Métropoles du Sud
SY M PO SI UM 20 11
Gilles PERRAUDIN
Architecte Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier
Pierre LAJUS, Francis R AMBERT, C h r i s t i a n H A U V E T T E ,C arme PINOS, Jacques F ERRIER
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Photo : Christian Hauvette et l’hélicoptère - Monaco - 20 janvier 2011 / Photo Francis Soler
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.......................................................... A Christian Hauvette 30.11.1944 - 27.04.2011
T u d i s ais (C h ristian, a ut e u r) :
« Lorsque j’opère une dissociation d’ordre méthodologique Entre l’appel d’idées, les mécanismes et les récits, Ce n’est pas pour perdre de vue la globalité de l’architecture » « En utilisant des ingrédients distincts, mais fusionnables, je ne procède pas autrement que le cuisinier, le compositeur ou le poète » « Si, au cours de leur fabrication, j’épure une vision plate, non perspective de mes projets, c’est pour faire de chacun d’entre eux, une construction correcte pour l’esprit, plutôt qu’un vêtement pour le corps » « A la notion de perception de l’espace, je cherche à substituer l’idée de lecture, à proposer un objet juste, dans
lequel se sont effacés la totalité des raisonnements et des métaphores qui l’ont créé » « Je propose à mon spectateur, à mon lecteur, une machine « froide », basée sur un système de valeur plat, loin de toute évocation métaphysique, puisque sa production ne repose que sur une stricte appréciation de la réalité des choses »
De c e s « c ho s e s » pr é c i s é me nt (C h rist ian, a u f o nd) :
« Les mots sont les choses, et vice versa » disais-tu, que disait Ponge, T’entendre, sur un ton juste, parler de «choses» qui n’existeraient que parce qu’elles sont nommées, en guise de processus de charge, dans cette incessante activité (la tienne) d’écriture. –3–
Ton travail sur les questions floues : « Radical.... Francis.... Résister... ! Il faut rester radical... » Tu te disais classique. Et tu l’étais.
A ut re dimension ( C h rist ian com mentateu r) :
Barthes, Edgar Morin, Francis Ponge Comme ceux-là, tu te faisais dynamiteur de « bidules », chasseur de comiques et d’outreconteurs. Le carnet griffonné de tes stylos, Ta curiosité incessante, Ton doigt pointé sur les métaphores de série B harponnant crétins, libres du droit d’agir et individus, incroyablement capables du plus rebattu, tu revérifiais, inlassablement, la rotondité de la terre.
Géométries savante s (C h rist ian , accumu lateu r) :
Jeu de langages, Fascination de la nouveauté, Tout semble réglé au paragraphe. Tu installes l’Imposteur, le Mécanicien, l’Arrogant, le Stratège, le Poète, le Réaliste, le Professeur. Et tu passes. Si étonnante, ta crèche, de la Rue saint Maur, Et, si insolent, ton Rectorat dans les Antilles, où tout s’envolait dans sa « boîte à vent ». Si bon architecte, tu empilais, têtu, infatigablement tes lits, tes feuilles et tes découpes.
Le d u r et le lé ge r ( C hr i s ti a n, ma ç o n)
C’est avec la maison CREN, que nous nous sommes connus, à l’étalage du Moniteur, rue d’UZES. Tu pensais, de manière innocente : « elle peut obtenir une Equerre ». L’équerre, c’était dans le sang. Tu cadrais tout, en gravité, à l’évocation de l’agilité des architectes : « Lourd, Lourd, c’est le poids des choses qui compte, crois moi ! »
La po ssib i li té d’ une î le : ( C hr i s ti a n, e x c u rsio nni s te )
Ton voyage en solitaire ne me plait pas. Mais, alors.... pas du tout ! Nous avons, tant de fois, voyagé, tous les deux, au rythme nonchalant de tes pas glissés, et vu tant de choses, pour lesquelles tu disais : Hou la la.. !!!!!! Non, non, non… C’est pas bien ça...!!!!!!!!! Consonances minces, bêtement vertes, condescendances et mystifications urbaines. « Manque de vocabulaire et absence de grammaire, tout cela... ! » Dans la nacelle de la montgolfière qui flottait au dessus de Marrakech, tôt, très tôt, dans une mâtinée de mars, tu me dis : « Tu crois qu’ils ont eu besoin de nous, eux, en bas ???????? pour étaler leur savoir- faire ????? »
Francis SOLER Juin 2011
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Evoquer Christian Hauvette c’est pour moi évoquer les années d’enseignement en commun à l’Ecole d’Architecture de Bretagne. Christian et moi y avons enseigné ensemble pendant sept ans. Tous les jeudis, nous nous retrouvions dans le train de 7h05, si familier au groupe d’architectes qui de Paris partaient enseigner à Rennes. Enseigner n’est pas chose si aisée quand on a une agence dont il faut s’extraire. Il faut prendre le temps bien sur, mais surtout se rendre disponible, se préparer pour être à l’écoute des étudiants. Autant l’ambiance dans le train du matin était enjouée, chacun racontant les vicissitudes de la semaine, l’évolution de ses projets, les concours gagnés ou perdus, autant le train du soir nous retrouvait accablés et fatigués d’une longue journée à voir défiler les projets de l’atelier. Pour Christian c’était un véritable engagement. Le fait que l’école soit loin de Paris, imposait de se couper complètement des obligations toujours trop pressantes de l’agence. Et c’était bien ainsi. Christian, parmi nous tous, était un exemple de concentration et d’exigence; l’atelier faisait partie de sa vie d’architecte avec la même importance et la même implication que ses propres projets. C’était une chose sérieuse. Le principe qu’il fixait chaque année était celui des ‘vrais faux-projets’. Un programme tiré de l’actualité de son agence, le plus terre à terre possible, un site choisi en Bretagne, étaient le point de départ pour les étudiants d’un projet fictif, mais inscrit dans toutes les règles de vraisemblance fixées par le professeur. Alors que moi, dans l’atelier voisin, je proposais des projets flirtant entre la recherche et l’utopie, occasion de débats entre nous sur la pertinence de nos approches respectives. Le débat entre enseignants avait son point d’orgue lors du déjeuner qui nous réunissait dans l’excellent restaurant face à l’école.
Pendant toutes ces années il nous a servi de repaire; la journée commencée tôt à la gare Montparnasse trouvait là une mi-temps amicale et animée, un temps de débat et d’échanges sur à peu près tous les sujets, du vin à l’architecture, matières sur lesquelles Christian nous démontrait sans peine son incontestable autorité. Après l’atelier la journée se terminait souvent par le séminaire dans lequel Christian devenait alors philosophe. Les étudiants de dernière année avaient la chance de découvrir la réflexion profonde et la mise en question constante du sens des choses qui étaient la base de son travail d’architecte. L’enseignement de l’architecture était pour Christian Hauvette tout sauf donner des recettes plastiques ou formelles toutes faites. L’architecture était pour lui ce «champ de bataille de la pensée» cher à Mies van der Rohe. C’est là que nous nous retrouvions ; si bien que nos ateliers fusionnaient pendant un mois dans l’année, pour un workshop placé sous la conduite d’un architecte invité : Francis Soler, son complice de toujours, lança bien sur le cycle qui devint d’emblée un temps fort de la vie de l’école. Christian, l’impeccable architecte, était engagé dans l’enseignement avec la même intensité et la même générosité qu’il l’était dans ses projets. Enseigner à ses côtés a été pour moi un privilège, et un grand plaisir.
Jacques FERRIER Juin 2011
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INDEX ...................................................................... ......................................................................
Page :
09_ Métropoles du Sud
13_ Introduction 19_ Pierre Lajus
Répondant : Elsa Hambert
31_ Francis Rambert
Répondant Gilles PERRAUDIN
: Stéphanie Cosson
41_ Christian Hauvette
Architecte Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier
Répondant : Nicolas Céleste
49_ Carme Pinos
Répondant : Louiza Fergani
57_ Jacques Ferrier
Répondant : Camille Pallot
67_ Clôture –7–
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Photos : 1 // Extension du Palais de Belém - 2002 - Lisbonne - Portugal. 2 // Pavillon de la connaissance des mers pour l’exposition 1998 - 1998 - Lisbonne - Portugal. 3 // Théâtre et auditorium - 2008 - Poitiers - France. 4 // Centre d’information - 2004 - Caravelos - Portugal. 5 // Eglise san Antonio - 2008 - Portalegre - Portugal. 6 // Reconversion du monastère de Flor da Rosa - 1995 - Crato - Portugal. 8 –8–
Métropoles DU SUD .......................................................... Elodie Nourrigat Laurent Duport Jacques Brion Gilles Perraudin Michel Maraval Pascal Perris Pierre Soto
Gilles PERRAUDIN
Architecte Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Les M étropoles du S ud co m m e o bj et d e re c h e rch e
Métropoles du Sud est un domaine d’études du cycle de Master de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier. Se structurant sur cinq années, Métropoles du Sud pose les fondements d’une pédagogie ouverte et réflexive visant à la construction de véritables postures d’architectes, celles qui, dépassant les discours génériques véhiculés sans distinction de programmes ou de contextes, seront à même de proposer des regards différenciés mais toujours réactualisés sur les environnements
dans lesquels une architecture de qualité se doit de prendre place. Cette ambition se comprend à la lumière des nouvelles préoccupations environnementales qui tendent à définir des modalités d’inscription inédites des formes bâties dans les villes et les territoires. Il n’en demeure pas moins que cette architecture «durable » ne semble pouvoir se constituer en dehors de solutions normatives imposées à tous et éprouvées au-delà de tout contexte. Au regard de cette généralisation et uniformisation –9–
1 M ét r opoles du S u d
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des pratiques, Métropoles du Sud se pose en tant que postulat de travail invitant à interroger les conditions de l’habiter contemporain dans les villes du Sud. Il ne s’agit pas ici de rendre compte d’un attachement avilissant à un territoire, ni même de focaliser l’enseignement du projet architectural et urbain sur les distinctions inhérentes à la géographie des lieux tant il est vrai que ces dernières tendent à se constituer dans une porosité accrue de leurs frontières. Il s’agit, en revanche, de travailler à l’établissement d’un concept transversal 3 trouvant son fondement dans le sens accordé à l’héritage et capable d’ouvrir à un débat effectif sur les figures de la ville contemporaine. Le Sud qu’il nous importe de considérer convoque dès lors le local, l’hyperlocal tout autant que le translocal afin de proposer des stratégies projectuelles innovantes rendant compte d’une intelligence de la situation.
Le S y m po s i um c o mme o uti l de
Dans cette volonté de définition de postures stratégiques, le projet se place au cœur de la recherche. Penser la ville contemporaine ne peut 5 se départir de la connaissance véhiculée par le projet, compris en tant que synthèse relative à la considération de problématiques complexes. Cette condition de synthèse appelle à la capacité de l’étudiant à se nourrir de champs théoriques variés, aussi bien du point de vue des concepts que des processus, à regarder le monde au jour d’un nouveau regard, celui qui, empruntant ses références à d’autres disciplines, sera à même de se construire dans sa singularité. Dans cette compréhension des enjeux de la transdisciplinarité, le domaine d’études propose la tenue annuelle d’un Symposium, outil pédagogique participant à la construction, toujours en devenir, du concept même des Métropoles du Sud.
co n st ru c ti o n d’ un c o nc e pt
Articulé en lien avec le projet, l’enseignement du séminaire vise à la construction d’un Symposium invitant à s’exprimer, sur une thématique spécifique, quatre architectes et une personnalité extérieure (philosophe, historien, sociologue, critique d’architecture…) dont les travaux ont été reconnus pour leur intérêt dans le domaine de l’architecture. Réunissant, un samedi de Janvier, les conditions nécessaires à 4l’élaboration d’un dialogue entre les intervenants sollicités, les étudiants et un public, toujours plus nombreux, composé de professionnels de l’architecture tout autant que de simples citoyens impliqués dans les problématiques relatives à la qualité de leur environnement, le Symposium Métropoles du Sud participe d’une dynamique d’échange valorisant les croisements et les rencontres. Pour sa première édition, sous la thématique « Patrimoine & Architecture contemporaine », 6le Symposium 2009 invitait à poser les bases d’une pédagogie interrogeant les modalités d’inscription de l’architecture dans les centres anciens, considérant tant leurs spécificités intrinsèques que l’évolution des modes d’habiter à laquelle ils se doivent nécessairement de répondre. Bernard Desmoulin, Jean-Marc Ibos, Francis Soler, João Luís Carrilho da Graça, tous architectes, et Dominique Claudius-Petit, Président de l’Association des Amis de Le Corbusier, ont ainsi partagé leurs expériences personnelles afin de traduire la diversité des postures d’architecte au regard d’un « déjà-là».
En 2010, le Symposium proposait l’établissement d’un regard transversal sur les modalités même Photos : 1 // Extension du Palais de Belém - 2002de- Lisbonne Portugal. 2 // Pavillondu de Sud la » définition -de ces « Métropoles connaissance des mers pour l’exposition 1998 - 1998 - Lisbonne 3 // Théâtre et de afin de participer- àPortugal. la construction du socle auditorium - 2008 - Poitiers - France. 4 // Centre d’information - 2004 - Caravelos - Portugal. 5 connaissance nécessaire du travail prospectif // Eglise san Antonio - 2008 - Portalegre - Portugal.mené 6 // Reconversion monastère dedu Flor da Il au travers dedu l’enseignement projet. Rosa - 1995 - Crato - Portugal. s’agissait dès lors d’appréhender la multiplicité
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SY mpo s i um 2011
des figures susceptibles de rendre compte de la spécificité de ces situations urbaines métropolitaines. Articulé sur les évolutions de l’habiter contemporain dans un monde où se jouent toujours plus intensément les dialectiques du local et du global, cette seconde édition du Symposium invitait à venir s’exprimer Chris Younès, philosophe, Bernardo Secchi et Paolo Viganò, architectes et urbanistes, ainsi que Gilles Perraudin, Manuel Gausa et Marc Barani, architectes. Elle a ainsi permis de mettre en évidence des notions structurantes tout autant que la nécessité d’opérer à de nouvelles ouvertures conceptuelles. Tandis que certains appuyaient le besoin d’invention de nouveaux outils théoriques à même de répondre de manière caractéristique à des problématiques situées (M. Gausa, B. Secchi et P. Viganò), d’autres évoquaient leur compréhension du « Sud » non pas en tant que localisation géographique mais en tant qu’attitude philosophique, ou « substrat identitaire » capable de faire émerger une nouvelle modernité (M. Barani, G. Perraudin). Renvoyant par ailleurs tant à la problématique métropolitaine qu’environnementale, la notion «d’éco-métropole » est apparue en tant que figure de la ville contemporaine participant à la régénération des milieux tout en opérant à de nouvelles articulations typologiques entre le local et le global (C. Younès). Forts de ces enseignements, le Symposium 2011 a invité les architectes Pierre Lajus, Carme Pinós, Jacques Ferrier et Christian Hauvette ainsi que le Directeur de l’Institut Français d’Architecture, Francis Rambert, à débattre de « la culture comme moteur de renouveau urbain ». Cette thématique ouvrait à de nouvelles acceptions du concept des Métropoles du Sud au regard du phénomène métropolitain de reconquête urbaine et de réappropriation des espaces interstitiels. Pour Pierre Lajus, architecte, il s’agit moins de comprendre la culture comme somme de connaissances acquises que comme ancrage dans un territoire et dans un héritage
architectural. Son intervention se fonde sur la définition première du mot « culture », en tant que manière d’être, de penser, d’agir ou de communiquer qui se veut spécifique à un groupe ou une société. C’est alors à partir de cette culture-socle que peut émerger une architecture située, traduisant tant son appartenance à un paysage qu’à des modes d’appropriation de l’espace. L’architecte catalane Carme Pinós témoigne quant à elle d’une même compréhension de la culture en tant que fondement contextuel permettant de projeter de nouvelles formes bâties. Bien que les architectures de l’un et de l’autre diffèrent tant par leur formes que par les programmes qu’ils travaillent ou la temporalité à laquelle ils se réfèrent, elles n’en demeurent pas moins constitutives d’une même famille de pensée où la culture est un prérequis indispensable à l’acte de création. C’est au travers du concept de « ville sensuelle» que Jacques Ferrier choisit d’appréhender la culture en tant que nouvelle modalité de compréhension de la ville contemporaine. La ville sensuelle, en replaçant l’homme au cœur de la réflexion sur l’habiter, tend à favoriser des hybridations inédites entre ville, architecture et nature. Pour Francis Rambert, le mot « culture» renvoie à l’offre de pratiques et de services prenant place dans des bâtiments spécifiques. Loin de se suffire à eux-mêmes, ces derniers apparaissent comme prétextes à une forme reconquête urbaine dont les manifestations se traduisent par l’émergence d’une « culture du plus », apanage d’une générosité de l’architecture envers la ville. Il s’agit, ici encore, de deux formes de réponses qui témoignent de complicités intellectuelles, et rendent compte de la culture au regard des potentialités qu’elle offre en terme d’échange et de dialogue entre l’architecture et son environnement. Christian Hauvette, enfin, témoigne d’une posture plus singulière visant à faire prévaloir la culture au regard de la question purement architecturale sur la culture au regard de la question urbaine. Opérant ainsi à une inversion du regard, –11–
M ét r opoles du S u d
l’architecte se positionne en faveur d’une culture architecturale consciente de ses enjeux : ceux de se préoccuper d’architecture. Les cinq interventions de ce Symposium 2011 sont ainsi autant de témoignages de professionnels, qui, chacun à leur manière œuvrant pour l’architecture, participe à la création d’environnements favorisant la qualité de vie de ceux qui l’habitent tout autant que l’émergence de dynamiques vertueuses propices à l’élaboration de nouveaux équilibres avec les lieux et milieux propres de l’architecture. Cet ouvrage est trace de leur engagement, mais également de la singularité de leur regard sur les problématiques contemporaines métropolitaines.
Elodie Nourrigat, Jacques Brion, Laurent Duport, Michel Maraval, Pierre Soto, Pascal Perris, Gilles Perraudin, architectes et enseignants ENSAM, assistés de Garance Davet et Julie Morel, architectes et vacataires ENSAM.
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Introduction ..........................................................
Laurent HEULOT directeur de l’ENSAM Laurent DUPORT architecte & enseignant à l’ENSAM Philippe SAUREL adjoint à l’urbanisme développement durable de la ville de Montpellier
et
au
Laurent Heu lot
Bonjour à tous. En tant que nouveau directeur de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, je tenais simplement à vous exprimer ma joie d’être parmi vous aujourd’hui pour cette troisième édition du Symposium Métropoles du Sud. La thématique abordée par ce domaine d’études du cycle de Master est extrêmement importante au regard des orientations prises par l’Ecole de Montpellier, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. C’est ainsi que je souhaite
remercier Monsieur Francis Rambert, Monsieur Pierre Lajus, Monsieur Jacques Ferrier, Monsieur Christian Hauvette et que Mme Carme Pinos pour leur présence, ainsi que l’ensemble des enseignants et des étudiants qui ont participé à l’organisation de cette journée de réflexion.
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1 M ét r opoles du S u d
2 Lau re nt D upo r t
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C’est un grand plaisir pour moi de vous exposer cette journée de Symposium construite à partir de plusieurs volontés. Tout d’abord, je voudrais rappeler en quoi consiste ce Symposium, à quoi il correspond et quels en sont les objectifs. Métropoles du Sud est un domaine d’étude du cycle de Master de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier. Il réunit des étudiants de quatrième et de cinquième année sous la direction de Gilles Perraudin 4ainsi qu’un groupe d’architectes enseignants : Elodie Nourrigat, Jacques Brion, Pascal Perris, Michel Maraval, Pierre Soto et moi-même. Pour l’enseignement spécifique du séminaire, deux jeunes architectes enseignantes nous ont rejoint : Garance Davet et Julie Morel. La pédagogie que nous proposons amène chaque année les étudiants à travailler sur une Métropole du Sud spécifique et une thématique lui étant relative. Structuré sur un cycle de cinq ans, le Master vise à l’interrogation de quatre métropoles hors de France pour revenir sur la 6ville de Montpellier. Pour la troisième année consécutive, enseignants, étudiants, architectes et chercheurs ont opté pour un positionnement transversal visant à constituer une pédagogie singulière autour des problématiques de l’habiter dans les villes du Sud.
Afin de bien cerner cette problématique de nouvelles conditions de la ville contemporaine, il nous paraît essentiel que les étudiants, dans leur cursus, soient confrontés à des expériences de contextes urbains différents. Ainsi est-il nécessaire de questionner d’autres situations urbaines et architecturales, d’autres conditions de « l’être ensemble » en décalant notre regard, en appréhendant des modes de pensée divers, Photos : 1 // Extension du Palais de Belém - 2002mais - Lisbonne - Portugal. 2 //d’autres Pavillonconditions de la aussi en expérimentant connaissance des mers pour l’exposition 1998 - 1998 - Lisbonne - Portugal. 3 // physiques et urbaines. Cela ne Théâtre peut seetfaire auditorium - 2008 - Poitiers - France. 4 // Centre d’information - 2004 - Caravelos - Portugal. 5 du que grâce au voyage et à l’apprentissage // Eglise san Antonio - 2008 - Portalegre - Portugal.regard, 6 // Reconversion du monastère de Flor da éléments essentiels de l’enseignement Rosa - 1995 - Crato - Portugal. de l’architecture. C’est ce regard que nous 14–14–
SY mpo s i um 2011
ambitionnons de partager, afin qu’il participe au développement d’une conscience et d’un esprit critique. Chaque année, l’enseignement se structure ainsi autour d’une ville identifiée comme lieu d’expression des spécificités recherchées mais également autour d’une thématique afin de construire le concept même des Métropoles du Sud. Le Sud ne doit pas se réduire à une donnée géographique, ni même se confondre avec une forme d’attachement avilissant à la Méditerranée et à son pourtour. Métropoles du Sud est une pédagogie qui se fonde sur une profonde conviction que la complexités des figures de la ville contemporaine trouve son dessein dans un nécessaire appel à l’interdisciplinarité. Après Barcelone en 2008-2009 et Gênes en 20092010, les études se portent cette année sur la ville de Valencia en Espagne. L’année 2012 se structurera autour de la ville d’Istanbul pour que, forts des connaissances acquises, nous puissions revenir avec un regard neuf sur la ville de Montpellier qui, par l’augmentation de sa population devrait avoir atteint le seuil de Métropole.
Le Symposium de cette année, sous la thématique de « la culture comme moteur de renouveau urbain », est le fruit du travail de plus de soixante-dix étudiants de Master de l’ENSAM dans le cadre de leur enseignement de séminaire. La construction d’un débat nous semble être un outil essentiel de la formation d’architectes, et la journée d’aujourd’hui un acte pédagogique fort. Il revient ainsi aux étudiants, chaque année, l’organisation de cet événement, la création de la ligne graphique, des documents de communication, du site Internet, de la recherche de partenaires et de financements. Je tenais, au nom de l’ensemble des enseignants ici présents, à les remercier et à les féliciter pour le travail accompli, et de manière plus particulière Elsa Hambert, Stéphanie Cosson, Camille Pallot, Louiza Fergani et Nicolas Céleste, les cinq étudiants qui vont jouer le difficile rôle de répondants de nos invités.
Gilles PERRAUDIN
Revenons plus spécifiquement au Symposium qui nous intéresse aujourd’hui. Lors de sa première édition,Architecte sous la thématique du Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Patrimoine et de l’Architecture contemporaine, ce Symposium avait réuni Bernard Desmoulin, architecte, Dominique Claudius-Petit, Président de l’Association des Amis de Le Corbusier, Jean- Enfin, je terminerai en vous expliquant les Marc Ibos, architecte, Francis Soler, architecte et raisons de notre présence dans la Salle des João Luis Carrilho da Graça, architecte. En 2010, Actes de la Faculté de Médecine de Montpellier. la seconde édition du Symposium proposait un Lorsqu’en 2009 le premier Symposium a été regard plus transversal sur les modalités de organisé, nous avions dans l’idée de proposer définition du concept des Métropoles du Sud une journée de débat hors des murs de l’école au travers des interventions de Gilles Perraudin, d’architecture, au cœur de la ville afin de l’ouvrir architecte, Chris Younès, philosophe, Manuel au plus grand nombre. Nous étions alors non Gausa, architecte, Marc Barani, architecte, ainsi loin d’ici, au conservatoire d’Art Dramatique. En que Bernardo Secchi et Paola Vigano, architectes 2010, nous étions dans cette magnifique Salle des Actes et en avions apprécié l’atmosphère. et urbanistes. Je remercie ainsi la Faculté de Médecine d’avoir –15–
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mis pour cette année encore la salle à notre disposition, et souhaiterais juste « m’indigner», puisque le mot est à la mode, de n’avoir pas trouvé de lieu plus grand pour pouvoir accueillir un public toujours plus nombreux… Je voudrais remercier sincèrement nos intervenants, Pierre Lajus, Francis Ramert, Christian Hauvette, Carme Pinos et Jacques Ferrier d’avoir accepté notre invitation et de nous faire partager avec eux une journée qui, nous le souhaitons, sera passionnante. C’est ainsi que je vous souhaite à tous et à toutes un très bon débat, et vais laisser la parole à Philippe Saurel, adjoint à l’urbanisme et au développement durable de la ville de Montpellier.
P h il ip p e Sa ure l
Questionner les Métropoles du Sud est une ambition complexe tout autant que passionnante, impliquée dans l’actualité et inscrite dans les exigences de l’histoire. Je voudrais commencer par remercier l’ensemble des enseignants, mais surtout l’ensemble des étudiants du Master Métropoles du Sud dont les noms sont inscrits dans les documents de communication du Symposium. Sur les plaques annonçant les inaugurations des grands bâtiments publics apparaissent toujours les noms de politiques à l’origine du projet, quelquefois ceux des architectes, le nom des sponsors ou leur logo, mais rarement celui des ouvriers qui ont réalisé le bâtiment. Le stade Yves du Manoir, réalisé par l’agence A+ à Montpellier, fait à ce titre figure d’exception avec, inscrits sur le marbre, le nom de tous les ouvriers ayant participé au chantier. J’ai demandé à ce que la même attention au travail des ouvriers soit portée pour le chantier de la nouvelle Mairie à Montpellier.
Le sujet qui nous réunit aujourd’hui, « la culture comme moteur de renouveau urbain », pourrait être support d’interminables développements. Partant du principe que toute architecture doive se concevoir à partir de la spécificité de son contexte et non comme simple objet posé 16–16–
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dans la ville, la culture se comprend comme élément permanent de la conception et de l’aménagement des villes. La ville contemporaine ne se conçoit plus, comme l’était la ville antique, dans une concertation entre les architectes, les décideurs et les artistes. Les architectes du 21° siècle doivent aussi être des artistes tout autant que des urbanistes ou des spécialistes de l’économie d’énergie. Leur pratique plus que jamais se situe à la croisée des disciplines. Que la ville ne puisse se départir de la culture tient au fait qu’elle en est imprégnée: de l’animation de quartier aux festivals, du patrimoine aux usages spécifiques, tout est culture. Je souhaiterais ainsi vous exposer trois exemples de cette fabuleuse interaction entre la ville et la culture. Le premier concerne le schéma d’aménagement de la nouvelle ZAC Port Marianne République, pour lequel j’ai invité à venir s’exprimer Mathilde Monnier, directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier, et qui avec Jean-Paul Montanari est à la tête du Festival Montpellier Danse. Mathilde Monnier a une vision très sociale et pragmatique de la danse contemporaine, et il me semble que la singularité de son regard devait être moteur d’une pensée réactualisée des aménagements urbains du quartier projeté. Concevoir en amont le dessin des espaces publics, des squares, des espaces verts, mais aussi les connexions avec le reste de la ville implique dès lors de pouvoir envisager de faire sortir les danseurs du Centre chorégraphique national du couvent des Ursulines pour les faire interagir avec la ville. Le second exemple s’articule autour du collège des Ecossais, fondé en 1924 par Patrick Geddes au Nord de la ville, à proximité immédiate de l’actuelle école d’architecture. Ce collège international, qui en son temps s’est défini en tant que laboratoire de la ville durable, prend place de manière stratégique au sommet d’une colline d’où il est possible d’observer les étangs au Sud, les jardins du Pic Saint Loup au Nord, et
la promenade royale du Peyrou entre les deux. À partir de ce collège, Patrick Geddes souhaitait pouvoir observer l’organisation progressive de la ville. L’étude patrimoniale du collège des Ecossais menée par les architectes Cusy et Maraval témoigne de la prise de conscience aigue de la valeur de ce lieu et des potentialités qu’il offre en terme de structuration urbaine. Dans un contexte de renouvellement du quartier, il semblait essentiel que l’école d’architecture soit mieux intégrée au tissu urbain tandis que le site du collège des Ecossais soit à même de proposer de nouveaux logements et des espaces verts. La culture implique de ménager des espaces d’animation tout en participant de la valorisation du patrimoine urbain. C’est dans cette volonté que l’agence d’architecture Cusy Maraval a intégré la dimension culturelle à tous les niveaux de la conception de l’étude. Enfin, le troisième exemple est le Festival des Architectures Vives qu’Elodie Nourrigat préside annuellement depuis cinq années maintenant. Ce festival offre des possibilités inédites de rencontres entre les cours d’hôtels particuliers du centre ville et la création contemporaine. Cette confrontation du contemporain et du patrimonial rassemble un large public et participe d’une diffusion des spécificités de la ville tant à l’échelle nationale qu’internationale. Construire la ville contemporaine ne peut se départir de la nécessité de poser sur elle un regard préalable, autorisant une meilleure intégration des organisations architecturales que nous projetons. Ce Symposium est en ce sens articulé sur une problématique de notre temps, et je vous remercie de m’y avoir convié en tant que représentant de la ville de Montpellier. Je souhaite que l’ensemble des étudiants qui sortent de l’ENSAM soient porteurs du message de Montpellier qui a fondé sa personnalité, son identité même, sur l’architecture et l’urbanisme.
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Photos : 1 // Maison Girolle- Cap Ferret - 1973. 2 // Maison Girolle- Cap Ferret - 1973. 3 // Villa Geneste -Pyla-sur-mer - 1967. 4 // Villa Geneste -Pyla-sur-mer - 1967. 5 // Chalet à Barèges - Barèges - 1966.
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Pierre LAJUS .......................................................... Architecture située
Pierre LAJUS
Architecte Bordeaux R épon dant : Elsa Hambe rt , é t u d ia nt e à l ’ENS AM
Bonjour à tous. Nous allons débuter cette journée de Symposium avec l’intervention de Monsieur Pierre Lajus, architecte diplômé de l’Institut d’urbanisme de Paris. Pierre Lajus débute son activité au sein de l’agence SalierCourtois-Lajus-Sadirac dans les années 1960 à Bordeaux. L’agence impose alors une véritable école de projet, celle de l’école de Bordeaux qui révolutionne l’architecture privée locale. Il souhaite concilier habitat individuel, mixité sociale, qualité urbaine et architecturale. Son
travail à l’agence, influencé par les œuvres de Le Corbusier, de Franck Lloyd Wright ou encore de Richard Neutra témoigne d’une volonté de s’inscrire dans le mouvement moderne. Pierre Lajus consacre son activité à la maison individuelle et l’ensemble de son travail l’a conduit à s’interroger sur les questions que se pose aujourd’hui le marché de l’habitat individuel. Il oriente sa réflexion sur les notions d’évolutivité et de flexibilité ainsi que sur les préoccupations environnementales et –19–
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d’économie du projet. Pour lui, l’environnement structure le projet. Je vais à présent laisser la parole à Pierre Lajus, qui dans le cadre de la thématique du Symposium a choisi de porter son intervention sur l’architecture située en relation avec les maisons individuelles.
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P ie r re La jus
Je ne sais pas trop bien ce que je pourrais apporter à la réflexion sur « la culture comme moteur de renouveau urbain », sauf si, au lieu de comprendre la culture comme ensemble de connaissances héritées et transmises par l’histoire, je la considère comme ce qui se constitue dans le présent par la communication des idées, les échanges de savoir et de savoirfaire, la recherche en commun du sens de l’action et la transmission des valeurs. Il y a deux aspects de cette culture en train de s’édifier que mon métier d’architecte m’ont permis de découvrir : ce que j’appellerai « la culture de l’habiter » et « la culture du construire ». La «culture de l’habiter » renverrait aux idées qui se forment et qui se transmettent au sujet des modes de vie et de leur évolution, des pratiques et des usages que nous faisons de l’habitat, de la façon dont les espaces que nous façonnons nous constituent nous-mêmes comme l’a décrit Monique Eleb à la suite de Martin Heidegger. Dans cette perspective, je poserai la question: Comment concevoir des maisons adaptées aux modes de vie d’aujourd’hui ? Par « culture du construire », j’entends ce qui s’est toujours échangé et transmis entre les gens de métiers sur la technique mais aussi sur l’éthique de la construction, les rapports entre la main et l’outil dans les sociétés de tradition. Mais j’envisage aussi aujourd’hui sous ce terme «l’intelligence constructive » qui a si bien guidé la créativité d’un Jean Prouvé, ou les idées qui structurent notre façon de concevoir aujourd’hui la mécanisation des tâches et l’industrialisation, l’organisation des chantiers et des filières de production au service d’une qualité que l’on veut désormais durable. Dans cette ligne de pensée, je m’interrogerai ainsi : Comment développer une culture qui permette de construire de façon économique des maisons accessibles à tous ? C’est en rapport à ces deux interrogations que j’ai choisi de vous présenter mon travail.
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Lorsque j’ai rejoint Salier et Courtois à Bordeaux, au début des années 1960, leur activité était modeste. Ils ne construisaient que quelques maisons par an, essentiellement des résidences secondaires que des proches voulaient voir bâtir au Cap Feret ou à Arcachon. Que souhaitaient ces nouveaux clients ? Ils souhaitaient ce qu’ils connaissaient jusque là en matière de résidences secondaires, des « chalets » dans le style de l’architecture balnéaire que le Second Empire avait introduit à Arcachon, ou plus fréquemment les « villas basques » aux faux pans de bois en ciment armé que leur offraient les entrepreneurs locaux. Salier et Courtois, que l’enseignement de l’Ecole des Beaux-Arts entièrement tourné vers l’architecture monumentale n’avait pas préparé à cette demande d’habitat, n’avaient que mépris pour ces modèles. Ils se voulaient modernes, et les orientations qu’ils n’avaient pas trouvées à l’Ecole, ils les trouvaient dans les revues qui diffusaient alors les nouvelles références de l’architecture contemporaine : l’Architecture d’Aujourd’hui, Domus, Progressive Architecture. Les maîtres en matière d’habitat qui apparaissaient à l’époque étaient bien sûr d’abord Le Corbusier, mais surtout les héritiers du Bauhaus qui aveint émigré aux Etats-Unis avant-guerre et avaient pu y répandre et y expérimenter des idées nouvelles. Sur la côte Est, il s’agissait de Walter Gropius et de Marcel Breuer, en Californie, de Richard Neutra, Craig Ellwood, et tout le mouvement que l’on a connu plus tard sous le nom de « Case Study Houses ». Il y avait également Franck Lloyd Wright que nous ne devions cependant découvrir et comprendre que bien plus tard. Le projet au Pyla, le projet que construisent Salier et Courtois est une grande maison en béton pour un client parisien, Monsieur Geneste. Elle évoque les lignes que Richard Neutra et Rudolph Schindler affectionnent, avec de grands plateaux de toiture projetés dans l’espace par des poutres immaculées en béton. Toute la maison est blanche, murs
crépis, menuiseries laquées et sols en marbre de Carrare. Pour son frère, Salier construit à Baurech une maison qui associe des volumes de maçonnerie et des plateaux de charpente bois, avec différents niveaux de toits en terrasse. C’est une orientation dans la façon de construire que l’agence développera pendant de nombreuses années. Le bois est également très présent da,s ma maison Laporte, à La Vigne, près de Cap-Ferret. La maison est bâtie en Ln orientée vers une terrasse en caillebotis surplombant le bassin qui est abrité du soleil par une pergola qui prolonge, tout simplement, à l’extérieur la trame de la charpente de la maison. Je partage l’engagement de Salier et Courtois pour le Mouvement Moderne, mais parfois nous devons nous plier à des règlements d’urbanisme draconiens et accepter, à regret, d’abandonner les toits terrasse pour des toits en tuile. C’est le cas de la maison Dupeux, construite à Lacanau en 1963 avec un toit à deux pentes. Plus tard, toujours à Lacanau, au golf de l’Ardilouse, j’expérimente un volume couvert à quatre pentes de tuile canal, avec un lanterneau pyramidal amenant de la lumière au centre de la maison. C’est une construction entièrement en bois, avec des poteaux ronds et une belle charpente ménageant une mezzanine dans la partie centrale. La forme du toit est régulière, mais le plan de la façade vitrée se décroche pour former à l’extérieur des espaces abrités de profondeur variée. La publication de ces maisons dans la « Maison Française » ou «Maison de Marie-Claire » nous a fait connaître et élargir notre clientèle. Les budgets de nos clients dépassent rarement le million d’anciens francs, comme pour la maison Geneste au Pyla. Mais très souvent, nos projets échouent car les devis des entreprises dépassent nos estimations trop optimistes. Et nous voyons alors à plusieurs reprises ces clients déçus se rabattre sur des chalets ou des cabanons préfabriqués dont l’indigence architecturale nous désole.
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En 1966, nous avions eu plusieurs fois l’occasion de travailler avec un charpentier menuisier de Mérignac qui avait bien compris nos projets et avec qui la collaboration était devenue très cordiale. Nous lui proposons d’étudier avec nous un « modèle » de villa économique qui pourrait concurrencer ces détestables cabanons. La future maison devait faire 80m2 pour un séjour et deux chambres, un coin cuisine et un bloc-eau, plus un abri à voiture transformable plus tard en pièce habitable. Elle ferai moins de 10m de façade pour pouvoir s’implanter facilement sur les parcelles de lotissement les plus courantes, de 20m de large. Elle aurait un toit de tuile à deux pentes pour éviter les problèmes inhérents aux refus de permis de construire, mais sans plafond, les pièces profitant du volume de la charpente apparente, les avant-toits généreux mettant à l’ombre les façades que nous ne concevions pas autrement que largement vitrées. Avec l’entreprise, nous mettions au point un système de construction modulaire (travées de 3m, modulation intérieure sur 0,60m) avec des bois de sections courantes pour la charpente. Pour rassurer les clients et ne pas donner l’image d’un « préfabriqué », cette maison effectivement préfabriquée intégralement en bois aurait deux murs pignons en maçonnerie. Mais ces murs, qu’un maçon quelconque devait pouvoir monter, s’arrêteraient à l’horizontale à 2m, le vide triangulaire restant jusqu’à la charpente étant fermé par un vitrage, pour le séjour et les sanitaires, et par un panneau de bois pour les chambres. La « Girolles » était née, puisque nous lui avions trouvée ce nom, pour « une maison qui pousse comme un champignon ». Nous avions dessiné tous les détails du modèle « standard ». Mais nous intervenions aussi pour répondre aux demandes particulières des clients: une cheminée, l’aménagement d’une travée supplémentaire, une adaptation à un terrain en pente par la création d’un sous-sol ou d’une loggia suspendue à la charpente… Bien plus, le style de vie décontracté qu’inspiraient 22–22–
ces maisons de vacances très ouvertes sur la nature attirait aussi des clients en quête d’une résidence principale moderne, d’un prix abordable. Nous étions ainsi amenés à concevoir des plans nouveaux s’inscrivant dans le « système Girolle», susceptibles, grâce à son mode constructif, de transformations très faciles. Ce fut le cas pour mon fils Rémi, instituteur, alors père de trois enfants, qui a fait construire à Bouliac une Girolle de quatre travées, avec trois chambres, puis quelques années plus tard ajoutait deux travées supplémentaires en redistribuant largement l’espace intérieur : une cuisine ouverte prenait la place d’une chambre côté nord, donnant ainsi une deuxième orientation au séjour porté à trois travées. Au-dessus de la chambre des parents et de la salle de bains, un plancher à 2,10m de haut permettait de créer une petite mezzanine. Dans l’extension, la chambre d’adolescent avait elle aussi une petite mezzanine au-dessus de son cabinet de toilette. Encore quelques années après, l’abri à voiture était fermé pour créer « la pièce de l’ordinateur ». Ces maisons bon marché mais agréables à vivre étaient montées en moins de quatre mois. Il s’en est construit près d’un millier en Aquitaine. L’expérience de la « Girolle » m’avait appris que les architectes, qui limitaient leur production à du « sur mesure » réalisé de façon artisanale au coup par coup, pouvaient, sans perdre leur âme, s’intéresser à de la « mesure industrielle » s’ils trouvaient de bons partenaires. C’est pourquoi, après avoir été lauréat, au côté des Maisons Phénix, du concours des « 500 maisons solaires» lancé par le Ministère de l’Equipement en 1981, je me suis engagé dans l’étude d’un nouveau modèle de maison individuelle pour cette société. Le projet avait été baptisé « projet R5» en référence à la Renault 5, dotée, d’après les gens du marketing, de qualités « polysémiques ». La même voiture, au prix d’adaptations mineures, pouvait être vue de façons très différentes par des clientèles elles-mêmes très différentes:
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ce serait la petite voiture de l’épouse d’un dirigeant d’entreprise pourvu d’une BMW, mais ce serait aussi la voiture d’une couple de petits épargnants. La maison « R5 » devait répondre à la même stratégie commerciale, en se prêtant à des motifs d’appropriation très différents. Elle était bâtie suivant le procédé Phénix : ossature métallique supportant en façade des plaques de béton, avec des fermettes également métalliques auxquelles s’accrochait un plafond plâtre. Les innovations que je proposais étaient d’abord de remplacer ces fermettes par des portiques dégageant le volume sous rampant, permettant ainsi de créer une petite mezzanine au-dessus des chambres, comme dans les « Girolle ». Il s’agissait également d’introduire dans le catalogue des ouvertures, jusque-là contraint par la trame de 1,20m, avec une plus grande variété de baies de 2,40m des volets coulissants de 1,20 et 2,40m. Enfin, je proposais en pignon une travée libre, abri à voiture, espace de jeux à couvert ou serre vitrée, qui autorisait beaucoup d’évolutions ultérieures. Malheureusement, le rachat de la société par la Générale des Eaux allait entraîner le départ des dirigeants avec qui j’avais travaillé, et faire complètement oublier ce projet. Vingt ans après, l’architecte Jacques Ferrier travaillant pour Géoxia, successeur de Phénix, reprenait sans le savoir quelques unes de ces idées…
ouvert à la nécessité de concevoir des maisons «évolutives ». C’est ce thème que je développais alors dans ce concours. Le projet s’appelait « maison T+ », le plan en forme de « T » devant être en mesure d’apporter à l’usage habituel un certain nombre de « plus ». Le plan d’une maison en trois branches permet de donner une certaine autonomie à chacune des branches : un secteur peut, sans trop d’inconvénients, être converti en local professionnel, une branche peut accepter l’indépendance d’un adolescent ou donner de l’autonomie à des personnes âgées abritées par le même toit. Des familles qui se défont ou se recomposent peuvent plus facilement trouver des articulations d’espaces autonomes adaptées à leur situation. Par ailleurs, l’organisation d’un plan à trois branches permet d’envisager la possibilité d’extensions dans trois directions si le terrain d’assiette le permet. Le jeune couple qui a occupé la première maison « T+ » à Bordeaux a pu très vite ajouter un bureau au cinq pièces qu’il avait fait construire, en utilisant la travée laissée ouverte à l’extrémité de l’une des branches de la maison.
En 1994, j’ai participé à un concours lancé par l’Association Française des Constructeurs de maisons en Bois. J’étais convaincu que la préfabrication de maisons à ossature bois par des industriels permettait d’atteindre les objectifs d’économie attendus par la clientèle. Par ailleurs, je pensais que l’ossature bois autorisait pour ces maisons ma personnalisation à laquelle j’étais attaché, et qu’elle donnait aussi des possibilités d’évolution de la maison qui me paraissaient utiles. On verra plus loin que mon expérience personnelle, avec les changements d’affectation qu’avait connue ma maison de Mérignac à plusieurs reprises, m’avait –23–
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Pour la maison que j’ai construit pour ma famille à Mérignac, rue François Villon, en 1973, après avoir trop vécu à l’étroit dans une échoppe bordelaise de 70m2 avec un jardin de la même surface, j’ai fait le choix de l’espace : une maison qui s’étale en rez-de-chaussée sur un terrain de 1800m2 avec un étage partiel en partie centrale. Il s’agissait d’abriter une famille de cinq enfants, en évitant avec de la distance les heurts qu’entraîne inévitablement trop de proximité. Les chambres des deux aînés étaient à l’étage, avec une chambre d’amis ; les trois petits au rez-de-chaussée, du côté ouest de la maison. Les parents étaient à lest, avec une chambre-bureau et une salle de bains. Nous voulions aussi héberger une grand-mère en lui construisant un studio indépendant mais relié au corps principal de la maison du côté nord. La maison, spacieuse, allait être construite de façon économique par l’entreprise qui construisait les « Girolle », avec la même technique de panneaux à ossature bois préfabriqués en atelier et montés rapidement sur chantier. En 1974, je me sépare de mes associés Salier et Courtois, et, dans cette période qui voit la première crise de l’énergie et un ralentissement de l’activité de la construction, je décide de poursuivre à la maison mon activité professionnelle. Je réquisitionne le secteur affecté aux enfants en rez-de-chaussée, qui outre les trois chambres comportait également une salle de jeux. Les 70m2 de l’ensemble peuvent faire une agence acceptable pour cinq ou six personnes. En 1976, un incendie accidentel détruit tout l’étage et met à mal une grande partie du rezde-chaussée. Il faut reconstruire, et en profiter pour réorganiser l’espace. On crée alors un accès indépendant pour l’agence et l’étage est agrandi pour redonner une chambre à chaque enfant. En 1995, j’ai soixante-cinq ans et décide d’arrêter l’activité de l’agence. Les enfants étant partis, que faire de cette grande maison ? Nous avons déjà une locataire dans l’appartement de la grand-mère, et décidons de convertir l’agence en un appartement de trois pièces à louer. Dans 24–24–
une maison de bois déjà pourvue de beaucoup de rangements, il est facile d’aménager une cuisine et même d’installer dans le nouveau séjour une petite cheminée. Les hasards de la vie font que notre second fils, Marc, parti dans le Nord de la France, obtient un poste à Bordeaux. Il devient notre locataire, avec sa compagne Karine. Ils ont bientôt deux filles, et l’appartement de 70m2 devient exigu. Comme cette cohabitation est agréable pour eux comme pour nous, nous décidons d’agrandir la maison à leur profit. L’implantation dans la parcelle permet, en respectant les marges de reculement par rapport aux limites, de projeter une extension de 3,50m de large sur 13m de long, à la perpendiculaire de la façade sud. L’extension reprend le mode constructif de la maison : poteaux et poutres en lamellé-collé supportant un solivage et un toit plat, puis panneaux à ossature bois habillés de lambris à l’extérieur et de panneaux d’aggloméré à l’intérieur, menuiseries mixtes bois-alu, cloisonnements et multiples placards en panneaux bois. La mise en œuvre de ces ouvrages, une fois l’ossature principale et la toiture montées par les charpentiers, est à la portée d’un bricoleur bien outillé. J’y ai consacré six mois, avec beaucoup de satisfaction. Cette façon de construire à partir de l’usage, avec des équipements intégrés dans ce but à la construction et dans la cohérence qu’apporte le fait d’inscrire ces aménagements dans le canevas d’un système de construction dimensionné avec précision, je l’avais déjà expérimenté dans le chalet construit trente ans auparavant à Barèges, puis modifié et agrandi lui aussi lorsque les modes de vie des occupants avaient évolué. Le chalet, construit avec un groupe d’amis, avait pour objectif de pouvoir héberger pour le ski quatorze personnes. Nous y sommes arrivés dans une construction de 56m2, et, en 1966, pour un coût de 50 000 anciens francs. C’est une pièce unique de 8m de long, avec d’un côté, un coin feu, et de l’autre, un coin repas. C’est l’organisation du couchage qui a donné
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ses dimensions au chalet : la longueur de quatre couchettes, 8m. ces couchettes s’insèrent dans des cellules de 2x2m où l’on trouve deux lits superposés à l’équerre, avec un volume de rangement aménagé sous le lit du haut. Ce dispositif se retrouve au rez-de-chaussée, mais aussi au niveau d’un plancher haut où chaque cellule est accessible par une échelle. Chaque cellule, fermée à moitié par le panneau fixe auquel s’appuie la couchette, se ferme aussi par un panneau coulissant. En 1995, nous constatons ma femme et moi que nous avons vieilli et que ce chalet dont la vie communautaire nous paraissait parfaite a maintenant quelques inconvénients : nous supportons moins bien, par moments, le vacarme des enfants et petitsenfants. Comment donc s’isoler lorsque nous en avons envie ? Contre le chalet, en appuyant ne toiture légère au mur de soutènement, nous avions construit un abri à bois. En l’agrandissant et en le surélevant un peu, on pourrait créer là le havre de repos dont nous rêvions. Avec l’aide des enfants, ce sera la première expérience d’auto construction qui me conduira, quelques années plus tard, à celle de Mérignac. Le chalet de Barèges, que j’ai décrit sous l’angle des capacités d’évolution que permet son mode de construction bois, peut aussi être regardé d’un point de vue écologique dans son mode de relation avec le site. C’est une construction d’un type tout à fait étranger à la région : les granges de la vallée de Barèges sont construites en granit, avec de lourds toits d’ardoise ou de lauzes. Sur les versants exposés aux avalanches, elles se protègent par une fortification maçonnée en amont, et par une pente de toiture qui doit permettre à l’avalanche de s’écouler dessus sans dommage. Mon léger chalet de bois n’a rien à voir avec cette façon de construire. Pourtant, en l’implantant à la perpendiculaire de la plateforme existante à moitié encastrée dans la prairie, en donnant à la toiture la pente de l’alpage et en reprenant cette pente pour son extension, il me semble que j’ai
établi avec le paysage un dialogue qui fait écho à celui des granges de granit. En montagne, on s’intègre dans le paysage en s’ancrant dans la pente. Ailleurs, on le fera de façon différente. Dans un site fragile comme celui du Delta de la Layre, dans le fond du Bassin d’Arcachon, on me demandait de projeter un Centre Permanent d’Initiation à l’Environnement, donnant accès au Parc ornithologique du Teich. Construire là prenait fatalement un caractère agressif. J’ai voulu atténuer ce caractère en posant au milieu des roseaux un bâtiment le plus léger possible. Le bâtiment est décollé du sol par des pilotis qui laissent passer le regard, sur un terrain conservé dans son état le plus naturel possible. C’est la même idée que j’ai retenue quand il s’est agi de construire quelques logements de vacance dans la forêt de Lacanau, à « Marina de Talaris». La « Marina de Talaris » est une opération touristique privée où, sur la rive est du lac de Lacanau, l’architecte Patrick Maxwell a dessiné un paysage de canaux et de buttes boisées dans lesquels s’insèrent des hameaux dont chacun présente une architecture différente : il y a les maisons lacustres des frères Debaig, sur pilotis, les maisons finlandaises de Heiki Siren, et bien d’autres inventions architecturales de l’équipe de Maxwell, disséminées par groupes dans la forêt. Les maisons de vacances que je voulais poser légèrement dans la forêt, j’ai pensé qu’elles pouvaient ressembler aux bergeries que l’on trouvait quelquefois dans les Landes, bergeries dont la silhouette m’avait toujours fasciné par tout l’imaginaire qu’elles communiquaient. Et j’avais été séduit quand j’avais vu qu’un architecte danois, Eric Korshagen, pouvait reprendre cette silhouette dans une chaumière d’une modernité indiscutable, qui l’apparentait aussi bien à mes bergeries landaises qu’aux délicieux pavillons princiers de Katsura au Japon. Le problème était de donner à ce volume, sous un toit incliné à 60 degrés, les dimensions qui le rendent le plus habitable possible. Après des tâtonnements, je trouvai qu’une largeur de 4m, avec pour les fermes un entrait positionné –25–
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à 2m de haut, permettait de créer dans ce grenier à la fois un passage et un espace de couchage. En bas, la largeur de 4m permettait d’aménager convenablement la pièce de séjour, avec un poêle en fonte à une extrémité, et de l’autre côté un coin cuisine bien aménagé et l’escalier. L’intégration au paysage, on peut aussi la rechercher dans l’accord des lignes de la construction avec celles de ce paysage. Sur la dune plantée de pins qui domine l’étang de Cazaux, à Biscarrosse, face à l’horizon du lac, l’horizontale s’imposait. C’est pourquoi j’ai proposé au client qui voulait construire une grande « Girolle » de choisir plutôt la variante à toit plat que nous avions baptisé la « Chanterelle ». Cette variante avait aussi l’intérêt de permettre de dessiner des plants aux formes plus variées, alors que les deux pans de toiture de la « Girolle », quelle que soit sa surface, s’inscrivaient dans un rectangle de 9m de profondeur. À Biscarrosse, la maison devait s’accompagner d’une piscine. Le toit plat permettait de dessiner un plan en Z grâce auquel les plages en caillebotis entourant la piscine venaient se lier à la maison. De la même façon, les poutres et le solives de la charpente allaient se prolonger à l’extérieur pour créer des ombrages et relier à la maison la petite cabane abritant douche et filtration de la piscine. Cette maison relativement modeste de 150m2, allait donner grâce à tous ses prolongements extérieurs, une sensation d’espace qui a surpris beaucoup de visiteurs, et enchanté ses propriétaires.
voulais poser, en introduisant cette conférence, et voir si le retour sur le passé que je viens de faire permet d’y apporter une réponse. C o m m e nt c o nc e v o i r de s ma i s o ns ad a pt é e s a ux mo de s de vie co nt e m pora i ns ?
Ce qui me paraît caractériser les modes de vie d’aujourd’hui est la rapidité de leurs changements. Les familles se font, se défont, se recomposent à un rythme que nous ne pouvions pas imaginer il y a quarante ans. Les besoins changent : on veut pouvoir s’isoler davantage tout en aimant vivre ensemble, on voudrait par moment davantage d’espace, plus tard, on en voudrait moins… La maison, elle, ne bouge pas. Vous avez compris, avec les exemples de la maison Mérignac, du chalet de Barèges et de la Girolle, que je pense que la maison doit être évolutive. Je ne suis pas la seul à le penser. Renzo Piano écrit dans son « Carnet de travail » : « Je pense qu’aucun logement, aucun équipement de service ne peut se concéder le luxe de l’immuabilité. L’évolutivité est une donnée essentielle à laquelle, selon moi, il ne faut pas renoncer. On l’élude seulement pour des raisons bureaucratiques ou par prétention, la prétention personnelle de vouloir à tout prix se reconnaître dans le résultat ». En d’autres termes, si nous travaillons vraiment pour les autres, et non pour nous, quand nous construisons, il nous faut laisser aux utilisateurs la faculté de transformer l’ouvrage ne fonction de l’évolution de leurs besoins, et prendre les dispositions constructives qui le permettent. C’est peut-être cela, faire des constructions durables. C o m m e nt c o nc e v o i r de s ma i s o ns ad a pt é e s a ux e xi ge nc e s é c o logi que s d ’au j o u rd’ hui ?
Il me faut maintenant revenir aux questions que je 26–26–
C’est une question qui pour moi reste ouvert, car je crois n’y avoir apporté des réponses que très partiellement. Bien sûr, on pourra dire que le travail de notre équipe bordelaise s’inscrivait bien dans son territoire, que nous étions sensibles à une relation douce avec le
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paysage. Les grands vitrages bien abrités par de larges avancées de toiture calculées pour les mettre à l’ombre l’été mais laisser la lumière et la chaleur pénétrer en hiver, relevaient déjà de l’architecture bioclimatique. Mais nos maisons très ouvertes étaient médiocrement isolées et pleines de ponts thermiques… Notre époque a des exigences plus sévères. Elles concernent la façon de construire, thermiquement plus efficace, la gestion de la ventilation, mais aussi la qualité des matériaux, leurs possibilités de renouvellement et de recyclage, leur empreinte écologique. On doit aussi s’interroger aujourd’hui, plus que nous ne le faisions, sur la consommation du foncier qu’entraîne le développement de ces maisons individuelles, que les gens aiment tant, et imaginer des formes urbaines plus denses qui limitent les déplacements et mesurent mieux l’espace urbanisé. Ces exigences nouvelles m’apparaissent comme d’excellents stimulants pour la créativité, et il me semble qu’avec la diffusion des préoccupations environnementales chez les utilisateurs comme chez les architectes, nous sommes aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère de l’architecture. Com ment développe r u n e c u lt u re qui permette de con st ru ire d e fa ço n écon omiqu e des mais o n s acce ssibl e s à t ous ?
Je n’ai pas de solutions miracles, mais je crois que certaines conditions sont plus favorables que d’autres à l’économie de la construction. Économiser, c’est d’abord éviter le gaspillage. Or, que de gaspillage dans un chantier traditionnel! Quand on voit les plombiers, les électriciens démolir ce que vient de faire le maçon pour faire passer leurs gaines et leurs tuyaux ! Il faut donc anticiper davantage, prévoir à l’avance tous les détails. C’est ce qu’impose la préfabrication, qui a l’avantage de faire exécuter en atelier, à l’abri des intempéries, dans des conditions de travail bien meilleures, la plus grande partie des travaux. La construction à ossature bois s’inscrit tout naturellement dans cette démarche de rationalisation des méthodes de construction. Le gaspillage existe aussi au niveau des études. S les architectes n’ont rempli qu’une mission
partielle, les différents bureaux d’études, qui s’occupent de la structure, de la thermique, de l’électricité, de l’économie de la construction, vont refaire à plusieurs reprises, voire défaire à leur façon ce qui aurait pu être fait en une seule fois si l’on avait associé au moment opportun toutes ces compétences. Gaspillage, encore, lorsque la mise en concurrence permanente va défaire les regroupements efficaces qu’aura permis exceptionnellement un chantier, sans que les acquis de l’expérience soient poursuivis et valorisés. Pour avoir une efficacité économique réelle, les architectes devraient avoir à cœur de trouver avec leurs partenaires, bureaux d’études et entreprises, des formes de coopération pérennes qui évitent tous ces gaspillages. Le Corbusier disait déjà aux étudiants des BeauxArts, dans les années soixante : « Vous n’êtes pas des artistes de la planche à dessin, vous êtes des organisateurs ! ». C’est à la culture de l’organisation de l’espace, mais aussi à celle de l’organisation des acteurs de la construction que les architectes d’aujourd’hui devraient s’employer. C’est en tout cas le message que je voudrais leur transmettre, dans cette réflexion sur l’apport de la culture au renouveau urbain.
Vous me permettrez, pour conclure cette conversation d’emprunter les mots que Marguerite Yourcenar met sur les lèvres de l’empereur Hadrien, un Hadrien vieillissant : «Construire, c’est collaborer avec la terre : c’est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais, c’est contribuer aussi à ce lent changement qu’est la vie des villes. Que de soins pour trouver l’emplacement exact d’un pont ou d’une fontaine, pour donner à une route de montagne la courbe la plus économique qui est en même temps la plus belle… Creuser des ports, c’était féconder la beauté des golfes… J’ai beaucoup reconstruit, poursuit Hadrien : c’est collaborer avec le temps sous son aspect de passé, en saisir ou en modifier l’esprit, lui servir de relais vers un plus long avenir ; c’est retrouver sous les pierres le secret des sources »…
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M ét r opoles du S u d R épondant : Elsa Ha m be rt
Merci beaucoup Pierre Lajus pour cette intervention durant laquelle vous nous avez clairement exposé votre vision sur l’architecture de la maison individuelle au regard des problématiques contemporaines. De quelle manière envisagez-vous l’utilisation des nouvelles technologies liées au développement durable dans l’élaboration des projets d’architecture ? Pi er re Laju s
Il est clair dans un premier temps que ces nouvelles technologies doivent être intégrées au projet d’architecture, mais pour cela, il faut que les architectes aient acquis les compétences nécessaires. Cette prise en compte des nouvelles exigences liées au développement durable fait partie aujourd’hui de l’apprentissage du métier d’architecte.
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Photos : 1 // Publication du Pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise 2008 Ed. Actar - 2008. 2 // Invitation au cycle de conférences Les Entretiens de Chaillot - The Cube Tower / architecte : Carme Pinós - © Lourdes Grobet. 3 // Exposition Claude Parent - L’œuvre construite, l’œuvre graphique - © Gaston Bergeret. 4 // Catalogue d’exposition Ed. Silvana Editoriale - 2009. 30–30–
Francis RAMBERT .......................................................... En lieux et places, Ces bâtiments générateurs d’espaces publics
Francis RAMBERT
Directeur de l’institut Français d’architecture, Cité de Chaillot, Paris R épon dant : S téph anie C o sso n , é t u d ia nt e à l ’ENS A M
Nous avons maintenant le plaisir de recevoir Francis Rambert, commissaire d’exposition, critique et auteur d’ouvrages sur l’architecture. Pour ce symposium placé sous le thème de la culture, il semblait incontournable de faire appel au Directeur de l’Institut Français d’Architecture, lieu qui est avant tout un producteur de programmes consacrés à la diffusion de la création architecturale en France et à l’étranger. C’est dans ce souci constant d’ouverture et de partage que l’Institut Français d’Architecture
participe au développement d’un réseau international articulé autour de l’architecture et de sa communication auprès d’un large public, comme peut en témoigner le « Lieu Unique » à Nantes. L’architecture, pour citer notre invité, joue en effet un rôle social déterminant dans les pratiques sociales contemporaines et ne doit pas être réservé à une élite. Nous sommes ainsi très honorés de recevoir Francis Rambert, à qui je vais laisser la parole pour son intervention.
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Permettez-moi une remarque liminaire. Le vocable « Métropoles du Sud », évidemment, ouvre sur tout un imaginaire chargé de soleil. Cependant, la notion de « Sud » est toujours relative, tant il est vrai qu’on se situe toujours au Nord de quelque chose. La situation méridionale donne alors un caractère particulier, une couleur particulière. Munich, est ainsi la ville la plus «italianisante » d’Allemagne, se démarquant de la magnifique villa hanséatique de Hambourg, et Barcelone, l’internationale, n’a rien de commun avec Séville, l’andalouse. Et si l’on regarde du côté asiatique, Shanghaï affirme clairement son caractère de ville du Sud par rapport à Pékin, et l’esprit d’Osaka se distingue sensiblement de celui la mégalopole tokyoïte. Pour relativiser ce statut de « Métropole du Sud », je citerais un maréchal d’Empire tentant de définir la particularité de la Catalogne. En affirmant « ce n’est plus l’Espagne mais ce n’est pas encore la France », il reconnaissait de facto l’identité de ce territoire, dans un entre-deux extrêmement fertile, terre d’architecture s’il en est. S’agissant maintenant de la culture urbaine qui marque une métropole du Sud, j’avancerais la question de l’espace public, thème majeur de la ville contemporaine. En cette première décennie du XXI° siècle, on note une tendance forte de l’architecture à pouvoir créer de l’espace public, lieu de tous les usages. Je m’attacherais donc à centrer le regard sur ces bâtiments «générateurs d’espaces publics» qui font florès aujourd’hui. Autant d’édifices qui ont souvent le statut d’«icônes », et c’est bien là le paradoxe, car d’aucuns voudraient toujours opposer les projets «urbains» aux projets « objets », or cette nouvelle génération de bâtiments qui ne nient pas leur statut d’objet, n’en renient pas pour autant leur connivence affichée avec la ville. Le thème du symposium, «la culture, moteur du renouveau urbain », ouvre complètement sur cette ambivalence inhérente aux bâtiments qui doivent être des attracteurs autant que des 32–32–
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générateurs. En fait, à bien y regarder, cette vague de fond s’est formée dans l’hémisphère Sud avec l’opéra de Sydney, dont les magnifiques coques sont portées par un socle dédié à l’espace public. C’était en 1957, soit 40 ans avant le Guggenheim de Bilbao. Utzon – Gehry, même combat. Et l’on remarquera avec quelle tendresse l’architecte californien vient enlacer le puissant pont autoroutier, atténuant ainsi la violence de la percée dans la ville. Dans les deux cas, nous sommes au cœur du sujet de la mutation des territoires délaissés ou en déclin : la culture comme élément moteur de la régénération. Dans l’hémisphère Sud, les métropoles et autres mégalopoles brésiliennes ont favorisé l’émergence de ces architectures génératrices d’espaces publics, On garde ainsi en mémoire le travail d’Affonso Reidy sur le musée d’art moderne de Rio, monolithe de béton suspendu pour laisser filer l’espace public jusque dans les jardins de Burle Marx, ou celui de Lina Bo Bardi pour le musée d’art de Sao Paulo, autre monolithe soulevé pour dégager une place aux usages multiples. Et, plus récemment, le musée de sculpture de Mendes da Rocha à Sao Paulo, ou bien encore le musée de Niteroi signé Oscar Niemeyer, icône parmi les icônes. On notera que, dans la magnifique baie de Rio, le maître brésilien crée, à grands renforts de rampes en spirale, un objet spectaculaire, dont l‘objectif évident est d’offrir, avant tout, une machine à observer le grand paysage. Dans cette même logique, j’évoquerais la référence des références : le Centre Pompidou. Inventer une machine culturelle, c’était la demande faite aux architectes engagés dans le concours en 1971. 40 ans après, on apprécie toujours l’exceptionnelle réponse de Piano et Rogers. La dimension urbaine du projet prend corps dans cette décision stratégique de ne pas consommer tout le terrain pour offrir une place en conque invitant le public à entrer dans le musée. Après, la « chenille » prend le relais en parcourant toute la façade en diagonale pour
conduire à la terrasse. Ne jamais perdre le contact avec la ville, c’est l’idée, le fil conducteur. Dixhuit ans plus tard, Dominique Perrault remporte le concours pour la Bibliothèque Nationale de France sur une idée analogue : le monument ouvert à la ville. Là encore, la commande ne spécifiait en aucune manière la création d’un espace public - ici l’esplanade - , mais mettait en perspective une Grande Bibliothèque, le «grand projet» préféré du président Mitterrand. Répondant à cet objectif premier, l’architecte explore néanmoins d’autres potentialités en imaginant ce grand jardin (certes inaccessible) au cœur de l’esplanade délimitée par les quatre tours «en livre ouvert». L’acte fondateur du quartier de Tolbiac était alors bel et bien défini. Dietmar Feichtinger n’avait plus qu’à assurer le raccordement avec sa passerelle toute en souplesse. A une échelle bien plus modeste, la bibliothèque de quartier San Antoni, réalisée par RCR à Barcelone, témoigne d’une fine posture de reconquête. Sur les friches d’une ancienne fabrique de bonbons, les architectes catalans sont venus s’infiltrer dans le tissu urbain pour mieux l’ouvrir en créant un espace public au cœur de l’ilôt, et favoriser par là même les porosités entre les espaces de lecture et ceux de la ville. Cette stratégie les amènera à soulever le bâtiment sur rue afin de créer un passage ouvrant sur ce lieu reconquis. Cette attitude, plaidant pour la continuité de l’espace public, se retrouve dans la démarche adoptée par Lacaton & Vassal pour la conception de l’école d’architecture sur l’ile de Nantes. S’opposant à la démarche de « l’école-cloître» d’un Livio Vacchini à Nancy, les architectes réalisent une école totalement ouverte sur la ville, au bord de la Loire. D’où le travail de rampes qui conduisent au toit-terrasse, et il ne s’agit pas, là, d’une résurgence corbuséenne… mais plutôt d’une volonté d’être en prise directe avec l’asphalte de la ville, et d’offrir des options d’utilisation sur cette plateforme généreuse. On se souvient de la tente de cirque sur les images du concours… –33–
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Donner une terrasse publique, c’est aussi la clé de lecture du projet d’extension du musée d’art contemporain de Rome, le MACRO, par Odile Decq, rompant de facto avec une tradition dans la Ville Eternelle de terrasses privées. Au terme du parcours muséal, le visiteur se voit proposer un espace ouvert sur le paysage de la Rome du XIX°siècle. Reste aux artistes à s’emparer des pignons aveugles environnants ! L’observation de l’architecture contemporaine, orientée vers l’espace public, met à jour une tendance forte : la création de places couvertes au prix de bien des soulèvements. Lorsque, quarante ans après les chefs d’œuvres que sont le musée d’art moderne de Rio, ou le musée d’art de Sao Paulo que j’ai évoqués, Zaha Hadid construit son musée des sciences à Wolfsburg, elle ne fait pas autre chose que de soulever la puissante masse de béton pour créer un espace public. Celui là ne figurait pas, non plus, au programme. A Madrid, la Caixa-forum, centre culturel situé entre le Prado agrandi par Rafael Moneo et le Reina Sofia agrandi lui aussi, par Jean Nouvel, est autant un travail sur la matière (brique existante, coiffe de fonte, et mur végétal) qu’un travail sur l’urbain. Au prix d’une performance technique remarquable, Herzog & De Meuron, soulèvent littéralement le bâtiment existant pour créer un passage inattendu en diagonale. Il s’agit bien, là encore, d’un bonus donné à la ville. Moins monolithique, et plus 34–34–
dans l’esprit d’une nappe trouée, le Learning center de L’EPFL de Lausanne par Sanaa, se prête aussi au jeu de l’espace public dans les interstices et les points de soulèvements du projet. Cette architecture crée son propre paysage, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Il n’en fallait guère plus pour inspirer un film sur le mouvement à Wim Wenders. On y voit Seijima et Nijizawa s’y déplacer tout en douceur en Segway… Mais, plus important que tout, le lieu respire la sérénité et les conditions de travail y sont exceptionnelles. Loin de toute logique de campus, en plein cœur de ville d’Anvers, Secchi & Vigano se sont retrouvés dans la situation d’intervenir sur un bâtiment culturel des années 70. L’idée est ici de prolonger le bloc compact par une pergola monumentale et légère, lieu du marché la journée, lieu de convivialité le soir, propice aux «apéros» géants... La ville contemporaine est à la recherche des nouveaux attracteurs. Une opportunité pour les architectes de retourner des situations difficiles. Parallèlement à l’icône du Guggenheim de Bilbao, le Kinopalast de Dresde joue tout autant son rôle de catalyseur. Tel un diamant à facettes, le bâtiment signé Coop Himmelb(l)au, avec son porte à faux spectaculaire, cherche à créer une nouvelle dynamique au cœur de cet urbanisme deshumanisé de l’ex Allemagne de l’est. Mais, c’est à l’intérieur que le scénario architectural s’avère le plus intéressant avec une démultiplication des espaces publics donnés au citadin dans une forme contemporaine d’espace piranésien conçu comme un « clip ». Dans un contexte en tout point différent, le Zénith de Strasbourg se doit d’attirer le public en périphérie. D’où ce bâtiment orange en ellipses dynamiques. Jouant sur l’image des cirques implantés à la sortie des villes, Massimiliano Fuksas crée, à partir d’une peau textile, une lanterne urbaine, point de repère immanquable depuis l’autoroute. Avec sa toiture souple, elle aussi, le Centre Pompidou-Metz construit par Shigeru Ban et Jean de Gastines, entre dans la même logique d’attracteur urbain en se posant
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comme la pièce d’un nouvel urbanisme conçu par Nicolas Michelin au-delà de la coupure des voies ferrées. Parmi tous ces bâtiments issus de stratégies de reconquête, l’opéra d’Oslo fait figure de référence. L’œuvre de Snohetta vient requalifier un lieu improbable qui a tout du « délaissé », coupé de la ville, de surcroît, par une voie rapide. Point important, l’opéra s’offre d’abord comme un espace public. Et pas n’importe quel espace public ! Un espace public en hommage à la «Fonction oblique» (souvenons-nous du centre commercial de Sens…), qui vient enlacer la cage de scène au point de faire disparaître le monument… Le jour de l’inauguration, il y avait tant de monde qu’on ne voyait plus qu’un «monument de public» rassemblé sur les rampes! Démonstration est faite que l’on n’a pas besoin d’être consommateur d’opéra pour avoir l’usufruit du bâtiment. De jour comme de nuit, en dehors de toute représentation, le bâtiment s’attache à « accueillir » le public. On a fait du chemin depuis l’opéra Garnier… Référence à la Fonction oblique également, la future Philharmonie de Paris a été dédiée à Claude Parent par Jean Nouvel. Cela annonce des jeux de rampes pour n’établir aucune frontière avec l’espace public du parc de la Villette.
La tendance est également à l’émergence des hybrides. C’est le champ ouvert à l’expérimentation en matière de nouvelles typologies. Le terminal des ferries de Yokohama, oeuvre signée FOA, est un manifeste en soi, avec ce « 100 % d’espace public » offert à la ville. Par sa « cinquième façade » active, le bâtiment démontre comment on peut échapper à la monofonctionnalité. A l’instar de l’opéra norvégien, la gare maritime japonaise ne s’isole pas dans sa logique programmatique. Le bâtiment « accueille », lui aussi le public, qu’il soit voyageur ou simple citadin. La Cité de la Musique que Christian de Portzamparc achève au Brésil en ce moment a pris place dans les développements périphériques de Rio de Janeiro. Nous sommes là dans le contexte caractérisé de la ville générique, le « Junk space », fustigé par Rem Koolhaas, constitué de condominiums et de centres commerciaux d’une affligeante banalité. L’enjeu du projet est de créer une « entrée de ville culturelle » dans ce paysage quelque peu déprimant. Pour s’extirper des infrastructures dans lequel le monument de béton s’inscrit, l’architecte soulève « le navire » jusqu’à 10 m au dessus du sol, pour développer une grande terrasse à la faveur de l’entre-deux composé par les salles de concerts. Par cette relecture de la loggia brésilienne - ici à l’échelle de 200 m de long – Portzamparc offre au public la possibilité de retrouver des perspectives, sur la mer et sur les montagnes. Dans le contexte, oriental cette fois, des émirats arabes, il est intéressant de constater que le développement d’Abu Dhabi se place sous le signe de la Culture et de la Connaissance au travers, d’un pôle réunissant quatre grandes institutions. Tandis que Tadao Ando réalise le musée de la mer, Zaha Hadid le centre culturel, et Franck Gehry le Guggenheim, Jean Nouvel installe le Louvre… sur l’eau. On a hâte de découvrir « le jeu savant et correct des volumes rassemblés sous la lumière » (célèbre formule) dans ce village lacustre contemporain –35–
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développé sous une coupole métallique très dynamique. Mais lorsque l’on parle de « moteur du renouveau », il ne faut pas occulter la part du privé et la culture d’entreprise. En 2001, lors du lancement du concours international d’architecture pour la réalisation du BMW Welt à Munich, centre d’exposition et de livraison de la marque automobile, à deux pas de l’emblématique stade du Bayern de Herzog & De Meuron, la commande annonçait une méga icône... C’est chose faite avec Coop Himmelb(l)au qui a réalisé une performance technique sur la figure du double cône, l’ensemble abritant un immense espace public.
Redynamiser le patrimoine industriel, c’était l’un des l’enjeux du projet de la Cité de la Mode en bordure de Seine à Paris. Fruit de la mutation d’un bâtiment d’ingénieur du début du XX° siècle, le travail de Jakob et Mac Farlane, avec leur concept de «plug-over», refuse la démolition et confirme l’option de la transformation, tirant ainsi parti de l’intelligence de la structure sur laquelle, vient se greffer une autre structure de 36–36–
couleur verte pour créer un nouveau lieu avec « cinquième façade » habitable. A Barcelone, rendons nous dans le quartier 22@ sur l’ancien territoire industriel de Poble Nou, maintenant dédié aux nouvelles technologies. Emblématique de cette mutation, le Média-Tic œuvre de RuizGeli, se distingue par sa structure métallique «en pont» permettant de suspendre les plateaux, le tout enveloppé par une peau technologique assurant la gestion des énergies et les entrées de lumière. Le lobby devient alors le prolongement de la ville, en offrant un grand espace d’exposition avec mezzanine, qui n’est pas sans rappeler une stratégie payante développée par le Centre Pompidou. Et n’oublions pas que, pour installer la Tate Modern à Londres, Herzog & de Meuron, ont travaillé à la transformation d’une cathédrale de l’industrie sur la rive sud de la Tamise. Dans ce recyclage réussi, les artistes (Oliafur Eliasson, Anish Kapoor…) ont trouvé un lieu d’expérimentation extraordinaire dans l’ancien Turbine Hall. Un hall qui se trouve être au carrefour de l’articulation avec la passerelle de Foster & Caro qui assure la liaison avec le quartier de Saint Paul sur l’autre rive. Point de reconversion, en revanche, en Corée avec l’université d’Ewa à Séoul, où Dominique Perrault a percé un long canyon urbain. Au delà de la « logique de disparition », récurrente dans le travail de l’architecte (complexe olympique de Berlin notamment), il y a là l’émergence d’un nouveau type de campus générateur d’espace public. Entre deux hautes façades de verre s’ouvre une grande promenade inattendue. A contrario, la Grande bibliothèque de Mexico, ne « disparaît » pas, préférant affirmer sa monumentalité tout en longueur. Mais il faut rentrer sous la carcasse de béton pour découvrir le travail d’Alberto Kalach, inspiré par le film Brazil semble-t-il… L’architecte a conçu l’univers du livre en totale suspension au-dessus d’une rue centrale. Dispositif vertigineux ! Cette option de « faire entrer la ville » se retrouve également dans le bâtiment Atrium, nouveau venu au coeur du « gril » d‘Albert qui structure,
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depuis les années 60, le campus universitaire de Jussieu à Paris. Pour cet élément hexogène, les architectes de Périphériques ont tiré l’espace public au sein du bâtiment en développant alors un scénario empruntant à l’univers des centres commerciaux, ou des aéroports, afin de faire de cet « Atrium » un véritable catalyseur. « Faire descendre la ville » en profondeur… voilà un autre enjeu de taille ! En contrepoint de la gigantesque place blanche sous verrière conçue par Richard Meier, le projet souterrain réalisé à La Haye, sur Grossmarkt platz, par Rem Koolhaas sur le thème de l’intermodalité, croise vélo, auto et métro. A l’articulation des flux et dans la richesse du jeu de rampes dont l’auteur de SLMXL a le secret, se développe le panorama de l’offre culturelle de la ville. Dans l’univers piranésien des sous-sols, il a ainsi préféré afficher la culture plutôt que la publicité classique sur un lieu de transport. Nous sommes là dans une typologie de «station-galerie» inédite.
dialogue du lait avec le travertin. Autre signe des temps, que le « Nomad muséum », selon un concept de Shigeru Ban. On y voit l’art de la récupération, en l’occurrence par l’assemblage des containers, autant que la définition d’une architecture recomposable et sans cesse en mouvement, de New York à Tokyo. De Mies à Shigeru Ban, à 70 ans d’intervalle, se pose clairement l’enjeu de l’architecture aujourd’hui, si bien résumé par Christian de Portzamparc lors de la consultation internationale pour le Grand Paris : « le durable, c’est le transformable ! ». Les bâtiments générateurs d’espace public sont, par essence, aptes à la mutation.
Pour terminer cette intervention, je voudrais évoquer la notion d’éphémère. Comme le disait Pierre Lajus en ce début de symposium, il faut accepter l’idée que les bâtiments sont amenés à disparaître, même si notre culture nous pousse à magnifier la pérennité des oeuvres. C’est dans le contexte de l’éphémère que naissent des architectures exceptionnelles, telle la série des pavillons de la Serpentine Gallery, opportunité pour les architectes invités (chaque année) à livrer une « installation- manifeste ». En 2002, Toyo Ito, avec la complicité de l’ingénieur Cecil Balmond, fait l’éloge de la légèreté, tandis qu’en 2010, Jean Nouvel décline la couleur rouge sur la terre britannique. On pense alors au mythique pavillon de Mies van der Rohe pour l’expo universelle de Barcelone de 1929, qui a été reconstruit en 1986, et qui, depuis peu, fait l’objet d’interventions sous le mode de « l’installation » par des Seijima et autres Ai Wei Wei… Vu par l’architecte-artiste chinois, la métamorphose de l’icône se place sous le signe de la texture avec «With milk». Soit le –37–
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R épondant : S téph an ie C o sso n
Merci Francis Rambert. Je n’aurais qu’une question relative aux projets que vous nous avez présentés. Ce « plus » donné à la ville ne seraitil en mesure de ne s’exprimer qu’à une échelle, celle de la monumentalité ?
F ran c is Ramb ert
Non, absolument pas. Peut être que nombre des projets présentés, par leur statut d’icône, participent de ce sentiment que seule l’échelle monumentale serait à même de produire une architecture généreuse, mais j’ai également présenté plusieurs démarches à des échelles plus modestes. La valeur emblématique d’un projet en terme d’urbanité ne se mesure pas à la taille de sa réalisation, mais à la pertinence de sa démarche. J’évoquerais, à titre d’exemple, le lieu Unique de Nantes, projet de Patrick Bouchain qui s’inscrit dans l’échelle de la proximité, sans ostentation aucune ; cela reste l’un des lieux les plus intéressants en France sur le thème de la mutation, nourri de transversalités.
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Photos : 1 // Hotel *** et 76 logements - Saint-Nazaire - France - 2009. 2 // Siège social pour la caisse des dépôts et consignations - Paris - France - 2003. 3 // Centre informatique pour Unisor - Grande-Synthe - France - 2003. 4 // Rectorat de Guyane - Cayenne - Guyane 2008.
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Christian HAUVETTE .......................................................... Sud no, architecture si
Christian Hauvette
Architecte Paris R épon dant : N icolas C é l e st e , é t u d iant à l ’ENS AM
Pour débuter cette seconde partie de journée, nous avons le plaisir de recevoir Christian Hauvette, architecte et urbaniste. Au cours de son cursus, il assiste aux cours de Jean Prouvé au Conservatoire des Arts et Métiers, créé son agence à Paris en 1974, devient professeur en 1994, et depuis 2004, enseigne à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles. Il a reçu de nombreuses distinctions dont notamment le grand prix National d’Architecture en 1991 et la Grande Médaille
d’Honneur de l’Académie d’Architecture en 1999. Christian Hauvette n’appréhende pas le projet comme une entité unique mais comme assemblage de plusieurs éléments autonomes. Sa volonté de tester des intuitions sensitives l’amène alors à composer les différents éléments du projet à la manière d’un musicien, créant des rythmes et des silences, jouant avec les notes. Il conçoit ses œuvres comme des machines savantes tirant leur légitimité de leur propre cohérence interne. Et bien que le –41–
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contexte ne soit pas le moteur de son approche architecturale, son intervention apporte ordre et cohérence dans l’environnement urbain. Je vais à présent laisser la parole à Christian Hauvette qui, dans le cadre de la thématique de la culture comme moteur de renouveau urbain, a choisi de porter son intervention que l’objet singulier et la place du monument dans les villes du Sud.
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C h rist ian H a uv ette
Merci. Bien que ma formation me définisse en tant qu’urbaniste, je ne me suis jamais considéré comme tel et n’ai jamais voulu enseigner le projet urbain. Je suis architecte, et il est vrai qu’à la prise de connaissance de la thématique de ce Symposium, je me suis senti incapable de vous offrir des réponses pertinentes aux problématiques soulevées. La lecture des documents de communication de Métropoles du Sud m’a cependant permis de dégager quatre pistes de réflexion qu’il m’a semblé intéressant de considérer. La première tiendrait de cette nécessité de poser la question du Sud pour tenter de déceler ce que pourraient être les spécificités des architectures qui s’y implantent. Depuis les Jeux Olympiques de 1992, le modèle consacré de ville du Sud est bien évidemment Barcelone, avec ses ramblas, ses places et ses aménagements publics de qualité. Mais qu’en est-il ailleurs ? La seconde piste de réflexion tiendrait de la référence au concept de localité. Le Sud est empreint d’une spécificité architecturale et urbaine qui se perçoit au travers de sa densité, de ses formes architecturales, de ses espaces publics et de la végétation qui y prend place. Mais ces lieux communs ne renvoient qu’à l’architecture des centres-villes sans rendre compte d’un regard objectif porté sur la ville périphérique. Le problème d’une agglomération telle que Montpellier n’est pas tant son centre historique – remarquable – que son développement périphérique, qui fait état d’une désorganisation totale et de conflits de cultures manifestes, comme la totalité des grandes villes françaises. C’est en ce sens qu’il me semble que la question de la localité peut être étendue à l’échelle nationale en tant que problématique d’intégration des cultures de la diversité à une culture majoritaire. La «localité» est-elle vertueuse ou au contraire propice à une forme d’enfermement ? Le troisième axe serait quant à lui relatif à cette localité en tant que contrepartie à une globalisation technocratique.
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L’observation des politiques urbaines menées en Europe tend bien à valider cette hypothèse selon laquelle certaines lois dites « globales » seraient à appliquer partout, sans distinction de contexte urbain, social ou climatique. Le tramway est l’un de ces exemples de « ce qui doit se faire », alors qu’il se présente surtout en tant « qu’uniformisateur » des paysages urbains. Mais, question : ne s’agit-il pas tant de lois technocratiques que d’obligations culturelles tacites qui conditionnent notre pratique architecturale ou urbaine? Enfin, dans cette dialectique entre le global et le spécifique, il me semble important de considérer ce que j’appellerai « l’effet Disney », ou encore le «syndrome chinois ». Certaines architectures spécifiques, qu’elles soient « régionalisantes » ou « d’avant-garde » sont érigées en tant que modèles au point de s’exporter partout sans distinction de pays, de ville ou de programme à accueillir. Puis elles sont sur place simplifiées, ajustées, déformées, détraquées avant d’être balancées en retour – en tant que « modèleretour » pourrait-on dire – vers leur lieu d’origine, mais à peine reconnaissables. Ce qui n’empêche pas les élites du pays initial de vouloir absolument les imposer aux détenteurs de la culture d’origine. Au-delà du néo-régionalisme bien connu s’explique ainsi l’invasion d’objets formels dénués de sens, une sorte de « made in China culturel ». De mon point de vue, cette attitude est une insulte à l’architecture. La culture architecturale n’est en ce sens ni globale, ni spécifique, mais tout simplement culturelle. L’exemple du Rolex Learning Center de l’EPLF de Lausanne évoqué tout à l’heure par Francis Rambert me semble pertinent pour la compréhension de la dimension locale et globale de l’architecture. Le bâtiment est implanté en limite du campus, et au milieu de lotissements de pavillons cossus. Il évoque, bien que magnifique en lui-même, une sorte de barbarie paysagère… Ce désordre urbain est le résultat d’un aveuglement des politiques qui ont laissé
se collectionner des architectures hétéroclites sans se rendre compte qu’il était indispensable de se donner les moyens de régler la question du développement des périphéries. Alors estce du rôle des architectes que de prétendre construire des environnements urbains ? Répondre positivement à cette question me semble légitime uniquement dans le cadre de l’enseignement de l’architecture. La formation implique que chaque étudiant soit en mesure d’être en position de questionnement par rapport à son environnement. Mais au-delà de ce cadre de formation, il ne me semble pas que les logiques propres à chacune de ces deux disciplines – l’architecture et l’urbanisme – soient en mesure de cohabiter. Sans trop caricaturer, le débat sur le Grand Paris peut ainsi aujourd’hui être résumé au débat sur le « grand huit », boucle de transport permettant de relier les pôles économiques franciliens. Aucun architecte n’est en mesure d’infléchir ce débat en proposant des points d’articulation du spécifiques, car il s’agit là d’un débat politique qui concerne au premier chef les citoyens et leurs élus, mais qui dépasse l’entendement des architectes. Je pense qu’en tant qu’architecte, il nous faut d’abord nous occuper d’architecture et renoncer au fantasme de se transformer en grand médecin du projet urbain. Pierre Lajus évoquait ce matin Edward Maxwell, mort à la fin du siècle dernier, en le qualifiant « d’architecte génial » ayant laissé des œuvre géniales. Qui cependant ici se souvient d’avoir entendu parler de Maxwell ? Mais Maxwell que je ne connais pas était génial, j’en suis certain, et il il y a des architectes comme lui partout dans le pays et dans le monde, et çà c’est génial ! Il me semble que tout architecte capable d’avoir de bonnes idées, de se battre pour les faire accepter et de les mettre en œuvre est un architecte génial pour les générations futures. Là est notre travail, et ce travail devrait nous suffire.
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Alors que l’œuvre d’Edward Maxwell appartient à l’histoire et au champ de références de Pierre Lajus, il s’agirait pour moi d’être renvoyé à l’œuvre de Peter Zumthor, par exemple. Lors d’une interview, Jacques Chancel avait parlé de Jean-Sébastien Bach comme de « l’homme qui avait rendu de grands services à Dieu ». Je reprendrais cette tournure pour parler de Peter Zumthor comme de l’homme qui a rendu de grands services à la métaphysique. Évidemment, beaucoup d’autres architectes font preuve aujourd’hui de postures très intéressantes au regard de leur propre discipline. Le musée d’art moderne et contemporain Reina Sofia à Madrid, dont l’extension a été confiée à Jean Nouvel, est en ce sens un exemple intéressant d’intelligence de la situation, offrant un dialogue subtil avec le bâtiment existant et cadrant des vues exceptionnelles sur la ville ancienne. Voilà comment un monument peut rendre service à la ville. David Chipperfield a également proposé un travail de très grande qualité pour la réhabilitation du Neues Museum de Berlin. Il s’est intégré avec modestie et humilité à l’existant, sans chercher à en dénaturer le sens ni la matérialité. La culture architecturale est ici motrice de renouveau urbain. Je voudrais à présent vous exposer quelquesuns de mes travaux, qui se situent à mi-chemin entre ceux de Pierre Lajus et les grands projets internationaux que Francis Rambert a évoqué. Personnellement je n’ai jamais été en mesure de « donner du plus » à la ville. Non pas parce 44–44–
que je n’en aurai pas eu la volonté, mais parce que je n’en ai jamais eu les moyens financiers. J’ai souvent au contraire été dans la position de celui qui essaie de voler quelque chose au maître d’ouvrage. Je commencerai par vous présenter une crèche que j’ai réalisé rue Saint Maur à Paris. Lors des dernières élections municipales, l’ancien maire du 11° arrondissement, Georges Sarre, avait même inscrit à son programme électoral « la destruction de la crèche rue Saint Maur », qui figura pourtant dans tous les guide d’architecture contemporaine à Paris. Il n’a heureusement pas été réélu. Cette crèche est le résultat d’un long travail de manipulation visant à générer des métaphores, à travailler les opacités et les transparences en fonction des relations à l’environnement. Voulant prendre des photographies plus récentes de ce bâtiment datant de 1990, je suis retourné sur les lieux. J’avoue avoir été effaré tant l’ensemble, complètement délaissé, est recouvert de graffitis. La ville s’intègre ainsi au bâtiment par «contamination » et non l’inverse. En 1996, je réalisai deux petites tours de 40 logements à Rennes. Les réseaux de circulation des véhicules au sol ont déterminé ces deux volumes, les surfaces de plateaux sont entièrement attribuées aux logements. Mais de la qualité spatiale dans le logement, il n’y en a presque plus. Les normes dont nous parlions ce matin définissent des règles de surface qui sacrifient la qualité du logement social à une organisation spatiale coincée, codifiée, normalisée. Il est évident que cette histoire du logement n’a rien à voir avec celle que nous a contée Pierre Lajus… Le projet de 56 logements BBC au Havre, actuellement en cours de réalisation, s’organise à partir de la contrainte de ne pouvoir construire de stationnement en sous-sol. Le rez-dechaussée, alors en grande partie dédié au stationnement des voitures, permet de générer des transparences visuelles entre la rue, le fond
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de parcelle et le voisinage. Entre ce projet et celui que je vous ai présenté précédemment, vingt ans se sont écoulés, et en vingt ans, les normes HQE, les normes handicapé et la globalisation ont énormément influé sur la conception architecturale. Les fameux isolants extérieurs « STO » sont une illustration de ce changement, « tartinant » sur les façades des bâtiments une épaisse couche de polystyrène pour l’apparenter ensuite à de l’enduit minéral. L’aberration est totale… Les normes handicapé participent de cette même problématique, au point que toutes les pièces des logements ont aujourd’hui une surface d’environ 9m2: chambres, salle de bains, séjour, cuisines, toilettes, dégagements… Je suis comme vous tous un handicapé en puissance, mais il me semble que les normes vont trop loin dans les contraintes en exigeant que tous les logements soient accessibles. Il faut que l’on revienne en arrière sur le cumul des réglementations. Le projet de 59 logements au Havre, réalisé en 2008, articulant essentiellement des logements en duplex, serait quant à lui impossible à construire aujourd’hui en raison de l’évolution des normes handicapé qui imposent une unité de vie au rez-de-chaussée. Il est en ce sens presque impossible de concevoir des duplex dans les logements collectifs, à moins d’organiser une unité de vie au rez-de-chaussée, puis une seconde unité de vie à l’étage, soit des appartements de cinq ou six pièces qui ne rendent plus compte des surfaces nécessaires aux revenus modestes. J’en reviens à des projets plus anciens avec l’Ecole Nationale Louis Lumière réalisée en 1988. Ce bâtiment accueillant une école de photographie et de cinéma n’avait pas rencontré un franc succès à l’époque, et avait même subi de virulentes critiques dans la presse. C’est alors que, vingt-trois ans après, je le retrouve sélectionné par l’Institut Français d’Architecture pour figurer au sein d’une exposition sur les bâtiments emblématiques des années 1980. À
la manière dont Nicolas Céleste présentait mon travail en introduction, il s’agit ici d’une sorte de composition musicale, d’un jeu d’écriture entre d’imposants murs de béton une peau qui se déroule à la manière d’une pellicule photo autour des salles de classe, avec des éléments métalliques complémentaires. L’ensemble est le résultat d’un travail de calage extrêmement précis et rigoureux, se basant sur une obsession classique de composition par modules et mensurations. Les éléments architecturaux sont tantôt symétriques, tantôt homothétiques: ils sont renvoyés les uns aux autres par des relations géométriques complexes. Le critique d’architecture François Chaslin m’avait à l’époque targué d’être un faux intellectuel et de produire une architecture horrible. Je suis d’accord avec lui, mais cette œuvre dernière a pourtant fait l’objet d’un important développement dans l’ouvrage « Croiseur lumière » réalisé par Hubert Tonka, et fait partie des visites annuelles proposées aux « journées du patrimoine ». Le Rectorat des Antilles réalisé en 1994 à Fortde-France, en Martinique, rend compte d’une optimisation progressive de ma pratique de projet, en fait une tentative pour réduire les «bruits », parasites. Tramé en plan et en coupe, ce bâtiment se conçoit comme machine à dompter l’alizé pour offrir une gestion énergétique innovante, permettant – grande innovation pour l’époque – de se passer de climatisation électrique. Son architecture est le résultat d’une analyse approfondie des exigences de travail en climat tropical afin de fournir aux employés des conditions de confort maximales. Il s’agit d’une préfiguration des bâtiments BBC, qui soutient l’idée que la « HQE » est avant tout une « HQA», haute qualité architecturale. Cette réalisation a fait l’objet d’un documentaire de la chaîne ARTE dans sa série « Architectures » réalisé par Stan Neumann, ainsi que de la réalisation d’un ouvrage intitulé « La boîte à vent ». Après la livraison du bâtiment, j’ai demandé au Rectorat qu’il fournisse à chacun de ses employés cet –45–
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ouvrage qui leur expliquait de quelle manière ils pouvaient régler manuellement les conditions de confort de leur espace de travail, en fonction de leur position dans le bâtiment. Le Siège Social pour la Caisse des Dépôts et Consignations réalisé en 2003 dans le 13° arrondissement de Paris s’articule quant à lui autour d’une vaste rue intérieure large de 9 mètres et haute de 23 mètres ouvrant un balcon sur la Seine. La mise en lumière a été réalisée par l’artiste américain James Turrell. Utilisant des LED, l’artiste a mis au point un spectacle de variation lumineuse se déroulant sur vingt minutes tous les samedis et les dimanches soir. Malgré de très nombreuses tentatives pour construire dans le Sud, la seule réalisation que je serais en mesure de votre présenter est un chai viticole réalisé en 2006 à SaintRémy-de-Provence. Je me suis inspiré de mon ami Gilles Perraudin en utilisant d’imposants modules de pierre de 3m x 1m x1m, placés côte à côte et recouverts d’une charpente traditionnelle récupérée dans une casse. Le procédé est extrêmement simple, le résultat efficace. Il transcrit architecturalement, par la mise en valeur des matériaux du terroir à forte inertie thermique, les valeurs véhiculées par la production biologique de ce petit domaine viticole à forte réputation. Voilà ma modeste contribution architecturale à votre problématique « Sud ». Pour conclure : il n’y a pas très longtemps, alors que j’écoutai le disque de la cinquième symphonie de Gustav Mahler (à moins que ce ne soit une œuvre de Chostakovitch), je pouvais lire au dos de l’album quelque-chose comme ceci : « J’ai voulu mettre en évidence le combat passionné de l’homme contre sa condition mortelle et sa folie pour constituer des œuvres qui lui survivent ». Je me permets, sans modestie, de reprendre cette formule à mon compte de compositeur en architecture. Merci. 46–46–
Ré po n d a nt : N i c o la s C é le s te
Merci Christian Hauvette pour avoir partagé avec nous votre vision de l’architecture. Au travers des différents projets que vous nous avez exposés, il est évident de constater que vous utilisez des règles de composition très strictes. En fonction de quels critères ces règles évoluent-elles de projet à projet ? C h rist ian H a uv ette
Il s’agit effectivement d’un rapport étroit qui est établi entre des règles de composition et l’acte de création. La musique sans composition n’est que du bruit, de même que la poésie sans règle n’est qu’enchaînement de mots vides de sens. Ces règles ne sont pas figées, elles évoluent selon des critères particuliers. Elles tentent simplement d’offrir un appui aux problématiques architecturales rencontrées lors de l’élaboration d’un projet. Et elles s’effacent lorsque l’œuvre est pleinement réussie.
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Photos : 1 // Ecole Castelldefels - Barcelone - Espagne - 2005/2007. 2 // Passerelle piétonne Petrer - Alicante - Espagne - 1991/1999. 3 // Tour Cube - Guadelajara - Mexique 2004/2005. 4 // Cimetière Igualada - Barcelone - Espagne - 1994. 5 // Cimetière Igualada - Barcelone - Espagne - 1994.
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Carme PINOS .......................................................... À partir du contexte
Carme Pinos
Architecte Barcelone R épon dant : Lou iza Fe rg an i, é t u d iant e à l ’ENS AM
Nous allons poursuivre le déroulement du Symposium avec l’intervention de l’architecte Carme Pinós pour qui architecture et contexte sont très liés. Exerçant à Barcelone, Carme Pinós débute son activité professionnelle avec Enric Miralles, et certains projets issus de leur travail commun seront primés, tel que le Igualada Cemetery Park qui a reçu le premier prix de la biennale européenne de l’architecture à Milan en 1991. Elle obtient également le premier prix national d’architecture d’Espagne en 1995 pour
son projet d’école Taller de Morella. En 1991, Carme Pinós crée sa propre agence, Estudio Carme Pinós. Son approche architecturale reste essentiellement basée sur l’observation et la lecture de l’environnement dans lequel elle intervient, permettant l’établissement d’un dialogue cohérent entre contexte et architecture. Carme Pinós se fait connaître dans le monde entier au travers de grands projets tels que la passerelle piétonne d’Alicante, la Serra High School à Mollerussa ou encore la Cube –49–
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Tower au Mexique pour laquelle elle obtient, en 2007, le premier prix d’architecture de la biennale espagnole. Parallèlement à son travail en agence, elle enseigne dans de nombreuses université ou écoles d’architecture telles que Columbia University à New York, Harvard Graduate School of Design de Cambridge, l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, ou encore l’ETSBA à Barcelone. Je vais désormais lui laisser la parole pour son intervention intitulée « A partir du contexte ».
C arm e Pi nó s
Bonjour. J’ai choisi, au cours de cette intervention, de vous présenter trois projets, dont la Cube Tower de Mexico qui s’est révélé être une occasion de me confronter à une autre culture, une culture qui m’était totalement étrangère et qu’il m’a fallu assimiler. En tant qu’architecte de Barcelone, je vais commencer par le projet Plaza de la Gardunya, situé sur la partie arrière du marché de la Boqueria, en plein centre historique. Longtemps occupé par des camions afin d’assurer le transfert des marchandises, cette partie de la ville a fait l’objet d’un concours lancé par la municipalité afin d’en proposer un réaménagement articulant espace public, construction de logements et d’une Ecole de Design. La demande comprenait également l’extension de la Boqueria. Le contexte se caractérise ici par une rupture dans le tissu urbain du centre historique, et cette donnée du site tend à appuyer l’importance, en tant qu’architecte, de la conscience de nos actes et de la répercussion de nos constructions. Il est vrai que j’aime les concours parce qu’ils autorisent la prise de risques, offrent une grande liberté aux propositions qui peuvent être effectuées. Mais une fois le concours gagné, il faut en revenir à cette notion de responsabilité envers le site dans lequel nous construisons et envers les citoyens. Etre architecte, c’est être en mesure d’assumer la transformation de la ville. La municipalité m’avait demandé de concevoir une place carrée, mais la stricte observation de la morphonologie de la ville, révélant des espaces publics qui jamais ne se conçoivent dans une géométrie formelle, m’a amené à repenser cette demande afin de l’orienter vers une plus grande adéquation au contexte. La Plaza Real à Barcelone est certes une place géométrique aux façades identiques, mais elle est déjà le fruit d’une réhabilitation de la part d’une certaine classe sociale. Aujourd’hui, la ville se caractérise par une grande mixité
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sociale, et l’espace public doit être en mesure d’exprimer cette condition. Au lieu de concevoir une place liée aux espaces publics attenants au moyen de ruelles, j’ai donc choisi de penser cet espace comme une cuillère s’insérant avec respect dans le tissu existant. Le projet prévoyait la construction d’un immeuble de logement. Au-delà de son programme propre, je me suis demandée ce que l’on pouvait attendre de sa façade. Il était évident qu’il s’agissait avant tout de se protéger du soleil, et c’est avec cette idée que j’ai commencé le projet. Un certain nombre de bâtiments a du être démoli afin que prenne place l’Ecole de Design, tirant au maximum partie de la fréquentation des rues attenantes. Toutes ces démolitions se sont fondées sur une observation des potentialités des bâtiments au regard de leur relation à l’espace public et au projet. Les façades ont quant à elles été pensées dans leur étroite relations aux autres façades et à la place: chaque façade en regarde une autre et fait référence à une centre. Ce projet se comprend en tant qu’addition de petites centralités assurant un dynamisme de la composition.
processus de projet m’a amené à travailler sur la question de l’ambiance, tant pour les logements que pour la place ou l’Ecole, qui en elle-même se devait de répondre à une dimension plus sculpturale. Cette singularité du bâtiment institutionnel trouve son pendant dans la neutralité recherchée dans les liaisons du projet avec le tissu ancien. Il s’agit véritablement d’un jeu. A la demande de la municipalité, toutes les entrées de parking ont été cachées à l’intérieur même des bâtiments. Les plantations de végétaux sur l’espace public permettent quant à elles d’accentuer la perspective de la place, dessinant dans sa diagonale un espace urbain de proximité, à l’échelle des bâtiments qui le structurent. Compris dans son ensemble, le projet articule différentes échelles : l’échelle du domestique avec les logements, l’échelle de l’espace public, l’échelle, plus importante de l’Ecole de Design. Cette dernière offre un plan en « L », permettant d’agencer les entrées en fonction des usages de l’espace public.
Ce concours, gagné il y a plus de dix ans, exprime clairement ma philosophie de projet. Il s’agit, à chaque fois, d’opérer à une observation du contexte afin de faire évoluer les demandes initiales vers une meilleure réponse aux problématiques soulevées par le projet. Ainsi par exemple, le développement inhérent au –51–
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C’est en ce sens qu’il a été décidé que l’entrée dans l’Ecole se ferait latéralement, afin que les étudiants ne soient pas mélangés aux touristes qui empruntent cette place de la Boqueria. En rez-de-chaussée de l’Ecole prend place un espace d’exposition conçu de manière à ce que son activité et ses productions soient données à voir depuis l’espace public, au travers d’une large vitrine. En collaboration avec Toni Comella, artisan qui a beaucoup travaillé sur l’architecture de Gaudi ainsi que sur les colonnes du pavillon d’Espagne de Saragosse, nous avons conçu une peau en céramique permettant d’accentuer la dimension sculpturale de cette école au travers du dessin de brise-soleil. Les seules ouvertures perceptibles depuis l’extérieur correspondent à des terrasses permettant, à l’aide d’une passerelle, d’assurer le passage d’une aile à l’autre. Cette passerelle a été conçue afin de générer des perspectives spécifiques depuis l’intérieur du bâtiment vers l’extérieur. Elle marque le parcours des étudiants dès leur entrée dans le lieu. Le bâtiment offre une intéressante modulation de lumière en fonction des heures de la journée et des saisons. Durant la journée, la lumière de l’extérieur est plus forte que celle de l’intérieur. Le bâti revêt alors des airs de fragilité au regard de l’environnement dans lequel il se situe, tout en permettant son insertion harmonieuse.
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Par sa condition même de place publique, la Gardunya ne peut jamais être considérée comme achevée. Elle évolue au fil du temps en fonction des usages de la ville. A un moment précis de son évolution, la création d’une grande toiture est venue générer un marché. J’ai voulu travailler avec cette idée au travers de la mise en avant de deux problématiques : celle de la protection au vent d’une part, et celle de la protection à la pluie de l’autre. La proposition s’articule alors autour de la mise en place de petites toitures à l’échelle de la place de village, telles que celles que l’on peut observer en Italie. Collées les unes aux autres et offrant la possibilité d’être fermées, elles génèrent un espace protégé des intempéries. Le travail sur le mouvement des toitures permet de surcroît d’optimiser la protection du marché tout en convoquant une échelle de proximité. Je vais maintenant vous présenter le projet de la Cube Tower situé à Guadalajara au Mexique. La commande explicitait de créer un bâtiment de bureaux qui, par sa singularité, serait à même d’être représentatif du « business ». Au regard de cette spécificité et de la dimension de signal à laquelle se devait de répondre le bâtiment, j’ai décidé de concevoir une tour. Lorsque l’on regarde les tours des bâtiments publics, elles s’organisent traditionnellement autour d’un vide central. Plus les tours sont importantes, et plus le noyau central se remplit pour devenir le lieu même de la circulation verticale. Dans ce projet, le noyau se compose de trois poteaux structurels, supports des volumes en porteà-faux qui accueillent les bureaux. Le vide central assure la circulation de l’air et optimise le confort dans les bureaux. Il s’agit en ce sens d’opérer à une sorte de dialogue, non plus seulement avec la ville, mais également avec son climat. Les températures sont à Guadalajara très constantes, de 30 degrés en été à 25 degrés en hiver. Il était nécessaire de tirer avantage de ces conditions climatiques spécifiques, tout autant que du rapport à l’échelle des bâtiments
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qui se révèle être très différent en Amérique du Sud qu’en Europe. Le projet se comprend donc au travers de grandes ambitions : une recherche de monumentalité, un besoin d’être dehors, un désir de concevoir un bâtiment où la ventilation naturelle prévaut sur la climatisation mécanique. La structure permet une circulation optimale de l’air non seulement verticalement, mais aussi horizontalement grâce aux ouvertures en façade. Ces dernières sont ponctuées de percements disparates, parfois très hauts, parfois au contraire très bas, permettant de ne pas rendre clairement compte en élévation des différents niveaux de plancher qui composent le bâtiment. L’abstraction ainsi obtenue renforce l’impression de hauteur de l’ensemble. Afin de répondre au mieux à toutes les contraintes structurelles du projet, nous avons travaillé à l’aide de nombreuses maquettes permettant d’asseoir la forme finale du bâtiment. La tour propose des espaces ouverts sur le vide central. Cette configuration offre aux employés des bureaux des espaces à l’air libre propices à la rencontre. Cinq niveaux de parking ont été dessinés. Il est étonnant, à l’observation des immeubles de bureaux traditionnels, de considérer la taille des ouvertures permettant d’accéder et de sortir des parkings. Il s’agit toujours de transiter par des couloirs et des petites portes dont les dimensions sont peu cohérentes avec l’échelle globale du projet. Je me suis demandée pourquoi le parking en lui-même ne pouvait pas être de l’architecture, et proposer autre chose que du simple stationnement. Dans la Cube Tower, chaque niveau de parking appartient à une compagnie spécifique, et chaque employé peut ainsi directement accéder à son espace de travail par le biais d’un ascenseur. Le parcours articule dès lors accessibilité optimale des espaces, vues sur la ville, vues sur ce qui s’apparente à une cheminée centrale et sur les espaces collectifs qu’elle génère en cœur de bâtiment.
Le dernier projet que j’ai choisi de vous présenter se situe à Saragosse. Il s’agit d’un concours visant à la construction de la Caixaforum, bâtiment plurifonctionnel en lisière de parc articulant un auditorium, des bureaux et un restaurant. Le projet se conçoit comme une porte ouverte sur le parc et sur le quartier ouvrier qui se situe derrière. Il se compose de deux volumes imbriqués déployant dans leur diagonale le système structurel et les circulations. L’espace intérieur étant très limité, l’enjeu était d’accueillir tous les programmes prévus. Il me semble peu intéressant, en coupe, de penser les espaces dans leur simple superposition, se contentant de placer une salle sur une autre. En revanche, dès lors que l’on choisit de ne plus placer les salles les unes sur les autres, mais à côté les unes des autres en procédant à des décalages de niveaux, il est possible de générer des espaces riches de relations, dégageant des vues et des terrasses. Je vais à présent vous diffuser la vidéo que nous avons réalisée pour une exposition au Centre Pompidou. La vidéo décompose le bâtiment pour en comprendre la structure, la composition, et la manière dont chaque salle ouvre des vues sur la ville dans laquelle le projet prend place. Bien qu’il revête une dimension sculpturale, le bâtiment s’inscrit dans la spécificité d’un contexte, répond à un programme et au budget donné pour le réaliser. Merci.
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R épondant : Lou iz a F e rg a n i
Merci beaucoup Carme Pinós pour cette intervention. Nous sommes malheureusement quelque peu pris par le temps pour les questions, et afin de respecter au mieux le temps de parole prévu pour chaque conférence, je vous propose que nous consacrions un moment au débat en fin de journée.
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Photos : 1 // Tour Hypergreen - Paris - France - 2006. 2 // Cité de la voile - Lorient - France - 2007. 3 // Exposition “Paris sous verre” - Paris - France - 1997. 4 //Pavillon France Shanghai - Chine - 2010.
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Jacques FERRIER .......................................................... Ville sensuelle
Jacques FERRIER
Architecte Paris R épon dant : C amille Pal l ot , é t u d iant e à l ’ENS AM
Pour clore cette journée de réflexion autour de la culture comme moteur de renouveau urbain, nous avons le plaisir de recevoir Jacques Ferrier, architecte, urbaniste et ingénieur, dont l’agence a aujourd’hui une renommée internationale. Le concepteur du Pavillon France pour l’Exposition Universelle de Shanghai a fondé son agence parisienne en 1990 et a reçu, entre autres, le prix de la première œuvre du Moniteur en 1993. Ses réalisations cherchent à créer une architecture pérenne, soucieuse des qualités
d’usage et créatrice d’interactions sociales. Parallèlement à son agence et à son activité de professeur, Jacques Ferrier développe un travail de recherche en partenariat avec des industriels. Avec le prototype de tour environnementale Hypergreen, il intègre l’innovation dans la conception de projets durables. Tous ses projets, marqués par une vision humaniste de la ville, ont initié et nourri une réflexion sur une architecture consciente des enjeux urbains d’aujourd’hui et de demain. –57–
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Jacques Ferrier, merci de votre venue, je vous laisse la parole.
J a cq u e s Fe r r i e r
Merci pour cette introduction. Je commencerai par vous parler du Pavillon Français de l’Exposition Universelle de Shanghai, projet sur lequel nous avons beaucoup travaillé ces deux dernières années. Depuis 1851, les Expositions Universelles se comprennent en tant que célébration du progrès pour le progrès, de la technique triomphante pour un avenir meilleur. L’Exposition de 2010, en posant pour thème « Better City / Better Life », c’est-à-dire « Meilleure Ville / Meilleure Vie », offrait au contraire une fabuleuse opportunité d’inversion du regard afin de relativiser la technique au regard de la vie. Avec 180 pavillons présentés, l’Exposition a permis d’offrir à cette thématique une grande diversité de réponses. Certaines proposaient de concevoir ces pavillons comme des stands, très décorés, souvent narratifs, et parfois revêtant une dimension sculpturale. J’ai choisi de proposer à l’inverse un vrai bâtiment, morceau d’architecture qui ne servirait pas uniquement à configurer ce que « pourrait être » un bâtiment ou une architecture. Une Exposition qui prend place en Chine, à Shanghai, convoque nécessairement des réflexions contextuelles sur la ville, l’explosion démographique et l’étalement urbain. Il s’agissait, au travers du pavillon que nous avons proposé, de travailler à la question de la limite entre l’architecture et le paysage, la construction et la nature. L’idée développée par mon agence et nos partenaires paysagistes, l’Agence TER, s’articulait autour de la volonté de placer la nature au cœur de l’architecture, à l’intérieur même de l’espace ouvert que l’on pouvait découvrir en entrant à l’intérieur du pavillon. Déployer ce grand jardin à la verticale se comprenait au regard de l’hyperdensité du contexte urbain de Shanghai. Il me semble important que chaque bâtiment puisse être porteur de son propre paysage. Il ne s’agit plus d’économiser la relation à la nature en se contentant de dire qu’un espace 58–58–
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vert quelconque est à proximité de ce que l’on construit, mais au contraire de procéder par fragmentation de l’espace naturel pour l’inclure dans le bâti. Il faut assumer l’artialisation de la nature. A la manière d’une interprétation contemporaine de la leçon de Le Nôtre, la nature fait ici l’objet d’une vision abstraite, se développant à la verticale et se retournant en terrasse sur le toit du pavillon. Un travail important a été mené sur l’adéquation des plantes aux conditions de lumière et d’ensoleillement. Il y a essentiellement des buis sur la face extérieure du jardin, au soleil, et une vingtaine d’espèces de plantes d’ombre sur la face intérieure. L’agence de paysagistes TER a mis en place un jardin de pleine terre qui se départ des jardins bien connus de Patrick Blanc, jardins hors sol qui se développent sur des matières textiles qu’il est nécessaire d’imbiber d’engrais. Le procédé utilisé pour le jardin vertical du pavillon consiste à remplir de terre des cassettes, elles-mêmes montées sur une structure spécifique. Durant les six mois d’exposition, nous avions mis en culture le double de plantes nécessaires afin d’être en mesure de pouvoir toutes les remplacer sur la structure en cas de sécheresse ou d’intempéries.
de minutes. Penser l’intégration d’un espace de restauration permettait dès lors d’offrir aux visiteurs un lieu de plaisir, de pause, de détente tout en assurant le caractère habité du pavillon. Dans sa conférence, Francis Rambert a insisté sur la notion contemporaine d’effacement des limites. Entre le bâtiment et l’espace public se créent alors de nouvelles porosités. Le bâtiment a ainsi été soulevé et posé sur un miroir d’eau afin de générer des profondeurs de champs. Sans portes ni obstacles, le rez-de-chaussée pouvait être traversé librement et donner accès à l’exposition, la boutique du pavillon ou au restaurant.
Le projet cherchait à développer l’idée que, dans l’environnement surchauffé, brûlant, chaotique et saturé d’images de l’Exposition Universelle, l’entrée dans le Pavillon Français serait à même de procurer une sensation de pause, de fraîcheur, d’ombre. Lors du concours, j’avais proposé que le pavillon et son contenu permettent d’explorer la thématique de la « ville sensuelle ». La réalisation de ce jardin est une transcription de cette volonté. Le pavillon offrait par ailleurs une terrasse et un restaurant tenu par les frères Jacques et Laurent Pourcel de Montpellier. Dans une Exposition Universelle, les visiteurs, qui ont acheté leur billet d’entrée pour la journée, cherchent souvent à optimiser leurs visites. De fait, leur temps de présence dans chaque pavillon se limite souvent à une dizaine
Un autre point traite du travail sur l’enveloppe. Il s’agissait, en collaboration avec l’ingénieur Jean-Marc Weil, de reprendre l’idée de la maison de Paul Nelson développant une structure extérieure à même de prendre en compte le contreventement et les risques sismiques, dans la mesure où les règlementations avaient été renforcées suite à un important séisme rencontré un an avant l’exposition. Le bâtiment est alors installé très librement dans ce qui pourrait s’apparenter à un filet structurel. Lorsque l’on parle de durable, il ne suffit pas de parler d’énergie, mais également de convoquer la capacité d’un bâtiment à absorber ses propres transformations. Le fait qu’il n’y ait ni refend, ni croix à l’intérieur du bâtiment autorise alors à libérer un espace extrêmement –59–
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flexible que l’on peut reconfigurer facilement en fonction des besoins. Quelques poteaux verticaux sur les plateaux permettent de faire redescendre les charges au sol. Il était important de porter un regard aiguisé sur la qualité structurelle de la résille qui, en Chine et dans la frénésie constructive suscitée par l’Exposition Universelle, aurait pu faire l’objet d’approximations. Une partie de la structure métallique a été réalisée directement sur site, puisque le règlement du bureau international des Expositions Universelles impose que le bâtiment soit démontable.
Cette structure a donc fait l’objet de soudures très rustiques, capotées par des éléments en béton de fibres blanc qui lui était réalisé dans une usine de Shanghai. La problématique soulevée par le pavillon était celle du flux incroyable de visiteurs qu’il devait être en mesure d’accueillir. Il était nécessaire de dimensionner ce bâtiment de 7 000 m2, dont 3 500 m2 réservé à l’espace d’exposition, pour 60 à 70 000 personnes par jour. Je me suis inspiré du Guggenheim de Franck Lloyd Wright et de son système de circulation en pente douce. Les visiteurs commencent donc par emprunter un escalator, découvrent la terrasse sur le toit et le jardin, puis descendent dans le bâtiment en suivant la rampe. L’escalator 60–60–
procurait aux visiteurs le plaisir inédit de s’infiltrer dans la structure même du bâtiment pour en découvrir toute la mécanique. Nous avons également eu l’occasion de travailler à la réalisation d’une bande son pour ce bâtiment. Le caractère éphémère de l’exposition permettait de prendre certaines libertés dans le processus de création tout en ouvrant de nouveaux champs d’expérimentation. Le compositeur Laurent Levesque qui a notamment travaillé sur les films de Cédric Klapisch a donc composé les bandes son qui accompagnaient les visiteurs dans leur parcours. A travers ces différents dispositifs, nous souhaitions faire en sorte qu’une fois entré, le visiteur ne soit pas enfermé dans une sorte de boîte noire. Le concept de ville sensuelle appelait au contraire à ce que les visiteurs aient une vue sur le jardin et perçoivent la lumière naturelle. Le parcours était à 90% destiné à un public chinois, et à 10% à un public étranger. J’avais pour souci de leur offrir un spectacle accessible et de qualité, loin du simple catalogue de produits français qui aurait pu confondre foireexposition et Exposition Universelle. Il s’agissait alors de proposer une évocation de la ville en tant que paysage caractéristique du 21° siècle. Chaque homme ou presque aujourd’hui, s’il est chinois, hindou ou brésilien, est né et mourra dans une ville devenue mégaville. La nostalgie de la campagne n’est plus de mise. Bien que la pensée de la ville contemporaine ne puisse se limiter à des systèmes de composition purement formels et sans grande qualité, cette tendance tend néanmoins à être dominante en Chine où les extensions démesurées de ville conduisent à une perte des qualités sensibles des lieux. À l’observation des plans de la ville du 18° siècle, il est possible de présumer de la végétation, des ambiances, des odeurs…La ville considérait chaque sens et en permettait l’expression. La réalisation d’un pavillon ne pouvait à lui seul lutter contre les images qui tous les jours sont diffusées par la ville de Shanghai, mais il était possible de travailler par clins d’œil à l’évocation d’une ville sensuelle…
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Afin d’élargir le propos sur le concept de ville sensuelle, j’ai choisi de me référer à la ville de Singapour pour laquelle nous avions proposé un projet urbain en réponse à un concours international que nous n’avons malheureusement pas gagné. Singapour est un pays très riche et développe un grand nombre de cités satellites qui, bien que reliées entre elles par un système de transport en commun efficace, ne proposent rien d’autre qu’une architecture internationale caricaturale et hors contexte où la très forte densité ne trouve de pendant que dans la constitution de grands parcs périphériques. Toutes les fonctions sont parfaitement dissociées, au point d’atteindre une forme d’hystérie de la séparation… L’observation de la ville révélait que les bus, parkings, taxis, crèches, services et autres lavomatics prenaient place dans des espaces publics sans aucune liaison avec le reste de la ville. Pour le concours, nous avions proposé de construire un paysage qui constituerait le socle de l’opération de manière à permettre la fusion entre les bâtiments, le parc, les stationnements. Chaque élément avait sa propre épaisseur et était lié à l’ensemble au moyen d’un feuilletage. Nous avions, pour ce projet également, travaillé avec l’agence de paysagistes TER qui avaient développé l’idée de jardin à la française comme évocation d’un jardin urbain. L’espace public tissait des liens avec les logements qui, eux, s’orientaient suivant une diagonale afin de dégager des vues. En complément d’une réflexion sur les vues, l’ensoleillement et les conditions de rafraîchissement des appartements, nous avons mené une recherche structurelle. Le bâtiment se composait dès lors d’une demi-coque ajourée supportant des planchers en semi porte-à-faux qui libéraient les vues et autorisaient une très grande flexibilité d’aménagement.
changer d’opinion au regard de la richesse des potentialités offertes par certains projets. Eurorennes, étude pour le réaménagement du quartier de la gare à Rennes, mené en collaboration avec Louis Paillard, Philippe Gazeau et l’Agence TER, proposait ainsi de réfléchir à des problématiques de liaisons et de connexions à l’échelle urbaine. Le nord de la ville fait état d’une franche limite générée par la voie ferrée, séparant la ville ancienne de la ville des années 1960. Le développement des logements et des services sur la rive gauche imposait qu’un nouveau mode de liaison soit pensé entre les deux rives afin de participer au développement cohérent et harmonieux de la ville. Nous avons alors proposé, dans cet environnement très marqué par les infrastructures, d’inscrire dans les interstices de la ville un paysage construit qui considèrerait les voies ferrées comme on considère un fleuve, avec ses berges, ses vues et ses liens avec la ville.
Pour reprendre la question soulevée tout à l’heure suite à l’intervention de Christian Hauvette, les architectes peuvent-ils faire du projet urbain ? J’ai longtemps pensé que non, pour finalement –61–
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Ce paysage artificiel vient recouvrir en partie les voies et la gare tout en permettant de voir se développer, de part et d’autre des rives, des nouveaux bâtiments de logement. Bâtiments et paysage participent dès lors de cette même logique urbaine. Nous avons récemment gagné un concours à Marne-la-Vallée développant également l’idée d’un paysage construit. Situé à Eurodisney, sur un terrain de l’autre côte de l’autoroute, le projet vise à l’élaboration d’un nouveau concept environnemental articulant ressources géothermiques, complexe aquatique et logements. La commande du concours était de réaliser un énième dôme en verre, pyramidal ou rond. Nous avons opté pour une solution alternative combinant les références à la Ziggurat et aux jardins suspendus de Babylone. Le dôme se développe ainsi par succession de rampes proposant des usages inédits, non définis par la commande du concours. Au lieu de poser une cloche de verre sur un espace de loisirs nautiques, nous avons inversé le dispositif afin que le bâtiment soit en lui-même une émergence du paysage aquatique. Nous collaborons avec le bureau d’études environnemental Transsolar afin de définir la forme et l’orientation exacte de ce paysage en fonction de toutes les exigences de confort climatique. J’ai proposé que ces rampes soient toujours habitées par des animaux, afin que depuis l’intérieur du bâtiment s’élaborent des relations singulières avec l’extérieur. Le fait d’avoir des clients comme Eurodisney est indéniablement un atout, car nous pouvons nous permettre de pousser plus loin les propositions. J’en reviens à la question du Sud, problématique transversale de ce Symposium. Sud, Nord, trop Sud, pas assez Nord… Toutes ces notions ont été évoquées aujourd’hui au travers de multiples références. Pour l’anecdote, je suis né dans l’Aude, et enfant, je passais mes vacances à Gruissan. L’architecture qui construit le 62–62–
paysage de Gruissan se départ complètement de l’imagerie pittoresque traditionnelle des villes du Sud, avec leurs mas et leurs vieilles pierres. Ici, il a été développé quelque chose de complètement différent, de léger, sur pilotis, en raison du risque de la montée des eaux. Être dans le Sud ne signifie dès lors pas reproduire inlassablement un quelconque style provençal, mais au contraire prendre la mesure des inventions qui toujours ont été déterminées par la spécificité des contextes. Parler de l’univers conceptuel de l’architecte implique nécessairement le fait d’évoquer une série d’images qui fondent un champ de références propres. Le Sud évoque chez moi des régions pauvres, où les bâtiments se caractérisent par leur simplicité, leur matérialité qui toujours renvoie à un registre, une utilité et à une rationalité constructive. C’est en puisant dans ces images, et non dans celles véhiculées par les architectures extraordinaires, que je travaille à l’élaboration de bâtiments singuliers et respectueux de leur contexte. Même si on vient du Sud, notre regard est toujours conditionné par les voyages que l’on effectue, qu’ils soient mobiles ou immobiles. Le cinéma est cet art qui parfois comprend l’évolution de la ville. Il ne véhicule pas nécessairement des images d’architecture futuriste, mais au contraire des mondes futuristes avec des architectures traditionnelles. Le cinéma, aussi, est une fenêtre sur de vrais morceaux d’architecture. Je vais maintenant vous évoquer un projet de bureaux que nous avons réalisé pour un promoteur à Grenoble. Il s’agissait ici de transformer un produit en projet, puisque la demande d’architecture était quasiment inexistante. Au travers du développement durable et de l’obtention du label BBC, le promoteur ne cherchait pas tant à faire baisser les consommations énergétiques de son bâtiment que d’en véhiculer une nouvelle image. Notre stratégie a été de demander au promoteur quelle serait la solution constructive
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la plus économique. Suivant les orientations de sa réponse (des voiles de béton percés), nous avons dégagé les moyens financiers nécessaires à l’élaboration d’une double façade travaillant, comme pour le Pavillon Français de l’Exposition Universelle, les ombres, les opacités et les transparences. La façade Sud nous a permis d’intégrer 800 m2 de panneaux photovoltaïques, tandis que la façade Nord est ponctuée de loggias permettant aux employés de se retrouver dans des espaces extérieurs. Nous avons également travaillé avec un promoteur pour l’opération du « Bois Habité » à Lille, où il s’agissait de concevoir des bureaux présentant une grande diversité d’espaces extérieurs: loggias plantées, terrasses sur le toit… La porosité de la façade ainsi composée tend à définir une relation amicale des bureaux à leur espace de voisinage, et il me semble intéressant de toujours travailler dans cette double relation à l’ouverture et à la protection. Nous revenons dans le Sud avec la présentation d’un projet situé à Marseille, boulevard de Dunkerque, dans le contexte d’Euroméditerranée. Comment une stratégie peut devenir contextuelle ? Dans la recherche de ce que pouvait être une spécificité de l’architecture méditerranéenne marseillaise, il me semblait pertinent de m’attacher aux façades des bâtiments et à la manière dont elles jouent avec la lumière. Il n’y a pas là de peur de la répétition, et la sérialité des ouvertures tend à définir un paysage urbain caractéristique. Je cherchai donc à m’emparer de cette idée pour la retranscrire au travers du projet, comme filtre ou comme écran. En poursuivant ma découverte de la ville, je me suis arrêté sur les façades arrière des bâtiments de Fernand Pouillon sur le vieux port. Cette référence a permis d’orienter le travail du projet vers la définition d’une résille basée sur le principe des claustras. Nous avons étudié divers motifs, fait appel à de nombreux fabricants et commencé les études. Le permis de construire a été déposé et nous sommes
aujourd’hui dans l’attente de son acceptation. L’intérêt de ce projet réside dans sa capacité à proposer une solution différente de celle du bâtiment de Grenoble, alors même que la problématique initiale était similaire. La stratégie projectuelle est alors à l’épreuve du contexte pour générer des architectures différenciées. Je terminerai mon intervention par l’évocation de quelques projets situés sous d’autres climats: la cité de la voile à Lorient, projet qui doit s’imposer sur un paysage formidable constitué des bunkers de la base sous-marine de la ville, ou encore un parking aérien à Soisson sur lequel nous avons travaillé avec Ruedi Baur pour la signalétique. L’idée pour ce projet était de supprimer les poutres pour ne plus avoir que des feuilles de béton derrière une enveloppe de bois. Enfin, l’habillage du pont de Choisyle-Roi pour lequel nous nous sommes inspirés du travail de Christo et de Jeanne Claude. Habillé et repensé en tant qu’élément de liaison urbaine, ce pont a été si bien accueilli par les habitants du quartier qu’il est devenu un lieu de promenade urbaine. Merci.
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Merci Jacques Ferrier pour cette intervention. Je voudrais juste revenir sur votre concept de ville sensuelle. Pourriez-vous nous en définir les principes fondamentaux et les limites ? De la même manière, le concept de ville sensuelle suffit-il à fabriquer une ville ? Jacq u es Fer rier
Cette question suscite un véritable débat, au point qu’un an avant l’Exposition Universelle, nous avons organisé un colloque invitant architectes et chercheurs de France, Chine et Etats-Unis à venir s’exprimer sur la question. L’idée de la ville sensuelle est de proposer un dispositif permettant de penser la ville autrement qu’en référence à un ordre géométrique, à un urbanisme qui sacrifie à l’efficacité de séparation du foncier l’usage et le plaisir d’habiter. La ville sensuelle propose de réfléchir sur le projet de ville « autrement ».
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Clôture .......................................................... .
Gilles Perraudin PERRAUDIN
Architecte Architecte à l’ENSAM Professeur & à enseignant l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier
Après cette journée de débat extraordinairement riche, l’exercice conclusif me semble particulièrement difficile. Je vais cependant essayer de m’y atteler de la manière la plus rigoureuse possible. Je commencerai par remercier l’ensemble de nos intervenants qui, chacun à leur manière, a contribué à approfondir les réponses apportées à la problématique des Métropoles du Sud. Cette journée a permis l’émergence d’un certain nombre de réflexions sur le rôle et le regard que pouvait porter l’architecte sur la ville. L’une de ces premières
sources d’interrogation s’est articulée autour de la notion d’habiter. Habiter les villes du Sud est bien évidemment une question à laquelle doivent se confronter les étudiants en architecture en tant qu’elle est constitutive d’une identité culturelle. Je tiens à ce sujet à remercier Pierre Lajus dont le travail constituait l’une de mes références particulières alors que j’étais étudiant. La culture du construit constitue un second point d’entrée abordé aujourd’hui au travers de la thématique proposée pour ce Symposium. Nous avons parlé de la main –67–
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et de l’outil pour signifier l’importance de la compréhension constructive des bâtiments, en dépit des procédés d’industrialisation qui sont toutefois nécessaires à l’économie du projet. Le rôle de l’architecte au regard de la notion d’éphémère a également été évoqué au travers de l’intervention de Francis Rambert. Cette condition croissante du caractère éphémère des constructions ou de leur évolutivité dans le temps appelle à un repositionnement de l’architecte dans sa propre pratique, intégrant dans son travail tant la création que la disparition de ses œuvres. La relation au climat a également été abordée, notamment au regard des projets de Carme Pinos. Sa Cube Tower de Mexico offre tant un système de ventilation passive qu’un rapport privilégié au paysage urbain, de la même manière que le projet de la tour Hyper Green de Jacques Ferrier prend en compte de manière caractéristique les problématiques liées au climat pour en faire un vecteur de projet. La relation à l’espace public a quant à elle été largement évoquée par chacun des intervenants. Francis Rambert a insisté sur l’interconnexion entre espace public et architecture, en tant que l’un est le résultat d’un don de l’autre. L’espace public apparaît en ce sens comme un « plus » de l’architecture donné à la ville, au-delà des objectifs mêmes annoncés par la commande. Ces différentes interrogations semblent cependant trouver leur fondement dans une problématique commune, celle qui, dépassant les simples évidences terminologiques, chercherait à définir ce que pourrait être en lui-même le Sud. Où commence le Sud ? Où s’arrête-t-il ? Quelle réalité géographique revêt-t-il ? Face à ces indéterminations, il me semble pertinent de considérer le Sud dans sa dimension philosophique, appelant en retour à une redéfinition du rôle de l’architecte au regard de la ville et des hommes pour lesquels il travaille. Dans cette quête de vérité, de limpidité de l’architecture au service de l’esthétique, du confort et du bonheur des hommes, il me semble 68–68–
que les paroles de Marguerite Yourcenar font enseignement : Construire, c’est collaborer avec la terre. Construire, c’est collaborer avec le temps et retrouver sous les pierres le secret des sources. Merci.
Résumés ABSTRACT ..........................................................
Gilles PERRAUDIN Pierre LAJUS
Architecte Professeur à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Bordeaux
Au travers de la thématique de la culture comme moteur de renouveau urbain, Pierre Lajus choisit de porter un regard singulier sur la notion même de culture, non pas comprise ici en tant que somme des connaissances acquises mais comme valeur d’actualisation des échanges des savoirs et des savoir-faire, d’une recherche de sens par l’architecture et de la transmission de ses valeurs. La culture devient dès lors support d’une réflexion sur l’architecture située, trouvant son fondement dans l’environnement dans laquelle elle prend place. Pierre Lajus propose ici une
présentation des projets phares de sa production architecturale, essentiellement articulée autour de la problématique de la maison individuelle. Aux questions « Comment concevoir des maisons adaptées aux modes de vie contemporains ? » et « Comment développer une culture permettant de construire des maisons économiques ? », l’architecte répond par une fine démonstration des vertus de l’évolutivité des logements et des procédés de préfabrication. Le travail de Pierre Lajus témoigne en ce sens d’une très grande contemporanéité, attestant de son statut –69–
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d’avant-garde au regard des préoccupations «durables » de l’architecture. Through the theme of culture as an urban revival dynamic, the architect Pierre Lajus chooses to show a singular aspect on the concept of “culture”, not understood here as an amount of knowledge acquired but as an updating value of the know-how exchanges and the transmission of architectural values. Culture thus becomes a support of thoughts on situated architecture, finding its foundations in the environment in which it takes place. Pierre Lajus proposes a presentation of key projects of its architectural production, essentially articulated on the issue of the individual house. To the questions “How to conceive houses adapted to contemporary lifestyles?” and “How to develop a culture permitting to build economic houses?” the architect answers through the demonstration of the values of housing flexibility and prefabricated systems. Pierre Lajus’s work testifies thus of its contemporaneity, giving evidence of its cutting edge status toward sustainable design.
Francis RAMBERT Directeur de l’institut Français d’Architecture Paris
Evoquant la notion de générosité de l’architecture au regard de la ville, Francis Rambert propose ici un regard transversal sur la production architecturale de ces trente dernières années. Les divers bâtiments ou supports de diffusion culturelle présentés au cours de l’intervention sont, pour le Directeur de l’Institut Français d’Architecture, matière à l’élaboration d’une réflexion sur une tendance forte qui semble caractériser les projets, celle de la générosité de l’architecture au regard des hommes qui l’investissent et des villes dans lesquelles elle 70–70–
s’inscrit. Du Centre Pompidou des architectes Renzo Piano et Richard Rogers à la Tate Modern d’Herzog et de Meuron à Londres en passant par le Rolex Learning Center de Sanaa à l’EPLF de Lausanne, les projets évoqués témoignent tous d’une même volonté de véhiculer une plusvalue, un « plus » qui n’était pas demandé au programme. Parfois espace public rendu à la ville alors que la commande n’en exprimait pas la nécessité, parfois réhabilitations ou hybridations tant formelles que programmatiques, ces «plus » tendent à valoriser le positionnement d’architectes pour lesquels l’usage des bâtiments prévaut sur leur simple image. C’est en ce sens que Francis Rambert considère que «l’architecture est un art social », permettant de rendre compte de relations vertueuses aux autres et à la ville. Evoking the notion of generosity of architecture towards the city, Francis Rambert proposes here a transverse view on the architectural production of these last thirty years. The diverse buildings, supports of cultural diffusion presented during the intervention are, for the Director of the French Institute of Architecture, subject for the elaboration of a reflection on an important tendency which seems to characterize the projects: that of the generosity of architecture towards people who invest in it and toward cities in which it takes place. From the Pompidou Centre of the architects Renzo Piano and Richard Rogers to the Tate Modern of the architects Herzog & De Meuron, passing by the Rolex Learning Centre of Sanaa in the EPLF of Lausanne, the evoked projects testify of the same will : to convey a capital gain, one «more» which was not asked by the program. Sometimes public place returned to the city while the command did not express the necessity, sometimes rehabilitations or hybridizations as formal as programmatic, those «more» tends to value the position of architects for whom the use of the buildings prevails over their simple image. It is in this sense that Francis Rambert considers
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that «architecture is a social art», allowing to testify of virtuous relations to other people and the city.
Christian HAUVETTE
Architecte Paris
Que la culture soit moteur de renouveau urbain est pour Christian Hauvette fort probable. Il n’en demeure pas moins que l’architecte se défend ici de pouvoir apporter une réponse fondée à la problématique soulevée tant son rôle, en tant qu’architecte, est de se préoccuper de l’architecture et non de la ville. C’est en ce sens que Christian Hauvette articule son intervention autour de la présentation « d’objets singuliers», architectures qui ne renvoient qu’à ellesmêmes tout en permettant de donner ordre et cohérence aux environnements dans lesquelles elles prennent place. Le Siège social pour la caisse des dépôts et consignations à Paris, l’Ecole nationale Louis Lumière à Noisy-le-Grand ou encore les 40 logements construits à Rennes sont alors des projets à même de permettre la constitution d’un regard transversal sur la production d’un architecte qui se caractérise tant par la rigueur de son processus de conception que par sa capacité à interroger l’évolution de la pratique architecturale au regard de normes imposées à tous. Culture can be considered as the motor of urban revival and for Christian Hauvette, this is very likely. But the architect forbids here to be able to bring an answer to the raised problematic so as his role, as architect, he is to worry about architecture and not urban planning. It is in this sense that Christian Hauvette articulates his lecture on the presentation of “singular objects”, architectures that only send back
to themselves while also giving a new kind of order and coherence to the environments in which they take place. The Head office for the deposit and consignment office in Paris, the Louis Lumière School in Noisy-le-Grand where another 40 housing projects built in Rennes are then projects permitting the constitution of a transverse glance on the production of an architect who is both characterized by the rigor of his design process and his capacity to question the architectural practice evolution toward standards imposed.
Carme PINOS
Architecte Barcelone
Au travers de son intervention, il s’agit pour l’architecte catalane Carme Pinós de présenter une démarche de projet qui trouve son fondement dans une fine analyse et compréhension du contexte à partir duquel émerge une architecture singulière. Qu’il s’agisse de la Plaza de la Gardunya à Barcelone, de la Cube Tower de Guadalajara au Mexique ou encore du bâtiment de la Caixaforum à Saragosse, les espaces conçus par Carme Pinós témoignent toujours de cette même posture d’architecte qui tend à faire prévaloir la dimension poétique inhérente à l’histoire des lieux et à ses usages propres sur le simple geste architectural. Son travail se comprend dans le dialogue que ses bâtiments aux lignes sculpturales instaurent avec l’environnement dans lequel ils s’inscrivent, replaçant l’homme au centre du dispositif afin retrouver le sens des lieux. Plus qu’une architecture, l’œuvre de Carme Pinós se conçoit au travers du processus de conception qui lui est inhérent, traduisant un équilibre subtil entre innovation des propositions et conscience aigüe de la responsabilité de l’architecte sur –71–
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l’empreinte qu’il laisse dans l’histoire de la ville. Through her lecture, the Catalan architect Carme Pinós presents a design process based on a clever analysis and understanding of the context from which can emerge a specific architecture. As regards to the Plaza de la Gardunya in Barcelona, the Cube Tower in Guadalajara, Mexico, or the Caixaforum building in Saragossa, spaces designed by Carme Pinós always testify to this architectural position which values the poetic dimension inherent to the history of places more than the simple architectural gesture. Her work establishes a dialogue between the sculptural lines of the buildings and the environment in which they take place, replacing the human being at the centre of the system to thus refind the sense of place. More than architecture, the work of Carme Pinós is conceived through the conception process inherent, translating a subtle balance between innovation of the propositions and consciousness of the architect responsibility on the print one leaves in the urban history.
Jacques FERRIER
Architecte Paris
La problématique culturelle du Symposium Métropoles du Sud 2011 constituait une entrée privilégiée à l’évocation de l’architecture du concepteur du Pavillon Français pour l’Exposition Universelle de Shanghai. Présenté en 2010, ce dernier se caractérise par sa capacité à se constituer en tant que lieu symbolique témoignant d’une spécificité culturelle, celle de la France. Construit comme un véritable bâtiment offrant aux visiteurs une expérience spatiale inédite, le Pavillon Français se comprend en tant 72–72–
qu’illustration de la « ville sensuelle », ville qui se départit des processus de conceptions régis par des logiques géométriques de sectorisation pour valoriser les usages et les plaisirs d’habiter. C’est à partir de ce concept transversal que Jacques Ferrier choisit de développer une intervention présentant une sélection de projets qui font l’actualité de son agence et témoignent d’une activité de recherche spécifique. Jacques Ferrier expose ainsi une stratégie projectuelle qui, mise à l’épreuve de contexte divers, permet l’émergence d’architectures différenciées. The cultural problematic relative to the Symposium “Métropoles du Sud” 2011 constituted a privileged way to evocate the work of the architect of the French Pavilion for the World Expo 2010 in Shanghai. This Pavilion is characterized by its capacity to be a symbolic place testifying of a cultural specificity. Built as a real building offering to the visitors a new spatial experience, the French Pavilion is conceived as illustration of the “sensual city”, a city which abandons design processes governed by geometrical logics and divisions to value the well-being and the pleasures of living. Jacques Ferrier chose to develop his lecture through this transverse concept, presenting thus a selection of current projects testifying of a specific work of research. The architect thus exposes a design strategy which allows the emergence of differentiated architectures.
Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture de Montpellier :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
Enseignants ENSAM Jacques BRION // Elodie NOURRIGAT // Laurent DUPORT Assistés de : Garance DAVET // Julie MOREL Avec : Pascal PERRIS // Michel MARAVAL // Gilles PERRAUDIN // Pierre SOTO
Etudiants de Master du domaine d’études
Métropoles du Sud
ABAUZIT Mélina // AH_SING Sophie // AMAT Thibaut // ALBOUY Marina // ALIGNOL Olivier // AUZIOL Hadrien // BEKKALI Ismaêl // BENAZZOUZ Ali// BIRAUD Aurélie // BLACHE Aurore // BORIE Elodie // BOSIO Emmanuelle // BRACHET Romain // CANAUD Loîc // CATTEROU Alexandre // CELESTE Nicolas// CELIK Goknil // CHEVALIER Arnaud // COSSON Stéphanie // COSTA Tiago // CUCCURU Walter // D’OLIVEIRA Guillaume // ELGOYHEN Emma // FERGANI Louisa // GELY Lauriane // HAMBERT Elsa // HERBERT Sarah // HYVERNAUD Damien // KARIMI Néguine // LOCONTI Antonnela // MAZET Olivier // MOL Stéphane //MORICHERE Laura // MOY DE LACROIX Roxane// NAIKEN Even// PAGANO Christelle // PALLOT Camille // PASQUIER Aline // PASQUIER Jordan// PEREZ ESPINOSA Sara // PICCIOCHI Margarida // PICHON Laura // PIRO Sarah// PRADERE Thomas // RAE Ludovic // RICQ Juliette //RULLIERE Sarah // SAJKERWICZ BOMPART Mélanie // SEDRAN Anaîs //SISOMVANG Alchali // SOHY Aurélie // SUBRA Alexandre // TAGLIOLI Guiseppe // THIRIAT Nicolas // TOIRON Vivien // TORRES Florent // TRIADOU Ludivine // TURJMAN Anaîs // VANNIER Anne Claire // VAUCELLE Floriane // VERGNAIS Valentin // VILLEMAIN Elodie // WELSCH Eline // WINTER Ann Karen.
Editeur : Editions de l’Espérou Graphisme : Federation of ideas Photographies : leurs auteurs –73–
Métropoles du Sud
L’équipe pédagogique Métropoles du Sud tient à remercier S Y M P O S I U M 2011
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Pour la mise à disposition de la salle : La Faculté de Médecine de Montpellier
Pour leur soutien : L’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Le laboratoire du GERPHAU L’Ordre des Architectes La DRAC Languedoc-Roussillon Archipel Arts Hélio
Photos : 1 // Extension du Palais de Belém - 2002 - Lisbonne - Portugal. 2 // Pavillon de la connaissance des mers pour l’exposition 1998 - 1998 - Lisbonne - Portugal. 3 // Théâtre et auditorium - 2008 - Poitiers - France. 4 // Centre d’information - 2004 - Caravelos - Portugal. 5 // Eglise san Antonio - 2008 - Portalegre - Portugal. 6 // Reconversion du monastère de Flor da Rosa - 1995 - Crato - Portugal. 74–74–
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