Mémoire HMONP - L'architecture Participative

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L’architecture participative Quelles sont les réalités d’application des méthodes participatives dans la pratique professionnelle de l’architecture? MÉMOIRE D’HABILITATION À LA MAÎTRISE D’OEUVRE EN SON NOM PROPRE

Mélusine Pagnier à l’ENSAPB, encadrée par Emilien Robin, en Mise en Situation Professionnelle dans l’agence d’architecture OPEN ENDS de Septembre 2017 à Juillet 2018



«L’architecture est trop importante pour être laissée aux seuls architectes.» Giancarlo de Carlo


Sommaire 6

PRÉAMBULE

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INTRO

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- Ambition pour la hmo - L’origine du questionnement - Présentation d’OPEN ENDS, et de son association annexe, TEPOP

1. Un projet participatif d’architecture: définition générale 2. Un projet participatif d’architecture: définition législative 3. De quelles méthodes participatives va-t-on parler? Quels cas d’étude? a. Le remplacement des portes d’accès des « entrées visiteurs » du Musée d’Orsay et de l’Orangerie, pour l’EPMO, en cours de réalisation à l’agence OPEN ENDS b. La concertation pour le débat Air Énergie Climat, pour Nantes Métropole, en cours de réalisation avec l’association TEPOP c. La rénovation du centre social Edgar Quinet à La Courneuve, en cours de réalisation avec l’association TEPOP

I. DE NOUVELLES COMPÉTENCES REQUISES

A. D’OU VIENNENT CES TRANSFORMATIONS? 1. Une nouvelle forme de distinction entre le commanditaire et le destinataire 2. Une stratégie politique 3. Des formations complémentaires B. ARCHITECTE MÉDIATEUR: DE QUELLES COMPÉTENCES PARLE-T-ON? 1. Une définition ambigüe 2. Les principes généraux de la médiation a. Se regrouper: la multiplicité des compétences b. Respecter les rôles c. Gérér les intermédiaires d. Créer du lien entre les parties


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C. LES DIFFÉRENTES FORMES QUE PRENNENT L’APPLICATION DE CES MÉTHODES 1. L’équipe: Structures et groupement - Qui? 2. Les commandes - Pour qui et avec quels financements? 3. Le positionnement des architectes - Comment?

II. OUTILS ET MÉTHODES

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A. LE DIALOGUE 1. Cibler son public et le mettre en lien avec les autres acteurs d’un projet 2. La mise en récit 3. Le langage de l’ouverture B. LES SUPPORTS 1. Créer un terrain commun par l’adaptation 2. Des outils interactifs 3. Convoquer la créativité C. UN PRINCIPE RÉGÉNÉRATIF 1. Avoir du temps 2. Le suivi de tout le processus: une émancipation citoyenne

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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CURRICULUM VITAE

III. LES IMPACTS

A. DES FINS OUVERTES 1. La conscience du contexte et de sa temporalité 2. Le diagnostic fait projet B. UNE TRANSFORMATION DES ATTENTES 1. Des résultats souvent éloignés des premières estimations 2. Une évolution de la commande C. UN NOUVEL ACCÈS À LA COMMANDE 1. Ce qui est une commande dite «de niche» pourrait se généraliser 2. Redonner de la place à l’expérimentation 3. Sortir de l’exercice répressif de l’architecte: jusqu’à quel point?


PREAMBULE

- AMBITIONS POUR LA HMO Après l’obtention en 2017 de mon diplôme d’architecte et quelques expériences professionnelles en agence, j’ai désiré entamer une formation professionnalisante pour prendre pleinement conscience des enjeux de la pratique architecturale. Il m’a semblé manquer, tout au long de mon cursus scolaire à l’ENSAPB, de connaissances sur ce qui rend possible la mise en place des projets que nous, étudiants, concevons en atelier. Où trouverons-nous des commandes? Lesquelles seront-elles? Pourrons-nous les choisir ou les inventer? Avec et pour qui travaillerons-nous? Quel cadre juridique nous contraindra ou nous protégera? Bien que je n’ai pas l’ambition de fonder ma propre structure dans un futur proche, il me semble que la formation HMONP apporte à un architecte non-libéral une vision globale non négligeable et qualitative du travail en agence. De plus, il me semble que la décision d’exercer au sein d’une agence tout en ayant les compétences requises pour exercer en libéral est très profitable à l’employé : sa compréhension des situations professionnelles étant plus complexe, il peut vite devenir autonome et enrichir sa pensée d’architecte.

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- L’ORIGINE DU QUESTIONNEMENT Sensible aux questions sociales et politiques en architecture, j’ai naturellement orienté mon Master à l’ENSAPB vers des recherches sur l’intégration des usagers dans le processus de production de l’architecture. Lors de ma première année de Master, j’ai pu expérimenter la pratique concrète de ces méthodes et dépasser les jugements théoriques que je pouvais avoir sur la question. Le studio de Béatrice Mariolle et Marie-Ange Jambu, Le Grand Pari(s) des Jeunes, proposait aux étudiants de monter eux-mêmes des ateliers de co-conception avec des usagers que nous devions alors mobiliser. Notre groupe de travail avait alors réalisé


une dizaine d’ateliers avec un lycée du quartier de La Noue à Bagnolet pour concevoir collectivement un projet sur la grande dalle de la cité. Nous avions inventé une série d’outils permettant de mener à bien ces ateliers, et retranscrit notre démarche dans un journal afin d’en tirer des constats et améliorer notre pratique dans le futur. Bien que nous ayons eu l’ambition de porter ce projet plus loin, et que nous ayons remporté un concours étudiant avec le prix Robert Auzelle, nous n’avons pas pu passer à l’étape de la construction, à la grande déception des jeunes avec qui nous avions travaillé, et à la nôtre, bien sûr. La suite de mon Master m’a permis de prolonger mes recherches. Mon Projet de Fin d’Etudes s’est déroulé sous l’encadrement d’Emilien Robin et Yvan Okotnikoff, dans le cadre de l’atelier BIM: Bâtir Ici et Maintenant. Pendant 6 mois, j’ai pu y développer un projet sur Les méthodes de conception du logement social et très social en France, basé sur le cas du Foyer de Travailleur Migrant des Mûriers dans le 20ème arrondissement de Paris. Ce projet tendait à montrer l’intérêt de la prise en compte des points de vue des usagers dans la conception architecturale, et l’importance de réaliser ces démarches dans un cadre légiféré et grâce à des politiques publiques appropriées. Par le biais d’une fresque chronologique dessinée à la main, relatant l’histoire des foyers en France, j’ai cherché à formuler une analyse du contexte, première partie de mon projet. Un livre à choix multiples, conçu comme seconde partie du projet, permettait ensuite au lecteur de se mettre à la place d’un des protagonistes: Franck Calderini, directeur général de Coallia (le bailleur social du foyer). Les choix multiples correspondaient à chacune des décisions possibles que ce responsable pouvait prendre. Chaque décision prise par le lecteur se mettant à la place du bailleur amenait celui-ci à réfléchir sur l’impact de sa décision à chacune des étapes de conception du projet, puisqu’il pouvait y découvrir le récit des conséquences de ses choix. Enfin, une pièce de théâtre, réalisée sous la forme d’une bande dessinée et conçue comme la troisième partie du projet, plongeait le spectateur dans une fiction de concertation entre les protagonistes, s’achevant par un récit fictionnel et symbolique de prise d’otage. La bande dessinée avait l’avantage de pouvoir, facilement et de façon stylisée, formaliser chacune des propositions et permettait au spectateur de visualiser le bâtiment se déformer sous les différentes injonctions des personnages de la pièce. Riche de ces deux expériences, il m’a semblé intéressant de partir à la recherche d’une agence qui pourrait me donner à voir comment ces méthodes participatives pouvaient résister à la réalité de la profession et dans quelles mesures, ces pratiques étaient-elles applicables ou appliquées. 7


- PRÉSENTATION D’OPEN ENDS, ET DE SON ASSOCIATION ANNEXE, TEPOP A partir de ce questionnement, il me semblait pertinent de pouvoir explorer les pratiques professionnelles d’un enseignant dont j’avais déjà pu suivre la pédagogie. J’ai donc choisi d’effectuer ma Mise en Situation Professionnelle dans l’agence OPEN ENDS. OPEN ENDS est une agence d’architecture fondée en 2015 sous la forme juridique d’une Société par Actions Simplifiées. Les dirigeants sont deux architectes: Marie-Ange Jambu (architecte HMONP diplômée de l’ENSAPB et de l’ENSAAMA en Design d’Espace, et enseignante à l’ENSAPB) et René Pérez Rivera (architecte DEA, diplômé de l’UNAM au Mexique et du DSA Architecture et Patrimoine à l’ENSAPB). L’attention de l’agence se porte sur le travail avec l’existant et l’agence développe une grande majorité de projets de réhabilitation. Bien que les dirigeants n’appliquent pas de recettes toutes-faites pour la réalisation de leurs projets, l’agence se penche sur l’intégration quasi-systématique de la parole des usagers dans leur démarche de conception; ou du moins le dialogue étroit avec leurs commanditaires. Leurs démarches mêlent également l’acte de construire à des travaux de recherche et d’enseignement. Notamment par l’expérimentation spécifique de méthodes participatives dans l’association TEPOP (Territoire à Energie POPulaire) dont Marie-Ange Jambu est fondatrice avec Béatrice Mariolle (architecte HMONP, chercheur à l’IPRAUSS, et enseignante à l’ENSA Lille) et Aurélia Beau (architecte HMONP). TEPOP est une association à but non-lucratif, également fondée en 2015, et qui s’intéresse à des problématiques similaires. En effet, l’association a pour but d’expérimenter des démarches participatives de projet d’architecture et d’urbanisme autour des thèmes de l’énergie, du développement durable et de l’écologie. L’équipe mène des “recherches-actions” en organisant des ateliers participatifs et des séminaires de réflexion. Ayant un contrat à mi-temps dans l’agence OPEN ENDS, j’ai pu profiter de l’autre moitié de mon temps pour travailler dans l’association TEPOP. Bien que les dirigeantes de l’association travaillent bénévolement au sein de la structure, j’ai pu y être salarié.

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fig. 1: Diagramme de l’organisation des services avec lesquels OPENENDS a organiser les ateliers de concertation pour répondre à la commande de l’EPMO. Réalisé par l’agence OPENENDS

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INTRODUCTION

1. Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée. (JO RF du 19 juin 2004) 2. JOUBERT Mathieu, “Guide de la Maîtrise d’Usage”, Nantes Habitat, mars 2011, 69 pages, p. 7

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1. UN PROJET PARTICIPATIF D’ARCHITECTURE: DÉFINITION GÉNÉRALE Un projet participatif d’architecture se définit par son intention de prendre en compte les désirs et besoins des destinataires du bâtiment en les intégrant dans la démarche de conception ou de construction. La loi MOP, relative à la Maîtrise d’Ouvrage Publique et à ses rapports avec la Maîtrise d’Oeuvre privée, rappelle dès son article 2 que le pouvoir appartient au Maître d’Ouvrage qui élabore un programme pour rechercher ensuite un Maître d’Oeuvre dans le but de lui apporter des réponses architecturales, techniques et économiques1. Cette même loi permet de définir la chaîne de production d’un projet d’architecture: • La mise en place d’une stratégie et d’une programmation (définie par la Maîtrise d’Ouvrage); • La transformation du programme en projet (réalisée par le Maître d’Oeuvre); • La concrétisation du projet en objet (réalisée par l’entreprise des travaux); • L’entretien et la maintenance de l’objet (portés par la Maîtrise d’Ouvrage à nouveau); • Et enfin l’évaluation, regroupant toutes les parties mais surtout portée par le regard des usagers. Le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) définit 4 types d’implications des habitants dans la production d’un projet: l’information, la consultation, la concertation et la coopération2. • L’information des habitants s’arrête à la communication d’informations à la population; • La consultation demande un avis aux usagers qui peut ou non être intégré dans le projet;


• •

La concertation entraîne une négociation avec les habitants; La coopération (ou co-élaboration) associe étroitement et très en amont du projet les habitants dans le processus de conception.

Le but d’un projet participatif est de donner plus d’importance à la parole de l’usager pour que leurs représentants soient alors considérés comme de nouveaux acteurs du projet. De plus en plus d’architectes s’appliquent maintenant à intégrer ces nouvelles contraintes dans leur méthode de travail. Lucien Kroll en est un des partisan et affirme par exemple que cette démarche aurait un impact positif considérable sur la qualité de vie dans les logements. Dans certains cas, le regard apporté par les usagers est perçu comme une expertise et on parle alors de la collaboration du trio Maîtrise d’Ouvrage, Maîtrise d’Oeuvre et “Maîtrise d’Usage”. Jean Marie Hennin, architecte et lauréat du prix du projet citoyen délivré par l’Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes rappelle néanmoins que: “la Maîtrise d’Usage ne constitue pas un contre pouvoir3”. En effet, il n’est pas ici question de déléguer du travail à la Maîtrise d’Usage en laissant les habitants dessiner le projet, ou se substituer aux autres acteurs mais de “formuler, formaliser, concrétiser, sur un temps long, leurs attentes, leurs rêves ou leurs refus4”. Ce troisième groupement représenterait alors une capacité d’expertise de l’usage et pourrait faire valoir ses attentes et ses besoins auprès des autres experts pour élaborer un projet avec une démarche plus horizontale, ou “côte à côte” plutôt que “face à face”. 2. UN PROJET PARTICIPATIF: DÉFINITION LÉGISLATIVE La loi s’adapte de plus en plus à la demande grandissante de participation de la population. En France, il existe actuellement trois modes de participations du public dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement. • L’enquête publique qui “relève davantage de l’information du public que de sa participation, étant donné qu’elle intervient à un stade avancé du processus5”; • La mise à disposition du public, qui est une procédure plus souple que l’enquête publique; • La concertation préalable prévue à l’article L.300-2 du Code de l’Urbanisme. Cette concertation est obligatoire pour les cas suivants: la création d’une zone d’aménagement concertée; les projets d’aménagements ou de construction “qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine6”, et les projets de renouvellement urbain.

3. HENNIN Jean Marie, interview par Atelier 13, “La Maîtrise d’usage” URL: http:// www.maitrisedusage.eu 4. Ibid. 5. Ministère du logement et de l’égalité des territoire, “Participation du public, mesures relatives à la concertation préalable facultative”, avril 2014, 6 pages, p.3 6. LOI n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, définit par l’article L.122-1

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7. Ministère du logement et de l’égalité des territoire, Opcit, p.3 8. Ibid, p.5 9. Ibid, p.3 : «Ne sont

ainsi pas concernés par la concertation préalable prévue par l’article 170 de la loi ALUR, notamment les projets et opérations suivantes (liste non exhaustive) : - certains projets d’infrastructures routières ou portuaires (par exemple, la réalisation d’un investissement routier dans une partie urbanisée d’une commune d’un montant supérieur à 1 00 000 euros, et conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d’assiette d’ouvrages existants ; la création d’une gare ferroviaire ou routière de voyageurs, de marchandises ou de transit ou l’extension de son emprise, lorsque le montant des travaux dépasse 1 00 000 euros ; les travaux de construction ou d’extension d’infrastructures portuaires des ports fluviaux situés dans une partie urbanisée d’une commune, lorsque le montant de ces travaux dépasse 1 00 000 euros ; la création d’un port maritime de commerce, de pêche ou de plaisance dans la partie urbanisée d’une commune) ; - les opérations ayant pour objet, dans une commune non dotée d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ayant fait l’objet d’une enquête publique, la création de plus de 5 000 m2 de surface de plancher ; - les ouvrages et travaux sur une emprise de plus de 2 000 m2 réalisés sur une partie de rivage, de lais ou relais de la mer située en dehors des ports et au droit d’une partie urbanisée d’une commune.»

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La loi Alur ouvre en 2014 la possibilité aux Maîtrises d’Ouvrages publiques et privées de réaliser des concertations facultatives auprès de la population impactée. Ces consultations facultatives réalisées en amont de la demande de permis de construire permettent de s’assurer d’une conception qualitative du projet, mais aussi d’une meilleure réception auprès de l’autorité décisionnaire puisque, comme le rappelle le Ministère du Logement, ces concertations contribuent à “prévenir les contentieux en aval7”. Néanmoins, l’article L.300-2 du Code de l’Urbanisme modifié prévoit que les services instructeurs des Autorisations D’occupation des Sols n’ont pas à comparer les requêtes des habitants avec le projet proposé, mais doivent simplement “vérifier que la formalité est remplie8”. Le ministère du Logement précisent que ces services s’assurent uniquement qu’il n’y ait pas de discordance manifeste entre ces deux documents. Pour encourager la mise en place de ces concertations facultatives, la loi Alur permet aux commanditaires de projets soumis à études d’impact (hormis ceux ne relevant pas de la liste des opérations d’aménagement mentionnés à l’article R.300-1 du Code de l’Urbanisme9) de ne pas réaliser d’enquête publique après l’instruction du permis de construire. 3. DE QUELLES MÉTHODES PARTICIPATIVES VA-T-ON PARLER? QUELS CAS D’ÉTUDE? Maintenant que nous avons établi un cadre d’exercice général de ces pratiques, nous allons définir le cadre particulier des pratiques que j’ai pu expérimenter lors de ma MSP. Nous parlerons alors de participation lorsqu’elle implique les usagers dans la conception du projet, c’est à dire lorsqu’elle est au moins au stade de la concertation ou de la co-élaboration. Sous ces deux types d’implications, il existe une multitude de pratiques différentes, qui sont en cours de définition. De part le caractère expérimental que prennent les applications de ces méthodes, il n’y a actuellement pas de méthodologie établie, et l’on pourrait plutôt parler de recherche. Ces méthodes peuvent varier de par le nombre des personnes réunies, le rôle des acteurs, la part d’initiatives donnée aux habitants, etc. Le but n’est pas ici de réaliser une recette de cuisine infaillible mais de rapporter et relier les différentes expériences auxquelles j’ai pu participer lors de ma MSP et de mes expériences personnelles pour établir un constat temporaire des méthodes participatives et de leur impact sur différents projets. Pour définir un cadre de recherche, nous nous appuierons sur trois différents projets:


a. Le remplacement des portes d’accès des « entrées visiteurs » du Musée d’Orsay et de l’Orangerie, pour l’EPMO, en cours de réalisation à l’agence OPEN ENDS . La commande: La commande lancée par la Maîtrise d’Ouvrage pour le projet de remplacement des portes d’accès des entrées visiteurs des Musées d’Orsay et de l’Orangerie portent sur des expertises techniques et architecturales. L’ Établissement Public des Musées d’Orsay et de l’Orangerie (EPMO) souhaitait réaménager l’espace d’accueil des visiteurs, situé sous la marquise du musée d’Orsay et l’espace d’accueil du Musée de l’Orangerie. Les dispositifs installés en 2001 et 2006 étaient obsolètes aux vues de l’évolution des contraintes de sécurité, de l’augmentation des flux de visiteurs et des objectifs environnementaux actuels. Après qu’ ait été lancée une mission de programmation pour établir un diagnostic des besoins et préconiser des solutions d’aménagement en 2016, de nouvelles contraintes sont apparues. Au-delà de l’objectif essentiel du confort des visiteurs (fluidité du parcours, sécurité), les conditions de travail des personnels opérant dans ces zones devaient être améliorées (thermique). La commande réunit le changement des portes des deux musées comme un seul et même projet. Les missions: La mission d’Open Ends traverse toutes les phases de projet: du diagnostic fonctionnel, architectural et patrimonial; à la livraison des travaux, comprenant des faisabilités et études de projet (AVP / PRO / DCE), le suivi de chantier (VISA / EXE / DET) et l’assistance aux opérations de réception des travaux (AOR). Les attendus: Aucune nécessité de concertation n’étant légalement imposée pour la réalisation du remplacement des portes du musées, il n’était pas attendu d’intégration de participation des usagers dans la commande de Maîtrise d’Oeuvre. b. La concertation pour le débat Air Énergie Climat, pour Nantes Métropole, en cours de réalisation avec l’association TEPOP. La commande: La commande de Nantes Métropole était de réaliser des animations pédagogiques et ludiques pour sensibiliser les habitants aux enjeux liés à l’énergie et au climat sur le territoire de Nantes Métropole. Après avoir gagné l’appel d’offre, l’association TEPOP s’est vue attribuer une mission de concertation pour le quartier du Clos Toreau, quartier dit “sensible” de Nantes. La mission: Le marché de prestation intellectuelle proposé par l’association TEPOP était de réaliser un certain nombre d’ateliers, choisis à la carte, pour co-concevoir et co-construire des prototypes ludiques et écologiques avec des jeunes de quartiers populaires. Les ateliers participatifs se suivent alors comme une formule de conception inspirée des

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phases d’un projet loi MOP: établir un diagnostic urbain de la zone et une programmation, dessiner un projet, chercher des matériaux et des constructeurs, et réaliser un chantier. Les attendus: La commande n’attendait pas de prestation de Maîtrise d’Oeuvre, ni de réalisations construites. c. La rénovation du centre social Edgar Quinet à La Courneuve, en cours de réalisation avec l’association TEPOP. La commande: Le centre social Edgar Quinet a contacté l’association TEPOP suite à la demande de plusieurs jeunes filles du centre, qui désiraient rénover le centre pour créer plus d’espace de convivialité et renouveler le mobilier ne répondant plus à leurs besoins. La mission: Un contrat a donc été élaboré entre le centre et l’association pour concevoir avec les jeunes du centre, la rénovation des espaces, et réaliser des prototypes du nouveau mobilier avec des matériaux de récupération. Les attendus: Pouvoir dépasser la phase de conception et construire un prototype avec le budget imparti. Au regard de ces différentes informations et des différentes expériences professionnelles relatives à la MSP de la HMONP, nous avons été amenés à nous questionner à propos du changement des pratiques des architectes . Nous pouvons donc formuler la problématique suivante : Quelles sont les réalités d’application des méthodes participatives dans la pratique de la profession? Nous développerons d’abord la question des compétences des architectes requises pour mener à bien ces projets; ensuite nous énoncerons des méthodes et des outils exploités dans ce cadre de projets, et enfin, nous verrons l’impact qu’ont ces expériences sur l’ensemble de la chaîne de production de projet.

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fig. 2: Extrait du film réalisé par Elsa Brès, dans le cadre de l’atelier Grandeur Nature mis en place par TEPOP, au Clos Toreau en mars 2018 avec les jeunes du quartier. En cours de montage

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I. DE NOUVELLES COMPÉTENCES REQUISES 10. IFOP, “Etude pour l’Université d’été du CNOA, Sondage Ifop pour le Conseil National de l’Ordre des Architectes”, L’orde des Architectes, Juillet 2014, 35 pages, p. 13 11. Ibid.

A. D’ou viennent ces transformations?

1. UNE NOUVELLE FORME DE DISTINCTION ENTRE LE COMMANDITAIRE ET LE DESTINATAIRE. L’application de méthodes participatives sur la conception d’un projet nécessite une adaptation des pratiques d’un certain nombre d’acteurs, dont les architectes. De nouvelles compétences sont donc requises pour pouvoir mener à bien les démarches expérimentées. Pour comprendre d’où viennent ces transformations, je me suis interrogée sur les considérations des architectes à ce sujet. En 2014, l’IFOP interroge les architectes sur le domaine dans lequel “l’apport de l’architecte est le plus important10”. On y apprend que “la prise en compte des désirs et modes de vies des habitants ou des usagers11” est primordiale pour l’ensemble des architectes interrogés. Il pourrait sembler évident que là est une des essences de la profession d’architecte, qu’il ne serait pas nécessaire de mettre en avant (au même titre que l’on ne citerait pas “la conception de l’espace”). Cela pointe néanmoins selon moi, qu’il y a eu une confusion entre le devoir de l’architecte de répondre à son commanditaire, et celui de répondre aux besoins des destinataires de son travail. Si l’on peut parler d’une prise de conscience, on pourrait peut-être dire que les architectes désirent de plus en plus respecter non pas seulement le cahier des charges de la Maîtrise d’Ouvrage, mais également répondre aux désirs et modes de vie des habitants. Les méthodes de concertation et co-élaboration apparaissent alors comme un nouvel outil d’appréhension de l’expertise des usagers. 2. UNE STRATÉGIE POLITIQUE. Cette nouvelle distinction est due à la demande croissante de la population d’être écoutée et de participer à l’évolution de la ville, mais

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aussi à l’augmentation des commandes publiques et de l’intérêt politique concernant ces méthodes. Pour nombres de projets publics, l’intégration de la parole habitante est un outil stratégique pour s’assurer les bonnes grâces de la population. En valorisant l’écoute des acteurs politiques vis à vis de leurs citoyens, les communes acquièrent une réputation favorable à leur ré-élection. Comme l’indiquent Yves Sintomer, Carsten Herzberg et Anja Röcke dans un article de l’Harmattan, “le principal trait (de ce modèle) est de valoriser une proximité à la fois géographique et d’écoute entre citoyens d’un côté, administration et autorité locale de l’autre, tout en laissant exclusivement le pouvoir de décision dans les mains des seconds12”. Un exemple serait les politiques de « démocratie participative » menées à Strasbourg pendant les mandatures de 2008 à 2014. Selon un article publié en 2016 dans Métropoles, sous l’effet de la conjoncture électorale, la mairie a été amenée à multiplier les dispositifs de participation citoyenne. Un ensemble d’actions et de stratégies est alors mis en œuvre pour faire exister publiquement l’ouverture des projets municipaux “tout en s’efforçant d’éviter l’émergence de polémiques dont la reprise par les journalistes pourrait engendrer une dégradation du crédit politique du maire13”. Les articles et autres relais médiatiques sont alors orientés “de sorte que les éventuelles controverses soient neutralisées et que le traitement de la municipalité ne soit pas défavorable14”. 3. DES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES. Ces préoccupations grandissantes, impliquent une nécessité de formation des architectes pour répondre à ces nouvelles demandes. Plusieurs enseignements se développent en France, proposant à des architectes déjà diplômés de se spécialiser dans ce domaine. Une formation à “la médiation en architecture15” a ouvert à Bordeaux en 2015 ; une autre sur la “formation des professionnels de l’architecture au travail en collectif et pour développer un modèle de pratique architecturale contemporaine16” s’est inauguré en 2017 à Nancy, etc. La formation bordelaise apporte des compétences d’échange avec différents publics dans l’exercice en co-production, sensibilisation, partage, etc. D’après la plaquette de communication de la formation, ces différentes compétences déboucheraient principalement sur la ré-orientation de l’architecte puisque les débouchés énoncés sont le travail “dans les collectivités territoriales comme opérateur de services urbains”, “en organisme d’habitat”, “en opérateurs privés de programmation immobiliers”, “en association/médias/gestion de l’information et de la documentation” et en “agence de conseil en architecture et urbanisme”. N’est pas cité, la question primordiale de l’intégration de ces compétences dans l’exercice libéral de la profession d’architecte.

12: CUNY C., HERZBERG C., « La mobilisation des savoirs citoyens dans les budgets participatifs allemands. L’exemple de la région Berlin-Brandebourg », in: Topçu, S., Cuny, C. et Serrano- Velarde, K. (dir.), Savoirs en débats. Perspectives franco-allemandes, Paris, 2008, L’Harmattan, p. 227 13. ANQUETIN Virginie et CUNY Cécile, « La « parole des habitants » sous contrôle ? Compétition politique et participation citoyenne à Besançon et à Strasbourg» Métropoles, 2016. URL: https:// journals.openedition.org/ metropoles/5358 14. Ibid. 15. ENSAP Bordeaux, 2018 Url: http://www. bordeaux.archi.fr/formations/formations-specialisees/die.html 16. ANCA Atelier National des Collectifs d’Architecture / pré-inscriptions 2018. URL: http://www.nancy. archi.fr/fr/anca.html

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17. Ibid. 18. “Médiateur De La Consommation De La Profession D’architecte.” Accueil Du Site, 2016, URL: mediateur-consommation.architectes.org/. 19. Annexe p.46: Interview de Lison Hufschmitt réalisée par Mélusine Pagnier, Paris, avril 2018.

En revanche, la formation proposée par l’école d’architecture de Nancy, développe de son côté un enseignement intégré à la pratique de la profession. Elle propose un enseignement de “l’histoire de la pratique et références en collectifs”, pour “structurer son entreprise, sa forme et se protéger, gérer le collectif et ses acteurs, communiquer et crédibiliser son projet, comprendre la circulation des budgets publics et le lobbying”17. Ces enseignements requalifient le spectre d’action de l’architecte par l’intégration de nouvelles compétences.

B. Architecte Médiateur: de quelles compétences parle-t-on? 1. UNE DÉFINITION AMBIGUË. L’architecte engagé dans ce type de démarches prend souvent le suffixe de médiateur. Cette appellation laisse supposer qu’il est spécialisé dans la résolution de conflits et qu’il devrait être extérieur à la situation. En effet, le médiateur est un intermédiaire, donc par définition, entre deux parties. Dans ces négociations l’architecte doit pourtant rester une des parties: le Maître d’Oeuvre. Autrement dit, bien que l’architecte puisse intégrer des compétences de médiation, il reste avant tout un architecte. Le terme de médiateur se retrouve également et officiellement dans la création d’une nouvelle capacité d’exercice à l’Ordre des architectes qui met en place depuis le 1er octobre 2016, des “médiateur de la consommation18”. Au service des clients pour résoudre d’éventuels litiges, ces médiateurs sont avant tout architectes pour mieux comprendre les enjeux du conflit, mais ces derniers n’auront, dans cet exercice, pas de pratique architecturale à proprement parler.

2. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA MÉDIATION. Dans le but de définir les rôles d’un architecte médiateur, nous allons nous pencher sur les attendus de la médiation. Pour ce faire, j’ai réalisé une interview en avril 2018 auprès de Lison Hufschmitt19, coach d’équipe en entreprise et diplômée de la formation de médiation à l’école d’HEC, ou elle a pu participer à une suite d’expériences, enseignées comme exercice de médiation. Ces expériences mettent alors en valeur les compétences supposées d’un médiateur dans la gestion d’une équipe. Chaque expérience trouve son écho dans la mise en place de démarches participatives en architecture et permettent de mieux positionner les compétences requises de ces nouvelles pratiques.

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a. Se regrouper: la multiplicité des compétences NASA GAME: exercice de médiation20 Le but de l’exercice: Le premier exercice montre l’intérêt de la prise en compte de tous les éléments d’un groupe. Le groupe qui sait profiter de l’intelligence de tous ses membres (c’est à dire qui sait écouter et profiter des remarques et avis de chacun) sera toujours gagnant par rapport à la réflexion d’un individu seul. Concrètement, l’exercice propose aux participants de réordonner une liste d’éléments essentiels à la survie d’un être humain par ordre décroissant d’importance. Cette liste ayant été établie et publié par la NASA, l’objectif est de s’en rapprocher le plus possible. Le déroulement de l’exercice: Il est demandé dans un premier temps à chacun des participants, d’établir individuellement un ordonnancement pertinent des éléments de la liste en 5 minutes. Ensuite, les participants doivent constituer des binômes et établir (en 10 minutes et après discussion) un ordonnancement pertinent avec les quels ils sont tous deux en accord. Enfin, le groupe entier (une douzaine de participants) se réuni et doit répéter une dernière fois l’exercice, ensemble et en 20 minutes.

20. Annexe p.47-49: Exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées 21. Annexe p.46: Interview de Lison Hufschmitt réalisée par Mélusine Pagnier, Opcit. 22. Ibid.

Les résultats: A condition que des règles de « réunion de travail » aient été établies et respectées au cours de la séance de travail du groupe, les résultats sont alors généralement révélateurs de la force du groupe: “L’ordonnancement établi par le groupe des 12 participants est quasi systématiquement plus exact (c’est à dire plus proche de celui établi par la NASA) que ceux réalisés par les binômes, qui eux-mêmes sont plus exacts que ceux réalisés individuellement21”. On peut alors tirer la conclusion que théoriquement, “l’addition d’expertises est toujours bénéfique à la bonne réussite d’un projet22”. C’est en d’autres termes, le point de départ des projets participatifs, qui considèrent les usagers comme des experts à part entière. On retrouve également cette considération dans la forme de groupement que prennent les collectifs praticiens de la participation, intégrant une pluralité de compétences au sein de leur structure, ou s’associant ponctuellement pour répondre aux attendus de la MOA. Cependant, ces résultats sont dépendants d’un certain nombre de règles à respecter. Le médiateur se doit donc en ce sens d’être responsable de la mise en place de ces règles pour s’assurer du bon déroulé d’une concertation. b. Respecter les rôles. Une des règles primordiale pour assurer le bon déroulement d’un travail de groupe est la désignation de rôles. Il faut désigner quelqu’un qui se charge de l’explication claire des règles, un autre de la gestion du temps, de la répartition de la parole entre les participants, de la retranscription des événements, etc. Comme l’explique Lison Hufschmitt, “Sans

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23. Ibid. 24. Ibid. 25. Annexe p.51: Exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées 26. Annexe p.46: Interview de Lison Hufschmitt réalisée par Mélusine Pagnier, Opcit. 27. Ibid.

le respect de ces règles, on observe des résultats assez aléatoires23”. Bien que les réactions de chacun ne soient jamais totalement prévisibles, il est possible de mettre en place un climat plus propice à l’échange et plus efficace dans la production. La coach d’équipe rappelle qu’il est “beaucoup plus aisé de dire à un coéquipier (sans le vexer) qu’il a dépassé son temps de parole ou qu’il doit conclure parce que d’autres ne se sont pas encore exprimés lorsque l’on porte la casquette d’animateur de la réunion. Dans un groupe qui n’a pas pensé à distribuer des rôles d’animation d’une réunion, on n’ose souvent pas intervenir pour rappeler les règles et c’est là que les choses se gâtent24”. Dans un projet participatif, on peut aisément imaginer qu’il puisse y avoir des conflits si l’équipe d’ MOE prétend au rôle des usagers, en projetant des idées préconçues sur les besoins de ces derniers. C’est également un des points clefs de la mise en place des démarches participatives, qui donne à chacun des rôles complémentaires. c. Gérer les intermédiaires. L’HISTOIRE D’EMILIE DUPRE: exercice de médiation25 Le but de l’exercice: Le deuxième exercice montre certaines limites de la réflexion collective et l’importance du cadre dans lequel elle est mise en place. Emilie Dupré est l’histoire d’une femme qui prend le train et qui assiste à une suite d’événements laissant penser qu’il y a eu un meurtre. Le déroulement de l’exercice: Proche du “téléphone arabe”, l’exercice propose à un groupe de huit personnes de sortir d’une salle et de n’y rentrer que l’un après l’autre. Le premier entrant dans la salle écoute une histoire racontée par un animateur, sans pouvoir prendre de notes. Il appelle ensuite un second entrant à qui il doit raconter l’histoire qu’il vient d’entendre de la façon la plus exacte possible. Le second entrant appelle ensuite un troisième entrant à qui il raconte la même histoire, etc. Le tout se passant devant des observateurs qui, eux prennent des notes sur ce qu’il se advient de l’histoire pendant l’exercice. Les résultats: Lison Hufschmitt livre dans son interview les remarques faites par les observateurs : de nombreux oublis à chaque fois que l’histoire est racontée mais également des créations. “Le conteur oublie des éléments mais en invente aussi de nouveaux de façon généralement inconsciente26”.

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Cette transformation de l’histoire montre les “associations d’idées courantes que l’on peut faire sur une seule et même histoire27”. Chaque déformation est due à l’interprétation personnelle de l’intermédiaire. Plus il y a d’intermédiaire, plus le risque d’interprétation et de transformation de l’information dû à nos différentes représentations mentales est grand. La retranscription par exemple des besoins et désirs des habitants peut être comparée à l’histoire d’Emilie Dupré, qui sera fatalement


déformée, traduite et interprétée par chaque intermédiaire. Il est donc important que la chaîne de production soit courte, indépendamment du nombre d’acteurs d’un projet. L’architecte médiateur doit être un lien, et non un intermédiaire.

28. Ibid.

d. Créer du lien entre les parties. Puisque le médiateur ne doit pas être un intermédiaire de plus dans la chaîne de production d’un projet, il doit pouvoir mettre en lien direct les différentes parties et savoir organiser des rencontres. Comme le rappel la coach d’équipe Lison Hufschmitt: “La médiation repose sur la possibilité de parler en présence des parties, et non pas en leur absence28”. Bien que l’architecte médiateur doivent être un interlocuteur que l’on pourrait dire “polyglotte” du fait de sa capacité d’interaction avec les différentes acteurs, il doit permettre à chaque partie de prendre position sur la scène des négociations. Il devient un accompagnateur essentiel en donnant les clés de discussion à chacun des acteurs pour défendre leurs intérêts. Ces quatre compétences primordiales pour un médiateur sont souvent difficiles à intégrer dans le processus de production d’un projet d’architecture. L’architecte se trouve souvent démuni face à ces nouvelles demandes: il n’a pas été formé pour ces compétences et il y a peu d’écrits de références sur la question. Néanmoins, de plus en plus d’équipes de maîtrise d’œuvre expérimentent ces différentes méthodes et proposent des démarches participatives.

C. Les différentes formes que prennent l’application de ces méthodes

1. L’ÉQUIPE: STRUCTURES ET GROUPEMENT - QUI ? Les prestations réalisées dans l’association TEPOP ou dans l’agence OPEN ENDS n’ont pas révélées pour moi de différences notables dans la pratique. Le format de la structure n’impacte selon moi que peu sur les capacités d’exercice des méthodes participatives. Pour répondre aux exigences des différentes commandes, l’agence comme l’association doivent s’associer avec d’autres acteurs pour démultiplier leurs compétences ou leurs garanties. Chez OPEN ENDS, dans le cadre du projet de remplacement des portes des Musées d’Orsay et de l’Orangerie, l’agence s’est groupée avec un BET. Ce groupement de co-traitance leur permet régulièrement d’avoir accès à la commande publique. L’agence s’intègre alors dans des projets techniques dont le mandataire est souvent le BET, qui possède un capital suffisant pour répondre aux garanties demandées.

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Pour les projets de l’association TEPOP, si peu de groupements sont encore réalisés, c’est parce que les marchés ne s’étendent pas sur toutes les phases de production. L’association réalise alors des diagnostics, des prescriptions, des ateliers de conceptions, et transmet ensuite le marché à des associations de construction. Pour que TEPOP puisse avoir un regard et une influence sur l’ensemble des phases du projet, il faudrait répondre aux appels d’offres en se groupant directement avec d’autres associations aux compétences complémentaires. Pour palier cette obligation de groupement, certaines structures associent en leur sein différents corps de métiers, ce qui permet un suivi total de l’équipe sur la production, et ce qui facilite également la rédaction des contrats. Le collectif des Saprophytes, devenu une SCOP depuis 2017 intègre par exemple dans son équipe constante des architectes, des paysagistes, des constructeurs, des plasticiens, des graphistes, etc. 2. LES COMMANDES - POUR QUI ET AVEC QUELS FINANCEMENTS? Les deux structures, TEPOP et OPENENDS, pour pouvoir expérimenter des approches participatives répondent à des appels d’offres publics la plupart du temps. Appels d’Offres des collectivités territoriales: D’après ce que j’ai pu constater, les collectivités territoriales et les mairies sont les plus demandeuses concernant ces démarches. TEPOP répond donc à des marchés explicitement impliqués dans les démarches participatives comme avec l’appel d’Offre de Nantes Métropole, dont le titre expose clairement ce besoin: “Concertation pour le débat Air-Energie-Climat”. C’est en ce sens que l’association devient porteuse d’une commande dite “de niche”. Bien que l’implication des dirigeants de l’association soient bénévole, TEPOP facture alors chaque atelier pour permettre la rémunération des employés (comme moi) et l’investissement dans le matériel et les équipements nécessaires. OPEN ENDS répond également depuis peu à ce type d’appels d’offres pour faire valoir un savoir-faire dont la valeur a un coût, et qui impliquerait une plus grande reconnaissance de leur investissement.

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La demande des usagers: Certaines commandes viennent de la part des usagers. En effet, pour le projet de TEPOP à la Courneuve, la commande est partie de la direction du centre social Edgar Quinet. Dans ce cas, les contrats se définissent avec le commanditaire, et la distinction entre Maître d’Ouvrage et Maître d’Usage se dissipe. Le commanditaire forme un groupement de participants qui pourra intégrer le processus de production tout au long du projet.


Ces démarches doivent alors passer par d’autres types de financement. Dans le cas de ce projet, le budget du centre étant dérisoire, il était impossible d’aller jusqu’à l’exécution des travaux pour la rénovation du centre. Il a fallu trouver des montages financiers alternatifs pour pouvoir réaliser la commande. Il était possible de monter des dossiers de subventions mais la durée d’obtention de ces financements était très longue et la demande, urgente. TEPOP a donc proposé de scinder la commande en faisant un pari: obtenir des aides de la mairie en présentant le projet une fois la démarche de co-conception réalisée avec le budget du centre social. Les Marchés Publics de réhabilitation: OPEN ENDS travaille spécialement sur la question de l’existant, et propose généralement d’accompagner le commanditaire dans la redéfinition de sa commande. La réhabilitation donnant la possibilité aux architectes de revoir la programmation d’un marché, OPEN ENDS profite de ce temps d’ajustement pour mettre en place des démarches participatives avec les usagers. La commande n’est donc pas nécessairement tournée vers ce type de démarche mais OPEN ENDS saisit l’opportunité qu’offre ce temps de réflexion pour réaliser un diagnostic à valeur-ajoutée. 3. LE POSITIONNEMENT DES ARCHITECTES – COMMENT ? Quand la commande vient des usagers: Le renversement hiérarchique de la commande créée par le désir des usagers influe sur le positionnement de l’architecte. Dans le cas du centre social de La Courneuve, la commande venait directement des usagers. Les usagers étaient alors très mobilisés et cela a facilité beaucoup de démarches. Concrètement, les participants savent pourquoi nous sommes là, et ne se demandent pas “de quel côté nous sommes” car ils sont à la fois destinataires et commanditaires. L’ambiance est pleine d’espoir et d’entrain, et le cadre de travail est entièrement choisi par les usagers et la Maîtrise d’Oeuvre. On remarque alors que la créativité des participants est plus importante et leur réflexion décloisonnée. Il était très agréable de travailler dans ce cadre de commande. Quand la commande vient d’une collectivité ou d’un MOA public: la dissociation du commanditaire et du destinataire implique un positionnement plus proche du médiateur que lorsque la commande vient des usagers. En effet, TEPOP comme OPEN ENDS doit alors à la fois répondre à la commande contractuelle tout en respectant les attendus des usagers. Certaines situations sont même très complexes, comme dans le cas de la commande de Nantes Métropoles, puisque le centre social du Clos Toreau s’était vu imposer la concertation. Dans ce cas, il faut donc gagner

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la confiance des participants en travaillant d’abord, pour, et avec eux. Dans le cadre de la commande de l’EPMO, l’agence OPEN ENDS a proposé aux usagers de participer, ce qui a permis d’instaurer de meilleurs conditions préalables de travail. L’architecte porte alors l’initiative de prendre en compte de nouvelles contraintes, ce qui facilite le rapport de confiance entre les différents acteurs.

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fig. 3. Panneaux de communication récapitulatif réalisé pour les jeunes du Clos Toreau par l’association TEPOP après avoir réalisé des ateliers maquettes.

CLOS TOREAU #2 ATELIER

BATTLE D’ARCHI

TERRAIN DES POSSIBLES Il n’y a pas assez de lumière sur le terrain, on va installer des vélos à dynamo pour allimenter des lampadaires

On peut faire un projet en lien avec le terrain de foot à côté, un endroit pour se reposer après les matches. On va concevoir ensemble un projet qui crée, transforme ou récupère de l’énergie

Si on utilise l’énergie cinétique on peut créer de l’électricité pour faire un cinéma !

Nous on va être la team Football !

Présentation des ateliers

Répartition des groupes

Premières idées émises par les jeunes

Découverte des références de projets

Lancement du projet / groupe 2

Like a boss On peut créer un espace couvert pour se retrouver le vendredi soir, et manger ensemble, avec un barbecue solaire. Lancement du projet / groupe 3

Nous on aimerai un endroit couvert pour se reposer, mais qui puisse aussi être ouvert l’été, donc on pourrait inventer un toît amovible. Lancement du projet / groupe 1

#1 PRIX EXECO

L’AMPHI-CINÉ

Un amphithéatre tourné vers le mur, pour regarder des projections de film en famille, ou des jeux vidéos pour les jeunes.

Un espace couvert servira d’abris, pour se reposer entre les matches de foot ou se retrouver le soir. Des bancs et des assises fabriqués à partir de matériaux de récupération seront installés sous l’espace couvert.

Pour protéger de la pluie et du vent, on pourra installer des paroies végétalisées.

A l’intérieur, un sol piezzo electrique récupére l’énergie des vibrations lorsuqu’on danse et allimentera le système son pour écouter de la musique ou la projection des films.

Le vendredi soir, on se retrouve autour d’une pizza, si on aménage un barbecue solaire, on pourra faire cuire de la nourriture et se retrouver ici pour manger ensemble.

On a le meilleur projet les gars !

Raphaël film les ateliers

Vous avez tous eu des supers idées.

Restitution des groupes

#1 PRIX EXECO

LE PRÉ(E)AU

Un préau couvert par un matériau translucide pour laisser passer la lumière La pente du toit permet de récupérer les eaux de pluie par des goutières, et stocker les eaux dans un réservoir près du mur.

Le réservoir permet d’allimenter un robinet pour se laver les mains après le foot, ou boire de l’eau si elle est filtrée.

L’eau du réservoir pourra aussi servir à arroser les plantes grimpantes sur le mur.

Sous la couverture, il y aura un espace pour manger ensemble, avec un barbecue et un réservoir à charbon.

Pour éclairer la surface la nuit, des vélos à dynamo et des jeuns pour enfants à énergie cinétique produisent de l’énergie.

Note des jury

#2 PRIX

LA BULLE LUMINEUSE

Pour pouvoir se retrouver, discuter et se reposer ensemble, une structure en demis-cercle vient s’appuyer sur le mur.

Recouverte de différents matériaux pour égayer l’espace, chaque paroie sera un support d’expression, en laissant les habitants dessiner et écrire dessus.

La toiture amovible de l’espace permet de se protéger de la pluie en hiver ou de laisser entre la lumière en été.

Du mobilier construit en matériaux de récupération pourra être installé à l’intérieur pour créer un espace confortables.

Un sol recouvert de piezo-électrique pourra allimenter des luminaires à l’intérieur de la structure pour pouvoir éclairer le soir.

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II. OUTILS ET MÉTHODES

A. Le dialogue

1. CIBLER SON PUBLIC ET LE METTRE EN LIEN AVEC LES AUTRES ACTEURS D’UN PROJET Le dialogue est au cœur de la mise en place des pratiques participatives. Pour établir un dialogue ouvert et constructif, il est important de savoir à qui l’on s’adresse. J’ai pu remarquer que les méthodes d’intervention varient en fonction du public ciblé. Lorsque le public de la concertation est ciblé: L’association TEPOP travaille toujours avec la même cible de participants: les jeunes de 15 à 25 ans. En portant un discours politique sur cette tranche d’âge “oubliée” et “trop peu souvent écoutée”, TEPOP se spécialise dans la concertation avec de jeunes usagers. Cette démarche amène l’association vers des commandes très spécialisées, ce qui lui garantit plus de chances de réussite lorsqu’elle répond à des appels d’offres similaires. Cette démarche permet également de comparer plus facilement chaque expérience pour en tirer un apprentissage et améliorer ses méthodes. C’est grâce à ces recherches sur le temps long que TEPOP a pu créer des méthodes de plus en plus efficaces pour mobiliser les jeunes. Nous avons pu par exemple remarquer que la présence de jeunes du même âge que les participants dans l’équipe d’architecte est un vrai atout dans la communication, au même titre que l’aspect ludique des ateliers. La mise en relation des jeunes participants avec les autres acteurs du projet n’est néanmoins pas toujours évidente car chaque groupe d’acteurs portent des a-prioris forts. J’ai pu entendre plusieurs fois de la part de certaines Maîtrises d’Ouvrage que les jeunes ne pourraient pas leur présenter leurs projets parce qu’ils ne savaient pas s’exprimer, ou qu’ils n’étaient pas assez motivés. Certains jeunes pensent également 26


qu’ils ne seront pas écoutés, ou que leurs interventions ne changeront rien. Il faut alors prendre le temps de déconstruire petit à petit ces a-prioris, et trouver un temps de dialogue régulier entre tous les acteurs. Lorsque le public de la concertation est différent à chaque fois: OPEN ENDS intègre des publics différents à tous leurs projets (services techniques, habitants, élus, etc.) Il est alors plus difficile de prévoir des méthodes ou des outils pré-établis. Bien qu’OPEN ENDS tire certaines de ses démarches des ateliers expérimentaux réalisés par le biais de TEPOP, il n’est jamais possible de les ré-utiliser tels quels. L’aspect ludique des outils de TEPOP, primordial dans les cadres d’interventions de l’association, a parfois dérouté certaines concertations réalisées par OPEN ENDS avec des publics très différents. Certains élus ont par exemple refusé de participer à une concertation sur l’écriture réglementaire d’un PLU car nous avions trop mis en avant l’aspect ludique des ateliers, et que ces derniers “n’étaient pas là pour jouer”. Se mêlait malheureusement à ces conflits, d’autres facteurs, d’ordre politiques, puisque la commune que nous faisons participer n’était pas du même bord que le commanditaire de notre intervention. Dans le cadre du projet pour l’EPMO, l’objectif visé a plutôt été le recueil des contraintes abordées par chacun des services techniques des musées pour établir un diagnostic intégrant les problématiques d’usage. Certains outils ont donc été créés spécifiquement pour mettre en place cette écoute. En ciblant des publics différents, et en mettant en valeur leur capacité à produire des outils ajustés à la commande, OPEN ENDS ouvre un champs d’accès à la commande plus large que celui de TEPOP. Rappelons néanmoins que la mise en relation avec les différents acteurs était en outre plus évidente, car ces différents services travaillent pour le même organisme, l’EPMO, soit le commanditaire. 2. LA MISE EN RÉCIT Pour les deux structures, la mise en récit du travail effectué est un élément clé de la réussite des méthodes participatives: savoir définir les règles de participation, raconter le projet, et ce que l’on tire de chaque expérience. Avec une équipe de participants stables: OPEN ENDS a travaillé avec les mêmes participants tout au long de l’élaboration du projet avec l’EPMO. En regroupant une première fois l’ensemble des services, et en expliquant les attendus de notre équipe quand à leur intervention, les participants ont pu commencer à nous expliquer leurs besoins respectifs. Un planning de réunion a alors été établi pour s’assurer du suivi continu des tous les services des musées. Un représentant de chaque service était

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29. BROWN Juanita, A resource guide for hosting conversations that matter at the world café, 2002, p.1 : “Many large change

efforts began when people sat down together for informal conversations in living rooms, kitchens, cafés, and church halls. Consider the sewing circles and Committees of Correspondence that helped birth the American Republic, as well as the cafés and salons that spawned the French Revolution. Consider the Scandinavian study circles that stimulated an economic and social renaissance in Northern Europe. Consider the church gatherings where the civil rights movement was born.”

30. ROGERS Carl R. and FARSON Richard E, «Activ Listening», Excerpt from Communicating in Business Today R.G. Newman, M.A. Danzinger, M. Cohen (eds) D.C. Heath & Company, 1987 31. Ibid.

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présent aux réunions d’élaboration du projet, ce qui facilitait les comptes rendus. La mise en récit du projet se formalisait par le rappel des dernières décisions prises collectivement et la présentation des nouveaux questionnements pour les nouvelles séances. Avec une équipe de participants changeante: L’équipe de participants au projet du Clos Toreau étaient en revanche souvent changeante. Bien que les concertations soient toujours organisées par le Centre Jeunesse , les jeunes sont un public difficile à mobiliser de façon constante. Un très petit noyau de jeunes a pu participer à tous les ateliers, et la grande majorité découvrait le projet à chaque nouvel atelier. L’importance de la mise en récit devient alors primordiale. Le but n’étant pas de remettre en question le travail effectué à la séance précédente, il est essentiel de savoir raconter pourquoi nous en sommes venus à tirer ces dernières conclusions. Inviter les jeunes présents aux précédents ateliers à participer à ces comptes rendus pourrait être une assurance de bonne réception des nouveaux arrivants. La confiance étant déjà établie entre-eux, cela permettrait une appropriation des enjeux plus efficaces. De plus, l’entraînement des jeunes à participer à ces retranscriptions les habituent à la prise de parole, qui sera une étape nécessaire pour convaincre la Maîtrise d’Ouvrage lors des comptes rendus finaux. 3. LE LANGAGE DE L’OUVERTURE S’ouvrir à l’extérieur: Enfin, de façon pragmatique, le langage de l’ouverture est un outil fondamental pour la mise en place du dialogue. On peut noter en premier lieu que la confiance s’établit bien plus vite en installant un climat chaleureux. Sourire, se rendre disponible, ouvert et encourageant, ne sont pas des objectifs de second plan. L’accueil dans un espace confortable, stimulant, et avec de quoi grignoter, peut réellement faciliter les rapports, et décloisonner les relations. Comme l’explique le livre World Café - Shaping Our Futures Through Conversations that Matter, l’informalité d’une conversation peut amener à sortir de son rôle et amène alors le changement29. Le langage de l’ouverture passe par la gestion de la parole mais aussi du corps. Les travaux du psychologue Carl Rogers sur les dispositifs à mettre en place pour installer un climat “d’écoute active30” permettent d’établir une liste non exhaustive de conseils pour le bon déroulement d’une concertation comme la “pratique du langage des faits”, “la conjugaison du futur au conditionnel”, “la gestion du langage corporel” 31, etc. S’ouvrir à l’intérieur: Ce langage de l’ouverture se retrouve également au sein de la structure. Porter une autre façon de s’exprimer auprès de la Maîtrise d’Ouvrage et d’Usage demande un engagement qui se retrouve souvent en interne. J’ai pu constater qu’au sein d’OPEN ENDS comme


de TEPOP, l’établissement de la hiérarchie se caractérise par l’investissement et la confiance. Le modèle d’organisation se rapproche plus d’une équipe sportive, ou chacun a ses spécificités et où la direction interagit avec ses employés plutôt comme un guide ou un coach. Ceux que l’on considère couramment comme des exécutants, comme les stagiaires acquièrent très rapidement des responsabilités et la confiance s’installe vite.

B. Les supports.

1. CRÉER UN TERRAIN COMMUN PAR L’ADAPTATION. Trouver les supports de l’échange, c’est savoir adapter ses outils pour trouver des référentiels communs. Ne plus travailler uniquement avec des professionnels de la construction implique une transformation des dispositifs de travail. Un des exemples les plus parlant est la suppression du jargon dans le dialogue avec ses interlocuteurs. En effet, ce langage étant destinée à un public restreint des professions de la construction, il met une distance entre l’équipe de concertation et les participants. Il ne s’agit pas pour autant de vulgariser les pratiques architecturales mais de leur donner des supports que l’on puisse partager. La compréhension des représentations du projet doit également être abordable par les participants, ce qui exclut les plans techniques et les réductions d’échelles trop importantes. En effet, j’ai pu constater que la représentation à l’échelle 1, est un moyen sûre pour les participants de se projeter dans l’espace. Lors des ateliers de TEPOP à La Courneuve, nous proposions des séances de dessin de mobilier en grandeur nature. Autour de leur propre silhouette projetée au mur, les jeunes dessinaient le mobilier le plus pratique et adapté à leurs besoins en fonction de leurs postures. Nous avons également utilisé ce procédé au Clos Toreau, en dessinant avec les jeunes le plan de la structure imaginée au sol, et sa projection en coupe, sur le mur (fig. 2, p.15). Grâce à cela, les jeunes prenaient alors pleinement conscience des proportions de ce qu’ils avaient au préalablement représenté en maquette, donnant lieux à des modifications et ajustements du projet. La représentation à l’échelle 1 peut-être un terrain commun pour l’équipe de Maîtrise d’Oeuvre et les participants, mais il ne faut pas oublier que la plupart des projets élaborés avec les usagers doivent ensuite être présentés aux élus, à la mairie, ou à d’autre formes de pouvoirs décisionnels de la construction de la ville. De bons outils participatifs sont des outils adaptés à leurs participants, il faut toujours réviser ses supports de travail pour chaque projet et chaque interlocuteur. L’architecte doit donc trouver des référentiels communs pour chaque partie avec qui il interagit et savoir parler plusieurs langages.

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2. DES OUTILS INTERACTIFS Une multitude d’outils peut être mis en place lors des démarches participatives. Le but n’est pas d’en faire ici la liste, mais plutôt de comprendre l’impact de leur usage. Je répertorie un certain nombre d’outils sous deux formes: les outils d’écoute et les outils de création. Les outils d’écoute permettent de recueillir des informations, pour pouvoir écrire “à plusieurs mains”. Ces outils ne convoquent pas la création, mais permettent plutôt aux participants de s’exprimer. Dans le cadre du projet d’OPEN ENDS au musée d’Orsay, quelques outils d’écoute ont été mis en place. En effet, dans un projet de réparation technique de l’existant il est plus pertinent de faire parler les usagers de leurs habitudes, désirs et suggestions, que de les faire travailler à l’invention d’un nouveau dispositif. Au fur et à mesure des rendez-vous avec les participants et l’avancée des différents scénarios de projet, OPEN ENDS a, par exemple, affiché les résultats dans les bureaux des services techniques du Musée. Ces grands panneaux permettaient alors d’informer de l’évolution du projet mais aussi de recueillir de nouvelles informations d’une réunion à l’autre puisque ces affiches prévoyaient des espaces à annoter par les usagers (fig.4, p.33). Grâce à ces panneaux, nous pouvions alors constituer un recueil d’informations concernant les réceptions intermédiaires des scénarios. Cette installation permettait également de pouvoir toucher un public plus large que celui sélectionné par le musée pour travailler avec nous (fig.1, p.9), et sur des temps beaucoup moins contraints. Il n’est plus question de la présence obligatoire des architectes pour pouvoir avancer dans la réflexion du projet. Les outils de création offrent la possibilité aux usagers de matérialiser les idées qu’ils portent sur l’élaboration du projet. Ces outils sont transformés pour que les participants puissent se les approprier au point qu’ils en soient les auteurs. La maquette interactive est un des outils de prédilection d’OPEN ENDS comme de TEPOP. Pour le Musée d’Orsay, OPEN ENDS a créé une maquette modulable, et semblable à un jeu de plateau, permettant de visualiser les scénarios, de tester différentes matérialités, de comprendre les logiques de flux, etc. La maquette devenait alors un outil de discussion lors des réunions, permettant à chaque service de transformer l’espace selon l’expression de ses attentes. TEPOP utilise le même procédé en concevant des fonds de maquettes avec des “kits de construction” qui sont utilisés pour les projets de Nantes comme de La Courneuve, sous des formats ludiques (fig.3, p.25). Les participants construisent des maquettes de l’espace dont ils rêvent, en mettant en scène sa matérialité, et leurs usages actuels et prospectifs. 30


3. CONVOQUER LA CRÉATIVITÉ Convoquer la créativité est une action essentielle à la réussite d’ateliers participatifs. Avoir des approches créatives sur l’imaginaire permet de discuter plus facilement de désirs profonds partagés, sans tomber dans les revendications anecdotiques de chaque individu. Nous sommes souvent plus proches les uns des autres dans notre imaginaire que dans les rôles sociaux que nous confèrent nos statuts, notre éducation ou notre culture ; et la créativité nous permet de créer des ponts entre les individus. Les outils de création deviennent alors une réelle valeur ajoutée à la co-élaboration. L’emploi du conditionnel peut également faciliter la création, laissant entendre que nous nous abstrayons d’une certaine réalité technique. Selon le Guide de la Maîtrise d’Usage publié par Nantes Habitat, il est même primordial que les participants s’abstraient des solutions pré-conçues qu’ils ont avant de participer à l’atelier. Le guide préconise de faire s’exprimer le participant en “fonctions”, et non en “solutions”: “si les locataires s’expriment spontanément en termes de solutions, par exemple : « Je veux une rampe de spots au dessus de mon évier », il convient de poser immédiatement une question «pourquoi?», afin de comprendre quelle est la fonction attendue qui se cache derrière la solution proposée.32” Il en va de même pour l’équipe de MOE, qui doit s’abstenir d’exprimer des solutions préconçues en réaction aux expressions des usagers.

32. JOUBERT Mathieu, Opcit, p. 34 33. LES SAPROPHYTES et VERHILLE Benoît, Les saprophytes, urbanisme vivant, entretien avec Amandine Dhée, La contre allée, 2017, p.47 34. LES SAPROPHYTES et VERHILLE Benoît, Opcit, p.21 35. CLEMENT Gilles, conférence au Rendez-vous du Futur, “Le temps de penser”, 2011

C. Un principe régénératif

1. AVOIR DU TEMPS J’ai pu remarquer que les temporalités déployées dans les démarches participatives sont différentes d’un processus de conception habituel. A plusieurs niveaux, le temps est étiré, ou du moins il n’a pas la même valeur. De par le fait que ces démarches prennent du temps, il est évident que la participation d’un public nécessite un délai d’organisation et un délai d’application plus long. Pour sortir d’une démarche quantitative pour aller vers une démarche qualitative, il est essentiel de laisser mûrir la réflexion. Les Saprophytes comparent ce processus à celui du bac à compost, sur lequel ils écrivent “n’ajoutez rien, je mature33”. Ils expliquent que parfois, il faut “attendre et admettre qu’aucune intervention humaine ne pourra accélérer le processus34”. A l’air de la productivité, prendre le temps est souvent considéré comme un luxe dans la construction de la ville. C’est pourtant cette lenteur qui peut permettre l’observation et d’apporter une réponse appropriée à la demande. Le but est d’avancer doucement et à son échelle en acceptant les aléas propre à l’humain. C’est une sorte de “laisser faire” pour accepter de ne pas tout contrôler. Gilles Clément se définit par exemple comme un “jardinier de l’incertain35” dans une conférence donnée au Rendez-vous

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36. CLEMENT Gilles, conférence au Rendez-vous du Futur, “Le temps de penser”, 2011

du Futur, en 2011 puisque “le jardinier sait que tous les matins, son projet est déjoué par la nature, qui a inventé quelque chose de nouveau avec lequel il va falloir travailler36” L’architecte se confronte à la même problématique quand il produit un objet figé pour une population en constante évolution. Le but n’est donc pas de bloquer la mutation intrinsèque de la nature, mais de lui offrir un cadre qui accompagne sa mutation. Le projet vu comme une adaptation constante produit des limites temporelles plus floues où l’intervention de l’architecte fait partie d’un cycle de vie qui dépasse le temps du projet. 2. LE SUIVI DE TOUT LE PROCESSUS: UNE ÉMANCIPATION CITOYENNE Le projet participatif prend souvent des tournures pédagogiques. En travaillant ensemble, les usagers apprennent autant que l’équipe de Maîtrise d’Oeuvre, c’est un échange. Dans certains projets, cette dimension pédagogique est même une caractéristique du contrat. Le suivi des participants de toutes les étapes du projets leur permet de comprendre le système dans lequel ils s’impliquent. Ces nouvelles connaissances tendent à créer une sorte d’émancipation citoyenne. Dans le cadre du projet de TEPOP à La Courneuve, les jeunes ont pu suivre chaque étape de conception, et bientôt de construction. En parallèle des ateliers de conception, des recherches de matériaux de récupération étaient par exemple menées. Une équipe de jeunes accompagnée d’un architecte ont fait le tour des entreprises locales avec un petit camion pendant plusieurs jours pour récupérer les invendus, ou les produits dits “défaillants”. Les architectes n’ont pas d’intérêt spécifique dans la conception à intégrer les participants à cette démarche, si ce n’est d’ouvrir l’horizon de leurs possibles. En effet, les jeunes sauront maintenant comment récupérer des matériaux pour mettre eux-mêmes en œuvre les potentielles mutations futures du mobilier du centre. La retranscription des ateliers au services techniques de la mairie et aux élus a également été réalisée par les jeunes, que nous avons seulement aidé à préparer. Lors de ces séances de préparations, nous essayons de leur apprendre non seulement à expliquer leurs idées, mais aussi à les éveiller aux enjeux politiques du pouvoir public que nous accueillerons. Grâce à cela, les jeunes sont plus pertinents et convaincants dans leur discours car leur vision des financements des projets publics est plus globale et complexe.

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fig. 4. Planche explicative des démarches participatives réalisée par l’agence OPENENDS dans le cadre du projet de l’EPMO

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III. LES IMPACTS

A. “Des fins ouvertes”

1. LA CONSCIENCE DU CONTEXTE ET DE SA TEMPORALITÉ. L’emploi de ces différentes méthodes et outils transforment la production finale. Comme l’effet papillon, chaque étape de production se trouve bouleversée. Les projets ayant trouvé un ancrage fort dans la définition des attentes montrent souvent une plus grande conscience de l’environnement du projet et proposent alors des solutions plus complètes. Développer ce genre de démarches n’aboutit pas seulement à une plus plus grande compréhension du contexte, mais aussi de sa temporalité. Nous pouvons mieux appréhender notre positionnement dans le temps en pensant le projet comme un avant (l’existant), un pendant (les démarches) et un après (les suites). Cet “après” remet la “finalité” du projet en question et propose de développer des processus régénératifs. Par la considération du projet dans son contexte temporel, la création s’inscrit dans un cycle de vie qui dépasse notre intervention. En prenant en compte les mutations futures de l’espace sur lequel les architectes interviennent, ils rendent plus facile les modifications ultérieures. L’enjeu des projets menés à l’agence comme dans l’association est de rendre possible ces mutations. L’agence n’hésite pas à présenter des projets incrémentaux, c’est à dire, qui puissent se développer dans le temps en proposant des constructions “par étapes”. Le budget imparti n’étant parfois pas suffisant pour réaliser les propositions faîtes par OPEN ENDS, l’agence propose d’en faire construire un morceau seulement, pour laisser la possibilité à la Maîtrise d’Ouvrage de continuer le projet lorsqu’elle en aura les moyens. Dans le cadre du projet pour l’EPMO, la Maîtrise d’Ouvrage a opté pour un scénario incrémental et ne fera donc réaliser pour l’instant qu’une partie de la proposition finale 34


d’OPEN ENDS. La Maîtrise d’Ouvrage prend alors elle aussi conscience de la temporalité d’un projet en acceptant que la fin de la mission, bien qu’elle réponde à tous les critères impartis, ne signifie pas la fin du projet. 2. LE DIAGNOSTIC FAIT PROJET. Cette expression, bien connue depuis les années 70 et soutenue par un ensemble d’auteurs issus des sciences sociales et humaines comme Henri Lefèvre, Michel Foucault, Michel de Certeau, Guy Debord, etc., nous amène vers l’idée que le processus fait corps avec le résultat. On pourrait interpréter cette phrase comme si l’analyse devenait le produit final, mais aussi comme l’idée que toutes modifications d’une recette, impacte le goût de son plat.

37. CHAPEL Enrico, “D’un urbanisme global à une pratique de situations spatiales”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p, p.12 38. Ibid.

Dans un essais publié par Atelier Georges et Mathias Rollot, Enrico Chapel développe la même idée à travers la notion de temporalité de l’acte architectural. Considérant que beaucoup d’intervention de “collectif” employant des méthodes participatives sont éphémères, il explique que la durabilité des installations architecturales “n’est pas une préoccupation majeure37”. La durabilité est peut-être autre, peut-être un équilibre, peut-être une énergie, peut-être une mémoire. En effet, il attribue la pérennité à “la dynamique des rapports humains et ambitions que les aménagements spatiaux ont su susciter au sein de la communauté locale qui les a accueilli38”. L’architecte peut, et doit parfois, remettre en question la priorité de sa création formalisée, face à la demande.

B. Une transformation des attentes

1. DES RÉSULTATS SOUVENT ÉLOIGNÉS DES PREMIÈRES ESTIMATIONS. Le diagnostic établi selon des démarches participatives laisse une place à l’imprévu. En sortant de l’analyse uniquement scientifique d’un contexte, pour y intégrer des données sociales et sensibles, on ouvre un peu plus grand la porte des aléas. Les relations humaines ne sont pas contrôlables en tous points et il faut alors accepter de suivre des chemins imprévus. Dans le cadre du projet de TEPOP pour Nantes Métropole, au fils des séances, les jeunes ont orientés leurs réflexions sur des propositions de plus en plus éloignées de la commande. Alors que nous devions réaliser un prototype écologique (type vélo à dynamo, réservoir de récupération d’eau de pluie, etc.) le projet qui prenait forme avec les jeunes dépassait petit à petit la commande: le dessin final propose un ensemble de petits équipements écologiques regroupés sous un abris qui leur per35


39. HALLAUER Edith, “Vers une déprise d’oeuvre”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p, p.31 40. Ibid.

mettraient de regarder les matchs de foot du terrain mitoyen, de manger ensemble le vendredi soir et projeter des films sur un des murs existants. Edith Hallauer, critique d’architecture montre que le cadre de l’imprévu est nécessaire à la mise en place de démarche participative. Dans un texte sur la déprise d’oeuvre, qu’elle interprète comme l’acceptation du “laisser faire”, elle explique qu’il s’agit pour le concepteur “non pas de concevoir la chose, mais les conditions de la possibilité qu’elle advienne39”. Cet imprévu doit néanmoins être accueilli, et l’art de la chose est de savoir dresser la table pour entreprendre les négociations. Elle s’appuie sur l’exemple du théâtre d’improvisation qui enseigne “qu’on ne peut générer de la matière qu’à partir d’une règle du jeu, d’une trame. Autrement dit, il y a toujours un acte posé, un “cadre” pour que le “spontané” arrive: en somme, il doit y avoir prise pour qu’il y ait déprise40”. Plus que de sortir de la procédure, il est important de savoir l’adapter, la questionner et la reformuler au fur et à mesure. Les résultats s’en trouvent alors transformés: en laissant place à l’imprévu, et en adaptant les procédures, on donne une marge d’expression plus grande aux participants. Cette marge crée des résultats parfois éloignés des premières estimations mais permet de remettre en question la commande.

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2. UNE ÉVOLUTION DE LA COMMANDE. Dépasser la commande ne veux pas dire que nous n’y répondons pas. En dessinant un projet plus important que celui qui nous était commandé, nous essayons de faire comprendre à la Maîtrise d’Ouvrage que les enjeux qu’ils avaient identifiés ne sont peut être pas prioritaires, mais intégrons dans nos propositions des solutions aux problématiques identifiées dans la commande. Ces solutions peuvent être réalisées indépendamment du reste du projet, si le commanditaire choisit de rester sur son premier choix. Pour le projet de TEPOP au Clos Toreau, Nantes Métropole a complètement accepté notre proposition: la Maîtrise d’Ouvrage s’est engagée à construire ce qui ne faisait pas partie de la commande initiale. TEPOP organisera donc 3 chantiers participatifs pour construire les prototypes écologiques conçus avec les jeunes, en parallèle de la construction du reste de l’abri. D’un côté, nous pouvons considérer comme une avancée et une réussite la transformation d’une commande de sensibilisation en commande de Maîtrise d’Oeuvre. Nos compétences d’architectes ont permis de formaliser les désirs et besoins des jeunes du quartier pour ensuite produire un dossier architectural et technique pour le commanditaire. De l’autre côté, nous pouvons nous demander si nous ne sommes pas dépossédés de nos compétences de constructeurs en n’ayant qu’un regard officieux sur la construction de l’abri. Puisque aucun contrat


ne nous lie pour l’instant à la bonne exécution des travaux, il nous sera difficile de défendre le dessin produit avec les jeunes et nous ne pouvons alors compter que sur la bonne volonté de la Maîtrise d’Ouvrage. Pour le Musée d’Orsay et de l’Orangerie, les différents choix de la Maîtrise d’Ouvrage concernant les scénarios ont amené à une réorganisation complète de la commande. Bien que tous les services techniques étaient unanimes (et d’après leurs dires, c’est rare), la réception de notre travail a pourtant d’abord provoqué l’inconfort du Maître d’Ouvrage. En effet, le scénario choisi par les services techniques dépassait l’enveloppe budgétaire impartie. Des études de flux ont alors été réalisées pour vérifier la pertinence de notre proposition. Les résultats confirmant notre analyse, la direction a décidé de transformer le marché, pour passer d’une mission technique (rappelons qu’il s’agissait de remplacer des portes d’accès), à une mission architecturale. Le marché unique s’est également dédoublé en 2 marchés distincts pour chaque musée. Le contrat est donc en ré-écriture, et le dédoublement du marché augmente également nos honoraires de travail. En ce sens, c’est une réussite car nous avons pu réellement transformer la commande en passant par un cadre légal. Néanmoins, cette réussite à encore une fois découlé de la bonne volonté de la Maîtrise d’Ouvrage, qui aurait simplement pu nous demander de prévoir un projet moins coûteux ou choisir un scénario différent de celui que les services techniques avaient sélectionnés. De par l’aspect expérimental de ces démarches, il n’est pas encore établi de contraintes légales pour pousser les Maîtrises d’Ouvrages à établir des diagnostics participatifs et le travail que nous produisons est alors une prise de risque continuelle.

C. Un nouvel accès à la commande

1. CE QUI EST UNE COMMANDE DITE DE “NICHE” POURRAIT SE GÉNÉRALISER. Aux vues de l’évolution de la commande publique dans l’aménagement de la ville, on pourrait imaginer que ce qui reste pour l’instant des commandes dites de “niche”, se régularisent ou deviennent des obligations. Nous avons vu que certaines lois récentes tentent de promouvoir les pratiques de concertation et il se pourrait que l’engouement actuel pour ces démarches s’enracine plus profondément dans l’exercice de la profession d’architecte pour se pérenniser. Passer d’une pratique alternative à une pratique légiférée ou obligatoire n’est pas évident. Bien que mon premier avis fût dépréciatif quand à la décision de la loi Alur de ne pas endurcir l’obligation de concertation, je me demande maintenant s’il n’est pas nécessaire que ces démarches restent optionnelles pour le moment. Les Maîtres d’Oeuvre

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41. LECONTE Christine, présidente de l’Ordre des Architectes Ile-de-France, ROTH Bernard, dirigeant de Péricles et Développement, FOURNIER KB Alice et BOUAZIZ Jéremie du Grand Réservoir, Faire la ville; que reste-t-il à réinventer? Les Faiseurs de ville face aux nouveaux mode de consultations, Pavillon de l’Arsenal, 19 Juin 2018 42. Ibid. 43. CHAPEL Enrico, Opcit, p.12 44. CHAPEL Enrico, Opcit, p.13 45. CHAPEL Enrico, Opcit, p.11 46. MACAIRE Elise, “Une histoire de collectifs”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p, p.30

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et d’Ouvrage manquant encore de formation et d’exercice, les résultats ne seraient pas forcément concluants. Mais plus encore que le manque d’expérience, il est important de noter que le caractère alternatif d’une production permet l’expérimentation. Suite à un cycle de conférences au Pavillon de l’Arsenal sur les AMI mis en place pour “Réinventer Paris” Faire la ville; que reste-t-il à réinventer? Les Faiseurs de ville face aux nouveaux modes de consultations41, s’interrogeait sur les effets des nouvelles méthodologies de consultation qui sur le fond comme sur la forme, se concentrent sur la production “d’innovations”. D’après la présentation de la conférence, ces méthodologies sont en train de devenir un “outil incontournable de la production de la ville42”. Dans le cadre de Réinventer Paris en particulier, les critères de sélection mettaient en avant la question de la concertation, et cela a poussé les candidats à en réaliser. Selon moi, les conférenciers voulaient montrer que les AMI avaient permis de généraliser quelques bonnes pratiques mais cette course à l’innovation avaient également tendance à placer la logique de l’offre au dessus de la logique de la demande. Les conférenciers ont par exemple exprimés certains doutes quand aux critères de sélections, qui mettaient l’offre « différenciente » plus en avant que celle qui répondait à des besoins territoriaux. Innover sur une mauvaise analyse n’a pourtant que peu de sens. Les effets de modes créent effectivement une généralisation des pratiques mais décalent parfois la logique des priorités et sont parfois utilisés à des fins stratégiques pour les politiques de la ville. Enrico Chapel porte un propos similaire en rappelant que la pertinence des pratiques participatives tient peut-être dans le fait qu’elles soient exceptionnelles et donc non-généralisées. Selon lui, les aménageurs se demandent de plus en plus comment lier ces expérimentations à la planification durable, bien que “l’instrumentalisation de ces pratiques alternatives et extra-ordinaires (soient peut-être) contradictoire à leur propre nature43”. Il rappelle que lorsque ces pratiques sont récupérées par les pouvoirs publics, elles peuvent parfois donner l’impression de “maquiller des zones de crises plutôt que de les résoudre, et de légitimer du coups l’action même des pouvoirs qu’elles s’efforcent de critiquer44”. 2. REDONNER DE LA PLACE À L’EXPÉRIMENTATION Expérimenter la ville: Les démarches des praticiens de la participation se définissent à la croisée de l’architecture, de l’urbanisme, de l’art, de la médiation sociale, et de tout autre type de disciplines permettant d’établir un diagnostic adapté au contexte. Bien que ces démarches appliquent souvent des procédures de bricolage, de lowtech ou de «Do It Yourself», elles sont fondées sur des montages opérationnels rigoureux et essaient


d’allier les notions d’espace vécu et espace conçu en partant de l’idée que “pour bien dessiner et concevoir la ville, il faut d’abord la vivre et l’expérimenter au quotidien, si possible en compagnie de ceux qui la vivent et l’habitent déjà45”. En effet pour Enrico Chapel, la place de plus en plus importante laissée à l’expérimentation dans les processus d’aménagement de l’espace constitue une dimension importante de ces changements de pratique. L’architecte doit quitter sa chaise de bureau pour faire de “la visite de site” un événement de l’architecture en lui-même et sur un temps long. Le projet n’est pas seulement la construction, mais son territoire et ses dynamiques. Elise MaCaire remarque que pour se faire, les collectifs semblent partager un “sens du détournement, de l’humour et de la fête. Cela se traduit souvent par des actions artistiques ou festives dans l’espace public46”. Bien que les révoltes soient sources de mobilisation, il est plus attractif de se réunir pour partager un enthousiasme commun autour d’une expérience. Expérimenter les démarches: D’après les expériences de TEPOP et d’OPEN ENDS, on peut remarquer que la pratique de l’incertain et du “laisser faire” a permis de faire évoluer les commandes comme nos démarches. L’expérimentation est une étape indissociable de l’innovation. En s’adaptant constamment, nous nous saisissons d’occasions et inventons des prétextes pour ne pas répondre à des besoins formatés à l’avance mais pour en imaginer de nouveaux. Ces prétextes permettent de proposer de nouvelles méthodes à chaque nouvelle situation tout en gardant en mémoire les échecs et réussites des expériences précédemment rencontrées. Ces résultats deviennent alors partie intégrante de la recherche, et chaque expérience peut alors être théorisée ou du moins racontée. C’est une façon de sortir du cadre normatif de la commande, en prenant la liberté d’adapter sa réponse et sa méthodologie au contexte. 3. SORTIR DE L’EXERCICE RÉPRESSIF DE L’ARCHITECTE: JUSQU’À QUEL POINT? Notre société tend de plus en plus à promouvoir la “productivité” comme facteur de réussite: faire du chiffre, gagner du temps, être au maximum de son efficacité. Les nouvelles lois sur la pratique de notre profession nous le confirme: il faut “produire plus vite, mieux et moins cher47”, quitte à sacrifier les méthodes de projet garants de la qualité architecturale ou du moins la rendant possible. Gilles Clément rappelle que pour lui “vitesse et consumérisme sont les deux symptômes d’une civilisation malade, névrosée et obsédée par la compétition48”. Un tel cadre de pratique sera difficilement propice à l’élaboration de projets innovants, féconds ou mûrement réfléchis. Exercer sa profession dans un cadre alternatif permet au minimum de ne pas accepter les commandes qui découlent de ces

45. CHAPEL Enrico, Opcit, p.11 46. MACAIRE Elise, “Une histoire de collectifs”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p, p.30 47. ORDRE DES ARCHITECTES, Loi ELAN: les conséquences du projets, la mobilisation des architectes, 10 avril 2018, URL: www.architectes. org/actualites/loi-elanles-consequences-duprojet-la-mobilisationdes-architectes 48. CLEMENT Gilles, conférence au Rendez-vous du Futur, “Le temps de penser”, 2011

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49. LES SAPROPHYTES et VERHILLE Benoît, Opcit, p.21. 50. DUBOST Françoise et CHIVA Isac, “L’architecture sans architecte : une esthétique involontaire?”, Études rurales 117, 1990, p. 9-38 51. HALLAUER Édith. “Patrick Bouchain : Ma Voisine, Cette Architecte. 1/2.” Strabic, URL: strabic.fr/Patrick-Bouchain-ma-voisine-cette-architecte-1. 52. MACAIRE Elise, Opcit, p.30 53. LES SAPROPHYTES et VERHILLE Benoît, Opcit, p.72.

changements, et au mieux, de promouvoir une façon différente de faire de l’architecture. Vers l’humilité: Mettre en place ces démarches participatives nécessite parfois de prendre un rôle plus humble et ne pas voir l’œuvre architecturale comme l’unique aboutissement d’un projet. Le projet peut devenir en lui même, plus important que sa forme finale: la dynamique créée autour du projet peut être primordiale. En un sens, cela revient à accepter que l’architecture puisse être un moyen plus qu’une fin. Le collectif des Saprophytes explique que dans nombres de leurs projets, l’enjeu majeur était de “transmettre aux habitants les clefs de compréhension de ce qui se vit dans la ville49”. L’intégration de nouvelles compétences au sein de la profession, ou le regroupement avec d’autres disciplines accompagnent souvent ces mutations. Concevoir grâce à une multitude de discipline enrichit les composantes d’un projet, dont la nécessité d’aboutissement architectural peut être remise en cause. De cette façon, nous pouvons lutter pour ne pas seulement être ce que certains appellent “les flics du paysage50” en érigeant le produit fini comme preuve d’échec ou de réussite d’un projet. En acceptant de faire partie d’une réflexion plus grande et qui dépasse parfois la construction d’un bâtiment, nous mettons au service du bien commun, les compétences qui font de nous des architectes. Patrick Bouchain parle de ces nouvelles pratiques de l’architecture comme étant “plus modestes, moins spectaculaires et moins honorifiques51” bien qu’elle soient très complexes. Quelle reconnaissance: Bien que les différentes expériences auxquelles j’ai pu participer m’aient en partie démontré que les pratiques participatives peuvent s’intégrer à la commande architecturale et lui apporter de multiples qualités, il est surprenant de s’apercevoir que la récompense de tous ces efforts est souvent bien maigre. Dans le cas de TEPOP, l’association ne peut pour l’instant pas se permettre de salarier tous ses acteurs et nous sommes obligés de jongler entre les commandes rentables et à perte, pour homogénéiser les entrées d’argent dans l’association. Pour ce qui est d’OPEN ENDS, les dirigeants ne peuvent pas non plus encore se salarier et les revenus de Marie-Ange Jambu liés à l’enseignement ne sont pas sans contribution à la possibilité d’exercer dans ce cadre de commandes.

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Bien que l’on puisse imaginer comme nous l’avons vu, que ce genre de pratiques puissent se généraliser, nous pouvons nous demander si la commande publique pourra soutenir la professionnalisation de ces démarches, ou si elles les maintiendra dans un certain niveau de précarité et de marginalité. Comme le rappelle Elise Macaire dans son analyse de l’histoire des collectifs, “avoir une démarche militante et désintéressée fonc-


tionne souvent jusqu’à un certain âge52”. Les saprophytes ont par exemple choisi depuis 2016 le chômage à temps partiel pour que l’association continue de vivre. Une bénévole de leur collectif raconte “qu’ils bossent comme des cinglés et sont séparés de leur famille plein de week-end53”. Il faut du courage et de l’énergie. Le but est maintenant de pérenniser les structures et de leur assurer une économie viable.

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Aux vues des recherches réalisées dans le cadre de cette HMONP, je ne crois pas que l’objectif futur pour les architectes engagés dans les démarches participatives soit de généraliser ces processus à l’ensemble de la profession, ni d’étendre son influence à toutes les échelles. Ces différentes méthodes doivent pouvoir rester alternatives si elles veulent garder la liberté d’action et d’expérimentation qu’elles ont à l’heure actuelle. La ville ne se construit pas d’un seul bloc et vit une multitudes de temporalités, de territorialités, dont l’architecture participative tente de célébrer la dynamique et la mémoire. Je pense qu’il est grand temps de reconnaître l’enrichissement que ces démarches apportent à la pratique de la profession et promouvoir d’autant plus leur apprentissage dans les formations. L’architecte ayant un rôle de polyglotte pour communiquer avec les différents corps de métiers nécessaires à l’élaboration d’un projet, doit pouvoir adapter continuellement ses possibilités de réponses à la demande par l’intégration de nouveaux langages. Ce mémoire dresse ici un tableau, que je n’aurais pas la prétention de qualifier d’objectif, d’un état ponctuel en constante mutation des pratiques que j’ai pu mettre en œuvre, observer ou comparer. Cet exercice d’écriture permet de figer une pensée qui, cumulée à d’autres, pourront tendre, je l’espère, à un avenir plus riche, plus humain et plus engagé pour les architectes. Malgré les limites intrinsèques de ce mémoire, j’ai pu ici, répondre à certaines de mes questions, et m’en poser de nouvelles, qui feront alors l’objet de nouveaux écrits. C’est dans une aventure collective et pluridisciplinaire que j’aimerai donc pouvoir inscrire mes compétences pour participer à l’exploration de nos possibles car « nul n’est besoin d’espérer pour entreprendre ».

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES, ARTICLES, PUBLICATIONS 2. JOUBERT Mathieu, “Guide de la Maîtrise d’Usage”, Nantes Habitat, mars 2011, 69 pages. 5. Ministère du logement et de l’égalité des territoire, “Participation du public, mesures relatives à la concertation préalable facultative”, avril 2014, 6 pages. 10. IFOP, “Etude pour l’Université d’été du CNOA, Sondage Ifop pour le Conseil National de l’Ordre des Architectes”, L’orde des Architectes, Juillet 2014, 35 pages. 12: CUNY C., HERZBERG C., « La mobilisation des savoirs citoyens dans les budgets participatifs allemands. L’exemple de la région Berlin-Brandebourg », in: Topçu, S., Cuny, C. et Serrano- Velarde, K. (dir.), Savoirs en débats. Perspectives franco-allemandes, L’Harmattan, 2008, p. 227 13. ANQUETIN Virginie et CUNY Cécile, « La « parole des habitants » sous contrôle ? Compétition politique et participation citoyenne à Besançon et à Strasbourg» Métropoles, 2016. 29. BROWN Juanita, A resource guide for hosting conversations that matter at the world café, 2002. 30. ROGERS Carl R. and FARSON Richard E, «Activ Listening», Excerpt from Communicating in Business Today R.G. Newman, M.A. Danzinger, M. Cohen (eds) D.C. Heath & Company, 1987. 33. LES SAPROPHYTES et VERHILLE Benoît, Les saprophytes, urbanisme vivant, entretien avec Amandine Dhée, La contre allée, 2017. 37. CHAPEL Enrico, “D’un urbanisme global à une pratique de situations spatiales”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p. 39. HALLAUER Edith, “Vers une déprise d’oeuvre”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p. 46. MACAIRE Elise, “Une histoire de collectifs”, L’hypothèse collaborative, conversation avec les collectifs d’architectes français, ATELIERGEORGES et ROLLOT Mathias, 2018, 288p. 50. DUBOST Françoise et CHIVA Isac, “L’architecture sans architecte : une esthétique involontaire?”, Études rurales 117, 1990, p. 9-38

LOIS 1. Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée. (JO RF du 19 juin 2004) 6. LOI n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, définit par l’article L.122-1

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SITES INTERNETS ET CONFÉRENCE 3. HENNIN Jean Marie, interview par Atelier 13, “La Maîtrise d’usage” URL: http://www.maitrisedusage.eu 15. ENSAP Bordeaux, 2018 Url: http://www.bordeaux.archi.fr/formations/formations-specialisees/die.html 16. ANCA Atelier National des Collectifs d’Architecture / pré-inscriptions 2018. URL: http://www.nancy.archi.fr/fr/ anca.html 18. ORDRE DES ARCHITECTES, “Médiateur De La Consommation De La Profession D’architecte.” Accueil Du Site, 2016, URL: mediateur-consommation.architectes.org/. 35. CLEMENT Gilles, conférence au Rendez-vous du Futur, “Le temps de penser”, 2011 41. LECONTE Christine, présidente de l’Ordre des Architectes Ile-de-France, ROTH Bernard, dirigeant de Péricles et Développement, FOURNIER KB Alice et BOUAZIZ Jéremie du Grand Réservoir, Conférence Faire la ville; que reste-t-il à réinventer? Les Faiseurs de ville face aux nouveaux mode de consultations, Pavillon de l’Arsenal, 19 Juin 2018. 47. ORDRE DES ARCHITECTES, Loi ELAN: les conséquences du projets, la mobilisation des architectes, 10 avril 2018, URL: www.architectes.org/actualites/loi-elan-les-consequences-du-projet-la-mobilisation- des-architectes 51. HALLAUER Édith. “Patrick Bouchain : Ma Voisine, Cette Architecte. 1/2.” Strabic, URL: strabic.fr/Patrick-Bouchain-ma-voisine-cette-architecte-1.

ANNEXES 19. Annexe p.46: Interview de Lison Hufschmitt réalisée par Mélusine Pagnier, Paris, avril 2018. 20. Annexe p.47-49: Exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées depuis 2015 25. Annexe p.51: Exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées depuis 2015

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ANNEXES INTERVIEW DE LISON HUFSCHMITT, RÉALISÉE EN AVRIL 2018 Lors des différents ateliers participatifs que j’ai pu réaliser, j’ai senti à quel point le travail collectif pouvait être une force. M’est alors venue une pensée intuitive sur la valeur-ajoutée qu’apporterait la réflexion collective aux projets d’architecture. Pouvez-vous me confirmer cette force du groupe? LH : « Oui, l’histoire mais aussi l’actualité nous enseignent que le collectif peut être une force, pour le meilleur et pour le pire, d’ailleurs ; et qu’il existe bien sûr des conditions pour que la force du collectif s’exerce pour le meilleur. Vous utilisez les mots groupe et travail collectif et il me semble que ceux-ci doivent être précisés. Lorsqu’il y a un travail ou un objectif commun à tous les membres d’un groupe, comme dans le cadre d’un atelier participatif j’imagine, on parle davantage d’équipe plutôt que de groupe. Plus précisément, le groupe devient une équipe si le groupe parvient à se structurer efficacement afin de produire de la valeur-ajoutée. Car une équipe n’est pas seulement un groupe . Le groupe est un agrégat de personnes qui n’ont pas choisi d’être ensemble, comme le groupe des gens qui s’appellent « Bernard », le groupe de ceux qui ont 15 ans, ou le groupe des gens que vous avez réussi à rassembler dans un atelier participatif… qui n’a pas de force en soi. Ce qui fait que le groupe devient une équipe, c’est lorsque vous avez réussi à ce que les personnes présentes dans l’atelier participatif s’engagent dans l’action, partagent un objectif commun et s’organisent pour produire de la valeur-ajoutée. Si elle s’organise bien, cette équipe aura évidemment plus de force que le groupe d’origine. Chez les spécialistes de dynamique de groupe, on parle de l’expérience du bus : dans un bus, il y a un groupe de gens qui vont d’un point à un autre. A partir du moment où le bus tombe en panne, comme les gens ont une problématique commune à résoudre, le groupe peut devenir une équipe. L’addition d’individus, le groupe, représente moins de « force » que l’équipe qui a un objectif commun, et donc des intelligences qui se complètent. A partir du moment ou les gens savent se parler, et savent instaurer des règles permettant le bon fonctionnement du groupe, il est possible que l’équipe produise une valeur-ajoutée. L’exercice du Nasa Game est assez marquant sur la question de la force du travail collectif.» Qu’est ce que l’exercice du Nasa Game? LH: «Une liste a été établie par la NASA Américaine pour déterminer l’ordre de priorité d’emploi d’une quinzaine d’outils nécessaires à la survie de l’être humain en cas d’accident pour un astronaute sur la lune hors de sa navette spatiale (boussole, eau, oxygène, carte topographique…).Cet exercice est réalisé par une groupe d’une douzaine de personnes. Dans un premier temps, il est demandé à chacun des participants du groupe d’établir individuellement un ordonnancement pertinent des éléments de la liste en 5 minutes. Ensuite, les participants doivent constituer des binômes et établir (en 10 minutes et après discussion) un ordonnancement pertinent avec lequel les deux membres du binôme sont en accord. Enfin, les 12 participants se réunissent et doivent refaire ensemble l’exercice et obtenir, en 20 minutes, un ordonnancement avec 46


lequel ils sont tous d’accord. Il se trouve que les résultats de l’ordonnancement du groupe des douze personnes est quasi systématiquement plus exact (c’est à dire plus proche de celui établi par la NASA) que ceux réalisés par les binômes, qui eux-mêmes sont plus exacts que ceux réalisés individuellement. On peut donc dire que le travail collectif, qui évidemment prend plus de temps et nécessite des discussions et des règles de fonctionnement dans le groupe, apporte généralement une meilleure qualité de valeur-ajoutée que ce que peut produire la simple addition des intelligences individuelles. Dans le cadre des projets participatifs, si l’on fait en sorte que les usagers aient envie de s’engager dans un projet commun, ces usagers peuvent devenir une équipe. Le médiateur doit alors faire en sorte que les gens se parlent, qu’on entende tous le monde, et que tous respecte les règles. Sans le respect des règles, on observe des résultats assez aléatoires.» Nasa Game, exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées de Paris

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Nasa Game, exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées de Paris

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Vous parlez de règles de fonctionnement pour que le travail d’une équipe soit productif. Quelles sont ces règles ? LH : « A partir du moment où l’on réalise un travail en équipe, il est très important de mettre en place des règles. Il faut par exemple désigner des rôles, endossés par des personnes différentes. Pour plus de démocratie et d’intelligence, ces rôles peuvent d’ailleurs « tourner » d’une séance de travail à une autre. Qui sera l’animateur : celui qui présente le projet, les règles du jeu, l’objectif commun, etc Qui donne la parole et qui veille à ce que chacun puisse la prendre de façon équitable : il ne faut pas que ce soit toujours les mêmes qui parlent et il faut parfois arrêter ceux qui parlent trop pour laisser la place à ceux qui sont plus timides. Qui veille à ce que les horaires de la réunion soient respectés : si l’objectif est de mener la réfection en deux heures, il faut arriver à gérer l’avancer du projet en fonction de cette contrainte. Il doit rappeler qu’il ne reste plus qu’une heure à la moitié du temps imparti, et faire remarquer les longueurs que peuvent prendre certains points à traiter. Qui récapitule les avancées du travail et qui retranscrit par écrit un compte rendu ? La retranscription est très importante pour témoigner de l’avancée du travail et pour pouvoir se rappeler où l’on en était lors de la séance d’après mais aussi pour expliquer les prises de décisions. Lorsque les rôles ne sont pas distribués, il est bien plus difficile pour les participants de s’autoriser à dire à quelqu’un qu’il doit laisser les autres s’exprimer, ou que le temps presse etc. Il est beaucoup plus aisé de dire à un coéquipier (sans le vexer) qu’il a dépassé son temps de parole ou qu’il doit conclure parce que d’autres ne se sont pas encore exprimés lorsque l’on porte la casquette d’animateur de la réunion. Dans un groupe qui n’a pas pensé à distribuer des rôles d’animation d’une réunion, on n’ose souvent pas intervenir pour rappeler les règles et c’est là que les choses se gâtent. N’y a-t-il pas aussi des risques au travail de groupe ? Quelles sont les limites de la réflexion collective ? LH : «La dynamique d’un collectif n’est pas une simple addition des dynamiques des relations interindividuelles. Il a une vie propre qui peut parfois mener à des phénomènes terrifiants. L’histoire, encore une fois, nous le rappelle : la foule peut aussi être une arme destructrice. Ces phénomènes sont souvent liés à l’absence des règles dont j’ai précédemment parlé (ce sont généralement les plus « forts » qui occupent l’espace) ou lorsque la même personne occupe à elle seule tous les rôles (animateur, président de séance…). On peut remarquer des phénomènes d’échec également quand on reste dans la transmission d’information plus que dans la réunion de travail. Souvent des hiérarchies pensent organiser des réunions de travail collectif alors qu’elles ne font que des réunions d’information descendante. En ne permettant pas de temps d’échanges entre les participants de la réunion, elles risquent non seulement la démobilisation des personnes mais surtout se privent de l’intelligence collective. Bien sûr, certains objectifs et circonstances ne nécessitent pas l’organisation de réunion de travail, par exemple lorsque l’on veut seulement transmettre certaines informations à des personnes. Mais alors, il est important à créer le moins d’intermédiaires possible entre ces personnes et nous. Un exercice appelé « L’histoire d’Emilie Dupré » nous expose les risques de la transmission d’information. Proche du “téléphone arabe”, l’exercice propose à un groupe de huit personnes de sortir d’une salle et de n’y rentrer que l’un après l’autre. Le premier entrant dans la salle écoute une histoire 49


racontée par un animateur, sans pouvoir prendre de notes. Il appelle ensuite un second entrant à qui il doit raconter l’histoire qu’il vient d’entendre de la façon la plus exacte possible. Le second entrant appelle ensuite un troisième entrant à qui il raconte la même histoire, etc. Le tout se passant devant des observateurs qui, eux, prennent des notes sur ce qu’il advient de l’histoire pendant l’exercice. Cette expérience nous montre que lors de chaque transmission, il y a non seulement une perte conséquente d’informations, mais également une création d’informations. Le conteur oublie des éléments et en invente aussi de nouveaux de façon généralement inconsciente. Ces inventions et ces oublis sont liées à nos propres représentations mentales (nos à-priori, clichés, associations d’idées, jugements que nous avons tous instinctivement sur tous les sujets). Un autre exercice (dit « exercice des représentations mentales ») montre par exemple l’étendu des représentations mentales existant en chacun de nous. A partir d’un mot donné, ici le mot « contrôle », chaque participant écrit individuellement sur une feuille de papier, les mots qu’il lui associe instinctivement dans les secondes qui suivent. Dans un groupe, on s’aperçoit que les associations d’idées sur un seul et même mot peuvent être très éloignées. Pour ce même mot, certains associe « police », « faciès », « racisme » ; quand d’autres associent « école », « devoir », « professeur ». Quand transmet une information, on la re-crée en la traduisant avec nos propres mots, nos propres représentations mentale.» Comment faire en sorte que le médiateur ne devienne pas un intermédiaire de plus ? LH : «Le médiateur met en lien les participants et tous les acteurs d’un projet, son rôle ne doit pas être source de nouvelles transformations de l’information. Il faut par exemple qu’il associe constamment les différentes parties à son travail, et notamment dans la retranscription. Il peut aussi aider chaque partie à retranscrire elle même, en lui donnant toutes les clefs dont elle a besoin pour se faire comprendre et entendre. Dans ces cas là, on risque moins d’être un intermédiaire supplémentaire. Il est important et nécessaire pour un architecte, comme pour un médiateur, de parler en présence des parties, et non pas en leur absence. D’autant plus que les décideurs peuvent alors concrètement entendre la vraie parole des gens directement concernés par le projet. Faire intervenir un professionnel extérieur crée effectivement un intermédiaire de plus qui n’est souvent pas directement concerné par le projet.»

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Histoire d’Emilie Dupré, exercice de médiation enseigné par Lison Hufschmitt à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées de Paris

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CURRICULUM VITAE

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Mélusine Pagnier à l’ENSAPB, encadrée par Emilien Robin, en Mise en Situation Professionnelle dans l’agence d’architecture OPEN ENDS de Septembre 2017 à Juillet 2018


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