MPS N°9 - ARMES ET LARMES - Novembre/Décembre 2020

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MPS MEN PORTRAITS SERIES n° 9 Novembre – Décembre 2020

ARMES & LARMES

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Le dieu Mars de la mythologie romaine (équivalent du Dieu Arès dans la mythologie grecque) est le dieu des guerriers mais aussi le dieu de la jeunesse et de la violence, ces deux valeurs allant de pair dans le monde antique. Dans la Rome antique, Mars est un dieu protecteur primordial, le père des légendaires fondateurs de la cité, Romulus et Remus. Mars jouait un rôle équivalent chez d'autres peuples du Latium et au-delà, notamment chez les Sabins, les Samnites et les Osques. En compagnie de Jupiter et Quirinus, Mars fait partie de ce que les historiens appellent la triade pré-capitoline. Mars est le plus important des dieux de la guerre honorés par les légions romaines. Son culte connaît deux moments forts, au mois de mars et en octobre, qui marquent traditionnellement à Rome, le début et fin de la saison guerrière. Les Romains avaient nommé le premier mois de l'année en son honneur, qui coïncidait avec le retour des beaux jours et la reprise de la guerre après l'hiver. Par la suite, janvier, mois d'élection des magistrats, a été convenu comme commencement de la nouvelle année. Mars est devenu le troisième, et c'est ainsi que décembre (étymologiquement le dixième mois) est devenu le douzième.

ANONYME FRANÇAIS (16e siècle) Mars, dieu de la guerre or, argent, lapis-lazuli, opale, rubis, perles et calcédoine polie et émaillée, Musée de l’Hermitage, St Petersbourg

Marquant la fin de l'hiver Mars est donc de fait le dieu du Printemps et par extension symbolise le dieu de la jeunesse. Le printemps, la guerre et la jeunesse coïncidant, il était assez logique que la jeunesse et la violence soient liées dans la même intention. D’autant plus que c'est la jeunesse qui était enrôlée en priorité dans les guerres antiques. Les anciens monuments, les sculptures, les camées et miniatures et les pièces de monnaies antiques représentent le dieu Mars d'une manière assez codifiée. Généralement on le représentait sous la figure d'un homme armé d'un casque, d'une lance, d'une épée et d'un bouclier ; tantôt nu, tantôt en costume de guerre, et même avec un manteau sur les épaules. Parfois, il portait la barbe, mais le plus souvent il était imberbe (comme ici) ; Il tenait souvent à la main un bâton de commandement. Sur sa poitrine, on distinguait l'égide avec la tête de Méduse. Il était tantôt monté sur son char traîné par des chevaux fougueux, tantôt à pied, toujours dans une attitude guerrière et toujours en mouvement. Son surnom de Gravidus signifie : « chargé, rempli, lourd, fécond », indice d'anciens attributs liés à la fertilité et l'agriculture, valeurs évidemment liées à la jeunesse.


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Héritées des protections de combat de l’antiquité grecque et romaine, les armures italiennes deviennent, à partir de la Renaissance, des instruments d’apparat, souvent utilisées lors de cérémonies fastueuses. Donnant naissance à un véritable art de l‘armure, elles conservent cependant toujours leur fonction guerrière en s’épaississant pour faire face aux armes à feu qui apparaissent pendant la deuxième moitié du 16e siècle. Certaines parties des armures traditionnelles, comme les canons d'avant-bras, les cubitières et les jambières, disparaissent pour compenser la hausse de poids. Des versions renforcées ou entièrement forgées à cet effet sont utilisées pour des joutes puis pour des carrousels. Au-delà de leur rôle de protection de combat, les armures servent aussi et surtout le prestige de son commanditaire et montrent, par la richesse de leurs décorations et la finesse de leur facture, sa puissance et sa noblesse. Elles sont parfois aussi offertes comme cadeaux diplomatiques ou collectionnées pour leur beauté sans être jamais portées, car dans ce cas là, le combat souillerait l’œuvre d’art qu’elle est devenue. Au début du 16e siècle, l’art de l’armure est dominé par le maniérisme italien. La capitale de l'armurerie européenne se situe à Milan. Les ateliers milanais fabriquent depuis le 14e siècle des armures de combat réputées pour leurs formes lisses et simples. De telles armures permettent de dévier les coups.

GIOVANNI-BATTISTA MORONI Portrait d’un gentilhomme en armure (1540 -1560) Rijksmuseum, Amsterdam

Leur acier, brillant et poli « à blanc » éblouit l’ennemi sur les champs de bataille dès que le moindre rayon de soleil les frappe. Les armures milanaises (comme celle portée par le gentilhomme ci-contre) sont commandées par toutes les cours d’'Europe qui les préfèrent désormais aux armures côtelées aux arêtes trop saillantes héritées de la période gothique. À partir des années 1530, les maîtres armuriers milanais réalisent sur mesure des armures d'apparat comme celle que l’on voit ci-contre, mais qui n’en sont pas moins ergonomiques et souples constituant une véritable seconde peau. Ces bijoux de technologie sont ensuite confiés aux orfèvres qui mettent au point un nouveau type d’ornementation qualifié par les contemporains de « Grande Maniera ». Ces luxueuses armures ont des formes en relief, comme les décors au repoussé que l’on peut observer sur les épaules, bras et coudes (ci contre) ou des gravures au ciselet réalisés d'après les modèles de peintres ; elles sont en fer, mais enrichies par le travail de divers artisans : damasquineurs, doreurs, émailleurs… Ce travail collectif nécessitait près d'une année, les armures d'apparat pouvaient atteindre plusieurs milliers de livres, alors que les armures de guerre simples valaient une centaine de livres (soit l'équivalent du salaire annuel d'un artisan). Cette tendance avait un but avoué : faire de l'armure une sculpture héroïque reouant avec le faste des harnois mythiques des héros de l’Antiquité.


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SIR WILLIAM ORPEN (1878-1931) The NCO Pilot, RFC War Museum, London

Pendant la Première Guerre mondiale, les pilotes britanniques étaient généralement tous des officiers, le grade de sous-officier (NCO) étant incompatible avec le statut de pilote. A la fin de la guerre, le métier de pilote semblait définitivement réservé aux officiers en excluant les sousofficiers. Cependant, en 1921, le ministère britannique de l’air décida de rétablir une formation spécifique de pilotes sous-officiers pour des candidats issus des rangs des mécaniciens et des artisans qualifiés. Ils devaient posséder «courage, fiabilité, vigilance, vivacité et énergie». L’idée était qu'après avoir servi cinq ans comme pilotes, ils reviennent à leurs métiers d’origine au sol. Mais ce ne fut jamais le cas ! Dans leur très grande majorité, les pilotes sous-officiers étaient utilisés pour des tâches routinières quotidiennes assez quelconques tandis que les pilotes officiers bénéficiaient d’une formation continue aux techniques de guerre. Les personnes choisies pour accéder au grade NCO étaient généralement des hommes ayant une importante expérience en mécanique. Ainsi un ancien chauffeur de taxi, qui avait acquis une expérience d’au moins cinq années comme mécanicien de véhicules et de moteurs aéronautiques pouvait être choisi comme NCO ; on parlerait aujourd‘hui de « validation des acquis ». Le personnage ci-contre peint par Wiliam Orpen, devait être de ceux-ci : gréeur ou mécanicien, il venait d’accéder à ce « nouveau continent » qu’était le monde du pilotage, le comble de l’aventure extrême, surtout en temps de guerre. L’armée de l’Air britannique n’eut pas à regretter ces formations « sur le tas » qui se révélèrent bien utiles pour alimenter le vivier de pilotes nécessaires à la Royal Air Force durant tout le second conflit mondial durant lequel le rôle de l’aviation fut encore plus important et décisif que pendant le premier.


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Dans ce magnifique portrait de soldat, le personnage (sans doute un sergent d’armes de la Cavalerie lourde dont on voit l‘amorce de la lance) est protégé par un modèle d’armure de bataille tout à fait classique et banal, ce qui n’enlève rien ni à son efficacité ni à son prix, d’autant que ce militaire devait s’équiper à ses propres frais. A l’époque où celle-ci fut fabriquée et portée, on ne parlait d’ailleurs pas encore d’armures pour désigner ces protections en acier mais plutôt de Harnois (un mot issu du terme militaire Hernest signifiant Provisions pour l’armée.) Assez bizarrement, c'est à partir du 18ème siècle que l'on utilise le mot " armure " alors même qu'on a cessé d’utiliser ces protections depuis au moins une centaine d'années déjà ! Le type d’armure de combat portée ci-contre, d’un poids moyen de 30 kg était pratiquement autoportée, les pièces rivetées entre elles répartissant le poids uniformément, au contraire des cotes de maille médiévales dont la quasi totalité du poids reposait sur les seules épaules du combattant. L'armure, comme en général l'équipement militaire, a toujours été très coûteux. Dès l'origine, seuls les personnages importants pouvaient s'offrir de telles protections. La troupe s’équipait toute seule, le plus notable faite pour les armées romaines des périodes antiques.

SEBASTIANO DEL PIOMBO (1485-1547) Portrait d’un homme en armure (1512-13)

L'organisation de l’Empire romain et les impôts levés permettaient alors d’équiper et d’entretenir un corps d'armée de façon homogène et régulière. Ce ne fut plus le cas au Moyen-Age ou sous la Renaissance. L'armure de combat de la Renaissance constituait un signe extérieur de richesse. Cela était très important car c’est ce qui assurait une garantie de sauvegarde à son porteur, la valeur marchande de l’armure et la possibilité, en cas de défaite, d’une rançon future lui assurant bien souvent la vie. Mais en réalité, au fil du temps, le seigneur bien établi dans son pouvoir local, à l'abri derrière ses remparts, et bardé de fer dans son armure d’apparat se retrouva de moins en moins exposé personnellement. Les tactiques de combat évoluant, la charge héroïque, lourde et dangereuse à la lance s’était démodée et on était passé de la bravoure à une organisation plus pragmatique et moins risquée de la notion chevaleresque de panache. Plus le combattant était riche et puissant plus son armure était belle et moins il était enclin à s'exposer aux hasard de batailles. C'est donc au moment où l'armure atteignit sa perfection technique (et esthétique) que son utilité se reporta davantage sur la représentation et le paraître et qu'elle cessa d'être efficace.


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CAMÉE BLACAS Camée en sardonyx, 14-50 Apr. JC British Museum

Le Camée Blacas est un camée romain antique inhabituellement grand, (long de 9,3 cm pour une hauteur de 12,8 cm), sculpté dans un morceau de sardonyx avec quatre couches alternées de blanc et de brun. Il montre le portrait de profil d'Auguste portant l'égide de Minerve et une ceinture d'épée, et date probablement de peu de temps après sa mort en 14 après JC, peut-être de 20 à 50 après JC. Il se trouve au British Museum depuis 1867, date à laquelle le musée a acquis la célèbre collection d'antiquités que Louis, duc de Blacas avait héritée de son père, y compris également le trésor Esquilin. Habituellement, cette merveille est exposé dans la salle 70 du British Museum. Il fait partie d'un groupe de pierres précieuses gravées impériales spectaculaires, parfois appelées "Camées d'État", qui sont vraisemblablement originaires du cercle de la cour intérieure d'Auguste, car il le montrent avec des attributs divins qui étaient encore politiquement sensibles, et dans certains cas, ont un contenu sexuel explicite, peu compatible avec une exposition à un large public, comme la Gemma Augustea à Vienne (qui possède également la Gemma Claudia montrant l'empereur Claudius et son frère avec leurs femmes) et le Grand Camée de France, exposé à Paris.


MEN PORTRAITS _____________________ ARMES & LARMES Sous l’ère Heian (794-1185) l'armure japonaise déjà existante depuis plusieurs siècles évolue pour être constituée de lamelles et de petites plaques de métal ou de cuir imperméabilisées sous un revêtement de laque et lacées les unes aux autres par des liens de soie, de métal précieux ou de cuir. Autour de l’an 1000, ces armures pèsent entre 20 et 30 kg. Très lourdes et encombrantes pour les fantassins qui devaient en supporter tous les inconvénients (contrairement aux cavaliers dont le poids était porté par les chevaux), les japonais les délaissèrent rapidement pour des modèles plus légers et plus mobiles (dō-maru ou haramaki) dont furent équiper les fantassins. L'armure dō-maru avait une ouverture sur le côté droit et se fermait à l'aide de cordons ; grâce à l’alliage d’acier utilisé, elle ne pesait pas plus de 10 à 20 kg. L’armure haramaki, quant à elle, se laçait dans le dos et ne protégeait que le buste. Au fil du temps, les samouraïs de haut rang commencèrent eux aussi à utiliser ce genre de cuirasses, beaucoup moins contraignante pendant le combat. Au 16e siècle, le commerce avec l'Europe aidant, l'armure japonaise s’enrichit du morion, un casque métallique à haute crête, d’origine hispanique que l’on retrouve dans la silhouette des Conquistadores. L'arrivée des armes à feu impose un renforcement de l'armure : elle sera désormais constituée de plaques de fer et d'acier, plutôt que de lamelles. Pendant l’ère Sengoku (1467-1573), le besoin d'armures s’accroissant en raison des conflits incessants, le plastron est introduit.

Samourai de la période Edo Photographie colorisée, 1875

Il est constitué de larges bandes lacées ou rivetées. Le long laçage en écailles est délaissé. Puis pn opta pour des tenues de combat encore plus légères facilitant les déplacements rapides ; ces nouvelles armures (Tōsei gusoku) pèsaient entre 10 et 13 kg maximum. A la même époque, l'armure argentée du roi Henri VIII d’Angleterre pesait 30,13 kg ! L’ère Edo (1600-1868) est pour le Japon une époque plutôt calme. Les armures sont moins nécessaires et deviennent plutôt des vêtements d'apparat rivalisant de richesses, et ce jusqu’en 1877 date de la disparition des samouraïs. Le samouraï ci-contre, pour montrer son visage, a ôté la partie protectrice supérieure de son armure traditionnelle. Ainsi pas de Kabuto (casques avec ornement frontal) ; pas de Menpō (masque de visage orné d'une moustache pour intimider l’ennemi !) et pas de Yodarekake (ou gorgerin protégeant la gorge). Il a conservé par contre les Sode (les épaulières), le Dō (le plastron), la partie noble de l'armure qui protège le torse, le cœur et les entrailles ; les Kote (manchons protecteurs des avant-bras) et les Tekkō (gantelets protecteurs des mains). Sur cette photo on peut aussi voir l’amorce de la Kusazuri ou jupe constituée de plusieurs lamelles fines pour ne pas entraver la mobilité tout en protégeant les hanches. Il doit sans doute aussi porter les Haedate ou cuissardes protégeant les cuisses sous la jupe et les Suneate, jambières protégeant les jambes et quelquefois même les pieds.


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JEAN-EUGÈNE-CHARLES ALBERTI (1777-1850) A gauche : Guerrier avec épée tirée, 1808 A droite : Guerrier avec lance et bouclier, 1808 Rijksmuseum, Amsterdam

Le peintre néerlandais Alberti affectionnait particulièrement les sujets antiques qu’il peignait à volonté. Pensionné du roi de Hollande, Louis Bonaparte, il ne manqua jamais de faire parvenir régulièrement ses « envois obligatoires » de Paris et de Rome directement dans son pays qui les a précieusement conservés. Les deux guerriers représentés dans les deux envois ci-contre, combattent totalement nus. Chez celui de gauche, le fourreau de l’épée dissimule (et symbolise à la fois) le sexe. Chez celui de droite, le principe est le même sauf que sa lance est totalement dissimulée derrière le bras. Au-delà de ces représentations copiant avec pudeur voir pruderie, les figures observées sur les vases antiques, la question qui se pose est de savoir si, dans la réalité, les Grecs combattaient vraiment totalement nus ? Bien que l’image de la civilisation grecque soit indissociablement liée à celle de la nudité masculine (la nudité féminine complète n’était pas autorisée), les Grecs ne vivaient évidemment pas nus toute la journée ! Par contre la nudité (gymnos) était fortement recommandée pendant les exercices physiques (d’où les mots gymnase, gymnastique). Elle l’était aussi à la guerre mais chez les Spartiates seulement qui considéraient qu’il était « plus loyal de combattre sans vêtements, la nudité impliquant un rapport franc avec l’adversaire, chacun n’ayant plus rien à cacher. »


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Cet homme, Le Tiep, dont le peintre suisse Eugène Burnand tira le portrait, faisait partie du 3e RTT (3e Régiment de Tirailleurs Tonkinois) régiment constitué par la France sous la IIIe République en 1886. Recrutés dans l'Indochine française pour constituer le « Corps du Tonkin », les tirailleurs indochinois étaient principalement natifs du Laos, du Tonkin, de l’ Annam et du Cambodge. En 1914, au début de la Première Guerre mondiale, la division du Tonkin qui comportait 4 régiments était basée à Hanoï, Nam Định, Bac-Ninh, Hải Phòng et au Sept pagodes. Elle était une ancienne division d'infanterie de l'armée de terre française stationnée à Hanoï dans le Protectorat français du Tonkin. Commencée le 1er Avril 1886, l'organisation du Régiment fut terminée le 20 Mai. L'effectif comptait alors 67 officiers et 3403 hommes de troupe avec mission d'occuper les régions de Hau Phong et Hai Duong qui venaient d'être créées. Ces bataillons et régiments furent engagés dans la Grande Guerre et dans la guerre franco-thaïlandaise pendant lesquels ils se battirent avec bravoure. Leurs sous-officiers formèrent les cadres des futures armées cambodgiennes, laotienne et de la République du Vietnam. De même, certains choisirent les rangs du VietMinh et du Pathet Lao. Dès la fin de la Première Guerre Mondiale, en 1919, Nguyên Tât Thanh qui sera connu plus tard sous le nom Ho Chi Minh, cosigne avec ses quatre camarades le manifeste Revendications du peuple annamite, rédigé par Phan Van Truong.

EUGÈNE BURNAND (1850-1921) Tirailleur tonkinois in Portraits de guerre , Lé Tiep de Phu Luong, province de Thua Thien, Armée française.

Cependant, ce manifeste, destiné aux diplomates réunis à la Conférence de la Paix de Paris, ne trouva aucun écho ; cet échec lui fit comprendre que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défendu par Wilson concernait surtout les Occidentaux ! Ce la marqua le début de la résistance Vietnamienne au colonialisme. En 1930 , le Viet Quốc Dân Đảng organisa une mutinerie touchant cinquante hommes de troupe faisant partie du 2e bataillon du 4e Régiment de Tirailleurs Tonkinois, six officiers et sous-officiers français furent tués. Des unités indochinoises des forces coloniales françaises se qualifièrent aussi durant la bataille de France où elles combattirent toujours avec la même bravoure. Des soldats indochinois se distinguèrent notamment dans la Meuse où la Wehrmacht subit de lourdes pertes. En mars 1945, l'armée impériale japonaise prit d'assaut la garnison française stationnée en Indochine et composée de tirailleurs indochinois. Les cadres français furent décimés lors de ce coup de force et le régiment des Tirailleurs tonkinois fut anéanti par les forces japonaises. Après cet épisode tragique, les tirailleurs tonkinois furent officiellement dissous en 1945. Le 2 Septembre de la même année, la déclaration d'indépendance du Vietnam rédigée par Ho Chi Minh est lue en public au jardin fleuri de Ba Dinh aujourd'hui la place Ba Dinh à Hanoi.


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. JEAN-LEON GERÔME (1824-1904) Un Bachi-Bouzouk Collection particulière

Bachi-Bouzouk, l’insulte préférée du Capitaine Haddock dans Les Aventures de Tintin, désigne en réalité un cavalier mercenaire de l'armée de l'Empire ottoman et signifie en turc « mauvaise tête «. Voilà qui a le mérite d’être est clair ! Peu (voir pas du tout) soumis aux mêmes règles et à la même discipline que les militaires, les bachibouzouks pouvaient être comparés à ce qu'était le corps des Hussards au 17e siècle dans l'armée autrichienne ou à d’autres corps de guerriers supplétifs et de soudards essentiellement utilisés pour terroriser les peuples. Les bachi-bouzouks furent célèbres pour avoir été actifs et particulièrement cruels dans les Balkans au service des Ottomans. Ils participèrent notamment au siège de Vienne et à la chute de Constantinople. L'ampleur de la répression qu'ils firent subir aux Bulgares au cours de l'insurrection bulgare d’avril 1876, indigna le monde entier au point de provoquer la Guerre russo-turque de 1877-1878. Les bachi-bouzouks furent aussi utilisés par les Jeunes-Turcs pour massacrer près de 30 000 chrétiens Arméniens à Adana en avril 1909. Des êtres peu recommandable donc, sauf dès qu’il s’agissait de commettre le pire ! Ils furent aussi beaucoup sollicités pour des missions d’informations, d’espionnage, de poursuites, d’occupation illicite de terrain, d’enlèvement avec demandes de rançons, de chantage, bref… toutes exactions communément associées et permises aux soldats en temps de guerre. On comprend mieux pourquoi ils étaient associés au pire dans la bouche de l’honnête Capitaine Haddock. Durant la Guerre de Crimée (1853-56), un corps expéditionnaire de l'armée française, les Spahis d'Orient, a existé brièvement qui fut surnommé le corps des « bachi-bouzouks » à cause de son indiscipline notoire ; ce sont certainement ces bachi-bouzouks là que l’on retrouve à plusieurs reprises dans des tableaux du peintre Jean-Léon Gérôme. Le peintre s’enticha littéralement de ces soudards après une expédition de douze semaines au Proche-Orient, au début de 1868. A son retour, il reconstitua cet univers oriental dans son atelier parisien et habilla quelques modèles de type oriental de tissus qu’il avait acquis au Levant. Gérôme était alors au faîte de sa carrière et spécialiste reconnu du rendu de textures. Ces costumes reconstitués rappelaient vaguement les costumes hétéroclites des bachi-bouzouks, qui bien entendu n’avaient jamais eu d'uniforme et s’habillaient au gré de leur rapines. Ces quelques peintures de Gérôme, offrent un contraste assez saisissant entre la réputation de brutalité et de violence des bachi-bouzouks et ces costumes de soie, ces coiffes sophistiquées, ces perles et passementeries ouvragées qui donnent aux sujets une noblesse et une allure somptueuse… qu’ils n’avaient sûrement pas dans la réalité.


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ÉCOLE DE CUZCO (16e - 18e siècle) Angeles Acabuceros Pérou

Le thème des anges et archanges arquebusiers (« los ángeles arcabuceros ») ou anges guerriers est une singularité de l’art colonial sud américain de l’Ecole de Cuzco, dans le vice-royaume de L’Alto Peru. Toutefois, on retrouve les mêmes anges militaires à Calamarca ou à Carabuco en Bolivie et jusque dans certaines régions d’Equateur. C’est après la conquête espagnole de l'Empire Inca, à partir de 1535, que l’Ecole de Cuzco se développa. Des techniques artistiques européennes furent alors enseignées aux Amériques par des artistes venus d’Europe (Espagne, Hollande, Italie) parmi lesquels le frère jésuite italien Bernardo Bitti. Cette forme d'art religieux avait pour but unique de convertir les Incas au catholicisme et c’est à cette fin que les Jésuites créèrent une école pour les Quechuas et les Mestizos, où étaient enseignés le dessin et la peinture à l'huile. Dans le peinture médiévale européenne et dans celle de la Renaissance, les anges guerriers étaient représentés avec des lances, des boucliers ou des épées, comme on en trouvait à l’époque romaine. Lorsque les artistes andins de la vice-royauté du Pérou entreprirent de reproduire les modèles européens, ils adaptèrent tout naturellement l’arsenal des armées célestes à l’époque dans laquelle ils vivaient. C’est ainsi qu’anges et archanges abandonnèrent leurs armes traditionnelles contre des arquebuses, l’arme à feu la plus moderne de l’Europe du 15e siècle qui révolutionna l’art de la guerre et permit la conquête ultra-rapide des Amériques, terrorisant littéralement les populations locales par son pouvoir de feu. Ce qui peut aussi frapper le spectateur dans ces peintures à la fois mystiques et guerrières, c’est le contraste entre la douceur féminine des visages angéliques, l’étrangeté des ailes célestes, la magnificence des costumes en tous points semblables aux tenues brodées d’or et chapeau à larges bords ornés de plumes des soldats des Rois catholiques et leur posture, l’arme à la main, prêt à tuer ! La plupart de ces anges arquebusiers de l’Ecole de Cuszco portaient tous des noms, mais étaient en réalité des anges apocryphes, aux noms provenant des écritures judeo chrétiennes proscrits par le Concile de Latran en 1261. Ainsi deux archanges seulement, Raphaël et Gabriel sont reconnus par l’Église catholique les 7 autres sont proscrits comme Uriel (souvent représenté sous les traits de Saint Michel), Hoziel, Yeriel Timor Dey, Eliel Potencia Dey, Salamiel Pax Dey, Oziel Fortitudo Dey, Oziel Oblacio Dey. Du fait des traditions précolombiennes qui définissaient l'art comme le résultat d'une œuvre commune, beaucoup de ces magnifiques peintures sont restées anonymes.


MEN PORTRAITS _____________________ ARMES & LARMES A propos de ce guerrier, George Catlin consigne dans ses Letters and Notes* : «Sha–có-pay, le chef de cette tribu Ojibbeway qui habite les régions du nord est un homme d'une taille immense et d’une allure très digne… mais d’un orgueil et d’une suffisance presque proportionnelles à sa taille. Le jour ou j’ai fait son portrait, il est arrivé dans une très belle tunique en daim impeccablement tanée et frangée de mèches de cheveux humains à profusion. Il m’expliqua qu’il les avait arrachés, au début de sa vie de guerrier, sur la tête de ses ennemis, et qu’il était fier de les porter maintenant comme autant de trophées et de preuves de ce que son bras avait était capable d’accomplir dans les batailles qu’il avait menées. Sa tunique était magnifiquement brodée et peinte de curieux hiéroglyphes qui représentaient l'histoire de ses batailles et les différentes phases de sa vie. Le Six, puisque c’est la traduction de son nom, portait sur ses tempes une paire de ce qu’il appelle des «pipes à cheveux ». Une coiffe d’apparat en plumes d’aigles piqué en cascades dans ses cheveux ornait l’arrière de son crâne ». Il fut souvent reproché à George Catlin, qui fut le spécialiste incontesté des Indiens d'Amérique et de leurs us et coutumes, de les avoir toujours représentés dans leur costume d’apparat plutôt que dans leurs vêtements quotidiens. C’est oublier que l’objectif de ses portraits – aujourd‘hui conservés au Smithsonian American Art Museum - n’avaient échappé à aucun de

GEORGE CATLIN (1796-1872) Sha–có-pay (The Six), chief of the Plains Ojibwa, 183) Smithsonian American Art Museum

ces guerriers rusés qui voulaient bien accepter de passer à la postérité, mais uniquement à condition d’apporter avec eux une part du prestige dont ils avaient été bénéficié de leur vivant. Telle qu’elle est, l’œuvre de George Catlin offre un témoignage essentiel de la culture amérindienne. Son style, caractérisé par un trait synthétique et un minimalisme des couleurs lui fut plus ou moins imposer par ses difficiles conditions de voyage à travers les territoires indiens et par la rapidité d'exécution nécessaire. En 1838, Catlin crée l'Indian Gallery, destinée à rassembler le matériel qu'il a constitué. Elle est présentée sur la côte Est des Etats-Unis ainsi qu'en Europe, où elle rencontre un succès immédiat. En 1845, le roi des Français, Louis-Philippe le reçoit à Paris, au Palais des Tuileries, accompagné d'une troupe de danseurs amérindiens. Ces derniers interprètent un spectacle de danses traditionnelles. Le roi et la cour furent si impressionnés par le coup de pinceau du maître qui peignait l'évènement sur le vif, que Louis-Philippe commanda une série de toiles, aujorud’hui exposées au Musée du Quai Branly à Paris. En 1860, ruiné, Catlin tente l'exploration de la jungle équatoriale sud-américaine, mais n'y retrouve pas son rapport particulier avec le monde et les peuples amérindiens. * Georges Catlin, Letters and Notes, vol. 1, no. 8, 1841, réédité en 1973


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LEONARD DE VINCI Tête de soldat (1504-1505) Museum of Fine Arts, Budapest

On a beaucoup prêté à Leonard de Vinci une fascination pour la guerre, les machines de guerre et l’équipement des soldats. Pourtant, à ses yeux, si la guerre pouvait répondre à une nécessité, il la considérait avant tout come une « folie sauvage » (Pazzia bestialissima). Il étudia et inventa accessoirement des armes tout en gardant un recul quant à leur utilisation. Léonard de Vinci possédait une éthique morale et pensait que l'homme devait s'engager activement à combattre le mal et à faire le bien, car « celui qui néglige de punir le mal, aide à sa réalisation ». Il indiqua également qu'il ne se faisait aucune illusion sur la nature de l'homme et la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fit en préambule à une présentation du sous-marin : « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne la publie et ne la divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui l’utiliserait pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires, en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent ». Léonard de Vinci plaçait également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles : « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit ». Mais dans le même temps, il n’hésita pas dans une lettre à Ludovico Sforza, à se vendre comme ingénieur militaire en argumentant qu’il est le meilleur marché du moment, « avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre ». Puis il énumère tout ce qu’il est capable de construire « ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège ». Un examen attentif de ses épures indique cependant que bon nombre de ses technologies présentées comme novatrices furent empruntées à plusieurs prédécesseurs immédiats ou plus lointain. Ainsi par exemple, son célèbre bateau à roues à aubes qui existait déjà au Ve siècle sous la Dynastie des Song du Sud en Chine, ou encore son hélicoptère déjà présent un siècle plus tôt dans les les carnets de Mariano di Jacopo dit Il Taccola (1382-1453), un artiste et ingénieur siennois du début de la Renaissance.


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Ce soldat français peint par Caillebotte porte l’uniforme des soldats du Second Empire et en particulier celui de l’infanterie de ligne. Son képi est celui que portait les capitaines. L’infanterie de ligne est sans doute le plus ancien et le plus universel des corps d’armée. Remontant à la Grèce antique, l'infanterie regroupe l'ensemble toutes les unités militaires qui combattent à pied, le soldat étant appelé dans ce cas là un fantassin. Sous le Second empire, l'infanterie se rendit célèbre notamment lors de la Guerre de 1870 contre la Prusse. La 2e Division d'Infanterie française à laquelle appartenait sans doute le fantassin ci-contre, est quant à elle l'une des plus anciennes de l'armée de terre française, faisant partie de l'Armée du Rhin, commandée par le maréchal Mac Mahon. La guerre franco-prussienne eut un impact profond sur la France et sur la vie de nombreux peintres français. Caillebotte, comme son contemporain Gauguin, a servi pendant ce conflit. Mais alors que Gauguin, à son retour du front, ne trouva que les cendres de sa maison, Caillebotte revint dans une famille encore plus riche qu’elle ne l’était avant le conflit, son père ayant accru sa fortune comme principal fournisseur de couvertures de l'armée. Assez bizarrement c’est d’ailleurs après ce conflit traumatisant que les deux hommes devinrent artistes. Gauguin commença à dessiner ; Caillebotte fréquenta l'atelier de Léon Bonnat. Le pays tout entier, jusque là l'une des grandes puissances mondiales, sortit du conflit, humilié et écrasé par ses batailles contre l'Allemagne.

GUSTAVE CAILLEBOTTE (1848-1894) Un soldat, 1881 Collection privée.

La désillusion des français d’alors venait à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. La capitulation du gouvernement impérial de Napoléon III avait conduit à l'établissement de la «Commune» à Paris ainsi que dans d'autres villes. La brutalité de la répression à Paris avait été d'une ampleur considérable. Des dizaines de milliers de « communards » périrent dans un massacre sanglant et la fureur populaire précipita le renversement puis l’exil de Napoléon III et de son gouvernement. L'image du soldat a, au cours de l’Histoire, été immortalisée par de nombreux autres artistes, notamment par Manet, dont l'emblématique Le fifre présentait une image peu orthodoxe de l'armée. Dans une époque où la peinture de batailles doit être épique et où portraits de généraux sont majestueux, Manet présentait un simple joueur de cornemuse, un jeune garçon regardant le spectateur d'un œil tendre, ignorant complètement la cruauté incommensurable du monde qu'il habitait. Le soldat de Caillebotte, peint entre 1879-1881, est aussi peu conventionnel que Le Fifre de Manet, même s’il est son exact opposé. Il se tient debout, fumant une cigarette, figure pensive cherchant à s’éloigner de l’univers du spectateur, univers auquel il n’appartient déjà plus, trop conscient des dangers physiques et psychologiques auxquels il est confronté. Cette posture hors du monde et ce regard posé sur un ailleurs lointain contient indéniablement une critique. De la guerre en général… et des élites qui fauchent sans vergogne et par millions les vies des citoyens ?


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CHARLES LEBRUN (1619-1690) Louis XIV, roi de France et de Navarre, vers 1662 Musées du châ̂teau de Versailles et Trianon.

Louis XVI ( 1638- 1715) dit Louis Le Grand ou Le Roi Soleil, 64e roi de France et 44e roi de Navarre dans la splendeur de sa jeunesse alors qu’il vient d’avoir 24 ans ! A ce moment là, il est réellement roi depuis une année à peine. En fait, depuis la mort du Cardinal Mazarin qui avait prolongé avec sa mère Anne d’Autriche, une régence de fer bien au-delà de sa majorité. Ce portrait est donc le premier portrait du roi en tant que tel… et pas n’importe lequel puisqu’il vient d’instaurer le régime, inconnu jusqu’alors en France, de la Monarchie absolue. En effet, le lendemain de la mort de Mazarin, le 10 mars 1661, par un « coup de majesté » que l’on qualifierait aujourd’hui de coup d ‘Etat, Louis XIV décide de supprimer la fonction de Ministre Principal (équivalent du Premier ministre moderne) et de prendre personnellement le contrôle de tout le gouvernement. Alerté par le ministre Jean-Baptiste Colbert sur la situation financière très dégradée du pays, due à la guerre ruineuse contre la maison d'Espagne, aux cinq années de Fronde, mais aussi à l'enrichissement personnel effréné de Mazarin et à celui du surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, le roi décide… de décider dorénavant tout seul. Le 5 septembre 1661, jour de ses 23 ans, le roi fait arrêter Fouquet au grand jour, par d'Artagnan. Il supprime le poste de Surintendant des Finances et crée une chambre de justice pour examiner les comptes. En 1665, les juges condamnent Fouquet au bannissement, ce qui permet aux finances du royaume de récupérer une centaine de millions de livres. Dans ses Mémoires pour l'instruction du dauphin, Louis XIV donne un aperçu de sa pensée sur l'absolutisme : « Cette maxime qui dit que pour être sage il suffit de se bien connaître soi-même, est bonne pour les particuliers ; mais le souverain, pour être habile et bien servi, est obligé de connaître tous ceux qui peuvent être à la portée de la vue » A la notion de Monarchie absolue, il ajoute aussi la notion de Monarchie de droit divin qu’il définit ainsi : « Celui qui a donné des rois aux hommes a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à Lui seul le droit d'examiner leur conduite ». Louis XIV, tenant son pouvoir directement de Dieu, n'est pas redevable de ses décisions aux humains mais à Dieu seul… de ses décisions mais aussi de sa conduite ! et sa dernière épouse Madame de Maintenon saura le lui rappeler amèrement à la fin de son règne …. Voilà le jeune homme dont nous avons le portrait en armure d’apparat fleur-de-lysée devant nous.


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L'Enlèvement des Sabines est le sujet de deux tableaux de Nicolas Poussin. Il est tiré de l'œuvre de Plutarque Vie de Romulus et illustre l’épisode fondateur où les Romainss'emparèrent des Sabines, pour les épouser. Le premier tableau (ci contre) peint en 1634-1635, conservé au MET à New York, a été peint à Rome. La deuxième version (cf. page suivante), peinte en 1637-1638 est conservée au Musée du Louvre à Paris. Dans la version ci-contre, Poussin utilise son mode d'expression « furieux » propre, selon lui, à décrire parfaitement « les incroyables scènes de guerre ». Son souci est d'être intelligible pour celui qui ne connaîtrait pas le sujet. Pour cela, il donne à ses personnages des attitudes très expressives. Les couleurs violentes (rouges, jaunes, bleues) participent à la création de cette atmosphère de terreur et de bouleversement. Peintre classique qui construisait précisément ses compositions et ne laissait rien au hasard, Poussin, avant de peindre ces deux toiles, avait fabriqué des petits personnages en cire qu’il avait placé devant un paysage.

NICOLAS POUSSIN (1850-1921) L’Enlèvement de Sabines, 1634-45 The MET, New York


MEN PORTRAITS _____________________ ARMES & LARMES Cette version a été peinte pour le cardinal Luigi Omodei. Après un passage dans la collection de Louis XIV, cette toile est arrivée au Louvre en 1685 et ne l’a pas quitté depuis lors. Outre le fait que certains personnages diffèrent de la version peinte trois ans plus tôt (cf. page précédente), la composition architecturale est plus complexe. La construction du tableau repose sur deux diagonales qui se croisent dans l'arc de triomphe au fond au centre, qui est donc le point de fuite. Les courbes et les effets circulaires donnent dans la foule l'impression du mouvement. Les deux tableaux décrivent un épisode fondateur de la cité de Rome. Romulus, à gauche, donnant le signal de l’enlèvement des Sabines que les romains vont prendre, de force, pour épouses. Sa pose dérive directement de la statuaire impériale antique. La composition très dramatique des deux toiles reflète la tension de l'épisode : les personnages sont très nombreux, les soldats romains s’agitent en tous sens, les femmes s'efforcent de fuir, un vieillard implore Romulus… toutefois point ici d’enfants hurleurs au premier plan, comme dans la version précédente Le thème de l'enlèvement connut un vif succès aux 16e et 17e siècles, permettant de fusionner corps féminins et corps masculins, comme dans une sculpture, mais aussi de présenter des effets de foule et de panique très appréciés.

NICOLAS POUSSIN (1850-1921) L’Enlèvement de Sabines, 1636-37 Musée du Louvre, Paris


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AGNOLO BRONZINO (1503-1572) Portrait of Cosimo de Medici in armor Detroit Institute of arts, USA

Cosme de Médicis (1389-1464 ) fils de Giovanni di Bicci de Medici et de Piccarda de Bueri est aussi connu sous le nom de Cosme L'Ancien. Personnage majeur de la légende florentine, ce banquier et capitaine est le fondateur de la prestigieuse dynastie politique des Médicis, dirigeants effectifs de la République de Florence durant une partie de la Renaissance italienne. Il reçut une éducation humaniste et apprit le latin, le grec, le français et l'allemand avant de diriger, à 13 ans (!), l'un des ateliers de laine de son père et de parcourir l'Europe en tant qu'inspecteur des filiales de la banque familiale. Immédiatement, après la mort de son père en 1429, il s'opposa au régime oligarchique de la famille Albizzi alors omnipotente à Florence. Doué d'un sens politique remarquable, Cosme de Médicis, réussit à entrainer le chef de l'oligarchie, Rinaldo degli Albizzi, dans un piège politique qui se referma sur lui et la ville de Florence. Arrêté, emprisonné dans le Palais de la Seigneurie puis exilé pendant dix ans, plutôt que condamné à mort, grâce à de nombreux pots de vins, Cosme alla s’établir à Venise, tout en installant une véritable cinquième colonne de partisans à Florence. Pendant tout son exil, il resta en contact très étroit et constant avec eux. Et c'est là que le piège se referma : du jour au lendemain, Cosme par le biais de ses partisans restés à Florence, exigea que tous les débiteurs florentins de la Banque Médicis (et ils étaient nombreux) remboursent sans délais leurs emprunts, paralysant ainsi du jour au lendemain l'économie de la ville, avant de l’asphyxier tout à fait. Un siège financier plutôt qu’un siège militaire qui réussit au-delà de toutes ses espérances ! Fort de l'appui du pape Eugène IV avec lequel qu’il avait négocié depuis son exil Vénitien, Cosme revint à Florence, sous les acclamations du peuple ! Albizzi et ses partisans furent, à leur tour, forcés à l'exil par le Conseil de Prieurs, nouvellement élu. Comme son père autrefois, Cosme fut alors nommé Gonfalonier de Florence et put mettre en œuvre son dessein politique principal : faire de sa famille l'unique arbitre de l'État florentin. Son exceptionnelle fortune, reposant sur la banque que lui avait légué son père, avec ses filiales dans divers États italiens (et à l'étranger) fut mise au service de son ambition politique. Pour museler ses opposants, il utilisa deux techniques : le bannissement (très courant dans la République de Florence), mais aussi les « redressements fiscaux », qui consistaient à ruiner la victime en augmentant avec un système de pénalités, les taxes que celle-ci devait payer. Cynique et retors, ce personnage hors norme disait : « Il nous est ordonné de pardonner à nos ennemis, mais il n'est écrit nulle part que nous devons pardonner à nos amis ». Mais Cosme fut aussi celui qui initia le mécénat de la famille Médicis. Conseillé par le sculpteur Donatello, Cosme fit peindre, entre autres, les fresques du couvent San Marco par Fra Angelico. Il conçut l'idée de l'Académie Platonicienne de Florence, prit un intérêt très vif à l'art et à la science, au service desquels il mit sa fortune avec la libéralité d'un grand prince. La légende Medicis était née.


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La Révolte du Caire est un épisode de la campagne d’Egypte menée par le général Bonaparte sous le régime du Directoire qui souhaitait éloigner ce jeune général beaucoup trop populaire et, accessoirement couper la route aux Anglais vers l’Asie. C’est ainsi que le 19 mai 1798, Bonaparte quitta Toulon avec 54000 hommes, parmi lesquels des savants et des artistes. Une fois en Egypte, la flotte française ayant été totalement détruite par l’amiral Nelson à la bataille d’Aboukir, Bonaparte fut contraint de rester en Egypte. C’est en tentant d’imposer un modèle administratif basé sur la réforme foncière de tout le pays que Bonaparte, provoqua le 21 octobre 1798 le soulèvement populaire des habitants du Caire. Le moment représenté dans ce tableau, peint une dizaine d’années après les faits, est celui où les Français, après avoir pénétré dans la grande mosquée du Caire, combattent les rebelles qui s’y sont retranchés. Peinture idéalisée s’il en est, représentant la férocité du combat des armées françaises non comme s’il s’agissait d’une simple répression militaire mais plutôt d’une bataille de demi-dieux, cette peinture exceptionnelle dans l’œuvre de Girodet montre une attaque où les personnages, d’un hiératisme sculptural, ne sont pas pour autant dépourvus de mouvement. Le Français brandissant son sabre et foulant les cadavres semble repris du Massacre des Innocents de Poussin. De la même façon, son ennemi, représenté dans une nudité héroïque et soutenant le corps d’un insurgé, semble directement sorti d’un bas-relief antique.

ANNE LOUIS GIRODET (1767-1824) Révolte au Caire, le s 21 Octobre 1798. Détail, 1810 Musées du Château de Versailles

Le tumulte du second plan où parait une multitude de personnages; dote à lui seul la scène d’un mouvement singulièrement violent. Nul autre portrait, sinon celui de l’âme des assiégés et de l’emportement des assaillants ! L’individualité s’estompe ici sous la force de l’allégorie du combat. Commandé en 1809 pour être exposé dans la galerie de Diane au Palais des Tuileries, ce chef-d’œuvre de Girodet, heureux de se mesurer à un thème de peinture d’histoire mêlant l’exotisme à l’héroïsme, constitue une parfaite illustration de la constitution de la légende napoléonienne. C’est en effet dans ces années 1808-1810 qu’est menée une très active politique culturelle destinée à parfaire de la mythologie impériale officielle. Parmi les commandes que Napoléon passa à Girodet : L’Apothéose des héros français morts pour la patrie, directement inspiré du lyrisme du poème d’Ossian. L’héroïsme de Girodet, dont les êtres peints perdent leur nature charnelle pour ne garder que l’impulsion de l’idéal, sera sensible encore dans les portraits de chouans que lui commanda Louis XVIII pour SaintCloud. Pour illustrer les salles Napoléon du musée historique de Louis-Philippe, le monarque constitutionnel l’affecta à Versailles. Dans la férocité de ce combat, on retrouve la revendication de l’honneur national qui fit prononcer au général Bon, alors que les insurgés lui apportaient leur soumission, ces mots terribles : « L’heure de la vengeance est sonnée ; vous avez commencé, c’est à moi de finir », engageant un bombardement continu qui écrasa les révoltés.


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Cet héroïque soldat égaré dans un champs boueux avec deux seuls oiseaux pour compagnons, est sur le chemin de retour vers sa patrie. C’est un des combattants de la guerre russo-turque de 1877-78, un conflit dans lequel l'Empire russe était allié à la Roumanie, à la Serbie et au Monténégro contre l’Empire Ottoman. C'est le premier conflit ayant comme toile de fond le panslavisme, assignant à la Russie le devoir de libérer les peuples slaves encore sous la domination turque et de constituer une confédération panslave. Le point de départ de cette guerre fut l'insurrection bulgare d'avril 1876 réprimée par les turcs dans un bain de sang, 1 500 Bulgares étant en effet massacrés par les bachibouzouks turcs. Ce carnage émut non seulement en Russie, mais aussi partout ailleurs en Europe. William Gladstone au Royaume-Uni et Victor Hugo en France protestèrent solennellement. Une crise de régime éclata à Constantinople, la capitale ottomane. Le sultan Abdulaziz fut renversé. Murad V, déposé après 90 jours de règne, puis Abdülhamid II lui succédèrent. Le gouvernement russe tenta de profiter de cette crise institutionnelle au sein de l'Empire ottoman. Il était hostile pourtant à la mission de Belgrade du général Mikhaïl Tcherniaïev, héros des guerres de l'Asie centrale, qui partit, de sa propre initiative, commander les troupes de la principauté de Serbie. Celle-ci s'empressa, en juin, de déclarer la guerre à l'Empire ottoman. Les armées serbe et monténégrine pénètrèrent en territoire turc mais ni les Bosniaques, ni les Bulgares, échaudés, n’osèrent se soulever. Tcherniaïev s'avèra un mauvais stratège et les troupes serbes furent finalement repoussées, notamment par le général turc Osman Pacha.

lLYA REPIN Repin (1844-1930) Retour dans la patrie d’un héros de la derniere guerre, 1878 Collection particulière

Les puissances européennes obtinrent un armistice vite rompu par la Serbie. Les troupes ottomanes prirent la direction de Belgrade, mais un ultimatum russe les fit reculer. Un nouvel armistice fut décrété le 3 novembre 1878 . Il mis a fin à ce bref mais sanglant conflit. Dans le tableau ci-contre, loin des grands tableaux de batailles qui avaient fait la célébrité de certains peintres jusqu’au milieu du 19E siècle, Repin opta pour une approche résolument moderne et humaine de la guerre. Depuis le début des années 1870, Repin était devenu une des figures clés du réalisme russe, réussissant à refléter dans sa production picturale la diversité de la vie qui l'entourait et à réagir vivement à l'actualité, comme ici ! Son langage pictural a une plasticité qui lui est personnelle ; il s'approprie différents styles, depuis celui des peintres espagnols et hollandais du 17e siècle jusqu'à des éléments des impressionnistes français qui lui sont contemporains, bien qu'il ne les ai jamais admirés pour autant. C’est à partir de cette émouvante toile du soldat revenant dans sa patrie que l'œuvre de Répine va s'épanouir. Il compose alors une galerie de portraits de ses contemporains, travaille comme peintre d'histoire et de scènes de genre. Selon Vladimir Stassov, l'œuvre de Répine est ainsi une « encyclopédie de la Russie d'après l'abolition du servage ». Il passe les trente dernières années de sa vie en Finlande, dans sa propriété des Pénates à Kuokkala. Il continue à y travailler, bien que moins intensément qu'avant. Il écrit ses mémoires, dont une partie est publiée dans son livre «Далёкое близкое» (Loin et proche).


MEN PORTRAITS _____________________ ARMES & LARMES Ce rassemblement de soldats américains observés par des soldats japonais d’un air interrogateur, fut immortalisé par le peintre de guerre Bernard Perlin. L’épisode prend place au début de la période de l’occupation du Japon en septembre 1945. Après la signature de la capitulation du Japon le 2 septembre 1945, qui mit un terme à la Seconde guerre mondiale, le général Douglas Mac Arthur, commandant en chef des forces alliées dans le Pacifique, devint gouverneur militaire du Japon. MacArthur, que les médias affublaient du titre de vice roi du Pacifique se comporta alors comme un proconsul, avec rang de chef d'État. A ce titre, il assura la responsabilité d'un pays exsangue, contraint de rapatrier 6 millions de combattants sur l’archipel et de céder les trois quarts de l’Empire du Soleil Levant issu de la politique expansionniste nippone menée à partir de 1929 en Asie. Dans ce pays ruiné, seul l’antique structure impériale fut préservée. Les forces d'occupation américaines qui dirigèrent le pays jusqu'à la tenue de futurs élections libres, eurent du mal à faire face aux problèmes rencontrés : chômage, prostitution à travers l'« Association pour les loisirs et l'amusement », marché noir, orphelins, sousalimentation, épidémies, maladies, conséquences sanitaires des deux bombardements nucléaires déplacements de personnes par millions… Le 8 septembre 1951, le traité de San Francisco mit fin à cette période. Le Japon retrouva sa souveraineté et le droit d'assurer sa défense, mais les troupes américaines restèrent dans l'archipel. La même année, en décembre 1951, le Japon fut admis à l'ONU. Mais le traité de San Francisco ne fut pas signé par l’URSS, qui rétablit ses relations diplomatiques avec Tokyo en 1956 seulement.

BERNARD PERLIN (1918-2014) American soldiers in Tokyo, 1945 Private collection

1892 - The MET Museum, New York


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ÁGISTON SCHOEFFT (1809–1888) Le Maharadjah Sher Singh assis sur le trône d’or du Maharadjah Ranjit Singh, c.1850 Private Collection

Voici un document qui illustre à merveille la légendaire splendeur des maharadjahs couverts de perles et de pierres précieuses et assis sur des trônes d’or, activité à laquelle celui-ci se prête de bonne grâce, bien que l’œil sombre. Ce portrait du grand Sheer Singh, fut réalisé à Vienne (Autriche), rien n’étant assez extravagant pour célébrer la grandeur de ces princes des Indes fabuleuses. Venant du sanskri, le terme Maharadjah est une contraction de deux mots qui signifient «grand» et «roi». Ce titre était à l'origine uniquement porté par des potentats régnants sur de très vastes étendues, avec une quantité impressionnante de rois vassaux sous leurs ordres. A partir du Moyen-Age, le titre fut plutôt utilisé par des monarques hindous régnant sur de petits États mais voulant faire croire qu’ils descendaient d'anciens Maharadjahs. Le Maharadjah Sher Singh (1807 - 1843) fut souverain sikh du Pendjab de janvier 1841 à septembre 1843, date de son assassinat. Fils de Maharadjah Ranjit Singh, sur le trône d’or duquel il est assis dans ce portrait, fut célébré comme un « bel homme à la poitrine large et d’une élégance rare, porté sur les vêtements à la mode et les bijoux somptueux . Néanmoins son allure belliqueuse le rendit très populaire auprès de l'armée. Il aimait la chasse et était tres versé dans les arts et la culture européenne qu’il se plaisait à développer dans sa Cour invitant toujours de nombreux visiteurs étrangers. En 1829, le Maharajah Ranjit Singh lui conféra les honneurs civils et militaires et le privilège d'être assis sur une chaise dans son Darbar. Grand guerrier et fier conquérant Sher Singh avait, pour mériter cet insigne honneur, participé à nombres de campagnes d’expansion du royaume. En mai 1831, il battit, à Balakot, le turbulent Sayyid Ahmad Barelavi qui avait lancé un jihad contre la domination sikh. Entre 1831 et1834, il devint gouverneur de la province du Cachemire. En 1834, il fut l'un des héroïques commandants de l'armée qui fondit sur Peshawar pour reprendre avec succès la ville aux Afghans. Sher Singh monta sur son trône le 20 janvier 1841. En juillet de la même année juillet, il épousa Rani Dukno, la fille du Rajah de Suket. réputée pour être l'une des plus belles femmes de son temps. Il s’illustra ensuite par sa relative mansuétude lors du siège puis de la prise de la ville de Lahore, où il s'abstint de représailles et traita généreusement ceux qui s'étaient opposés à lui, bien que cette opération militaire ait fait des milliers de morts. Par une proclamation, il assura même au peuple de Lahore paix et sécurité, l'armée ayant été avertie de s’abstenir d’agresser les citoyens de quelque manière que ce soit. Malgré sa clémence de façade et sa bravoure, ce roi soldat fut tout de même assassiné. Il le fut d’ailleurs de façon assez rocambolesque, alors qu'il cherchait à récupérer son nouveau fusil de chasse que tenait en main un certain Ajit Singh Sandhawalia, lequel plutôt que donner le fusil à son maitre, appuya sur la détente ! Après cette malencontreuse manœuvre, Sher Singh eut tout juste le temps de dire «Quelle trahison» puis d’expirer.


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ANTOINE-JEAN GROS (1771-1835) Portrait de Louis-Eugene d’Etchegoyen, 1810 Tokyo Fuji Art Museum, Japon

Le peintre français Antoine-Jean Gros, connu aussi comme » le baron Gros ", titre que lui accorda le Roi Charles X, n'a pas peint beaucoup de portraits équestres à l’exclusion de ceux de l'empereur Napoléon 1er (qui fut son premier et principal commanditaire) et de quelques maréchaux d'Empire. C'est ce qui fait d'ailleurs la valeur de ce beau portrait préromantique d'un militaire de carrière, le baron Louis-Eugène d'Etchegoyen, descendant d'une illustre famille du Béarn anoblie par Louis XIV et de son magnifique cheval arabe blanc, extrêmement stylisé, très mince et très haut sur pattes. Après le changement de régime en 1815 en France, les deux barons, le baron Gros et le baron Etchegoyen continuèrent leur carrière respective, le premier comme peintre sous la Restauration et le second comme Chevalier de Saint-Jean de Jérusalem (Ordre de Malte), son père occupant les fonctions de" Gentilhomme honoraire de la Chambre de S.M. le roi Charles X ! Il s’agit donc là d’un portrait réalisé sous l’Empire, d’un

personnage dont la Restauration consacra plus tard la carrière militaire, preuve que la valeur du soldat traverse les régimes ! Car ce n’est pas n’importe quel uniforme que Louis-Eugene d’Etchegoyen, porte sur ce portrait. Il s’agit en effet de l’uniforme noir à brandebourgs d’argent, des hussards noirs, dit aussi hussards de la mort, un corps de volontaires qui s’était constitué à ses propres frais sous la Révolution pour combattre les coalisés. Il faut savoir que la couleur noire fut extrêmement peu utilisée dans les uniformes français de la monarchie et pas du tout sous le 1er Empire, à l’exception notable de transfuges des hussards noirs dont les survivants avaient tous été rassemblés dans un régiment de cavalerie légère. Au temps de leur splendeur révolutionnaire, lorsqu’ils commirent rien de moins que l’abominable génocide de Vendée, les hussards noirs de la mort portaient sur le revers de la manche, une tête de mort et deux tibias, emblèmes macabres que l’Empire ne toléra plus. Difficile d’imaginer que le jeune baron Etchegoyen, avec son air presque féminin et la belle aigrette qui surmonte son chapeau, ait fait partie de ces soudards assassins, violeurs et voleurs ! Et en effet il y a peu de chances, ne serait ce qu’eut égard à son âge ! Par contre, il rejoignit ce corps que l’on appellerait aujourd’hui d’élite, dès sa première affectation en 1810. Gros fut lui-même le peintre des grandes batailles Napoléoniennes. Sa Bataille d’Eylau notamment, où le jeune Louis-Eugene d’Etchegoyen s’illustra (même si c’était plutôt dans la coulisse qu’au premier plan), est restée extrêmement célèbre et conservée au Louvre. Gros peignit cette bataille durant l'hiver 1807-1808, après en avoir obtenu la commande officielle à la suite d'un concours qu'il avait remporté. Vivant Denon, le directeur du musée Napoléon, avait indiqué à Gros la plupart des aspects de la composition : le moment exact à peindre, le nombre de figurants, les cadavres au premier plan, les dimensions (gigantesques) de la toile… rien n’était laissé au hasard par la propagande impériale.


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ANTOINE-JEAN GROS (1771 - 1835) Bonaparte au Pont D’Arcole, 1796 Château de Versailles

A gauche : le jeune et valeureux général Bonaparte entrainant ses troupes à l’assaut du Pont d’Arcole, portant l’uniforme bleu foncé des généraux de la toute jeune République. Trois ans plus tard après le coup d’état du 18 Brumaire, il mis fin à la Révolution française en instituant le Consulat, premier pas vers un Empire qui devait lui assurer la toute puissance en Europe et lui permettre, comme l’avait fait Louis XVI avant lui, d’’allier la France à l’Autriche à travers son mariage avec MarieLouise de Habsbourg-Lorraine, fille ainée de l’empereur François Ier d'Autriche ! A droite : l’empereur Napoléon 1er que l’Europe entière déteste désormais, contraint de signer son abdication en Avril 1814 au château de Fontainebleau. Après sa défaite militaire, les maréchaux forcèrent l'Empereur à abdiquer. Pour ne pas laisser une guerre civile se développer, Napoléon céda. Il fut déchu par le Sénat le 3 avril et signa une abdication inconditionnelle le 6 avril 1814. Dans la nuit du 12 au 13 avril, Napoléon pris une dose du « poison de Condorcet » qui devait lui permettre de se suicider. Puis il fit appeler Armand de Caulaincourt pour lui dicter ses dernières volontés. En plein malaise, il déclara à Caulaincourt : « Qu’on a de peine à mourir, qu’on est malheureux d’avoir une constitution qui repousse la fin d’une vie qu’il me tarde tant de voir finir ! ». Pendant 300 jours, il régna en exil avant de débarquer un an plus tard et de reprendre le pouvoir…. pour 100 jours qui conduisirent à la formation de la Septième Coalition qui allait le vaincre à Waterloo et entraîner son abdication définitive et son exil sur l’île lointaine de SainteHélène où il mourut en mai 1821.

HIPPOLYTE-PAUL DELAROCHE L’Empereur Napoléon 1er en 1814 (peint en (1840) .


MPS MEN PORTRAITS SERIES n° 9 Novembre –Sécembre 2020 ©FRANCIS ROUSSEAU - tous droits réservés

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