Rapport d'étude L3 - L'architecture, L'art de se construire

Page 1


Image page de couverture: Artiste Janus Jurek


Rapport d’études Mélanie Mottier

l'Architecture L’art de se construire

Sous la direction de Théa MANOLA et son suivi Année 2017/2018



La structure de ma pensée ava n t - p r o p o s

p. 2

Introduction

p. 3

PARTIE 1 L’expérience sensible de l’architecture. Chapitre 1

Émotion et Sensation

Chapitre 2

Conscience et perception de l’espace

PARTIE 2 Le savoir au service des émotions

p. 7 p. 8 p. 13 p. 18

Chapitre 3

Ambiance et atmosphère

p. 19

Chapitre 4

Recherche de forme et esthétique

p. 24

PARTIE 3 Le rôle des architectes dans la création du rêve

p. 28

Chapitre 5

L’imaginaire

p. 29

Chapitre 6

Le vécu

p. 34

Conclusion Bibliographie

p. 37 p. 39



avant- propos L’histoire commence il y a plusieurs années, alors que j’étais encore au collège et que je découvrais pour la première fois le mot « architecte ». On me le décrit alors comme étant celui qui crée et imagine les bâtiments. Il est vrai que nous connaissons tous l’architecture, nous la voyons tous les jours, pourtant nous ne sommes pas tous en mesure de la définir. Je ne l’ai rencontrée que très tard, mais dès lors, j’ai voulu en faire mon métier, même si je n’avais pas conscience de tout ce que cela impliquait réellement. Lorsqu’il est venu le temps de choisir les vœux post-bac, je ne connaissais pas l’école d’architecture de Grenoble. Pour tout avouer, je l’ai même découverte au dernier moment et l’ai inscrite dans la liste sans grande conviction. Certains parleront de destin, d’autres de chance, mais je me suis retrouvée à Grenoble, en septembre, sans m’y être réellement préparée. Éloignée du cocon familial et de mes amis pour la toute première fois, les premiers mois passés à Grenoble ne furent pas facile. C’était donc avec une certaine appréhension et beaucoup de curiosité que je me suis lancée dans ces études, dans le but d’apprendre de nouvelles choses et de regarder le monde sous un nouvel angle. À mi-parcours, je peux déjà dire que mes trois années passées à l’ENSAG m’ont changées, tant sur le plan scolaire que sur le plan personnel. Au-delà de découvrir une passion pour ces études, je commence à comprendre tout ce que cela implique d’être architecte. Il est important de comprendre les différentes étapes qui m’ont menée à cette fin de licence pour comprendre ma vision de l’architecture. Avec le recul, je comprends maintenant que mon arrivée à l’école de Grenoble n’était pas due au hasard. Je suis persuadée que nos choix personnels et professionnels ne peuvent pas se nourrir de nos uniques connaissances, mais que notre histoire, notre personnalité, influent directement sur les architectes que nous devenons. 2


Introduction Construire, c’est édifier sa vision au monde, montrer à tous, qui l’on est et se mettre à nu. C’est une poésie entre l’art, la technique et les émotions. L’art comme source d’inspiration, la technique comme moyen de réalisation et les émotions comme quête ultime pour l’architecte. La recherche d’une forme, l’analyse du site ou encore la représentation sont les premiers outils de conception que l’on nous apprend à l’école. J’ai aussi appris à me faire confiance et à laisser parler mon intuition. Il n’est pourtant pas facile de croire en soi. Les années que j’ai passées à l’école ont formé ma personnalité. Les professeurs m’ont poussé dans mes retranchements, pour me permettre de découvrir qui je suis réellement. Au-delà du savoir technique, l’architecte porte le projet en lui pendant plusieurs mois. Son imaginaire, ses rêves et sa personnalité interviennent alors dans la conception du projet, parfois involontairement, pour éveiller chez l’individu des sensations nouvelles. Je pense qu’une architecture est réellement réussie seulement si elle provoque des émotions. Steven Holl a dit « You can’t photograph building. Only people who have been here can experience it. » Je suis convaincue que l’œuvre du concepteur n’est pleinement comprise qu’une fois qu’elle a été exploré. Personne ne peut apprécier une architecture s’il ne l’a pas ressentie, physiquement et émotionnellement. Je pense que la création de l’architecte devient architecture à l’instant précis où elle suscite des émotions. Sans cela, il ne s’agit que de simple bâtiment, comme la plupart des constructions qui nous entourent aujourd’hui.


Ce rapport a pour objectif de définir ma vision de l’architecture. Cependant, lorsque je me demande ce qu’elle est, je ne peux m’empêcher de dissocier cette question d’autres réflexions, telles que « Quelle architecte suisje ? » et plus directement, « Qui suis-je? » Car on ne peut pas considérer l’architecture sans considérer l’homme. Que ce soit l’architecte, ou l’usagé. Je me consacrerai donc dans ce rapport à répondre à la question qui nous est posée, en me préoccupant au mieux de l’être humain dans ma réflexion. La première partie de cette narration est consacrée à l’architecture comme étant une expérience sensible à vivre. La pratique architecturale doit, à mon avis, provoquer des émotions chez l’Homme, en son fort intérieur, pour le faire vibrer. La seconde partie traite de l’aspect plus technique de la pratique, des outils mis à notre disposition pour réussir à toucher l’homme. Je reviendrai, particulièrement dans cette partie, sur certains cours magistraux appliqués de ces trois années de licence qui m’ont permis de comprendre comment mettre en place cette expérience. Aussi, dans un dernier temps, j’aborderai la question de l’architecte en tant personne qui rentre, inconsciemment, en compte dans la conception et le projet.

4



PARTIE 1 L’expérience sensible de l’architecture L’architecture ne se résume pas seulement à l’acte de construire. Elle est une expérience à vivre dans le but de ressentir des sensations nouvelles.

6


C H A P I T R E 1

Emotions et sensations Au cours du studio du semestre 4 de deuxième année, nous devions concevoir un lieu de méditation. Au-delà de cet objectif, mon projet consistait à proposer une promenade introspective dans un bâtiment semi enterré, qui nous menait à découvrir un mur de racine végétal. Celui-ci avait pour symbolique de nous renvoyer à nos propres racines, proposant ainsi aux visiteurs de cheminer vers un travail intérieur. Les émotions et réflexions qui émergent peuvent nous mener alors à une réflexion sur nous-même de notre vie intérieure et notre état de conscience. L’architecture interroge ainsi notre relation au monde.


Dans un premier temps, il est important de définir clairement ce que nous entendons par émotion et sensation. Le terme sensation vient du latin sensatĭo qui signifie « impression produite par les objets sur les sens ». La notion des cinq sens apparaît alors. Dans ce rapport, nous définirons la sensation comme étant ce que l’on perçoit au travers des organes sensoriels : les yeux, les oreilles, la bouche, la peau, le nez et les yeux. Nous considérerions alors que les sensations peuvent être perçues de la même façon par tous. L’émotion, du latin emotĭo, désigne les réactions psycho-physiologiques complexes et intenses. Nous définirons ici les émotions comme étant ce que l’usager ressent au fond de lui-même. Contrairement à la sensation, l’émotion est personnelle et n’est donc pas palpable. Selon moi, l’architecture doit provoquer des sensations dans le but de ressentir des émotions. La recherche d’une sensation devrait être l’objectif premier de l’architecte. J’observe que l’architecture engage un très grand nombre de dimensions sensorielles, probablement plus que d’autres formes d’art. En ce sens, elle est une expérience sensible à vivre. Pourtant, peu d’architectes laissent place au plaisir et aux émotions. La preuve en est si l’on prend l’exemple des cinq sens et plus précisèrent celui du toucher. Comme le souligne Marc Crunelle1, le sens du toucher souffre d’un manque de vocabulaire dans le domaine de l’architecture. Cette carence démontre le peu d’intérêt porter aux sensations. Marc Crunelle répertorie les différents types de toucher en trois catégories, le neutre, l’informatif et le sensoriel. Le toucher neutre est le premier contact de la peau sur la matière. Il s’agit d’un toucher anodin, sans ressenti. Si nous prenons un exemple un peu plus concret, le toucher neutre serait le contact de nos pieds nus sur le sol. Le deuxième, le toucher informatif, permet de définir la matière. Il s’agit de palper pour reconnaître ce que l’on touche. Le toucher informatif serait le contact entre le pied et le parquet. 1

CRUNELLE Marc, 2011, Intentionnalités tactiles en architecture, Jouaville, Ed. Scripta, 96 p. 8


Fig. 1, RCR Arquitectes, Les Cols Pavillions. DĂŠtail de la materialitĂŠ dans la salle de bain. Source: site internet ArchDaily


Enfin, le toucher sensoriel correspond au plaisir de ressentir la matière. Il n’apparaît qu’une fois que l’homme se sent en sécurité dans l’espace qui l’entoure. Suite à cela, ses sens se mettent en éveil. Dans notre exemple, le toucher sensoriel serait le plaisir d’effleurer le bois pour ressentir l’énergie de celui-ci. Toutefois, nous remarquons que peu de personnes sont sensibles aux vibrations de la matière. Cette qualité est particulièrement répandue chez les architectes. Pourtant, ne serait-il pas plus agréable pour chacun de découvrir le plaisir offert par les matières qui nous entourent ? Cette sensibilité permettrait à tous de découvrir le monde sous un autre angle. Le toucher n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, qui permet de démontrer que l’aspect émotionnel de l’être humain est trop souvent délaissé par l’architecte. Selon moi, nos cinq sens devraient être utilisés pour concevoir le projet afin de déclencher différentes sensations. Nos récepteurs corporels sont un outil pour lui afin de sensibiliser l’usager. Juhani Pallasmaa2 parle du rôle du corps dans l’espace. D’après lui, il est le premier outil de perception de l’espace qui nous entoure. Nous pouvons ainsi reprendre ses écrits lorsqu’il dit : « Le rôle du corps comme lieu de la perception, de la pensée et de la conscience (...) ainsi que le rôle des sens pour exprimer, engranger et mettre en œuvre des réponses et des réflexions sensorielles. » Le corps perçoit l’environnement grâce à des récepteurs sensoriels. Ceux-ci sont à l’origine de chacune de nos sensations. J’ai appris au cours de ma première année à l’ENSAG, que notre corps est un guide lors de la conception du projet. Le modulor de Le Corbusier en est l’exemple. Les dimensions de l’homme parfait guident encore beaucoup de concepteurs aujourd’hui. Alors si ce corps est à l’origine de l’architecture, pourquoi n’est-il pas celui qui guide l’individu dans son expérience ?

2

PALLASMAA Juhani, 2010, Le regard des sens, traduit par BELLAIGUE Mathilde, Paris, Edition du Linteau, 99 p. 10


Comme nous l’avons définit précédemment, nos sensations voient le jour grâce aux cinq sens contrairement aux émotions qui ne sont qu’un ressenti personnel. L’Homme perçoit l’espace par ses sens, mais les émotions naissent de son ressenti. Ce dernier est propre à chacun, et différent d’une personne à l’autre. En ce sens, les émotions ont plus d’impact que les sensations, car elles sont subjectives et personnelles. Nous pouvons citer ici le groupe d’architecte RCR : « Architecture is not understood as a treaty of geometry and construction, but rather as the materialisation of a feeling, of a vital instant, of an idea, of that feeling that takes form and value from life. » (RCR, 2017) Ce trio, gagnant le Pritzker Price, a évoqué, lors d’une interview en mars 20173, que l’architecture est d’abord un refuge, mais qu’elle doit maintenant avoir la capacité d’ouvrir et transcender les portes du sensible. Les Cols Pavillions est un hôtel réalisé par le groupe d’architecte en 2005. Le lieu offre une expérience inédite, tout en émotions. Les architectes souhaitaient créer un espace en communion avec la nature dans le but d’offrir de nouvelles sensations. (Fig 1.) Au-delà d’émouvoir l’homme, l’architecture produit un effet sur lui. Les émotions qu’il ressent au travers de celle-ci peuvent l’amener à s’interroger sur ce qu’il vit. Cette réflexion peut le conduire à vivre une expérience nouvelle, le questionnant ainsi sur son état de conscience.

3

Interview du groupe RCR aquitecte avec AFP, Mars 2017, sur le site internet « Le Point culture ».


12


C H A P I T R E 2

Conscience et perception de l’espace Prenons l’exemple du Mémorial de la guerre du Vietnam à Washington que j’ai eut l’occasion de voir lors d’un voyage (Fig 2). Il s’agit d’un mur à longer qui descend sous le niveau de la terre, l’expérience du corps y est ainsi très prononcée. Cependant, ce ne fut pas la conscience de l’espace ou de mon corps qui me mirent les larmes aux yeux. Sur ce mur est écrit tous les noms des soldats morts au cours de cette guerre, ma propre conscience de l’histoire du monde a donc impliqué les émotions que j’ai ressenties. Il est également question de la conscience de l’homme, comme mémoire de guerre. Sans l’histoire et notre passé, cette architecture aurait moins de sens et provoquerait moins d’émotions.


En tant qu’être humain, nous sommes capable de nous mouvoir, de percevoir et de ressentir le monde dans sa globalité et de lui donner sens. Pour la psychologie, la perception permet de recevoir et d’interpréter les informations extérieures, elle renvoi au réel à ce qui est. L’architecture est un moyen de donner du sens au monde en développant sa perception. Nous pouvons évoquer l’idée de Jocelyn Benoist 4 sur le sujet. « Trop souvent, la philosophie de la perception se réduit à l’autopsie désespérée du perçu, souvent lui-même réduit symptomatiquement à la seule modalité du vu. » Cette perception, physique et réel de l’environnement dans lequel il est, peut l’amener à développer sa sensibilité. Par exemple, lorsque nous entrons dans une pièce, nous prenons d’abord conscience de celle-ci avant de toucher, sentir, et quantifier les sensations que génère cet espace. La perception que l’on en fait, nous permet en tant qu’individu de ressentir des émotions. Ce que Jocelyn Benoist signifie dans cette citation, c’est que la perception ne se limite pas seulement à l’un de nos cinq sens. D’autres éléments entrent en compte. La conscience, du latin conscientĭa signifie « avoir connaissance », désigne le fait que chaque personne est une perception d’elle-même dans le monde. Elle évoque l’intériorisation de soi et l’expérience du ressenti. Locke précise, dans l’Essai philosophique concernant l’entendement humain, « la conscience est le concept unitaire qui recouvre la perception des choses, celle du soi comme multiplicité interne de représentations et la continuité temporelle de son existence »5. Nous parlerons alors de la conscience comme étant l’état cognitif par lequel l’être humaine se reconnaît dans le monde. L’Homme est un des rares êtres vivants à être conscient de ce qui l’entoure. Cette conscience, d’être au monde, lui permet de se positionner dans l’espace et de le ressentir. Notre sensibilité est donc, en grande partie, permise grâce à la perception de l’environnement. BENOIST Jocelyn, 2013, Le bruit du sensible, Paris, Les Editions du Cerf, 240 p. Citation extraite de Le Philosophe chez l’architecte de YOUNES C. et MANGEMATIN M. , 1996, Paris, Ed Descartes et Cie. 4 5

14


Selon Nathalie Audas dans Le rôle de l’affect dans l’ambiance ressentie 6, notre conscience est engagée lorsque nous découvrons une architecture. Notre subjectivité apparaît dans ce que nous percevons. Il existe une réelle relation qui unit le lieu à l’individu. Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’être conscient ce qui nous entoure. Une multitude d’informations extérieures à l’architecture entre en compte dans la perception, que ce soit notre vécu ou nos connaissances. Ce qui fait écho en nous qui influence notre interprétation du lieu. La conscience du monde dans lequel nous évoluons peut également entrer en compte. Il est important de relever cette notion de conscience au monde pour comprendre toutes les possibilités que l’homme a pour ressentir l’architecture. J’ai pris pleinement conscience de cela lorsque j’ai visité le Mémorial de la Guerre du Vietnam de Washington ou le Mémorial du 11 Septembre à New-York, comme je l’explique, précédement, dans l’encadré de ce chapitre. En tant qu’être humain intelligent, conscient de vivre et de ressentir des émotions, nous sommes capables d’expérimenter l’architecture sensiblement. Contrairement aux animaux par exemple, qui eux, n’ont pas la conscience de leur place dans le monde physique et sensible. Nous pouvons donc dire, qu’en tant qu’être vivant, nous sommes capable de ressentir des émotions et des sensations. Il est important pour les architectes d’avoir l’envie d’émouvoir les usagers afin de rétablir la magie et la poésie dans ce domaine. Toutefois, nous pouvons nous demander quels sont les outils qui permettront à l’architecte de créer, mais aussi d’imaginer ces émotions. Les savoirs techniques appris à l’école et au long de sa vie devront être utilisés dans ce but précis.

6

Nathalie Audas. Le rôle de l’affect dans l’ambiance ressentie. pp.213-219.


Fig. 2, Mémorial de la guerre du Vietnam, Washington, Etats-Unis. Enfant lisant le nom d’une des personnes décédé lors de cette guerre. Source: photo personnelle.

16



PARTIE 2 Le savoir au service des émotions Le savoir faire et les connaissances des architectes ne devraient pas, à mon sens, être utilisés uniquement pour une question d’esthétisme ou de prouesse architecturale. Ce que l’on nous enseigne à l’école doit être utilisé à bon escient, afin de concevoir des sensations.

18


C H A P I T R E 3

Ambiance et atmosphère Les cours de Gregroire Chelkoff du quatrième semestre de deuxième année m’ont permis de comprendre la mise en place d’une ambiance. Selon lui, l’architecture doit s’adresser à tous les sens. Les signaux physiques interagissent avec l’architecture et font appel à notre perception sensible. « un des premiers effets de l’ambiance est d’ouvrir totalement le monde sensoriel de l’architecture au-delà du domaine rétinien. » Le corps et les sens entrent donc en compte de façon indissociable. Ses cours m’ont appris à quantifier la lumière, l’acoustique ou même la thermique.


Les notions d’ambiance et d’atmosphère sont souvent confondues. Pourtant, d’un point de vue étymologique, les deux mots n’ont pas la même origine. Ambiance vient du latin ambire qui veut dire « aller autour », « entourer ». Tant dit qu’atmosphère vient du grec ancien atmós qui signifie « vapeur » et de sphaîra qui signifie « sphère ». Les ambiances constituent des données physiques et quantifiables, avec une vision scientifique des éléments qui la compose : ambiance sonore, thermique ou lumineuse. Une ambiance est créée par l’addition des conditions d’un milieu donné. Elle est donc concrète et objective. L’ambiance se réfère à une certaine technicité de mise en œuvre. Cette approche technique des ambiances consiste à mesurer, évaluer et comprendre un phénomène physique dans un environnement donné, ici l’environnement est architectural ou urbain. Cela peut donner lieu à des représentations en images issues des logiciels de modélisation et de simulation. Selon Thomas Ouard dans Concevoir une ambiance en architecture 7, la notion de faire une ambiance renvoi à la conception de formes et de matières, pour créer une expérience interindividuelle. Cette idée s’explique par le fait que nous ressentons de façon individuelle l’ambiance, mais qu’il s’agit d’une expérience à vivre à plusieurs puisque nous ressentons tous l’ambiance de la même manière. Thomas Ouard souligne également que l’architecte n’est pas le seul maître de l’ambiance, « l’ambiance n’est pas individualiste ». On peut dire qu’elle est faite à deux, par l’architecte, qui modèle l’espace, et l’usager, qui le vit. Pascale Amphoux 8, géographe et professeur à l’ENSA Nantes, définit le terme en deux notions. L’ambiance relève de l’expérience subjective, intime et personnelle. C’est une donnée sensible et sociale liée au ressentit de chaque individu. La question de l’homme revient donc ici. C’est lui qui fait l’expérience de l’architecture, c’est donc lui aussi qui donne naissance à l’atmosphère. Selon moi, l’approche sensible de l’ambiance se résume à l’atmosphère. Elle est une notion propre a chacun qui ne comporte pas de réelle définition. Il est vrai que c’est un terme assez vague qui reste indéfini. Hubert Tellenbach a d’abord utilisé le terme pour décrire la sensation de l’air qui nous fait se sentir « à la maison ». Ce qui nous reporte directement à l’étymologie du mot. Thomas Ouard, Concevoir une ambiance en architecture ? pp.450-454. Information relevé dans l’article Atmosphère, Quand espace et émotion ne font qu’un, de Sylvain Malfroy dans la revue Faces, n°67, Atmosphère, printemps 2010, p.4-17. 20 7 8


Gernot Böhme, dans Architecture and Atmosphere 9, induit la notion d’émotion dans l’atmosphère. C’est l’atmosphère d’un lieu qui éveille nos émotions. Elle n’est pas quantifiable, plus de l’ordre de l’immatériel contrairement à l’ambiance. Il s’agit d’un entre deux entre l’objet et le sujet, it is a spatial and emotional at the same time – a kind of a spatially extended feeling. L’atmosphère se propage partout dans l’espace. Si nous amplifions ses propos, il s’agit des émotions ressenties par l’atmosphère qui se dispersent dans l’espace. Selon moi, l’atmosphère a plus de puissance sur l‘être humain que l’ambiance. Elle est invisible et pourtant elle suscite l’affecte et les émotions avec beaucoup plus de vigueur. L’architecte met en œuvre une ambiance dans le but de créer une atmosphère, c’est cette dernière qui génère les émotions. Elle permet aux usagers de vivre l’expérience de l’architecture dans sa globalité. Lorsque l’on parle d’architecture et d’atmosphère, je pense immédiatement au Louvre Abu Dhabi de Jean Nouvel (Fig.3). À l’intérieur, un jeu de lumière et d’ombres, de reflets et de calmes met en place une dimension spirituelle. C’est une rencontre entre la mer, le ciel et la lumière. La coupole est composée de huit couches, que chaque rayon de soleil doit transpercer. Cet effet a été baptisé pluie de lumière. La poésie de ce geste est d’une grande beauté, elle vient créer une atmosphère sensible. Selon moi, la qualité architecturale n’est présente que si le bâtiment m’émeut et interpelle la sensibilité de l’Homme. Contrairement à l’ambiance, l’atmosphère se perçoit en une fraction de seconde. En ce sens, l’atmosphère a beaucoup plus de répercutions sur les émotions de l’être humain. La mise en œuvre des ambiances et la volonté de créer une atmosphère sont donc des notions importante pour moi afin de faire vibrer l’être humain Les savoirs techniques sont tout aussi important que l’apprentissage d’une ambiance ou d’une atmosphère. Il faut garder à l’esprit que l’architecte compose en grande partie avec de la matière physique. Il expérimente en maquettes et manipule la matière la plupart du temps. Ces recherches lui permettent de régler des questions de formes et d’esthétismes non-négligeables dans notre société. BÖHME Gernot, 2014, Atmospheres : New perspectives for Architecture and Design, dans Architecture and Atmosphere, Finlande, Tapio Wirkkala-Rut Bryk Foundation, p. 7-14 9


Fig. 3, Louvre Abu Dhabi de Jean Nouvel, 2017. Image de synthèse pour représenter l’atmosphère du lieu et la pluie de lumière. Source: site internet ArchDaily

22


C H A P I T R E 4

Recherche de forme et Esthétisme Le premier exercice du semestre 6 de licence 3, avec Julie Flohr et A. Karolak, a été de créer des « images fantômes ». Cette expérimentation par les logiciels nous a poussé à jouer avec des textures, des formes plus ou moins grotesques pour que nos intentions apparaissent sur chaque projet très clairement. Après quelques semaines nous nous sommes donc tous retrouvés avec des formes peu communes, que nous n’aurions jamais imaginé sans les images fantômes. Je suis alors venue à me poser la question de la forme en architecture, jusqu’où l’architecte peut-il aller pour s’exprimer et pour faire vivre à l’homme une expérience sensible ?


L’objet architectural a une part très importante pour certains architectes. Mais cette forme accompagne aussi l’expérience qui doit être faite. Nous connaissons tous « Form follow fonctions » pourtant nous pourrions très bien dire dans ce rapport que la forme doit être au service des sensations. On se heurte alors à la question de l’esthétisme. L’esthétique, étymologiquement, vient du grec ancien et signifie « recevoir une sensation-perception ». Le terme a été amené à désigner la réflexion philosophique sur l’art et sur le beau. L’esthétique demeure essentiellement dans le visuel. Dans La critique de la raison pratique, Kant 10 caractérise l’esthétique comme étant la condition de la perception en déterminant la manière commune mais propre à tous de percevoir le monde. L’esthétisme du bâtiment, son aspect physique et extérieur est la première chose que l’on voit de lui. Le Corbusier a défini l’architecture comme « chose de plastique, le plastique étant ce que nous voyons et ce que nous pouvons mesurer par les yeux. » La quête du « beau » fut longtemps recherché par les architectes dans l’histoire de l’architecture. Le plaisir des yeux est, encore aujourd’hui, un aspect important du métier d’architecte. Pourtant, le beau est un concept subjectif qui doit, dans l’architecture, être universelle. L’art contemporain recherche justement cette ambiguïté qui devient aujourd’hui une fin explicite de l’œuvre. La beauté est une sensation propre à chacun. Dans Penser l’architecture Zumthor écrit que la forme seul ne permet pas d’établir si la chose est belle ou pas.

11

,

« La sensation profonde du sentiment de beauté et l’excitation qui l’accompagne ne sont donc pas produites par la forme elle-même ». En tant que créateur nous voulons dessiner la beauté à travers la forme, mais comment créer la beauté ? Dans le cadre de ce rapport, nous pourrions nous demander jusqu’où l’architecture pourrait-elle aller pour émouvoir l’homme. L’esthétisme du bâtiment doit-il primer sur le ressenti ou inversement ?

YOUNES Chris, BONNAUD Xavier et PAQUOT Thierry, 2014, Perception/ Architecture / Urbain, Suisse, Ed. Infolio, 347 p. 11 ZUMTHOR Peter, 2008, Penser l’architecture, Suisse, Ed. Birkhäuser, 95 p. 24 10


On peut se référer au couple d’architectes Diller et Scofidio. Leur démarche engage le spectateur pour interroger la réalité et les valeurs architecturales traditionnelles. Ils expérimentent les différents registres de perception de l’être humain à travers leurs installations. Blur Building de l’exposition suisse en 2002 est un nuage au milieu d’un lac. Ils viennent destabiliser les références visuelles des usagers. Ce projet est un exemple parfait de l’architecture au service des sensations. Il n’y a rien à voir, mais tout à ressentir. Blur est une architecture sans espace, sans forme, sans échelle, sans dimension, sans surface. Le public est libre de flâner dans un environnement sonore et de profiter de cet instant. Le duo d’architecte a volontairement délaissé l’esthétisme pour se soucier uniquement de l’effet provoqué. Ils ont fait ce choix, radical, mais efficace d’abandonner tous les aspects caractéristiques de l’architecture traditionnelle. Il est donc question de penser l’architecture pour que celle-ci touche l’être humain. Mais cela se confronte à la limite de l’esthétisme. Je viens à me demander si la société actuelle serait apte à accepter une architecture seulement pensée pour les émotions. Selon moi, tout dépend du programme. Nous avons vu que Blur Building a réellement fonctionné, du fait qu’il s’agissait d’une installation temporaire pour l’exposition de 2002. Toutefois, je pense que la radicalisation de cette pensée, dans le seul but de créer des sensations, n’est pas la solution. Selon moi, les architectes doivent trouver un équilibre entre émotions et esthétisme, pour ne pas aller contre la société et ce qu’elle est prête à recevoir ou non. L’architecte doit travailler avec la collectivité dans laquelle il vit pour répondre aux mieux à ses besoins et comprendre comment il pourra susciter chez l’être humain des questionnements, des émotions et des sensations. Le créateur doit faire appel à ses connaissances techniques, que ce soit dans le domaine des ambiances, de l’esthétisme ou bien même de l’ingénierie. Ses savoirs faire, appris à l’école et avec l’expérience, doivent lui servir dans sa création pour concevoir non pas simplement une architecture, mais une expérience sensible. Toutefois, je pense que les architectes peuvent faire appel à d’autres ressources, qu’il peut trouver dans son fort intérieur, pour imaginer de tels espaces. Car avant l’architecte, il y a l’être humain, ayant un vécu, une histoire et un imaginaire.


Fig. 4, Blur Building, Diller et Scofidio , Exposition Suisse, 2002 Source: site internet ArchDaily

26



PARTIE 3 Le rôle des architectes dans la création du rêve Le métier d’architecte fait appel à notre subjectivité. Après ces premières années passées à l’ENSAG, j’ai appris qu’il est primordial de se fier à sa propre personne pour produire de l’architecture. Ce n’est qu’à la fin de la deuxième année que je ne me suis plus demandé « Est ce juste ? », mais plutôt « Est-ce moi ? »

28


C H A P I T R E 5

Imaginaire Les cours magistraux de Gilles Marty en licence 3, m’ont permis de comprendre toute l’importance de l’imagination de l’architecte et par ailleurs l’importance de cultiver cet imaginaire. Sans lui, nous ne pouvons nous défaire de ce qui existe déjà, le but de notre métier serait ainsi complètement perdu.


Depuis le commencement de ce rapport, nous nous concentrons sur les émotions de l’usager, mais nous n’avons pas encore évoqué celle de l’architecte, car avant l’architecte, il y a l’homme, sensible et éprouvant lui aussi des émotions qui a la volonté de créer du rêve. En tant qu’individu, nous avons le pouvoir inné de nous rappeler et d’imaginer. Nous projetons ainsi nos propres émotions, nos propres rêves sur l’architecture. Ce dont nous rêvons est aussi réel que les villes que nous parcourons. Le rêve est aussi important que l’imaginaire, selon moi l’un ne va pas sans l’autre. L’imaginaire peut permettre à l’architecte de faire rêver l’usager. Nos rêves et notre imagination prennent source dans notre inconscient. Franck Loyd Wright et A.Alto ont travailler cette question en faisant appel à la condition corporelle dans l’architecture et la multitude des réactions instinctives cachées dans l’inconscient humain. Celui-ci joue un rôle primordial dans notre imaginaire et nos rêves, et participe à définir qui nous sommes. Celine Drozd12 nous informe que la question de l’imaginaire apparaît aussi lorsqu’il est question de faire rêver le client dans la représentation du projet. Les architectes représentent l’architecture pour la mettre en forme et la communiquer par le biais de dessins, textes, images, etc. Ils font alors appelles aux émotions et à l’imaginaire du spectateur. L’étude de cas des Thermes de Vals de Peter Zumthor (Fig.5) et la représentation graphique qu’il en a fait, qu’elle soit au crayon ou numérique, tend à faire vivre le bâtiment à travers les dessins. L’architecte suisse explique qu’il cherchait à interpeller la sensibilité en faisant appel à l’imagination des spectateurs.

Céline Drozd. 2015, Les images produites par les architectes lors de la conception : quelle place laissée à l’imaginaire ?, May 2014, Roumanie, Interstudia. 12

30


« Quand le réalisme et la virtualité graphique dans une représentation de l’architecture deviennent trop présents, quand il n’y a plus la moindre ouverture où nous puissions pénétrer avec notre imagination et laisser naître les curiosités pour la réalité de l’objet représenté alors la représentation devient elle-même l’objet de notre attente. Le désir envers l’objet réel s’estompe. Il n’y a plus rien ou presque qui se réfère à la qualité imaginée, à ce qui se situe en dehors de la représentation.» (Zumthor, 2008) La représentation doit susciter la curiosité, donner à voir sans trop en monter pour laisser place à l’imagination. Si l’on se détache du domaine de l’architecture, nous pouvons citer Janet Echelman et sa conférence Taking imagination seriously13. C’est une artiste qui créée depuis plusieurs années des structures en filet de pêche. Ses structures sont suspendues dans des villes à la vue de tous. Elles évoquent instinctivement une certaine poésie, une délicatesse et une légèreté mouvante en totale opposition avec la foule de personne qui circule à toute vitesse dans les villes. Janet Echelman partage sa volonté de ne pas seulement créer des objets beaux à regarder, mais de créer quelque chose dans lequel on peut se perdre. Son imagination lui a permis de trouver une poésie dans ce matériau. Je pense que Janet Echelman est une parfaite illustration de ce que l’imaginaire peut permettre de faire aux concepteurs. Il est nécessaire de mobiliser notre inconscient, nos rêves et notre imagination pour révéler la poésie là où il n’y en a pas. Il est donc primordial de questionner notre imaginaire d’architecte pour éveiller celui de l’usager. Mais en tant qu’être humain, ce n’est pas seulement notre imagination qui nous définit. Notre passé a une part important dans la personne que l’on devient, mais aussi dans l’architecte que l’on devient.

13

Janet Echelman, Prendre l’imagination au sérieux, 2011, TED Talks


Fig. 5, Croquis de Peter Zumthor pour Les Thermes de Vals, Suisse. Source: site internet Pritzker Price

32


C H A P I T R E 6

Vécu Les cours de Cécile Bonicco au premier semestre de licence 2, m’ont permis de découvrir la phénoménologie et la théorie d’Heidegger.


Il est important de préciser que la remarque que je fais ici découle naturellement de tous les enseignements que j’ai pu recevoir ces trois dernières années. Chaque professeur de studio nous a transmis ses outils, chaque enseignant de cours magistraux nous a inculqué sa vision sur l’architecture. Tout cela dans le seul, et même but de nous former. À la fin de cette licence, j’en arrive maintenant à la conclusion que la meilleure manière de faire de l’architecture se trouve déjà en nous. Selon Gaston Bachelard dans La poétique de l’espace15, tout ce que nous produisons en tant que créateur se trouve déjà à l’intérieur de nous-même que ce soit par notre imagination, comme nous venons de le voir, ou par notre histoire passé. Notre histoire, notre passé et nos souvenirs impactent obligatoirement ce que nous créons. J’estime qu’il est impossible que cela ne joue pas un rôle dans notre conception, même si cela se fait de façon inconsciente. La notion de vécu et d’expérience fut pendant longtemps interrogées. Au XXe siècle que la notion d’expérience a pris un nouvel élan avec l’apparition de la phénoménologie. Revenir sur ce terme semble opportun au moment où celui-ci se trouve largement associé à la pratique architecturale. La phénoménologie est, si on le traduit du grec, l’étude de « ce qui apparaît ». Husserl, qui est le fondateur de cette science, parle du Leiblichkeit 14. Le Leib étant le corps, ce qui abrite la richesse de notre vie, autrement dit le vécu. Si l’on revient sur ce que nous avonsdit précédemment, l’architecture est faite par et pour le leib, le corps car c’est lui qui recouvre le vécu. D’après Zumthor16, les concepteurs doivent s’inspirer des sensations qu’ils connaissent, des lieux qu’ils ont déjà pratiqués pour pouvoir les recréer. Il parle de la magie du réel, et de la magie de la pensée. La magie du réel étant « le corporel, les choses qui nous entourent, que l’on voit et qu’on touche, que l’on sens et qu’on entend ». Cette première est encore plus belle que la magie de la pensée. Selon lui, le réel est plus inspirant que la pensée, l’architecte doit s’inspirer du monde réel, et par conséquent de ses propres expériences, pour créer le projet. RICHIR Marc, 1996, Phénoménologie et architecture, dans Le Philosophe chez l’architecte de YOUNES Chris et MANGEMATIN Michel, Paris, Ed. Descartes et Cié, pp. 43-57. 15 BACHELARD Gaston, 2004, La poétique de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, 214 p. 16 ZUMTHOR Peter, 2008, Athmosphères : environnements architecturaux, ce qui m’entoure, Suisse, Ed. Birkhäuser, 75p. 34 14


« Les souvenirs renferment la plus profonde expérience architecturale que je connaisse. Ils sont le réservoir d’atmosphère architecturale et des images que j’explore dans mon travail d’architecte. Quand je dessine un bâtiment, je me surprends moi-même occupé à plonger dans les vieux souvenirs, à demi-oubliées, et alors j’essaye de me rappeler quelle en était réellement la situation architecturale. » (Zumthor, 2008) Le souvenir fait souvent écho à l’enfance, aux odeurs, aux sons, aux images, aux lieux que l’ont a garder en mémoire. D’après Bachelard17, les souvenirs déforment les images que l’on garde d’une expérience en exagérant les données oniriques du souvenir. Ils sont donc associés à des émotions forte, qui permettent aussi d’en produire car ce sont ces émotions que nous cherchons à retranscrire dans l’atmosphère, dans l’espace. Les architectes utilisent leurs souvenirs pour la transformer en matière à construire. Ils s’inspirent de leur vécu et des émotions qu’ils ont ressenti dans un espace pour le recréer, en partie. Notre expérience de la vie influence considérablement nos choix, notre style, notre personnalité et ainsi nos projets. Le cadre familial que l’on a eut, la ville dans laquelle nous avons grandi, influent sur notre personne et sur notre architecture. Ainsi, je pense que nous apprenons toute notre vie à être un architecte. Composer l’architecture, c’est apprendre sur soi et sur sa manière de voir les choses. Je pense que notre personnalité définit notre sensibilité architecturale. Ainsi, l’architecture doit naître d’images vécues et d’images rêvées pour à son tour faire rêver. Il mobilise son histoire, son expérience de la vie pour édifier sa vision au monde, montrer à tous, qui il est et se mettre à nu.

17

ZUMTHOR Peter, 2008, Athmosphères : environnements architecturaux, ce qui m’entoure


36


conclusion L’architecte est un concepteur chargé de se soucier du confort de l’usager, du contexte, du site, etc. L’architecte a un rôle important et de nombreuses responsabilités. Je pense que toutes ces notions sont essentielles à l’architecture et je ne les contredis en aucun cas. Toutefois, je tiens ici à souligner l’oubli de certains sur le ressenti de l’être humain. Aujourd’hui, je ressens une certaine peine au vu de l’architecture produite dans notre monde. La standardisation des bâtiments, dénués de sens, créer des immeubles qui sont presque tous identiques. Ils poussent autour de nous à grande vitesse pour répondre à des demandes fonctionnelles, oubliant ce qu’est d’émouvoir l’homme. Les villes n’ont plus droit à la légèreté, à l’élégance et la magie. Est ce par manque d’inspiration ? Par peur des architectes de mal faire ? Ou par manque de budget ? Je ne sais pas. Pourtant, je pense qu’il est important de profiter des capacités que nous avons pour rétablir le rêve dans la société. Pourquoi contenterions-nous de la standardisation rationnelle alors qu’une architecture poétique est possible ? À travers les chapitres abordés dans ce rapport d’étude, j’ai voulu exprimer les différents aspects qui caractérisent l’architecture selon moi. Les enseignements que j’ai pu recevoir m’auront ouvert à la sensibilité architecturale. Celle-ci s’est énormément développée au cours des dernières années, et je n’ose imaginer tout le parcours qu’il me reste à faire avant la fin de ma formation à l’école. L’architecture nous représente, nous reflète. À travers elle, nous devons pouvoir nous ouvrir pour partager notre vision au monde, un monde capable d’émouvoir, de captiver et de faire vibrer. Au cours des différentes étapes de la rédaction de ce rapport d’étude, je me suis aperçue que la question de l’homme en tant qu’être vivant est au cœur de ma pensée, tant l’architecte que l’usager pour lesquel nous concevons. L’architecture est pour moi une pratique qui doit toucher l’être humain, que ce soit au travers de ses émotions, de son ressenti dans l’espace, ou encore dans son fort intérieur.


De ce fait, l’architecture renforce la cohérence et la signification de notre expérience existentielle. « L’architecture relie, transmet et projette des significations […] elle ramène notre conscience au monde et la dirige vers notre propre sens du soi et de l’être. Une architecture signifiante nous permet de faire l’expérience de nous-mêmes, en tant qu’êtres complets. » Juhani Pallasmaa18 Il est maintenant temps de clore ce chapitre de notre vie, d’ici quelques mois la licence sera derrière nous et une multitude de possibilités s’offriront à nous. Lorsque l’on me demande ce que je compte faire les prochaines années, ma réponse est celle d’un avenir de moins en moins flou. Ce rapport m’a permis d’y voir plus clair sur l’architecte que je veux être, capable d’émouvoir et de faire vibrer notre société pour y apporter un peu plus de gaieté. En cette fin de licence, je suis curieuse de découvrir ce que le deux années de master m’apporteront. Il me tarde d’en apprendre plus, pour réussir à associer les normes et les conventions de notre futur métier avec la poésie et la magie. En tant qu’étudiante, je ne peux m’empêcher de me demander si j’y arriverai, mais je compte profiter pleinement des années d’études qu’il me reste pour trouver l’équilibre parfait entre technicité et sensibilité. Je finirai avec une citation de Gilles Marty 19 qui fait particulièrement écho en moi : « Pourquoi serions-nous condamnés à subir la domination de la rationalité, l’arbitraire des mots d’ordre techniques, le formatage des images et des idées, alors que lorsque l’imagination est enfin libérée, une infinité de possibilités nouvelles formelle, plastiques et poétiques s’offrent à nous ? »

18 19

PALLASMAA J., Le regard des sens, 2010. Citation de Gilles Marty extraite d’un de ses cours magistraux de licence 3 38


bibliographie Livres : - CRUNELLE Marc, 2011, Intentionnalités tactiles en architecture, Jouaville, Ed. Scripta, 96 p. ; - BENOIST Jocelyn, 2013, Le bruit du sensible, Paris, Les Editions du Cerf, 240 p. ; - PALLASMAA Juhani, 2010, Le regard des sens, traduit par BELLAIGUE Mathilde, Paris, Edition du Linteau, 99 p. ; - BACHELARD Gaston, 2004, La poétique de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, 214 p. - YOUNES Chris, BONNAUD Xavier et PAQUOT Thierry, 2014, Perception/ Architecture / Urbain, Suisse, Ed. Infolio, 347 p. - RICHIR Marc, 1996, Phénoménologie et architecture, dans Le Philosophe chez l’architecte de YOUNES Chris et MANGEMATIN Michel, Paris, Ed. Descartes et Cié, pp. 43-57. - ZUMTHOR Peter, 2008, Athmosphères : environnements architecturaux, ce qui m’entoure, Suisse, Ed. Birkhäuser, 75p. - ZUMTHOR Peter, 2008, Penser l’architecture, Suisse, Ed. Birkhäuser, 95 p. Colloque/Congrès : - BÖHME Gernot, 2014, « Atmospheres : New perspectives for Architecture and Design », dans Architecture and Atmosphere, Finlande, Tapio Wirkkala-Rut Bryk Foundation, p. 7-14. - AUGOYARD Jean-François, Faire une ambiance : colloque international, Grenoble 2008, A la Croisée, p.527 : - Grégoire Chelkoff. L’ambiance de tous les sens. pp.133-134. - Thomas Ouard. Concevoir une ambiance en architecture ? pp.450-454. - Nathalie Audas. Le rôle de l’affect dans l’ambiance ressentie. pp.213219. - Nathalie Wolberg. Texture d’espaces - Territoires d’emotion : L’architecture comme objet intime. pp.377-382.


Article : - Céline Drozd. 2015, Les images produites par les architectes lors de la conception : quelle place laissée à l’imaginaire ?, May 2014, Roumanie, Interstudia. - Sylvain Malfroy, 2010, Atmosphère, Quand espace et émotion ne font qu’un, dans la revue Faces, n°67, Atmosphère, printemps 2010, p.4-17. - Grégoire Chelkoff, 2010, Ambiances, Pour une conception modale des ambiances architecturales, dans la revue Faces, n°67, Atmosphère, printemps 2010, p.18-23. Interview : - RCR aquitecte avec AFP, Mars 2017, sur le site internet « Le Point culture ». Conférence : - Janet Echelman, Prendre l’imagination au sérieux, 2011, TED Talks.

40



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.