MPS MEN PORTRAITS SERIES n° 6 version française
À LA MER
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John La Farge (1835–1910) Swimmer Watercolor,1866 Yale University Art
Dans la Nouvelle Angleterre puritaine du milieu du 19e siècle, cette composition ne reçut pas le meilleur des accueils ! Cette représentation idéalisée de la liberté, à travers un nageur seul, nu et en pleine mer, fut totalement incomprise. S’il parait évident au spectateur du 20e siècle qu’il s’agit d’un nageur au sort plutôt enviable et aux mouvements de « crawl » impeccables, il n’en alla pas de même lorsqu’il fut présenté en 1866 au public, On demanda en effet alors à John La Farge quel était au juste le sujet traité ? Il faut dire à la décharge du public américain de cette époque que, même en Europe, le sujet aurait, sinon choqué, du moins suscité à peu près la même incompréhension. Nager en mer ? Quelle extravagante idée ! Nager était quasiment un acte réservé aux rudes marins en perdition ou à quelques « sauvages » anthropophages des mers du Sud, mais il ne serait venu à l’idée d’aucun homme civilisé de se lancer dans une telle aventure. Alors que dans la Grèce antique et à Rome, la natation en eau libre ou en bassin était enseignée à chaque citoyen, il faudra attendre la fin du XIXe siècle en Europe avant que l’on assiste de nouveau aux premiers bains de bains de mer... et encore dans des accoutrements qui sont très éloignés de la tenue d’Adam de cette aquarelle ou des tenues adoptées par les Romains, les Grecs, les Assyriens ou les Egyptiens du troisième millénaire avant l’ ère chrétienne ! Au-delà de l’incompréhension que l’acte de nager en toute liberté suscita, le public ne comprit pas non plus que réaliser un tel sujet en aquarelle tenait de l’exploit technique. C’est sans doute à Paris où il étudia (brièvement mais efficacement) avec le peintre d’histoire Thomas Couture en compagnie des très jeunes Puvis de Chavannes et Edouard Manet, que John La Farge acquis une telle maîtrise de cette technique. Plutôt que du Pacifique où il ne se rendit que 20 ans après avoir peint cette aquarelle, on pense que c’est aussi sans doute de Paris et de ses musées que La Farge rapporta le sujet de ce nageur en eau libre, peut être en regardant les vases antiques du Louvre. Ses premiers dessins et paysages faits à Newport, démontrèrent une originalité dans les tonalités de couleur qui devait aussi beaucoup aux influences de l'art japonais dont il fut un des tout premiers spécialistes. Bien que sa carrière se déroula surtout dans la peinture de fresques, il peignit aussi de nombreuses toiles et aquarelles, durant ses voyages en Orient et dans le Pacifique Sud. Il visita alors ce Japon qu’il admirait tant et, à partir de 1890, la Polynésie Française et Hawaï dont il peignit de remarquables paysages et les volcans, toujours à l’aquarelle.
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Cette composition fait allusion à un des rôles attribués par la mythologie grecque au Titan Prométhée : son rôle de créateur de l’humanité. On voit le Titan assis sur un rocher, regardant la mer. Il tient dans sa main l'homme inerte qu'il vient de modeler à son image à partir de la terre glaise. Le regard de Prométhée est tourné vers la mer - symbole de la féminité et de la vie - d’où doit surgir la déesse Athéna. Jaillie de la tête de Zeus, celle-ci est censée venir insuffler la vie à ce corps d’argile inerte. Pausanias place cette scène à Panopée, en Phocide et, selon sa version, c’est le frère de Prométhée, le Titan Épiméthée (le sot) qui, ne sachant que faire pour aider les hommes, appela Prométhée à l’aide pour imaginer un plan. Prométhée pensa alors qu’il devait faire en sorte que l'Homme puisse tenir debout sur ses deux jambes comme les dieux eux-mêmes, plutôt que de continuer à marcher à quatre pattes comme un animal. A partir d’eau et terre, il lui façonna donc un corps plus grand et qui, à l’image de celui des dieux, puisse adopter la position verticale. Cet épisode de la création de l'Homme à partir de la terre est emprunté aux légendes procheorientales et notamment Sumériennes, mais les significations diffèrent radicalement les unes de autres selon la version orientale ou la version mythologique grecque.
Otto Greiner (1869-1916) Prometheus (1909) National Gallery of Canada
A Sumer, l'homme est créé à la demande des dieux dans le but de les servir le mieux possible alors que dans le mythe grec, Prométhée crée un homme presque rival des dieux (qui souhaitaient surtout pas qu’il ne fut pas doté d’intelligence). Dans un autre mythe, Prométhée tentera même de voler le feu de l’Olympe pour l’offrir aux hommes… De telles provocations répétées ne pouvaient guère rester impunies de la part des dieux de l’Olympe ! A la troisième provocation, la terrible colère de Zeus se déchaina contre Prométhée. Le maître de l’Olympe le fit enchainer à un rocher, où un aigle devait lui dévorer le foi (le seul organe qui se régénère de lui-même) pour l’éternité... Otto Greiner fut le premier artiste allemand à utiliser la technique de la lithographie non seulement pour la reproduction, mais aussi pour la conception de ses œuvres. Ses représentations naturalistes, comme ce Prométhée, assez caractéristiques de son époque, trouvent moins d'échos parmi le public d'aujourd'hui. Otto Greiner a réalisé également de nombreux portraits et sujets mythologiques et fantastiques comme celui-ci. Ils constituent même l'essentiel de ses 112 œuvres graphiques et de quelques peintures monumentales.
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Winslow Homer (1836-1910 Sailing a Dory, 1880 Watercolor and pencil on paper Private collection (via Christie’s) .
L'été 1880 fut riche en expériences et en productions pour Winslow Homer, considéré de nos jours comme l’un des plus importants peintres réalistes américains du 19e siècle. En cette année 1880 en effet, il vécut dans une solitude presque complète, claquemuré à l’intérieur d’un phare sur l'île de Ten Pound, dans le port de Gloucester, passant son temps à peindre le port et ses habitants. Parmi les nombreux bateaux amarrés dans le port de Gloucester, Winslow Homer semble avoir remarqué particulièrement <les « doris » qu’il peignit presque sans discontinuer ! Comme on peut le remarquer dans cette aquarelle, ce n’est pas l'illustration proprement dite, la description des visages et de leur expression qui intéressait le peintre mais surtout la lumière et l’ambiance générale. En utilisant des lavis successifs pour rendre les mouvements de l’écume des vagues sous le sillage du doris, en créant ce magnifique motif de voile blanche venant barrer l'horizon, Winslow Homer transmet à merveille au spectateur à la fois toute la vivacité et la beauté tranquille des étés sur cette côte qui le marqua si fortement.
Si l’on se place d’un point de vue purement technique concernant les aquarelles de cette période là, on note une changement certain de style chez le peintre. qui s’éloigne de plus en plus de l’influence des peintres français de l’Ecole de Barbizon. La spécialiste de Winslow Homer, Helen Cooper note qu'à l'été 1880 « L'utilisation de la couleur par Homer a fait un bond en avant. Il a simplifié sa palette en utilisant uniquement du Bleu de Prusse, de Cobalt, du Vermillon, de l’Ocre jaune et du Noir. Sur des papiers à trame épaisse, le croquis initial au crayon est extrêmement sommaire et à peine perceptible, s'appuyant surtout sur l’utilisation des couleurs qui s’étalent en blocs abstraits. La structure globale de la composition est ainsi plutôt définie par la couleur que par le tracé au crayon, par la ligne» . C’était une technique si novatrice qu’elle fut totalement incomprise des critiques de l’époque qui y voyaient une « paresse de peintre ». Alors même que c’était toute la vivacité de la mer elle-même que Winslow Homer faisait entrer dans les maisons….
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Henry Stacy Marks R.A. (1829-1898), Sailor on Look Out. ca.1855 Private collection
Henry Stacy Marks est un artiste anglais qui s'est intéressé aux thèmes shakespeariens et médiévaux au début de sa carrière, aux sujets vaguement sociaux au milieu, puis à l'art décoratif représentant presque exclusivement des oiseaux et des ornithologues à la fin de sa vie ! Cette toile d’un marin, assis sur le pont de navire en pleine mer et s’apprêtant à activer sa longue vue pour faire son « tour d’horizon » ne fait donc pas partie de ses thèmes habituels. Il s’agit sans doute là d’un tableau de commande ou d’une d’une de ses « œuvres humoristiques » comme il aimait les peindre. Henry Stacy Marks était l'un des membres fondateurs de la St John's Wood Clique où il était assez réputé pour ses performances humoristiques. Il ne fallait pas, disaiton, « prendre au sérieux ses propos pas plus que ses tableaux » ... Donc acte ! Il est vrai que l’air pénétré de ce marin, qui ne semble jamais avoir quitté les salons de l’Amirauté, avec sa tenue impeccable, son joli canotier, son ample vareuse à trois galons, et son pantalon blanc immaculé, peut prêter à sourire. Planté droit comme un piquet, en observation d’ un paysage maritime où il ne se passe visiblement rien, il peut, par contre, laisser le spectateur songeur ! L’impression de sérénité et de calme profond qui émane de cette composition tient plus à la vacuité de l’étendue marine qu’à ce que peut exprimer le personnage lui-même, qui en réalité n’exprime rien non plus ! Mais comme aimait à le dire lui-même Henry Stacy Marks « C’est précisément lorsque l’ on essaie de peindre le rien apparent que les choses commencent à devenir intéressantes et que le monde se peuple de réalités ». Surtout dans le monde maritime où l’apparent néant de surface cache toujours un foisonnement de vie insoupçonnée qui peut jaillir à chaque instant des profondeurs abyssales. C’est peut être cela que cherche à nous dire ce marin contemplateur, après tout…
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Paul Cézanne (1839-1906) Baigneurs vers 1890 Musée d'Orsay, Paris
John Singer Sargent (1856-1925) The Bathers, 1917 Worcester Art Museum
Alexander Deïneka (1899-1969) The Bathers Private collection
A la fin du XIXe siècle et jusqu’à la seconde moitié du XXe, dans la foulée de Paul Cézanne et de ses célèbres Baigneurs, le thème des hommes aux bains connut un succès grandissant. Beaucoup de peintres européens et américains s’emparèrent de ce thème qui permettaient de représenter des hommes nus (presque à la façon antique) s’ébattant dans un paysage naturel, hors de la contrainte des poses d’atelier. De façon assez étonnante, le thème inspira aussi, de l’autre côté du « rideau de fer » en Hongrie, Pologne et Union Soviétique. Ainsi le peintre et sculpteur officiel du régime soviétique, Alexandre Deïneka peignit souvent des baigneurs, avec l’intention d’illustrer le caractère sain et sportif de la jeunesse stalinienne. Lui qui réalisa, dans les années 1920, la première grande œuvre d’art révolutionnaire avec La Défense de Petrograd puis magnifia les actes héroïques de la Seconde Guerre mondiale à travers Banlieue de Moscou ou encore Novembre 1941, fut aussi le chantre des bains de mer au grand air entre amis et des loisirs dont le régime permettait désormais à tout un chacun de jouir. En théorie seulement et uniquement dans le cadre de la propagande officielle, car la réalité stalinienne était bien différente de cette image idyllique.
L'étonnante peinture ci-dessus est d'une légèreté peu habituelle en Union Soviétique. Malgré la pudeur de la représentation du corps masculin qu’elle illustre, elle fait figure d'exception par la thématique indéniablement homosexuelle qu’elle aborde, un sujet avec lequel le régime stalinien n’aimait guère composer ni plaisanter. En effet, on est surtout frappé par l’aspect féminin du baigneur blond à la gauche du cadre, assis sur son rocher tel « la petite sirène de Copenhague » avec, à ses pieds, une nature morte de pommes et de poires, délicatement posées sur un mouchoir blanc. Assis sur une serviette rose à rayures bayadères, il semble attiré les regards du reste de la petite troupe ! Un exemple assez unique de représentation homosexuelle sous le régime Stalinien à tel point que l’on a pensé qu’il s’agissait d'une toile peinte sous le manteau …si on peut dire !
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Thomas Eakins (1844-1916) Thomas Eakins and J.Laurie Wallace at the Shore, 1883 The MET, New York
Non content d'être un peintre, aquarelliste et enseignant accompli, Thomas Eakins fut un photographe talentueux. Travaillant avec un appareil photographique en bois et des négatifs sur plaque de verre développés avec le processus d'impression sur platine, il s'est distingué de la plupart des autres peintres de sa génération en maîtrisant les aspects techniques de ce nouveau médium et en exigeant que ses élèves fassent de même. Dès 1880, Eakins avait déjà intégré l'appareil photo dans sa vie de peintre professionnel aussi bien que sans da vie personnelle. Il reconduisait ainsi, sans le savoir vraiment, l’expérience incomprise de Gustave Caillebotte en France. La grande majorité des photographies qui lui sont attribuées et qui sont conservées aujourd’hui au MET à New York, sont des études de figures (nues et habillées), des portraits de ses élèves, de sa famille et de ses amis proches et de lui-même (comme dans la photo ci-contre). Plus de 225 négatifs survivent dans la collection Bregler de la Pennsylvania Academy of the Fine Arts et environ 800 clichés sont actuellement attribués à Eakins et à son cercle - une preuve suffisante de l'intense activité d’Eakins dans le domaine de la photo.
Pour Eakins, la caméra était un appareil pédagogique comparable au dessin anatomique, un outil que l'artiste moderne devait savoir utiliser pour entraîner l'œil à voir ce qui était vraiment devant lui ; c’est ce qu’il appelait la vérité optique. Professeur dès 1882, à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, une des seules écoles d'art avantgardistes des Etats Unis où l'on enseignait la photographie, il perdit son poste 4 ans plus tard pour avoir admis un public féminin à assister à un cours d'anatomie d'après modèle masculin... Cette liberté artistique héritée du monde classique qu'Eakins s'efforça de faire vivre dans ses programmes académiques à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts et dans ses peintures arcadiennes apparaît comme un élément important dans bon nombre de ses études de nus avec appareil photo et de ses sujets « à la plage ». Ces photographies, bien plus que ses peintures, célèbrent le physique masculin. Aujourd’hui encore, plus d'un siècle après leur création, la nudité frontale et sans complexe de ces nus possède le même pouvoir de choquer les yeux les plus puritains de l’Amérique contemporaine… où ils sont encore nombreux !
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Francis Cadell (de son nom complet Francis Campbell Boileau Cadell) est un peintre coloriste écossais, célèbre pour ses représentations d'intérieurs écossais élégants ainsi que pour ses paysages de l’оle de Iona et pour ses portraits d' hommes. Encouragé par le peintre Arthur Melville à partir dès l'âge de 16 ans, il étudie à Paris à l'Académie Julian où il entre rapidement en contact avec l'avant-garde française de son temps et découvre Matisse. Ce dernier exerça sur lui une influence durable. Cadell fut aussi influencé par la technique plus classique, de James Abbott McNeill Whistler et d’Édouard Manet. Après son retour en Écosse, il a régulièrement exposé à Édimbourg et à Glasgow — notamment au Royal Glasgow Institute of the Fine Arts — ainsi qu'à Londres. Cadell était un peintre gaucher. Lorsqu’il était étudiant à l'Académie royale écossaise, le président avait tenté de l'empêcher de peindre avec sa main gauche sous prétexte qu' « aucun artiste gaucher n'est devenu génial ». Cadell répliqua : « Mais monsieur …n'y a-t-il pas la grande peinture de Michel-Ange ? » Le président ne répondit pas et quitta la salle. Un camarade demanda alors à Cadell comment il savait que Michel-Ange était gaucher.
Francis Cadell (1883-1937) In the Navy National Gallery of Scotland
Et Cadell d'avouer : « Je ne le savais pas, mais le président non plus apparemment ». Entre octobre 2011 et mars 2012, la Galerie nationale écossaise d'art moderne a réalisé une rétrospective majeure du travail de Cadell, la première depuis celle tenue à la Galerie nationale d'Écosse en 1942. Dans le portrait ci-contre, c’est un matelot de la Royal Navy qui est représenté dans son uniforme porté lors des cérémonies officielles. Cet uniforme, composé d’une
vareuse bleu-marine à col dit « mandarin» est caractéristique de la Royal Navy et la rend immédiatement identifiable. Les grades des officiers sont alors portés sur les manches, comme ici. On peut dire que cette vareuse a inspiré les uniformes des marins du monde entier aussi bien par sa forme que par sa couleur, bleu marine et blanc si symbolique de la marine qu’elle a donné son nom à ce « bleu » profond ! Sa forme actuelle n’a pas varié depuis 1906, date à laquelle elle a remplacé une version introduite en 1856 qui comportait une vareuse sans col retourné.
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Paul-Gustav Fischer (1860-1934) A man on the beach, 1910 Private owner
Paul Gustave Fischer est né à Copenhague dans une famille d’ascendance juive-polonaise. Son père Philip possédait un commerce de peinture et de laques et, ayant souhaité devenir peintre dans sa jeunesse, orienta son fils vers cette activité plutôt que vers une autre, souhaitant réaliser son rêve inassouvi de jeunesse à travers ses enfants. Comme son frère Johannes August Fischer (1854-1921) qui devint également peintre, Paul Gustave suivit les cours de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark à Copenhague pendant deux années. Il débuta par des peintures représentant des scènes de rues se déroulant à Copenhague, prises à la tombée de la nuit, lors de journées grises ou par temps de pluie et de neige montrant l’activité quotidienne des gens et illustrant l’atmosphère du Copenhague d’alors. Entre 1891 et 1895, il séjourna à Paris, fréquentant des peintres issus du mouvement impressionniste et en revint avec un sens exacerbé de la couleur qu’il développa immédiatement dans ses toiles. Par la suite, Fischer se rendit à plusieurs reprises en Allemagne et en Italie, voyagea en Scandinavie et continua à peindre ses thèmes de prédilection. Il signa également plusieurs tableaux montrant des scènes de baignade nue, se déroulant sur des plages ensoleillées. Ses œuvres font partie du mouvement réaliste danois puis du mouvement naturaliste. Au cours de sa carrière, Fischer a également développé un intérêt pour les affiches, inspiré en cela par les travaux de Théophile Alexandre Steinlen et Henri de Toulouse-Lautrec. Jules Chéret le publia dans Les Maîtres de l'affiche (18951900).
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Le peintre Edvard Munch n’est pas particulièrement connu pour ses nus masculins et encore moins pour ses représentations de baigneurs à la plage. Mais il se trouve qu’à l’époque où il peignit et en particulier à la jonction entre le XIXe et le XXe siècle, ce sujet était devenu très populaire. Les séjours dans les stations thermales étaient à la mode et les gens pratiquaient de plus en plus les sports nautiques. S’ajoutait à cela le fait que dans les pays du Nord de l’Europe, le nudisme devenait aussi très en vogue, allant même jusqu’à être crédité d'effets bénéfiques sur l’organisme grâce aux «immersions dans l'environnement naturel ». Se baigner en mer et en particulier se baigner était considéré comme le meilleur des nettoyages (on dirait aujourd’hui la meilleure des détox possible ! S’exposer au soleil dans des bains de soleil, constituait aussi le pendant obligé des bains de mer, les deux étant censés apporter rajeunissement et amplification de la force vitale.
Edvard Munch (1863-1944) Bathing Man, 1918 Nasjonalgalleriet, Oslo
Cette toile représente un homme viril, musclé et nu émergeant de la mer fraîche et turquoise après une baignade (tout un symbole !). L'image peut être vue aussi comme un reflet du « vitalisme », un mouvement philosophique alors en vogue qui créditait tous les êtres vivants d'une force vitale magique. Dans le nord de l’Europe, cette philosophie trouva une abondante expression picturale, à travers des motifs d'hommes dynamiques (et forcément nus) s’adonnant au « sport », un mot devenu lui-même aussi magique et qui devait connaître, tout au long du XXe siècle, l’essort social et politique que l’on sait. Véritable phénomène culturel, le vitalisme fut une réaction contre l'industrialisation. Plutôt que d’opter pour le rationalisme ou le scientisme, le vitalisme - véritable ancêtre de l’écologie – préférait mettre l'accent sur l'instinct, l'intuition et une vie proche de la nature, seule garante d’un corps en bonne santé. Il semblerait que l’avenir lui donne raison.
MEN PORTRAITS _____________________ À LA MER
Formé à l'Académie des beauxarts de Munich et à l'Académie Julian à Paris, Wygrzywalski s'installa à Rome en 1900. Au cours de son séjour italien, il effectua des copies d'œuvres des maîtres de la Renaissance, en particulier Caravage, Raphaël, Guerchin, Vélasquez ou Titien. En 1908, il s'installa à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, où il fut chargé de décorer les murs de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la ville. C'est à cette époque qu'il commença à s'intéresser à la peinture des métiers et en particulier des métiers de la mer dont celui de pêcheurs. Ces toiles s’inscrivant dans les mouvements naturaliste et réaliste qui agitaient alors l’Europe du Nord, elles rencontrèrent un succès certain en particulier en Pologne où la vigueur et la fraîcheur de son style séduisirent beaucoup.
Felix Michał Wygrzywalski (1875-1944) Rybacy ciągnący sieci (P̂cheurs tirant le filet) National Museum in Warsaw
MEN PORTRAITS _____________________ À LA MER А 22 ans, George Bellows se forme chez le peintre newyorkais Robert Henri. Ses représentations de la vie quotidienne des citadins et ses scènes de combats de boxe, toujours très mouvementées, le rendent célèbre. Bellows appartient au groupe des peintres de la Ash Can School, qui se caractérise par un intérêt marqué pour une peinture très réaliste dressant une chronique du quotidien sans fioritures des citoyens. L'instantané et la photographie du réel est le dénominateur commun des peintres de cette école. Bien que paradoxalement très composées et très structurées, les œuvres de Bellows brillent par leur expressivité. Toutes, même celles peintes en pleine nature, comme cette scène maritime, illustrent une violence souterraine déjà omniprésente dans cette Amérique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Geroge Bellows a collaboré au magazine progressiste The Masses.
George Bellows (1882–1925) The Fisherman, 1917 Amon Carter Museum of American Art
MEN PORTRAITS _____________________ À LA MER
Comme beaucoup d’artistes qui représentèrent la mer et son univers à la fin du XIXe siècle, Michael Peter Ancher était un artiste danois appartenant au courant « réaliste ». Il peignit principalement des scènes de la vie quotidienne et des portraits des membres de la petite communauté de pêcheurs de Skagen où il se passionna pour le travail des pêcheurs et leur vie simple et rude au contact des éléments. Cet engouement d’abord personnel fut le déclencheur du mouvement pictural danois connu sous le nom de Ecole de Skagen dont Madsen et Ancher furent deux des plus importantes figures. Un des tableaux qui ont rendu Ancher célèbre fut celui qu'il réalisa en 1879 : Vont-t-ils mettre cela au point ? (Vil han klare pynten) qui représente un moment dramatique de la vie des héroïques pêcheurs de Skagen confrontés à la réalité du travail en mer dans un environnement souvent hostile. Le tableau assez spectaculaire fut acheté par le roi du Danemark, Christian IX en personne dès sa première exposition. Le roi y retrouvait l’âme du Danemark dans le rapport fondateur (et formateur) de sa nation à la mer. Fort de ce succès, à partir de ce moment là, presque toutes les grandes œuvres de Michael
Michael Ancher (1849-1927) Fisherman beside a boat,1889 Statens Museum for Kunst
Ancher eurent un rapport direct et presque toujours dramatique (voir mélodramatique) avec la mer et l’univers de la pêche. Ainsi Transport du bateau de sauvetage à travers les dunes, 1883 ((Redningsbåden køres gennem klitterne) ou L'équipage est sauvé (1894) ou encore Le noyé (1896). Seule exception notoire à cette atmosphère dramatique Une promenade sur la plage (En strandpromenade) qui met en scène quatre femmes de la haute bourgeoisie danoise, en robes blanches flânant à la lisière des vagues dans une ambiance d’une sérénité et d’une élégance rarement égalée …
En ce qui concerne le style pictural, Michael Ancher a été très influencé par sa formation classique à l'Académie royale danoise des beaux-arts qui imposait des règles strictes de composition. En combinant cette composition classique stricte avec les enseignements issus du naturalisme, Michael Ancher sut créer un art unique que l'on a voulu qualifier un peu maladroitement d'art moderne figuratif monumental mais qui vaut beaucoup plus que ces catégorisations artificielles. La vérité, la sincérité qui émanent, encore aujourd’hui, des visages des hommes et femmes qu’il a peint transmettent au spectateur une émotion qui va bien au delà des classifications catégorielles.
MEN PORTRAITS _____________________ À LA MER Ce tableau représentant le port de Copenhague fut commandé au peintre danois Albert Edelfelt par l'Empereur de Russie Alexandre III pour être exposé à Paris lors de l'Exposition universelle de 1889. La famille impériale russe connaissait Edelfelt depuis plusieurs années déjà, lui avait acheté plusieurs œuvres et commandé, en 1882, le double portrait des enfants impériaux Michail et Xenia. C'est d'ailleurs en travaillant sur le portrait des enfants, qu'Edelfelt fit la connaissance de l'impératrice Maria Feodorovna, née Dagmar, fille du roi Christian IX du Danemark. La commande précisait que le tableau serait accroché sur les murs du palais impérial d'Helsinki et devait représenter l'entrée du port. Edelfelt n'étant pas un peintre de marines, il s'inspira de croquis et d'études du port d'Helsinki et d'un séjour de quelques semaines passé à croquer et photographier les lieux avant de commencer la toile dans son atelier de Paris. Le marin représenté est d'ailleurs un modèle parisien du peintre et n'a rien de commun avec un marin danois ou russe !
Albert Edelfelt (1854-1905) From the Port of Copenhagen I, ca. 1890 Private collection
L'Empereur choisit le croquis avec la baie de Tre Kroner qui mettait en vedette son yacht impérial Derjava (à droite). L'impératrice, quant à elle tenait à la vue de Holmen et de Copenhague et voulait la présence d'un drapeau danois (Le Dannebrog avec une croix blanche sur un fond rouge). L'impératrice aurait préféré une journée ensoleillée mais l'empereur préférait la journée brumeuse que l'on voit sur cette version. Edelfelt peignit donc deux tableaux qui respectaient chacun les souhaits contradictoires de ses commanditaires impériaux.
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Walter Kundzicz (1921-1990?) Sven Holm and David Knight for « Champion Studio », 1960
Le photographe américain Walter Kundzicz fut une figure centrale et incontournable de la photographie de nu masculin et de la photographie gay du XXe siècle aux Etats-Unis. Né de parents qui avaient euxmêmes choisi d’embrasser la toute nouvelle et lucrative profession de photographe, Walter Kundzicz fut saisi très précocement par le démon du focus, puisqu’il commença à photographier ses camarades de classes dès l’âge de 5 ans… et de préférence nus. Cela lui valut d’ailleurs plus tard le surnom ironique de « Mozart du nu masculin ». Cependant personne en dehors de ses parents ne put voir ses premières photographies scandaleuses, pour la plupart aujourd’hui disparues ou mises sous scellées. Après avoir étudié, sous le manteau bien entendu (!), la photographie de nu aux Etats Unis, pays alors réputé pour son puritanisme obsessionnel, Walter Kundzicz eut l’idée à 25 ans de fonder son propre studio de photographie d’art en contournant la législation sur l’interdiction du nu d’une façon inattendue. Avec Champion Studio, fondé en 1950, il se fixa pour but de faire l’apologie des corps athlétiques, dans un esprit sportif et sain, à la façon de l’Antique, à travers des photographies de sportifs célèbres ou …moins célèbres. Avec toutefois une préférence très marquée pour les sportifs se présentant en maillot de bain ultra échancré et extrêmement moulant, voir même quelquefois taillés dans des tissus si transparents et si diaphanes qu’ils semblaient même ne pas exister du tout ! Ces photos, en noir et blanc, toujours très artistiquement mises en scène, firent rapidement de Champion Studio l’acteur phare de l‘art de la photographie sportive autrement dit du nu artistique masculin. Walter Kundzicz s’intéressant uniquement au nu masculin, il attira très rapidement la sympathie des homosexuels des grandes villes (New York, San Francisco, Hollywood…) qui commençaient à peine à se constituer en communauté. Dans les années 1960, les productions Champion Studio franchirent un pas décisif vers le succès avec la restitution systématique, dans des couleurs très exacerbées des anatomies de ces messieurs prises dans des résilles très peu filtrantes ! . Le catalogue s’étoffa aussi quelque peu, ajoutant à la plage et aux baigneurs, les joueurs de baseball, les cows boys style Bonanza, les ouvriers du bâtiment, les pompiers… bref tout ce qui allait constituer le patrimoine historique de l’iconographie gay. Au plus fort de sa notoriété Walter Kundzicz édita même son propre magazine « Big and Go Guys », mais au début des années 70 la pornographie cinématographique et photographique porta un rude coup à Champion Studio que les amateurs jugeaient désormais timoré, trop pudique et démodé. Très rapidement ruiné, Walter Kundzicz ferma boutique. Le côté slip mouillé ne séduisait plus les clients homosexuels et la collection de Walter Kundzicz semblait désormais vouée aux gémonies, quand un collectionneur providentiel, John Cox, décida de la racheter intégralement. Depuis lors et pour d’obscures raisons de succession, la collection se trouve toujours dans les offres forts de MR Cox… qui ne la montre jamais ! Un livre paru chez le prestigieux éditeur d’art Taschen, Goliath’s Champion, permet cependant à ceux (et celles) qui ne connaitraient pas les photos de Walter Kundzicz de se familiariser avec son œuvre dont le rôle fut déterminant dans l’Histoire de la communauté gay américaine.
MEN PORTRAITS _____________________ À LA MER
Arturo Noci (1874- 1953) Ritratto di Alexander Bonnyman Jr. 1944 Private Collection
La mer n’est pas évidemment pas uniquement un lieu de loisirs, c’est aussi et surtout un lieu d’approvisionnement en nourriture, un lieu de découvertes et d’aventure et aussi, hélas, un lieu de combats, souvent sanglants. Des personnages comme celui qui est représenté sur ce tableau en attestent largement. Alexander Bonnyman Jr. (1910-1943) était un officier du Corps des Marines des Etats-Unis et fut tué au combat, à l’âge de 34 ans, sur l’Atoll de Betio dans les Iles Gilbert pendant la Seconde Guerre Mondiale. L’Atoll de Betio est d’ailleurs représenté en toile de fond dans ce portrait posthume d’Alexander Bonnyman, commandé par l’Amirauté pour figurer dans sa galerie de héros. Ingénieur de combat, Alexander Bonnyman Jr. a reçu la médaille d'honneur, le Purple Hear, la Presidential Unit Citation, la Médaille de la Campagne Asie-Pacifique avec trois étoiles de bronze et la Médaille de la Victoire de la Seconde Guerre mondiale à titre posthume pour ses actions lors de l'assaut stratégiquement important contre un abri anti-bombe japonais pendant la Bataille de Tarawa. Les antécédents civils, le tempérament et les compétences de Bonnyman jouèrent un rôle important à Tarawa en novembre 1943. Lorsque les troupes d'assaut furent immobilisées par de lourds tirs d'artillerie ennemis, Bonnyman organisa et dirigea - de sa propre initiative - l'explosion de plusieurs installations japonaises. Le deuxième jour de la bataille, Bonnyman, déterminé à percer la forte ligne défensive de l'ennemi, dirigea une équipe de démolition de 21 Marines dans un assaut à l'entrée d'un immense abri anti-bombe qui contenait environ 150 soldats japonais. Lorsque les Japonais ont riposté, Bonnyman s'est tenu sur le bord avant de la position et a tué trois des assaillants, mais a lui-même été tué alors qu'il ordonnait de porter de nouvelles charges. La bataille s'est poursuivie pendant 10 à 15 minutes supplémentaires, tous les défenseurs japonais étant débusqués. Du groupe d'assaut initial de Bonnyman de 21 Marines, 13 avaient survécu. Betio Island a été déclarée sécurisée le même jour. Comme c’est le cas pour tous les marins morts en mer, le corps de Bonnyman fut inhumé en mer. Arturo Noci quant à lui est déjà un peintre connu aux Etats-Unis où il a émigré dès 1923, quand il reçoit la commande de ce portrait. Son passage à la Biennale de Venise en 1901 a laissé des traces dans les mémoires, même si l’on ne retrouve pas dans cette toile (très classique ses expérimentations sur le divisionnisme, une technique de subdivision de la couleur qui eut ses adeptes y compris aux Etats-Unis.
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Max Beckmann (1884- 1950) Young Men by the Sea 1943 Saint Louis Art Museum (SLAM)
On a l’habitude de situer Max Beckmann en dehors des groupes ou des grands mouvements artistiques de l’Histoire de l’Art. S’il est vrai que son œuvre a rendu compte de chacun des drames que le monde dans lequel il a vécu a connu, il a toujours pris soin de ne jamais vouloir en être l’illustrateur …même s’il en fut indéniablement le peintre ! Dans l’approche de son époque, traversée par les deux grands conflits mondiaux, il adopte toujours une attitude distanciée, considérant cette scène de théâtre sur laquelle se joue la tragédie et la comédie de la vie humaine avec recul. Il en va de même pour les hommes qui s’y agitent : toujours des acteurs masqués ou des acrobates… Après la Première Guerre mondiale, son style devient plus personnel et reconnaissable avec des caractéristiques stylistiques désormais célèbres, comme les visages émaciés des personnages et les contours marqués voir surlignés de leur silhouette.. Dans la toile ci-contre, conservée aux Etats Unis, quatre hommes sont rassemblés au bord de la mer sur une minuscule plage de sable. Un sujet qui pourrait être banal. Si sa façon de le peindre, son cadrage, ses couleurs, ne le rendait extra- ordinaire au sens premier du terme. Les corps autant que les accessoires et vêtements (notamment la toge blanche à bordure grécolatine) qu’ils portent, poussent à l’identification avec telle ou telle figure de la mythologie. Le décor de plage, la flûte jouée par l'un des hommes (Pan?), la gourde de vin entre les mains d'un autre (Bacchus?), autant d’éléments favorisant à l’évocation de réjouissances rituelles. Cependant il n’y aucune joie visible dans ce rituel là, qui parait plutôt sombre, secret et étonnamment immobile. Le mystère de ce qui se joue ici est exacerbé par les tons foncés et éteints de ce bord de mer grisâtre et par le regroupement contraint des corps, concentrés dans l'espace étroit, tout en hauteur, de la composition. La figure centrale debout, les bras croisés dans une posture autoritaire (le Sphinx ?), barrant à hauteur de son sexe, le passage vers la mer, au personnage accroupi en toge blanche (Œdipe?) soulignent encore le sentiment d’étrangeté de l’ensemble. L’isolement évident de ces quatre personnages malgré leur proximité improbable dans l’image, apparait tout à coup comme très irréel, surgit d’un rêve. Et il est vrai qu’il y a dans cette toile, comme dans beaucoup de toiles de Beckmann, et bien que cela soit la plupart du temps inconscient, un climat irrémédiablement freudien. Le rêve, les expressions farceuses de l’inconscient, le refoulé surgissent sous chaque geste, dans chaque couleur… Ces quatre homme serrés les uns contre les autres au bord de la mer comme de légendaires quadruplés déjà étrangers l’un à l’autre au sortir de la mère en disent évidemment plus qu’ils ne le laissent paraitre… En 1947, deux mois seulement avant que Beckmann n’émigre définitivement aux États-Unis, un poème sur cette peinture lui fut envoyé par un expéditeur anonyme de Saint-Louis (Missouri). A la lecture du poème, l'artiste s'est dit surpris de la justesse de l'interprétation de la figure centrale, décrite par son correspondant comme un mystique. Dans le poème, ce personnage dans l’ombre (et de l’ombre) dit : » La mer, le rivage, le ciel et nous, ne seront jamais ni liés ni libérés «.
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William Orpen (1878-1931) Nude on the Hill of Howth, 1899 Private collection
Cette composition, comme
Nude on a Cliff Top in Howth, date probablement des années 1900 et a pour origine des dessins au crayon modifiés en 1931 par ajout de couleurs à la fois à l’huile et à la gouache. L’emploi de ces deux medium ayant pour but de sur-peindre le sujet et d’ajouter un arrière-plan pour placer la figure dans un nouveau contexte. Survenant au pire moment de la maladie qui emporta Orpen, cette œuvre apparait comme très introspective. En 1931, son espérance de vie étant très limitée, l’œuvre pourrait bien apparaître comme une vision idéalisée de lui-même. La nécessité de coucher sur la toile pensées, sentiments et émotions qu'il avait refoulés pendant plus d'une décennie devenait tout d’un coup plus urgente... Conscient de sa dégradation, il voulut éviter de cumuler les difficultés techniques et préférant utiliser des études antérieures créées alors qu’il était en pleine possession de ses capacités .
1892 - The MET Museum, New York
Comme toutes ses dernières œuvres, celle-ci a pour décor un endroit indéterminé, une sorte de plan éthéré qui englobe la terre, la mer et le ciel, le tout peuplé de mouettes ou de nuages, d’écumes …une référence idéalisée et à la baie de Dublin et à Howth , sans que cela ne soit pour autant certain. Cette œuvre semble suggérer que le peintre voit déjà dans l’au-delà et peut observer sa propre mort. Ce n’est pas la première fois, en tout cas, dans l’Histoire de l’Art, que l’étendue marine est associée à la mort. Ici, elle devient son domaine. Tout comme Van Gogh, Orpen fut capable au cours des derniers mois de sa vie de produire encore des œuvres puissantes et énigmatiques comme celle-ci, les œuvres d’un très grand peintre.
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Le peintre aquarelliste américain Andrew Newell Wyeth, classé parmi les peintres régionalistes et réalistes est pourtant beaucoup plus que cette simple classification ne le laisse entendre. Il est issu d'une dynastie d'artistes dont son propre père Newell Convers Wyeth (1882-1945), illustrateur connu qui fréquenta des célébrités de son temps comme Francis Scott Fitzgerald et Mary Pickford. Décidant de ne pas confronter son fils aux systèmes de l'éducation nationale ou privée, c'est lui-même qui se charge de son éducation à la maison, l’initie à l’art, et tout particulièrement à l'art du paysage rural américain. À cette époque, il admire et est sensible à l'œuvre du peintre Winslow Homer. Plus tard, il apprend à maîtriser les techniques associées à l’aquarelle à base d'œuf, la tempera. Andrew Wyeth commence à peindre dans des nuances de bruns et de gris seulement. Il s’inspire de son entourage pour réaliser ses tableaux. Ses sujets préférés sont la terre et les habitants de sa ville natale, ainsi que ses proches. Sa maîtrise picturale lui permet d’exprimer sa réflexion mélancolique sur le temps qui passe et la faillibilité humaine. Il a peint très peu de marines, ce qui donne à celle-ci une saveur particulière.
Andrew Wyeth (1917-2009) Untitled, 1938 Watercolor Private collection
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Avec la brise en poupe et par un ciel serein, Voyant le Phare fuir à travers la mâture, Il est parti d'Egypte au lever de l'Arcture, Fier de sa nef rapide aux flancs doublés d'airain. Il ne reverra plus le môle Alexandrin. Dans le sable où pas même un chevreau ne pâture La tempête a creusé sa triste sépulture ; Le vent du large y tord quelque arbuste marin. Au pli le plus profond de la mouvante dune, En la nuit sans aurore et sans astre et sans lune, Que le navigateur trouve enfin le repos ! Ô Terre, ô Mer, pitié pour son Ombre anxieuse ! Et sur la rive hellène où sont venus ses os, Soyez-lui, toi, légère, et toi, silencieuse.
José Maria de Hérédia (1842-1905) Le Naufragé in Les Trophées
Valdemar Irminger (1850-1938) Le naufragé Collection privée
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C’EST FINI… à bientôt pour le suivant
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