L'impact de la participation sur l'usage des espaces publics - Article L3, ENSAG

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MOTTIER Mélanie

L’impact de la participation sur l’usage des services publics. S5SA / Méthodologie de l’écriture 1 Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble



Introduction Dans un contexte où la menace climatique se fait de plus en plus forte et où la question des impacts environnementaux est omniprésente, la nécessité de développer des villes plus durables tant d’un point de vue énergétique, environnemental ou social devient vitale.

1. Pierre Lefevre est un architecte praticien, animateur d’ateliers d’habitants de 1974 à 1987, chercheur et enseignant chercheur à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris la Villette de 1975 à 2007.

Depuis plus de 25 ans de nombreux écoquartiers ont été crées en Europe dans le but de répondre aux nouveaux enjeux contemporains. Pierre Lefevre1 a définit les écoquartiers comme étant l’avenir de la ville durable, celle-ci étant une ville qui reprend les trois piliers du développement durable : l’environnement, l’économique et le social. L’organisation de la vie urbaine introduit également une dimension politique forte puisque la gouvernance locale, qui articule et associe les institutions politiques, les acteurs sociaux et les organisations privés, fait également partie des enjeux de la ville durable. Le quartier est ainsi souvent une échelle pertinente pour penser la ville durable et permet la prise de parole et de débats avec les habitants : on parle de participation. Les écoquartiers étudiés ici sont Vauban, localisé à Fribourg-en-brisgau en Allemagne, et De Bonne, localisé à Grenoble en France, et apparaissent comme des objets d’études iconiques parmi les écoquartiers européens. Notre comparaison s’appuiera sur ces deux projets qui ont vu le jour dans un même contexte, il s’agissait pour chacun la réhabilitation d’une ancienne caserne militaire. 2


Les enjeux sont également similaires, Vauban et De Bonne se doivent de réhabiliter des locaux qui existent déjà mais aussi de saisir l’opportunité de cette rénovation pour en faire un modèle environnemental et d’y associer une dimension innovante. Nous nous interrogerons avec une attention particulière sur la place de la participation dans ces projets urbains mais aussi la place des habitants dans le quartier de nos jours. Au-delà, l’intention est d’identifier l’importance de la gouvernance locale dans le projet et l’impact réel de cette participation sur la vie du quartier après réalisation. Le document est articulé autour de deux parties. La première expose les écoquartiers lors de la conception des projets, nous nous intéresserons ici à la participation des habitants dans la conception de chaque projet. La seconde est une analyse des espaces publics de Vauban et de Bonne ainsi que l’usage de ceux-ci par les usagers. La conclusion répondra à la question initiale.

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Source:

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Source : http://www.vauban.de/

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Deux modèles mais une participation différente? Vauban est un écoquartier de 38 hectares, situé à 3km du centre-ville de Fribourg-en-brisgau, comprend 5000 habitants, plus de 600 emplois avec un centre de service. Lors de sa conception, le quartier Vauban se voulait dans une innovation urbaine et écologique, pour ce faire, de nombreux éléments du cahier des charges furent mis en avant tel que la qualité de vie, la proximité ou encore la minimisation des transports au sein même du quartier. Depuis sa création, la mixité sociale, tout comme la volonté d’allier qualité de vie et possibilité de trouver un emploi non loin du quartier Vauban, sont au centre des problématiques, afin de limiter au maximum les trajets en voiture et favoriser l’utilisation des transports en commun et le vélo. On notera que des garages collectifs existent à l’extérieur de la ville afin d’éviter au maximum la circulation des voitures et encourager les déplacements verts comme le tramway puisque la ligne sera prolongée depuis le centre de Fribourg-en-brisgau. Les espaces de rencontres sont multiples et se développent au fil des années : cela comprend la mise en place d’espaces favorisant les échanges comme des jardins pour enfants à proximité de l’école ou l’absence de clôture physique entre le privé et le public. De plus, la maîtrise des énergies du quartier est totale avec des habitats à basse énergie, la création de maison passive et positive ou encore la présence des énergies renouvelables avec la mise en place de panneaux solaires ou de cogénération. 2. Selbstorganisierte unabhängige Siedlungsinitiative, urbaine

soit

indépendante

organisée en français.

initiative et

auto-

La caserne militaire, occupée par les Français jusqu’en 1992, se vide alors. Rapidement, des groupes de construction, nommés Baugruppen en allemand, se forment. Le SUSI2 constitue le premier groupe de personnes à avoir habité la zone après le départ des militaires français, ils sont à l’origine de la réhabilitation de quatre bâtiments soit 45 logements.

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Aujourd’hui, cela représente plus de 250 personnes qui vivent au sein du « projet SUSI ». Cette initiative, reposant sur des étudiants, parents isolés, chômeurs, est à l’origine du quartier Vauban. Le projet SUSI sera relayé par d’autres groupes d’habitants venant d’autres horizons sociologiques : le Forum Vauban est une association à but non-lucratif réunissant des militants engagés sur les questions écologiques. Le Forum a propulsé la notion de quartier soutenable, notamment en termes d’énergie et de transport. Il a notamment participé à l’aménagement urbanistique du quartier et apporté une aide aux projets d’habitat groupé en co-construction. Cette mobilisation permettra l’implication de la municipalité mais surtout d’insuffler une dimension politique au projet de l’éco-quartier. D’autres groupes d’habitants se forment par la suite, dans le but de construire eux-mêmes leur logement et leur propre cadre de vie. Plusieurs réunions citoyennes et participatives ont lieu avant de relayer le projet à la maîtrise d’œuvre. On parle alors de participation bottom-up puisque l’initiative de conception vient directement des habitants, du bas de l’échelle social, pour être par la suite transmise aux architectes, en haut de l’échelle. L’écoquartier de Bonne est situé au centre de Grenoble et comprend 850 logements à haute performance énergétique, une école élémentaire, des résidences étudiantes et pour personnes âgées, 15 000m² de commerces ainsi qu’un espace culturel réparti sur plus de 8 hectares dont 5 étant un parc urbain. Le programme était ambitieux de part son ampleur, sa caractéristique sociale et son exemplarité économique. Ici aussi, les transports furent rapidement un sujet sensible notamment avec les associations de riverains. Les maîtres d’œuvre ont dû penser à la fois pratique et écologique dans cette ville en plein transition ; pour cela un garage par logement a été attribué en sous-sol de chaque habitat. Toutefois, il a fallu limiter l’impact de la voiture pour les bureaux et les commerces en limitant les places de parking et en favorisant l’utilisation des transports en commun tels que le bus ou le tramway. 7


Lors de sa conception, le travail fut principalement axé sur l’urbanisme dans le but d’avoir des répercussions sur l’agglomération mais aussi sur la région. L’innovation énergétique des bâtiments et la qualité de vie étaient également des critères importants du cahier des charges du projet de Bonne. Les concepteurs à l’origine de l’écoquartier sont la ville de Grenoble ainsi que la Métropole. Des réunions de gouvernance pour la mobilisation citoyenne furent instaurées et ont été ouvertes aux négociations dans une certaine rigueur. Toutefois, plusieurs sujets n’étaient déjà plus négociables entre les habitants et les maîtres d’ouvrages tels que la mixité, la densité, accessibilité, l’économie d’énergie ainsi que les énergies renouvelables liées au quartier. Ces rendez-vous entre habitants et intellectuels étaient accès sur l’urbanisme du projet ainsi que sur l’identité du projet par rapport à une ville au début d’une transition énergétique et écologique importante. Des groupes de réflexions se sont ainsi rassemblés plusieurs fois, ajoutant à cela 3 réunions publiques, des réunions de quartier ainsi que des visites de site. On parle ici de participation suivant le modèle top-down puisque la commande et la conception viennent directement de la ville et non pas des habitants.

3. Sherry Arnstein hiérarchise la participation citoyenne,

en 1969,

dans une échelle diviser en huit niveaux de la participation de la

Les écoquartiers comparés dans ce papier étant tout deux des références dans leur domaine, on reconnaît qu’il existe des différences notables en terme de participation citoyenne. La concertation s’est donc faite à travers le contrôle du quartier par les citoyens3, la communauté locale gère le quartier. La concertation pour la Caserne de Bonne s’est fait à titre de consultation3, c’est-à-dire que des enquêtes, ou réunions publiques, ont été mises en place permettant aux habitants d’exprimer leur opinion.

« Non-participation » au « Pouvoir effectif des citoyens » en passant par « Coopération symbolique ».

À travers ces deux cas d’études, on relève des divergences importante de participations des usagers. Nous pouvons alors nous demander si ces divergences donnent naissance à des distinctions d’usages des espaces publics.

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Des participations différentes pour des espaces publics différents ? Pour constituer notre comparaison, nous nous appuierons sur des critères précis afin de mettre en évidence s’il existe des distinctions entre l’usage des espaces extérieurs par les habitants des quartiers Vauban et De Bonne. Les éléments d’études sont les suivant : les modes de déplacement dans le quartier, les espaces publiques et partagés, la végétation et l’eau. L’enjeu de la comparaison sera ici de saisir si le mode de contribution citoyenne installé impacte réellement sur la vie du quartier et son fonctionnement. La place des transports, des cyclistes et des piétons est une problématique majeure dans les écoquartiers à laquelle chacun tente de répondre par divers procédés. Nous verrons quels sont ces procédés dans les écoquartiers étudiés. Vauban vise le « Zéro voiture », afin de réduire la circulation des automobiles ; des garages collectifs sont situés en périphéries du quartier. Cela permet d’optimiser le foncier du quartier pour le consacrer à la construction des habitations et des infrastructures. Un système d’auto partage a également été mis en place : un véhicule est à la disposition pour vingt adhérents. La proximité des logements et structures publiques (à moins de 700m de distance) privilégie l’utilisation des vélos ainsi que des voitures, le taux de voiture circulant dans le quartier est ainsi passé de 60 % à 43 %. De plus, la prolongation de la ligne de tramway du centre-ville au quartier Freiburg facilite l’utilisation des transports en commun ou des vélos. À Grenoble, l’importance des transports en commun et plus particulièrement du cycliste et du piéton est semblable. La priorité est ainsi donnée à la mobilité douce et aux transports publics avec la création d’une troisième ligne de tramway le long des boulevards.

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Source : https://www.grenoble.fr/projet/163/667-des-toilettes-seches-pour-le-parc-de-la-caserne-de-bonne.htm

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Contrairement au quartier allemand, des parkings souterrains existent à raison de 0,8 parkings pour les logements sociaux et 1,2 pour les privés. Les modes de déplacements du quartier sont doux : mis à part une voie de circulation pour automobile limitée à 30km/h la majeur partie des Grenoblois se déplacent dans le quartier à pied ou à vélo. L’espace non utilisé par les automobiles est consacré aux espaces extérieurs tels que des jardins partagés, des parcs publiques, des jeux pour enfants, etc. L’écoquartier de Fribourg encourage la mixité sociale et les espaces de rencontres à l’aide de lieu favorisant les échanges tels que des jardins d’enfants proche des écoles ou l’absence de clôture entre les propriétés privées. On retrouve des commerces, des zones d’activité ou un marché de producteur locaux qui permet ses rapports de proximités. Ces espaces sont l’essence même de forts liens sociaux entre résidents. Le renouvellement urbain et la requalification des espaces publics furent un des objectifs de la Caserne de Bonne. Des commerces et activités encerclent le cœur du quartier : le jardin de Bonne. Il comporte un bassin d’eau, des aménagements urbains ou encore des espaces de jeux. Tous ces dispositifs permettent une mixité sociale, fonctionnelle et urbaine. Le jardin et le parc Hoche apportent de la vie au quartier en permettant aux usagers de s’approprier les lieux même si cette organisation est très suggérée lors de la conception urbaine du projet (bancs, rebord le long du point d’eau, etc.) Ce jardin public en plein centre ville nous coupe de l’effervescence Grenobloise grâce aux bâtiments qui l’entourent et aux végétaux qui atténuent les nuisances sonores. Cet espace constitue un lieu de rencontre et d’interactions entre grenoblois. La végétation a une fonction essentielle dans l’écoquartier et notamment dans ces espaces extérieurs. En Allemagne, la végétation luxuriante du quartier témoigne de l’implication des habitants qui sont des acteurs à part entière de la production du quartier. Le vert est partout : dans les rues, au pied des immeubles, le long des murs, sur les balcons et terrasses, etc. 11


La gestion des eaux pluviales, afin de les réutiliser, est un point commun aux cas analysés. Cette préoccupation de l’eau s’organise avec des citernes de récupérations des eaux pluviales dans certains bâtiments, les eaux qui y sont récupérées sont réutilisées pour l’arrosage des jardins, pour le lave-linge ou encore pour les chasses d’eau de l’école à Vauban. De plus, les toitures plates sont végétalisées afin d’optimiser l’imperméabilisation du quartier. L’écoquartier De Bonne s’oriente, quant à lui, vers une gestion alternative des eaux pluviales. On retrouve les toitures végétalisées stockantes pour les îlots publiques ainsi que les logements privés. Les eaux récoltées sur ces toitures sont par la suite conduites dans des bassins d’infiltration localisés sous chaque îlot. Concernant le reste du parc, des puits d’infiltrations sont répartis sur trois zones et permettent d’infiltrer les eaux pluviales du parc public. On constate que ces eaux sont mieux réutilisées par les habitants de Vauban dans un souci d’environnement; une réelle culture environnementale se développe ici, contrairement à l’écoquartier Grenoblois. Nos deux cas d’études présentent des espaces extérieurs comme des espaces de partage, d’échange et de rencontre malgré le fait qu’il existe des différences entre l’un et l’autre. Dans les deux cas, on retrouve des éléments importants, tels que la minimisation de l’utilisation des voitures, l’importance du végétal, des lieux favorisant la mixité social. Toutefois, on observe un parti-pris plus extrême pour l’un des deux : l’usage de ces lieux se dissocie par la présence d’une culture environnementale forte chez les citoyens allemands que l’on ne retrouve pas chez les Français.

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Conclusion L’écoquartier Vauban de Fribourg en Allemagne et la Caserne De Bonne de Grenoble en France présentent deux modes de participations citoyennes qui sont opposées. L’innovation à Vauban consiste en plusieurs points : cela a tout d’abord permis de créer des relations de voisinage avant même la construction/réhabilitation du quartier ; cela a ensuite permis de réaliser des économies d’espace, le tout dans un esprit de concertation et d’implication entre habitants, en mettant notamment en commun certains équipements comme l’approvisionnement en énergie solaire, le chauffage, le co-voiturage, l’eau ou l’organisation des jardins. L’initiative de la conception du quartier venant directement des citoyens allemand, contrairement au cas français, on peut comprendre que leur implication dans la réalisation du projet soit plus conséquente. Cela se traduit par une grande qualité de vie pour les habitants que l’on ne trouve pas à Grenoble. Ces différences notables découlent directement de la manière de penser le quartier et de le concevoir. Ainsi, nous pouvons conclure que la gouvernance locale, lorsque celle-ci est dirigée par les habitants, impact fortement sur la vie du quartier après sa réalisation. Toutefois, nous pouvons nous demander pourquoi n’existe t-il pas une norme pour la participation dans tout écoquartier, mis à part la classification de Shery Arnstein, puisque cette notion prend de plus en plus d’importance de nos jours. Notre problématique majeure en tant que futurs architectes sera de répondre à cette demande de participation pour transmettre une culture environnementale commune afin de répondre aux questions écologiques contemporaines.

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Source : https://lejournal.cnrs.fr/billets/la-ville-durable-creuse-les-inegalites

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Bibliographie Livre : Cyria Emelianoff et Ruth Stegassy, Les pionniers de la ville durable: Récits d’acteurs, portraits de villes en Europe, Edition Autrement, 2010. Vincent Renauld, Fabrication et usage des écoquartiers : essai critique sur la généralisation de l’aménagement durable en France, PPUR , 2014. Pierre Lefèvre et Michel Sabard, Les Ecoquartiers, Edition Apogée, 2009. Mayer Astrid, Les écoquartiers de Fribourg : 20 ans d’urbanisme durable, Le moniteur, 2013.

Article: Philipe Menanteau et Odile Blanchard, Quels systèmes énergétiques pour les écoquartiers ? Une première comparaison France -Europe. , article dans la Revue de l’Energie, 2014. Matthieu Adam, Georges-Henry Laffont, Laura Seguin, Participation et mobilisations habitantes dans l’urbanisme durable : héritage des mouvements sociaux urbains ou évacuation du politique ?, 30 Mai 2017. Rachel Linossier, Roelof Verhage , La co-production public/ privé dans les projets urbains, 18 Mai 2010. Delphine Deschaux-Beaume, Le quartier Vauban de Fribourg en Brisgau : un ´eco-quartier mod`ele ? , 24 Novembre 2009.

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Dossier d’urbanisme Caserne de Bonne, Directeur de publication Emmanuel Raoul, secrétaire permanent du PUCA, La caserne de Bonne à Grenobe: Projet emblématique d’un développement durable à la française., publié par Plan Urbanisme Construction Architecture

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