La La Femme Femme Graine Graine
Mickaël IVORRA - Séverine PINEAUX
(EXTRAIT)
Je suis passée aujourd’hui devant les bois rimés - ces bosquets d’arbres-poèmes dont chaque feuille porte un vers ou une strophe. À l’automne, les feuilles s’envolent, se mélangent, et de nouveaux poèmes prennent vie à partir de ces cadavres exquis. Chuchotés par les Sylphes dans un bruissement de feuilles, ces sonnets sont considérés par certains comme les oracles de la forêt.
Je me souviens que lorsqu’une question taraudait ma mère, elle faisait appel aux Probabilistes, une étrange secte qui se servait d’un Tarot des Arbres pour éclairer non pas notre futur, mais notre passé. À la faveur des lames tirées, le cartomancien examinait des événements survenus dans un passé lointain, et tentait de leur donner un sens. Il faut que j’arrive à communiquer avec Ysambre et à comprendre ce que la forêt veut de nous. Je sais maintenant que les visions qu’elle m’envoie reflètent notre lointain passé. Cependant, bien que je les recopie de mon mieux, je ne vois pas toujours comment ces informations peuvent éclairer notre présent ou notre futur. La solitude me pèse. Mieux vaut que je dorme un peu. Demain, tout cela sera peut-être un peu moins confus.
Septième jour crépuscule Je progresse vers le coeur de la forêt, empruntant de nouveaux sentiers. J’entrevois un nouveau sens aux Sylphes musiciennes qu’il m’arrive de croiser : est-ce une façon pour Ysambre de communiquer? Peuvent-elles m’en apprendre plus sur la mort de Nimh? J'ai baptisé Harpistes ces étranges créatures qui sécrètent par leurs élytres des filaments extrêmement fins, semblables à des toiles d'araignée. Elles les accrochent ensuite à leur corps pour en tirer des mélodies cristallines qui évoquent la pluie dans les arbres. Ces sons semblent attirer dans leurs toiles les petits insectes dont elles se nourrissent.
Le souffle blanc et brumeux, j’observe, ébahie, le manteau d’hiver qui recouvre maintenant les alentours. L’anarchie des saisons au sein d’Ysambre ne cessera jamais de m’impressionner!
Un son plaintif et lancinant accompagne ma progression dans les bois, comme une mélodie.
Je me demande si les musiciens que j’aperçois ne sont pas une sorte de bergers, chargés de rassurer et defaire croître d’autres végétaux. Comment expliquer la réaction des plantes à la musique? Il me semble évident qu’il y a là un langage, des symboles qu’elles sont capables de percevoir et d’interpréter.
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Je n’ai pu m’empêcher de ramasser une des gousses qui poussent à même le sol, à l’intérieur qe laquelle dort un chronographe. On raconte que les effrayer peut vous coûter plusieurs années de vie, car le rythme de leurs battements de coeur modifie l’horloge biologique des êtres vivants les plus proches.
Chaque rêve me laisse, au petit matin, une désagréable sensation de nausée. ,. mais je pense savoir où Ysambre m’aiguille. Nimh nous avait parlé de ses recherches sur les Cliqueteurs, ces insectes-horloges «voleurs de temps». Y a-t-il un lien entre la lèpre mécanique et la profusion d’engrenages qui les caractérise? Malgré la fatigue qui m’assaille, je ne compte pas m’arrêter avant d’avoir trouvé un indice.
J’avance dans le sous-bois humide, l’atmosphère saturée par l’odeur des champignons. La forêt résonne du tic-tac sinistre des Cliqueteurs, me rappelant la disparition de Nimh et ma propre mortalité. Sous l’influence des insectes, le temps me semble s’écouler plus lentement, comme un fluide visqueux.