de l'être humain.
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Vous enseignez depuis des années la méditation en pleine
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Heartfulness nous entraîne dans des aspects plus profonds de notre voyage et de notre potentiel en tant qu'humains. Et dans Heartfulness, il y a la transmission yogique, qui élève l'expérience à un tout autre niveau.
conscience, dans des entreprises et des organismes. Qu'est-ce qui étonne les gens, la première fois qu'ils commencent une pratique introspective ? En fait, on observe plusieurs types de réactions. Certaines personnes sont inquiètes, effrayées par l'intensité de leur activité mentale – ruminations sur le passé, scénarios sur l'avenir, etc. D'autres sont étonnées, ou même tristes de constater qu'elles passent quasiment l'essentiel de leur journée sur pilote automatique, en ne faisant que suivre le courant de leurs conditionnements,
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tant intérieurs qu'extérieurs. Mais la plupart sont ébahies lorsqu'elles entrent en contact avec des aspects sains, sages et compatissants d'elles-mêmes. Elles en retirent souvent un sentiment de paix qu'elles avaient pour ainsi dire oublié. Un jour, après la première pratique de trois minutes, un participant a dit : « J'ai 55 ans, et je ne me suis jamais senti aussi paisible depuis que j'ai commencé à travailler, il y a 25 ans. » Cela me donne de l'espoir.
Q
Il n'est donc jamais trop tard pour commencer à méditer ! Quels
conseils pouvez-vous donner aux gens qui voudraient adopter une pratique régulière ? Je pense qu'une des meilleures choses qu'ils puissent faire est de commencer par des petits pas. Plutôt qu'essayer de méditer pendant une heure dès le départ, on peut par exemple le faire cinq ou dix minutes par jour et augmenter peu à peu. Un de mes enseignants disait même qu'une minute, c'est infiniment plus que zéro minute. Alors, commencez modestement. Ensuite, il faut le faire régulièrement, quotidiennement si possible, afin de créer une
habitude. La plupart des gens n'ont pas besoin de réfléchir pour se brosser les dents ou prendre une douche. Pourquoi ? Parce que c'est devenu une habitude. Nous pouvons faire de même avec la méditation.
Q
Quel souvenir gardez-vous des premières semaines de votre pratique de la méditation en pleine conscience ? Y a-t-il quelque chose que vous feriez autrement, sachant ce que vous savez aujourd'hui ?
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La mémoire n'est pas mon point fort, mais ce qui me revient, c'est un sentiment de frustration, l'impression de ne pas procéder correctement, de ne pas réussir à calmer mon mental. Chaque minute était une heure de torture. Je sais maintenant que c'était tout à fait normal, et que le but de la méditation n'est pas d'arrêter le mental. Car le rôle de celui-ci est de penser, tout comme le cœur bat ou l'estomac digère, et plus nous essayons de le calmer, plus il s'agite. Je tenterais donc de prendre les choses de manière « simple et facile », comme nous le recommande souvent Joseph Goldstein, un
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instructeur de méditation en pleine conscience.
Q
Comment pouvons-nous rendre notre vie plus « simple et facile », dans ce monde de plus en plus complexe, où nous avons parfois le sentiment de devoir rester connectés simplement pour nous sentir productifs ou à peu près informés. Où se trouve l'équilibre ?
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C'est une très bonne question. Je pense qu'il est vraiment important de se souvenir d'être présent. De l' être à chaque instant, à chaque respiration, dans chaque acte que nous effectuons. De revenir à nousmêmes, à notre bon sens. Et si cela devient de plus en plus difficile, avec toutes ces distractions, il nous faut utiliser notre volonté et le pouvoir de l'intention. L'intention peut fonctionner comme un ancrage. Si mon intention est d'avoir un corps sain, j'irai au fitness même si je n'en ai pas envie, ou je choisirai de manger des brocolis plutôt que des frites. Il en va de même pour notre esprit. Si j'ai la ferme intention d'avoir un esprit sain et d'être présent,
je ferai des choix dans ce sens, en utilisant ma volonté pour méditer quotidiennement, pour faire des pauses pendant la journée, pour observer où se trouve mon mental à chaque moment et le ramener vers mon corps s'il est ailleurs, afin de maintenir mon équilibre.
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Certaines personnes craignent de se détacher du monde qui les entoure si elles s'investissent trop dans la méditation. Je comprends cette préoccupation, mais pour moi c'est l'inverse qui se produit. Je crois que plus nous sommes connectés à notre monde intérieur, plus nos rapports avec le monde extérieur sont clairs et authentiques. Même en termes d'empathie, par exemple, plusieurs études scientifiques montrent qu'en étant plus conscients de nos sensations corporelles – ce que certaines pratiques permettent de développer – nous éprouvons davantage d'empathie envers les autres. Pourquoi ? Parce que le mental se sert du corps pour comprendre ce que vivent les autres, en imitant physiquement les émotions que nous voyons chez eux. Les gens qui se font « botoxer » le
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Il est vraiment important de se souvenir d'être présent. De l'être à chaque instant, à chaque respiration. visage, par exemple, ont plus de difficultés à identifier les émotions des autres. Par ailleurs, cette préoccupation a du sens, parce qu'en entrant en contact avec le Soi on comprend mieux ce que la vie veut vivre à travers nous. On réalise peut-être qu'on a cherché le bonheur là où on ne pouvait pas le trouver : dans le statut, l'argent, les drogues, l'alcool, la consommation, le sexe, etc. Cela peut nous inciter à nous tourner vers notre vie Réelle, en délaissant le superflu et tout ce qui ne nous nourrit pas profondément. Et cela nous permet de participer au monde de façon plus ajustée, plus authentique et plus conforme à ce qui a de la valeur à nos yeux.
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Comment faire pour
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affûter notre conscience de l'instant présent ? Je crois vraiment que certains types de méditation peuvent nous aider à devenir plus conscients du moment présent ; c'est d'ailleurs le principal objectif des pratiques de la méditation en pleine conscience. Plus conscients non seulement de ce qui se passe à l'intérieur de nous – nos sentiments, nos pensées, nos émotions – mais aussi de ce qui se passe autour de nous. Nous pouvons entraîner notre conscience à s'élargir, à se détendre, à être réceptive à ce qui émerge à chaque instant. Cela nous permet d'être plus conscients et donc de prendre de meilleures décisions, d'instant en instant. Ce qui nous amène finalement à de meilleurs résultats dans notre vie.
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Récemment, j'ai eu le plaisir de participer à votre atelier de huit semaines sur la méditation en pleine conscience, tout comme de nombreux animateurs Heartfulness du monde entier. Pouvez-vous nous parler un peu de cette expérience où vous aviez affaire à des méditants chevronnés ?
Je suis très honoré d'avoir eu cette opportunité. Je dois avouer qu'au début je me sentais un peu intimidé de donner une formation conçue pour des débutants et des gens sans aucune expérience de la méditation à un groupe de formateurs très compétents, dont certains avaient plusieurs décennies d'expérience. Mais je pense que ça s'est très bien passé. Le programme comprenait plusieurs sessions d'échanges, et c'était beau de voir les liens que les gens faisaient entre les pratiques, de les entendre partager leurs ressentis, et ainsi de suite. J'ai beaucoup appris de cette expérience et du contact avec tant de gens merveilleux. Vraiment, j'en suis très reconnaissant.
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Quels liens faitesvous entre l'approche en pleine conscience et l'approche Heartfulness ? Je crois qu'il y en a plusieurs. Ce sont des voies différentes, si on va au cœur des pratiques, mais les deux sont authentiques et valables. Peut-être que la méditation en pleine conscience se centre davantage sur les sensations plus « grossières », comme les sensations corporelles, les pensées et les émotions, alors que Heart-
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fulness nous entraîne dans des aspects plus profonds de notre voyage et de notre potentiel en tant qu'humains. Et dans Heartfulness, il y a la transmission yogique, qui élève l'expérience à un tout autre niveau. Mais c'est quelque chose que l'on doit expérimenter personnellement, et j'invite tous les lecteurs à l'essayer et se rendre compte par eux-mêmes. Par ailleurs, la méditation en pleine conscience peut aider ceux qui pratiquent Heartfulness à être plus conscients de leur voyage dans le cœur, à être plus éveillés à ce qui se passe réellement lorsqu'ils entrent dans des domaines plus profonds de la conscience. Je pense que nous pouvons apprendre de ces deux approches et avoir ainsi une compréhension plus entière de qui nous sommes dans nos voyages.
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Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec nous ? Seulement un sentiment de gratitude pour ce magazine merveilleux et inspirant que vous nous avez offert ces dernières années. Merci !
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Les gens ne s'entendent pas parce qu'ils se craignent les uns les autres ; ils se craignent les uns les autres parce qu'ils ne se connaissent pas ; et ils ne se connaissent pas parce qu'ils n'ont pas communiquĂŠ les uns avec les autres. Martin Luther King Jr
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DEBRA LYNN DADD et SARAH BALDWIN poursuivent leur conversation sur les jouets non toxiques, notamment sur les livres d'histoires, les jouets adaptés aux saisons, les grands carrés de soie et tous les accessoires et fournitures en matériaux naturels pour les activités artistiques et artisanales que l'on trouve sur le site de Sarah, www.bellalunatoys.com
Je me souviens que lorsque j'ai découvert ces jouets, il y a quelques années, mon mari et moi en achetions juste pour le plaisir de posséder des représentations de différentes choses. À cette époque, comme il négociait des contrats dans le secteur de la viande de porc, je lui avais acheté un petit cochon. Il l'adorait, parce qu'il aime tout ce qui est en bois. Même s'il n'est plus un enfant, il aime toujours respirer l'odeur du bois et le toucher.
En regardant votre site, je vois qu'il est plein de choses très diverses et intéressantes. J'aimerais que nous parlions de certains de ces jouets, de la façon dont on les utilise, et de la vision du monde différente qu'ils donnent aux enfants. Je suis en ce moment sur la page des livres et je vois qu'ils parlent des saisons. Celui que j'ai
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ouvert montre des enfants engagés dans des Et les histoires pourront varier chaque activités printanières, comme jouer avec des fois, que ce soit le parent ou l'enfant qui les agneaux nouveau-nés, faire des plantations raconte. dans un jardin, décorer des œufs de Pâques, observer des bébés oiseaux et d'autres activités C'est précisément ça. de ce genre. Oui, c'est une série pour les tout-petits qui comprend quatre livres cartonnés. On y retrouve la même simplicité que dans les jouets. Tout comme les poupées Waldorf n'ont pas de visage, ces livres n'ont pas de mots. Un enfant et ses parents peuvent regarder ensemble ces images d'enfants qui, selon la saison, font des choses comme décorer des œufs de Pâques au printemps, ou marcher dans une flaque de boue et sauter dans un tas de feuilles en automne. Cela permet aux petits de construire leur langage. Ils créent leur texte au fur et à mesure qu'ils apprennent du vocabulaire et ils inventent leurs propres histoires à partir de ces livres.
Là encore c'est un travail d'imagination ; les enfants et les parents pourront voir dans les images des choses différentes. Pour moi, c'est aussi un autre moyen de les connecter au monde naturel en tant que fondement de la vie, plutôt que de considérer le monde industriel comme le fondement de celle-ci. Un jouet ou un livre permet d'accéder à un univers plus vaste. Exactement. Raconter des histoires occupe une grande place dans la pédagogie Waldorf à tous les niveaux, de la maternelle à la quatrième, et même jusqu'au lycée. Dans les premières années, nous racontons des histoires par cœur, nous ne nous servons pas beaucoup de livres d'images. À la maternelle, nous racontons beaucoup de contes de fées, que le professeur répète de nombreuses fois. Parfois, nous racontons la même histoire tous les jours pendant une semaine jusqu'à ce que les enfants l'intègrent tellement en eux qu'ils se mettent à la raconter spontanément dans leurs jeux. Il y a
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une grande différence entre raconter une histoire que l'on connait par cœur et la lire dans un livre. Quant aux parents, ils font le plus beau des cadeaux à leurs enfants lorsqu'ils inventent des histoires. Beaucoup de parents pensent : « Oh, je ne peux pas. Je ne sais pas quoi raconter. » Mais il suffit de commencer et la suite vient toute seule. Les enfants adorent entendre des histoires sur « quand j'étais petite fille » ou « quand papa était petit garçon et qu'il faisait ça ». Une bonne chose à faire avec son enfant à l'heure du coucher est de revoir sa journée. On peut inventer une histoire au sujet d'un petit écureuil ou d'une souris qui a fait les mêmes choses que lui ce jour-là.
Je voudrais que nous parlions aussi d'autres catégories de jeux, telles que les fournitures pour apprendre le dessin, l'écriture, la peinture, le modelage, le tricot et la couture. Il y a aussi les jouets qui permettent de faire semblant, de cuisiner par exemple. Les compétences que les enfants apprennent par le jeu sont très nombreuses. Oui, tout à fait. Une autre particularité de la pédagogie Waldorf est qu'elle met l'accent sur le travail manuel. Tous les enfants apprennent à travailler avec leurs mains dès leur plus jeune âge. Les enfants de la maternelle apprennent ce que nous appelons le tricot avec les doigts, ils font par exemple une chaîne au crochet en utilisant leurs doigts en guise d'aiguilles. Toutes les recherches récentes montrent à quel point le bout des doigts est directement relié au cerveau. Ainsi, en exerçant la motricité fine, les enfants stimulent leur cerveau et augmentent leur capacité d'apprentissage. A l'école Waldorf,
dès qu'ils arrivent au CP, les garçons et les filles apprennent tous à tricoter avec des aiguilles. Plus tard, ils font du crochet et de la broderie, et en sixième, ils savent coudre à la main et apprennent le fonctionnement de la machine à coudre. Ce ne sont pas de simples activités manuelles, mais de vrais apprentissages, qui visent autant le développement du cerveau que la production de jolies choses artisanales, qu'ils peuvent offrir ou utiliser eux-mêmes.
Et ce sont des compétences utiles dans la vie ; les gens devraient au minimum savoir coudre un bouton de chemise. Absolument.
49 Il s'agit donc à travers le jeu de donner aux enfants des compétences nécessaires pour le quotidien, plutôt que de les asseoir avec un livre en leur disant : « Maintenant, tu lis ça. » Ce sont des activités pratiques et beaucoup de ces jouets, tels qu'une cuisinière ou une caisse enregistreuse, favorisent l'acquisition des savoir-faire de la vie réelle. Les enfants jouent à la marchande, apprennent à compter l'argent, et d'autres choses de ce genre. C'est ce que j'aime dans ces jeux. Vous soulevez là un point important : les jeunes enfants adorent imiter ce qu'ils voient autour d'eux et notamment le travail des adultes. En tant qu'enseignants, nous sommes donc très conscients que ce que nous faisons doit mériter d'être imité. Nous nous interrogeons sur nos actions. Qu'est-ce que les enfants nous voient faire et de quelle manière le faisons-nous ? Est-ce que nous accomplissons notre
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travail de la journée en étant pressés et stressés ou parvenons-nous à rester calmes et détendus lorsque nous préparons les repas, faisons le ménage et les autres tâches quotidiennes ? Les effectuons-nous en conscience et avec intention, sachant que les enfants qui nous entourent reproduiront non seulement nos actions mais aussi notre humeur ?
Oui, c'est important en effet. Parlez-nous des carrés de soie. Quels jeux les enfants font-ils avec eux ?
50 Les jeunes enfants adorent imiter ce qu'ils voient autour d'eux et notamment le travail des adultes. En tant qu'enseignants, nous sommes donc très conscients que ce que nous faisons doit mériter d'être imité.
Ce sont de grands carrés de différentes couleurs d'environ 90 cm sur 90, et on peut jouer avec eux à beaucoup de choses. La plupart des classes maternelles Waldorf possèdent un grand panier de soies colorées. Les enfants s'en servent pour se déguiser, ils en font des capes, des jupes ou des voiles, ou ils les transforment en ailes. Ils les nouent autour de leur taille pour en faire une ceinture pour une épée de pirate, ou encore ils imaginent que ce sont des paysages. Ainsi, une soie verte posée par terre deviendra de l'herbe pour les petits chevaux de bois, une bleue un étang ou un lac, et une brune drapée sur quelques plots représentera une montagne. Nous avons parlé tout à l'heure de jouets faits de matières qui stimulent la sensorialité, et la soie, avec sa texture si agréable au toucher, répond vraiment à ce besoin.
La soie est en effet très différente du polyester. Parlez-nous de certains jouets de saison. J'essaie toujours d'avoir un assortiment d'articles de saison parce que, encore une fois, les saisons sont très importantes, et il est beaucoup question
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Les enfants adorent les rituels et les célébrations. Célébrer des fêtes tout au long de l'année est très sain pour eux. Pensez à votre propre enfance ; les vacances qui ponctuent l'année ne font pas seulement référence à la structure de l'année, elles donnent aussi du sens et rendent hommage aux saisons, aux jours fériés et aux cultures dont nous sommes issus. de rythmes dans la pédagogie Waldorf. De rythme journalier, de rythme hebdomadaire, de rythme annuel. Et le rythme annuel est marqué par les saisons. Cela compte beaucoup dans la manière dont les enfants, dès leurs premières années, apprennent à connaître le monde et la nature, c'est en quelque sorte une étude scientifique pour eux. De plus, célébrer des fêtes tout au long de l'année est très sain pour les enfants. Pensez à votre propre enfance ; les vacances qui ponctuent l'année ne font pas seulement référence à la structure de l'année, elles donnent aussi du sens et rendent hommage aux saisons, aux jours fériés et aux cultures dont nous sommes issus. Les enfants adorent les rituels et les célébrations, et en fin d'année, nous avons des personnages de l'Avent allemands en bois, une spirale pour allumer des bougies, que ce soit le solstice, l'Avent, Noël, ou Hanoukka que l'on fête. Toutes ces célébrations font honneur à la lumière en la période la plus sombre de l'année, avec ses journées plus courtes, ses nuits longues et ses bougies. Ces fêtes de différentes traditions ont toutes un lien avec la lumière. Nous avons une jolie spirale en bois qui contient 24 bougies que l'on peut compter jusqu'à Noël ou jusqu'à la fête qui correspond à sa culture. À Pâques, nous avons beaucoup de kits de plantation de printemps et des teintures
naturelles pour les œufs. En été, nous avons des articles de jardinage, et ainsi de suite.
Magnifique ! Et en plus de toutes ces choses inhabituelles, il y a aussi les choses habituelles, comme les plots de bois, les jouets à pousser ou tirer, les puzzles et les peluches. Sarah, je suis ravie de vous avoir eue comme invitée dans cette émission. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ? Je voudrais vous remercier, Debra, pour l'intérêt que vous portez à Bella Luna Toys. J'en suis heureuse, et j'apprécie vraiment votre enthousiasme et tout ce que vous faites pour promouvoir un mode de vie sain et écologique !
Publié avec l'autorisation de http://www.debralynndadd. com/toxicfreetalkradio/a-different-way-to-playnaturaltoys-inspired-by-waldorf-education/.
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É L É M E N TA I R E He a r t f ul nes s
At t it ude
ANNA PEARSE apprend non seulement à gérer la colère, mais découvre aussi l'art de l'utiliser comme un outil de compréhension et de développement personnel.
Intégration : un mot important pour moi, ces derniers temps. Comment utiliser ce que la méditation nous procure pour provoquer en nous les changements qui feront de nous des êtres pleinement humains ? J'aimerais partager ce qui peut sembler une étape plutôt basique de mon évolution personnelle, mais que j'ai vécue de façon très réelle et radicale. C'était une époque où je faisais l'expérience d'un merveilleux silence pendant mes méditations, en prenant ensuite le temps de savourer ce sentiment puis de l'intégrer dans mon corps et mon esprit, en m'appuyant sur l'écriture durant ce processus. J'imprégnais mes journées de ce silence. C'était la période la plus sombre de l'année et cette tranquillité intérieure me semblait en accord avec le calme de la nature. Mais un soir, alors que j'étais au téléphone avec une personne de ma famille, je me suis soudain retrouvée piégée par la colère. Une colère déclenchée par le message d'un autre membre de la famille, qu'elle me transmettait. Ce fut d'abord la déception qui fit surface, puis la colère. C'était comme si celle-ci avait pris possession de moi, corps et âme, et qu'il n'y avait plus de place pour quoi que ce soit d'autre. J'ai d'abord exprimé ma colère au téléphone, pour lentement réaliser que ce n'était pas la meilleure manière de la gérer. Il fallait m'en servir pour
aller au-delà, sans entraîner qui que ce soit dans cette histoire. Il s'ensuivit douze heures d'un feu dévorant qui me traversa de part en part. Je reconnus très vite mes réactions habituelles : « Je ne devrais pas me sentir ainsi après tant d'années de méditation… » Puis ce fut une interminable autojustification… Et le feu continuait à faire rage en moi. À un certain stade de ce processus, j'ai soudain saisi que le feu, c'était ça ; puis j'ai fait le lien avec un élément de l'enseignement de Heartfulness (tout récemment compris) : les éléments terre, éther, feu, eau et air sont tous contenus dans la région du cœur. Pour avancer dans notre voyage intérieur, nous devons en faire intimement l'expérience et travailler avec eux pour pouvoir les maîtriser et poursuivre notre développement. Je me suis aussi souvenue que la colère peut être une émotion pure qui nous montre ce qu'il faut changer, jouant ainsi un rôle purificateur dans notre évolution lorsqu'elle n'est pas dirigée contre une autre personne. D'une façon ou d'une autre, cette compréhension m'a permis de traverser tout cela patiemment, en laissant faire le temps. Ressentir le côté élémentaire de ce processus a été une chose fantastique. Le feu – cette force naturelle qui existe en nous et qu'on peut utiliser ! C'est ainsi que je l'ai sentie, que je l'ai vue et que je l'ai observée, sans jugement.
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J'ai réalisé que la colère, comme par le passé, déclenchait un processus circulaire qui ne menait nulle part. Les « je ne devrais pas ressentir ça » ont déchaîné en moi toutes sortes de réactions complexes, entre autres l'autojustification, les chagrins du passé, le ressentiment. Puis ça recommençait : « mais je ne devrais pas ressentir ça… » Je me suis rendu compte aussi, quand l'émotion froide et distante du ressentiment tentait de s'affirmer, qu'il était plus sain de rester dans cet état de feu. Avant de me coucher, j'ai bien essayé de m'en libérer avec la méthode de nettoyage intérieur Heartfulness, mais ce n'était pas encore fini. Au réveil, après quelques heures de sommeil, le feu était toujours là. Alors je l'ai laissé suivre son cours,
en utilisant l'écriture pour l'exprimer et l'aider à se déployer. Je sentais qu'une part de cette colère venait de ce que je n'avais jamais été autorisée à m'exprimer pleinement. L'écriture était donc pour moi un bon instrument. Peu à peu, j'ai senti que le feu diminuait ; il avait fait son œuvre. Et que restait-il ? L'amour. L'amour pour moi et pour ma sœur, les deux protagonistes de ce drame humain. Et l'amour envers ceux qui m'avaient offert les outils pour nettoyer, adoucir et nourrir mon cœur ; et ensuite me servir de cette compréhension avec amour pour parvenir à un changement authentique et durable, celui qui un jour me permettra d'être tout ce que je peux réellement être.
Peu à peu, j'ai senti que le feu diminuait ; il avait fait son œuvre. Et que restait-il ? L'amour. L'amour envers ceux qui m'avaient offert les outils pour nettoyer, adoucir et nourrir mon cœur.
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COMMENT SE RÉGÉNÉRER? Asseyez-vous confortablement, fermez les yeux doucement et détendez-vous. Portez votre attention sur votre dos et sur l'arrière de votre crâne. Émettez la suggestion que toutes les complexités et impuretés accumulées pendant la journée s'en vont. Imaginez qu'elles sortent par le dos, du haut du crâne jusqu'au coccyx. Pensez qu'elles s'échappent sous forme de fumée ou de vapeur. Poursuivez ce processus qui est à la fois actif et doux. Lorsque vous le sentez bien installé, vous pouvez l'accélérer. Poursuivez pendant 15 à 20 minutes. Puis vous ajoutez l'élément suivant au processus : imaginez que la lumière descend de la Source et entre par l'avant de votre corps. Elle passe à travers tout votre corps, vous aide à enlever les complexités et impuretés et ressort par le dos. Cette lumière remplit le vide laissé par ce qui a été retiré. Terminez par une suggestion ferme : à présent, toutes les complexités et impuretés sont parties et je me sens vraiment plus simple et pur.
fr.heartfulness.org
être insp iré.
La mort est simplement l'abandon du corps physique, comme le papillon abandonne son cocon. Ce n'est rien d'autre qu'enlever un vêtement dont on n'a plus besoin. C'est une transition vers un état de conscience plus élevé où l'on continue à percevoir, à comprendre, à rire et à pouvoir grandir. Elisabeth Kübler-Ross
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THÉOPHILE L'ANCIEN et son jeune ami THÉO poursuivent leur conversation sur la mort. Cette fois-ci, ils évoquent les expériences de mort imminente et les révélations qu'elles apportent.
Aujourd'hui, c'est l'Ancien qui interroge Théo. – Qu'as-tu appris de tes lectures sur l'expérience de mort imminente (EMI) ? – J'ai découvert qu'il y avait différents aspects à envisager. Sur le plan médical, il est certain qu'il ne s'agit pas d'hallucinations, car l'électroencéphalogramme est plat, le cerveau ne fonctionne pas. Mais ce que je trouve intéressant, c'est que les
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personnes se « décorporent », se dédoublent et sont capables de décrire l'opération chirurgicale en cours et les échanges entre les médecins et les infirmières. Un patient a même dit au chirurgien qui l'avait opéré que, pendant son EMI, il avait pu lire sous la table une inscription sur une plaque de métal. Le chirurgien en ignorait l'existence. Il est allé vérifier et a validé le fait. Cela a rassuré la personne qui en a conclu que la magnifique lumière qu'elle avait également perçue était réelle elle aussi, et non le fruit de son imagination. Ne pourrions-nous pas faire nous aussi des voyages astraux, des « sorties hors du corps », ce serait amusant ? – Je le faisais quand j'étais jeune, mais mon guide spirituel me l'a déconseillé. – Pourquoi ? – Il m'a dit que cela pouvait nuire à mon système nerveux. Comme il est lié au corps astral, il risque d'être endommagé, surtout si la « réincorporation » se fait mal. J'ai compris plus tard que le voyage infini devait se faire de l'intérieur, via les dimensions du cœur. Le cœur protège et intègre tous les plans de l'être. – Toutes les personnes qui ont vécu une EMI ont beaucoup aimé cette expérience. Elle a donné un tout nouveau sens à leur vie. Elles en sont revenues avec un sentiment d'amour et de paix. Comment expliquer ce point commun ? – Cela veut dire qu'elles ont été en contact avec le point de la lumière de l'âme, celui de la dimension
Comme tout événement majeur dans notre vie, une expérience de mort imminente est un choix de l'âme. Elle programme sa destinée avant de s'incarner. Mon maître m'a dit un jour que chaque âme a choisi, avant de venir sur Terre, le moment et les circonstances de sa mort. Alors, pourquoi s'inquiéter de notre trépas ?
christique (point 2 de la région du cœur), qui permet de ressentir l'amour pour son prochain. Ces personnes n'ont plus peur de la mort. Elles aiment et respectent la vie intensément. Toute forme de vie est devenue sacrée. Elles ont développé l'empathie, la compassion envers tous les êtres. Il en va de même dans notre démarche spirituelle. Comme tout événement majeur dans notre vie, une expérience de mort imminente est un choix
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de l'âme. Elle programme sa destinée avant de s'incarner. Mon maître m'a dit un jour que chaque âme a choisi, avant de venir sur Terre, le moment et les circonstances de sa mort. Alors, pourquoi s'inquiéter de notre trépas ? Il est préférable de vivre sans peur et intensément, en parfaite harmonie avec notre âme. – C'est cela le libre arbitre ? Il est « prénatal » alors ? – Il est aussi post-natal car nous avons toujours des choix déterminants à faire au cours de notre existence. – Lesquels ? – Suivre notre âme et sa destinée, ou musarder en route. Comme je te l'ai déjà dit, ni l'Amour, ni Dieu ne contraignent jamais. Chacun est libre de ses choix, mais il doit en assumer les conséquences. Mais revenons à notre description : après l'expérience et les révélations que procure une EMI, la personne devient souvent paisible. Elle aspire à plus de connaissances, plus de spiritualité. Sa joie de vivre est intense. Elle a reçu un enseignement précieux qui a transformé sa compréhension du sens de l'existence. Elle a accès à une plus grande sensitivité et parfois aspire au Divin par la prière, la contemplation et la méditation. Elle a eu une vision directe du Divin. Ces personnes ne peuvent plus se contenter de tel ou tel credo. Elles veulent raviver, prolonger leur expérience spirituelle de la lumière ineffable, de la musique des sphères, des couleurs enchanteresses. Certaines rencontrent même des entités spirituelles et reçoivent un enseignement. Elles reviennent parfois avec des capacités intuitives et peuvent aussi développer des dons médiumniques.
Nous avons le choix : suivre notre âme et sa destinée, ou musarder en route. Comme je te l'ai déjà dit, ni l'Amour, ni Dieu ne contraignent jamais. Chacun est libre de ses choix, mais il doit en assumer les conséquences.
– Comment est-ce possible ? Parfois tout cela ne se déroule qu'un instant, le temps d'un arrêt cardiaque ou cérébral, ou d'une opération ? – Ces gens passent dans une autre dimension temporelle. – Ah oui, en quelques instants ils revoient toute leur vie se dérouler dans les moindres détails, comme dans un film. – C'est cela. Il y a abolition du temps mais aussi de l'espace. L'histoire d'Arjuna et du Seigneur Krishna dans le Mahabharata en est l'exemple : en un bref instant, juste avant la bataille, le Seigneur Krishna raconte, ou plutôt transmet la Bhagavad-Gita à son disciple et ami Arjuna. En un seul et unique instant…
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COMMENT MÉDITER? Asseyez-vous confortablement dans un endroit où vous pouvez méditer sans bruit ni distractions, de préférence au même endroit et à la même heure chaque jour. Éteignez votre téléphone portable et autres appareils. Fermez doucement les yeux et détendez-vous. Asseyez-vous le dos droit, mais sans rigidité. Prenez quelques minutes pour détendre votre corps avec la relaxation Heartfulness. Portez votre attention vers l'intérieur et prenez un moment pour vous observer. Ensuite, émettez calmement la suggestion que la Source de lumière est là, présente dans votre cœur. Pensez que cette lumière vous attire de l'intérieur. Faites cela de manière douce et naturelle. Il n'est pas nécessaire de vous concentrer. Si vous sentez que votre attention dérive vers d'autres pensées, revenez tranquillement à l'idée de la Source de lumière dans votre cœur. Laissez votre attention posée sur le cœur. Sentez que vous vous fondez dans cette perception. Vous allez peut-être dépasser l'état de vigilance pour atteindre un état de détente profonde. Tout va bien. Restez en méditation jusqu'à ce que vous sentiez qu'elle est terminée.
fr.heartfulness.org
PRATYAHARA
PRANAYAMA
Retrait à l'intérieur
Régulation du souffle
DHARANA ASANA Posture
Ashtanga
Focalisation mentale
yoga
NIYAMA
DHYANA Méditation
Régularité Observation
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SAMADHI
Condition originelle (équilibre)
YAMA
Bonne conduite
Seriez-vous intéressé si quelqu'un vous disait qu'il existe un ensemble de pratiques simples qui aident à gérer tous les aspects de la vie quotidienne, tout en élevant le potentiel humain à un niveau qui dépasse l'imagination la plus folle ? Cela attiserait pour le moins la curiosité de la plupart des gens. En fait, cela correspond précisément à la description des pratiques du yoga, mais rares sont ceux qui s'en rendent compte. Le yoga comprend un ensemble holistique de pratiques qui visent au développement personnel et au bien-être du corps, de l'esprit et de l'âme. Il y a quelques milliers d'années, le grand sage Patanjali a répertorié les pratiques yogiques en vigueur en son temps et les a présentées dans un traité en huit étapes, qu'on utilise encore aujourd'hui. Il s'agit de l'ashtanga yoga. Mais les pratiques du yoga ont évolué depuis Patanjali, surtout au cours des 150 dernières années, pour répondre aux besoins de l'époque. Dans cette série d'articles, KAMLESH PATEL décrit chaque étape du yoga à la lumière des pratiques yogiques modernes de Heartfulness. Il nous montre comment concilier nos pratiques spirituelles intérieures avec la vie dans le monde, et comment affiner notre personnalité pour parvenir au véritable état du yoga – c'est-à-dire à l'efficacité dans l'action et à l'harmonisation des aspects spirituel et matériel de la vie.
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P RAT YA H A RA Pratyahara est la cinquième des huit étapes de la pratique yogique de Patanjali. Bien qu'il s'agisse d'un des concepts les plus importants du yoga, il n'est généralement pas bien compris. Le manque de pratyahara est la raison pour laquelle beaucoup d'entre nous ont de la peine à méditer, et ne profitent pas autant qu'ils le pourraient des pratiques d'asana et de pranayama. Dans cet article, KAMLESH PATEL nous aide à comprendre la signification et le but de pratyahara, et nous indique la façon de l'introduire dans notre pratique du yoga.
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uel est le problème que nous rencontrons le plus souvent lorsque nous commençons à méditer ? « Comment puis-je me débarrasser des pensées et des émotions qui surgissent quand je m'assieds calmement, les yeux fermés, et que je tente de méditer ? » Qu'il s'agisse de méditer, de lire un livre ou de résoudre un problème, nos pensées partent souvent dans toutes les directions et nous n'arrivons pas à nous concentrer. Trouvez-vous parfois que, même lorsque vous fermez les yeux, les sons, les odeurs et les activités qui vous entourent vous empêchent d'aller à l'intérieur ? Il est facile de se concentrer sur des choses extérieures, par exemple un film ou un match de football, parce que nos sens sont attirés vers l'extérieur, engagés et stimulés. Mais rester concentré intérieurement sur l'objet de la méditation est souvent difficile.
Bienvenue à la cinquième étape de l'ashtanga yoga ! Cette capacité de tourner son attention vers l'intérieur est appelée pratyahara, ou « rassemblement vers ». La plupart des gens qui pratiquent le hatha yoga ou qui méditent ne pensent guère à pratyahara, il est pourtant vital dans toute pratique yogique. Les quatre premières étapes – yama, niyama, asana et pranayama – affinent les pensées, les actions, la posture et l'énergie, ainsi que la respiration. Lorsque nous atteignons la cinquième étape, nous nous trouvons à un tournant, parce que l'attention se déplace vers le mental, vers les corps subtils.
LES SUTRAS DE PATANJALI Dans ses Yoga Sutras, Patanjali nous parle de pratyahara :
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La sc i ence de la spiritualité
2.54: Sva vishaya asamprayoge chittasya svarupe anukarah iva indriyanam pratyaharah Lorsque les indriyas, les organes mentaux des sens et des actions, cessent d'être engagés dans leurs manifestations extérieures correspondantes et se tournent vers le champ de conscience dont ils sont issus, c'est là la cinquième étape, appelée pratyahara.
2.55: Tatah parama vashyata indriyanam Grâce à ce retournement vers l'intérieur des organes des sens et des actions, il nous vient la capacité suprême de contrôler et de maîtriser ces sens qui, sans cela, se tournent vers l'extérieur, vers leurs objets.
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LES CORPS SUBTILS ET # PERCEPTION Pour vraiment comprendre le concept de pratyahara, il faut connaître la science de la perception humaine, et la façon dont nous utilisons les organes des sens, qui font partie du corps subtil. Voici les 19 corps subtils principaux :
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L a science de la spiritualité
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Les quatre corps subtils (ant) : la conscience (chit), le mental (manas), l'intellect (buddhi) et l'ego (ahankar).
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Les cinq flux d'énergie (pranas) : le flux vers l'intérieur qui régit la respiration et la réception ; le flux descendant qui va vers l'extérieur, associé à l'élimination physique et mentale ; le flux qui équilibre et intègre, associé à l'assimilation et à la digestion ; le flux qui monte vers des niveaux plus élevés de conscience et régit l'expression de soi ; le flux qui passe par les nadis : le système circulatoire, le système nerveux, le système lymphatique, les muscles et les articulations, les pensées et les émotions.
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Les cinq sens entrants, les jnanendriyas : la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher.
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Les cinq sens sortants, ou processus énergétiques, les karmendriyas : l'élimination, la reproduction, le mouvement, la saisie par les mains et la parole.
Pratyahara est la capacité de diriger le flux d'attention des cinq organes des sens vers l'intérieur. L' énergie est consciemment retirée des sens. Nous savons comment la perception se produit : •
D'abord nous captons les impressions du monde extérieur par nos cinq sens – la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher.
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Puis les organes internes de perception, agissent via les centres du cerveau et transmettent ces impressions au mental.
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Le mental relaye à travers ses couches ces mêmes impressions à l'âme.
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Quand tous ces éléments coopèrent, nous percevons un objet extérieur.
Quand nous laissons nos sens se diriger vers la périphérie, nous sommes constamment attirés par le monde extérieur. Nous n'avons plus recours à nos ressources intérieures et recherchons tout à l'extérieur. L'entropie s'installe. Pratyahara est l'opposé de l'entropie. En procédant avec sagesse, il n'est pas si difficile de détourner notre attention des sens, mais cela doit se faire naturellement, grâce à une pratique qui élargit la conscience et ouvre le cœur. Nous verrons plus loin comment les pratiques Heartfulness nous mènent de façon très satisfaisante à pratyahara. Il existe des systèmes qui tentent d'imposer ce retrait à l'intérieur – par l'hypnose, le chant, les drogues ou les pratiques méditatives répressives – mais il est toujours préférable de choisir une voie naturelle. C'est un critère essentiel pour évaluer et choisir une pratique personnelle : « Est-elle naturelle ? Me permet-elle d'ouvrir mon mental, d'être le témoin de ses activités et de diriger peu à peu l'attention des sens vers l'intérieur ? » Celui qui est capable de contrôler le flux du mental vers l'extérieur, de le libérer de l'asservissement des sens, a réalisé pratyahara. Le mental va de toute façon bouillonner pendant la méditation, car il est dans sa nature de penser. Au début, beaucoup de pensées et d'images perturbantes peuvent survenir, mais de jour en jour ces fluctuations diminuent, et le mental se calme peu à peu. Au cours des premiers mois d'une pratique de méditation, il peut y avoir de nombreuses pensées, mais plus tard elles s'apaisent et, à un moment donné, le mental est sans ride. Ça, c'est le plus facile – c'est le reste de la journée, quand nous ne méditons pas, qui exige de la maîtrise ! Dans le yoga, nous devons être attentifs à pratyahara. Même si nous maîtrisons yama et niyama, asana et pranayama, ces quatre étapes de l'ashtanga yoga doivent être associées à la cinquième pour nous permettre d'atteindre une réelle pureté
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et une simplicité de caractère, par la maîtrise des fonctions sensorielles du mental. Et les fonctions du mental, des corps subtils, sont les plus épineuses de toutes ! On pourrait dire que c'est là le début de la marche vers la liberté, parce qu'avant d'avoir cette maîtrise, nous ne sommes que des marionnettes à la merci de nos sens et de nos désirs. Vous avez peut-être lu ces paroles de sagesse millénaire dans les Upanishads :
Mana eva manushyanam
karanam bandha-mokshayoh bandhaya visayasango
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muktyai nirvisayam manah Pour l'homme, le mental est la cause de l'esclavage et le mental
est la cause de la libération.
Le mental absorbé dans les objets
des sens est la cause de l'esclavage, et le mental détaché des objets
des sens est la cause de la libération.
# PLEINE CONSCIENCE N'EST QUE # PREMIÈRE ÉTAPE Swami Vivekananda a dit un jour : « Pratyahara est un “rassemblement vers”, une tentative de maîtriser le mental et de le centrer sur l'objet désiré. La première étape consiste à laisser le mental dériver, à le regarder, à voir ce qu'il pense, à n'en être que le témoin. Le mental n'est ni l'âme ni l'esprit. Il n'est que de la matière sous une forme plus fine, il nous appartient et nous pouvons apprendre à le manipuler au moyen de l'énergie des nerfs. » C'est dans le yoga que se trouvent les origines de la pleine conscience, qui a traversé les cultures en se transformant sur des milliers d'années. Vivekananda la définit comme la première étape de pratyahara : être un témoin de notre mental. En Occident, la plupart des recherches scientifiques sur la méditation sont centrées sur cette pratique d'« être un témoin du mental » et sur la capacité qui en découle « d'apprendre à le manipuler par l'énergies des nerfs ». C'est la base de nombreuses recherches modernes en neurosciences. Mais pratyahara va au-delà de ce premier pas. Vivekananda poursuit : « Le corps est la vision objective de ce que nous appelons le mental, qui est subjectif. Nous – le Soi – sommes au-delà du corps et du mental ; au-delà de la subjectivité ou de l'objectivité ; nous sommes l'atman, le témoin éternel et immuable. Le corps est la pensée cristallisée. » Vivekananda nous indique les méthodes qui permettent de développer pratyahara : « La façon la plus facile de contrôler le mental est de s'asseoir calmement et de le laisser dériver où il veut pendant un certain temps. Accrochez-vous à cette idée : " Je suis le témoin qui regarde son mental dériver. Le mental n'est pas moi." Puis regardez-le penser,
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comme s'il était une chose totalement distincte de vous-même. Identifiez-vous à Dieu, jamais à la matière ou au mental. « Représentez-vous le mental comme un lac calme qui s'étend devant vous, et les pensées qui vont et viennent comme des bulles qui montent et éclatent à sa surface. Ne faites aucun effort pour contrôler les pensées, mais observez-les et suivez-les en imagination pendant qu'elles partent à la dérive. Cela réduira peu à peu les cercles. Car le mental recouvre de larges cercles de pensée et ces cercles deviennent toujours plus grands, comme ceux qui se produisent sur un étang quand on y
jette une pierre. Il faut inverser le processus, partir d'un immense cercle et le faire diminuer jusqu'à ce que pour finir nous puissions fixer notre mental sur un seul point et l'y maintenir. Tenez-vous à cette idée : “ Je ne suis pas le mental, je vois que je pense, je regarde mon mental agir ”, et de jour en jour votre identification à la pensée et aux sentiments diminuera, jusqu'à ce qu'enfin vous puissiez vous détacher entièrement du mental et savoir véritablement qu'il est séparé de vous. Après cela, le mental sera votre serviteur et vous le contrôlerez à votre guise. La première étape du yogi consiste à aller au-delà des sens. »
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Cela signifie-t-il que nous n'utilisons plus du tout les sens ? Bien sûr que non – ils nous permettent de naviguer dans le monde et de bien vivre. Sans eux nous souffrons, comme le savent trop bien les aveugles, les sourds et les muets. Il ne s'agit donc pas de supprimer les sens, mais de les affiner et de les utiliser à bon escient. Au début de ma pratique Heartfulness, j'observais Ram Chandra de Shahjahanpur, mon premier guide. L'un de ses yeux regardait toujours vers son cœur, vers l'intérieur, tandis que l'autre regardait le monde et nous tous, ce qui lui permettait de nous guider et de faire son travail. Il utilisait le sens de la vue en harmonie avec pratyahara. Il utilisait son sens de l'odorat de la même manière pour percevoir le monde différemment. Il décrit, dans son autobiographie, comment il a développé, à l'adolescence, la faculté de reconnaître les gens à l'odeur de leurs vêtements : « Cela s'est développé au point qu'à l'âge de quatorze ans je pouvais connaître le caractère de quelqu'un à l'odeur de sa transpiration. » Les sens sont essentiels dans la vie et peuvent être très utiles, pour autant que nous les maîtrisions et qu'ils ne soient plus à la merci de désirs extérieurs.
CYCLES NATURELS Il y a une autre astuce qui aide à développer pratyahara : utiliser les nadis et la respiration. Généralement, les heures de la journée où nous respirons de façon équivalente par les deux narines sont les moments de sandhya, c'est-à-dire les points stationnaires des cycles solaire et lunaire (midi et minuit) ou leurs points de transition (lever et coucher du soleil). Lorsque nous méditons à ces moments-là, il est plus facile de se tourner vers l'intérieur et d'être calme. De même, lorsque nos énergies s'orientent vers l'intérieur et que le souffle passe par la narine gauche, associée au chandra
nadi et au système nerveux parasympathique, nos sens se dirigent facilement vers l'intérieur et notre énergie de pensée s'écoule vers l'intérieur. Nous pouvons utiliser ces périodes pour pratiquer pratyahara.
LES PRATIQUES HEARTFULNESS Heartfulness nous emmène plus loin, en simplifiant l'ancienne voie du yoga et en l'accélérant. Il n'est plus nécessaire de suivre séparément, l'une après l'autre, les différentes étapes de l'ashtanga yoga. Yama, niyama, asana, pranayama, pratyahara, dharana, dhyana et samadhi sont entrepris simultanément. Comment cela fonctionne-t-il par rapport à pratyahara ? Tout d'abord, la méditation Heartfulness est soutenue par la transmission, ce qui facilite la focalisation vers l'intérieur. Comment ? La transmission vient de la Source, du Centre, elle nous façonne donc de l'intérieur vers l'extérieur pour que nous soyons en osmose avec le samadhi le plus sublime, et cela dès le début. Pendant la méditation Heartfulness accompagnée de transmission, la transformation se fait de l'intérieur vers l'extérieur, de samadhi à yama, de la huitième à la première étape. En même temps, nous ajustons notre mode de vie de l'extérieur vers l'intérieur, allant ainsi de la première à la huitième étape. Cette approche bidirectionnelle est révolutionnaire, parce qu'elle nous permet d'expérimenter les huit étapes yogiques simultanément, sans avoir à lutter intensément. On nous donne une canne pour marcher, et parfois nous sommes même portés comme un jeune kangourou dans la poche de sa mère, et le voyage se fait sans effort. Deuxièmement, le nettoyage Heartfulness enlève de nos corps subtils les impressions qui alimentent nos désirs et activent nos sens. Dans
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les articles précédents, nous avons parlé de toutes les attirances émotionnelles que nous ressentons en raison des impressions accumulées dans le passé. Comment la concentration intérieure pourrait-elle être naturelle tant qu'elles ne sont pas retirées ? D'où l'importance du nettoyage. Ces deux pratiques Heartfulness facilitent pratyahara, car elles accélèrent l'approfondissement de la concentration vers l'intérieur et l'élimination
des obstacles. Tout en étant encore témoins des vagabondages du mental pendant la méditation, nous ignorons simplement les pensées qui émergent au moment où elles sont enlevées. Troisièmement, la prière Heartfulness est une pure pratique de pratyahara. Elle reconnaît que « nous ne sommes encore que les esclaves de désirs qui entravent notre avancement », et nous donne ensuite la solution pour dépasser cette limitation,
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en nous centrant sur un état d'existence au-delà des sens. La prière nous amène naturellement au centre de nous-mêmes, là où nous n'avons pas besoin des sens pour être un témoin. Car c'est par le cœur que nous sommes en osmose avec une dimension supérieure de l'existence. Il y a aussi d'autres pratiques Heartfulness qui favorisent pratyahara, notamment une technique scientifique développée par Ram Chandra de Shahjahanpur. En observant le flux d'énergie de la pensée, il a découvert qu'il descendait du « lac de conscience » – le « chit lake » selon le yoga – qui est associé au cortex préfrontal du cerveau et au brahmanda mandal ou région cosmique dans l'anatomie spirituelle. L'énergie de pensée descend du « chit lake » vers la poitrine et, chez la plupart des gens, elle se dirige à gauche, vers le premier chakra du cœur. De là, elle s'écoule vers l'extérieur sous forme de pensées et d'actions dans le monde. Puis Ram Chandra a observé que si le « chit lake » est préalablement nettoyé et qu'une partie du flux de l'énergie de la pensée est doucement déviée vers le côté droit de la poitrine, au point 2, le point de l'âme, le chercheur est alors débarrassé des pensées perturbatrices. Lorsque l'attention se porte sur l'âme plutôt que sur les désirs, les sens sont naturellement attirés vers l'intérieur. Pratyahara et vairagya vont de pair, et un grand obstacle est ainsi surmonté très simplement. Il y a ensuite les pratiques Heartfulness qui maintiennent la pureté des points A, B, C et D, situés autour du point 1 du cœur, là où la plupart des impressions sensorielles se logent initialement dans notre système. Ces pratiques constituent un programme d'entretien quotidien qui permet d'éviter que les sens ne soient constamment à la recherche d'une stimulation extérieure et qu'ils demeurent calmes et indifférents. Et enfin, il y a le coup de grâce, la technique Heartfulness par excellence pour garder les sens
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Centre de l'Atma (âme)
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calmes et libérés de toute excitation : c'est la méditation les yeux ouverts ou souvenir constant, l'état méditatif qui se poursuit tout au long de la journée. C'est l'exemple classique de la façon dont Heartfulness fonctionne de l'intérieur vers l'extérieur. Quand la première chose que nous faisons est de méditer avant l'aube, nous parvenons à absorber la transmission très facilement, parce que nous coopérons avec la nature – nous nageons avec le courant. La transmission nous amène à des niveaux profonds de méditation, où nous faisons l'expérience du samadhi, cette condition d'équilibre parfait qui existait avant la création. Nous ne faisons qu'un avec l'âme. Quand nous sortons de la méditation et prenons quelques minutes pour que la condition acquise (acquired) soit dynamisée (enlivened) et nous imprègne (imbibed), nous ne faisons qu'un (one) avec elle, en totale union1. Lorsque nous parvenons à maintenir cet état de samadhi après avoir ouvert les yeux, pratyahara se produit naturellement. Tandis que nous poursuivons notre journée, cette condition sous-jacente demeure en nous et En anglais, l'énumération des voyelles A E I O U permet de se souvenir des étapes de l'intégration de notre condition.
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nous permet de rester connectés avec elle tout en vaquant à nos activités. Nous sommes dans le monde, sans que nos sens soient attirés par lui. Nous conservons notre équilibre et absorbons consciemment les choses. Nous restons alertes, pleinement conscients, dans une attention focalisée, tout en étant absorbés en samadhi. Il y a une légende indienne qui explique cela de façon très poétique : quand l'étoile Svâti monte à l'horizon, qu'il pleut et qu'une goutte de pluie tombe dans une huître, cette goutte deviendra une perle. Les huîtres le savent, et remontent à la surface quand Svâti brille dans le ciel, en attendant de capter une goutte de pluie. Lorsqu'elles l'ont reçue, elles referment leur coquille et plongent au fond de la mer pour cultiver patiemment la perle. Comment devenir pareils à ces petites huîtres ? Comment vivre dans le monde tout en nous détournant des influences extérieures pour
cultiver patiemment en nous la vérité, cette perle exquise ? C'est là que Heartfulness joue son rôle. Quand nous nous focalisons sur notre cœur, tout est connecté et intégré. Le cœur ne fait pas la distinction entre les niveaux physique, subtil et causal de l'existence, parce qu'il les englobe tous. En plongeant dans notre cœur chaque matin en méditation, nous deviendrons comme ces petites huîtres. Nous parviendrons ainsi à l'état yogique d'uparati, un état où nous cessons d'être contrôlés par nos désirs et nos sens, car alors notre mental est constamment centré sur la Réalité.
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Kamlesh Patel, guide spirituel et responsable international Heartfulness, incarne cette rare fusion du cœur oriental et de l'esprit occidental. Dans une approche à la fois scientifique et pratique, il partage aujourd'hui son expérience de la méditation et de la spiritualité dans des conférences, des interviews et des cours dans le monde entier. Auteur de nombreux écrits, notamment sur l'évolution de la conscience, il vient de co-écrire The Heartfulness Way : Heart-Based Meditations for Spiritual Transformation. Pour en savoir plus : daaji.org
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Le goû t
VIE
DE LA
La créativité est l'ordre naturel de la vie. La vie est énergie : pure énergie créative. Julia Cameron
U S N P U I RO
Pe i nt ures mé di t at i ves s ur un s ouffl e
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Née en 1979 en Belgique d'un père turc et d'une mère suédoise, FILIZ EMMA SOYAK savait dès l'âge de cinq ans que l'art visuel était sa vocation et son mode d'expression. Son héritage, ses voyages et ses envies d'errance lui sont une source continuelle d'inspiration et de perspectives. La maternité a changé son univers, a représenté un changement de cap majeur dans son travail, et l'a conduite vers une pratique et une approche plus conscientes. Aujourd'hui, plus que jamais, elle reflète la conscience de vivre dans le présent.
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Po r t fo lio
Unu Spiro signifie « un souffle » en espéranto, un langage conçu pour unir, un langage où tout s'enracine dans le présent. J'ai commencé mes peintures sur un souffle comme une pratique méditative pour apprécier le moment présent. En 2016, je suis devenue mère d'une âme lumineuse. Mon cœur s'est agrandi, ma vie a changé et j'ai changé. Mais dans ces premiers temps de la maternité, mes jours et mes nuits défilaient à une vitesse vertigineuse, et je me retrouvais dans plus de chaos que de clarté. Je m'observais en train de gérer les choses avec moins de grâce et plus d'inconfort que je ne l'avais prévu. L'intuition avait toujours été mon guide, mais je n'arrivais pas à entendre clairement mes propres pensées et j'avais perdu la foi en mon instinct. Tout
ce qui me constituait autrefois n'était plus. Alors que ma nouvelle vie exigeait de moi d'être plus présente, mon esprit oscillait de façon obsessive entre le passé et les inquiétudes de l'avenir. Mon souffle était court. Mon corps ne semblait plus m'appartenir, ni mon temps. Je me sentais détachée de celle que j'étais autrefois. Qui était cette nouvelle personne ? Où était l'être calme, curieux, observateur, positif, motivé, créatif que j'étais ? Je me sentais comme la coque de mon ancien moi. Quelque chose devait changer, je le savais. Toute ma vie, faire de l'art a été ma façon de transformer et de donner un sens aux expériences
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de ma vie. C'est mon identité. C'est mon langage. C'était aussi une pratique de pleine conscience. Mais dans mon nouveau rôle, je ne pouvais plus travailler comme avant. Mon temps et mon énergie étaient limités, et je ne me sentais pas inspirée quand je n'arrivais pas à me connecter à mon intuition. J'avais commencé à faire du yoga et de la méditation au collège, vingt ans plus tôt. Mais depuis la naissance de mon bébé, je n'avais pas trouvé le moyen de faire grand-chose pour moi, sans parler
de maintenir une pratique spirituelle. Pourtant, je savais par expérience que cela m'aiderait. J'allais sûrement pouvoir trouver dix minutes ! Je me suis donc engagée à méditer chaque jour. J'ai immédiatement observé un changement. La méditation m'aidait à ralentir, à respirer et à entendre à nouveau ma voix intérieure. Après quelques semaines, mon intuition me dit quelque chose que je savais depuis le début. L'artiste en moi était toujours là, et je devais trouver un moyen de peindre à nouveau. Mais je devais tout simplifier
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J'ai ouvert une vieille bouteille d'encre noire. Il en restait encore. Je ne savais pas ce que j'allais en faire, mais il ne s'agissait pas de la substance, il s'agissait du processus.
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et réduire au minimum mon processus créatif, les matériaux, la grandeur, les couleurs et la forme. Un matin de juin 2017, alors que ma fille faisait la sieste, je me suis assise dans mon atelier à l'étage, mon carnet de croquis ouvert sur une page blanche. J'ai attrapé un pinceau de calligraphie fait à la main, que je possédais depuis des décennies mais que je n'avais jamais utilisé. J'ai rempli un bol en céramique avec de l'eau – un bol que j'avais fabriqué au Japon quand j'avais 12 ans. J'ai ouvert une vieille bouteille d'encre noire. Il en restait encore. Je ne savais pas ce que j'allais en faire, mais il ne s'agissait pas de la substance, il s'agissait du processus. J'ai vidé une pipette remplie d'encre dans l'eau. J'ai regardé l'encre s'égoutter, puis se mouvoir et se transformer lentement dans l'eau. C'était envoûtant. J'ai pris une grande inspiration et j'ai levé mon pinceau. En expirant, je l'ai plongé dans le bol. En inspirant de nouveau, j'ai appuyé la brosse sur le papier, et en expirant, je l'ai déplacée
pour tracer une marque. Je me sentais plus calme. A chaque respiration, je peignais un autre trait. C'était lent, méthodique et ça faisait du bien. Alors je l'ai fait encore et encore. Au fil du temps, les histoires autour de ma maternité se sont déployées et m'ont transmis leurs leçons sous forme de traces noires abstraites sur le papier. Ma pratique créative était devenue ma pratique de la pleine conscience. Mes peintures étaient mes méditations, mes enseignements. Mon souffle m'avait tracé un chemin pour centrer et gérer ma vie. J'étais parvenue à Unu Spiro, des peintures sur un souffle, et j'ai trouvé le calme, la paix et une profonde gratitude pour mon nouveau moi et pour le présent. Découvrez le travail de Filiz www.filizsoyak.com www.instagram.com/filizsoyak www.facebook.com/filizemmasoyak
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Yogasanas Heartfulne!
GOMUKHASANA La posture de la tête de vache
80 1e etape Pliez les jambes à demi, passez la jambe droite par-dessus la cuisse gauche et placez le pied droit juste à côté de la fesse gauche. Placez la jambe gauche sous la cuisse droite et tirez le pied gauche à
côté de la fesse droite. Rectifiez la position des genoux pour qu'ils soient l'un au-dessus de l'autre – le genou droit est placé juste au-dessus du gauche. Les deux pieds se trouvent sur la même ligne. Gardez la tête, le cou et le dos droits. Placez les mains sur les genoux, l'une sur l'autre, les paumes vers le bas, les bras détendus.
Détendez tout le corps, fermez les yeux, gardez la posture en effectuant des respirations douces et lentes – inspirez et expirez six fois.
2e etape Inspirez, ramenez le bras droit vers l'arrière et posez-le sur le sol derrière le bas du dos. Passez le bras gauche au-dessus des deux jambes, et posez la main sur la cuisse droite. Tournez lentement le haut du corps du côté droit et regardez vers l'arrière par-dessus l'épaule.
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Yo ga sa n a s He a r tfu ln ess
Les deux épaules se trouvent sur la même ligne et vous sentez la torsion à la taille. Fermez doucement les yeux et gardez la posture en effectuant des respirations douces et lentes – inspirez et expirez six fois.
BIENFAITS : Dans cette posture, le dos se redresse automatiquement. Gomukhasana renforce les muscles du haut du dos, des avant-bras, des épaules, de la poitrine, des hanches et des cuisses. Il tonifie les muscles et les nerfs autour des épaules et du plexus cardiaque.
3 etape e
Levez le bras droit et posez la main dans le dos, entre les épaules. Placez le bras et la main gauches derrière le dos. Joignez les doigts – cela peut être malaisé au début mais deviendra très facile avec un peu de pratique. Le dos de la main gauche doit toucher la colonne vertébrale, et la paume de la main droite être dirigée vers la colonne vertébrale. Gardez la colonne vertébrale droite. Levez la tête pour qu'elle regarde vers l'avant. Fermez doucement les yeux et restez dans cette posture en effectuant des respirations douces et lentes – inspirez et expirez six fois. Quittez la posture, étirez les jambes, et recommencez tout l'exercice du côté gauche. Après avoir pris la posture dandasana (posture assise initiale), pliez la jambe gauche et passez-la par-dessus la jambe droite.
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Il aide à étirer les hanches, les cuisses, les chevilles et les épaules. Il aide à supprimer la raideur de la colonne vertébrale, du cou et des épaules. Il induit une relaxation. En le pratiquant pendant 10 minutes, on peut éliminer les tensions, les soucis et la fatigue. Il aide à soulager des maux comme le diabète, l'hypertension artérielle et les dysfonctions sexuelles. La pratique régulière de gomukhasana tonifie et masse les organes pelviens et reproductifs. Les muscles du bas du dos, des fesses et des genoux sont bien étirés et cet asana est bénéfique en cas de maux de dos, de sciatique et de rhumatismes.
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aux
Chou-fleur rôti
légumes verts vapeur Ce plat consistant et savoureux peut constituer un délicieux déjeuner ou dîner. Le chou-fleur rôti en tranches et les légumes verts cuits à la vapeur sont des mets alcalins très nutritifs. C'est simple et rapide à réaliser. À déguster chaud ou froid, même le lendemain. Bénissez votre nourriture, restez centré et paisible, et voyez comment vos vibrations d'amour vous font prendre plaisir à préparer ce repas revigorant pour ceux que vous aimez. Merci, Mère Terre, de nous donner cette excellente nourriture.
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Simonne
LE RÉGIME ALCALIN est d'origine végétale, biologique, à faible indice glycémique et sans gluten.
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C u i si n e n a t u re
INGRÉDIENTS :
FAIRE RÔTIR LE CHOU-FLEUR :
1 chou-fleur ½ brocoli 1 chou frisé ou chou chinois (vous pouvez soit enlever les tiges, soit les utiliser) 1 c à s d'huile de noix de coco extra vierge ou d'huile de sésame
Préchauffer le four à 200 degrés. Préparer et rincer tous les légumes.
SAUCE : 4 gousses d'ail fraîches, finement hachées 2 c à c de gingembre frais, râpé 1 c à c d'origan frais ou séché 1 c à s d'huile de noix de coco extra vierge ou d'huile de sésame 4 c à s de sauce soya (les meilleures sont les Braggs ou celles qui sont sans gluten) 1/4 de tasse d'eau (ou plus) 2 c à s de graines de sésame, grillées 2 c à s de persil haché le zeste d'1/2 citron Sel et poivre de l'Himalaya Servir avec du sarrasin ou du riz brun : 1 tasse de sarrasin ou de riz brun
Couper le chou-fleur en deux, le long du tronc. Dans chaque moitié, couper 2 à 3 tranches épaisses avec un couteau bien aiguisé. Déposer les tranches sur une plaque de cuisson, en badigeonner les deux côtés avec de l'huile de coco ou de sésame et assaisonner avec du sel et du poivre. Cuire au four de 20 à 25 minutes, jusqu'à ce qu'elles soient tendres.
CUIRE LES LÉGUMES VERTS À LA VAPEUR : Couper le brocoli en petites fleurettes. Rincer le chou frisé et enlever la tige. Couper le chou en grosses tranches. Cuire les fleurettes de brocoli à la vapeur pendant 5 minutes, jusqu'à ce qu'elles soient tendres. Les rincer à l'eau froide, les égoutter et réserver. Cuire le chou frisé à la vapeur pendant 2 à 3 minutes. Le rincer à l'eau froide, l'égoutter et réserver.
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C u i si n e n a t u re
SAUCE AU GINGEMBRE : Chauffer l'huile avec l'ail dans une poêle moyenne. Faire sauter pendant 3 minutes jusqu'à ce qu'il soit doré. Incorporer le gingembre râpé et faire sauter pendant 1 minute. Ajouter l'eau, la sauce soja et l'origan et faire cuire pendant 2 minutes. Si nécessaire, vous pouvez épaissir la sauce avec de la gomme de xanthane, de l'arrowroot, de la fécule de maïs ou de la fibre de psyllium.
DRESSEZ LES ASSIETTES : Saupoudrer de sel et de poivre, de persil, de zeste de citron et de graines de sésame grillées. Recette de SIMONNE HOLM alkaline-institute.com
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F E S T I VA L
Chemin faisant
Chamonix Mont-Blanc, 19 et 20 mai 2018 Des rencontres et balades philosophiques sur le thème « L'humain demain » : comment la science nous transformet-elle ? Quel monde voulons-nous ? Avec Malek Boukerchi conteur et ultramarathonien, Axel Kahn, médecin généticien, spécialiste de l'éthique en médecine, marcheur, Etienne Klein, physicien, philosophe des sciences, ultratrailer, Florence Piron, anthropologue, épistémologue des sciences… www.festivalcheminfaisant.com
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M É D I T E R À D I S TA N C E
Le Yoga Heartfulness, formation pour enseignants Diplôme supérieur de yoga avancé. Apprenez à enseigner les huit étapes du yoga et à associer l'art traditionnel du yoga à une approche professionnelle moderne. Hyderabad – du 3 au 31 mai 2018 (en anglais) heartfulness.org/yoga-trainers/ in.wellness@heartfulness.org
L'appli Let's Meditate Méditer avec un formateur Heartfulness à toute heure et en tout lieu. fr.heartfulness.org Télécharger l'application Let's Meditate sur Android ou iOs Ma i 2 01 8
À LIRE
The Heartfulness Way
Que feriez-vous si vous appreniez qu'il existe un moyen de transcender la souffrance et de renouer avec l'espoir et la joie ? Durant deux ans, un chercheur, J. Pollock, s'est entretenu avec un maître spirituel, Kamlesh Patel, pour explorer une approche de la vie extraordinairement simple, mais efficace, appelée Heartfulness. De cette complicité est né un texte lumineux permettant à chacun de découvrir la pureté, la paix et l'unité en lui-même : the Heartfulness way. En cours de traduction en français. www.theheartfulnessway.com
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Le magazine Heartfulness H E A RTS P OT
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La question qui démasque Une question est souvent très révélatrice. Elle en dit long sur le caractère de la personne qui la pose. La personne qui s'incline pour poser sa question. La personne qui vous questionne avec arrogance, dressée sur ses ergots. La personne qui vous demande quelque chose dans le seul but de prouver que vous avez tort ! La personne qui déborde de curiosité et de zèle en posant sa question. La personne qui vous interroge avec beaucoup d'humilité, en exprimant abondamment sa reconnaissance… La personne qui questionne dans l'intention d'ennoblir l'autre ou de mettre en valeur le sujet débattu.
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