MILK DECORATION #51_FR EXTRAITS

LA CAMARGUE DE Jean-Pierre Marois et Hauvette & Madani

DESIGN : LE MEILLEUR DU SALONE DEL MOBILE 2024

ARCHI : EN ARIZONA, CHEZ FRANK LLOYD WRIGHT ÉVASION : UN ÉTÉ À MINORQUE

Avec : Marion Mailaender — Derek

Jarman — Alex Boudreau

Eva Albarrán et Christian Bourdais — Studio KO

Couverture

Jean-Pierre Marois, accompagné de Samantha Hauvette et Lucas Madani, dans son nouveau projet hôtelier Les Bains Gardians en Camargue.

Photo : Karel Balas

Lucas Madani porte une veste et un jean A.P.C. Jean-Pierre Marois porte une veste A.P.C., un pantalon Samsøe Samsøe, une chemise Les Indiennes de Nîmes et Les Bains Gardians, des bottes La Botte Gardiane et Les Bains Gardians. Samantha Hauvette porte un jean Sessùn et un top Molli.

Moodern

12 — News Design, style, expos, livres, pleins feux sur les nouveautés de la saison.

MODE

En mai dernier, à Marseille, la maison de mode Chanel a dévoilé sa collection Croisière

JUIN | JUILLET | AOÛT 2024

56 Sommaire

2024/25 sur le toit de la Cité radieuse, icône architecturale signée Le Corbusier.

COLLAB

Cet été, Vanessa Bruno dévoile un vestiaire inspiré de la douceur de vivre provençale, imaginé notamment avec la maison familiale Souleiado.

EVENT

Grande ambassadrice de l’artisanat, la maison Loewe a dévoilé le 14 mai dernier, à Paris, le lauréat de la 7e édition de son Craft Prize.

Inspiration

38 — Jean-Pierre Marois

En Camargue, l’entrepreneur français ouvre un second établissement hôtelier, dont

il a confié la décoration au duo Hauvette & Madani.

44 — Marion Mailaender

Rencontre avec l’architecte d’intérieur et designer, cette année présidente du jury de la 8e édition de Design Parade Toulon.

50 — Frank Lloyd Wright

Dans le désert de l’Arizona, l’architecte a bâti une maisonatelier qui se fond dans son environnement.

56 — Aladin Borioli

L’artiste consacre un ouvrage aux Bannkörbe, des ruches gardiennes anthropomorphes en paille censées chasser le mauvais œil.

62 — Derek Jarman

Dans le Kent, l’ancienne maison du cinéaste punk anglais illustre sa vision du monde.

Photos

Charlotte

70 Sommaire

120

All about…

70 — Milan Design Week

Éditeurs, designers, galeries, mais aussi innovations, collaborations, rééditions… ce qu’il ne fallait pas manquer de l’édition 2024.

Tribu

86 — Studio KO

Au sud-ouest de Marrakech, dans le désert d’Agafay, les architectes d’intérieur Karl Fournier et Olivier Marty ont rénové une ancienne ferme berbère.

96 — Alex Boudreau

Au Mexique, dans le paysage aride de la Basse-Californie, la designer d’intérieur américaine a modelé pour sa famille un refuge hors du temps.

108 — Beatrice Faverjon

Sur l’île sauvage de Kauai, la plus ancienne de l’archipel hawaïen, la designer et céramiste française a fait d’une maison moderniste en bois un temple apaisant.

120 — Anne-Cécile Comar

À Minorque, l’architecte cofondatrice de l’agence Atelier du Pont a redonné vie à une estancia en ruines en puisant dans les codes esthétiques de l’île secrète des Baléares.

132 — Eva Albarrán et Christian Bourdais

Les galeristes et producteurs d’art contemporain nous ouvrent les portes de leur appartement familial à Madrid où sont mises en scène et en lumière les œuvres de leurs artistes phares.

Évasion

144 — Opening

À Minorque, dans le quartier arty et design de Mahón, s’installe, le temps d’un été, Tabouret, un lieu hybride tenant à la fois de la galerie d’art et de la résidence d’artiste.

150 — City Guide

Food, shopping, culture… Sélection des meilleures adresses de Minorque où flâner cet été.

156 — Food

À Minorque, le chef nomade vénézuélien Gabriel Gonzalez Andrade cuisine au feu de bois des produits qu’il met magnifiquement en scène.

160 — Adresses

Photos

Cecilia Renard

modular icon by

Fritz Haller &Paul Schäre r, Switzerland

Haller et Paul Schärer en Suisse

Édito

Jean-Pierre Marois , conteur d’histoires. Le propriétaire des Bains Paris, adresse hybride iconique de la capitale, pose sur notre couverture aux côtés de Samantha Hauvette et Lucas Madani , le duo d’architectes d’intérieur parisiens dont il s’est entouré pour son nouveau projet hôtelier, côté Méditerranée. Au cœur de la Camargue, entre étangs et marais, chevaux et famants, il ouvre Les Bains Gardians. Un autre territoire pour raconter une nouvelle histoire, de celle qui se vit, de celles qui nous lient.

Cet été se trame en Méditerranée. Du côté des Saintes-Mariesde-la-Mer en passant par Marseille, avec l’architecte d’intérieur et designer Marion Mailaender , présidente du jury de la Design Parade Toulon, que nous avons rencontrée à l’aube de ce qui promet d’être, sous son égide, l’événement de l’été. Jusqu’à l’île de Minorque, pour un bain de culture dont nous vous livrons les clés, présageant une saison estivale sous les signes de l’art et du design.

Le design, que nous décryptons également dans ce numéro, avec notre dossier spécial Salone del Mobile présentant les nouveautés et phénomènes repérés en avril dernier, à l’occasion de la Milan Design Week.

Laurine Abrieu

We are the first Climate Neutral certified rug company. We measure, offset and reduce our carbon footprint for a better future

Colorado by Inga Sémpe

Contributeurs

Charlotte Lapalus

Photographe

Née à Marseille, Charlotte a été bercée par une lumière envoûtante et les teintes éclatantes de la mer. À travers chaque image, la photographe tisse une narration visuelle qui, non seulement captive l’œil, mais transmet également une connexion profonde avec la nature fondamentale de ses sujets, imprégnant ses images d’émotion et d’un message puissant. Toujours en quête d’intemporalité, Charlotte explore l’humain, les paysages, et les scènes de la vie quotidienne qu’elle capture avec une approche picturale distinctive.

@charlotte_lapalus

Kate Berry

Photographe

Basée entre Los Angeles et Mexico, Kate est une photographe britannique autodidacte spécialisée dans les intérieurs, le lifestyle et les voyages. Elle réalise des photos commerciales et éditoriales depuis douze ans et crée des œuvres colorées, lumineuses et pleines d’âme, inspirées par la nature et les personnes qu’elle rencontre.

@katebe_

William Jess Laird

Photographe

Grâce à ses nombreuses collaborations avec des architectes, designers et artistes de renom, William parcourt le monde entier pour photographier les lieux et réaliser des portraits avec un sens aigu du naturalisme et une sophistication minimale. Il associe une approche sensible à un esprit d’aventure, créant ainsi des photographies qui transportent et donnent une forte identité à un lieu.

@william.jess.laird

Cecilia Renard

Photographe

Née sur l’île de Minorque, Cecilia commence très jeune à pratiquer la photographie, et immortalise les moindres détails de tous ses voyages avec une esthétique simple et riche de subtilité. Elle commence alors à mener des projets dans le monde entier, et collabore à des campagnes commerciales et publicitaires. Elle est récemment retournée vivre aux îles Baléares, où elle travaille comme photographe indépendante et conservatrice dans sa petite ville de Sóller, à Majorque. La lumière méditerranéenne lui apporte bonheur et inspiration.

@ceciliarenard

N O 51 | JUIN | JUILLET | AOÛT 2024

RÉDACTION

Directrice de la publication et de la rédaction Isis-Colombe Combréas

Directeur artistique Karel Balas

Rédactrice en chef Laurine Abrieu

Design graphique Quentin Hourie

Secrétaire de rédaction Carole Daprey

Responsable éditoriale web Sophie Bouchet

Rédactrice Salomé Mathieu

Assistante design graphique Émilie Cantin

Magazine

Laurine Abrieu, Nathalie Balland, Sophie Bouchet, Carole Daprey, Marie Farman, Muriel Françoise, Salomé Mathieu, Hélène Rocco, Cédric Saint André Perrin, Graziella Semerciyan

Photo

Karel Balas, Kate Berry, Jo Concetta, Adel Slimane Fecih, William Jess Laird, Charlotte Lapalus, Gilbert McCarragher, Florian Touzet, Gaëlle Rapp Tronquit, Cecilia Renard

Traduction Simon Thurston

Correspondante à Montréal Muriel Françoise – muriel@milkmagazine.fr

Correspondante à Stockholm Clara Dayet – clara.dayet@gmail.com

IMPRESSION

Imprimerie FOT

ZAC Satolas Green 69330 Pusignan, France

RÉGIE PUBLICITAIRE

Directrice marketing et brand content

Aurélie Artigaud-Agullo – aurelie@milkdecoration.fr

Chefes de projet marketing et brand content

Mandy Fixy – mandy@milkmagazine.fr

Michela Mortara – m.mortara@milkmagazine.fr

Agent Italie

Carlo Fiorucci – carlo@fiorucci-international.com

DIFFUSION

Coordination

Aurélie Artigaud-Agullo

Di f usion

Stand Up Presse

+33 (0)6 60 90 93 41

+33 (0)6 60 18 81 46

Distribution France et international

MLP / Saint-Quentin-Fallavier

ZA de chesnes. 55, boulevard de la Noirée

38070 Saint-Quentin-Fallavier

Abonnements

1 an, 6 numéros, 39,90 € (pour France métropolitaine)

Prix unitaire, 7,90 € abonnement@milkmagazine.fr

COMPTABILITÉ

—

Maria Suthanthara – maria@milkmagazine.fr

MilK Decoration est un magazine bimestriel édité par MilK.

Siège social : 13, rue Henri-Barbusse, 92230 Gennevilliers

MILK SAS au capital de 1 060 000 € d’une durée de 99 ans a pour Présidente la société PRISMA MEDIA et pour Directeurs Généraux, Isis-Colombe Combréas et Karel Balas.

RCS Nanterre B 532 152 576

—

Tous droits de reproduction réservés © 2024 Commission paritaire : 0129K91575

Dépôt légal à parution

ISSN : 2262-3701

Ce numéro contient un encart/dépliant Vanessa Bruno jeté dans le magazine pour la diffusion kiosque en régions Île-de-France et PACA. La rédaction n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Leur présence dans le magazine implique leur libre publication. La reproduction, même partielle, de tous les articles, illustrations et photographies parus dans MilK Decoration est interdite. MilK Decoration décline toute responsabilité pour les documents remis. milkdecoration.com

MUST-HAVE

Tapis sculptural

À l’occasion du centenaire de la naissance d’Eduardo Chillida et dix ans après une première collection qui lui était dédiée, l’éditeur de tapis espagnol Nanimarquina a imaginé une série de quatre pièces empreintes de poésie et inspirées de gravures réalisées par l’artiste à la fin des années 1990. “J’ai été éblouie lorsque j’ai découvert les sculptures de Chillida pour la première fois, explique Nani Marquina, fondatrice de la marque. Encore aujourd’hui, j’éprouve un sentiment très fort à son égard.” Si l’on connaît surtout le sculpteur pour ses œuvres monumentales en acier et en béton, il a aussi donné vie à des dessins subtils en noir et blanc, qui jouent sur les pleins et les vides. Réunies dans la série “Gravitations”, ces esquisses sont transposées sur trois tapis et une tapisserie tissés à la main à partir de laine et de soie. Un ensemble sensible, qui sonne comme un bel hommage.

Moodern

Dînette brutaliste

L’artiste new-yorkaise Isabel Rower imagine des objets à la fois fonctionnels et esthétiques en expérimentant la grande variété des matériaux à sa disposition : céramique, bois, porcelaine… Elle signe cette série d’objets en grès aux lignes brutalistes, mais aussi des lampes et un fauteuil imposant. Ces créations étaient exposées par la galerie Marta à Los Angeles, en mai dernier, lors de la foire NADA New York 2024.

Photos : Carlota Prats

Sean Davidson

MODERN CRAFT

Chanel à la mode phocéenne

— C’est à Marseille, sur le toit de la Cité radieuse, icône

architecturale signée Le Corbusier , que la maison de mode Chanel a dévoilé sa collection Croisière 2024/25.

TEXTE : LAURINE ABRIEU

PHOTOS : FLORIAN TOUZET

Marseille, 2 mai 2024, 11 h 30. La première silhouette de la collection Croisière 2024/25 de la maison Chanel apparaît sur le toit de la Cité radieuse. Sous les lignes d’une veste de tailleur vert anis, un gilet et sa capuche de plongée à boutons pression donnent le ton. “Le soleil, l’architecture, la musique et la danse : Marseille, c’est aussi, pour moi, un sentiment de liberté très fort. Je me suis inspirée des codes de la vie, du quotidien et de tout ce qui invite au mouvement. La mer et le vent m’ont soufé l’idée de détourner le look des combinaisons de plongée”, explique Virginie Viard, directrice de création de la Maison. S’ensuivent un répertoire de pièces brodées peuplées de petits poissons amoureux, filets de

pêche, coquillages et crustacés, des ensembles en denim, des vêtements aux reflets argentés… Des silhouettes en mouvement, libres et solaires, qui évoquent la cité phocéenne, entre rêveries sous-marines et souvenirs d’étés passés au bord de la piscine. Certaines pièces, aux motifs quadrillés et aux couleurs primaires, ne cachent pas leur référence au décor coloré du bâtiment en béton de Le Corbusier, érigé entre 1945 et 1952, aujourd’hui classé Monument historique et inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. “Marseille est une ville qui me met en contact avec mes émotions. J’ai tâché de saisir sa force, son soufe, de retranscrire l’énergie qui y règne”, ponctue Virginie Viard. ●

Photos : Florian Touzet pour MilK Decoration / Le Corbusier, Unité d’habitation, Marseille © F.L.C. / ADAGP, Paris, 2024

La possibilité d’une île

Jusqu’au 30 juin 2024, Charlotte Chesnais présente sa nouvelle collection “Shima” (“île” en japonais), chez Carmen Amsterdam, espace pluriel, à la fois boutique, café et maison d’hôtes. La designer de bijoux y dévoile une gamme de pièces (colliers, bracelets, manchettes, bagues, boucles d’oreilles et créoles) puisant leur influence du côté de Jean Arp, Isamu Noguchi, Valentine Schlegel, Henry Moore ou encore Barbara Hepworth. “Shima explore un autre processus créatif que celui du travail de la courbe, que je développe depuis dix ans, explique-t-elle. J’avais envie de quelque chose de plus massif avec des formes sculptées.” Pour célébrer ce lancement, Charlotte collabore avec son amie la mannequin, designer et architecte d’intérieur Marte Mei, qui se fait pour l’occasion égérie de la collection mais aussi créatrice d’une série de minisculptures de céramique et de verre.

Café-théâtre

Dans le quartier de Mayfair, à Londres, le studio d’architecture intérieure et de design Tutto Bene lève le voile sur son tout premier projet : le restaurant Nightingale. Un ensemble élégant et théâtral, inspiré de l’esthétique viennoise d’Adolf Loos ou de Josef Hofmann. Entre nuances de vert, touches d’acier et textiles plissés, le duo de designers signe chacune des pièces de cette nouvelle adresse. À l’instar de cette série de suspensions dessinées lors d’un voyage au Japon.

Photos : Charlotte Stouvenot ; Ludovic Balay

SPOT

On dirait le Sud

— Cet été, Vanessa Bruno dévoile un vestiaire solaire inspiré de la douceur de vivre provençale. Une panoplie aux airs d’uniforme estival, imaginée notamment avec la maison familiale Souleiado, à l’origine de tissus locaux devenus célèbres. Une collection comme un hommage aux terres de cœur de la créatrice de mode française, qui partage, pour l’occasion, ses meilleures adresses de la région. —

TEXTE

: SALOMÉ MATHIEU

Vanessa Bruno le clame depuis toujours : “La Provence est un pays merveilleux.” Provençale de cœur, la créatrice de mode a été profondément marquée par son enfance en Camargue mais aussi bercée par les souvenirs de son père nîmois. “Les parfums et les couleurs du Sud coulent dans mes veines. J’aime tout de cet endroit. Sa terre, ses arts, ses habitants, ses produits”, abonde Vanessa Bruno. Pas étonnant donc que la créatrice ait tenu à rendre hommage à cette région à l’occasion de sa collection d’été. Inspirée par les odeurs de lavande et d’oliviers, les roches rouges et la mer azur, mais aussi par l’œuvre du peintre fauve André Derain, la styliste a imaginé des silhouettes colorées et de caractère. Avec leurs volumes généreux et leurs imprimés ensoleillés, les pièces de cette collection évoquent la nonchalance des vacances et la liberté de l’art de vivre provençal. Une capsule comme un hommage, qui ne pouvait se faire sans la collaboration de Souleiado, maison de tissus iconique dans la région et ailleurs. “La maison Souleiado a toujours fait partie de mon « inconscient créatif »”, explique Vanessa Bruno. “Le musée Souleiado, situé dans un hôtel particulier de Tarascon, est une véritable caverne d’Ali Baba. Je me suis retrouvée entourée de nappes, de boutis, de chemises avec le même imprimé provençal que je portais petite. J’ai été portée et inspirée par cet univers et ce savoir-faire unique”, se souvient la créatrice. Sobrement baptisée “Vacances en Provence”, la ligne dessinée par Vanessa Bruno se compose de longues

Photo : Martin Bruno

robes vaporeuses, de chemises légères, d’ensembles coordonnés, de tops à une manche habillés, de pièces qui font la part belle à l’art de la broderie et même, pour la première fois de l’histoire de la marque, d’une série de maillots de bain. Les accessoires ne sont pas non plus en reste puisque Vanessa Bruno a réinterprété l’esprit rustique des cabas et paniers en raphia typiques dans une expression contemporaine. Déclinés en cabas XXL, en format seau ou bourse, ces sacs se transforment en compagnons de route pour l’été à toute heure de la journée. Impossible, aussi, de ne pas faire de clin d’œil aux coifes provençales typiques, appelées parfois “barigoules”, que Vanessa Bruno interprète de plusieurs façons, en paille ou en raphia. Adepte de l’upcycling, le label de mode a également réutilisé des

chutes de tissu Souleiado, transformées en trousses, chouchous et même sachets de lavande. Véritable amoureuse du pays de Marcel Pagnol,Vanessa Bruno se fait un plaisir de partager ses meilleures adresses du coin, authentiques et chaleureuses. Elle nous livre, en cadeau de ce numéro, un répertoire de dix adresses choisies avec soin et appréciées par la créatrice. Un guide comme un itinéraire entre Lourmarin et Saint-Rémy-de-Provence, Malaucène,Venasque et Avignon, qui nous emmène à la découverte d’un atelier d’artiste, de brocanteurs, d’esthètes, d’artisans de bouche et même de maisons d’hôtes. Une ode à l’art de vivre provençal et aux joies simples dont la région nous invite à faire l’expérience. ●

À gauche, robe “Theophilia”, collection capsule “Provence” de Vanessa Bruno À droite, l’atelier du musée Souleiado à Tarascon.

Page de gauche, portrait de Vanessa Bruno au musée Souleiado.

Palazzo urbain

— À Milan, c’est en lieu et place du Palazzo Venezia, l’un des bâtiments les plus emblématiques de la ville, que le Palazzo Cordusio a ouvert ses portes. — TEXTE : LAURINE ABRIEU

Érigé à l’origine entre 1897 et 1901 par Luca Beltrami pour la compagnie d’assurance Generali, le Palazzo Venezia est idéalement situé au cœur de Milan, au centre des boutiques de luxe et des expériences gastronomiques qu’ofre la Galleria Vittorio Emanuele II. C’est entre ces murs historiques que le premier établissement milanais Gran Meliá, marque de luxe du groupe Meliá Hotels International, a ouvert ses portes. Havre épicurien, à la croisée du charme espagnol et du style italien, le Palazzo Cordusio a été conçu pour raconter l’histoire de la capitale lombarde en évoquant son iconique culture du design et de la mode.

Le Studio Asah, dirigé par Alvaro et Adriana Sans, partenaires de longue date du groupe Meliá, a pris en charge la conception des 84 chambres et suites, des espaces communs, ainsi que la curation artistique et la sélection de toutes les pièces de mobilier, mettant en avant des meubles emblématiques de designers italiens et espagnols.

Textiles Rubelli, luminaires Flos, Oluce ou Foscarini, mobilier Molteni&C et Cassina, entre autres. Rooftop avec une vue exceptionnelle à 360º sur la ville, et notamment sur le Duomo, restaurants rafnés proposant une cuisine italienne et internationale, piscine intérieure, salle de sport, sauna et hammam orchestrent cette expérience d’oasis urbaine pour esthètes voyageurs. ●

Photos : DR Palazzo Cordusio

ARTISANAT

Corps et âme

À l’occasion du dernier défilé automne-hiver de Dior à Paris, l’artiste indienne Shakuntala Kulkarni a composé une scénographie puissante, qui entrait en résonance à la fois avec les silhouettes hivernales et le message féministe et empouvoirant cher à la maison de mode. Elle a donné vie à des armures en rotin poétiques mais imposantes, délicates mais protectrices. Des remparts symboliques et physiques, nés d’une expérimentation initiée en 2010 avec un groupe d’artisans spécialistes de ce médium végétal, à la fois flexible et solide.

CRÉATION

Shelf-portrait

Designer et architecte d’intérieur, Marte Mei a présenté en mai dernier le fruit de sa résidence au Schloss Hollenegg for Design, un programme pour jeunes designers créé en 2015 par la curatrice italienne Alice Stori Liechtenstein au sein d’un chateau en Autriche. La créative y a présenté son “Companion Species Cabinet”, un système d’étagères fait de hêtre, de pin et de céramique. Les pièces en céramique ont été émaillées avec des cendres de bois issues des deux mêmes espèces d’arbres. Les tons verts proviennent des diférentes régions où les arbres ont poussé, car ils résultent des nutriments que l’arbre a absorbés. Les éléments en bois ont été travaillés en collaboration avec le Studio van der zee, à partir d’espèces compagnes qui prospèrent lorsqu’elles poussent côte à côte. “La modularité des pièces en céramique souligne l’impact indirect des choix de conception sur le paysage, en utilisant le bois issu d’une forêt saine et diversifiée”, explique l’artiste. Sublime.

Photos : Lipp Zahnschirm ; Prarthna Singh

DÉCOR

Champs libres

Pensée comme un retour aux sources, la collection “Jardins” d’Édition 1.6.9 célèbre la richesse de la nature tout en interrogeant l’intervention humaine dans ces paysages vivants. Couleurs évocatrices et matières naturelles donnent vie à des tapis de caractère, noués et tissés à la main selon un savoir-faire séculaire d’exception. Des pièces de design à part entière, plus que de simples objets décoratifs, mises en scène dans le très bel hôtel Danckaert à Bruxelles, le chef-d’œuvre Art déco classé qui abrite la galerie Maniera. EVENT

Faire parade

Comme chaque été, la Villa Noailles organise la Design Parade en deux volets, entre Hyères et Toulon. Cette année, le festival dédié à l’architecture intérieure se déroulera du 28 au 30 juin 2024 à Toulon et présentera, sous l’égide de sa présidente Marion Mailaender, les scénographies de dix finalistes français dévoilées au public au cours d’expositions ouvertes jusqu’à début novembre. À Hyères, c’est Fabien Cappello qui présidera le concours pour la partie design, du 27 au 30 juin, avec des expositions à découvrir à la Villa Noailles jusqu’au 1er septembre 2024.

De plein grès

Dans le Cher, le musée de La Borne met en lumière une artiste-potière injustement tombée dans l’oubli : Marie Talbot. Née en 1814, elle a consacré sa vie à la représentation du corps des femmes, qu’elle a elle-même transposé sur de petites bouteilles et pichets figuratifs en grès. Un travail minutieux très singulier, souvent décrit comme un véritable témoignage sociologique.

EXPO

Chambres à part

— Necchi Architecture signe son premier établissement à Paris, l’hôtel Château d’Eau, en collaboration avec le groupe hôtelier Touriste. Une nouvelle adresse au décor jusqu’au-boutiste.

TEXTE : SOPHIE BOUCHET

“L’alignement des planètes était parfait”, expliquent Charlotte Albert et Alexis Lamesta, les fondateurs de Necchi Architecture. Au moment où ils ont approché Adrien Gloaguen, à la tête du groupe hôtelier Touriste, l’entrepreneur était à la recherche de nouveaux talents pour composer le décor de l’un de ses trois nouveaux hôtels de la capitale. Si Chloé Nègre a décroché le projet Beauregard, Beata Heuman celui de la rue de La Boétie, Necchi Architecture a travaillé sur l’établissement installé

dans le 10e arrondissement. Signe que cette collaboration était évidente, les architectes d’intérieur et le groupe Touriste se sont immédiatement accordés sur une vision commune, celle d’une époque incarnée par un cercle d’avant-gardistes composé de François Catroux,Yves Saint Laurent, Andrée Putman… Une certaine idée du décor que s’est approprié le duo pour ofrir une parenthèse singulière lors d’un séjour à Paris.

Pénétrer dans l’hôtel Château d’Eau donne l’impression de découvrir un

univers parallèle. Dans les chambres enveloppantes, Charlotte Albert et Alexis Lamesta ont misé sur la laque, les miroirs et la moquette pour créer une atmosphère suave. S’ils ont imaginé du mobilier exclusif pour ce projet, les fondateurs de Necchi Architecture ont également conjugué le neuf avec des pièces vintage. Un élément qui permet de rendre un lieu cohérent et vivant, selon eux. Ici, ils donnent vie à un projet global qui illustre parfaitement leur style un brin sulfureux. ●

Photos : Ludovic Balay

www.nobilis.fr

Editeur de tissus, papiers peints, mobilier et tapis

© Quentin Ducros

L’édition 2024 du Loewe Foundation Craft Prize

— Grande ambassadrice de l’artisanat, la maison Loewe a dévoilé le 14 mai dernier, au Palais de Tokyo à Paris, le lauréat de la 7e édition de son Craft Prize. — TEXTE : SALOMÉ MATHIEU

Après NewYork, Londres et Séoul, entre autres, c’est à Paris, entre les murs du Palais de Tokyo, que la maison Loewe a présenté le travail des 30 finalistes de son désormais célèbre Craft Prize. Issus de 16 pays diférents, ces artisans de talent ont été sélectionnés parmi près de 4 000 candidatures. Cette année, le jury, composé de personnalités issues des mondes du design, de l’architecture et du journalisme, a récompensé le travail d’Andrés Anza, artisan mexicain. Le créatif signe une œuvre en céramique étonnante intitulée I only know what I have seen. Sorte de totem imposant, cette œuvre fait écho au monde végétal et marin. Impressionné par la qualité et la diversité des finalistes, qui travaillent aussi bien le bois, le textile, la vannerie ou encore le papier, le jury a tenu à saluer les créations de trois autres artisans, que sont Miki Asai, artisane japonaise qui a façonné des mini-bagues sculpturales, le

Français Emmanuel Boos, qui signe une table basse en briques creuses de porcelaine, et le Coréen Heechan Kim, et sa création délicate en frêne et fil de cuivre. Des œuvres à la croisée de l’art et de l’artisanat, qui témoignent de l’intérêt sans cesse renouvelé de la maison Loewe pour les savoir-faire. ●

Totem I only know what I have seen, en céramique, du Mexicain Andrés Anza, grand lauréat du Loewe Foundation Craft Prize 2024. Œuvre Weeping Willow Women, en céramique, de l’Américain Raven Halfmoon. Table Primitive Structures (Botanical), en bois composite et pigments, du Coréen Weon Rhee.

Photos

Auteur & Éditeur.

DÉCOR

Union sacrée

L’éditeur de tapis Nordic Knots multiplie les collaborations inspirantes. Dernièrement, le label suédois s’est associé à l’artiste française Garance Vallée et à l’architecte d’intérieur new-yorkais Giancarlo Valle pour concevoir des collections capsules hautement désirables. Ce printemps, la marque a investi la Galerie Was à New York pour mettre en scène sa collection “Jute”. Des pièces en fibres végétales naturelles qui s’expriment pleinement dans cet espace ponctué de mobilier vintage. Soit deux univers qui se conjuguent en parfaite harmonie.

Success story

Le label de design italien Molteni fête ses 90 ans avec la sortie d’un ouvrage chez Rizzoli. Retraçant son histoire et ses plus belles collaborations avec des grands noms du design – Vincent Van Duysen, Jean Nouvel, Tobia Scarpa –, ce livre ofre une plongée dans les processus de fabrication à la fois technologiques et artisanaux, et la quête de durabilité de l’entreprise familiale.

En grande pompe

Cet été, les pièces iconiques de Birkenstock 1774, ligne luxe du label allemand, se parent de nouveaux tissus aux accents californiens. L’énergie singulière de Los Angeles dicte l’esprit de la collection “Eternal Sunshine”, qui sortira en deux temps. En juin, les modèles “Arizona” et “Milano” dévoilent des looks en raphia et Plexiglas, tandis qu’en août, la “Madrid” est habillée d’un cuir glacé. Notre coup de cœur ? Les sabots “Eliscu” en denim lavé à la pierre, matelassés avec des coutures apparentes, et pensés pour être sublimés par la patine du temps qui passe.

Photos

William Jess Laird ; Clara Balzary –Style : Tiff Horn ; DR

Rizzoli, Molteni&C.

LIVRE

STYLE

De nos ateliers à votre intérieur

En tant qu’entreprise familiale, nous savons exactement ce qui entre dans la composition de nos peintures. Nous fabriquons des peintures écologiques dans notre propre usine située sur les contreforts de Snowdonia, dans le nord du Pays de Galles, en utilisant uniquement des ingrédients de la plus haute qualité. Ceux-ci sont mélangés par notre équipe dévouée qui crée des peintures aux magnifiques couleurs utilisées depuis des générations.

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L’énergie de la terre

— Au printemps, l’atelier sicilien Ninefifty , spécialisé dans la fabrication de carreaux en terre cuite, a révélé sa première collaboration avec l’architecte et designer Elisa Ossino. Présentée au Salone del Mobile 2024, elle a donné lieu à deux collections, baptisées “Zeusi ”et “ Pitagora ”.

TEXTE : HÉLÈNE ROCCO

Leur famille travaille l’argile et la pierre de lave de l’Etna depuis toujours. Ensemble, les frères Nicolò, Fausto et Alessandro Parrinello ont fondé Ninefifty dans le village de Caltagirone, connu pour sa tradition de la céramique. Devenu leur marque de fabrique, le fait-main permet de créer des carreaux singuliers qui subliment l’imperfection du geste. À travers la collaboration avec Elisa Ossino, le label italien souligne le caractère expressif des matériaux et esquisse un nouveau langage décoratif. En avril dernier, au Palazzo Bovara à Milan, les spectateurs ont découvert deux séries faisant écho à la géométrie euclidienne de l’Antiquité grecque. Majestueuse, la première, “Zeusi”, est réalisée en pierre de lave émaillée par un potier, et composée de motifs hexagonaux allongés à l’aspect velouté. La seconde, “Pitagora”, renvoie à la continuité et à la perfection en mettant à l’honneur le cercle sur des carreaux en terre cuite vernissés sans plomb. Installée dans une ancienne usine, l’entreprise souligne ainsi son engagement pour une production durable : les grands fours électriques sont alimentés par des panneaux photovoltaïques, les déchets de production sont valorisés et les eaux de traitement, réutilisées. Si cet artisanat est millénaire, le processus de fabrication, lui, est en accord avec son temps. ●

Photos : Serena Eller

Vainicher ; Adel Slimane Fecih

Bel usage

Séléné, la déesse grecque de la pleine lune, a inspiré à Puiforcat une nouvelle collection en argent massif. Associée à la maison d’orfèvrerie, l’artiste turco-danoise Alev Ebüzziya Siesbye emprunte à la céramique son médium de prédilection, ses courbes organiques et dévoile trois bols et trois vases qui semblent flotter dans les airs.

EXPO

Carte cime

Le Britannique Alex Tieghi-Walker, fondateur de la Tiwa Gallery à New York, y présente, du 21 juin au 18 juillet 2024, l’exposition collective “Coetir” (ou “forêt” en français). Un clin d’œil au folklore celtique qui considère les bois comme des portes d’entrée vers l’autre monde. Vingt artistes et designers, parmi lesquels Dana Arbib, Rafael Prieto, Vince Skelly et Ido Yoshimoto, explorent ces rites dans une installation pensée comme un cercle cérémonial.

Bain de soleil

Le label Sœur signe sa première ligne de maillots de bain, imaginée avec la marque vénitienne Lido. Une collaboration au sommet, qui voit naître trois modèles – une et deux-pièces – élégants et sculptants, aux couleurs évocatrices : Pistacchio, Caramello, Bacio. Une panoplie confectionnée en Italie, complétée par une jupe portefeuille à larges rayures et une robe liquette en voile de coton. Des essentiels ultradésirables.

Photos

DR Puiforcat

Ben Beagent

Brian W. Ferry, 2024; courtesy

Brian W. Ferry and TIWA Select

STYLE

MODERN CRAFT

Entre soie

Depuis longtemps l’artiste new-yorkaise Simone Bodmer-Turner rêvait d’expérimenter d’autres matières que l’argile. Sa récente installation dans la campagne du Massachusetts lui a permis de laisser libre cours à sa créativité. L’exposition “A Year Without a Kiln”, à la Emma Scully Gallery à New York, donne à voir, jusqu’au 22 juin 2024, des objets en bronze, bois laqué et soie, dans l’intimité d’un salon ancien, où pointe sa fascination pour les œuvres de Diego Giacometti, d’Alexander Calder, d’Isamu Noguchi, et le design Shaker. Une révélation.

Did you say wood?

Jusqu’au 29 décembre 2024, la Fondation d’entreprise Martell présente la première rétrospective européenne du sculpteur américain JB Blunk (1926-2002). Orchestrée sous le commissariat de sa fille Mariah Nielson et d’Anne-Claire Duprat, directrice de la Fondation, et avec la contribution de la curatrice Anne Dressen, l’événement baptisé “Continuum” rassemble plus de 200 œuvres et documents permettant d’appréhender son approche singulière, à la croisée de l’art et de l’utilitaire, en dialogue constant avec son environnement.

Bras de fer

En mai dernier, lors de la New York Design Week, le studio de design Pelle, mené par Jean et Oliver Pelle, présentait ses dernières créations. Mises en scène à la façon de petites scènes domestiques dans l’exposition “Far and Wide”, ces pièces témoignent du goût éclectique du duo, inspiré aussi bien par la délicatesse des paysages coréens et l’esthétique citadine de Los Angeles que par l’ère du modernisme. Les designers dévoilaient notamment leur série de luminaires “Helm”, conçus à partir de plaques d’aluminium soudées. Des lampes sculpturales et minimales, déclinées en appliques, suspensions ou à poser.

Photos

DESIGN

Photo : Karel Balas

INSPIRATION

En plein cœur du parc naturel régional de Camargue, les cabanes de gardians composent le décor du second établissement du projet hôtelier mené par Jean-Pierre Marois, en collaboration avec le studio parisien Hauvette & Madani.

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Photo : Karel Balas

Conteur d’histoires.

— Après Les Bains Paris, Jean-Pierre Marois poursuit son projet hôtelier avec un second établissement français.

Cet été, il ouvre les portes des Bains Gardians, une propriété à l’architecture singulière ancrée en plein cœur du parc naturel régional de Camargue. Cet ensemble de mas provençaux et de cabanes de gardians, au décor cohérent et en harmonie avec la nature environnante, marque la première collaboration entre l’entrepreneur et le studio parisien Hauvette & Madani .

TEXTE : SOPHIE BOUCHET PHOTOS : KAREL BALAS

Photos : Karel Balas

Photo

Photos : Karel Balas

Une cinquantaine de cabanes de gardians composent le domaine. Ces abris à l’architecture singulière étaient construits par les vachers et les bergers pour garder les bêtes dès le xviiie siècle.

À l’origine producteur de cinéma, JeanPierre Marois sait conter les histoires. Son premier hôtel, Les Bains Paris, est une histoire de famille, celle d’un bâtiment emblématique de la capitale hérité de son père, mais aussi une adresse qui s’est sans cesse renouvelée. D’abord lieu de bien-être, puis club mythique, Les Bains Paris s’afrme désormais comme un lieu hybride, à la rencontre entre un hôtel, un restaurant, un bar, un centre d’art… Après une décennie à faire revivre ce lieu guidé par une vision bien définie, l’entrepreneur s’est lancé dans le développement de son groupe hôtelier avec un second établissement.

“Ceux qui me connaissent et fréquentent Les Bains Paris pourraient penser qu’il s’agit d’un pas de côté”, avance Jean-Pierre Marois à propos de ce nouveau projet. Après un pop-up à Tulum en 2019, il est pourtant convaincu que son concept peut être transposé sous la forme d’un resort dans une destination sauvage. Si on pouvait l’attendre à Ibiza ou à SaintTropez, l’hôtelier a un coup de foudre pour une propriété en vente située en Camargue. À quelques minutes de la ville des Saintes-Maries-de-la-Mer, deux hôtels mitoyens construits par deux familles dans les années 1960 se déploient au sein d’un terrain de 4 hectares. Une cinquantaine de cabanes de gardians composent le domaine. Ces abris à l’architecture singulière étaient construits par les vachers et les bergers pour garder les bêtes dès le xviiie siècle. Autre spécificité de l’hôtel, il abrite des arènes à ciel ouvert, des écuries, deux piscines, des étangs avec des flamants roses… Un projet original un peu mal-

mené par ses propriétaires successifs et que Jean-Pierre Marois s’emploie à métamorphoser en effectuant un retour à l’essentiel dans une expression luxueuse et authentique.

“Selon moi, le design d’un hôtel est fondamental. C’est l’une des étapes que je préfère”, explique Jean-Pierre Marois. Pour donner vie à sa vision, il se tourne vers le duo Hauvette & Madani, avec lequel il collabore pour la première fois. Épaulés par Julie Barrau, antiquaire et curatrice installée à Arles, les deux architectes d’intérieur parisiens se prêtent à l’exercice avec la volonté de créer un mode de vie, un projet loin du maximalisme et des clichés. Leur intention s’afne au fil des visites sur la propriété. “C’était un travail d’archéologie. On a trouvé des éléments que l’on a revampés. On a mis la main sur des cartes postales des années 1960 pour se plonger dans l’ambiance. Et on a remarqué que les motifs identitaires – le trident, le soleil, la tête de taureau – étaient partout”, racontent Samantha Hauvette et Lucas Madani.

Ensemble, ils décident de se laisser guider par l’architecture des cabanes de gardians, en particulier par leurs toits de chaume asymétriques très particuliers, conçus pour résister aux vents dominants. Ils façonnent une enveloppe épurée dans laquelle le décor s’impose avec évidence. “Avec Julie Barrau, nous avons sélectionné ce qu’aurait pu être du mobilier de famille. Nous avons fait le choix d’intégrer des touches rustiques et d’autres plus pop, des années 1960, 1970, voire 1980. Mélanger les époques, c’est la meilleure manière de donner un esprit accueillant”, justifient-ils. Pour faire

perdurer l’esprit des lieux, ils imaginent des rideaux au motif “mouches” à très grande échelle, une collaboration avec le label local Les Indiennes de Nîmes. Les couvertures au motif de damier évoquent celles des gardians, tandis que les carreaux placés au-dessus des lavabos afchent des illustrations typiques (les fameuses têtes de taureau, le soleil)… Pour chaque étape, Jean-Pierre Marois et le studio Hauvette & Madani se sont reposés sur des savoir-faire locaux et des talents de la région.

Institution de ses débuts dans les années 1960 jusque dans les années 2000, le restaurant du Pont des Bannes renaît dans une esthétique presque figée dans le temps. “Comme tout le monde, j’adore aller à la Colombe d’or à Saint-Paul-de-Vence, une adresse restée dans son jus. J’ai exprimé le souhait que le Pont des Bannes donne cette même impression, celle d’une auberge ancienne”, explique Jean-Pierre Marois. Poumon des lieux au décor rustique, cette adresse est également un rendez-vous festif, dans le prolongement du bar et restaurant Roxo à Paris. Elle est dotée d’une centaine de couverts à l’intérieur, d’une soixantaine en terrasse et d’une incroyable piscine en forme de haricot. L’esprit des Bains Paris y régnera avec des DJ résidents et de passage, ainsi qu’une carte de cocktails sur mesure et une cuisine locavore qui déroule des classiques méditerranéens. Une seconde histoire orchestrée par l’hôtelier qu’il continuera de raconter avec de nouvelles suites et villas et un plus grand Spa en 2025, toujours en collaboration avec le studio Hauvette & Madani. ●

Marion Mailaender, présidente. L’architecte d’intérieur et designer a été nommée présidente du jury de la 8 e édition de la Design Parade Toulon, le volet architecture intérieure de l’événement estival organisé par la Villa Noailles et fondé par Jean-Pierre Blanc . Rencontre dans ses nouveaux bureaux à Marseille.

TEXTE : MARIE FARMAN PHOTOS : CHARLOTTE LAPALUS

Photo

Étagères Ettore Sottsass et Marco Zanini pour Franz Leitner. Applique coquillage d’André Cazenave. Vases de la collection “Jardin Public” de Marion Mailaender.

Page de droite, en bas, prototype de colonne conçu avec Ravel pour la Design Parade. Table de la collection “Jardin Public”.

Photo : Charlotte Lapalus

M.F. Pouvez-vous nous présenter votre nouveau lieu de travail dans lequel vous êtes installée depuis quelques mois ?

M.M. Cet espace, que je partage avec l’agence Jaune et l’architecte Marie Imbert, était l’atelier de céramique de Maggy Champsaur, la mère de l’architecte d’intérieur François Champsaur. Nous avons racheté et rénové ce lieu de 110 m2, très haut de plafond, à la fois brut et industriel, car c’était une ancienne cordonnerie. Je l’ai aménagé avec certaines de mes créations, des prototypes, des œuvres et du mobilier de bureau que j’ai récupéré quand mon père a pris sa retraite, notamment une table de réunion et ses chaises, ainsi qu’une plante verte en plastique qu’il avait depuis quarante ans !

M.F. Vous êtes présidente du jury de la 8e édition du festival Design Parade Toulon consacré à l’architecture d’intérieur. Ce concours est un véritable révélateur de jeunes talents. Que représente ce rôle, pour vous ?

M.M. Le festival soutient activement la jeune création. J’avais moi-même candidaté après mes études et je n’avais pas été retenue. C’est d’autant plus drôle d’y être invitée aujourd’hui en tant que présidente. De manière générale, j’aime aller vers des choses que je ne connais pas et qui m’interpellent, ce que j’ai déjà pu vivre l’année dernière en tant que membre du jury présidé par Noé Duchaufour-Lawrance, pour la section design. Les candidats qui participent au festival nous donnent un éclairage sur l’architecture et le design de demain.

Les candidats qui participent au festival nous donnent un éclairage sur l’architecture et le design de demain.