Magazine Heartfulness édition 6

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numéro 6   8€   novembre 2016

FOCUS LE POUVOIR DE LA CONNEXION

ENTRETIEN Gabby Bernstein

LA SCIENCE DE LA SPIRITUALITÉ L’ évolution de la conscience, la transmission

ATTITUDE Se libérer du stress DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

RELATIONS

TRAVAIL

INSPIRATION

NATURE


Heartfulness Through meditation, transformation

Offrez-vous l'expérience de la beauté du cœur

Apprenez à méditer à l’ aide de la transmission yogique fr.heartfulness.org


L'édito

La puissance de la connexion La science découvre de plus en plus que tout, dans l’ univers, est vibration. Chaque particule, chaque élément d’ information possède une fréquence vibratoire propre et envoie son signal. Des ondes multiples traversent continuellement nos maisons, nos corps. Parmi ces informations que le cerveau capte, il filtre celles qui lui semblent pertinentes – mais il en élimine malheureusement d’ autres qui pourraient modifier notre compréhension du monde, nous privant ainsi de toute une part de la réalité dans laquelle nous baignons. Imaginons que nous soyons capables d’ ajuster notre réceptivité pour absorber des fréquences differentes, susceptibles de nous nourrir, nous informer, nous inspirer… Qu’ il soit possible de diriger notre conscience vers le murmure subtil de vérités plus profondes… Marcher pieds nus dans l’ herbe. Sentir la caresse du soleil sur son visage. Regarder un ami au fond des yeux. Les paupières closes, se mettre à l’ écoute des chuchotements du cœur. Ces échanges, ces moments suspendus détiennent une richesse d’ information toujours présente, toujours disponible, qu’ il nous est possible de saisir au vol si nous y sommes attentifs. Car c’ est l’ attention profonde à ce qui nous entoure, la capacité d’établir une connexion – que ce soit dans la relation à l’autre, la manière de travailler et de collaborer, d’ observer la nature, d’ accueillir l’ inattendu – qui ouvre en nous de nouveaux champs de découvertes. Par la diversité de ses articles, ce magazine vous invite à tester, sentir, expérimenter, intégrer, partager, réinventer, cultiver… bref, oser la connexion sous toutes ses formes !

La rédaction


Sommaire

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ENTRETIEN

Gabby Bernstein J'ai commencé à sentir une énergie d’amour m’envelopper tout entière... et au bout de quelques instants j'étais comme neuve.  Dans cette interview Gabby Bernstein évoque quelques étapes de son chemin de transformation.

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UN AUTRE REGARD

Transformer l’autisme

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18 focus le pouvoir de la connexion

18 Le cœur, notre cerveau sensible  Les recherches ont montré que le cœur a un système sensoriel propre et qu'il est capable d’ exécuter des fonctions tout seul, même quand il est déconnecté du cerveau.

24 La conscience = 95% du jeu 28 Le sens du lien 36

26

LA PENSÉE ET L'ACTION

Prier avec ses patients

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ATTITUDE

Se libérer du stress

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Magazine Heartfulness


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PORTFOLIO

Une prière pour leur survie

46 la science de la spiritualité 46 L’ évolution de la conscience, 3e partie  L’effet transformateur de la transmission yogique a été l’un des plus grands secrets mystiques au cours des âges.

50

46 42

SPIRITUALITÉ

50 Calme 52 Le cube de glace et l’océan

58

LE GOÛT DE LA VIE

58 60 62 66

68

La pierre philosophale L’ art de lever le pied L’ impermanence du broccoli Ces fleurs fabuleuses

68

LA RECETTE DE FÉLICIE

68 Découvrez La cuisine santé des 5 saisons 70 Recette : Oignons au miso, trio de riz

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PLANÈTE KIDS

72 Le jeu du miroir 74 Jomo le brave

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Ont contribué Gabby Bernstein DIRECTRICE DE PUBLICATION

Gabby Bernstein a été déclarée « maître à penser de la nouvelle génération »

(édition francophone)

par Oprah Winfrey, anima-

Sylvie Berti Rossi

trice du talk show le plus regardé dans l’histoire de

RÉDACTION

la télévision américaine.

Anglais : Elizabeth Denley, Emma Ivaturi,

Gabby participe souvent

Meghana Anand, Veronique Nicolai (partie

en tant qu’expert au Dr. Oz

pour les enfants )

Show et ses ouvrages Miracles

Français : Sylvie Berti Rossi, Génia Catala,

Now et May Cause Miracles

Hélène Camilleri

figurent dans la liste des best-sellers

TRADUCTION Génia Catala, Sylvie Galland, Marie-Laure Lagrange, Agnès Valensi, Julie Cuisinier

GRAPHISME

du New York Times. Elle a également écrit deux autres best-sellers : Add More ING to Your Life et Spirit Junkie, et fondé HerFuture.com, un site de réseaux sociaux qui propose des contacts aux femmes et les incite à l’autonomie.

Emma Ivaturi, Deepali Konaj, Uma Maheswari, Nehal Tantia, Hélène Camilleri

COUVERTURE Sylvie Berti Rossi, Hélène Camilleri

Félicie Toczé

PHOTOGRAPHIES

Félicie est spécialiste en alimentation

Chloe Crespi, Alice Marty, Rajesh Menon,

saine et praticienne en shiatsu

Catherine et Francis Azemard,

et yoga. Elle propose une

ILLUSTRATIONS Pauline Clair

CONTRIBUTIONS Gabby Bernstein, Guy Sharar, Haresh Mehta, Chirag Kulkarni, Rosalind Pearmain, Robert

cuisine végétarienne et végétalienne basée sur les produits de saison, selon les principes de l’équilibre nutritionnel. Sa cuisine se veut joyeuse,

R. Jacobs, Véronique Brasselet, Emma Milesi,

créative, comme un tableau où

Rajesh Menon, Kamlesh D. Patel, Santosh

chaque détail importe, où la vue et

Sreenivasan, Gopi Kallayil, Negin Motamed,

l’odorat doivent être comblés avant que le palais

Edward Yu, Alanda Greene, Félicie Toczé,

ne découvre les saveurs. Elle est l’auteur de deux

Guy Lemitres

ouvrages culinaires aux éditions Alternatives.

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Magazine Heartfulness


à ce numéro ENVOI DES CONTRIBUTIONS

Gopi Kallayil

Correspondance avec la rédaction et ligne rédactionnelle magazine@unimeo.com

Actuellement responsable en chef du marketing de produits chez

PUBLICITÉ

Google, il pratique le yoga avec

magazine@unimeo.com

passion, ainsi que le triathlon. Conférencier, il

ABONNEMENTS

voyage dans le monde

www.unimeo.com

entier, et est un fervent adepte du festival Burning

IMPRESSION

Man. Il a pris la parole à des

Aumüller Druck GmbH & Co. KG

TEDx, à Renaissance Week-end,

Weidener Straße 2

au Festival Mondial pour la Paix et à

D-93057 Regensburg

Wisdom 2.0. Il anime un programme TV sur câble et sur YouTube intitulé Change Makers.

PUBLICATION

Pour en savoir plus : http ://kallayil.com

Unimeo 1185 Chemin des Campelières 06250 Mougins FRANCE Droits d’impression, publication, distribution,

Haresh Mehta Le Dr Haresh est un cardiologue

vente, sponsoring et perception des recettes réservés à l’éditeur. 2016 © Tous droits réservés à Unimeo

interventionniste qui exerce dans les meilleurs hôpitaux de Mumbai, en Inde. Il est professeur invité à l’Hôpital Universitaire de Berne, en Suisse, et a aussi travaillé en Autriche et aux EtatsUnis. Il donne régulièrement des conférences et fait des

ISSN : 2491-2255 Les termes « Heartfulness, Relaxation Heartfulness, Sahaj Marg Spirituality Foundation, SMSF », le logo « Learn to Meditate » et le logo  « Heartfulness » sont des marques déposées par la Sahaj Marg Spirituality Foundation. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite sous quelque forme ou moyen que ce soit sans autorisation écrite préalable. Le nom de domaine www.heartfulness.org est également la propriété de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.

démonstrations sur les techniques complexes de l’angioplastie. Il est le fondateur de Healing Hearts. Haresh est également formateur Heartfulness.

Les opinions exprimées dans les articles de ce magazine ne reflètent pas toujours celles de la rédaction, de l’Institut Heartfulness ou de la Sahaj Marg Spirituality Foundation.

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un virage radical dans ma vie.

Photo Chloe Crespi

La méditation a représenté


entretien

J'ai commencé à sentir une énergie d'amour m'envelopper tout entière... et au bout de quelques instants j'étais comme neuve. GABBY BERNSTEIN a été déclarée « maître à penser de la nouvelle génération » par Oprah Winfrey, animatrice du talk show le plus regardé dans l’histoire de la télévision américaine. Gabby évoque pour nous quelques étapes de son chemin de transformation.

Q

Comment avez-vous trouvé votre voie de méditation ?

La méditation a représenté un virage radical dans ma vie. J’ai eu la chance d’être élevée dans un foyer où méditer était la norme. J’avais l’habitude de voir ma mère passer dans sa chambre en refermant la porte derrière elle ; quelques minutes après des odeurs d’encens s’échappaient par dessous la porte. J’entendais ensuite le mantra et je me demandais : « Mais qu’ est-ce qui se passe là-dedans » ? Au bout de vingt minutes elle ressortait, complètement transformée. Elle était plus calme, plus compatissante. Plus connectée aussi. Et je me disais : « Je veux ça. Je veux savoir ce que c’est. »

Plus tard, autour de mes seize ans, j’ ai commencé à traverser une petite crise existentielle. Je me demandais ce que je faisais là et je me débattais contre des sentiments de dépression et d’ angoisse. Je ne savais pas comment gérer ça. Alors je me suis tournée vers ma mère et lui ai dit : « Je ne sais pas quoi faire, mais tu as ce truc quand tu vas dans ta chambre, ça pourrait peut-être m’aider. » Elle a répondu : « Oui, tu sais, c’ est la seule solution. » Ma mère m’ a fait asseoir sur son coussin de méditation et m’ a appris à m’ intérioriser, puis elle m’ a enseigné sa pratique. J’ avais un tel besoin de guidance, de réconfort, de trouver une solution ! Quelques semaines après avoir débuté ma pratique de méditation, je me souviens d’ être allée dans une maison de campagne avec un ami et d’avoir senti cette

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entretien

anxiété me reprendre dès que j’ai passé la porte. Je savais que tous mes amis allaient arriver et l’angoisse et la dépression m’ont envahie. Je ne voulais pas m’enfuir chez moi pour me cacher, alors j’ai déniché une petite pièce dans un coin, et j’ai commencé à me mettre à l’écoute, à m’intérioriser, en décidant de lâcher mes histoires et mes pensées. Très vite après cette réorientation, j’ai commencé à sentir comme une énergie d’amour m’envelopper. J’avais l’impression d’être enroulée dans une couverture de lumière. La dépression s’ est évaporée, je me suis sentie traversée par ce flux d’énergie et au bout de quelques instants j’ étais comme neuve. J’ ai ressenti une énergie comme je n’en avais jamais fait l’ expérience auparavant et j’ai adoré ça. J’en voulais de plus en plus, alors je me suis installée jour après jour sur mon coussin de méditation pour développer cette relation avec ma conscience intérieure. C’ est le plus grand cadeau qui m’ait jamais été donné. Après l’ adolescence, j’ ai choisi de me débrouiller toute seule. Je suis partie à l’ université et j’ ai peu à peu oublié ma pratique de méditation. Je pensais pouvoir moi-même gérer les choses. Je me suis plongée dans la vie, et pendant cinq ans je n’ ai plus médité. A vingt-cinq ans, je partais en vrille. Je n’avais plus de direction dans ma vie, et plus de pratique d'intériorisation : je dérivais comme un bateau sans ancre. J’étais anéantie par les histoires du monde, minée par la peur. Le doute et mon incapacité à gérer ça m’ont fait glisser le long des pentes bien sombres de l’addiction, de la fuite dans le travail et de la co-dépendance. A vingt-cinq ans je touchais le fond. Il fallait que je m’abandonne, une fois de plus. Heureusement, la graine de méditation avait été plantée. Par chance, je savais qu’il n'y avait qu’un endroit vers lequel se tourner : l’ intérieur. Alors j’ai

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Magazine Heartfulness

J’en voulais de plus en plus, alors je me suis installée jour après jour sur mon coussin de méditation pour développer cette relation avec ma conscience intérieure. C’ est le plus grand cadeau qui m’ait jamais été donné.


Docteur Partha Nandi, Kamlesh D. Patel et Gabrielle Bernstein en conversation, lors de la convention Heartfulness en juin 2016.

recommencé à pratiquer et me suis reconnectée à cette vérité. Cela fait onze ans maintenant que je pratique quotidiennement la méditation. Je suis devenue une étudiante puis une enseignante ardente et dévouée de la méditation.

Q

Quelle a été votre expérience de la pratique de méditation Heartfulness ?

J’ ai eu la possibilité de l’ expérimenter une semaine avant la convention. Je suis vraiment ravie de vous dire que, même si j'étais invitée en tant qu’ oratrice, je pense que Dieu avait bien plus à me proposer. Je pense que j’étais conviée à apprendre une nouvelle pratique. Des personnes adorables m’ ont rendu visite, se sont assises avec moi, et nous sommes restés ainsi pendant trente minutes d’ une méditation magnifique,

centrée sur le cœur. Et là, j’ai ressenti tant de lumière, tant d’amour, tant de sérénité ! Alors que je pratique habituellement la méditation avec un mantra, depuis une semaine je me tourne vers mon cœur. J’ ai pris conscience qu’il ne s’ agissait pas seulement pour moi de parler, durant cette convention, mais d’être guidée vers cette pratique.

Q

Parmi les personnes qui ont assisté à vos événements en direct, y en a-t-il qui vous ont confié comment elles avaient été transformées par ce que vous leur proposiez ? Il y en a énormément. J’ entends tous les jours des témoignages de personnes qui ressentent la transmission d’ énergie dans la pièce, lorsqu’ elles viennent assister à un événement, ou simplement à travers les

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entretien

livres. Mais lorsque les gens viennent vers moi et me disent : « Vous avez changé ma vie », je leur réponds : « Je n’ ai pas changé votre vie. Je vous ai simplement raconté une histoire dans laquelle vous vous êtes reconnu » ou bien : « Je vous ai enseigné quelque chose et vous l’ avez utilisé. » Je leur attribue le mérite de leur transformation. J’ ai peut-être été une guide sur la voie, ou une inspiration, mais ce n’est pas moi qui l’ ai produite.

Q

Comment voyez-vous la conscience se modifier dans ce pays et dans le monde ?

Il me semble que parallèlement à la terreur, la peur et la destruction qui règnent un peu partout, on assiste aussi à un grand éveil. Il est naturel que des gens se réveillent lorsqu’ils se sentent impuissants et éprouvent le besoin de se faire entendre dans ces situations d’impuissance. Je pense aussi qu’un appel inconscient nous éveille afin que les pratiques et la guidance dont nous avons besoin parviennent à notre conscience et nous permettent d’agir et de rejoindre une voie de méditation. Il me semble que ça se produit un peu partout car le besoin est profond. Et aussi parce que les gens, sans s’en rendre compte, s’éveillent et sont en train de devenir conscients.

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Rien ne change autant la vie que de trouver son chemin vers une voie de développement personnel ou spirituel. Plus rien n’est pareil après ça.

Q

Quelle place tient l’ amusement dans votre existence ?

C’est une très bonne question. Je m'amuse beaucoup avec les réseaux sociaux. Je trouve que c'est une façon très créative de m'exprimer tout en faisant passer un message.

Q

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Je voudrais juste que les gens réalisent que j’ adhère totalement à Heartfulness, et que je suis heureuse de l’avoir découvert grâce à cette conférence. C’ est vrai, quand je vous ai rencontrés, je me suis dis : « Oh, mais c’est génial. J’ ai envie d’en être ! ». Et c’ est tout simplement fantastique.

Interview Emma Ivaturi


Un moment suspendu… Comment méditer ? Asseyez-vous confortablement dans un endroit où vous pouvez méditer sans bruit ni distractions, de préférence au même endroit et à la même heure chaque jour. Éteignez votre téléphone portable et autres appareils. Fermez doucement les yeux et détendez-vous. Asseyez-vous le dos droit, mais sans rigidité. Prenez quelques minutes pour détendre votre corps avec la relaxation Heartfulness (voir p. 33). Portez votre attention à l’intérieur et prenez un moment pour vous observer. Ensuite, émettez calmement la suggestion que la Source de Lumière est là, présente dans votre coeur. Pensez que cette lumière vous attire à partir de l’intérieur. Faites cela de manière douce et naturelle. Il n’est pas nécessaire de vous concentrer. Si vous sentez que votre attention dérive vers d’autres pensées, revenez en douceur à l’idée de la Source de Lumière dans votre coeur. Laissez votre attention posée sur le coeur. Sentez que vous vous fondez dans cette perception. Vous allez peut-être dépasser l’état de vigilance pour atteindre un état de détente profonde. Tout va bien. Restez en méditation jusqu’à ce que vous sentiez qu’elle est terminée.

www.heartfulness.org



Sois qui tu es et dis ce que tu sens car ceux que ça gêne ne comptent pas et ceux qui comptent, ça ne les gêne pas. DR SEUSS

PHOTOGRAPHIE ALICE MARTY



un autre regard

Transformer

l'autisme

Pour GUY SHARAR, ce qui se présentait d’abord comme une tragédie s’est transformé en une expérience d’amour et de lumière.

L

’apparition de l’ autisme de notre fils nous a contraints – et nous a aidés aussi – ma femme et moi, à devenir de meilleurs parents que nous n’aurions jamais pu espérer l’ être, sans cela. Entre un et deux ans, Daniel, un bébé espiègle et plein d’ énergie, s’ est presque totalement coupé de son entourage, y compris de sa famille. Il passait ses journées couché par terre, à faire avancer et reculer une petite voiture, et s’ insurgeait contre toute tentative de communication, surtout quand on prononçait son nom. Il avait cessé de nous regarder dans les yeux, avait désappris tout le vocabulaire qu’il avait acquis, et même perdu certaines fonctions de base, comme avaler de la nourriture solide. Il était aussi sujet à des effondrements longs et intenses, déclenchés par de toutes petites choses. Absolument inconsolable pen-

Ça nous fendait le cœur. Le souvenir de notre bébé heureux était si récent ! Et voilà que nous le voyions souffrir de façon inimaginable. Nous avions l’ impression que son état lui volait sa vie, lui volait à la fois son présent et son avenir. Alors nous sommes partis frénétiquement à la recherche de moyens pour l’ aider. Internet abondait en thérapies offrant des guérisons miraculeuses, pour des sommes colossales. Elles promettaient monts et merveilles, mais de façon très commerciale ; et quand nous les avons étudiées de près, elles ne nous ont convaincus ni l’ un ni l’ autre. Par chance, nous nous fions tous deux à ce que nous ressentons intérieurement comme juste, et la plupart du temps nous arrivions aux mêmes conclusions. A la naissance de Daniel, nous avions acheté un

dant ces épisodes, il en ressortait totalement épuisé.

seul livre sur l’ éducation que nous n’avions même

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un autre regard

pas lu. En désespoir de cause, nous avons cherché « autisme » dans l’index. On n’ y trouvait qu’ une référence, et un court paragraphe à propos d’une petite clinique située dans le nord d’ Israël, qui traitait avec succès des bébés et de très jeunes enfants atteints d’ autisme. Contrairement à toutes les autres, sa

et joyeux, bien inséré dans une école publique. Il apprend encore à se repérer dans la vie sociale, mais il y parvient bien mieux que ce que nous pensions possible pendant les périodes difficiles. En traversant tout cela, nous avons aussi appris quelque chose sur la nature de l’ autisme. On le consi-

présentation sur Internet était brève et discrète. On n’ y trouvait ni promesses ni description détaillée de méthodes, mais cela nous a fait à tous deux une bonne impression. Nous avons cherché d’ autres familles qui s’ y étaient rendues, et elles nous ont fait part de leurs expériences. Notre demande d’ admission à la clinique a été acceptée et nous y sommes allés peu après le deuxième anniversaire de Daniel. Ça a transformé notre vie de famille. Qu’ont-ils fait là-bas ? Quelque chose de vraiment simple, que pourtant personne, dans notre entourage, n’avait suggéré. Ils ont simplement joué avec lui – en tête-à-tête, dans une pièce calme – six à sept heures par jour pendant trois semaines. C’est tout. Bien sûr, ils se sont servis de leur profonde compréhension de son état pour établir une solide relation avec lui. Ils ont fait renaître son intérêt pour le monde, en lui montrant qu’interagir avec ceux qui l’entouraient était sans danger, et plus satisfaisant que de se retrancher en soi-même. Ils nous ont enseigné à faire de même. Nous avons vu le caractère naturel de Daniel réapparaître peu à peu au contact de cette chaleur, de cette confiance, de cette compréhension, de cette attention, et à la fin de notre séjour nous nous étions habitués avec gratitude à revoir son beau sourire. Cela s’ est poursuivi, car après notre retour nous avons continué la même thérapie à la maison pendant des années. Daniel est devenu toujours plus confiant, solide, imaginatif, chaleureux et affectueux. C’ est maintenant un garçon de six ans très aimant

dère souvent comme un handicap. Celui qui en est atteint se retranche en lui-même, a des difficultés à communiquer avec son environnement, une sensibilité particulière aux stimuli sensoriels, et semble ne pas avoir conscience des phénomènes émotionnels. On se demande rarement pourquoi. Qu’ est-ce qui est à l’origine de ces symptômes considérés comme irrémédiables ? Voir Daniel renouer avec la vie nous a apporté une compréhension nouvelle. Loin d’ être inconscient des émotions qui se manifestent autour de lui, il est intensément affecté par elles. Il lui est même difficile de regarder une image dans un livre d’histoires qui montre un personnage triste ou effrayé. S’ il voit un autre enfant pleurer à l’ école, il en garde un souvenir pénible qui le tourmente. Il est bouleversé quand il voit quelqu’ un arracher des mauvaises herbes, parce qu’il a de la compassion pour les plantes. Il serait facile de réduire ses réactions à un manque de contrôle de soi, mais pour nous ça montre qu’ il se sent très concerné par les êtres vivants et profondément relié à eux. Nous pensons que c’ est la douleur à la vue des cruautés que les êtres humains s’ infligent mutuellement - et infligent aux autres espèces vivantes - qui empêche les autistes de rester ouverts et de s’ engager dans le monde. Pour se protéger, ils se replient sur eux-mêmes et ont recours à des comportements « autistiques ». La seule différence pour Daniel est que, grâce au soutien reçu, il a développé une remarquable

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Loin d’être inconscient des émotions qui circulent autour de lui, il est intensément affecté par elles. Il serait facile de réduire ses réactions à un manque de contrôle de soi mais, pour nous, cela montre qu’il se sent très concerné par les êtres vivants et profondément relié à eux.

capacité à faire face à une partie de cette douleur qu’ il continue à ressentir. Nous ne voyons pas l’autisme comme un ensemble de symptômes, mais comme un état sous-jacent qui les rend nécessaires. C’ est un état d’innocence, d’idéalisme, de bonne volonté, d’attention, une propension à faire passer les besoins des autres avant les siens – on pourrait parler d’amour. Voilà ce qui existe sous l’apparente impénétrabilité des personnes autistes. Il y a tant de choses qu’elles pourraient apporter à notre monde pour en faire un endroit paisible et solidaire comme nous le souhaitons tous, mais elles ne sont capables de le faire que si nous prenons soin d’elles et créons un environnement où elles se sentent en sécurité, comprises et aimées. Je veux partager tout ce que nous avons appris sur la manière de créer un environnement capable

de transformer la vie d’ un enfant autiste. Au début de cette année, je me suis mis spontanément à écrire un livre sur notre traversée. Il est maintenant publié. Depuis, j’ ai lancé le Transforming Autism Project, qui vise à faire connaître la vraie nature de l’ état autistique et donne ainsi la possibilité à d’autres parents d’ apporter des changements transformateurs dans leurs familles.

Le livre de Guy Sharar, Transforming Autism, est disponible en édition de poche et en format Kindle sur amazon.com et sur les sites Amazon nationaux dans le monde entier. Le blog du Transforming Autism Project se trouve à l’adresse suivante : http://transformingautism.co.uk

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En conversation avec Haresh Mehta

Le cœur,

notre cerveau sensible

Q

Q

Ma relation avec le cœur date de mon enfance. Mon père et mon grand-père voulaient tous deux avoir un spécialiste du cœur dans la famille, et c’ est ainsi que je me suis impliqué dans le cœur physique. Dès l’ âge de cinq ans, je crois, je voulais devenir cardiologue.

Au départ, je considérais le cœur physique comme un organe qui pompait le sang, l’envoyait dans les poumons pour le purifier, puis dans tout le corps, pour fournir de l’oxygène aux organes. Plus tard, j’ai découvert que les recherches menées tant par les scientifiques que les non-scientifiques montraient que le cœur n’était pas qu’une pompe. Ils ont réalisé

Vous êtes cardiologue et vous pratiquez également la méditation Heartfulness. Pourquoi cet intérêt, pourquoi êtes-vous si fasciné par le cœur ?

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Magazine Heartfulness

Vous travaillez avec le cœur physique et vous méditez sur le cœur spirituel. Comment voyez-vous la relation entre ces deux domaines ?


focus le pouvoir de la connexion

J'ai découvert que les recherches menées tant par les scientifiques que les non-scientifiques montraient que le cœur n'était pas qu’une pompe. Ils ont réalisé que le cœur avait un système sensoriel propre, qu'il était capable d’exécuter des fonctions tout seul, même déconnecté du cerveau, et qu'il pouvait aussi penser.

que le cœur avait un système sensoriel propre, et qu’ il était capable d’exécuter des fonctions tout seul, même déconnecté du cerveau, et qu’ il pouvait aussi penser. D’ après mes observations, le cœur est un cerveau sensible. Quand vous êtes en colère, votre cœur palpite. Quand vous êtes heureux, c’est dans votre cœur que vous l’ êtes. J’ ai donc compris qu’ il y avait évidemment un lien entre le cœur physique et le cœur spirituel. Cette relation a été explorée par l’ équipe de recherche HeartMath et des scientifiques, comme le

Dr Paul Pearsall, qui se sont plongés dans ce domaine et ont pu prouver que le cœur est responsable de la cohérence de l’ organisme humain. Ils ont découvert son action non seulement dans le corps lui-même, mais dans les relations entre les être humains, entre les animaux de compagnie et leurs propriétaires, et aussi entre les membres d’ un groupe tel qu’ un orchestre symphonique. Ils se sont rendu compte que, lorsqu’ un orchestre joue, ce ne sont pas les cerveaux qui collaborent, car quarante cerveaux travaillant ensemble sont incapables de donner une symphonie. C’ est le cœur qui détermine cette cohérence. Ils ont aussi découvert que la cohérence n’est pas strictement localisée : ce que votre cœur pense ou ressent peut être ressenti par quelqu’ un d'autre à des millions de kilomètres. Ils ont ensuite réalisé que ce phénomène était dû à la force magnétique émise par le cœur, qui est de cent à mille fois plus forte que la force magnétique émise par le cerveau. Ce qui m’ a fait réaliser que le cœur est beaucoup plus que le cœur physique que nous voyons. A mon avis, le cœur physique n’ est qu’ un petit élément du cœur spirituel.

Q

Donc c’est par le cœur que nous nous connectons et interagissons.

Oui, je le crois vraiment. Nous ne décrivons jamais quelqu’ un comme étant doux de cerveau, on le désigne comme étant doux de cœur, comme ayant bon cœur.

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focus le pouvoir de la connexion

Je pense sincèrement que les relations sont formées par le cœur, et en aucun cas par le cerveau.

La méditation m’ a changé. Je vais vous raconter une

Je me rendais compte de ces améliorations mais je n’ ai pas fait la corrélation avec la méditation. Ce sont mes patients qui ont commencé à me dire : « Docteur, il y a quelque chose de changé en vous. » J’ai répliqué : « Changé, comment ça ? Je ne sens aucun changement. » Ils ont insisté : « Docteur, maintenant, vous nous écoutez. » J’ ai dit : « Je vous ai toujours écoutés. C’ est comme ça que je diagnostique vos

petite histoire sur la manière dont j’ ai commencé et cela vous dira tout. J’ étais un cardiologue très occupé, travaillant sans cesse et avec succès, mais j’ étais constamment en colère. Vous m’ auriez rencontré à cette époque, vous auriez ressenti cette colère. Je dormais mal, la nuit. En dépit d'être populaire et d’avoir toutes les choses dont j’ avais besoin dans ma vie, je ne dormais pas. J’ avais beaucoup de remontées acides et d’aigreurs, alors je me levais, me tournais et me retournais dans mon lit, prenais des antiacides, avec toujours l’impression d’être au bord de la crise cardiaque. Tous les mois, j’ allais aux urgences de l’ hôpital, et me faisais faire mon ECG pour comprendre ce qui se passait. Ma femme m’ a dit : « Tu vas devenir fou si tu continues comme ça ». Et un jour elle m’ a proposé : « Pourquoi n’ essaies-tu pas cette méditation Heartfulness ? » Elle m’ a envoyé chez un formateur et j’ ai suivi trois séances de méditation. Je l’ ai fait juste à cause d’ elle, et durant ces trois séances, honnêtement, je n’ ai rien ressenti. La seule chose que je ressentais, c’était : « Bon, j’ ai fait quelque chose pour ma femme, et elle est heureuse, c’ est bien ! » Et j’ ai continué à être l’ homme que j’ étais. Mais après quelques semaines, malgré une pratique très irrégulière, j’ ai remarqué que je dormais mieux. Je dormais 6 à 7 heures, je m’ endormais facilement et je n’ avais plus besoin d’ antiacides. Quant à mes visites aux urgences, elles se sont espacées.

problèmes. » Ils m’ ont répondu : « Non, docteur. Avant, on vous disait une phrase, puis c’est vous qui parliez, ensuite vous nous prescriviez des médicaments et vous nous laissiez. Maintenant, nous sentons que vous écoutez patiemment notre histoire jusqu’au bout, et ensuite vous répondez. » C’ est là que j’ai réalisé que ça devait avoir un lien avec les séances de méditation. J’ ai commencé à creuser ça avec de plus en plus d’intérêt, et j’ai décidé d’essayer, en me disant : « On verra bien si ça fait une différence. » Pour quelle raison les gens me voyaient-ils différent ? C’ est ça qui m’ a fait continuer la méditation. Peu à peu j’ ai réalisé que mes colères avaient diminué de façon si drastique que les personnes qui m’ évitaient auparavant venaient s’ asseoir à côté de moi et me parlaient. Les gens semblaient de plus en plus attirés par moi. Manifestement, la méditation me donnait une sorte d’ énergie qui attirait les autres. Si j’ avais découvert tout cela avant de méditer, je me serais dit : « Ah, je suis un si bon médecin que j’ attire les gens. » Mais j’ ai réalisé que cette énergie ne venait pas de ça. Elle m’ a rendu plus humble, et si je commençais à me vanter, elle s’ enfuirait. Voilà, c’ est comme ça que la méditation m’ a aidé à évoluer. Dans ma profession, avant de méditer, j’ étais classé comme l’ un des meilleurs cardiologues, reconnu pour faire un excellent travail. Mais grâce à la méditation, j’ai découvert que, lorsque je faisais une angiographie

Q

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Comment la pratique de la méditation a-t-elle influencé votre vie ?

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ou une angioplastie, j’étais plus efficace parce que ma concentration s’ était nettement améliorée. J’ arrivais à finir une procédure identique dans les trois quarts du temps qu’ il m’aurait fallu auparavant. Cela signifiait que j'avais plus de temps. Et j’ ai cessé de me soucier de la circulation. C’ était un changement majeur. Un véritable tournant. Bombay a tellement d’embouteillages, et je circule d’un hôpital à l’autre, ce qui peut prendre des heures. Donc, auparavant, j’ arrivais complètement épuisé et en colère. Aujourd’ hui, quand j’ arrive à l’ hôpital, et que j’ entends mes collègues se plaindre des embouteillages, je leur réponds : « Quels embouteillages ? » Je n’ ai plus l’ impression qu’ il y en a. Ce changement s’ est produit parce que j’ ai cessé de regarder à l’ extérieur. Je ne suis plus préoccupé par les voitures et les routes ; je vois seulement que je dois me rendre à une destination et qu’une fois arrivé il me faut opérer. Donc ça m’ a énormément changé.

Q

Vous avez parlé d’ énergie. Vous avez dit que d’ autres personnes ressentaient une énergie différente en vous. Pourquoi cela se produit-il avec la méditation ? Bien sûr, nous existons tous dans la même énergie, mais je pense que ce qui se passe lorsque nous méditons avec la transmission et suivons le processus de nettoyage yogique, c’est que notre vrai moi intérieur commence à rayonner. L’ énergie était bien là, mais le vrai moi était recouvert, il ne pouvait être vu. Maintenant, il devient visible parce que toutes les choses indésirables qui l’ entouraient ont été éliminées.

Peu à peu j'ai réalisé que mes colères avaient diminué de façon si drastique que ceux qui m'évitaient auparavant venaient s’asseoir à côté de moi et me parlaient.

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focus le pouvoir de la connexion

Q

La suppression de toutes ces choses indésirables a-t-elle un impact sur le cœur ?

Il a été scientifiquement démontré que le processus de méditation réduit l'incidence des maladies cardiaques. Il est connu pour réduire le cholestérol, réduire l'incidence du diabète, et réduire le taux de crises cardiaques. Et les personnes qui méditent et qui ont subi un infarctus s’ en remettent bien. Elles ont moins de risque de mourir en raison d’un problème de rythme ou d’une défaillance cardiaque. Donc, la méditation a un effet au-delà du plan spirituel. Bien sûr, elle est vitale pour notre existence au niveau spirituel, mais elle a aussi des avantages physiques. Alors je dirais à ceux qui recherchent les avantages tangibles de la méditation que les avantages immatériels l’ emportent de loin sur les avantages tangibles - c’ est juste que nous ne les voyons pas. En vivant plus longtemps, nous avons plus de temps pour progresser matériellement et spirituellement. La méditation m’ a donné une vie sans plus de raison de m’ inquiéter. Avant, je me faisais du souci pour tout. Honnêtement, en ce moment, alors qu’ il peut sembler absurde qu’ un médecin dise ça, je ne m’ inquiète pas pour demain.

Q

Alors, comment trouvez-vous le temps de méditer?

Comme je l’ai dit, je suis plus efficace qu’ auparavant, donc j’ai plus de temps. Quand je circule d’ un hôpital à l’ autre, je mets à profit le temps passé dans ma voiture. Ça me permet de téléphoner ou de lire le dossier d’un patient que je vais traiter ; et chaque fois que c’ est possible, je ferme les yeux et me connecte à mon soi plutôt que d’ observer le trafic en piquant des colères.

Q

Il semble donc que méditer soit facile à intégrer dans un quotidien bien occupé.

C’ est extrêmement facile ; il ne faut que la volonté de le faire. D’ abord on doit l’ expérimenter, la volonté vient ensuite. Si on n’expérimente pas, la volonté refuse toujours : « Pourquoi le ferais-je ? »

Q

Qu’aimeriez-vous dire aux personnes qui ont une vie très pleine, comme vous ?

Intégrez la méditation dans votre gestion du temps, et le temps se gérera de lui-même.

Je suppose que vous êtes toujours très occupé dans votre pratique médicale.

Plus que jamais.

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Q

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Interview Elizabeth Denley


Photo: monotoomono / Shutterstock.com

Alors je dirais Ă ceux qui recherchent les avantages tangibles de la mĂŠditation que les avantages immatĂŠriels l'emportent de loin sur les avantages tangibles, c'est juste que nous ne les voyons pas.


}Q&R} LA CONSCIENCE =

95% DU JEU

CHIRAG KULKARNI est entrepreneur et consultant en marketing auprès de multinationales. Il est le co-fondateur de Insightfully et donne des conférences dans le monde entier (Accenture, Infosys, IIT-Bombay, MIT). Il nous parle des processus qui sous-tendent le fonctionnement d'une entreprise et du rôle de l'intuition dans leur compréhension.

Q

Quel genre de travail faites-vous ?

J’aide les entreprises dans leur marketing – marketing de contenu, relations publiques, médias sociaux et optimisation des moteurs de recherche. Ce qui me pousse, c’est la soif d’apprendre. Quand on fait quelque chose, qu’on le met en pratique, on apprend

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beaucoup plus que lorsqu’on parle en théorie. Dans mon travail en entreprise, je suis fasciné de voir apparaître les résultats. A l’inverse, c’est aussi intéressant de comprendre pourquoi ils ne sont pas au rendez-vous. Ce que j’aime, c’est comprendre les processus qui sous-tendent le fonctionnement des choses, et découvrir comment jouer avec ça.


focus le pouvoir de la connexion

Dans le fond, c’est l’amour de la compétitivité et de l’apprentissage qui m’anime.

Q

Comment gérez-vous l’échec ?

L’ échec fait partie du chemin. Mon approche est la suivante : statistiquement 99 idées ou expériences sur 100 sont vouées à l’échec. Donc si on n’échoue pas, on n’innove pas non plus. Le meilleur état d’esprit est de ne pas le voir comme un échec, mais comme le processus normal pour découvrir quelque chose. Cela permet aussi d’ apprendre des autres, quels qu’ils soient. Ils peuvent vous guider en vous expliquant ce qu’ils font, en décrivant leurs « échecs », afin que vous ne fassiez pas les mêmes erreurs. Il n’est pas nécessaire de passer

par les mêmes expériences qu’eux pour atteindre le succès, mais ça fait partie du chemin. L’échec n’est pas négatif en soi, c’est un élément du processus.

Q

Comment gérer-vous les relations de travail ?

Les relations de travail ne diffèrent pas des relations en général. Au final, une amitié est une amitié. Et la façon dont vous vous liez d’amitié au travail n’est pas différente de ce qui peut se passer dans un contexte sportif ou social. Vous partagez une idéologie, un système de valeurs et c’est comme ça que vous vous connectez ; ou peut-être à travers une certaine vision de la vie. Pour moi, ce n’est pas différent. Au travail, il s’agit parfois de maintenir et cultiver cette relation sur une période plus longue.

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Q

Quel est le lien entre conscience, travail et connaissance de soi ?

La conscience, je pense, constitue 95% du jeu. Le travail nécessite d’exécuter et de conceptualiser, mais l’aptitude à comprendre ce qui fonctionne bien ou pas, et surtout à le comprendre avant même que ça se passe, demande une meilleure connaissance de soi et une expansion de la conscience. Avec une conscience élargie, on capte les signaux plus rapidement, on devient plus attentif, on a une meilleure perception de soi. Admettons que, dans votre entreprise, vous commenciez à travailler avec un client, et que cette collaboration vous en rappelle une autre qui n’avait pas trop bien marché avec un client précédent. Vous devez en prendre conscience, comprendre et l’accepter : alors, au lieu de signer pour un an, signez pour un mois ! En fait, grâce à ce plus de conscience, on saisit les schémas plus rapidement, on intègre ce qui est pertinent, ce qui est vraiment en train de se passer dans une situation. Cela permet de consacrer son temps à ce qui fait avancer les affaires et non à ce qui risque d’être peu fructueux à long terme.

Q

Pouvez-vous partager quelques astuces pour mieux appliquer ces principes ?

En voici quelques-unes : 1. Au fond, nous avons tous des forces et des faiblesses. Découvrez où sont vos forces et cramponnez-vous à elles. En général, quand on est bon dans un domaine et qu’on aime ça, il y a des chances qu’on soit plus à l’écoute de ses possibilités que lorsqu’on arrive tout juste à surnager. Si on travaille avec ses forces, on a pas peur de tout ce qui peut mal tourner,

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Mon approche est celle-ci : statistiquement 99 idées ou expériences sur 100 sont vouées à l’échec. Donc si on n’échoue pas, on n’innove pas non plus.

on est généralement plus stable et il est plus facile d’intégrer ce qui se passe autour de soi. 2. La méditation est très importante. D’ abord je pense qu’elle aide à la réflexion intérieure. Chaque matin, en méditant, on se donne la possibilité d’écouter son cœur. 3. Tenez un journal pour votre développement personnel. Le matin, notez cinq raisons pour lesquelles vous êtes reconnaissant. Inscrivez comment vous allez procéder avec votre journée. Au fil du temps, vous pourrez revenir à ce journal et voir les défis relevés et les erreurs commises dans le passé. Le fait d’écrire vous rend plus conscient. 4. Demandez à vos proches ce que vous pourriez faire pour vous améliorer. Puis c’est à vous de décider si l’information est pertinente pour vous ou non, et de l’intégrer et de l’appliquer. C’est le premier pas pour déterminer si votre jugement est correct sur la base d’un retour des autres.


focus le pouvoir de la connexion

1.

Q

Comment la méditation vous a-t-elle aidé ?

En me donnant une plus large conscience de moimême. Je pense que la méditation peut devenir un outil dans les situations où vous n’ êtes pas sûr d’avoir la bonne réponse. Elle vous fait faire un pas en arrière pour intérioriser la situation. Elle devient une sorte de fil dentaire mental. On nous dit de faire de l’ exercice et de manger sainement, mais on ne parle jamais de purifier nos cerveaux ou d’ atteindre nos performances de pointe au niveau subconscient. Personne ne parle de ça. Puis il y a aussi le sommeil. En méditant avant de dormir, on est plus détendu et on s’ endort très rapidement. Enfin, je pouvais être très désagréable avec les autres – pas énervé, mais j’ en arrivais tout de suite à

La méditation peut devenir un outil dans les situations où vous n’êtes pas sûr d’avoir la bonne réponse. Elle vous fait faire un pas en arrière pour intérioriser la situation.

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l’ essentiel, sans ménagement, même avec les employés. Je les virais pour un oui pour un non. « Vous êtes arrivé une heure en retard ? » Dehors. Et il n’y avait pas de raison valable pour ça. Je façonnais ma personnalité en fonction d’autres managers, je me disais « si ce type se comporte ainsi, je devrais faire comme lui ». Avec le temps, j’ai compris qu’il faut être son propre leader ; être l’exemple de qui on voudrait devenir. On ne peut pas sans arrêt observer les autres et façonner sa vie en fonction de la leur. On peut s’ en inspirer et apprendre d’ eux quoi faire et ne pas faire. En tout cas, la méditation m’ a rendu capable de comprendre qui je veux être, et non qui je souhaite copier. On en revient à l’ importance de la réflexion sur soi, qui a lieu chaque matin avec la méditation, car vous êtes seul avec vous-même. Nous sommes tous constamment connectés à la technologie, que ce soit à travers twitter ou nos mails, il est donc important de créer du temps pour se centrer sur soi. Interview Suraj Seghal

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dulien

LE SENS

ROSALIND PEARMAIN enseigne la psychothérapie et la méthodologie de la recherche qualitative. Elle nous décrit le contrecoup du Brexit et la prise de conscience du lien qui s'était établi avec l'Europe.

Q

uelque chose de fort et d’entièrement nouveau s’est passé en Grande-Bretagne, après le référendum du Brexit. Pour tous les déçus de l’issue du vote – presque tous les jeunes ainsi qu’une grande partie de la population, 48% des votants – ce résultat a non seulement été un choc mais aussi une douleur, un profond chagrin. Le sentiment d’une grande perte. Comme pour la mort d’un être cher.

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Les gens pleuraient. Tous étaient désorientés, sous le choc ; le monde de l’espace et du temps, des relations vécues, s’était altéré de manière palpable. Qui aurait pu s’attendre à une telle réaction ? Sans qu’on le perçoive, sans qu’on s’en rende compte, il s’ était établi un lien de cœur avec d’autres gens en Europe. On avait l’impression de faire partie d’une grande famille, et soudain, voilà qu’elle


focus le pouvoir de la connexion

nous était arrachée. C’ était violent. Mais découvrir cette connexion dont on n’avait pas eu pleinement conscience auparavant a aussi été très éclairant, très émouvant. Bien sûr, chez un grand nombre de jeunes, la déception traduisait la peur de voir les possibilités de voyages, de travail, et les perspectives d’avenir, anéanties ou limitées à l’extrême. Et on peut les comprendre, car la joie de s’ouvrir au monde, à la liberté et à l’ expansion, est la condition fondamentale de l’ âme. Bien que nous soyons confrontés à des réalités plus dures et dévastatrices de déconnexion et de démantèlement, être ramenés à cette source de chagrin inattendue a été un petit réconfort. Cela nous a rappelé le rôle profond du lien dans la vie. J’ ai demandé un jour à quelques étudiants ce qui avait le plus de valeur dans la vie, et ils ont répondu : le lien avec les autres. Les sondages sur le bonheur indiquent la même chose, et cela loin devant la richesse matérielle. Quelles que soient nos différences apparentes, c’ est essentiellement le fait de nous sentir reliés qui nous rend heureux. Ça nous suffit, tout simplement. Et quand ça manque, nous nous sentons très seuls. Le champ du cœur est l’ espace le plus extraordinaire qui soit, et il a fallu le choc du Brexit pour percevoir sa réalité à l’œuvre.

Peu importe nos différences apparentes, c’est essentiellement le fait de nous sentir reliés qui nous rend heureux. Novembre 2016

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PRIER avec ses patients Quand convient-il, pour un professionnel de la santé, de prier avec ses patients ? Le psychologue clinicien ROBERT R. JACOBS nous fait part de son expérience personnelle dans ce domaine sensible, et nous propose quelques repères concrets.

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Illustration Alice Marty

S

e mettre ou non à prier avec un patient peut être une décision importante pour un thérapeute. J’ai été confronté à cette question dans ma pratique, surtout dans mon travail en milieu médical. De par leur rôle, les hôpitaux se concentrent sur les cas aigus, et les actions nécessaires dans les situations critiques ne sont pas toujours propices au calme. De plus, toute intervention chirurgicale exige du patient un redoutable effort d’ adaptation. Il va de soi que les patients passent par beaucoup d’ émotions à la suite d’ une opération – tristesse, dépression, colère, douleur, découragement et anxiété. Ils sont souvent confrontés à des problèmes importants et ont besoin d’ un soutien psychologique. Une de mes patientes, Candace, m’ accueillit si joyeusement, un après-midi, que je m’ interrogeai : qu’ avait-elle découvert ? J’appris bientôt qu’elle bénéficiait de trois appuis psychologiques : • elle se sentait bien dans sa vie


la pensée et l'action

• elle avait le soutien de sa famille et de ses amis

Pour répondre, il faut d’ abord comprendre pour-

• profondément religieuse, elle priait constamment et intensément. Candace se remémorait ce qui lui procurait un sentiment de réconfort et de sécurité. « J’ ai même un psychologue sur place qui vient voir comment je me sens ! » Autour d’ elle, je voyais les innombrables cartes de ses proches et des membres de sa paroisse avec de chaleureux messages de soutien. Pour chacun de nous, il est bon de savoir qu’ on n’ est pas seul au moment d’ affronter un défi. Depuis l’enfance, la prière faisait partie de la vie de Candace, elle était intimement tissée à son quotidien. Un jour, elle me proposa de se joindre à elle pour prier. Il y avait beaucoup de raisons de ne pas accéder à sa demande. Après l’ avoir vue, j’ ai sollicité l’ avis de plusieurs collègues psychologues. Il n’est pas surprenant que tous aient exprimé des réticences à l’idée de prier avec un patient. L’ un d’eux m’a demandé tout de go : « Ce serait absolument nécessaire ? » comme si la prière était une thérapie de dernier recours. Prier avec un patient, c’est bien entendu franchir une limite, c’ est une voie risquée. Mais avec certains patients, dans un contexte culturel particulier, cela peut avoir une valeur thérapeutique puissante, et même exceptionnelle. La plupart de mes collègues m’ont dit qu’ils ne prieraient avec leurs patients que dans certaines circonstances. Quels peuvent être les critères d’évaluation de la circonstance appropriée, et comment un thérapeute peut-il les déterminer ?

quoi les thérapeutes s’ y opposent de prime abord. Le principe d’ intégrité implique qu’un thérapeute s’efforce d’ être honnête, juste et loyal, et veille à respecter les limites professionnelles et personnelles dans son travail. Beaucoup de gens en quête d’ une thérapie demandent d’ abord l’ assistance psychologique de leur pasteur. D’ autres cherchent une thérapie dans un cadre médical, pour éviter tout aspect religieux ou spirituel. La plupart des patients ne tiennent pas à subir de pressions, ou à être poussés à tel ou tel changement, et pas non plus à se sentir jugés ou humiliés au cours de leur processus thérapeutique. Le travail d’ un thérapeute repose en fait sur sa perception des croyances et pratiques religieuses, souvent très personnelles, de son patient. Pénétrer dans ce champ pendant la thérapie pourrait paraître risqué ou présomtueux. Cela dit, prendre en compte les pratiques religieuses ou spirituelles d’un patient, ou en discuter sur le plan intellectuel, n’ est pas la même chose que prier avec lui pendant une séance de thérapie. Tout cela est lié au degré d’ implication du thérapeute. Au premier niveau, il ne fait que prendre en compte les croyances religieuses et les ressources spirituelles d’ un patient. Mes collègues trouvaient que cela ne posait pas de problème et aucun d’ eux n’ avait de réticence. Au deuxième niveau, le thérapeute, en tant que témoin et soutien, est présent auprès du patient qui prie. Au troisième niveau – c’ est le sujet de cet article – le thérapeute accepte

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la pensée et l'action

La prière apporte une possibilité unique d’apaisement et de réconfort, et son pouvoir particulier mérite qu’on prenne parfois le risque de prier dans un cadre thérapeutique.

de prier avec le patient et de parler de la dimension spirituelle de ce moment. La question qui nous intéresse est celle-ci : le patient y puisera-t-il une aide ? Les collègues prêts à prier pendant une séance de thérapie reconnaissent que c’ est un puissant moyen d’ être en lien avec le patient et une très bonne occasion de valider ses ressources personnelles. Notre code déontologique stipule que les psychologues doivent connaître et respecter les différences culturelles, individuelles et de rôles – concernant l’ âge, le sexe, l’ identité de genre, la race, l’ origine ethnique, la culture, la nationalité, la religion, l’ égalité des chances,

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le handicap, la langue, le statut socio-économique – et prendre en compte ces facteurs dans leur pratique. Un autre critère important est celui-ci : est-ce le patient qui demande à prier avec le thérapeute ? Car, sur le plan éthique, l’offre ne doit pas venir du thérapeute qui imposerait ainsi une opinion ou un code moral personnels. Dans le cas de Candace, décider de prier ensemble relevait de la reconnaissance et du respect de son identité culturelle et religieuse. Je crois que la prière apporte une possibilité unique d’ apaisement et de réconfort, et son pouvoir particulier mérite qu’ on prenne parfois le risque de l’ inclure dans le cadre thérapeutique. Pendant les moments de vulnérabilité, l’ heure n’ est pas aux jugements ni aux critiques ; on doit au contraire mettre l’ accent sur les forces vives, la persévérance et le sens. Vers la fin de notre rencontre, Candace a souri et m’a surpris par sa demande directe : « Voulez-vous dire une prière avec moi ? » C’ était vraiment une question de solidarité, un moment très important pour elle. Alors, en tenant la main de Candace, j’ ai prié.


Une pause… Comment se détendre ? Asseyez-vous confortablement et fermez doucement les yeux. Commencez par les orteils. Remuez-les. Maintenant, sentez qu’ils se détendent… Détendez vos chevilles et vos pieds… Sentez l’énergie qui monte de la terre… de vos pieds jusqu’à vos genoux, et qui détend les jambes… Détendez les cuisses… L’énergie monte le long des jambes… et les détend. Maintenant détendez profondément vos hanches… votre ventre… et votre taille… Détendez votre dos… Votre dos entier est détendu, du haut jusqu’en bas… Détendez votre poitrine et… vos épaules. Sentez simplement que vos épaules fondent… Détendez le haut de vos bras… Détendez chaque muscle de vos avant-bras… vos mains… jusqu’au bout des doigts… Détendez les muscles du cou… Portez votre attention sur votre visage… Détendez les mâchoires… la bouche… le nez… les yeux… les lobes des oreilles… les muscles du visage… le front… jusqu’au sommet de la tête. Sentez que tout votre corps est maintenant complètement détendu… Dirigez maintenant votre attention sur votre esprit, vous sentant profondément détendu à l’intérieur… Respirez calmement... Laissez votre esprit se relâcher. Déplacez votre attention vers le cœur… Émettez tranquillement l’idée que la Source de lumière illumine votre cœur de l’intérieur et attire votre attention. Sentez-vous immergé dans l’ amour et la lumière dans votre cœur. Restez dans le calme et le silence et absorbez-vous lentement en vous-même.

www.heartfulness.org



Quel est ce « nous » qui est nôtre ? C’est notre cœur.

RAM CHANDRA DE FATEHGARH


Voici des extraits d’un atelier animé par VÉRONIQUE BRASSELET et EMMA MILESI lors des Journées Heartfulness à la Cité Internationale de Lyon en janvier 2016.

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l'attitude

Se libérer du

stress Le stress est omniprésent dans notre quotidien. Positif (eustress), il nous permet d’être performant ; négatif (distress), il inhibe nos capacités et nous empêche de mener à bien ce que nous entreprenons. Il survient tantôt pour un rien, tantôt pour un événement qui nous paraît important. Il nous envahit d’un coup, nous fait réagir de manière involontaire, parfois même inconsciente.

Différentes sources de stress : 1. Les soucis quotidiens, par exemple rater son bus et arriver en retard, ne pas réussir à finir tout ce qu’on avait prévu de faire dans la journée.

2. Une peur subie mais choisie : parler en public, passer un entretien d’embauche, ne pas être à la hauteur des attentes de nos parents ou des exigences de performance au travail.

Qu’est-ce que le stress ? Etat réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque (Larousse).

Qu’est-ce qui se cache derrière le stress ? Nos peurs. La peur fait partie de notre vie, elle est présente partout. En fonction de son intensité, le stress sera plus ou moins fort, inconfortable, stimulant ou handicapant.

3. Une peur subie et contraignante, voire paralysante : revivre une ancienne blessure qui nous a fait souffrir, comme la peur de ne plus être aimé, d’être abandonné, d’échouer, de décevoir ou de faire de la peine, la peur du jugement et du regard des autres.

4. L’accélération de la vie, la peur de la nouveauté, du changement, de ne pas pouvoir s’adapter.

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attitude

La peur, ou le stress, est un film qu’ on se raconte, un scénario mental qui nous enferme dans une vision étroite du monde, qui nous coupe du réel. Notre interprétation de la réalité la transforme en de fausses

est la survie par une bonne adaptation à l’environnement social. Sous stress, sa priorité est la survie (se défendre ou fuir) ce qui nous prive de notre faculté de penser clairement (ex. syndrome

croyances sur nous-mêmes et sur les autres. Le stress (distress) est le révélateur que quelque chose ne tourne pas rond, il nous pousse à nous questionner : « Qu’est-ce qui me fait stresser ?»

de la page blanche). Par conséquent, sous stress (distress) nous perdons notre capacité de réflexion et les émotions prennent le dessus. Prenons pour exemple un entretien d’embauche : certains auront les mains moites alors que d’autres tourneront les talons à la dernière minute tellement le stress est insoutenable. Lorsque nous gérons notre stress, toutes les fonctions du cerveau restent actives, nous donnant accès à toutes nos facultés. Pour cela, la méditation est d’une grande aide.

Différentes réactions face au stress : Notre instinct de survie nous pousse à agir de trois manières différentes : se défendre, fuir ou rester figé sur place.

Concrètement, le stress agit à différents niveaux :

2. Au niveau physique 1. Sur notre cerveau Le stress cible spécifiquement les aires du cerveau impliquées dans la coordination de la cognition et des émotions. • Le cortex préfrontal joue un rôle de coordintion des fonctions cognitives : il gère les activités intellectuelles comme le langage, la mémoire, la capacité de raisonner, de planifier et d’organiser. Selon le degré du stress on perd plus ou moins ces facultés, ce qui peut engendrer  un manque de spontanéité, la dépression ou un ralentissement psychomoteur (gestuel, verbal, mental). • Le système limbique est le siège de nos pulsions, de nos peurs et de nos colères. Il donne une coloration émotionnelle à chaque information reçue et la classe en agréable ou désagréable (voir encadré ci-contre). Sa fonction essentielle

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Les hormones (adrénaline et noradrénaline) qui sous stress sont libérées dans le sang accélèrent entre autres le rythme cardiaque et la respiration, ce qui stimule le fonctionnement des organes liés au mouvement, favorisant ainsi la fuite ou la défense.

3. Au niveau comportemental et émotionnel Le stress peut entraîner diverses réactions : • • • • • •

Dépendance, jalousie, tendance à l’effacement, voire à la soumission Attitude de recul par crainte de montrer ses faiblesses ou de ne pas être à la hauteur Difficulté à dire non, tendance à fuir les conflits Frein à l’action, à la relation Repli sur soi, tristesse, découragement Compensation (dérèglements alimentaires, boisson, tabagisme)


Comment le cerveau traite-t- il l’information ? Imaginons notre cerveau comme une maison à plusieurs étages. L’information arrive d’ abord dans le cerveau reptilien (instinctif) ; si l’organisme a faim, l’information sera ralentie, freinée, voire bloquée ; si la survie de l’ organisme n’ est pas menacée, l’ information monte à l’ étage suivant, dans le système limbique (cerveau émotif). Celui-ci évalue l’information et la classe en agréable ou désagréable ; dans le premier cas, il la transmet au cortex et on trouve enfin la réponse à son problème de maths ; mais s'il la juge désagréable, l’échec est garanti ! Dans le pire des cas, le système limbique ne laissera pas l'information filtrer jusqu'au cortex… Comment le système limbique évalue-t-il l’information ? Tel un arbitre, il totalise les + et les – ! Chaque pensée désagréable est un –, chaque pensée agréable un +. Prenons l’exemple d’un problème de maths. Si on se dit qu’on est nul en maths, que de toute façon le prof est mauvais, qu’ en plus il ne vous aime pas,  que dans la famille personne n’a jamais été bon en maths, etc., ce sera

chaque fois un –. Si par contre on positive, on fabriquera des +. Imaginons qu’il y ait une porte pour passer du système limbique au cortex. Alors que les + essaient de l’ouvrir, les – font tout pour la fermer. L’équipe la plus nombreuse gagne ! Que fait un entraîneur avant un match ? Il encourage les joueurs en leur disant : « On va gagner ! » (+), « On est les meilleurs ! » (+). Ainsi l’ information passe directement au cortex et l’équipe peut jouer au mieux de ses possibilités. En fait, quand une information est jugée agréable ou très agréable par le système limbique, non seulement le limbique la fait passer au cortex, mais en plus le cortex la traite en urgence !


Exercice en 4 étapes pour se libérer d'un stress Pour cet exercice, nous vous conseillons de vous faire aider par une personne qui vous donnera les consignes.

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Etape 1. Identifier les manifestations du stress Installez-vous confortablement, respirez calmement et fermez les yeux. 1. Remémorez-vous un stress (5 min) 2. Identifiez les sentiments et les émotions qui l’accompagnent : culpabilité, honte, haine, colère, ressentiment… 3. Identifiez les symptômes physiques qui apparaissent : sueur, respiration, mains moites…


attitude

4. Identifiez votre réaction à ce stress (fuite, confrontation, inertie) 5. Notez le niveau de ce stress sur une échelle de 0 à 10 6. Inspirez lentement et profondément par le nez, expirez doucement par la bouche

Etape 2. Reconnaître le stress, le ressentir 1. Reconnaissez-le, verbalisez intérieurement : « je stresse parce que... » 2. Inspirez lentement par le nez, expirez par la bouche 3. Vivez ce stress aussi complètement que possible de manière à l’intégrer 4. Ressentez vos sentiments et vos émotions : culpabilité, honte, haine, colère, ressentiment… 5. Inspirez lentement par le nez, expirez par la bouche

Etape 3. Accueillir le stress, l’accepter 1. Accueillez-le sans jugement, avec bienveillance 2. Inspirez lentement par le nez, expirez par la bouche 3. Acceptez-le, il fait partie de vous a. Quelles sont les sentiments, les émotions qui vous viennent : joie, bonheur, gratitude, compassion... ? (sentiments négatifs transmués en positifs) b. Quelles sont les manifestations physiques : sensation de picotement dans le corps, énergie dans la région du cœur, respiration ? 4. Accueillez ces nouvelles sensations, explorez-les, appréciez-les, amplifiez-les en respirant largement et laissez-les se diffuser dans tout votre corps, sentez la circulation de l’énergie.

voire quelques jours. Si nécessaire recommencez le processus à partir de la 2e étape b. Notez le niveau de stress tel que vous le percevez maintenant sur une échelle de 0 à 10 même si vous avez le sentiment qu’il n’y a pas eu d’amélioration 4. Remerciez-vous pour l’attention que vous vous êtes portée. Une attitude de rejet ou de résistance renforce ce que nous désirons voir partir. Quand nous nous coupons de nos sentiments, quand nous cherchons à prendre du recul, à intellectualiser, c’est alors que nos émotions prennent le contrôle et que nous sommes plus vulnérables aux pressions extérieures. Lorsque nous prenons le temps d’accueillir ce qui se passe en nous, de le reconnaître et d’y mettre des mots, cela permet de le digérer. Nous nous autorisons à vivre ce qui se joue en nous à cet instant-là. Puis, doucement, nous l’acceptons jusqu’à l’intégrer pleinement, pour ensuite le transcender. C’est là un travail indispensable et personnel. Se libérer de nos stress est une forme de maturité et de sagesse.

Etape 4. intégrer le stress 1. Sentez-vous que quelque chose se transforme, se relâche ou circule ? 2. Soyez à l'écoute d'une éventuelle compréhension nouvelle 3. Maintenant, repensez à votre stress : a. Comment vous sentez-vous face à lui ? S’il n’y a aucune amélioration, attendez quelques heures,

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portfolio

Une prière POUR LEUR SURVIE

Quelques photos prises par RAJESH MENON dans les parcs nationaux de l’Inde du Nord.

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porfolio

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e suis né au pays des éléphants, le Kerala. Ici, pas de festivités sans des éléphants magnifiquement décorés. Encore enfant, j’ ai appris que mon grand-père avait été le directeur du zoo local. Je ne l’ai jamais connu, il est mort avant ma naissance. Mais quand j’ ai su avec quel amour il s’ occupait des animaux sous sa responsabilité, il est devenu mon héros. En grandissant, je découvris que c’ était par la force et la contrainte que les cornacs dressaient les éléphants pour les festivals. Que de tortures on leur inflige pour nous procurer ces moments de plaisir ! Le désir de les contempler en liberté, dans leur habitat naturel, a grandi en moi quand je me suis mis à la photographie. A travers mes photos, j’ ai voulu témoigner de leur beauté sauvage, inaltérée. 44

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Mon endroit favori pour les observer, en compagnie de mon ami Sreekumar, se trouve à la frontière du Kerala et du Tamil Nadu, dans la jungle de Sholayar. Les éléphants ne se sont jamais sentis menacés par notre présence et nous ont laissés les approcher, même lorsqu’ ils étaient accompagnés de leurs petits. Quant aux tigres, je les observe dans le parc national Jim Corbett, en Uttarakhand, ou dans le parc Ranathambore, au Rajastan. Et j’aime voir les rhinocéros dans le parc Popithara, dans l’Assam.



L évolution de la conscience 3ème partie – La transmission

Dans notre dernier magazine, KAMLESH D. PATEL décrivait le corps subtil de l’être humain et sa façon d’évoluer, en soulignant l’importance de la pratique de la méditation dans ce processus. Aujourd’hui, il nous fait découvrir le voyage que nous entreprenons pour élargir notre conscience, et le rôle qu’y joue la transmission yogique.


la science de la spiritualité

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n résumé, je rappelle que c’est le corps subtil qui évolue, en conséquence de quoi la conscience évolue à son tour, nous permettant de transformer et dessiner notre destinée. Lorsque le corps subtil est purifié et simplifié, la joie de l’âme rayonne de l’intérieur ; notre conscience peut alors s’étendre et atteindre des états plus élevés, révélant toujours davantage notre potentiel humain.

Plus notre champ vibratoire est pur et simple, mieux nous pouvons observer, investir et explorer tout le spectre du subconscient, de la conscience et du supraconscient.

Dans la deuxième partie, nous avons abordé le processus permettant d’affiner et de purifier le corps subtil pour que notre conscience puisse se développer et évoluer. Plus notre champ vibratoire est pur et simple, mieux nous pouvons observer, investir et explorer tout le spectre du subconscient, du conscient et du supraconscient. A vrai dire, sans ce nettoyage du corps subtil, il n’y a pas de réel voyage intérieur ! Lorsque nous progressons, notre ego s’affine de plus en plus, nous acquérons de la sagesse et nous découvrons le monde du ressenti et de ce qui est au-delà. Tout cela nous est rendu possible par un système de méditation sur le cœur et le nettoyage du corps subtil. Un deuxième processus favorise notre voyage vers des états de conscience de plus en plus élevés. Sans lui, nous ne parviendrions pas à éviter les obstacles, qui sont le lot de tout voyage dans des univers inconnus. Cet élément vital est la transmission yogique, appelée pranahuti dans la littérature yogique, que seul un enseignant de haut niveau a la capacité de transmettre. Nous voyons souvent les enseignants spirituels – les yogis, les mystiques, les saints, les soufis et les chamanes – comme des êtres pleins de sagesse et d’amour. Ils parlent avec sagesse, leurs merveilleuses paroles et leur pensée nous inspirent. Pourtant les mots ne sont pas à eux seuls des catalyseurs de transformation

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intérieure. La sagesse peut nous encourager, nous inspirer un désir de changement et d’évolution, mais elle ne déclenche pas la transformation. L’ amour est transformateur, comme nous le savons par expérience – l’amour peut faire des miracles, tout conquérir, faire tourner le monde. Mais l’amour nécessaire à l’évolution de la conscience est un amour universel qui est au-delà de tout ce que nous comprenons habituellement sous ce mot. C’est là que le rôle de l’enseignant est primordial. L’ effet transformateur de la transmission yogique a été l’un des plus grands secrets mystiques au cours des âges. Ce qui, dans le passé, était uniquement transmis de cœur à cœur par des enseignants spirituels de haut niveau à leurs disciples les plus proches est maintenant accessible à toute l’humanité. Cette évolution nécessite une explication. Anatomie spirituelle fondamentale Dans la première partie de cette série d’articles nous avons parlé des trois corps de l’être humain : les corps physique, mental et causal ; le corps, l’esprit et l’âme ; la matière, l’énergie et l’absolu. Selon la physique aussi, ce sont les trois principaux états d’existence : l’énergie solidifiée en matière, l’énergie en tant que champ vibratoire et l’énergie potentielle dans son état non manifesté. Cela commence à devenir vraiment intéressant quand on comprend que le centre, ou le lien qui unit ces trois corps, est le cœur.1 C’ est pourquoi les scientifiques découvrent actuellement que le cœur est le champ électromagnétique dominant du corps humain.2 De ce cœur vibratoire émanent des courants qui agissent sur la vie matérielle. Certains se dirigent

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L’effet transformateur de la transmission yogique a été l’un des plus grands secrets mystiques au cours des âges. Ce qui, dans le passé, était uniquement transmis de cœur à cœur par des enseignants spirituels de haut niveau à leurs disciples les plus proches est maintenant ouvertement accessible à toute l’humanité.

vers le monde de la matière – nous avons besoin d’énergie pour exister et accomplir des actes sur le plan physique, comme marcher, soulever, jardiner, danser, faire de la gymnastique, etc. D’ autres courants du cœur se dirigent vers la sphère mentale de l’existence : penser, étudier, enseigner, faire de la recherche, résoudre des problèmes, ou toute autre façon de s’ engager dans le champ de la connaissance et de la sagesse. Mais chez celui qui désire une évolution de la conscience, il faut que certains courants du cœur se détournent du monde extérieur pour se diriger vers l’intérieur. On peut aussi l’expliquer ainsi : le flux de pensées que nous recevons sans cesse de l’univers vient du monde cosmique, qui est à l’origine de tout ; le yoga


la science de la spiritualité

Chez celui qui désire une évolution de la conscience, certains courants du cœur doivent se détourner du monde extérieur et se diriger vers l’intérieur… en passant par le côté droit de la poitrine, au point de l’anatomie spirituelle humaine qu’on appelle l’atman chakra, ou point de l’âme. C’est le cœur spirituel de l’être humain.

l’appelle brahmand mandal. Imaginez ce courant qui vient d’en haut et entre par le sommet de la tête dans notre système. Il descend dans le cœur et, chez la plupart des gens, 99% en ressort pour être utilisé dans la vie quotidienne. Quand le voyage intérieur commence, une partie du courant du cœur est détournée vers l’intérieur. Pas tout, car nous devons continuer à vivre dans le monde, nous occuper d’une famille, accomplir un travail, etc., mais suffisamment pour que nous sentions l’attraction de l’âme. Sur le côté gauche de la poitrine, là où se trouve le cœur physique, les courants se répandent à l’extérieur, vers la vie dans le monde. Quand un courant se tourne vers l’intérieur, il se dirige vers le côté droit de la poitrine, au point de l’anatomie spirituelle humaine

qu’on appelle l’atman chakra, ou point de l’âme. C’est le cœur spirituel de l’être humain. Le catalyseur de ce mouvement intérieur est un enseignant de haut niveau, qui utilise dans ce but la transmission yogique. Au fur et à mesure que nous méditons, nous sommes attirés vers l’univers intérieur et nous commençons à l’intégrer à la vie matérielle, si bien que les deux vont de pair. Mais ce mouvement vers l’intérieur peut être une transition difficile. C’est comme passer d’une galaxie à une autre, et le mental se rebelle contre tout changement ! C’est d’abord inconfortable, comme lorsqu’on change de maison, de ville ou de travail, et il faut un temps d’adaptation. C’est le premier obstacle dans notre voyage vers l’expansion de la conscience. Si nous parvenons à le franchir, nous avons gagné la première bataille ! Nous pouvons alors entrer dans une sphère d’ un autre type de conscience humaine – celle de la paix et du calme immenses du point de l’ âme. …Mais ce n’est là que le début de notre voyage. Dans la quatrième partie, nous explorerons plus en détail la façon dont notre mental nous maintient prisonnier des préoccupations de ce monde qui étouffent l’expansion de la conscience, et nous verrons comment y faire face par la pratique spirituelle.

1 Ram Chandra de Fatehgarh, Vérité éternelle, 2015, Shri Ram Chandra Mission, Inde 2 Recherche de HeartMath, Paul Pearsall et al.

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Calme

SANTOSH SREENIVASAN

Le calme manifeste la profondeur. La force. La concentration. Le calme renferme un potentiel qui attend de s’exprimer. Pensez au calme du pianiste virtuose avant qu'il ne commence à jouer. Ou à celui du coureur olympique juste avant le signal du départ. Le calme est tellement vital à l’effort humain, et pourtant si difficile à atteindre pour la plupart d’entre nous.


spiritualité

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usqu’ ici, j’ai observé trois niveaux de calme dans la méditation Heartfulness. D’abord, je parviens à donner à mon corps une posture calme et stable. Je me rends compte à quel point mes muscles sont sans cesse en mouvement. Même mon sommeil est parfois agité. En diffusant ce premier niveau de calme au niveau physique, la relaxation Heartfulness me prépare à la méditation. Elle me permet d’être en éveil et dans l’instant. Une fois que le corps est calmé, je sens l’activité du mental. Il organise, résout, comprend, analyse. Non seulement une chose à la fois, mais plusieurs en même temps ! Il est comme une gare débordante d’activité. Alors, avec mon attention doucement tournée vers le cœur, les vagues un peu houleuses du mental se lissent en ondulations plus régulières. Tandis que mon attention se laisse attirer vers le cœur, mon mental se calme. Une nouvelle fenêtre s’ouvre. Je perçois une autre sphère d’activité, celle de mon identité. Elle se trouve sous les pensées et le bavardage du mental. Quelque chose à l’intérieur de moi se tend, désire, demande intensément à devenir, cherche à s’exprimer. Dans certaines méditations, lorsque je parviens à m’harmoniser avec la transmission yogique déversée dans mon cœur, un calme profond s’installe, avec un sentiment d’acceptation totale. Cela semble tellement naturel, tellement parfait. Les choses sont telles qu’elles devraient être. Je me sens reconstitué, rafraîchi. On dirait que c’est là que la véritable méditation commence. De nombreux niveaux d’un calme encore plus profond doivent nous attendre… à nous de les découvrir !


Le cube de glace

& L'OCEAN


spiritualité

Responsable en chef du marketing de produits chez Google, GOPI KALLAYIL pratique le yoga avec passion et nous parle de la façon dont il peut nous aider à vivre dans notre société hyperactive.

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e but du yoga est contenu dans la signification de ce mot, et je trouve très beau que « yoga » se réfère ainsi à lui-même – notre groupe d’étudiants férus d’informatique dirait qu’il est « récursif ». En sanscrit « yoga » signifie simplement relier, ou parvenir à l’union. Relier quoi ? Relier la conscience individuelle à la conscience universelle. Ou relier notre sentiment d’être soi à quelque chose de plus grand que nous, peu importe son nom : source, énergie, conscience, univers, Dieu, Brahman. Selon la philosophie yogique, le but du yoga, qui est en fait le but même de la vie, est de parvenir à cette union. Pourquoi cela importe-t-il ? Pourquoi nous en préoccuper ? La philosophie yogique nous explique qu’une grande partie de nos problèmes – souffrance, manque d’harmonie, déceptions – vient du sentiment d’être séparés, d’une fausse identification et d’une sensation de limitation. J’ai souvent entendu parler de cela dans des cours et des conférences, mais il m’a fallu des années de réflexion avant de commencer à comprendre l’essence de cette sagesse. Pour l’expliquer le mieux possible à mes étudiants, j’utilise l’analogie d’un cube de glace. Un cube de glace est un morceau de matière solide translucide, à une température de zéro degré,

composé de molécules d’ eau gelée et dont la forme est spécifique. S’ il pouvait parler, il dirait quelque chose comme : « Salut, je m’ appelle Glaçon Frisquet et j’ appartiens à l’espèce des cubes de glace. Je mesure 3 cm3, ma température est toujours de zéro degré, je suis un peu translucide, et je ne change ni de forme ni de dimensions. Si vous faites monter la température, je vais me mettre à fondre, à pleurer… mais non, c’est pire ! je vais mourir ! » Si vous montrez au cube de glace l’eau qui coule dans l’Amazone ou une bouffée de vapeur qui s’élève pour devenir nuage, il répondra : « Je les envie, mais je suis tout à fait incapable de couler comme le

Il faut relier notre sentiment d’être soi à quelque chose de plus grand que nous, peu importe son nom : source, énergie, conscience, univers, Dieu, Brahman. Novembre 2016

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spiritualité porfolio majestueux fleuve Amazone ou de flotter librement comme ce nuage blanc. Ce ne sont pas les propriétés intrinsèques d’un cube de glace. Je ne pourrais jamais prétendre à cette absence de forme, à cette fluidité. » La philosophie yogique soutient que nous sommes dans le même état que le cube de glace. Nous sommes garrottés, limités par notre identification erronée à notre moi restreint et à ce qui l’accompagne. Nous nous définissons par notre travail, notre corps, notre fortune, nos possessions, notre environnement et notre statut social. Ce sont eux qui nous donnent notre sentiment d’identité et, ce qui est plus tragique, nous enferment dans ce piège. C’est ce qui nous mène au sentiment de séparation. Nous voyons les gens autour de nous comme des êtres distincts et séparés de nous. Leur job, leur corps, leur fortune, leurs possessions, leur environnement et leur statut social sont différents des nôtres. Ce sentiment d’être séparés nous pousse à faire des comparaisons qui sont source de malheur et de souffrance, et qui engendrent la jalousie, la cupidité, le désir de posséder et pour finir la rage. Or si nous jetons le cube de glace dans la baie de San Francisco depuis le Golden Gate Bridge, il disparaît à l’ instant. Il a perdu son identité restreinte en se fondant dans le vaste océan Pacifique. Mais il ne s’agit pas seulement de l’océan Pacifique. La notion d’ océan séparé est une distinction artificielle établie par les humains. En réalité, tout le réseau océanique qui recouvre 70 % de la planète n’est qu’une grande masse d’eau interconnectée. Le cube de glace qui était limité par son existence physique est devenu tout ce réseau océanique. Il est immense et porte en lui davantage de formes de vie qu’il n’y en a sur terre. Il est si vaste que par endroits sa profondeur est supérieure à la hauteur du Mont Everest et que de gigantesques pétroliers flottent à sa surface comme de petits bouchons. Le cube de glace a découvert son potentiel infini, son pouvoir et ses possibilités. Mais ça n’est pas tout. Les molécules qui étaient celles du cube de glace peuvent s’évaporer à la surface de l’océan et faire

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La sagesse traditionnelle, les voyages, les interconnexions possibles grâce à Internet sont autant de portes qui nous ouvrent un espace où, comme le cube de glace, nous pouvons nous fondre dans le vaste réseau protéiforme de l’eau, et échapper ainsi à notre sentiment d’être séparés et limités.


partie d’ un immense nuage. Et là on voit s’accomplir un parfait miracle : une masse d’eau de mille tonnes flotte sans peine dans le ciel. Le cube de glace vogue maintenant sans effort à 3000 mètres d’altitude malgré son poids stupéfiant. Tout comme il peut passer soudain de l’état de vapeur à l’état liquide, se déverser sur terre et finir par devenir de l’eau qui coule dans l’ Amazone. Ce même cube de glace qui niait avoir quoi que ce soit en commun avec la rivière, voilà maintenant qu’ il en fait partie en changeant à nouveau de forme. La philosophie yogique affirme que notre condition humaine est à l’image de celle du cube de glace. Nous nous piégeons dans notre propre définition de nos limites alors que nous pourrions avoir accès au vaste potentiel qui existe en nous et autour de nous. Comme l’a écrit Marianne Williamson, « nous nous demandons : “qui suis-je pour me montrer brillant, splendide, talentueux, fabuleux ?” Et pourquoi ne le

seriez-vous pas ? Vous êtes un enfant de Dieu. Vous ne rendez pas service au monde en vous diminuant. » C’ est notre sentiment de séparation qui nous incite à la méfiance et à l’ antipathie quand « l’autre » est différent par son ethnie, sa nationalité, son orientation, son statut socioéconomique, ses privilèges supposés, ses croyances religieuses, ou toutes sortes d autres attributs. C’est ce sentiment de séparation qui nous apporte d’autres formes de souffrance, lorsque nous faisons des comparaisons sur la base de leur fortune, leur beauté, leur succès, leurs possessions, et d’une interminable série de scénarios que nous nous sommes mis en tête. La sagesse traditionnelle, les voyages, les interconnexions possibles grâce à Internet sont autant de portes qui nous ouvrent un espace où, comme le cube de glace, nous pouvons nous fondre dans le vaste réseau protéifome de l’eau, et échapper ainsi à notre sentiment de séparation et de limitation.

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Chaque méditation est une histoire d'amour.

PARTHASARATHI RAJAGOPALACHARI



Dans ces instants, il semble que l’on pénètre soudain dans un autre espace, qu’on soit pris dans quelque chose de plus grand que soi, immergé dans la sérénité, l’harmonie.

La pierre

philosophale NEGIN MOTAMED

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i vous aviez un génie à disposition, quel serait votre souhait ? Une villa aux Iles Canaries ? Une Lamborghini ? Des vacances de rêve ? Ou quelque chose de plus durable : un compte bancaire intarissable qui vous garantirait éternellement un haut niveau de vie, incluant toutes ces choses et bien d’autres ? Ou peut-être la beauté ? Ou encore l’homme ou la femme de vos rêves, votre parfait compagnon, celui ou celle avec qui vous pourrez vivre heureux ?

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Arrêtons-nous un instant sur ces mots avec lesquels se terminent tous nos contes de fées : « Ils vécurent heureux… » Chacun n’ a-t-il pas le désir de trouver ce bonheur ? N’ est-il pas le moteur de toutes nos entreprises ? Car c’est bien le bonheur que nous cherchons, quand nous courons après une carrière, des loisirs, des relations, des possessions, de l’argent ! Le bonheur… comment le définir sans le confondre avec ses moyens ? Est-on heureux grâce à l’argent, au


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bébé dans vos bras ? Ou, très simplement, comment vous sentez-vous après un bon repas entre amis, dans un cadre agréable ? Dans ces instants, il semble que l’ on pénètre soudain dans un autre espace, qu’on soit pris dans quelque chose de plus grand que soi, immergé dans la sérénité, l’harmonie. Le monde est en équilibre parfait, nous sommes où nous devons être, dans la plénitude du

luxe, aux mets exotiques, à la relation idéale, à une vie de famille, des enfants ? On peut avoir tout cela, et ne pas être heureux… Plutôt que mettre tant d’énergie à poursuivre les moyens de l’atteindre, pourquoi ne pas nous concentrer sur notre but ? Pourquoi ne pas viser directement le bonheur ? Mais que visons-nous, en fait ? Comment définir ce but, s’il n’est pas tout ce que nous venons d’évoquer ? Où se trouve-t-il ? Quelle est l’essence du bonheur ? Pour mieux appréhender ce que nous cherchons vraiment, rappelons-nous notre état d’âme dans des moments particuliers : qu’avez-vous ressenti à l’instant de vos retrouvailles avec un être cher dont vous étiez séparé ? Comment vous êtes-vous sentie lorsque pour la première fois vous avez tenu votre

moment présent, reconnaissant d’être là, sans désir d’un « plus » ou d’un « ailleurs ». Nous avons pénétré dans l’espace du cœur. Nous pensions devoir poursuivre le bonheur. Et voilà que sa source est là, en nous, dans notre cœur, accessible à tout instant, prête à nous inonder de ces sentiments de joie, de complétude et d’harmonie. Mais comment accéder à ce lieu, si proche et familier, et pourtant si discret que son rôle reste caché à la plupart d’entre nous ? Comment entrer dans cet espace, non seulement ponctuellement, le temps d’un instant magique, mais de façon permanente ? La logique et l’expérience disent toutes deux que le moyen d’atteindre une chose simple doit être simple. Et la façon simple d’accéder à notre cœur, c’ est de devenir sensible à sa présence, de développer notre attention à ses manifestations, de l’écouter, de nous laisser guider par lui. Comment y parvenir ? La méditation quotidienne, une activité à première vue passive, est en fait le moyen le plus puissant et le plus subtil pour explorer ce monde inconnu. En nous mettant à l’unisson avec le cœur, en nous plongeant jour après jour dans son espace, nous nous transformons et nous nous découvrons dans notre vraie nature : la joie. En nous invitant à ce processus, Heartfulness nous fait cadeau de la pierre philosophale : le moyen de transmuer en or – en joie – chaque instant, chaque expérience. C’ est l’alchimie miraculeuse de la plongée dans le cœur.

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L'Art de lever le pied Thérapeuthe Feldenkreis, ancien triathlète, EDWARD YU pratique l'art du bagua et du taï-chi. Conseiller en fitness, il s'est spécialisé dans la récupération de la mobilité et la prévention des blessures. Ce grand connaisseur du corps en mouvement nous parle de la joie de se mouvoir dans l'espace et d'apprendre de nouvelles techniques.

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le goût de la vie

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a formation et mon parcours dans le domaine du mouvement et du fitness m’ont permis de découvrir, sans doute naïvement, à quel point le mouvement peut donner de la joie. Une autre source de joie est l’ apprentissage. Le fait d’apprendre et de s’améliorer procure une joie profonde. C’ est ce qu’ une discipline peut révéler. Que vous appreniez le tennis, le taï-chi ou le swing, l’envie d’ apprendre vous aide à progresser, parce que vous ne cessez jamais d’ apprendre. Le désir d’apprendre est une qualité essentiellement humaine, en grande partie faite de curiosité. C’ est l’envie de plonger dans l’ inconnu. Et il y a de fortes chances pour que ce processus d’apprentissage vous procure du plaisir. Certains aspects peuvent paraître fastidieux au départ ou peut-être difficiles, en particulier dans une discipline épuisante comme la boxe ou le judo de compétition. Mais, même dans ce cas, on en tire un enseignement sur soi-même : que l’on peut réussir à faire quelque chose dont on ne se pensait pas capable auparavant. J’ ai grandi à l’ombre de l’injonction passe-partout « C’est en pratiquant qu’on se perfectionne », que je suis tenté de transformer en « C’est en pratiquant qu’on se névrose ». Ce n’est pas totalement vrai, mais d’après ce que j’ai pu observer, ce qu’on entend en général par pratiquer pour se perfectionner est une simple répétition, on accomplit la même chose encore et encore. Ce qui va à l’encontre de la pleine conscience. Prenez cette grande légende du judo, Trevor Leggett, un des plus grands judokas occidentaux des années 40 et 50. Ce qui était intéressant chez lui c’est qu’ il ne faisait jamais deux fois la même chose. Selon sa philosophie, il ne faut pas essayer de dominer quelqu’un d’autre. Il a même raconté, lors d’une conférence publique, que lorsqu’ il était devenu très fort dans la maîtrise d’ une technique, son sensei, son enseignant, ne lui permettait pas de la réutiliser.

Plus pleinement vous vous mettez en phase avec vos capacités sensorielles, plus ce que vous percevez, apprenez, absorbez et analysez du monde extérieur s'élargira. Quand j’ y pense, j’en ai des frissons. C’est si simple, si brillant. Cela veut dire que vous devez faire autre chose. Aussi les maîtres, qu’il s’agisse de judo, de peindre des paysages, ou de mathématiques, sont toujours en recherche. Il paraît qu’ Einstein écrivait des équations sur son lit de mort. Ça en dit long sur l’homme et sur son envergure. Il existe sur Youtube une magnifique vidéo de Mike Tyson s’entraînant avec Kevin Rooney, son coach de l’époque. On peut y voir Rooney l’arrêter et lui dire quelque chose. On voit alors Mike Tyson ralentir, faire quelques mouvements, le temps de traiter cette nouvelle information, avant d’accélérer de nouveau. Tout le monde fait ça. Vous aurez beau avoir gagné le prix Nobel de l’année, si vous devez aborder quelque chose de nouveau, il vous faudra ralentir. Si vous êtes attentif à votre respiration, par exemple, et si vous commencez à observer comment vous respirez – si vous le faites là, tout de suite – vous verrez qu’en étant attentif à vous-même vous le serez davantage au monde extérieur. Vos capacités sensorielles, votre aptitude à sentir, à ressentir, sont l’interface entre vous et le monde extérieur. Plus pleinement vous vous mettez en phase avec vos capacités sensorielles, plus ce que vous percevez, apprenez, absorbez et analysez du monde extérieur s’élargira.

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le goût de la vie

LEÇONS DU JARDIN

L' impermanence DU BROCCOLI

ALANDA GREENE explore la nature de l’impermanence et de la permanence en observant les cycles de croissance et les stades de développement de l’humble brocoli.

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e prélève de tout petits plants de brocolis qui ont poussé en rangs serrés dans un grand bac pour les transplanter dans des godets à quatre compartiments. Ils ont une paire de feuilles en forme de cœur d’un profond vert cendré, et ce qu’on appelle les « vraies » feuilles commencent tout juste à émerger entre les deux. Ils continueront à grandir dans ces godets jusqu’à ce que la température extérieure permette de les planter dans le jardin. J’ai beau avoir semé tant de fois les minuscules graines noires et rondes, je m’émerveille toujours

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devant le miracle de voir surgir les petits boutons verts qui vont s’ouvrir en paires de feuilles en forme de cœur, et devenir une tête composée de magnifiques bouquets perlés que je mangerai. Quand je n’ai pas récolté les brocolis au meilleur de leur forme pour les cuisiner ou les congeler, ils se métamorphosent en fleurs d’un jaune délicat, attirant des myriades d’abeilles qui bourdonnent joyeusement. J’en coupe une bonne partie et les jette par-dessus la clôture pour les biches qui aiment particulièrement ces fleurs. Les plantes qui restent continuent à se transformer


J’ai beau avoir semé tant de fois les minuscules graines noires et rondes, je m’émerveille toujours devant le miracle de voir surgir les petits boutons verts qui se transformeront en paires de feuilles en forme de cœur, pour devenir une tête composée de magnifiques bouquets perlés que je mangerai. Novembre 2016

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jusqu’à ce qu’apparaissent, au centre de ce qui était

notre corps. Suis-je un brocoli sous forme humaine ?

des fleurettes de brocolis, des petites graines noires ressemblant à des perles. Comme les biches et les abeilles, je prends plaisir à ce processus, il m’impressionne. Le brocoli a tant de façons de se présenter au monde. D’habitude ce mot évoque des images de sauté de légumes d’un vert brillant, ou d’amuse-gueules croquants parmi d’autres crudités. Et pourtant ces petits plants que je regarde aujourd’hui, avec leurs tendres feuilles en forme de cœur, sont déjà des brocolis. Les nouvelles feuilles à venir seront aussi des brocolis. Et les têtes qui grossiront cet été représenteront une phase de plus dans le processus de croissance et de transformation de ce qu’est un brocoli. Les tiges de brocolis sont résistantes et lentes à se décomposer. Mais pour finir, bien que cela prenne plus de temps que pour les feuilles enterrées l’automne précédent, elles disparaîtront complètement, mastiquées et digérées par les vers, les insectes et les bactéries ; elles deviendront de la terre, et ne seront plus reconnaissables. Je me demande en fait si cette terre-là n’est pas une forme invisible du brocoli. Bien qu’elle n’ait pas son apparence, elle procure les nutriments qui permettent aux minuscules graines de grossir, de se développer et de faire surgir de délicates feuilles en forme de cœur. Sans cette terre, les graines n’évolueraient pas selon ce processus. Où donc se termine le brocoli et où commence la terre ? Les fleurettes dodues qui garnissent nos assiettes nous offrent leurs nutriments et sont assimilées par

Une partie du brocoli est devenue mon corps… En observant ce processus, je ne peux m’empêcher de me questionner sur la façon dont je vois, à tel ou tel moment, ma propre identité et celle des autres êtres vivants. Mon corps, comme celui du brocoli, change sans arrêt. Mes pensées voltigent, vont et viennent, voyagent, même quand je fais mon possible pour me détendre et les ramener au calme. Mes émotions sont une rivière en perpétuel changement. Une photo sur le mur donne une version de moi à six ans dont la ressemblance avec moi six décades plus tard est à peine visible, si elle existe. Qui est ce moi, où se trouve-t-il, dans ce voyage de la naissance à la mort ? Et quel est le « véritable moi » qui existe ? Mon corps est pris dans un grand cycle que j’appelle croissance et dégradation. L’air que je respire contient des molécules d’eau qui ont circulé sur terre depuis des millénaires. Et qu’en est-il de mon esprit ? De ce sens du moi, de cette impression qu’il y a dans mon corps quelqu’un qui est moi, et non pas la biche qui croque des fleurs de brocolis au fond du jardin ? Ce sentiment d’identité est-il une illusion ? Est-ce que toute chose est un cycle en perpétuel changement ? Ces questions portent le souvenir d’enseignements qui parlent de la nature illusoire de l’existence, qui nous rappellent la condition d’ impermanence. Une chose existe à un moment donné, mais sa forme n’ est pas durable, elle se modifie sans cesse. Le brocoli que j’ ai transplanté hier a déjà changé d’ apparence. Il est

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dans sa nature de grandir, mais il est tout autant dans

Dans le jardin, les pétales tombent des cerisiers

sa nature de se décomposer quand vient cette phase du cycle. Et il en va de même pour moi. Je sais pourtant qu’il y a en moi, comme dans le brocoli et dans les autres formes, une conscience qui demeure constante et qui guide ce processus de changement. Je sais aussi que je ne peux pas réduire cette conscience à un temps, un lieu ou une forme. Je me souviens de l’ancien enseignement yogique : Je ne suis pas mon corps, je ne suis pas mon esprit, je ne suis pas mes émotions, je suis la Lumière éternelle. Quand je pratique le hatha yoga, j’ai tendance à identifier la posture à une certaine position, à me voir dans une posture à un moment donné dont je ressors ensuite, comme si cette posture était le but. Mais c’est tout le processus qui est une « posture », et non pas telle position qu’on adopte et quitte pour passer à la suivante. C’est tout le processus qui est le yoga. Il vise à nous rendre pleinement conscient du moment présent. Puis du suivant. En flux continu. Dans ce processus de « maintenant » intemporel, je peux sentir la conscience qui ne change pas au cours de l’incessant changement. Je comprends mieux ce qu’ont dit tant d’enseignants : toute la vie est un yoga. Je me souviens que je me suis engagée dans une pratique yogique pour l’appliquer au quotidien, pour être consciente et présente dans toutes mes actions, d’instant en instant, en un flux continu. C’est ainsi qu’on renforce le souvenir et la conscience de ce qui est durable et sans limite.

comme de gros flocons de neige. Je me rappelle avoir assisté au Japon à la contemplation des cerisiers en fleurs. C’est une célébration populaire où l’on admire la floraison parfaite qui mènera à la chute des pétales ; où l’on reconnaît en toutes choses le flux du changement, en lui rendant hommage. La vie est une succession de relations de cause à effet. Cet aspect transitoire est poignant, il m’émeut. Les fleurs produisent de minuscules embryons de fruits qui grossissent, passent du vert au rouge, sont digérés dans des ventres ou dans la terre. La graine cachée dans le fruit recèle le potentiel d’un nouvel arbre, de floraisons, de fruits, de graines. C’ est ce même enseignement que me transmettent ces petits plants de brocolis, avec leurs feuilles en forme de cœur, et la lumière cachée qui guide leur transformation. Les brocolis de l’an passé ont été digérés dans mon corps, ils se sont transformés en un humain. Ceux de cette année passeront par de nombreuses formes. Grâce à eux, j’entrevois la nature de l’impermanence, et je perçois cette unité qui ne change pas. En continuant à transplanter les pousses, je participe au processus permanent de changement et de souvenir.

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le goût de la vie

Ces fleurs fabuleuses Depuis des millénaires, les fleurs ont été utilisées pour guérir les maladies. Dans les années 1920, un médecin londonien décida d’en étudier systématiquement et scientifiquement les propriétés médicinales, et ses découvertes ont donné naissance à des remèdes bien connus aujourd’hui sous le nom de Fleurs de Bach.

L

e Dr Edward Bach étudia la médecine à l’University College Hospital et obtint un diplôme en santé publique à Cambridge. Il travailla dans ce même hôpital en tant que chirurgien et médecin urgentiste. Il exerça aussi au National Temperance Hospital et pratiqua en cabinet pendant plus de vingt ans à Londres, à Harley Street, comme médecin et bactériologiste. Il mena des recherches en immunologie et en homéopathie et rejoignit en 1919 les laboratoires du Royal London Homeopathic Hospital, où il mit au point sept nosodes bactériologiques homéopathiques. Au cours de toutes ces années il acquit de solides compétences de chercheur scientifique.

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Etant d’avis que les maladies résultent souvent d’une disharmonie entre le corps et l’esprit, il quitta Londres en 1928 pour chercher une nouvelle façon de les guérir à l’aide de plantes. Il travailla à la campagne, au Pays de Galles et en Angleterre, et en 1932, il avait déjà trouvé douze remèdes pour traiter les nombreux patients qui faisaient appel à lui. En 1933, il découvrit un second groupe de remèdes, qu’il appela les sept aides ou auxiliaires. Un an plus tard, il s’installa dans l’Oxfordshire, et c’est là qu’il trouva, au bord des chemins et dans les champs, les dix-neuf remèdes qu’il lui fallait pour compléter la série. Son approche était pratique et expérimentale. Comme lui-même souffrait des états émotionnels


Tant que nos personnalités et nos âmes sont en harmonie, tout est joie et paix. C’est lorsque nos désirs matériels ou la persuasion des autres détournent nos personnalités du chemin tracé par l’âme qu’un conflit survient. Edward Bach qu’il cherchait à traiter, il testait différentes plantes et fleurs sur lui-même, jusqu’à ce qu’il trouve celle qui pouvait l’aider. Avec le temps, il abandonna la méthode scientifique qu’il avait toujours utilisée et choisit de se laisser guider par son intuition. Il trouva un par un les remèdes correspondant à tel ou tel état mental ou émotionnel. Sa vie suivait le rythme des saisons : au printemps et en été il récoltait les fleurs et préparait les remèdes, en hiver il aidait et conseillait gratuitement tous ceux qui venaient le voir. Il découvrit que, lorsqu’il traitait les états mentaux et les émotions de ses patients avec ses remèdes floraux, leur souffrance disparaissait, et leur potentiel naturel de guérison se débloquait et se remettait à fonctionner. Les Fleurs de Bach sont maintenant utilisées dans le monde entier. En voici quatre exemples, accompagnés d’une description par le Dr Bach des symptômes traités par chacun de ces remèdes.1

Clématite « Personnes rêveuses, somnolentes, pas complètement éveillées, sans grand intérêt dans la vie. Personnes

calmes, pas vraiment heureuses dans leur situation actuelle, vivant plus dans le futur que dans le présent, en espérant vivre mieux quand leurs idéaux se réaliseront. Lorsqu’elles sont malades, certaines font peu ou pas d’efforts pour guérir, se réjouissant même parfois de mourir, dans l’espoir de vivre des temps meilleurs, ou de revoir un être cher qu’elles ont perdu. »

Orme champêtre « Personnes qui font du bon travail, suivent la vocation de leur vie dans l’espoir de faire quelque chose d’important, souvent pour le bien de l’humanité. Elles peuvent connaître des périodes de dépression, quand elles sentent que la tâche qu’elles ont entreprise est trop difficile et dépasse le pouvoir d’un être humain. »

Pin sylvestre « Pour ceux qui se font des reproches. Même quand ils réussissent, ils pensent qu’ils auraient pu faire mieux et ne sont jamais satisfaits des décisions qu’ils prennent. Est-ce que ce remède pourrait m’aider à cesser de me faire des reproches pour tout ? »

Noyer « Pour ceux qui ont des idéaux et des ambitions bien définis et les réalisent, mais qui, en de rares occasions, peuvent se laisser détourner de leurs idées, de leurs buts et de leur tâche par l’enthousiasme, les convictions ou les opinions affirmées d’autrui. Le remède apporte fermeté et protection contre les influences extérieures. »

1

Bach, E, 2011. Les douze guérisseurs et autres remèdes,

version définitive de 1941. Le Centre Bach, Royaume-Uni.


la recette de félicie

LA CUISINE SANTÉ DES 5 SAISONS SE NOURRIR SELON LE CYCLE DES 5 ELEMENTS Félicie Toczé Photographies Francis et Catherine Azémard

L'auteur

Les médecines traditionnelles chinoise et japonaise fonctionnent de manière holistique, posant comme fondement que l’être humain est bien plus que la

Consultante et cuisinière en alimentation saine, Félicie Toczé propose une cuisine végétale, créative et gourmande, inspirée

somme des parties qui le composent et qu’il est un tout indivisible dans sa dimension physique, psychique et fondamentale. Pour le soigner dans ses divers dérèglements, ce type de médecine s’appuie en grande partie sur le cycle des 5 éléments - bois, feu, métal, eau et terre - ou sur le cycle des saisons qui s’y rapporte. La 5e saison est ce que nous appelons parfois été indien. Comme vous le découvrirez au fil de ces pages, chaque élément est également associé à un couple d’organes et à des émotions, ce qui nous permet d’agir sur notre état physique et/ou psychologique grâce à l’alimentation. En comprenant comment nous fonctionnons, nous nous donnons les outils pour nous adapter aux saisons et prendre soin de nous-même et des autres. Cuisiner avec les saisons, c’est aussi être en accord avec la nature qui nous nourrit et nous donne le meilleur de ce qu’elle sait être bon pour nous. La cuisine qui en découle, illustrée par les recettes de cet ouvrage, est créative, savoureuse, riche de sens et de goût. Elle repose sur cet équilibre des éléments, usant d’ingrédients sains et complets.

de ses nombreux voyages et destinée à nourrir tous les sens. Elle enseigne son savoir-faire au sein de cours collectifs ou individuels, et se fait aussi, sur demande, chef ou service traiteur à domicile. Elle poursuit dans toutes ces activités une démarche holistique et défend partout un même credo : rendre l'alimentation saine plus accessible et séduisante. Aux éditions Alternatives, elle est l'auteur de Japonismes (mars 2016).

Nouveauté La cuisine santé des 5 saisons 144 pages / 18x24 cm / 14,90€ Edition Alternatives

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la recette de félicie

Oignons au miso, trio de riz et condiment noix-ail-romarin 2 gros oignons POUR 2 c. à s. bombées LES de miso rouge et doux

OIGNONS

8+8 c. à s. d'eau, de dashi ou de bouillon de légumes

LES OIGNONS Préchauffer le four à 180°C. Eplucher les oignons et les couper en 2 dans la largeur. Choisir un plat dans lequel les oignons seront serrés les uns contre les autres.

Le reste de miso du plat POUR 1 c. à s. d’huile de colza LA SAUCE 1 c. à s. de lait de riz 1 c. à c. de vinaigre de haricots noirs (ou d'un autre vinaigre)

Diluer le miso dans 8 c. à s. d’eau pour obtenir une texture fluide et verser dans le plat. Disposer dessus les moitiés d’oignon, face coupée contre le plat. Enfourner pour 1 demi-heure. Sortir le plat du four, couvrir d’ un torchon épais et laisser reposer 15 min avant de servir. Mélanger les ingrédients de la sauce et en napper les oignons.

50 g de riz glutineux POUR 50 g de riz sauvage LE TRIO 80 g de riz noir neroni DE RIZ

LE TRIO DE RIZ

2 fois leur volume d'eau 1/₂ c. à c. de sel

La veille, faire tremper les différents riz dans l’eau. Le lendemain, cuire 45 min avec le sel. Laisser couvert 10 min hors du feu.

50 g de noix POUR 1 c. à c. d'ail semoule LE CONDIlyophilisé MENT

LE CONDIMENT

1 belle pincée de sel 1 petite branche de romarin frais effeuillée (si possible avec les fleurs)

Réduire tous les ingrédients en poudre grossière au moyen d’un robot ou d’ un moulin à café. Ajouter les fleurs de romarin. Servir ce condiment sur le riz et les oignons. Plus le miso rouge est foncé, plus il est fort, car il est fermenté depuis plus longtemps. A l’inverse, plus sa couleur est claire, plus le miso rouge est doux. Le miso blanc, le plus doux de tous, est peu fermenté comme le montre sa couleur claire.

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Photo Francis AzĂŠmard


Adopte le rythme de la nature, son secret est la patience.

RALPH WALDO EMERSON



LE JEU DU MIRROIR

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Jouons à « je suis toi »!

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planète kids

Tu sais ce qui définit une personne jeune ? Ce n’est pas son âge mais sa capacité à s’émerveiller. On peut jouer à ce jeu quand on n’est que deux à la maison, ou aussi avec beaucoup de monde. Tout en étant très amusant, ce jeu t’apprendra quelque chose de profond qu’il vaut la peine de développer : il t’aidera à mieux comprendre les autres et à augmenter ta vigilance et ta sensibilité à leur égard. C’est comme du mime, mais en plus drôle, car ça se joue à deux, et on rit plus quand on est deux. Avant de commencer, mettez-vous par paire, l’un en face de l’autre. L’un sera l’« original » et l’autre son « miroir ». Trouvez une musique gaie, pas trop rapide, pour pouvoir la suivre facilement. Mettez-vous debout face à face, par paire, mains ouvertes et en l’air. Ne vous touchez pas les mains. Démarrez la musique. L’ original va lentement bouger les mains sur la musique, et l’ami miroir va l’imiter. Tous les deux doivent être attentifs pour que les mouvements soient faciles à suivre et totalement synchrones. Gardez suffisamment d’espace entre vous et votre partenaire pour ne jamais vous toucher en bougeant. Après quelques minutes, le miroir et l’original changent de rôle et le nouvel original commence à bouger. Quand tu étais miroir, comment savais-tu quoi faire ensuite ? Quand tu étais l’original, comment aidais-tu ton partenaire à te suivre ? Recommencez avec une autre musique et observez vos progrès : vous commencez à savoir de mieux en mieux comment diriger l’autre ou le suivre. Vous êtes devenus deux aimants !

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Variations:

Lorsque la musique change, changez de rôles et de partenaires. Pour passer au niveau supérieur, vous pouvez aussi essayer le jeu du miroir, les yeux fermés et en se touchant les mains. Il faudra bien sentir les mouvements de l’autre et les laisser couler librement. Ajoutez du fun : déguisez-vous ou maquillez votre visage et vos mains avec des couleurs et des dessins identiques, comme dans un miroir.

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JOMO LE BRAVE Guy Lemitres

Une semaine avait passé… – Zaïr, raconte-nous la suite de l’histoire de Jomo ! – Ok, venez les enfants, on va se mettre dans ce container, on aura plus chaud. Ah ! il y en a qui n’étaient pas là, la dernière fois ! Vous vous rappelez que Jomo, convaincu d’être lépreux par les gens de son village, a été chassé par eux. Alors il est parti à la recherche d’un endroit plus paisible pour lui. Il a passé en Guinée, il a longé le fleuve Sénégal puis il a atteint la Mauritanie pour finalement arriver à la ville de Nouakchott, entre le désert et l’océan Atlantique. Après un périple houleux en bateau, le long des côtes marocaines, il s’est retrouvé dans un camp de réfugiés à Tarifa, au sud de l’Espagne. Vous vous souvenez, il était si désespéré qu’il s’était mis à méditer, comme il avait vu faire son père. Et une voix, à l’intérieur, lui avait murmuré : écoute la musique de ton cœur ! Jomo sentit une présence et ouvrit les yeux. Une vieille femme se tenait devant lui. Il n’avait jamais vu

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planète kids

une femme habillée de la sorte. Elle portait une jupe ample bariolée, de grandes boucles d’oreilles en forme de lune, et ses yeux étaient bordés de kohl. – Quel est le désir de ton cœur, mon enfant ? Les paroles sortirent automatiquement de la bouche de Jomo : – Mon cœur désire retourner dans mon village et que ça se passe bien là-bas. Qu’on soit en paix les

des bébés. Des infirmières et des aides-soignantes s’occupaient de lui. Elles étaient gentilles, elles l’acceptaient comme il était, sans faire de remarques. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit en sécurité, heureux. Toute cette bienveillance l’apaisa, il se détendit, il n’avait plus peur. Des membres d’associations humanitaires vinrent lui rendre visite, et grâce à eux il apprit à lire. Il se

uns avec les autres, qu’il n’y ait pas de différences entre un blanc et un noir, un Peul et un Bambara, un Bobo et un Dogon. – Tu vois, la lumière revient en toi. Si tu veux préserver ta clarté, conserve précieusement ce désir dans ton esprit : ce sera ton but et il te guidera. Ne te soucie pas des formes que prendra la suite de tes aventures. Garde ton but dans ton cœur et vis au présent. Donne quand tu peux rendre service. Et commence par aller à l’infirmerie du camp… Le lendemain, il se rendit à l’infirmerie et interrogea un jeune médecin sur sa maladie. Celui-ci l’ausculta longuement, sourit et lui annonça : – Tu n’as pas la lèpre, Jomo, juste un bon psoriasis qui n’est ni grave, ni contagieux. Par contre tu as une malformation du pied. – Vous savez je suis né avec, alors je me suis habitué… – Mais ça doit beaucoup te faire souffrir ! – J’ai toujours ressenti cette douleur en marchant, j’ai fini par l’oublier. Pour moi marcher veut dire avoir mal, comme disent les autres, mais pour moi c’est normal. – Écoute, si tu veux, on peut t’opérer et corriger cette malformation. – Ce serait mieux ? – Bien sûr et c’est simple à faire. Jomo accepta et se retrouva à l’hôpital, couché dans un lit dans une grande salle, avec beaucoup d’autres enfants autour de lui, et des couveuses avec

jeta alors sur tous les livres qui traînaient ou qu’on voulait bien lui prêter. Le soir, il aidait l’infirmière de garde à rouler les bandes. A cloche-pied, il allait rendre visite aux plus petits qui n’allaient pas bien. Six mois plus tard, on le retransféra au camp. Il se fit de nouveau un peu maltraiter, mais il avait changé. Il prenait les choses différemment. Il avait appris à répondre, à argumenter, à se défendre parfois, à sourire aussi. Et puis, maintenant, il y avait les livres ! Il pouvait s’échapper tellement loin, grâce à eux, hors du temps et de l’espace ! Un jour, un jeune stagiaire lui apprit à jouer de la flûte et lui fit découvrir la musique. Ce fut un moment incroyable : Jomo comprit qu’il pouvait jouer avec les énergies des sons, et explorer un espace où son cœur et son âme pouvaient enfin s’exprimer ! Quelques semaines plus tard, le jeune médecin revint. Il l’avertit qu’on avait fait pour lui une demande de rapatriement sanitaire dans son pays et qu’elle avait été acceptée. Jomo n’en crut pas ses oreilles… il était fou de joie. Il accepta avec reconnaissance mais aussi avec un peu d’appréhension. Après un voyage sans histoire, il se retrouva aux abords de son village. Comme il ne voulait pas y entrer tout de suite, il alla s’asseoir au bord de la rivière. Deux années avaient passées. Le petit garçon qu’il était avait grandi, mais il ne savait toujours pas comment aborder les gens de son village. Il avait bien compris, pendant son séjour au camp, à quel point il était difficile de faire changer les autres, de leur

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enlever leurs préjugés. Les gens pouvaient s’accrocher si fort à des superstitions ! Il regarda couler l’eau un moment, puis il questionna la rivière : – Comment faire avec ces gens qui me croient lépreux ? J’ai beau avoir compris qu’ils avaient des idées fausses, comment faire pour les persuader ? Je sais déjà qu’ils ne m’écouteront pas. – Alors ? Tu n’avais pas la lèpre, n’est-ce pas, mon garçon ? dit une voix derrière Jomo. Jomo se retourna. C’était un vieil homme chétif, habillé simplement, au regard pétillant et au sourire aimant. Un marabout, pensa Jomo. Le vieil homme, une besace pendue à l’épaule, s’appuyait sur une grande canne. Il s’assit en tailleur en face de Jomo. La bonté de son cœur rayonnait autour de lui. Ses yeux riaient au monde. – Tu veux être totalement rassuré ?

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– J’ai rencontré un médecin dans le camp de réfugiés qui m’a dit que c’était du psoriasis. Ça m’a un peu rassuré. – Fais-moi voir, enlève ta chemise. Oui, voilà ! Tu as toujours quelques croûtes, des morceaux de peau blanche, mais pas de plaies rouges et ça n’est pas infecté, tout va bien. En quelques minutes, ce vieil homme sorti de nulle part lui fabriqua un onguent avec de la boue argileuse de la rivière, mélangée à des feuilles et des fleurs de camomille. – Tu vas enduire ta peau de cet onguent deux fois par jour, et en deux semaines tout aura disparu. Tu es en parfaite santé. Pourquoi craignais-tu d’avoir la lèpre ? Jomo lui raconta les ragots qui avaient empoisonné sa vie au village au point qu’il avait dû s’enfuir.


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– Pauvres gens, dit le vieil homme. Ils t’ont vu lépreux au-dehors parce qu’une partie d’eux-mêmes l’est au-dedans. – Saint homme, pourquoi ne pas venir les soigner comme vous m’avez soigné moi-même ? – Je n’ai ni l’énergie, ni le temps pour ça. Je dois retourner vers la source, dit-il en désignant l’amont de la rivière. C’est mon but et il semble encore lointain. Le vieil homme fit une pause et ferma les yeux. Jomo

criard. Joue parfois comme une pie qui grince. Sois le reflet de leurs propres vibrations, de leurs propres paroles. Puis poursuis ton reflet musical en laissant vibrer ta flûte de notes douces qui viendront de ton cœur. Va, mon fils, aime la vie et la vie t’aimera. Aime Dieu en toi et tu aimeras Dieu en chacun. Aime les gens et les gens t’aimeront. Le vieil homme s’en alla le long de la rivière sans se retourner. Jomo le regarda s’éloigner puis se rendit

eut soudain l’impression qu’il était parti très loin, qu’il n’était plus là. C’était impressionnant. C’est un extraterrestre, pensa Jomo, ou alors il va mourir là, tout de suite. Quelques instants plus tard, le vieil homme rouvrit les yeux. Jomo y découvrit toutes les planètes de l’univers. Il sentit le regard du vieux sage le traverser, pénétrer loin à l’intérieur de lui, voir tout de lui, et même au-delà. Il reprit la parole : – Tu peux leur parler toi-même. Tu as traversé maintes épreuves qui t’ont appris à mieux comprendre l’âme humaine et les comportements compliqués des hommes. Les paroles et les sermons ne serviront à rien. Mais tu peux leur parler sans prononcer un mot.  Il fouilla sa besace. Une flûte lui vint aux doigts. – C’est par la musique que tu toucheras leurs cœurs. Connais-tu l’histoire du joueur de flûte de Hamelin ? C’ est une ville au nord de l’ Allemagne qui, comme ton village, était devenue riche trop vite. Un jour, elle fut envahie par les rats et le Rattenfänger, comme on l’ appelait là-bas, intervint avec sa flûte pour les emmener loin de la ville. Les ignorants pensaient que la flûte était magique parce que, chaque fois qu’il jouait, cela enchantait rats, enfants et animaux. Mais en réalité ce sont les douces mélodies de l’amour qui touchent le cœur des créatures de ce monde. Il n’ y a pas de magie, pas de pouvoir, il n’ y a que la vibration de l’amour. Chaque fois que tu entendras quelqu’un médire, se moquer ou cracher une méchanceté derrière un passant, joue de ta flûte. Joue parfois comme un corbeau

au village où il retrouva sa petite cabane. Aux villageois étonnés de le voir revenir, il raconta son voyage, ses longues marches, toute la misère humaine qu’il avait rencontrée sur les chemins poussiéreux, l’arrivée à la mer, l’attente avant la traversée, puis les longs mois dans le camp. Ils furent gênés de l’entendre affirmer avec aplomb qu’il n’avait pas la lèpre. Mais ils furent encore plus surpris quand, ayant sorti une flûte de sa poche, Jomo se mit à leur répondre par une mélodie, chaque fois qu’ils se mettaient à parler. Ils n’en revenaient pas de l’entendre jouer si bien. Mais surtout, l’écho musical que Jomo donnait à leurs médisances était si malicieux qu’ils s’en trouvèrent tout honteux. C’était comme si leurs pensées étaient chantées en langage d’oiseau encore plus clairement qu’en mots humains. Puis il y avait ces notes si douces et suaves qui suivaient et qui attendrissaient leur cœur… Peu à peu, hommes et femmes cessèrent de se déchirer à coups de paroles pointues. Ils redécouvrirent les joies simples de la vie, se remirent à cultiver leur jardin, à regarder pousser les fleurs, ils s’invitèrent les uns les autres, et chacun s’en trouva content. Jomo qui n’avait pas la lèpre et qui avait ramené la paix dans le village, fut le plus content de tous, évidemment. – Voilà, les enfants, l’histoire de Jomo vous a plu ? – Oui Zaïr, elle était belle, pour finir !

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