numéro 5 8€ septembre 2016
FOCUS
CULTIVER LA JOIE
avec Frédéric
Lenoir
LA SCIENCE DE LA SPIRITUALITÉ L’ évolution de la conscience, le corps subtil
LE GOÛT DE LA VIE Devenez votre propre espace vert
LA PENSÉE ET L'ACTION L’ amour au temps de la haine
DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
RELATIONS
TRAVAIL
Septembre 2016
INSPIRATION
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NATURE
Heartfulness,
Through meditation, transformation
Offrez-vous l'expérience de la beauté du cœur
Apprenez à méditer à l’ aide de la transmission yogique fr.heartfulness.org
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Magazine Heartfulness
L'édito Cultiver la joie Dans un monde de plus en plus perturbé et menaçant, comment garder son équilibre et sa joie de vivre, quand on est journellement assaillis d’ informations qui nous dépeignent l’ampleur des problèmes qui se posent à nous et à notre planète ! Cette prise de conscience peut en désespérer certains, et en encourager d’autres à agir, à répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés. Le constat est nécessaire, mais il faut qu’il débouche sur des moyens de s’investir, d’apporter son aide au quotidien ! Si s’engager dans l’action extérieure semble parfois difficile, hors de notre portée immédiate, il existe un moyen toujours accessible : l’action sur nous-même. La tranquillité et l’amour qui émanent d’une personne créent un équilibre qui va bien au-delà de sa sphère personnelle, car toute transformation génère une onde, a un impact sur la réalité extérieure. Plusieurs auteurs dans ce numéro en témoignent, certains l’ont fait à travers l’amour, la compassion, d’autres par la discipline intérieure, d’autres encore ont éprouvé la puissance transformatrice de la joie. Alors comment créer ce changement intérieur ? Comment se mettre au diapason d’une énergie qui peut transformer le monde ? En transformant d’abord notre niveau vibratoire, grâce à la méditation qui nous permet d’accéder à un état plus subtil. Car en méditant, nous amplifions la beauté du silence, nous participons à une révolution globale silencieuse. La rédaction
Sommaire
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ENTRETIEN
Kamlesh D. Patel L’ humanité a toujours rencontré des difficultés au niveau familial. Elles reflètent l’ état de conscience d’ une société. Dans cette interview, Kamlesh D. Patel nous parle avec perspicacité et sagesse de la relation entre parents et enfants, dès la conception.
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SOUVENIRS
Mon père, cet être donnant
16 focus cultiver la joie 16 Dedans = dehors, l’ équation éclairante 18 La puissance de la joie avec Frédéric Lenoir Plus intense et plus profonde que le plaisir, plus concrète que le bonheur, la joie est la manifestation de notre puissance vitale.
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22 Le silence qui éclaire
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LA PENSÉE ET L'ACTION
L’ amour au temps de la haine
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ATTITUDE
Ne pas juger, tout un art...
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PORTFOLIO
Gens de la terre
42 la science de la spiritualitÉ 42 L’ évolution de la conscience, 2e partie Le corps subtil est le champ vibratoire à la fois du coeur et du mental. C’ est dans ce champ que la pratique spirituelle peut jouer un rôle vital.
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SPIRITUALITÉ
48 La pureté tisse notre destinée 50 L’ amour et la méditation
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LE GOÛT DE LA VIE
54 Devenez votre propre espace vert 62 Leçons du jardin : les myrtilles
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LA RECETTE DE FÉLICIE
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PLANÈTE KIDS
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Tatin, champignons et myrtilles
70 Guéris vite ! 74 Jomo le brave
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Ont contribué DIRECTRICE DE PUBLICATION
Scilla Elworthy
(édition francophone) Sylvie Berti Rossi
RÉDACTION Anglais : Elizabeth Denley, Emma Hawley, Meghana Anand, Veronique Nicolai (partie pour les enfants ) Français : Sylvie Berti Rossi, Génia Catala, Hélène Camilleri
TRADUCTION Génia Catala, Sylvie Galland, Marie-Laure Lagrange, Agnès Valensi, Julie Cuisinier
GRAPHISME Emma Hawley, Deepali Konaj, Uma Maheswari, Nehal Tantia, Hélène Camilleri
COUVERTURE Sylvie Berti Rossi, Hélène Camilleri
PHOTOGRAPHIES
En 1982, Scilla a fondé l’Oxford Research Group afin d’ouvrir un dialogue avec les décideurs dans le domaine de l’ armement nucléaire ; elle a créé Peace Direct en 2002 pour soutenir les habitants qui luttent pour la paix dans les zones de conflits. Trois fois candidate au prix Nobel de la paix, lauréate du Niwano Peace Prize en 2003, elle a conseillé l’ archevêque Desmond Tutu et Sir Richard Branson lors de la création des Global Elders. Elle a cofondé Rising Women Rising World en 2013. Son dernier livre s’ intitule Pioneering the Possible : Awakened Leadership for a World That Works, et sa conférence TED sur la non-violence a été visionnée par plus d’ un million de personnes.
Alice Marty (www.flickr.com/photos/almalice/), Bharath Krishna, Bill Waycott, Clayton Hairs, Eddy Klaus, Rajesh Menon, Francis Azemard, C. Cabrol, Jozef Sedmak, Rndmst (dreamstime.com) Couverture : Godfer-dreamstime.com
ILLUSTRATIONS Pauline Clair
CONTRIBUTIONS Kamlesh D. Patel, Joan Even, Durga V. Nagarajan, Frédéric Lenoir, Lakshmi Arvind, Scilla Elworthy, Anne-Grethe Kousgaard, Rishi Ranjan, Patrick Fleury, Janmarie Connor, Alanda Greene, Félicie Toczé, Guy Lemitres
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Alanda Greene Alanda Greene vit dans les Purcell Mountains, en Colombie-Britannique, au Canada. En profonde connexion avec la nature, elle et son époux, bien insérés dans une communauté rurale, ont construit eux-mêmes leur maison en pierre et en bois, ainsi qu’ un jardin en terrasses. Le but premier d’Alanda est d’ intégrer consciemment l’ esprit dans tous les aspects de la vie.
à ce numéro
ENVOI DES CONTRIBUTIONS Correspondance avec la rédaction et ligne rédactionnelle magazine@unimeo.com
Frédéric Lenoir
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Frédéric Lenoir est philosophe et sociologue, chercheur associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et coproducteur de l’ émission « Les racines du ciel » sur France culture. Il mène depuis des années une réflexion sur la sagesse et l’art de vivre. Il est l’auteur de nombreux ouvrages – essais et romans – traduits dans une vingtaine de langues.
ABONNEMENTS
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PUBLICATION Unimeo 1185 Chemin des Campelières 06250 Mougins FRANCE Droits d’impression, publication, distribution, vente, sponsoring et perception des recettes
Janmarie Connor
réservés à l’éditeur. 2016 © Tous droits réservés à Unimeo
Janmarie est écrivain, consultante en développement d’ entreprises. Diplômée de l’université d’Indiana et du Gestalt Center for Organisation and Systems Development, elle intervient aussi bien dans des entreprises que dans des organisations sans but lucratif. En tant que formatrice à la méditation Heartfulness, elle collabore avec des sociétés, hôpitaux, administrations et universités et développe des programmes de vie en conscience, de développement personnel et de santé. Passionnée par l’ aide aux enfants, elle écrit un livre à leur intention, Relax Little Toes, Relax.
ISSN : 2491-2255 Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate » et le logo « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.heartfulness.org est également la propriété de la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l’Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.
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entretien
L'humanité a toujours rencontré des difficultés au niveau familial. Elles reflètent l'état de conscience d'une société. Dans cette interview, Kamlesh D. Patel nous parle avec perspicacité et sagesse de la relation entre parents et enfants, et ce dès la conception. Il nous explique aussi comment la méditation nous permet, en fermant les yeux, de nous éveiller !
Q
Tout autour de nous, les relations se dégradent. Est-ce selon vous une caractéristique de notre époque ? Eh bien, je dirai que ce qui se passe est triste, en effet, mais ça n’ a rien de nouveau. La seule chose qui ait changé est l’ampleur du problème. L’humanité a toujours rencontré des difficultés au niveau familial, et au niveau personnel dans les relations individuelles. On trouve le même genre de problèmes dans
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le Mahabharata et le Ramayana. Ils reflètent l’ état de conscience de la société à cette époque. Les situations y sont mises en scène. Dans ce que nous voyons autour de nous maintenant, seule l’ intensité a changé, rien d’autre. La cause fondamentale reste la même.
Q
La plus pure des relations est celle de la mère et de l’enfant, mais on voit aujourd’ hui des familles qui ne veulent pas d’enfants, qui mettent
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entretien
fin à leur vie avant qu’ils ne soient nés, ou qui les confient à des gouvernantes. Comment en sommesnous arrivés là ? C’ est un problème social dont les causes sont multiples. En Inde nous en sommes à un stade comparable à celui des années 30 et 40 en Amérique, où les femmes voulaient travailler, et entrer peu à peu
pas une voie à sens unique. Il faut faire des sacrifices des deux côtés. Mais dans les familles modernes, le mari ne prend même pas la peine d’échanger des informations avec sa femme. Si on dit à la mère d’un nouveau-né : « Son nez est comme le tien, mais ses yeux, ses joues, ses autres traits sont ceux de ton mari », elle ne va pas être très contente. C’ est le début d’un conflit. Elle préférera
en concurrence avec les hommes. Il n’ y a pas de mal à ça, mais il ne faudrait pas que ce soit aux dépens d’autre chose. Si vous voulez travaillez, allez-y, mais souvenez-vous que vous avez une famille dont vous devez vous occuper. La question fondamentale est celle-ci : voulez-vous vraiment que votre relation fonctionne ? Quel prix êtes-vous prêtes à payer pour cela ? Réfléchissez-y,
entendre : « Le bébé est ton portrait craché, une copie conforme… » Il s’agit là d’une broutille, mais imaginez ce qui se passe quand le problème est sérieux. La femme a peut-être fait une erreur que son mari n’est pas prêt à pardonner. Nous sommes des humains, nous avons tous des défauts. Il faut lâcher. Si on s’accroche à une faute commise, ce n’ est ni juste
vous devez faire des choix. Si vous décidez d’avoir un enfant, cela signifie que votre situation professionnelle devra attendre. Vous ne pouvez pas avoir l’ un et l’autre, surtout en tant que mère. Aucun père n’ est pourvu d’ autant d’amour pour prendre soin d’ un enfant. Cette capacité ne leur a pas été donnée, sauf bien sûr si les circonstances les y contraignent. Par exemple, la mort de sa femme peut amener un homme à modifier son mode de vie pour pouvoir élever sa famille tout seul. L’ égoïsme est la première cause de ces problèmes, la compétitivité la deuxième. Mais la compétition est elle aussi fondée sur l’égoïsme. Tout se rapporte à « je, moi, mon ». Quand on donne la priorité à « je, moi, mon », la complicité se perd, puis la relation. Autrefois, la soumission et l’ abandon étaient considérés comme de nobles vertus, mais on dit aujourd’hui : « Elle est faible », ou « Sa femme le mène par le bout du nez. » Non, quand un mari écoute sa femme avec beaucoup d’amour, cela ne veut pas dire qu’ il se fait mener par le bout du nez. Il a de la considération et de l’ empathie. Et ça doit être réciproque. La relation n’ est
ni bon. Il faut de l’ indulgence. Il nous faut travailler sur nous-même.
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Q
En ce qui concerne la conception d’ un bébé, quelle est l’ importance de l’ attitude des parents envers la grossesse ? Elle est énorme. Les conséquences vont au-delà de ce que vous pouvez imaginer. La cause des problèmes entre parents et enfants se trouve souvent dans un rejet à ce moment-là.
Q
Pouvez-vous nous expliquer plus précisément les effets de l'attitude des parents sur l'enfant à naître ? Cela commence dans l’utérus, et même avant. Comment ? Vous vous rappelez peut-être cette très belle histoire du Mahabharata au sujet de Raja Vichitravirya, le père de Dhritharashtra, Pandu et
Vidhur. Il avait deux reines, mais par malheur il était stérile. Sa mère voulait s’ assurer qu’ il laisse un successeur pour que la lignée continue après sa mort. Un astrologue lui dit : « Ce moment-ci est particulièrement propice. Si les reines conçoivent ces deux prochaines heures, les enfants auront une nature glorieuse, ils seront dignes de succéder au roi. » La reine mère ordonna donc à son fils aîné, qui
Si vous voulez des enfants formidables, soyez très attentifs à ce moment. Ensuite, la croissance de l’embryon et le développement des enfants sont liés aux circonstances extérieures et familiales. Dans son livre, The Biology of Belief 1, le Dr. Bruce Lipton relate ses observations montrant que les caractéristiques et les changements génétiques dépendent de facteurs extérieurs. Par exemple, dans les situations
était un rishi, de venir sur le champ au palais, ce qu’ il fit, malpropre, hirsute et malodorant. Quand la première reine le vit, elle fut atterrée et ferma les yeux : « Mon Dieu ! C’est avec cet homme que je dois passer ce moment ! » Surmontant son dégoût, elle dit : « Bien, si c’ e st nécessaire, qu’il en soit ainsi ! » De même, quand le rishi se rendit dans la chambre de la seconde reine, elle pâlit et se
de combat ou de fuite, les membres sont actifs. Le système nerveux sympathique prédomine, provo-
glaça d’ h orreur, comme si sa circulation s’était soudain arrêtée. Deux enfants naquirent : le premier était aveugle et le deuxième avait une peau pâle, dépigmentée. Leur état avait été déterminé par l’ attitude des reines au moment de la conception. Or celles-ci avaient prévu un plan B au cas où elles échoueraient. Elles avaient prié une servante de concevoir un enfant avec le rishi. C’ était leur bouée de sauvetage. La servante, fière et reconnaissante que Dieu lui envoie le rishi pour concevoir un enfant, se sentit honorée. L’ enfant ainsi conçu était Vildur, le plus sage des trois. C’ est donc l’ attitude des parents au moment de la conception qui détermine la nature de l’âme qui s’ incarne. Si vous vous accouplez comme des bêtes, inconscients de la nature spirituelle de l’ acte, que pensez-vous qu’ il arrivera ? Une nature lourde et animale prévaudra chez l’ enfant. C’est vous qui déterminez la qualité de la progéniture que vous laissez derrière vous, elle dépend de votre condition au moment de la conception.
C’est l’attitude des parents au moment de la conception qui détermine la nature de l’âme qui s’incarne.
quant une montée d’ adrénaline qui envoie le sang dans les membres. Imaginez une femme enceinte qui vit tous les jours des conflits dans sa famille, ou qui est constamment en mode défensif. L’ adrénaline dans son sang atteindra le placenta, et la réaction du fœtus sera la même que chez sa mère. Ses membres seront irrigués aux dépens d’ autres organes. Les centres du cerveau seront également stimulés par les neurotransmetteurs. Bruce Lipton arrive à la conclusion que dans une famille conflictuelle les enfants auront des membres plus longs et l’ arrière de leur cerveau plus développé, alors que dans une famille harmonieuse, où les parents se comprennent bien, le cerveau évoluera différemment.
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entretien
Quand on donne la priorité à « je, moi, mon », la complicité se perd, puis la relation.
Chez ces enfants-là, les lobes frontaux seront bien développés, tout comme les capacités cognitives. Quand l’ irrigation des membres se fait aux dépens du système digestif, celui-ci sera particulièrement fragile. Alors, qui détermine la santé de l’ enfant ? C’ est l’ environnement qui la perturbe. Par conséquent on ne peut pas reprocher à un enfant la façon dont il se comporte. Vous connaissez la solution. A vous de l’appliquer. Même quand on vit seul, il est très important d’ être en harmonie avec soi-même, avec sa nature profonde. La façon dont vous vous connectez à votre soi profond affecte aussi l’ enfant. Votre confiance en vous-même influence l’enfant. Vos peurs l’ affectent, toutes vos attitudes l’ affectent. Sans en avoir conscience, nous partageons tout avec l’ enfant, le bon et le mauvais, dès l’ instant de la conception, et même avant.
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Q
Comment la méditation nous aide-t-elle ?
La méditation nous aide à voir les choses avant même que nous envisagions de les faire, parce qu’ elle nous permet d’ observer nos pensées. Nous avons une longueur d’ avance, car il ne s’ agit pas seulement de considérer l’action ou la phase qui la précède immédiatement, mais de nous observer alors que nous en sommes au stade de l’ intention. Nous réglons nos intentions, nous les accordons, nous nous demandons : « Est-il juste que j’ aie ces intentions dans le cœur ? », et notre cœur nous guide toujours. Il répond oui ou non. Nous pouvons ainsi prévenir les conflits avant qu’ ils n’arrivent. C’ est comme la vaccination. Elle permet d’ éviter une maladie avant qu’elle ne se déclare.
La méditation nous permet d’évaluer si ce que nous pensons est juste ou non, bénéfique ou non, et si tel acte sera bon pour notre relation ou lui nuira. Quand on médite on voit les choses plus clairement.
La méditation nous permet d’ évaluer si ce que nous pensons est juste ou non, bénéfique ou non, et si tel acte favorisera notre relation ou lui nuira. Quand on médite on voit les choses plus clairement. Cela nous aide à pratiquer l’ introspection. On distingue alors ce qui est important et ce qui ne l’ est pas. Quand on l’ écoute, le cœur parle plus fort que tout le reste. Plus on l’ écoute, mieux il nous guide dans la bonne direction. On nous demande souvent : « Que faites-vous ainsi, les yeux fermés ? » En fait on voit mieux les choses, les yeux fermés, y compris son avenir et celui des autres. On est capable de discerner ses intentions et de les clarifier, et ainsi de mieux se soutenir les uns les autres. 1 Bruce Lipton, The Biology of Belief : Unleashing the Power of Consciousness, Matter & Miracles, 2005, Hay House, USA.
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Rester soi-mĂŞme dans un monde qui tente constamment de faire de vous autre chose est le plus grand des talents.
GEORGE BERNARD SHAW
PHOTOGRAPHIE EDDY KLAUS
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MON PЀRE
cet être donnant
Joan Even se remémore tout ce que lui a transmis son père à travers ses choix et sa façon de répondre à la vie.
S
ois quelqu’ un de donnant, disait mon père en me tapotant l’ épaule droite avec un regard anxieux de convaincre. Combien de fois, mes six frères et sœurs et moi avons-nous entendu ces paroles ! Il faut bien avouer que lui-même suivait à la lettre ses propres injonctions. Par exemple, lorsque la famille de ma tante eut besoin d’ une nouvelle voiture, il se fit un réel plaisir de lui offrir la nôtre. Après tout, c'était bien ça donner, non ? Et c’ est ma mère qui dut se débrouiller ensuite pour résoudre la logistique de ce don ! Mon père avait grandi dans un milieu catholique. Sa mère était issue d’ une petite ville d’ Italie appelée Campa Bassa, alors que les ancêtres irlandais de son père avaient émigré aux Etats-Unis plusieurs générations auparavant, encore avant la Famine de la
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pomme de terre de 1840. Mes grands-parents s’ étaient enfuis ensemble pour se marier à New York car, dans les années 20, les Italiens, derniers arrivés parmi les immigrants, étaient très mal considérés, et loin d’ être les bienvenus au sein d’ une famille catholique irlandaise bien établie. Seul garçon au milieu de cinq filles, mon père était le préféré de sa mère, mais il ne réussit apparemment jamais à trouver grâce aux yeux de son père. Le passe-temps favori de mon père, le seul, à part l’ éducation de ses sept enfants et la boisson, était la lecture, en général d’ ouvrages sur la philosophie, les dirigeants de ce monde, le catholicisme, l’ histoire, ainsi que des recueils de poésie. Il adorait nous parler de Mère Teresa, la plus pure incarnation du don à ses yeux. Il fut très excité par la découverte du linceul
souvenirs
de Turin en Israël, preuve pour lui que Jésus était bien ressuscité ; ce qui confirmait ses convictions catholiques. Mes souvenirs d’ enfance les plus précieux sont liés à mon père. On s’ asseyait parfois dans la véranda, à l’ avant de notre maison, pour regarder les étoiles. On ne disait pas grand chose, on restait simplement là, ensemble, à observer le ciel. C’ était merveilleux. Pendant des années, mon père et moi allions aussi à la messe pendant le carême, les quarante jours qui précédaient Pâques. Durant cette période, les catholiques sont invités à renoncer à quelque chose qu’ ils affectionnent particulièrement (les bonbons étaient un choix très populaire) ou à faire quelque chose qui les aide à se sentir plus proches de Dieu. Donc chaque matin, conformément à sa demande, je réveillais mon père à 7h25. En général il se rendormait et il me fallait plusieurs tentatives avant qu’ il ne parvienne à se lever. Ma fille m’ interroge aujourd’ hui, « mais enfin Maman, comment as-tu pu accepter ça ? ». Je n’ ai pas la réponse. Quoi qu’ il en soit, nous nous rendions pratiquement en courant à l’ Eglise du Saint-Sacrement pour la messe de 7h45. Je n’ exagère pas en disant que nous sommes arrivés en retard tous les jours de ces cinq semaines de carême, durant les dix années où je l’ ai accompagné. De plus, chaque fois, mon père faisait inconsciemment savoir à tous les paroissiens qu’ il était bien là en tirant son mouchoir et en se mouchant bruyamment. Quant à moi, assise à côté de lui, je me ratatinais de plus en plus sur mon banc. Mon père ne s’ est jamais perdu dans les subtilités de la foi catholique. Il se rendait à la messe tous les dimanches, se confessait de temps en temps, et nous a tous élevés dans cette religion. Je pense que ses visites hebdomadaires à l’ église l’ ancrait et le connectait à cette force supérieure en laquelle il croyait. Il ne parlait pas du catholicisme ; sa foi se résumait à son idée de « donner » et à son objectif dans la vie : être une bonne personne.
Lorsque je suis à vélo, je lâche parfois le guidon et je chante une chanson qui me fait penser à lui ; alors je sens la joie rayonner en moi. N’ ayant jamais appris que tout doit commencer par l’ amour de soi, il était constamment en train de se juger. Sa seule aspiration était de devenir un homme bon et de suivre ce progrès à l’ intérieur de lui. Il lisait, lisait, sans cesse en quête du but de la vie. Comme il travaillait pour Timex Corporation, une société internationale, il ramenait souvent à la maison des collègues venus d’ Ecosse ou d’ Allemagne, pour partager avec eux un repas et quelques heures au sein d’ une famille pleine d’ amour. Lorsqu’ il embauchait une personne coréenne, il appelait les agents immobiliers pour l’ aider à lui trouver un logement, sans prendre conscience du racisme dont son collègue asiatique ferait l’ objet. Je me souviens des longues discussions philosophiques que nous eûmes plus tard, après mon départ de la maison, lorsque mon père me rendait visite. A l’ époque, mon mari travaillait souvent à l’ étranger et mon père et moi restions tard dans la nuit à discuter. C’ était un chercheur. Il est mort en novembre 2004, un an avant que je commence à méditer. Toutes ces années, j’ ai pensé à la façon dont il partagerait son voyage spirituel avec moi s’ il vivait encore. Penser à lui fait toujours naître en moi un sourire. Et lorsque je suis à vélo, je lâche parfois le guidon et je chante une chanson qui me fait penser à lui : « Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines », et je sens la joie rayonner en moi.
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Dedans = dehors,
l équation
éclairante
DURGA V. NAGARAJAN
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focus
I
l y a quelques jours, je suis rentré à la maison après une longue journée au bureau. D’ habitude je fais un saut à la salle de bains pour me rafraîchir, je dîne, puis en général je m’ écroule et vais me coucher. Mais ce soir-là j’ ai décidé de regarder les nouvelles pour me remettre au courant. J’ ai allumé la télé et tout ce que j’ ai vu, c’ était de la violence – d’ abord sur une chaîne d’ informations, puis sur une autre, et quand j’ ai switché sur une troisième, c’ est encore une violence différente qu’ on présentait. Abattu et accablé, j’ ai demandé à mon amie : « Quand allons-nous apprendre à vivre en paix les uns avec les autres ? » Presque instantanément, une voix m’ est parvenue de l’ intérieur : « Quand chaque individu aura changé en lui-même. » Une question m’ est venue : « Comment y parvenir ? » A nouveau mon cœur a répondu : « En cultivant la paix en soi et en la reflétant à l’ extérieur. » En repensant à cette réponse, j’ ai compris que tout ce que nous voyons autour de nous n’ est qu’ une manifestation de ce qui est en nous. Nous projetons nos sentiments, nos émotions et nos croyances sur le monde en espérant qu’ il change, alors que la solution, l’ origine, se trouvent en nous. Comment cultiver en nous l’ équilibre et la paix que nous désirons tellement trouver à l’ extérieur ? A mon humble avis, il ne s’ agit pas tant de les cultiver que d’ enlever les innombrables enveloppes dans lesquelles nous sommes engloutis. Il faut nous défaire de ce que nous sommes devenus du fait des désirs, de l’ ego, de la peur, etc. Et que reste-t-il quand on a enlevé toutes les complexités et les impuretés en soi ? La simplicité et la pureté. Si nous restons fermement attachés à ce trésor de simplicité et de pureté et le faisons grandir, nous atteignons un stade où seule existe cette pureté. Elle est devenue partie intégrante de notre nature, et elle émane de nous.
cultiver la joie
Tout ce qui se trouve à l’extérieur n’est qu’une manifestation de ce qui est en nous. Comme le disait le Mahatma Gandhi, « Soyez le changement que vous désirez voir dans le monde. » Ainsi tout commence avec nous – vous et moi.
Alors notre monde extérieur se modifie : il n’ y a plus de hâte, plus de luttes pour une cause, plus rien de lourd ni de compliqué à faire. Ce n’ est pas que le monde ait changé, c’ est nous qui avons changé de l’ intérieur. Tout ce qui se trouve à l’ extérieur n’ est donc qu’ une manifestation de ce qui est en nous. Comme le disait le Mahatma Gandhi, « Soyez le changement que vous désirez voir dans le monde. » Ainsi tout commence avec nous – vous et moi.
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J'entendrai donc, par joie, une passion par laquelle le Mental passe à une perfection plus grande.  Spinoza 20
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focus
cultiver la joie
La puissance de la joie avec
FRéDÉRIC LENOIR
« Plus intense et plus profonde que le plaisir, plus concrète que le bonheur, la joie est la manifestation de notre puissance vitale. La joie ne se décrète pas, mais peut-on l’apprivoiser ? La provoquer ? La cultiver ? » Philosophe et sociologue engagé, Frédéric Lenoir propose dans son dernier ouvrage une voie d’accomplissement de soi fondée sur la puissance de la joie.
Q
Quelle a été votre évolution, votre transformation personnelle en écrivant d’abord sur le plaisir, puis le bonheur, puis la joie ? J’ai d’abord écrit sur le plaisir et le bonheur avant d’ écrire plus spécifiquement sur la joie. Le plaisir est une satisfaction passagère et le bonheur un état de satisfaction global et durable. Comme le rappelait déjà Epicure, il n’ y a pas de bonheur sans plaisir : c’est la somme conscientisée de nos petits plaisirs quotidiens qui font notre bonheur. Mais cela implique aussi de savoir renoncer à certains plaisirs agréables sur le
moment, mais qui perturbent l’ équilibre global de notre vie, et de savoir parfois les limiter. Le bonheur, c’ est donc surtout une quête d’ équilibre, d’ harmonie, de sérénité, dans laquelle on évite autant que possible ce qui est source de souffrance, de trouble. C’ est ce que les Anciens appelaient l’ ataraxie, la tranquillité de l’ âme. En écrivant sur ce sujet, je me suis rendu compte que je me sentais finalement plus proche d’ une autre forme de sagesse : celle de la joie. Il ne s’ agit pas tant ici de chercher à modérer et organiser sa vie en vue d’ un évitement de la souffrance et d’ une quête de paix intérieure, ce qui implique un certain
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focus
cultiver la joie
détachement et une diminution du désir, comme le prônent par exemple le stoïcisme ou le bouddhisme, que d’ accepter la vie comme elle s’ offre à nous, en la vivant avec une plénitude émotionnelle et affective, nécessairement source de souffrances. Mais il s’ agit alors de traverser toutes les souffrances de la vie en cultivant la joie. Comme l’ ont montré Spinoza et Nietzsche, la joie est toujours liée à une augmentation de notre puissance vitale : lorsqu’ on se sent exister plus et mieux, on est dans la joie. Certes la joie ne se décrète pas, mais on peut la cultiver par des attitudes qui favorisent son émergence : l’ attention, la bienveillance, le don, le lâcher-prise, la gratitude, etc.
Q
Selon vos recherches, y a-t-il des gens, des époques, ou des peuples « prédisposés » à la
joie ? La joie parfaite est celle des petits enfants qui s’ émerveillent de tout, se réjouissent d’ un rien et acceptent la vie comme elle est et non pas comme on voudrait qu’ elle soit. Avec le développement de l’ego et du mental, nous perdons cette joie spontanée. On peut la retrouver par un travail sur soi, qui consiste notamment à apprendre à lâcher l’ego et le mental pour « redevenir comme des petits enfants », comme le prône Jésus dans l’Evangile ou le maitre taoïste Tchouang-tseu, qui fait de l’ enfant le modèle du sage. J’ ai aussi pu constater en voyageant que les gens qui appartiennent à des sociétés traditionnelles, en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud par exemple, vivent plus dans la joie que les Occidentaux. Cela vient du fait qu’ ils sont davantage, un peu comme les enfants, dans une acceptation de la vie et dans des liens de solidarité puissants. L’ individualisme de nos sociétés modernes favorise les libertés individuelles, mais tue la joie.
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Q
Est-ce que vous pensez que la joie est dépendante de phénomènes extérieurs ? Ou peut-elle être un état permanent ? Les deux. La joie vient souvent des phénomènes extérieurs : un beau paysage, la rencontre d’un ami, un événement heureux, mais il faut aussi avoir une disposition intérieure pour accueillir cet événement. On peut se promener au milieu du plus beau paysage du monde, si on pense à sa déclaration d’ impôt qu’ on doit remplir le soir, aucune joie ne surviendra ! La joie peut aussi devenir permanente lorsqu’ on a fait un travail sur soi pour vaincre ce que Spinoza et Nietzsche appellent les passions tristes : la peur, la colère, la jalousie, le ressentiment, l’ envie, etc.
Q
Est-ce qu'il y a pour vous quelque chose au-delà de la joie, la félicité peut-être ?
Ce que Spinoza appelle la Félicité ou la Béatitude, ce n’ est pas un au-delà de la joie, mais c’ est justement cette joie active et permanente qui n’ est plus liée aux événements extérieurs, mais à cet état d’ être de pleine conscience dans lequel nous ne sommes plus mû inconsciemment par nos désirs, nos émotions, nos passions.
Q
Comment peut-on cultiver la joie au quotidien ?
En disant « oui » à la vie, c’ est-à-dire en accompagnant son mouvement permanent plutôt qu’ en voulant tout contrôler ; en étant présent et attentif à ce qu’ on fait, au monde et aux autres ; en remerciant pour tous les petits plaisirs et cadeaux de la vie plutôt qu’ en rouspétant contre les difficultés ou les frustrations ;
en étant ouvert et attentif aux autres plutôt qu’en étant tout le temps centré sur soi, etc.
Q
Est-ce que vous pratiquez la méditation ? Et si oui, qu’est-ce que cet outil peut nous apporter ?
Je médite depuis 33 ans tous les jours. Cette pratique me permet d’ avoir du recul par rapport à mes émotions et de développer une qualité d’ attention et de présence qui favorise la joie.
Q
Pensez-vous qu’on assiste aujourd’hui, malgré les manifestations de violence, à une évolution générale de la conscience ? Certainement. Jamais le monde, malgré ses crises et ses soubresauts actuels, n’ a été aussi sensible aux droits des individus, au respect d’ autrui, au bienêtre animal, etc. Il reste énormément à faire, mais le progrès de la conscience humaine est indéniable.
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Que pensez-vous de cette citation : « Le désarmement extérieur passe par le désarmement intérieur. Le seul vrai garant de la paix est en soi. » Dalaï Lama Le premier à l’ avoir formulé est Spinoza au XVIIème siècle, en expliquant que la paix sociale ne pouvait provenir que de la paix intérieure des individus qui auront vaincu leurs passions tristes. On en revient toujours là : « Transformons-nous nous-mêmes pour changer le monde ! »
INTERVIEW : LA REDACTION
Connais-toi toi-même et deviens qui tu es
Le mode le plus évident de connaissance de soi est l’ introspection. Elle consiste en un travail d’attentive observation de nousmêmes, de notre sensibilité, de nos motivations, de nos désirs, de nos émotions. Une analyse de nos propres expériences et de ce qu’elles ont suscité en nous. Nos expériences nous parlent, si on accepte d’écouter leur message : « Tu es malheureux en persévérant dans cette voie, tu t’épanouirais peut-être dans telle autre. » « Telle chose te fait du bien, telle autre du mal. » Nous appréhendons parfaitement cette démarche quand il s’agit, par exemple, de notre alimentation. Tous les aliments ne nous correspondent pas, certains peuvent même nous rendre malades, alors qu’ils conviennent tout à fait à d’autres […] Il en va de même de notre vie affective, professionnelle, relationnelle. Certaines personnes ne sont bien que seules, d’autres doivent en permanence être entourées, alors que la plupart ont besoin, pour s’épanouir, d’alterner moments de solitude et de sociabilité. C’ est bien l’expérience qui dira à chacun ce qui lui sied le mieux. Quand il nous invite au discernement, Spinoza dirait : « Observe ce qui te met en joie et ce qui te rend triste. » […] Le principe de discernement consiste à s’ observer, avec lucidité et sans a priori. Comme toute autre activité, il se perfectionne avec l’entraînement. Extrait de La puissance de la joie Fayard, 2015, pp. 100-102
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focus
cultiver la joie
Le silence qui éclaire Lakshmi Arvind nous raconte comment elle a pu, à travers une expérience déterminante, ne plus succomber à l'habitude de se plaindre, en restant dans la joie.
J’ aimerais partager avec vous quelque chose que j’ ai appris de mon professeur, quelque chose de beau. Ce n’ était pas transmis par des mots, je l’ ai perçu par les yeux du cœur et dans le silence du mental. Il y a environ un an, nous avons organisé un séminaire de méditation auquel il a eu la gentillesse d’ assister. Pendant tout le temps qu’ il a passé avec nous, j’ ai remarqué qu’ il naviguait sur le flux de la vie avec une légèreté et un calme remarquables, et sans aucune attente. Il y avait dans l’ air une immense sensation de chaleur, d’ amour, de gratitude, et surtout de joie. Ces vibrations étaient si fortes qu’ elles remplissaient l’ espace et enveloppaient tous ceux qui étaient là. Après le séminaire, je suis rentrée chez moi avec dans le cœur un sentiment de légèreté et de bonheur. Au fil des jours j’ ai été reprise par les défis de la vie, les hauts et les bas, et les nombreuses exigences auxquelles il fallait répondre. J’ ai commencé à me plaindre et très vite j’ ai perdu ce bonheur et cette légèreté intérieurs. Ce n’ était pas la première fois que ça m’ arrivait, et je m’ en voulais systématiquement. Je me demandais
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pourquoi je ne pouvais maintenir plus longtemps cette paix intérieure dans ma vie quotidienne. En y réfléchissant, je suis arrivée à cette constatation. La chose qui me touchait profondément chez mon professeur était qu’ il ne se plaignait jamais de rien. Au début je m’ en suis simplement fait la remarque, puis, en y repensant, c’ est devenu une prise de conscience qui a vraiment changé ma vie. Voilà… Nous attendons tous une chose ou l’ autre de la vie. Pour certains, c’ est trouver le bonheur intérieur, pour d’ autres c’ est une carrière réussie, une belle maison, etc. De fait, nous sommes pleins d’ attentes par rapport à la vie, envers nos conjoints, nos enfants, notre travail, nos maisons, nos voitures, etc., et quand les choses ne vont pas comme on veut, on ne lâche pas le morceau ! C’est vrai, on se plaint constamment, sans arrêt ! Ça devient une telle habitude qu’on ne s’ en rend même plus compte. On a tous besoin, de temps à autre, de décharger nos sentiments. En général on le fait auprès de ceux qui nous sont chers, puis on oublie, ce qui est une façon de vider le corps, l’ esprit
et le cœur. Mais cette façon de se plaindre est aussi néfaste pour nous-même que pour les autres. Il n’ en sort rien de constructif. Plus on se plaint, plus on devient grognon, colérique et émotif, ce qui ne fait que créer des perturbations et de la haine en nous et autour de nous. Quand on est pris dans ce cercle vicieux, celui-ci peut nous vider de toute notre énergie, de tout notre potentiel, et nous laisser sans ressources. La seule façon de changer cette situation est de la reconnaître et de vouloir faire quelque chose pour s’en sortir. Savez-vous que se plaindre, c’ est souvent obéir à la loi du moindre effort ? C’ est comme se trouver des excuses, remettre la chose à plus tard, ou ne pas prendre la responsabilité de résoudre un problème. On a toujours le choix : pour certains les problèmes peuvent être une opportunité, pour d’ autres toute opportunité est un problème. « On peut se plaindre que les roses aient des épines, ou se réjouir que les épines portent des roses. » De quel côté êtes-vous ? Y avez-vous déjà réfléchi ?
Un des meilleurs experts en management, le Dr. Ichak Adizes, nous suggère ceci : « Prenez les problèmes comme une occasion de progresser. » Je me rappelle parfois ces mots quand je rencontre un problème dans la vie, ou que je me découvre en train de me plaindre, ou submergée de pensées négatives. Cela désamorce la frustration, place le problème dans une perspective nouvelle et positive, et contribue à trouver des solutions constructives. De savoir que le problème est là pour que je m’améliore m’aide aussi. Cette pensée me donne le courage de rencontrer la difficulté et me rend plus forte pour affronter la vie. En y réfléchissant récemment, j’ai réalisé que le fait d’ être attentive à ma façon d’aborder les problèmes m’ aidait vraiment à garder mon équilibre intérieur et à conserver plus longtemps l’ état de calme et de paix vécu pendant la méditation. Cela transforme peu à peu mon caractère et mon existence, m’apporte un mieux-être général et met de la joie dans ma vie.
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C'est seulement dans la tristesse que le mauvais temps nous influence ; dans la joie, nous faisons face à la tempête et la défions. AMELIA BARR
PHOTOGRAPHIE ALICE MARTY
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L'amour
au temps
de la haine Scilla Elworthy s’attaque à l'un des problèmes les plus épineux et les plus urgents de notre temps : le terrorisme. Elle partage ses réflexions sur le rôle des femmes et sur la construction de la paix qui requiert du courage, de la détermination, de la compassion et un budget.
La menace que redoutent la plupart des gens aujourd'hui est le terrorisme. Pourtant les mesures actuelles adoptées pour y faire face sont une simple répétition des erreurs du passé et ne font qu’ exacerber la situation. Pour planifier une stratégie efficace, il est essentiel de comprendre la façon de penser des combattants militants. Répondre au terrorisme par la violence est contre-productif, car la violence est ce que les terroristes comprennent le mieux, et ils savent parfaitement tirer profit de notre addiction à la médiatisation de leur brutalité. Selon l’ ancien otage de l’ Etat islamique Nicolas Hénin, la violence est exactement ce que ses ravisseurs recherchent : « Ils sont encouragés par tout signe de réaction disproportionnée, de division, de peur, de racisme, de xénophobie, ils sont attirés par toutes les horreurs publiées dans les médias. » « Le vainqueur de cette guerre ne sera pas le camp qui dispose des armes les plus récentes, les plus coûteuses ou les plus sophistiquées, mais celui qui réussira à rallier le plus de sympathisants à sa cause. » 1 Pour donner un exemple de réaction positive de la société civile, il a qualifié de « coup porté à ISIS » l’ escalade récente de la crise des réfugiés et le nombre en hausse d’ Européens qui ont offert de recueillir des musulmans en fuite.
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eeyah Khan est une réalisatrice de documentaires, lauréate de l’ Emmy Award (distinction récompensant les meilleures émissions télévisées) qui pour son projet le plus récent, Jihad, a passé deux ans à interviewer et filmer d’ anciens extrémistes islamiques. Il en ressort pour elle que « l’ Etat Islamique ne veut pas que nous ouvrions nos portes à ses réfugiés. Il veut les priver de toute possibilité, de tout espoir. Il ne veut pas que nous nous amusions en famille ou avec nos amis dans les bars, les salles de concert, les stades et les restaurants. Il veut nous voir nous recroqueviller dans nos appartements, au sein de nos groupes sociaux, portes closes par la peur. » 2 Pour Philip McKibbin, il faut veiller à ne pas laisser nos émotions nous dicter la manière de répondre au terrorisme. « Les terroristes veulent provoquer, en nous, choc, indignation, insécurité... Une réponse charitable au terrorisme serait proactive, plutôt que réactive. Elle nous verrait répondre aux causes du terrorisme au lieu de nous focaliser de manière disproportionnée sur les actes terroristes. » 3 Les principales causes du terrorisme sont l'humiliation et la vengeance. Lorsque vous faites le calcul, force est de constater que les Etats « légitimes » commettent bien plus de violences dans le monde que les groupes terroristes non étatiques. Cela n’ excuse en rien l’ action terroriste mais l’ explique. 4
Des stratégies efficaces Quelles mesures les gouvernements pourraient-ils prendre pour désamorcer le terrorisme international ? Une solution serait d’ adopter sur le champ des procédures réellement équitables et pacifiques dans leurs relations avec les autres peuples. Cette stratégie priverait les groupes terroristes d'un de leurs arguments majeurs pour justifier la violence. D’ aucune façon il ne faudrait promouvoir l’ image du terroriste tel un combattant héroïque défendant les
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Nous devons dépasser les luttes de pouvoir qui causent tant de souffrances à l'humanité depuis des milliers d'années. Si nous continuons dans cette voie, il n'y aura peut-être plus de planète à dominer.
intérêts du peuple. Lorsque les médias présentent systématiquement des terroristes en première page, ces derniers peuvent se percevoir comme des célébrités planétaires. Et bien entendu d'autres jeunes voudront atteindre ce type de notoriété, même au prix de leur vie. Les dirigeants doivent orchestrer un programme cohérent et coordonné de sensibilisation des responsables de rédaction. L'absence de couverture médiatique serait la meilleure solution pour réduire à son minimum le glamour de la brutalité.
Faire ce que les terroristes redoutent : s'unir Au sein de l’ association « Rising Women Rising World » nous nous posons la question la plus difficile et sans doute la plus exposée au ridicule : comment amener les jeunes combattants
1 http://www.theguardian.com/commentisfree/2015 nov/16/isis-bombs-hostage-syria-islamic-state-parisattacks 2 « Exposure – Jihad : A British Story » diffusé sur ITV1 3 https://www.opendemocracy.net/transformation/ philip-mckibbin/hijacked-emotions-fighting-terror-
d’ ISIL à entrer dans la sphère de la compassion, leur faisant voir que nous devons laisser derrière nous les luttes de pouvoir qui depuis des milliers d'années causent tant de souffrances à l’ humanité ? Si nous continuons dans cette voie, il n’ y aura peutêtre plus de planète à dominer. Si le fait de proposer une réponse compatissante au terrorisme nous expose au ridicule, nous pouvons rappeler la réponse d’ Abraham Lincoln à une dame qui lui reprochait son attitude trop conciliante dans les pourparlers avec le Sud. « Madame, lui dit-il, est-ce que je ne détruis pas mes ennemis en en faisant mes amis ? » L’ amour exige que nous considérions les terroristes comme des êtres humains. Il nous incite à comprendre que leurs actions, aussi odieuses soient-elles, proviennent d’ un sentiment de revanche, d’ humiliation et d’ isolement. Il nous demande de croire que leur douleur, et celle que tant d’ autres personnes éprouvent en ces temps de terreur, n’ est pas insurmontable. Que collectivement nous sommes capables de la surmonter. 5
ism-with-love 4 Ibid. 5 « Rising women Rising World » a pour objet de constituer sur les cinq continents une communauté de femmes qui s'engagent à être les pionnières d'un avenir possible. http://www.risingwomenrisingworld.org/envisagingthe-future/
Construire des ponts : donner du poids aux populations locales Le gouvernement britannique sait bien, de par son expérience en Irlande du Nord, que ce n'est pas le recours à des forces supérieures qui a finalement mis un terme à trente années de terreur. C’ est la
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Le Sénateur George Mitchell, qui joua un rôle déterminant dans l’ accord de paix d’ Ulster, avait déclaré : « J’ écouterai aussi longtemps qu’ il le faudra. » construction de ponts, l’ écoute, la médiation patiente, le respect et la négociation. Le Sénateur George Mitchell, qui joua un rôle déterminant dans l’ accord
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de paix d’ Ulster, avait déclaré : « J’ écouterai aussi longtemps qu’ il le faudra. » 6 Au cours de la dernière décennie, « Peace Direct » 7 a compris que les populations locales ont la capacité de trouver leurs propres solutions au conflit, ce qui se révèle être le meilleur moyen de mettre un terme aux cycles récurrents de la violence et d’établir une paix durable. L’ une des leçons apprises de nos partenaires est qu'il est capital d’ aider les jeunes en danger à sentir leur appartenance à la communauté, et à se détourner ainsi de l’ extrémisme. Même si cela peut sembler une platitude libérale en face de la gravité de la violence, il s’agit en réalité d'un travail difficile, dangereux, exigeant... mais qui aboutit parfois à des résultats remarquables. A titre d’ exemple, un projet anti-radicalisation commencé en 2014 au Pakistan a touché presque 4000 jeunes gens « à risque » et a été primé.8
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Les femmes veulent
La voix des femmes sur la violence Il y a dix ans, un groupe de femmes a mené une analyse minutieuse des causes premières de la violence politique, qui mit en évidence l’influence persistante de l’ impuissance, de l’ exclusion, des traumatismes et de l’ humiliation. Elles ont suggéré des mesures pratiques ayant fait leurs preuves, applicables en Irak, en Israël et en Palestine, ainsi que dans nos villes et grandes cités. 9 Dix ans plus tard, devant la gravité de la situation actuelle, nous ne préconisons pas seulement de limiter le recours à la violence militaire, nous soutenons aussi que toute intervention armée devrait être précédée et suivie d’ un éventail bien plus large de stratégies s’ attaquant à la fois aux causes et aux effets de la violence. Les femmes veulent la paix parce qu’ elles donnent la vie. Nous éprouvons le besoin naturel de protéger, de soigner, de restaurer. Nous nous sommes entraînées à écouter, sachant que la capacité de consacrer toute notre attention à quelqu’ un est le moyen le plus rapide et le plus efficace de résoudre un conflit. La plupart d’ entre nous affirmons vouloir la paix, mais nous ne consacrons pas nos compétences et notre imagination à relever le défi. Construire la paix figure très bas sur la liste des priorités, en comparaison de la guerre, notamment en termes de dépenses. Nous n’ avons pas de budget ni de ministère de la paix, alors que nous disposons des deux pour la guerre, même si nous l’ appelons la Défense. Il est parfaitement possible de développer des stratégies pour faire disparaître le terrorisme. Cela nécessite une intention et un budget, mais aussi du courage, de la détermination et de la compassion à tous les niveaux, de haut en bas, et de bas en haut. Et c’ est de cela que les humains sont capables.
la paix parce qu'elles donnent la vie. Nous éprouvons le besoin naturel de protéger, de soigner, de restaurer. Nous nous sommes entraînées à écouter, sachant que la capacité de consacrer toute notre attention à quelqu’un est le moyen le plus rapide et le plus efficace de résoudre un conflit.
6 Information personnelle du Dr Mo Mowlam, 11 mai 2004 7 www.peacedirect.org 8 www.awaregirls.org 9 Rifkind & Elworthy, Making Terrorism History, London, Random House, 2006, pp. 60-89.
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Trouvez un endroit à l'intérieur de vous où il y a la joie, et la joie brûlera votre douleur.
JOSEPH CAMPBELL
PHOTOGRAPHIE BHARATH KRISHNA
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Ne pas
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n mathématique, l’ intégration est l’ opération qui inverse celle de la différentiation. En appliquant ce principe à la formule « un monde, une humanité », intégrer les autres équivaudrait à renoncer à la différenciation. Mais comment éviter de nous différencier des autres ? Or juger une personne n’ est-elle pas l’ opération de différenciation par excellence ? Juger nous sépare instantanément de l’ autre. Dix minutes de conversation avec un inconnu et nous en avons fait le tour ! Consciemment ou inconsciemment, nous l’avons étiqueté, classé, objectivé. Comment s’ accomplit cette différenciation, cette mise à l’écart de l’ autre – et donc de nous-même ? S’ arrête-t-elle au jugement que nous portons sur l’autre ? Voyons le processus dans lequel juger nous entraîne. Notre jugement n’ est jamais absolu, il est comparatif. Le jugement « ce type est intelligent » n’ a de sens que dans un cadre de comparaison, c’est-à-dire si l’autre est plus, ou bien moins intelligent que moi ou une personne de référence. Notre principal motif de juger les autres est sans doute de déterminer où nous nous situons par rapport à eux. Ensuite, sur la base de cette évaluation, nous agissons – ou plutôt réagissons. Soit en nous désintéressant de l’autre, dans le cas où nous nous sentons supérieur ; soit en tâchant de l’impressionner si nous le percevons supérieur. C’est en général notre façon de réagir avec, au cœur de notre jugement, le désir latent, constant, de nous placer au-dessus de celui que nous jugeons. Alors pourquoi nous arrêter de juger ? L’ impression d’ être supérieur est bel et bien une réalité dans notre univers intérieur, une réalité qui nous rend plus fort, quand bien même elle renforce principalement notre ego. Car c’ est l’ ego qui juge, et qui prend plaisir à le faire. Comment le convaincre de cesser ? En lui montrant peut-être qu’ il n’ y a aucun mérite à juger l’ autre, car cette évaluation de nous-même par
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la différentiation est en fait une constante illusion. On peut se croire un bon joueur de football jusqu’à ce qu’on se mesure à Ronaldo ! On peut imaginer avoir réussi et se croire supérieur aux autres, grâce à la fortune qu’on a amassée – tant qu’on ne se compare pas à Bill Gates.
Notre principal motif de juger les autres est sans doute de déterminer où nous nous situons par rapport à eux.
Quelle que soit la base de comparaison, richesse, beauté, intelligence, esprit, quelqu’ un en aura de toute façon plus que nous. Tout naturellement nous nous tournons alors vers ceux qui sont « moins que nous » – content d’ être le roi d’ un petit territoire… Et c’ est là que réside le danger. Quand nous sommes perdants dans la comparaison avec l’ autre, nous nous sentons automatiquement inférieur. Ce sentiment d’ infériorité nous fait devenir agressif ou défensif, tyran ou victime, triste ou hilare. Et ces oscillations génèrent le poison le plus pernicieux pour notre esprit : la dualité. Avec le temps et l’habitude, nos préjugés et notre tendance à juger se renforcent. Comme un ressort ou un jouet à remontoir, notre mental se met en mode
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« jugement » et fonctionne de lui-même. Tant de fois nous nous surprenons à juger sans aucune intention de le faire. Nous avons perdu le contrôle. Nous voilà coincé dans la dualité. Quel tort nous cause cette vie dans la dualité ? Le problème est que la dualité nous sépare de la réalité, et seule la réalité peut percevoir la réalité. Nous ne pouvons atteindre l’intégration humaine que si chacun de nous est capable de percevoir la réalité de l’autre. Et comment la percevoir si nous sommes prisonniers de nos préjugés, si nous restons dans la dualité ? Comment atteindre alors l’intégration humaine ? Cessons de juger ! Et comment sortir de la spirale infernale du jugement ? En dirigeant notre mental vers quelque chose qui n’est pas conditionné par le temps. Car nos jugements prennent racine dans nos expériences passées – les nôtres ou celles de ceux qui nous ont donné l’ occasion d’ apprendre. Or la seule partie en nous qui échappe au temps est le cœur. C’ est donc là que notre attention mérite d’ être portée. Mais le cœur est avant tout le lieu qui échappe à la dualité : quoi qu’il exprime, la joie, la douceur, le courage, l’ amour, quel que soit le message qu’ il nous transmette, tout en lui est clair, direct, authentique. Seul le cœur nous sort de la dualité et de ses affres en nous faisant entrer de plein pied dans la réalité. C’ est donc lui qui nous ouvre à la réalité de l’ autre. Suivons ses instructions, ses incitations. Le cœur a toujours raison.
Nous ne pouvons atteindre l’intégration humaine que si chacun de nous est capable de percevoir la réalité de l’autre. Et comment la percevoir si nous restons prisonniers de nos préjugés, prisonniers de la dualité ?
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Gens de la terre Une réflexion sur l’art – Anne-Grethe Kousgaard
Je suis artiste et je poursuis une quête spirituelle. C’est une profonde nostalgie qui me pousse à créer. En art, je cherche ce qui est derrière les apparences, ce qui est à l’intérieur – un reflet de l’âme.
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tant née à Marseille dans une famille française et danoise, j’ ai toujours cherché à relier les influences culturelles de manière créative. Dès l’ enfance les voyages ont fait partie de ma vie, et c’ est encore le cas. Les rencontres avec différentes
cultures originelles, surtout en Inde et au Groenland, ont été pour moi des moments phares. J’ ai ressenti une forte connexion avec ces deux pays, en ayant l’ impression de rentrer à la maison. Dans mes peintures et mes sculptures, je cherche à refléter l’ atmosphère
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des lieux et la façon dont on peut en faire l’ expérience. A un certain moment j’ ai réalisé que le voyage spirituel intérieur me nourrissait bien plus que le voyage extérieur, depuis lors j’ ai pratiqué régulièrement la méditation sur le cœur. J’ y découvre un autre moyen
de rentrer à la maison – un état de l’ être – et c’ est devenu un élément central de mon art, dans les portraits et les paysages : le reflet de l’ âme.
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L évolution de la conscience 2ème partie – Les trois corps Dans notre dernier numéro, Kamlesh D. Patel décrivait les trois corps principaux qui constituent la base des formes de vie sur terre. Dans ce deuxième article, il explore en profondeur l’un d’eux, le corps subtil, et nous décrit les conditions nécessaires à son évolution.
Quel est le corps qui évolue ? Sachant que nous avons trois corps – le physique, le subtil et le causal – nous pouvons nous poser la question de leur évolution. L’ âme est immuable. Elle est pure, absolue, inaltérable, par conséquent le corps causal n’ évolue pas. Le corps physique ne se transforme guère. Sa structure est déterminée, même si certaines modifications de poids, de posture, de forme, etc. peuvent se produire. C’est dire que nous ne pouvons pas, de notre vivant, nous faire pousser des bras supplémentaires, des ailes ou une queue. Seul le corps subtil peut évoluer, nous donnant ainsi la possibilité de façonner notre vie. Le changement du corps subtil s’ opère à mesure que nous le purifions et le simplifions, ce qui permet à la joie de l’âme de se manifester et de rayonner de l’intérieur. C’est à travers ce processus que s’ accomplit l’ évolution de la conscience.
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Le corps subtil Le corps subtil est un champ vibratoire, c’ est à la fois le champ du cœur et du mental. Selon la façon dont nous le gérons, il peut être complexe et turbulent comme un océan démonté dans la tempête ou, à l’ autre extrême, semblable à un étang calme dont la chute d’une plume peut troubler la surface. C’ est dans ce champ qu’ une pratique spirituelle peut jouer un rôle vital, puisqu’elle fournit des techniques pour le réguler, le purifier et le simplifier, lui apportant ainsi clarté, calme et paix. Dans la philosophie yogique, le cœur est considéré comme le champ d’ action du mental. C’ est un vaste sujet. Commençons à découvrir ce que cela signifie. Il y a quatre fonctions principales à l’ intérieur du champ vibratoire du corps subtil – la conscience (chit), la pensée et le sentiment (manas), l’ intellect (buddhi) et l’ ego (ahankar) – qui travaillent ensemble de manière interactive pour former ce que nous appelons le mental.
Parmi ces quatre fonctions, nous allons nous concentrer sur la conscience, car les trois autres n’ont d’existence qu’en elle. Elle est un peu comme une toile pour un peintre, puisque c’est à l’intérieur de la conscience que le jeu des trois autres fonctions est orchestré jour après jour. Comment activement donner la possibilité à notre conscience de s’étendre et d’évoluer ? Il ne suffit pas de le désirer. Il faut comprendre comment la pratique spirituelle contribue à cette évolution en créant des conditions qui peu à peu calment et apaisent le mental à des niveaux de plus en plus profonds, ouvrant ainsi l’univers intérieur. Sur le plan physique, si on veut fortifier ses muscles, il faut les exercer. De même, pour que le mental évolue et que la conscience puisse se développer, nous devons utiliser, employer ce qui appartient à ce
plan subtil de l’ existence. D’ abord, il faut savoir que l’évolution de la conscience n’ a rien à voir avec l’ acquisition de connaissances ; ensuite, que la conscience en elle-même ne se développe et n’évolue pas sans que buddhi, manas et ahankar ne l’ aident à se libérer. L’ intellect doit évoluer pour favoriser cette expansion, tout comme l’ego, qui lui aussi peut contribuer à l’ évolution de la conscience. La méditation Quel est le rôle de la méditation dans tout ça ? Nous méditons pour réguler notre mental. Un mental non régulé est tiraillé dans tous les sens par des envies, des désirs, des peurs et des habitudes, et il s’ affaiblit en se dispersant dans différentes directions. A l’ opposé, un mental régulé concentre l’ attention, apporte de la cohérence et favorise le bien-être. Tant que
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nous ne méditons pas correctement, tant que nous ne régulons pas correctement notre mental, notre conscience n’évolue pas. La méditation affine et développe manas, buddhi et ahankar, en particulier manas, à mesure que nous apprenons à simplifier notre processus de pensée en le ramenant de plusieurs canaux à un seul, puis en l’approfondissant jusqu’à ce que la pensée devienne un ressenti. On cultive ainsi progressivement l’habitude de « sentir » au lieu de « penser ». Continuer à développer le stade méditatif Le fait de maintenir et nourrir tout au long de la journée la condition reçue en méditant est un produit dérivé d’une bonne méditation, qui nous aide à réguler et approfondir le mental à un niveau encore plus élevé. Quand nous restons constamment dans la conscience, ou le souvenir, de notre état intérieur, nous protégeons notre « toile » de ce qui pourrait la salir, et notre conscience conserve sa clarté. La toile reste propre, elle n’est pas gâchée par les multiples impressions que nous formons. Il faut se représenter le champ vibratoire du cœur et du mental comme étant doté d’un spectre de conscience qui inclut les états subconscient, conscient et supraconscient. Swami Vivekananda disait : « La conscience n’est qu’ une fine couche entre deux océans, le subconscient et le supraconscient. » On peut aussi se représenter le subconscient comme un océan, la conscience comme la surface du sol et le supraconscient comme le ciel qui se déploie dans l’univers. A mesure que nous évoluons, notre conscience se développe à la fois dans le domaine du subconscient et dans celui du supraconscient, naviguant ainsi à travers l’ infini du potentiel humain. On peut également l’ exprimer de cette façon : en partant de la surface, nous plongeons de plus en plus profondément dans la vastitude du cœur.
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Tant que nous ne méditons pas correctement, tant que nous ne régulons pas correctement notre mental, notre conscience n’évolue pas.
Buddhi et la prière Au cours de ce processus d’ immersion profonde, l’ intellect, buddhi, se fonde de plus en plus sur le cœur. L’ intuition et l’ inspiration se développent, et buddhi est de plus en plus finement réglé, comme une antenne sensible qui capte les signaux du cœur. L’ intellect évolue ainsi vers un état de sagesse. On associe souvent la sagesse à la capacité de faire des choix avisés, mais ici il s’agit d’ aller plus loin, dans une autre dimension où le choix n’ est plus nécessaire, car la sagesse du cœur est pure et correcte. Il y a une grande différence entre un intellectuel et un sage, et la pratique de la prière spirituelle nous aide à passer du simple intellect à la sagesse. La prière nous emmène dans le cœur, elle nous connecte à la Source, où il nous est possible de lâcher toutes les erreurs que nous avons commises, en prenant la résolution de ne pas recommencer. N’ est-ce pas là, la sagesse ? Mais si nous nous laissons aller et continuons à commettre des erreurs stupides, constamment, jour après jour, nous ne devenons pas plus sage. Nous le devenons quand du fond du cœur nous désirons changer et que nous demandons de l’ aide pour y parvenir. Lorsque nous vivons chaque instant dans cette attitude, la sagesse fleurit.
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La sagesse, c’est utiliser au mieux toutes nos facultés, c’est avoir un maximum de rendement pour un minimum d’investissement.
La sagesse, c’ est utiliser au mieux toutes nos facultés. C’est avoir un maximum de rendement pour un minimum d’investissement, un résultat maximum avec le minimum d’action. Ce n’est qu’avec un esprit méditatif, en agissant de façon méditative dans notre vie de tous les jours, qu’on peut escompter de tels résultats. Purifier et simplifier le corps subtil par le cleaning Pour que cela advienne, le champ du cœur et du mental doit être purifié, sinon ce serait comme espérer voir le fond d’un lac à travers une eau boueuse et agitée. Il n’y a pas de clarté dans un mental agité. La pratique spirituelle qui consiste à nettoyer les impressions du passé est donc également nécessaire à l’évolution de la conscience. Ahankar La troisième fonction du corps subtil est l’ego, ahankar. Il joue un rôle vital du fait qu’il détermine s’il y aura ou non expansion, ou évolution de la conscience. L’ego est souvent considéré comme le méchant par les pratiquants spirituels de toutes les traditions,
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pourtant il est essentiel à notre évolution. C’est la fonction active du mental, celle qui agit et pense, et nous en avons besoin dans tous les aspects de la vie quotidienne – ne serait-ce que pour avoir le désir d’évoluer. C’est lui qui nous donne notre identité. C’est la force qui initie, qui pousse à l’action. Quand on l’utilise avec sagesse, il nous est très utile, comme toute autre ressource ; mais il est souvent mal employé – c’est ce qu’on désigne communément par égotisme. Quand on se sert de l’ego dans un but égoïste, on devient arrogant, suffisant, tandis que si on l’affine constamment, la conscience se développe très rapidement. Que signifie affiner l’ego ? Plus nous sommes humbles, moins l’égotisme prolifère. Tous les grands enseignants spirituels ont attribué beaucoup d’importance à cet aspect de la formation du caractère. Ils ont fait si grand cas de cette qualité qu’ils recommandent de la conserver en toute occasion, envers chacun, que ce soit un enfant, un pauvre ou un étranger. La notion qui sous-tend ce discours est qu’il n’y a rien de mal à vous voir comme quelqu’un de formidable, pour autant que vous gardiez toujours à l’esprit que celui qui est devant vous l’est encore plus. L’ego peut être comme un trou noir. En exerçant une extrême attraction gravitationnelle sur notre conscience, il peut empêcher son expansion. Tout comme la force d’attraction de la terre nous empêche de tomber dans l’espace infini, l’ego peut retenir et réduire drastiquement la conscience. Par exemple, une personne très narcissique peut subir un processus d’involution où la conscience se contracte, se replie sur son noyau et peut se pétrifier. En revanche, si nous transcendons notre lien avec l’ego en affinant celui-ci, en devenant de plus en plus humble, notre conscience peut se déployer à l’infini. L’ ego se manifeste de nombreuses façons. Par exemple, si je joue avec bonheur de la flûte lors d’un concert,
cela crée de la joie et le public y répond. Or en tant qu’ artiste, je ne suis satisfait que si je dépasse constamment mes précédentes prestations – et c’est l’ego qui me pousse à le faire. Mais si je pense que personne ne peut jouer de la flûte mieux que moi, c’est une fâcheuse manifestation de l’ego. L’ego peut et devrait être notre meilleur ami en nous aidant à battre nos propres records.
L’ego peut être comme un trou noir. En exerçant une extrême attraction gravitationnelle sur notre conscience, il peut empêcher son expansion.
Manas La quatrième fonction du corps subtil est manas, c’est celle de la contemplation. Pendant la méditation, le premier pas consiste à ramener le mental, dispersé dans des pensées nombreuses et variées, à une seule pensée. Par exemple, pour Heartfulness, c’est la source de la lumière divine dans le cœur. Néanmoins il n’est pas nécessaire que cette pensée nous hante pendant toute la méditation. Elle devrait nous quitter à un certain point, pour que l’objet de la pensée puisse être ressenti dans le cœur. Si vous ne faites qu’avoir cette pensée tout au long de la méditation, vous aurez mal à la tête, et pas
d’ expansion de la conscience. La pensée initiale n’est qu’un tremplin pour nous emmener plus profond, là où nous nous dissolvons dans la sensation de la présence de la lumière divine. Il faut sentir cette présence et, tout en la sentant, disparaître lentement, jusqu’ à ce que la sensation même disparaisse. L’ ego est parti ; nous ne sommes même plus là pour en faire l’expérience. Lorsque manas évolue grâce à la pratique de la méditation, la sensation se développe ; à un certain point on dépasse la sensation et on parvient à un état d’être, puis à un état de devenir ; pour finalement « dé-devenir » et se fondre dans l’état absolu d’existence. Chit Ainsi buddhi, manas et ahankar évoluent grâce à la pratique spirituelle, et le corps subtil devient plus léger, plus pur et plus simple, comme l’ étang calme de tout à l’heure, à peine ridé. Alors la conscience peut croître et évoluer. Que faisons-nous maintenant de cette conscience accrue qui nous est donnée ? Disons que je me trouve dans un état d’esprit particulier et que je sois conscient de ma bonne condition. Après avoir médité, je vais travailler. Il ne suffit pas de maintenir ma condition ; je dois être capable de l’irradier volontairement, consciemment, dans l’espoir confiant que partout où j’irai elle répandra d’elle-même son parfum. Après la méditation, gardez un instant cette pensée : « La condition qui est en moi est aussi en dehors de moi. Tout, autour de moi, est absorbé dans un état semblable. Que cette condition se répande partout, lorsque je regarde les gens, que je leur parle, que je les écoute ou que je suis silencieux. » Que la conscience se déploie partout où elle peut aller.
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La pureté
tisse notre destinée
Rishi Ranjan explore le concept de pureté et la façon dont celle-ci peut agir sur notre destinée.
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spiritualité
Q
uand nos mains sont sales, que faisons-nous ? Nous les lavons. Quand notre maison n’est pas propre, pas en ordre, nous la nettoyons ou enlevons les choses accumulées qui causaient le désordre. En fait, quand nous lavons nos mains, nous les remettons dans l’état où elles se trouvaient avant que nous fassions telle ou telle activité. De même, nous remettons notre maison dans la condition qui était la sienne avant notre intervention, en retirant les éléments qui la rendaient « impure ». Dans les deux cas, nous n’apportons pas de la pureté, nous ne faisons que rétablir celle qui s’y trouvait déjà. Ainsi on pourrait dire que lorsqu’on parle de « restaurer la pureté », il s’agit en fait de restaurer la condition originelle.
impressions, des éléments extérieurs issus de notre mental, des couches inutiles en quelque sorte – c’est comme se salir les mains.
Nous n’avons pas à créer de la pureté en nous. Il nous faut juste la laisser apparaître, la retrouver,
PURETÉ = CONDITION ORIGINELLE
puis la laisser agir, en
Prenons l’impureté. Peut-on la considérer en soi comme une qualité essentielle de quoi que ce soit ? Est-il possible de dire qu’une chose est impure sans avoir l’idée sous-jacente de pureté ? De fait la notion d’impureté n’existe pas sans celle de pureté. L’impureté ne serait donc qu’une dégradation, qu’un éloignement progressif de l’état de pureté. Par conséquent, tout ce qui nous semble impur ne serait qu’éloigné de sa condition originelle.
observant son action
IMPURETÉ = ELOIGNEMENT DE LA CONDITION ORIGINELLE Voyons maintenant ce qui est responsable de cet éloignement. L’ équation suivante peut nous éclairer : IMPURETÉ – IM = PURETÉ
[IM = I am, je suis, c’est moi]
Quand nous associons à nos travaux ou à nos actions l’ idée que nous en sommes l’ auteur, nous ajoutons des
efficace et profonde sur notre destinée.
Alors comment restaurer notre condition originelle ? En réalité, si nous prenons conscience de cette dernière équation et l’appliquons à notre vie, tout ce que nous avons à faire, c’est débarrasser notre condition actuelle de ce « c’est moi qui fais » pour laisser apparaître notre condition originelle. C’est ainsi, et pas autrement, que nous pouvons nous approcher de la pureté, nous n’avons pas à la créer en nous. Il nous faut juste la laisser apparaître, la retrouver, puis la laisser agir, en observant son action efficace et profonde sur notre destinée.
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Amour et méditation Théophile l'ancien partage avec nous quelques éléments de sagesse pratique sur la communication cœur à cœur, pour nous aider à approfondir nos relations les uns avec les autres.
– Parle-moi encore de la méditation. Que doit-on faire après avoir médité ? demande Théophile le Jeune. – Il ne faut jamais couper brutalement avec la méditation. Lorsqu’on revient des profondeurs du cœur, on savoure cette atmosphère spirituelle. Notre conscience la fait sienne, si ce n’ est pas déjà fait naturellement. Tu l’ intègres tranquillement, permettant à cette vibration subtile de remplir tout ton espace intérieur. Essayons ensemble si tu veux. Ferme doucement les yeux et plonge dans les profondeurs de ton cœur.
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Laisse-toi aspirer par ses abysses lumineux. Va jusqu'à la limite de ta conscience. Reviens doucement comme un plongeur en apnée qui palme pour remonter à la surface tout en appréciant la beauté de l’ océan. Reprends conscience de ton espace intérieur. Permets à la lumière de ton cœur d’ imprégner toutes tes cellules. Puis rayonne-la tout autour de toi, au loin. Comment te sens-tu ? Théophile le jeune semble émerger d'un sommeil profond.
spiritualité
– Cette plongée est extraordinaire, c’ est un véritable aller-retour entre des niveaux que je ne saurais définir. L’effet est vivifiant. – Que ressens-tu autour de toi ? – Un apaisement, une douceur ouatée comme cette atmosphère blanche et assourdie lors de promenades en raquettes dans les sous-bois enneigés, on est à l’extérieur et pourtant cela donne l’impression d’être « cosy ». Tous les bruits sont amortis mais ils semblent résonner au loin. – Etais-tu conscient ? – Absolument, ma vigilance était à son maximum. Chaque chose semblait à sa place dans un silence empreint de sacré. Je me sentais dans une relation à l'autre complètement différente. J’éprouvais du respect et comme une attention spontanée dirigée vers tous les gens indistinctement - je n’ose pas dire de l’amour... – Pourquoi ? Cela te gêne ? – Non ce n’ est pas ça, c’ est plutôt de la pudeur. Pour moi le mot amour ne se dit pas, l’amour se vit dans le silence radiant du cœur. Parfois, on le retient en soi alors qu’ il est partagé. C’ est un peu stupide, je sais… – Le mot te gêne car les êtres humains en ont abusé. L'amour n’appartient qu’ à lui-même. Personne ne peut l’emprisonner, ni le manipuler. Il ne force ni ne contraint. Si on ne veut pas de lui ici, il coule paisiblement ailleurs. Il reviendra plus tard, attendant que les cœurs tristes et solitaires s’ ouvrent librement à lui. – Tu veux dire que l’ amour n’ appartient à personne ? – Exactement. Comme l’ eau, l’ amour coule d’ un cœur à l’ autre, et même entre les cœurs, il peut remplir tout l’ espace. Il peut même se contracter en un seul
point ou traverser toutes les dimensions. Il n’ y a ni haut ni bas, pas de supérieur ou d’ inférieur. Pour l’ amour, tout est égal. – Est-ce que l’ amour a un lien avec la connaissance ? Il me semble que lorsqu'on aime on connaît instinctivement la chose aimée ? – Oui, c'est cela. Quand l’ amour touche la connaissance, celle-ci devient sagesse. C’est l’amour sagesse. Quoi que touche l’ amour, il le magnifie.
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Hier, j’étais intelligent, et je voulais changer le monde. Aujourd’hui je suis sage, c’est donc moi que je change. RUMI
PHOTOGRAPHIE ALICE MARTY
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DEVENEZ
espace vert votre propre
Janmarie Connor nous propose quelques idées simples pour créer notre propre biosphère et rendre notre vie plus « verte ».
L
es jardins communautaires, les parcs, les zones de biodiversité et les projets « verts » se multiplient dans tout l’Indiana. Allez dans le centre d’Indianapolis et vous verrez comment on réinvente les espaces de vie urbains. Toute cette évolution vient d’une meilleure compréhension de la corrélation entre espaces verts et bien-être physique, mental et économique. Selon des études pluridisciplinaires, le sentiment de satisfaction, d’ interconnexion et de bien-être augmente en corrélation avec la fréquentation d’ espaces verts naturels. Mais avons-nous vraiment besoin d’ une masse de données scientifiques pour démontrer ce que nous savons déjà ? On se sent bien dans un espace vert. Pourquoi ?
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L'essence de l'espace vert En ces temps où nous sommes sous pression 24/24, 7/7, toute une industrie, apparue du jour au lendemain, cherche à capter et mettre en bouteille l’essence des espaces verts. Des cerveaux fatigués dépenseront des milliards cette année pour renouer avec un mode de vie plus simple. Plus d’espace pour penser, pour être, pour respirer, ça fait envie, non ? On peut à juste titre se demander : « Quel est donc l’ élixir dont la Nature a imprégné les espaces verts pour produire de si bonnes vibrations ? Et comment puis-je les introduire dans ma vie ? »
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Vous n’avez pas besoin d’un jardin sur les toits ou d’un arpent de forêt pour créer votre propre biosphère méditative. Elle peut exister partout où vous vous trouvez. Il m’est arrivé de méditer avec béatitude lors de vols intercontinentaux, à la dernière rangée, en classe économique, près des toilettes. Avec quelques connaissances et un peu de pratique, vous pouvez devenir votre propre espace vert.
A
Double réaction à la Nature La Nature suscite deux types de réactions bénéfiques étroitement liées. La première est une réaction physiologique manifeste. Les espaces verts servent de poumons à la Nature, ils améliorent la qualité de l’air, régulent les températures de la planète et protègent nos cours d’eau. Nos corps savourent la pureté de la Nature, l’air frais et l’eau propre. La seconde réaction, plus subtile, implique une autre sorte de pureté : celle qui nous fait passer de la pensée à la sensation, de la tête au cœur, de niveaux vibratoires inférieurs à des sphères de vibration et de conscience plus élevées. Imaginez la scène : vous avez été scotché à votre écran d’ordinateur toute la journée, courant d’une tâche à l’ autre pour respecter les délais d’un projet. Votre esprit est encombré et vous cherchez une échappatoire. Deuxième acte : vous pénétrez dans un parc luxuriant et vous voilà pénétrés de la vision, des odeurs et des sons de la Nature. La situation fait appel à tous vos sens, mais la réaction la plus importante se passe au
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La nature vibre Ă un niveau diffĂŠrent. C'est une force pure, puissante qui incite l'esprit Ă s'harmoniser avec sa propre vibration claire et subtile.
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niveau de la vibration et de la conscience. Maintenant, fermez les yeux. Les pensées s’ estompent, un sentiment de bien-être grandit, vous êtes en résonance avec la Nature. Einstein devait profondément s’ absorber dans la nature pour parvenir à cette conclusion : « Tout dans la vie est vibration. »
magnétique – à l’ image de l’ expérience que nous avons vécue les yeux fermés dans le parc. Devenus notre propre espace vert, nous découvrons que notre cœur peut générer la simplicité, l’ unité et la pureté dans notre environnement et chez ceux qui en font partie.
De par nos vies trépidantes, notre conscience fonctionne sur une étroite largeur de bande qui nous maintient dans un nœud de complications. Notre réalité découle de schémas de pensée répétitifs, souvent permanents. Prises dans un schéma d’action-réaction, les pensées génèrent leurs vibrations denses qui nous plongent encore d’avantage dans la confusion. La Nature vibre à un niveau différent. C’ est une force pure, puissante, qui incite l’esprit à se calmer, à créer de l’espace et peu à peu à s’ harmoniser avec sa propre vibration, claire et subtile. La respiration devient plus régulière, le rythme cardiaque se stabilise, la pression artérielle s’ abaisse, les sentiments d’ acceptation, de pardon et de bienêtre fleurissent. En un instant, vous avez parcouru la distance de la tête au cœur.
Devenez votre propre espace vert
A La science du coeur
Des organisations telles que l’ Institut Heartfulness et HeartMath ont pu établir la preuve que le cœur a sa propre biosphère énergétique qui génère un champ magnétique « environ cent fois plus puissant que celui du cerveau. » 1 Nous commençons actuellement à mesurer ce que les rishis et les voyants savent depuis longtemps. Lorsque l’ esprit conscient se place dans le cœur, il répond de façon automatique à ce champ
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Quelques rares personnes ont connu l’ éveil spontané du cœur, mais pour la plupart il faut du temps et de la pratique. Comme il n’ est pas commode, ni même nécessaire, de s’ asseoir tous les jours dans un parc, voici quelques idées pour faire la paix avec votre esprit et devenir votre propre espace vert. 1. Aménagez chez vous un espace réservé à la méditation quotidienne. Le matin tôt serait parfait, avant que votre esprit ait eu le loisir de s’ évader. Débranchez vos appareils. Faites de cet espace une zone sans stimuli - un espace vert pour votre esprit. 2. Si vous le souhaitez, ajouter des éléments naturels, des plantes, du bois, de l’eau et des pierres, pour purifier l’air. La lumière naturelle et les couleurs apaisantes peuvent aider votre esprit à se détendre. 3. Asseyez-vous sur une chaise ou par terre de façon naturelle, c’ est-à-dire le plus confortablement pour vous. Observez comment vous vous sentez calme, agité, agacé, encombré ? Prenez simplement conscience de cet état, sans vous inquiéter. 4. Respirez naturellement et détendez-vous.
5. Si vous pratiquez Mindfulness appliquez la pleine conscience à votre cœur. Sinon, vous pouvez utiliser ce processus en 4 étapes : • Portez votre attention sur votre cœur, laissez-le devenir votre espace de repos et votre champ d’ observation. Laissez-vous entraîner dans sa lumière naturelle et son champ magnétique. • Des pensées viendront. Constatez simplement leur présence et lâchez-les, en vous laissant à nouveau attirer par votre cœur. Soyez ouvert à tout ce qui se passe. • Restez ainsi tranquillement pendant 20 à 30 minutes, ou jusqu’ à ce que vous sentiez que votre méditation est terminée. Pas plus d’ une heure. • Prenez encore un instant pour observer comment vous vous sentez dans votre cœur. Prolongez cet état aussi longtemps que vous le pouvez. Savourez-le. Emportez-le avec vous et rappelez-vous cette sensation tout au long de la journée. Avec le temps, votre espace vert vous fera signe, apaisant automatiquement votre esprit dès que vous répondrez à son appel. Vous deviendrez peu à peu votre propre biosphère centrée sur le cœur, qui générera en vous un sentiment naturel de satisfaction, d’ interconnexion, et de total bien-être, et influencera tout ce qui vous entoure. C’ est le moment idéal pour prendre exemple sur Indianapolis et réinventer l’ espace dans lequel vous vivez. La Nature a caché l’ essence de l’ espace vert au centre de votre cœur. 70 fois par minute, vous êtes invité à faire l’expérience de cette merveille.
1. Doc. Childre, Deborah Rozman, Rollin McCraty, Howard Martin, 2016, Heart Intelligence : Connecting with the Intuitive Guidance of the Heart. Waterfront Press, USA.
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La terre offre sa magie à ceux qui sont prêts à l’écouter.
GEORGE SANTAYANA
PHOTOGRAPHIE BHARATH KRISHNA
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LEÇONS DU JARDIN
ETRE PRESENT
Myrtilles Quand les fruits sont mûrs, on a tendance à se précipiter pour les récolter. Alanda Greene a choisi cette fois-ci de rester calme et bien présente, au lieu de se presser de finir le travail. Elle nous raconte cette expérience particulière.
Plus que pour d’ autres baies du jardin, la cueillette des myrtilles me transmet un sentiment d’ urgence. Cela me prend dès que j’ aperçois ces grappes de petites sphères d’ un bleu-noir profond, et que j’en découvre d’autres, puis encore d’ autres… Je me dis : « Dépêche-toi, il y en a tellement, il y a tant à faire, et il y en a encore ici, et là derrière toi, et là-bas dans ce buisson. » J’ ai soudain l’ impression qu’ il y a trop à faire, que je n’ ai pas assez de temps. Il faut que je les cueille et les congèle, ou que je fasse de la confiture, ou que je les prépare pour qu’ on les
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mange plus tard, ou que j’ en fasse un délicieux dessert ou que je les offre à un voisin. Il y a toujours un peu de panique quand le travail vous presse. Je reconnais que je soupçonne ces fruits de disparaître dans d’ autres dimensions puis de réapparaître, comme la chaussette manquante dans la lessive. Je m’ en suis d’ abord douté lorsque je cueillais des framboises. Je m’ agenouillais, écartais les branches, inspectais à droite, à gauche, en haut, en bas. Après avoir passé à la rangée suivante, je regardais parfois l’endroit que je venais de quitter – pour découvrir
Je dois avouer que, devant des myrtilles, je me sens parfois comme un enfant dans un magasin de bonbons.
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de grosses framboises rouges et bien mûres juste devant mon nez. Elles s’ étaient cachées dans une autre dimension ! C’ est la seule explication. Elles ne peuvent pas s’ échapper si je garde les yeux fixés sur elles, si je tiens la tige et les cueille, mais si un instant je les quitte du regard pour finir d’ en cueillir d’ autres, elles disparaissent. Donc, avec ces myrtilles, quand une grappe mûre se présente à la lisière de mon champ de vision, il faut que je me tourne et que je la cueille. Mais alors en apparaît une autre que je n’ avais pas vue. Je l’ attrape. Où en étais-je ? Où se trouvent maintenant les autres baies ? Elles sont parties. Je dois travailler vite pour les saisir avant qu’ elles ne s’échappent. Je dois avouer que, devant des myrtilles, je me sens parfois comme un enfant dans un magasin de bonbons. Je me souviens d’ avoir un jour emmené ma belle-mère âgée de 93 ans faire des courses, en fauteuil roulant. Elle avait toujours pris grand plaisir au shopping, et n’ étant pas sortie de chez elle depuis longtemps, elle rayonnait. Elle avait de tout temps adoré le chocolat, et les rangées des différentes plaques et boîtes à sa hauteur faisaient briller ses yeux. Elle attrapa tout ce qui était à sa portée. Avec des « oh » et des « ah », elle fit aller et venir sa main et, malgré mes efforts pour la décourager, ses genoux débordaient de trésors chocolatés quand nous arrivâmes à la caisse. Je reconnais en moi quelque chose de cette attraction, de l’appel de ces douceurs, de l’irrésistible attrait de l’abondance. Mon récipient déborde déjà de myrtilles et je suis toujours sous pression pour continuer la cueillette.
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Cueillir en me concentrant sur le moment présent change tout. Au bout d’un certain temps, une douceur s’installe. Je continue à cueillir, avec des moments d’absorption hors du temps... Tout a un goût de perfection. Une sorte de magie opère sur mon esprit.
Aujourd’hui je défie l’exigence des myrtilles. Je dis
Je continue à cueillir, mais avec des moments d’ absorp-
« non » quand je commence à me sentir submergée par tant de baies qui réclament de l’attention en me criant : « Cueille-moi, cueille-moi ! » Je leur réponds : « Non, nous n’avons pas besoin de nous dépêcher, nous avons tout le temps nécessaire ! » Accomplir cet acte, à ce moment-ci, suffit. Il n’aura jamais plus de valeur que maintenant, il ne sera jamais plus accompli, n’aura jamais plus de sens pour moi que cette présence à ce que je fais, en relation avec les myrtilles, dans le souvenir et la gratitude. Avec cette approche, tout change. L’ expérience de ces baies – de leur forme, leur parfum, leur beauté et leur abondance sur les tiges aux feuilles brillantes – devient plus vivante et plus pleine. Aujourd’ hui je n’ ai pas abordé cette cueillette comme une tâche de plus dans la liste des choses à faire. La liste fait partie d’ un jardin où tout mûrit au même moment, où le temps des récoltes suit son propre rythme, et non un programme imposé par moi. Oui, il faut que je cueille les myrtilles quand elles sont prêtes, car elles ne respectent pas la date que j’ avais prévue, un espace entre les mûres et les brocolis. Les cueillir en me concentrant sur le moment présent change tout. Au bout d’ un certain temps, une douceur s’ installe. La beauté de ces sphères comme givrées d’un bleu profond, leur couronne crénelée, leur saveur et leur moelleux sur ma langue… tout cela se met à agir sur moi, apaise mon esprit, comme des paroles douces calment un cheval nerveux.
tion hors du temps, m’ imprégnant de l’ image de ces baies rondes parmi les feuilles vertes, des pépiements plaintifs d’une couvée de sitelles à l’ orée de la forêt, du bruissement des noisetiers animés par une brise légère. Tout a un goût de perfection. Une sorte de magie a opéré sur mon esprit.
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la recette de félicie
Tatin, champignons et myrtilles. Pour 4 personnes
Pour la pâte :
80 ml de jus de betteraves 25 ml d'huile d’olive 1 c à c de levain de sarrasin 150 gr de flocons d’avoine ½ c à c de sel 50 gr de noix concassées Pour la garniture :
1 c à s d’huile d’olive 200 gr de champignons de Paris bruns ½ c à c de sel aux plantes 200 gr d’oignons 150 gr de myrtilles (fraîches en saison, ou surgelées) 1 belle branche de thym frais Poivre noir sauvage de Madagascar
Réduire les flocons d’ avoine en farine à l’aide d’un blender. Mettre l’ huile dans un saladier. Emulsionner progressivement avec le jus de betteraves, en utilisant une cuillère à émulsionner. Ajouter quelques cuillerées de farine, le levain et mélanger. Continuer d’ ajouter la farine progressivement et le sel. La pâte va devenir collante. Laisser alors la cuillère de côté, et travailler à la main en continuant d’ ajouter de la farine pour obtenir une texture très agréable de pâte à modeler souple. Travailler la pâte un petit quart d’ heure. La placer dans le saladier fariné, et déposer un torchon humide et chaud dessus. Laisser reposer dans un endroit tiède pendant deux heures (le four, préchauffé au minimum, est idéal pour cela). Préchauffer le four à 180°C. Brosser les champignons et éplucher les oignons. Emincer les légumes. Dans une poêle en fonte, faire chauffer l’ huile et y faire revenir les oignons sur feu moyen jusqu’ à ce qu’ ils soient tendres. Ajouter les feuilles de thym et les champignons. Laisser fondre 20 minutes en remuant régulièrement. Couper le feu, saler et poivrer. Rincer les myrtilles et les déposer dans le fond d’ un plat à tatin. Couvrir avec les légumes. Etaler la pâte sur le plan de travail fariné sur 2 mm d’ épaisseur en y incrustant les noix concassées et la poser dessus. Rentrer les bords. Enfourner pour 25 minutes. Démouler et servir sans attendre.
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La joie est une puissance, cultivez-là . DALAI LAMA
PHOTOGRAPHIE RAJESH MENON
GUÉRIS
vite ! 3 étapes
pour aider ton ami à se remettre rapidement sur pied ll n’y a rien de mieux que de recevoir la visite d'un ami pour vous remonter le moral quand on est malade ou cloué au lit. Et tu peux faire bien plus qu'une simple visite, tu peux participer à la guérison de ton ami ! Tout d'abord demande à ses parents si tu peux aller le voir. Puis, prépare-toi :
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1
Apporte un carnet de guérison Prends un carnet ordinaire et colle du papier de couleur sur la couverture, devant et derrière. Puis décore-le avec d’autres papiers de couleur ou des feutres et écris un message pour souhaiter un prompt rétablissement à ton ami.
Pren
ds soi
n de
toi.
Ce carnet sera plus qu’ une simple carte, il invitera ton ami à écrire ou à dessiner ce qui lui traverse l’esprit lorsque personne ne l’entend. C’est un très bon moyen de se sentir mieux !
C F G C F
G
Apporte ton histoire préférée
2
Prends ton livre préféré et propose à ton ami de le lui lire à haute voix. Tout le monde aime écouter une histoire, surtout quand on est fatigué. N’ hésite pas à revenir pour lire la suite si nécessaire. Si tu as un livre drôle, choisis-le. Le rire est la meilleure façon de guérir plus vite.
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Fais de la relaxation! Avant de partir, aide ton ami à se sentir mieux en lui permettant de se détendre. Mets tes mains sur ses pieds et propose-lui cette relaxation :
Ferme doucement les yeux. Commençons par les orteils. Rem ue les orteils. Maintenant, sen s-les se détendre. Détends les chevilles et les pieds. Sens l'énergie remonter de la ter re... jusqu’aux pieds, aux genoux, détend ant les jambes. Détends les cuisses. L'énergie se déplace dans les jambes... les rel âchent. Maintenant détends profondém ent les hanches... le ventre... et la taille. Détends le dos. Du bas en haut, tout le dos est détendu. Détends la poitrine... et les épa ules. Sens tes épaules fondre... Détends les bras. Détends chaque muscle dans les avant-bras... les mains... jusqu'au bout des doigts. Détends les muscles du cou. Prends conscience de ton visage. Détend s les mâchoires... la bouche... le nez... les yeux... les lobes des oreilles... tous les muscles du visage... le front... jus qu’au sommet de la tête. Sens comment ton corps tout entier est maintenant complè tement détendu. Place ton attention sur ton coe ur. En la maintenant là, pense que la lumière divine illumine ton coeur de l'intérieur et attire ton att ention vers l'intérieur. Reste absorbé dans ce profond sile nce aussi longtemps que tu le sou haites, jusqu'à ce que tu te sentes prêt à en sortir.
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Si ton ami s’endort, pars sans bruit, en laissant le carnet de guérison à côté de lui. Tu as fait du bon travail !
j
Exerce-toi à pratiquer la Relaxation Heartfulness : Pratique la relaxation à la maison avant d'aller rendre visite à ton ami. Lis-la en silence. Puis une deuxième fois à haute voix. Lis-la à haute voix à ta mère, ton père, ton frère ou ta sœur. Tu la sauras bientôt par cœur et ça rendra tes paroles encore plus efficaces quand tu voudras aider quelqu'un à se détendre. Tu peux le faire à la maison pour tes grands-parents, ta mère ou ton père, quand tu les sens fatigués, mais aussi pour ton frère ou ta sœur !
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JOMO LE BRAVE P
ar un jour gris de novembre, le ciel du nord de la France pleurait sa brume. Le vent donnait le rythme en longues rafales mugissantes, jouant malicieusement avec les objets et enveloppant les corps de son haleine humide. Pataugeant dans la boue du camp de réfugiés de Grande Synthe, quelques enfants se pressaient autour d’un brasero de fortune, tandis que d’autres, blottis dans l’angle d’une hutte, étendus sur des cartons, écoutaient un jeune homme, Zaïr, leur raconter une histoire singulière, celle de Jomo.
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JOMO AVAIT DOUZE ANS… quand je l’ai rencontré errant dans les rues de Nouakchott, en Mauritanie…
Les anciens en avaient plus qu’ assez de ces procès interminables. Quant aux plus jeunes, ils s’ étourdissaient, s’ amusant à des jeux qui n’ en finissaient pas.
Auparavant, il vivait dans un grand village malien, Kangaba, situé entre la savane et le fleuve Niger. L’ eau avait apporté la prospérité au village. La terre des champs était fertile et généreuse. Les villageois disposaient de tout ce qu’ il leur fallait pour subvenir à leurs besoins, et même plus. Ils vendaient leur surplus au marché de Bamako. Leur vie était facile et confortable. Puis le village est devenu un lieu touristique connu et de nouveaux commerces ont fleuri comme les corolles de bacopa après la pluie. Le jeune Jomo habitait en bordure du village. Son père avait été tué à la guerre et sa mère emportée par la maladie. Il vivait seul, pauvrement, subsistant grâce aux services qu’ il rendait aux uns et aux autres. Avec ses cheveux roux comme la braise et sa peau plus claire, on le repérait de loin. Il était différent.
Eux aussi se disaient : pourquoi travailler ? Il y avait tout ce qu’ il fallait, et pour les tâches indispensables, on utilisait des gens des villages voisins qui n’ avaient pas la même chance. N’ ayant rien d’ autre à faire, la plupart des habitants passaient leur journée à traîner et à papoter, assis à l’ ombre des baobabs ou dans les cafés. L’ oisiveté est la mère de tous les vices, comme le rappelle le dicton, et c’ est bien ce qu’ on observait dans cette bourgade. L’ ennui est un serpent au venin sournois, qui enlace la paresse et vous pousse à médire. Au début on s’ y met pour faire l’ intéressant, on invente quelque chose : « Tu es au courant pour Jeannette ? Tu savais que… et blablabla et blablabla » Puis le commérage devient acide, aigre et vous blesse le cœur. Il devient malveillant et destructeur. Tout le village cancanait ainsi à l’unisson. Jomo, timide et délicat, ne se mêlait pas facilement aux enfants de son quartier. Il avait peur aussi d’interrompre les adultes qui bavardaient, préférant se tenir à l’écart des railleries et des ragots.
LES HABITANTS DU VILLAGE AVAIENT TOUT POUR ÊTRE HEUREUX, ET POURTANT… les voyageurs de passage étaient mal à l’aise en croisant ces fiers villageois dont les sourires de façade dissimulaient mal les regards d’envie de leur cœur tirelire. En fait, à Kangaba, on ne se parlait plus entre voisins. Chaque jour, ou presque, une foule se rassemblait sous l’ arbre à palabre. Les procès se multipliaient. Il suffisait qu’ un détail irrite un voisin pour que celui-ci porte plainte, sans même chercher à discuter. La méfiance régnait et chacun restait chez soi à ne rien faire, puisque personne n’avait besoin de travailler.
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UN JOUR CE FUT LUI, LA CIBLE DES COMMERAGES. – Mais pour qui se prend-il, celui-là à ne pas venir parler avec nous ? On n’ est pas assez bien pour lui ? – Oui, il fait le fier parce qu’ il a la peau plus blanche que nous. C’ est quoi ces taches bizarres ? On dirait qu’ il a des confettis sur la peau ou qu’il a pris le soleil à travers une passoire !
ILLUSTRATIONS PAULINE CLAIR
– Avec moi, tu sais, il est toujours très aimable. – Hypocrite, oui ! – Tu crois ? Il est gentil pourtant ! – Évidemment. Ouvre les yeux ! Il n’ est pas gentil, il est mielleux comme un essaim d’ abeilles qui attend le bon moment pour te piquer ! C’ est le diable qui nous l’ a envoyé, c’ est sûr. Il est blanc et ses parents étaient des Peuls ! C’ est une honte pour notre communauté. Il va nous porter malheur ! – Il est bizarre, à toujours rester seul, c’ est vrai… – Oui, et ses parents sont morts bizarrement. – Il ne va pas à l’ école non plus ! C’ est pas net, ça ! – Moi, je vous dis qu’il a une maladie honteuse, dit une vieille tricoteuse. S’ il reste seul, c’ est pour cacher sa maladie. Vous avez vu sa peau, avec ces croûtes dessus ?
– La lèpre ? Mais oui, c’est ça ! Il a la lèpre ! Quelle horreur ! – Fatima, tu sais la nouvelle ? Jomo ! C’ est un lépreux ! C’ est ainsi que le mot terrible se propagea de bouche en bouche. Dans cette bourgade, les bruits ne couraient pas, ils galopaient. Du jour au lendemain il fut tenu à l’ écart. Plus de travail pour lui. Chacun fermait sa porte à son passage. Les enfants lui couraient derrière en lançant des cailloux. Quand il passait dans les rues, les femmes le menaçaient. – Va-t’ en, sale lépreux ! Disparais d’ ici ! Lui n’ y comprenait rien. Il ne se sentait pas malade. Bien sûr, il avait ces taches rouges sur les bras et les jambes qui lui donnaient envie de se gratter ! Alors c’ était ça, la lèpre ? Il se rendit auprès d’ un ancien, Moussa Diallo, qui
– Ma mère m’a dit que c’ était la lèpre et qu’ il ne fallait pas s’en approcher.
siégeait sous l’ arbre à palabres et qu’ on considérait comme l’ homme le plus sage du village.
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Jomo lui demanda son avis. L’ ancien lui répondit : – Il n’ y a pas de fumée sans feu. Tu es sans doute malade, il te faudra t’ en aller. Jomo descendit à la rivière, se pencha sur l’ eau pour mieux se voir et demanda : – Rivière, rivière, est-ce que j’ ai la lèpre ? Mais la rivière ne répondit pas. Il n’ entendit que son cœur qui battait sourdement. Le ventre noué par la honte, il eut l’ impression que tout s’ effondrait autour de lui. Alors il décida de partir pour trouver ailleurs la paix et la tranquillité, et peut-être une possibilité de guérir. Il marcha, marcha toujours plus loin, traversa le Sahel, foula le sable et la poussière pendant des semaines et des semaines. Il rencontra la soif, la faim et même des bandits. Un jour, il parvint à la mer, aux environs de Nouakchott. C’est là que je l’ai rencontré dans la rue. J’ ai été touché par ce petit garçon errant dans les rues, complètement épuisé, le regard perdu et las fixant le bout de ses chaussures usées. J’ ai eu envie de le protéger comme un petit frère. Alors je lui ai proposé de me
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suivre avec ma bande d’ amis, douze jeunes qui ont décidé de fuir de chez eux pour rejoindre cet eldorado, l’ Europe, où ils pourraient manger à leur faim, travailler, vivre mieux. Et pour ça, ils étaient prêts à traverser la mer et affronter tous les dangers. Ce serait toujours mieux que rester dans leurs pays de misère où la guerre régnait si souvent. Et voilà comment Jomo a été entraîné dans cette aventure incroyable ! Comme personne n’ avait d’argent, payer un passeur était impossible. Après de longues recherches et des journées d’ attente, on a fini par trouver un homme prêt à nous embarquer sur son bateau de pêche. On a d’ abord longé les côtes marocaines, puis on s’ est dirigés vers le large. Pendant la traversée, Jomo me raconta son histoire. Quand les autres entendirent le mot lèpre, ils s’ affolèrent : « Pas question de garder ce garçon ! » J’ ai tout fait pour le défendre, et pour qu’on ne le jette pas à la mer, j’ ai promis de le débarquer dès notre arrivée à Tarifa, le premier port au sud de l’ Espagne. Mais la police maritime a intercepté notre bateau et nous a emmenés dans un camp de réfugiés, près de Tarifa.
Pendant le transfert, mes camarades et moi, on a réussi à s’ enfuir et on a continué vers la France. Jomo, lui, a été placé dans le camp. Plus tard, il m’ a raconté ce qui lui était arrivé.
Allez ! La prochaine fois, je vous raconterai la suite des aventures de Jomo, et ce qui arrive quand on prie Dieu de tout son cœur . On verra comment, en gardant confiance quoi qu’ il arrive, malgré les difficultés et les
Dans le camp, perdu au milieu d’ une foule de réfugiés, il se tenait à l’ écart, veillant à ne toucher personne. Mais les autres, voyant les taches sur sa peau, se méfièrent et se tinrent à distance. Une fois encore il fut rejeté, parfois même on lui donnait des coups. C’ est pire que dans mon village, se disait Jomo. Il était parti pour trouver un endroit tranquille, où on l’ accepterait, et tout ce qu’ il rencontrait maintenant c’ était le rejet et la méchanceté. Où vais-je pouvoir rester ? se demandait-il. Est-ce que tout ça va s’ arrêter un jour ? Qu’ ai-je fait pour mériter ça ? Mon Dieu, c’ est ça la vie ? J’ ai vraiment fait tout ce que je pouvais, mais c’ est trop dur maintenant ! Tout est sombre autour de moi ! Papa, maman, où êtes-vous ? Il se rappela alors avec quelle ferveur son père priait Dieu. Il l’ avait observé quand il méditait, les yeux fermés. Soudain, il eut envie de faire pareil. Il ferma les yeux. Il ne savait pas quoi faire de plus, quand il entendit une voix lui murmurer : « Ecoute la musique de ton cœur ! » Zaïr interrompit là son récit. – Il faut qu’ on s’ arrête, les enfants, la tournée des repas vient d’ arriver. – Elle est triste ton histoire, dit un garçon. – Tu sais, la tristesse et la joie sont souvent les deux versants d’ une même montagne. L’ important est de continuer à avancer, même quand tu es fatigué, même quand ta réalité est dure, et même quand tout te paraît désespérant.
obstacles, on arrive à suivre son chemin et à trouver des solutions. REÇIT GUY LEMITRES
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