SĂŠverine
P
ineaux
Severine
PINEAUX D’aussi loin qu’elle se souvienne, Séverine a toujours voulu dessiner et peindre. Née en 1960, elle suit des cours à l’âge de dix-sept ans dans un atelier de dessin à Paris, et réalise (déjà !) quelques dessins et peintures mêlant végétal et organique. Elle travaille ensuite dans presque tous les domaines du graphisme : dessin animé, bande dessinée, image de synthèse et illustrations de science-fiction, de fantasy ou fantastique. En 1996, la naissance de son premier enfant marque aussi son retour à la peinture, sur le thème de l’homme-arbre. Depuis, elle se promène dans cette “forêt enchantée” où évoluent les sujets de ses tableaux...
... LA PEINTURE ... « La peinture, pour moi, c’est une forme d’appropriation, où existe un aller-retour : d’un côté, tu cherches à faire passer des émotions, et de l’autre, tu tentes d’intégrer le réel. Quand j’étais enfant et que j’avais envie de quelque chose, je le dessinais. Même adulte, j’ai continué : il m’est arrivé d’être amoureuse et que ça se passe mal. Pendant cette période, j’ai fait beaucoup de portraits de la personne concernée… et c’était consolateur ! C’est un mécanisme de catharsis, de concrétisation du désir que j’ai parfois imaginé être celui des hommes des cavernes quand ils représentaient du gibier sur les parois... À travers l’histoire, un certain nombre de peintres ont travaillé sur les rêves, la thématique “visionnaire”, symbolique. Les images créées par ordinateur permettent une représentation extrêmement réaliste de visions fantastiques. Mais je pense que pour l’infographie, nous allons assister à la même chose qu’à la naissance de la photographie : les gens croyaient que la photo allait remplacer la peinture, ce qui n'a pas été le cas. Là aussi, une partie de la représentation onirique va sans doute être dévolue à l’image de synthèse ou à l’infographie. Ce qui va rester à la peinture, c’est l’aspect artisanal, le côté tactile, objet unique. Et puis, de la même manière qu’il n’existe pas deux écritures semblables, il n’y a pas deux dessins semblables. Je ne pense pas qu’il y aura pour autant une prédominance du mouvement visionnaire / onirique à l’avenir. C’est quelque chose qui a toujours existé en parallèle, à côté du reste. Actuellement, je trouve que l’art “officiel” est dominé par la tendance abstraite et conceptuelle. C’est intéressant mais réducteur... La peinture répond aussi à des besoins de pur plaisir visuel. Il est dommage d’être marginalisé et donc d’avoir peu de moyens et d’espace pour exposer et diffuser l’art fantastique. Les personnes qui s’en occupent et organisent expositions et événements ont toute mon estime. Je pense qu’il y a un public d’autant plus passionné qu’il est peu reconnu (je suis moi-même un public frustré d’art onirique : pas de revue, peu d’expo, peu de couverture média...). Ce métier est fait, pour beaucoup, de rencontres et leurs ramifications sont parfois étonnantes : c’est après avoir fait une couverture pour un fanzine de BD que j’ai réalisé des illustrations de jeux de rôles pendant une dizaine d'années… Sur le plan technique, j’utilise des peintures alkydes qui se travaillent comme l’huile, mais sèchent beaucoup plus vite grâce à la présence de résines acryliques. Je travaille sur de la toile marouflée sur bois et enduite de gesso, d’abord en demi-pâte puis en détaillant par une succession de glacis, en enrichissant ma peinture de Liquin. En général, j’ai une idée du sujet et surtout de l’ambiance de ce que je veux peindre et je cherche des documents photos qui correspondent à cette idée. Je les mélange dans le dessin préparatoire et je mets en place le tableau. D’autres éléments plastiques se développent souvent en cours de réalisation. Chaque tableau est un voyage… »
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Le Couple (1996) Alkydes, 56x56 cm
e tableau a une histoire un peu particulière. À quinze ans, j’avais dessiné un couple d’hommes-végétaux de profil, dont les racines s’entremêlaient, avec une ambiance assez proche du dessin animé La Planète Sauvage, de Laloux. L’idée de base était déjà là - ensuite j’ai cherché dans pas mal de photos un couple qui pourrait correspondre. Le tableau a évolué pour finalement représenter une femme claire et un homme sombre. Pour la lumière de fond, j’ai tenté d’absorber la lumière des tableaux d’Ugarte. C’est un des tableaux les plus proches du domaine de l’llustration, car il est très “lisse”, mais c’est aussi un de ceux qui fonctionnent le mieux, sans doute à cause de sa charge émotionnelle.
Séverine Pineaux - 143
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L’Esprit de la Forêt (1996) Pastels, 60x30 cm
ENTRETIEN avec Séverine Pineaux Tu fais partie des rares femmes du paysage de l’art fantastique, avec Sandrine Gestin et Florence Magnin, dont le travail est également présenté dans ce recueil. Est-ce que de vos images émane une sensibilité différente, à ton avis ? Sans doute. Les illustrateurs, en science-fiction, vont peut-être faire figurer plus de vaisseaux spatiaux, d’armes ou de bâtiments - en leur donnant un côté très « fonctionnel » (je pense à Chris Foss, à Michael Wheelan…). Une illustratrice sera peut-être moins branchée par l’aspect mécano de ces univers. Personnellement si je dessine un vaisseau spatial ou une arme futuriste, je me moque que ça fonctionne ou pas - et mon mari m’engueule pour cause d’« impossibilité mécanique »… Mais tout ça est très relatif, je crois que le fait d’être un homme ou une femme influe évidemment sur ton travail, mais pas plus que d’autres composants de ta personnalité…J’ai lu l’analyse d’un psy sur des dessins d’enfants : vers quatre ans, les petites filles dessinent beaucoup de détails, des bijoux, des vêtements, et les garçons représentent plus de constructions, des mécanismes, des paysages… Je pense qu’une partie de ce plaisir qu’on éprouve à dessiner étant enfant, perdure quand on fait de l’illustration fantastique. Mais, en ce qui me concerne, les centres d’intérêt se modifient quand je peins : j’attache beaucoup moins d’importance aux détails et à la mise en scène, pour me concentrer sur l’ambiance et sur la composition générale. Est-ce qu’il y a d’autres choses qui vous rapprochent, Sandrine, Florence et toi ? Je pense qu’on a aussi en commun le fait de réaliser des images oniriques, fantastiques, qui ne sont pas horribles ou sinistres mais pas mièvres non plus. Je ne fais pas de cauchemars, je n’ai pas de goûts naturels pour le sombre ou le morbide, donc je n’ai pas envie de forcer là-dessus. Dans le même temps, je n’ai évidemment pas envie d’être mièvre. Mine de rien, c’est assez difficile de faire du fantastique sans être mièvre ou très sombre. Ceci dit, des choses qui ne te paraissent pas horribles peuvent être dérangeantes pour d’autres personnes. Justement, toi, sur quels thèmes veux-tu jouer ? Quelles fibres émotionnelles essaies-tu de toucher? J’essaie de jouer sur l’émotion, la rêverie; je ne cherche pas à créer un raisonnement - même si, après avoir fini le tableau, je peux penser au thème de la métamorphose, des rapports entre l’homme et la nature, l’homme et la machine… Je peux aussi relier mon travail aux philosophies et religions orientales qui parlent d’unité entre les éléments de l’univers, l’humanité étant indissociable de ce qui l'entoure… Je crois de plus en plus aux idées sur l’inconscient collectif : la création artistique découle d’une sensibilité collective, l’artiste en est le canal et le filtre, son individualité s’exprime dans la traduction per-
sonnelle qu'il fait de thèmes partagés par tous. Il me semble que les notions d’interpénétration - biologique, mécanique, animale, végétale, minérale… - sont communes à beaucoup de créateurs, et font écho à des progrès scientifiques qui remettent régulièrement en cause nos conceptions de la réalité.Le problème quand tu réfléchis sur ton travail, c’est que tu te trouves dans l’histoire du mille-pattes : dès qu'il commence à réfléchir à quelle patte il doit lever, il se casse la gueule… Donc il faut marcher sans réfléchir. Réfléchir après, et parfois avant, mais pas pendant le travail. Ça vient par images : si j’avais des histoires qui me venaient à l’esprit, j’écrirais. Il y a des images qui naissent quand tu rencontres une photo, une forme, une couleur, et des images que tu cherches - quand tu veux par exemple décliner un thème. La thématique de la famille est très présente dans tes toiles… C’est récent... En fait, j’ai recommencé à peindre après avoir fondé une famille. J’ai peint de quinze à dixneuf ans environ, mais je trouvais vraiment que mon niveau n’était pas assez avancé. J’ai fait de la bande dessinée, du dessin animé, de l’image de synthèse, de l’illustration, du graphisme publicitaire avec des logos, des maquettes, des dessins pour enfant, des cartes de vœux, même des dessins pornographiques ! Au bout d’un certain temps, j’ai fini par acquérir une technique. Mais il a fallu que ma vie personnelle se soit stabilisée, apaisée, pour revenir à la peinture. Et les premiers thèmes qui me sont venus sont issus des univers que je peignais quand j’étais adolescente. Mais quand j’avais dix-huit ans, je peignais des personnages seuls. Mon premier tableau, c’était un couple. Ensuite j’ai enchaîné sur des personnages de tous âges, du bébé au vieillard - j’aime bien faire des gammes, c’est intéressant. As-tu des références affirmées en peinture ? Je fonctionne bizarrement parce que souvent, je reste trois mois sans rien regarder, et puis pendant dixquinze jours je vais me plonger dans l’œuvre de quelqu’un et vivre avec du matin au soir. Ça peut ressortir dans mon travail, sous forme d’une gamme de couleurs, d’une lumière, d’une idée de traitement... Il y a Beksinski, évidemment, un peintre fantastique majeur qui me renvoie, lui, vers des peintres classiques comme Turner. Giger aussi, comme tout le monde. Il y a aussi un aspect « exploit sportif ». Par moment il y a des types qui te bluffent, tu restes là à regarder l’image et à te demander comment ils ont fait. Une fois que tu as réussi à reproduire l’image, à en faire un pastiche, tu peux passer à autre chose. Ça fait partie Pour l’affiche du festival “Visions du de l’apprentissage.
V is ions d u Futur (2000) Alkydes, 28x40 cm
... UN PROCESSUS ORGANIQUE ...
Futur”, on m’a suggéré de rajouter des éléments de métal, et dans certaines peintures, on a parlé d’évoquer une ville en arrière-plan. Je n’aurais pas forcément eu l’idée toute seule, et c’est vrai que ça marche bien, esthétiquement, c’est très agréable à faire en plus. Je suis un peu comme Beksinski qui dit qu’il n’aime pas peindre un mur blanc, sans écailles - c’est la matière, les petites fioritures qui sont intéressantes à faire.
Tu as pratiqué l’aérographe, comme Giger ? Oui, c’est une technique rapide et spectaculaire, mais qui peut devenir impersonnelle. Un rendu à l’huile peut être aussi impressionnant, en gardant plus de caractère. C’est un peu comme la retouche sur palette graphique : l’outil est très fort et faire passer ta personnalité dans le rendu final n’est pas évident. Or, ce sont généralement tes maladresses qui te permettent de te créer un style. À la façon des bonsaïs : comme disait Sturgeon, dans Sculpture Lente, je crois, c’est à partir des arbustes les plus chétifs et tordus qu’on fait les plus beaux arbres. C’est parfois dans ce qui peut apparaître comme un défaut que ta personnalité se trouve. Mais je mets tout ça entre guillemets, parce que là je parle comme un peintre figuratif qui fait des choses pour les gens qui apprécient ça. Et dans ce domaine, une part du plaisir vient aussi de l’exploit technique que représente une figuration réussie. Une partie de l’art contemporain qui juge sans intérêt toute fonction figurative et rejette assez largement la technique et ses contraintes au profit unique de l’expression de l’émotion et du discours qui, seuls, ferait la qualité d’une œuvre, se prive, à mon avis, d’un aspect important de la création. tous les grands maîtres étaients des artisans virtuoses tout autant que des génies créateurs. technique sans âme et expression sans technique me paraissent toutes deux également limitées. Qu’est-ce qui t’attire comme littérature ? J’ai lu plus de science-fiction que de fantasy, curieusement - mais c’est vrai que c’est un genre où il y avait pas mal de déchets...et à la énième aventure du guerrier ou du petit elfe machin, ça devient un peu lassant. Je lis moins depuis que j’ai des mômes, je n’ai plus vraiment le temps, mais j’ai beaucoup lu avant. Depuis la science-fiction de l’âge d’or jusqu’au cyberpunk...jusqu’à des livres comme Hypérion. Les derniers auteurs contemporains, je les connais moins. En fantasy, j’ai lu Tolkien étant môme et j’ai adoré ça. Ensuite, j’en ai lu quelques autres. En littérature classique, j’aime les conteurs : Kipling, Boulgakoff, Marcel Aymé, Lewis Carroll, Jean Ray, Maupassant, Giono… avec une préférence pour ceux qui flirtent avec l’étrange ! Quand ça me plait, je peux relire le même bouquin plein de fois. As-tu déjà eu envie d’illustrer certains de ces livres ?
Séverine Pineaux - 145
Vance est quelqu’un de très graphique... Et il fait beaucoup appel aux cinq sens. Oui, et comme c’est quelqu’un de très évocateur, pas « descriptif », il ne t’enferme pas. C’est très difficile en même temps, j’ai constaté que souvent, plus le bouquin me plaisait, moins mon illustration était bonne, et vice-versa. Ça devient très agaçant... Je ne sais pas si ça arrive à d’autres illustrateurs ? Un pur nanar va donner une belle image, alors qu’un livre excellent va te donner envie de tout mettre dans l’image... Et te planter. Tu nous a déjà dit tout à l’heure que tu n’intellectualisais pas ton image avant sa réalisation, mais a posteriori : est-ce qu’il y a une mythologie construite et structurée derrière tes images ? Forcément, les choses se répondent entre elles : les éléments métalliques qu’on m’a suggérés pour l’image de “Visions du Futur”, ça a généré des idées, et il y a une histoire qui se met en place. Le travail qu’on a fait avec Mickaël Ivorra sur Ysambre structure un peu l’imaginaire, ça recrée d’autres idées, d’autres images. Je ne cherche pas trop à construire un univers littéraire, je suis très contente que Mickaël le fasse
Carte de vœux (2000)
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pour moi. En revanche, je pense que je vais relier directement certains de mes tableaux à notre mythologie classique : Daphné changée en Laurier, Philémon et Baucis, ça je peux m’amuser à le faire. Ce sera plus proche de l’illustration. J’ai lu beaucoup de bouquins sur les mythes grecs et romains quand j’étais jeune, et j’adore ça. Ce sont des thèmes forts, c’est à la base de notre inconscient. Tu connais les travaux de Joseph Campbell ? La Puissance des mythes, Le Héros aux Mille Visages... Il parle de la mythologie comme « les tessons d’une céramique commune ». Oui, je vois...Certains auteurs de science-fiction arrivent à créer leur mythe : quand tu as l’impression qu’un univers est très ancien, alors qu’il a été créé par un auteur contemporain, c’est vraiment très bien. En peinture, typiquement, quelqu’un comme Ugarte arrive bien à saisir cette impression d’intemporalité. Tu as réussi ton coup lorsque tu sens que le tableau est en quelque sorte « authentique », que tu as fait plus qu’habiller une jeune femme en fée. Ça peut être bien aussi mais ce n’est pas la même chose. Quels sont tes projets pour l’avenir ? Il y a deux thèmes que j’aimerais traiter après les homme-arbres : les contes de fées, peutêtre (avec le piège de la mise en scène à éviter), et les animaux. Sans doute des animaux imbriqués avec d’autres choses - les animaux ont vraiment des formes superbes ! À la limite, ça relève de la même thématique, je ferai peutêtre des animaux-machines...
souvent, je reste trois mois sans rien regarder, et puis pendant dix-quinze jours je vais me plonger dans quelque chose et vivre avec du matin au soir.
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sambre, un carnet de croquis artisanal à tirage limité, est né d’une envie commune de Séverine et d’un des fondateurs de la revue Chasseurs de Rêves, Mickaël Ivorra : réaliser un carnet de voyages imaginaire qui soit par ailleurs un bel objet. Pari réussi, grâce à l’aide de Philippe Rose (le mari de Séverine Pineaux, artisan bijoutier) sur l’aspect fabrication : couverture en papier népal, fibres végétales et papier indien pour les pages intérieures... La forme et le fond se marient parfaitement puisqu’Ysambre relate la découverte d’une forêt mythique peuplée de créatures à mi-chemin entre l’homme et le végétal - les Sylphes. L’histoire, née à partir des croquis, a engendré à son tour de nouveaux dessins pour répondre aux besoins de la narration.
Le carnet de croquis d’YSAMBRE
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Oui, bien sûr...Tolkien par exemple. J’ai toujours voulu faire un Ent. Puisque je suis dans les hommes-arbres, un jour j’en ferai sans doute un. Je n’ai pas encore trouvé un Ent qui me satisfasse. Un auteur comme Jack Vance, aussi... Rien que la gamme de couleurs de Tschaï par exemple, ça donne envie !
Merlin (2002) Alkydes, 54x81 cm
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... PASSéS, FUTURS ... Quasiment tous tes personnages sont immobiles ou immobilisés… Ils sont tous très sereins. Même un personnage assez sombre sur tes croquis, comme la dryade prisonnière du lierre, est devenue paisible en tableau. Oui…c’est le « temps ralenti » des arbres : si tu vois une plante qui bouge en accéléré, c’est assez étonnant parce qu’en fait elle bouge énormément - mais les végétaux ne sont pas dans le même coefficient-temps que nous, de la même manière qu’on doit apparaître extrêmement lents à un éphémère qui vit ving-quatre heures. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup, l’aspect contemplatif. Ça bouge de façon inconsciente, c’est de l’ordre de l’hibernation, du sommeil. Le feuillage bouge plus que les personnages. Tout à fait, lentement, une plante pousse et l’univers autour bouge et se modifie rapidement. Une plante, c’est un rêve vivant.
La Dryade (1999) Alkydes, 50x50 cm
Ca évoque aussi la renaissance de la civilisation, la jonction de plusieurs éléments, une idée de « fin », non ? Je me suis aussi posée des questions sur la modernité. Une des questions qui revient souvent à propos des artistes contemporains, c’est : « Est-on l’expression de son temps ? ». Je trouve que c’est un faux problème, tu es toujours forcément l’expression de ton temps ; même un peintre préraphaëlite du xixe qui essaie de refaire du Michel-Ange en peignant des chevaliers en armure gothique, tu vois son travail et tu sens que ça a été fait en 1880, ça a les maniérismes de son époque. Quand Sandrine Gestin peint des femmes en costume Renaissance, elle est de son temps, elle ne fait pas de pastiche.
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e ne voulais pas que l’oiseau soit trop tactile, d’où l’effet de flou. J’ai donc éclai rci les plumes, qui sont devenues la source lumineuse du tableau. Le côté “décomposé” de l’oiseau est venu tout seul. L’oiseau est sans doute trop près de la fleur, ce qui fait qu’on ne sait pas trop si elle est en train de l’avaler ou de le recracher. Sur le croquis, c’est plus clair, d’autant qu’il y a une tête d’oiseau émergeant de la fleur du bas. Dans la peinture en revanche, l’oiseau ne passait pas et c’est resté un pistil. La forme bizarre du bourgeon était là à l’origine sur la photo, je l’ai juste accentuée.
Séverine Pineaux - 149
L’Oiseau (1999) Alkydes, 40x40 cm
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Les Amants (2001) Alkydes, 50x50 cm
... MÉTHODES DE TRAVAIL ... « Souvent, j’ai une idée de l’image que je veux obtenir et je cherche de la documentation, des photos, sur ce sujet. Ensuite, je fais un croquis en utilisant la photo comme base, c'est plus rapide. Après, un dessin au crayon assez poussé, que j’agrandis sur de grands calques au format du tableau, je reporte le calque sur le tableau. Là, il peut arriver que j’apporte des modifications : il y a des effets que la peinture permet et pas le crayon. Je m’aperçois qu'il y a une partie de mon imaginaire qui fait de la mise en scène, et que je m’en sers de moins en moins dans les tableaux : je me concentre surtout sur le choix des moyens plastiques que je vais utiliser, ce qui va être intéressant d’un point de vue plastique : plutôt un effet de lumière, un flou, ou encore une dominante colorée.... »
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Le Bonsaï (1999) Alkydes, 60x60 cm
effet de flou entre les différentes dimensions du tableau s'est fait de manière organique, presque par accident. J’avais déjà dessiné les deux colonnes autour de la main, très marquées et figuratives et le résultat ne me plaisait pas. La composition était mauvaise, car trop saucissonnée (au départ, les colonnes encadraient la main pour la mettre en valeur). J’ai donc commencé à “détruire” les colonnes avec des trous et je me suis aperçue que les couleurs du fond étaient proches des colonnes. J’ai continué dans cette voie en “effaçant” la séparation entre les colonnes et le fond. Je n’y aurais jamais pensé avant... Les effets de profondeur problématiques, quand on ne sait plus ce qui est devant ou derrière, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup.
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