Missions Étrangères : pour la vie des peuples du monde

Page 1

Juin 2014

Pour la vie des peuples du monde

Le tsunami au japon 3 ans plus tard

Dossier Stage au Kenya L’audiovisuel au service de l’évangile

Portrait de Denis Castonguay, p.m.é.


3 MOT DE LA RÉDACTRICE Déplacer les girafes et tasser les éléphants

4 DOSSIER STAGE AU KENYA 5

Un voyage pour se retrouver

8

Un monde de différences

5

10

Kibera Un lieu d’accueil pour les jeunes du Québec

11

L’importance de la solidarité

12

Sortir de sa zone de confort

14

Mai roule en grand pour la Fondation le Pont

16 Juin 2014, volume 36 no 8

16 PROFIL

L’audiovisuel au service de l’Évangile

20 LA JOIE DE L’ÉVANGILE

Les souliers de François en mission au cœur du peuple

24 TÉMOIGNAGE Un jour de plus

25 PHOTOREPORTAGE

25

Le tsunami au Japon 3 ans plus tard

30 NOUS NOUS SOUVENONS Onil Métivier, p.m.é.

31 CLIN D’ŒIL

Grue en origami sur la plage de Minamisanriku

Direction et administration Bertrand Roy, Hélène Perreault Rédaction et édition Bertrand Roy, Marie-Hélène Côté, Claude Dubois Comité de rédaction Claude Dubois, François Gloutnay, Renaude Grégoire, Marie-Laure Joly, Charlemagne Ouellet Photo Marie-Hélène Côté Révision Charlemagne Ouellet, Monique Roussin Graphistes Folio et Garetti Imprimerie Impressions Idesign TITRE LÉGAL : «La Société des Missions-Étrangères de la province de Québec». Pour les provinces mari­times et les États-Unis : «La Société des Missions-Étrangères». DÉPÔT LÉGAL : Bibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada (ISSN 0026-6116) Membre de l’A.C.P.C. (Association canadienne des pério­diques catholiques) Magazine d’information missionnaire publié cinq fois par année par la

PAGE DE COUVERTURE À la mémoire des victimes du tsunami de mars 2011 au Japon CRÉDIT PHOTO

2

Ever Amador

missions étrangères ¿ juin 2014

Société des Missions-Étrangères 160, Place Juge-Desnoyers, Laval (Québec) H7G 1A5 Tél. : 450 667-4190 Tél. sans frais : 1-888-667-4190 Téléc : 450 667-3006 revueme@smelaval.org // www.smelaval.org

Numéro d’enregistrement d’organisme de charité : 10798 8511 RR0001 Abonnement : Hélène Perreault / helene@smelaval.org 1 an : 15 $ 1 an soutien : 20 $ 2 ans : 25 $ 2 ans soutien : 30 $ Le numéro : 3$ Envoi de Poste - publications - N° de la convention 00400 62 800 Tirage : 10 000

www.smelaval.org


MOT DE LA RÉDACTRICE par Marie-Hélène Côté

Déplacer les girafes et tasser les éléphants

P

artir à la recherche de photos, c’est la face cachée du travail de conception d’une revue. Régulièrement, il nous arrive de recevoir un bon article sans photo pour l’illustrer. Alors on fouille dans nos archives, on sollicite les gens sur le terrain et parfois on trouve des photos une semaine après l’impression de la revue… Donc quand François Guilbault, le responsable du stage au Kenya (objet du dossier de ce numéro), m’annonce au téléphone qu’un site hébergeant des photos de leur expérience avait été mis en ligne, je vous laisse deviner l’effet que ses paroles ont eu sur moi. C’est un peu comme gagner une participation à la Poule aux œufs d’or. On ne sait pas combien d’argent on va remporter, mais une chose est certaine, on ne repartira pas les mains vides. En plus, on aura rencontré Guy Mongrain, ce qui n’est pas à négliger! Tout de suite après avoir raccroché le téléphone, je me précipite sur mon ordinateur. Je tape l’adresse du site et compose le mot de passe. Mon cœur bat au rythme des quelque 800 photos qui défilent à l’écran. Je suis tombée sur le gros lot, me dis-je! Mais, de toute évidence, il y a un « mais ». Des 800 photos, la moitié sont des doublons. Jusque là, rien de grave, il en reste tout de même 400. Mais je réalise que ces 400 photos représentent en grande majorité des animaux africains! Ne vous m’éprenez pas : j’adore les girafes, j’ai un penchant pour les éléphants et je trouve même les singes attachants. Mais ces images de safari étaient-elles représentatives de ce que les étudiants de l’École secondaire de Bromptonville avaient vécu au Kenya?

CRÉDIT PHOTO

Je ne vous donne pas la réponse. Pour le découvrir, il vous faudra lire notre dossier. Je vous laisse toutefois un indice : parmi ces photos se trouvaient des perles. Il fallait juste déplacer un peu les girafes et tasser légèrement les éléphants…

Jambo Kenya

J’ai tout de même conservé cette photo, prise au Giraffe Centre de Nairobi, et pour laquelle ma graphiste et moi avons eu un véritable coup de foudre. Car avouons-le, ce n’est pas tous les jours qu’une girafe vous regarde dans les yeux!

La nouvelle orthographe À l’instar d’un nombre croissant de publications québécoises, nous adoptons à partir de ce numéro les 10 règles de la nouvelle orthographe. Ainsi, avons-nous rectifié la graphie de plusieurs

mots. Pour connaitre ces règles, je vous invite à consulter le document mis en ligne à l’adresse suivante : www.orthographe-recommandee. info/miniguide.pdf

missions étrangères ¿ juin 2014

3


Dossier

stage au kenya En février dernier, nos missionnaires du Kenya accueillaient 21 adolescents de l’École secondaire de Bromptonville. Après plus d’un an de préparation, le groupe d’étudiants débarquait avec leurs quatre accompagnateurs à Nairobi sous un soleil de plomb. Leur objectif : vivre un stage de sensibilisation en terre africaine. Voici le récit de ceux qui les ont reçus et de quelques-uns des participants. CRÉDIT PHOTO

Jambo Kenya


Dossier › Stage au kenya par Bernard Duquette, p.m.é.*

Un voyage pour se retrouver C’est avec joie que je revois ce beau groupe de 21 jeunes âgés de 16 à 18 ans de l’école Sacré-Cœur de Bromptonville et leurs quatre accompagnateurs, un mois et demi après leur retour du Kenya. Par petits groupes de trois, ils présentent aux élèves de secondaire I et II les photos de leur stage qui, de façon évidente, les a profondément remués. Une telle expérience interculturelle ne s’improvise pas toutefois. Elle est le fruit d’une longue préparation. (Bernard Duquette)

E

n vue de leur séjour au Kenya, les étudiants nous avaient envoyé des courriels exprimant leurs attentes et leurs craintes. On y lisait le désir de connaitre une nouvelle culture, d’entrer en contact avec une autre réalité et de découvrir la nature sauvage du pays. On sentait qu’ils voulaient « sortir de leur zone de confort ». Par ailleurs, ils nous faisaient part de leurs appréhensions concernant les insectes, la nourriture, les conditions d’hygiène et les risques d’infections. Si certains craignaient de s’ennuyer de leur famille, d’autres en revanche avaient peur « de ne pas avoir peur » !

La clé pour s’ouvrir à la différence Après avoir pris connaissance de leurs attentes, Sonia Allaire et moi avons établi un itinéraire permettant aux élèves de Bromptonville d’entrer progressivement dans cette réalité africaine à la fois incroyablement riche, mais aussi particulièrement dure pour la majorité de la population. Nous ne voulions pas les conduire trop rapidement dans les zones de grande pauvreté matérielle comme le bidonville de Kibera ou les villages massaïs. Précisons que les Massaïs ne sont pas des gens pauvres au Kenya, même si leurs conditions de vie, à notre point de vue, demeurent rudimentaires.

Rapidement, nous avons eu l’intuition que tout allait se jouer dans la rencontre des personnes et particulièrement entre jeunes du même âge. Était-ce la clé qui allait

À Namanga, les jeunes stagiaires rencontrent les Massaïs, un peuple semi-nomade qui vit de l’élevage de petit bétail. En signe d’accueil, les Massaïs exécutent une danse composée de sauts, à laquelle les stagiaires sont invités à se joindre. CRÉDIT PHOTO

Jambo Kenya

Rapidement, nous avons eu l’intuition que tout allait se jouer dans la rencontre des personnes et particulièrement entre jeunes du même âge. missions étrangères ¿ juin 2014

5


permettre à nos étudiants de s’ouvrir à une réalité si différente de la leur? Nous étions confiants. Une entrée progressive dans la culture Comme prévu, les jeunes de Bromptonville sont entrés doucement dans la réalité africaine en découvrant la beauté des paysages kenyans que les récentes pluies rendaient particulièrement luxuriants. À Limuru, ils ont arpenté les immenses plantations de thé dont le Kenya est l’un des principaux pays exportateurs. À Navaisha, ils ont échangé avec les jeunes du Children Rescue Centre, un centre de réhabilitation pour enfants de la rue. Ils ont été surpris d’apprendre que l’organisme était en partie financé par l’entreprise horticole dont ils avaient visité les serres le matin même. En effet, leurs fleurs sont vendues sur le marché européen un euro de plus afin de soutenir l’oeuvre. Le lendemain, après avoir participé à la messe dominicale (une activité peu pratiquée pour la plupart d’entre eux, mais qu’ils ont vraiment appréciée), nous les avons conviés à un BBQ à notre Maison régionale de Nairobi. Ils ont alors fait la connaissance des jeunes qui, 6

missions étrangères ¿ juin 2014

Les participants du stage de sensibilisation et leurs accompagnateurs. Rangée du bas, de gauche à droite : David-André Coronel-Pelletier, Samuel Beaulieu, Louirick Paquette, Nicolas Gordon, Charles-Édouard Dostie-Vigneault, Lucas Noël et Shawn Langlois. Rangée du haut, de gauche à droite : Onil Fontaine, Claudia Côté, Maude St-Laurent, Anne-Sophie Debeats, Léonie Métivier, Cynthia Lauzé, Chloé Audy, François Guilbault, Michaël Phaneuf, Mirka Gauthier, Malory Marois, Véronique Langlois, Jordan Abran, Raphaël Bélisle, Jacob Morin, Alex Nadeau, William Bruneau et Claude Guertin. CRÉDIT PHOTO

dans quelques jours, allaient les guider dans le bidonville de Kibera. Des liens d’amitié se sont rapidement tissés. Au cours du repas, une

Fallait-il que ces jeunes aillent au bout du monde pour poser un regard neuf sur les personnes qui les entourent ou pour accomplir les gestes simples qui leur ont été mille fois suggérés? troupe de danseurs, d’acrobates et de percussionnistes leur en a mis plein la vue et, une fois la glace brisée, tout le monde s’est joint aux danseurs. C’était vraiment beau à voir! Le lendemain, nos étudiants

Jambo Kenya

sont partis pour la ville de Namanga située en territoire massaï sur la frontière de la Tanzanie. Au coeur de l’expérience africaine Les dix jours qui ont suivi furent mémorables aux dires des jeunes. En côtoyant les Massaïs, ils ont réalisé qu’on peut vivre avec peu et que, dans la brousse, tout devient relatif! Le cadre naturel enchanteur et la joie si contagieuse du peuple massaï vous enlèvent toute envie de vous plaindre, même des puces, des mouches et des toilettes artisanales, nous disaient-ils. Une fois de retour à Nairobi, un exercice délicat les attendait : la visite du bidonville de Kibera. Les jeunes Africains rencontrés lors du BBQ sont devenus ce jour-là des guides et des références pour le groupe. Plutôt que de présenter le bidonville sous l’angle de la pauvreté, ils ont pris le temps de leur


faire découvrir sa richesse et son dynamisme. Après cela, les jeunes stagiaires saisissaient mieux que la vraie richesse d’un homme ne réside pas dans l’argent qu’il possède, mais dans les valeurs humaines qu’il porte.

mille fois suggérés? Il faut croire que oui, car c’est en quittant leur « bulle » familière, remplie de gadgets de toutes sortes, que ces jeunes ont pu faire l’expérience du « vivre autrement » avec, disons-le, une grande ouverture d’esprit.

certains vivaient avec le virus du SIDA. Impressionnés par les qualités humaines des personnes qu’ils ont rencontrées, seront-ils dorénavant plus sensibles à leur sort? Ces jeunes du Québec, remplis de talents et de grands rêves d’humanité,

Impressionnés par les qualités humaines des personnes qu’ils ont rencontrées, seront-ils dorénavant plus sensibles à leur sort? De retour au Québec Devant les élèves de leur école, les stagiaires n’ont jamais fait écho dans leurs présentations des craintes qu’ils nous avaient exprimées au départ. C’est comme si, au fur et à mesure de leur séjour, le « moi » avait perdu du terrain et « l’autre » en avait gagné… Force est de constater qu’une sorte d’alchimie s’était opérée. Ce qui apparaissait au départ comme de la pauvreté s’était transformé peu à peu en une richesse inattendue! Comme l’affirmait un des étudiants : « Ces gens-là ont découvert quelque chose que nous n’avons pas… Ils n’ont rien, mais ils sont heureux et savent pourquoi ils vivent! ». Un autre a formulé la même idée ainsi : « La richesse, ce n’est pas ce que tu peux avoir mais ce que tu es capable de donner. » Éloquent, n’est-ce pas! D’ailleurs, parmi les témoignages que j’ai entendus à Bromptonville, voici les paroles qui m’ont le plus marqué. « Avant, j’étais toujours dans ma chambre, maintenant je suis plus avec ma famille. » Et encore : « Mon père et moi on se chicanait souvent… Maintenant on fait plein de trucs ensemble! » Enfin : « J’ai pris conscience de plein de choses… Par exemple, je fais plus attention à l’eau et je ferme le robinet quand je me brosse les dents. » Un voyage qui change la vie Fallait-il que ces jeunes aillent au bout du monde pour poser un regard neuf sur les personnes qui les entourent ou pour accomplir les gestes simples qui leur ont été

Mais attention, cette expérience n’a pas commencé au Kenya. Elle est le fruit d’une longue préparation de deux ans pilotée par François Guilbault et son équipe. François a cheminé avec la Société des Missions-Étrangères pendant quatre ans, dont deux à Nairobi (2002 à 2004). C’est notamment à cause de ce lien que nous avons accepté de recevoir ses étudiants. Et, selon toute probabilité, ce ne sera pas la dernière fois. Vers une nouvelle forme d’animation missionnaire? Sans aucun doute, une expérience comme celle-ci contribue à éveiller le Québec à la réalité missionnaire qui nous tient à cœur. Ces jeunes deviennent de véritables animateurs et animatrices dans leur famille et leurs milieux de vie. Durant trois semaines, ils ont cheminé avec des jeunes de leur âge qui, malgré les énormes défis qu’ils rencontrent, leur ont partagé leurs espoirs. Ils ont été témoins du courage de leurs homologues, dont

« Une troupe de jeunes artistes locaux donnent une représentation lors du BBQ organisé à la Maison régionale de Nairobi. Après quelque temps, tout le monde emboite le pas aux danseurs. CRÉDIT PHOTO

José Domingos Damasceno

se sont abreuvés à une source d’espérance et de foi qu’ils n’avaient pas prévue au départ et dont ils ne soupçonnaient pas l’existence. Et pourtant, ce désir était profondément ancré en eux! Ils témoignent aujourd’hui de cette vie reçue. Si ce n’est pas ça annoncer la Bonne Nouvelle… alors, c’est quoi? Jésus ne disait-il pas : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et la vie en abondance. » ¿ * Originaire de Bromont (St-Hyacinthe), il a été missionnaire au Pérou, au Kenya et il a travaillé au Service de la formation au Canada. L’hiver dernier, Bernard était le responsable du groupe missionnaire du Kenya. Il est de retour au pays depuis le mois d’avril. beduq2012@gmail.com

missions étrangères ¿ juin 2014

7


Dossier › Stage au kenya par Sonia Allaire, missionnaire laïque associée*

Un monde de différences On dit que les rêves ont des ailes. Eh bien, ces ailes m’ont transportée jusqu’au Kenya. Ce rêve d’un monde plus humain, je veux depuis longtemps le partager avec d’autres. C’est donc dans cet esprit que j’ai organisé, en collaboration avec mes confrères missionnaires et amis kenyans, la visite des étudiants de Bromptonville. (Sonia Allaire)

I

l y a plus de 25 ans, je quittais le nid familial pour aller apprendre l’anglais à Toronto alors que je n’avais que 18 ans. Dès mon arrivée, j’y ai fait la connaissance d’une famille d’origine chilienne qui demeurait sur la même rue, à deux pas de mon appartement. Après quelques contacts seulement, je suis tombée en amour avec ces Chiliens! C’était la toute première fois de ma vie que je nouais des relations avec des gens d’une autre culture. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais j’ai éprouvé une grande joie à 8

missions étrangères ¿ juin 2014

côtoyer des « étrangers ». Était-ce la différence qui m’attirait ou le gout d’explorer d’autres horizons? Je n’en savais trop rien. Après ce séjour d’immersion à Toronto, je suis revenue au Saguenay pour constater que mes amis ne me reconnaissaient plus. Effectivement, j’avais beaucoup changé. On aurait dit que fréquenter des gens d’une autre culture m’avait donné des ailes. Après cette année-là, je ne cherchais plus qu’à m’envoler au loin. Je ressentais comme un appel plus fort que tout.

Sonia Allaire vit à Namanga depuis deux ans. Dans le cadre de son travail, elle rencontre les femmes Massaïs qu’elle apprend à mieux connaitre de jour en jour. CRÉDIT PHOTO Sonia Allaire

Je décidai donc à l’âge de 40 ans de me dépouiller de tous mes biens et de quitter mon beau Saguenay pour me joindre à la Société des Missions-Étrangères. Après quelque temps, je m’envolais pour le Kenya. Un rêve qui se réalise Depuis aout 2012, j’ai les deux pieds en Afrique et je vis intensément chaque jour qui se présente à moi.


Consciente que la vie missionnaire n’est pas à la portée de tous, je ressens constamment un profond désir de partager avec le plus grand nombre les trésors qui m’habitent, reçus au contact de l’autre. Encore mieux que de simples images et récits sur un blogue ou une page Facebook, je rêvais depuis longtemps d’accueillir des gens pour leur faire vivre une courte, mais intense expérience des joies de la mission. Je désirais que d’autres, comme moi, sentent le bonheur du partage, la joie des échanges interculturels et religieux, mais surtout qu’ils connaissent la vraie richesse des pauvres. Jamais au grand jamais, je n’aurais pensé que ce rêve était sur le point de se réaliser lorsqu’on me demanda de coordonner les activités d’un groupe de jeunes étudiants qui se préparaient à venir nous voir au Kenya. Débordante de joie, je souhaitais qu’ils aient la chance d’expérimenter en trois semaines ce qu’il m’avait fallu des années à découvrir! Mon objectif le plus profond était de toucher leur cœur. Je voulais que ces jeunes retournent au Québec, conscients que la richesse nait de la différence et que l’humanité devient plus humaine en acceptant les valeurs des autres. Connaitre et améliorer le monde Avant de les voir arriver, ces jeunes, j’éprouvais une certaine crainte, non pas pour la tournée touristique de la ville de Nairobi, mais plutôt pour la visite que nous devions faire chez les Massaïs et les déplacements à travers le bidonville de Kibera. Pourtant, aller dormir chez les Massaïs et prendre le pouls d’un bidonville faisaient partie de l’expérience missionnaire qu’on voulait leur faire vivre, mais en même temps, on appréhendait leurs réactions. Allaient-ils avoir peur, avoir le cafard, le mal du pays, angoisser ou paniquer? Il y avait les enjeux de la sécurité aussi. Allaient-ils écouter les consignes assidument? Allaient-ils tomber malades ou se blesser à cause de leur témérité? Ces jeunes étudiants venus du Québec avaient été si bien préparés par leurs formateurs qu’ils nous ont tous surpris. Moi, je fus très étonnée!

Jamais auparavant, avec aucun autre groupe de touristes adultes, de parents ou d’amis, je n’avais pu observer autant de respect, de discrétion, de compréhension et d’ouverture d’esprit envers d’autres coutumes, cultures et pratiques religieuses. Ils ont tout simplement été remarquables! Ces trois semaines passées auprès d’eux m’ont appris

Je crois que tous les jeunes de la terre devraient avoir la chance de faire une telle expérience afin que chacun puisse apprécier un peu plus le pays d’où il vient et qu’il cesse d’envier ou d’avoir pitié du pays voisin. à quel point il y a encore de l’espoir. Oui, les jeunes d’aujourd’hui ont autant que moi, il y a 25 ans, ce désir de connaitre et cette volonté d’améliorer le monde dans lequel ils vivent. Dans le fond, j’ai eu la chance d’être témoin du bonheur que procure l’échange et le partage. Je sais qu’entre les conditions de vie des jeunes Kenyans de Namanga, celles des Massaïs de la vallée du Rift et celles des étudiants du Québec, il y a tout un monde de différences, mais tout s’est déroulé dans le plus grand respect. Que de joies!

Pour visiter Kibera, les stagiaires sont répartis en petits groupes. Ici Sonia accompagne l’un d’eux aux abords du bidonville. CRÉDIT PHOTO

Sonia Allaire

Je crois que tous les jeunes de la terre devraient avoir la chance de faire une telle expérience afin que chacun puisse apprécier un peu plus le pays d’où il vient et qu’il cesse d’envier ou d’avoir pitié du pays voisin. Des retombées inattendues Pour terminer, je dois vous dire qu’avant l’arrivée de ces jeunes Québécois au Kenya, j’étais déjà en communication avec leur groupe créé sur Facebook et c’est donc par ce moyen que j’ai pu correspondre chaque jour avec leurs parents et amis. Des liens se sont inévitablement créés avec certains d’entre eux et après le retour de ces jeunes dans leur famille québécoise, j’ai commencé à recevoir des messages de leurs parents à propos de la transformation constatée chez leurs enfants. Wow! Vous dire la joie que j’ai ressentie lorsque je recevais ces messages, c’est incroyable! En plus, quelques semaines après le passage des jeunes dans une école à Namanga, une religieuse est venue me dire que la visite de ces Québécois avait vraiment marqué les étudiants de l’école. C’est ça, la véritable joie des missionnaires! ¿ *Originaire de Ville de Saguenay et infirmière auxiliaire de profession, elle est missionnaire au Kenya depuis 2012. sonia.allaire@hotmail.com

missions étrangères ¿ juin 2014

9


Dossier › Stage au kenya par Thomas Nyawir

Kibera

Un lieu d’accueil pour les jeunes du Québec Thomas Nyawir vit à Nairobi. C’est grâce au réseau de ce travailleur social que les jeunes du Québec ont pu pleinement profiter de leur visite du bidonville de Kibera. (La rédaction)

Q

uand Bernard Duquette, p.m.é., m’a demandé d’organiser la visite à Kibera d’un groupe de jeunes du Québec, je n’étais pas très rassuré. Je me demandais bien ce qu’il attendait de moi! D’abord, je dois vous dire que Kibera est le plus grand des bidonvilles du Kenya et les conditions de vie y sont très difficiles. Cependant, une chose était claire : ce ne sera pas, m’avait dit Bernard, une visite touristique, mais plutôt un exercice d’immersion où les jeunes Québécois seront appelés à se plonger dans la communauté de Kibera en prenant part aux activités quotidiennes. Le but étant qu’ils découvrent la vraie vie d’un bidonville aux prises avec ses nombreux problèmes sociaux.

CRÉDIT PHOTO

Impatients de créer des liens d’amitié Il m’a donc fallu chercher parmi les jeunes qui m’entouraient ceux qui avaient vécu la quasi-totalité de leur vie à Kibera afin qu’ils soient en mesure de servir de guides aux jeunes Québécois. Ce fut un exercice très difficile puisque la plupart des jeunes de Kibera sont habitués de voir les Wazungus (mot Swahili pour dire les Blancs) comme des touristes à qui on peut facilement demander de l’argent. Pendant un moment, je me suis demandé ce que je ferais si je les voyais solliciter une rétribution quelconque? Serais-je mal à l’aise? Gêné? Heureusement, les jeunes choisis étaient très différents. Pour eux, il n’était pas question d’argent, mais plutôt d’amitié. Ils avaient même hâte d’établir des contacts. J’avais un groupe impatient de recevoir, d’accueillir ces jeunes dans leur maison et de leur parler des différentes activités auxquelles ils se livrent quotidiennement. Vraiment, j’en ai eu le souffle coupé! Preuve que Kibera n’est pas seulement un lieu où les touristes sont importunés par des mains tendues, mais un lieu qui abrite une population de jeunes gens qui sont prêts à donner de leur temps pour accueillir les visiteurs, sans attendre une faveur en retour.

José Domingos Damasceno

Briser un mythe Moi, je m’attendais à ce que les jeunes du Québec fassent l’expérience de la chaleur des gens de Kibera qui, la plupart du temps, n’ont rien d’autre à donner que leur 10

missions étrangères ¿ juin 2014

sourire. Je voulais aussi qu’ils rencontrent les petits enfants, pleins de vie, qui se tiennent sur le bord de la route dans des vêtements déchirés en criant mzungu wawaru? Ce qui veut dire : comment allez-vous? Je désirais même qu’ils se fassent des amis, mais surtout qu’ils prennent conscience des conditions dans lesquelles vivent les gens du bidonville de Kibera. Eh bien! À la fin de la visite des jeunes Québécois, j’étais un homme heureux. D’abord, je fus comblé de voir le sourire sur les visages des jeunes du Québec et ensuite satisfait de constater les liens créés avec leurs homologues de Kibera. J’étais aussi très content de les entendre dire « merci » pour tout ce qu’ils avaient vécu. De plus, lors d’un spectacle de marionnettes organisé conjointement par les jeunes du Québec et de Kibera, j’obtins la confirmation que des liens s’étaient bel et bien noués, et même que les gens de Kibera avaient réussi à briser le mythe voulant que le bidonville soit un endroit dangereux où les visiteurs ne se sentent pas en sécurité. À mon avis, cette visite fut un succès. J’avais l’impression d’avoir répondu aux attentes de Bernard, mais aussi aux miennes. Et dans un avenir rapproché, je souhaiterais recevoir encore plus de jeunes Québécois désireux de vivre une telle expérience. Kibera pourrait-il devenir un lieu d’accueil pour les jeunes du Québec? On ne sait jamais! ¿ Traduction et adaptation de l’anglais : Marie-Hélène Côté


Dossier › Stage au kenya par François Guilbault

L’importance de la solidarité Les jeunes stagiaires du Kenya, François Guilbault les connait bien. En effet, l’animateur de pastorale de l’École secondaire de Bromptonville est à l’origine du projet d’immersion. En plus de former les étudiants, il les a accompagnés tout au long de leur parcours en Afrique. Mais qu’est-ce qui a motivé ce père de trois jeunes enfants à se lancer dans une telle aventure? C’est ce qu’il nous raconte ici. (La rédaction)

M

oi, François Guilbault, je suis un homme chanceux! Lorsque j’étais dans la vingtaine, j’ai eu l’occasion de faire le programme intercommunautaire de formation missionnaire dispensé par la Société des Missions-Étrangères et de vivre au CIFM (Centre international de formation missionnaire), ce qui m’a conduit jusqu’au Kenya où j’ai vécu durant deux ans. Enraciné dans l’essentiel Depuis le début de ma formation missionnaire, j’ai la ferme conviction que les expériences de solidarité, même à court terme, mènent toujours quelque part et portent indéniablement leurs fruits. On ne le voit pas instantanément et de façon concrète, mais notre vie se transforme peu à peu et on avance dans la bonne direction, un pas à la fois. Au cours des dix dernières années, j’ai eu ainsi la chance de participer à sept voyages de solidarité et je crois que chacun d’eux a changé ma façon de voir les choses. Tous ces périples ont été, pour moi, de véritables prises de conscience et ont finalement contribué à me faire délaisser petit à petit le superficiel pour m’enraciner davantage dans l’essentiel des valeurs profondes de la solidarité. Et maintenant que j’ai compris l’importance de cette solidarité, j’aime bien la faire découvrir aux jeunes Québécois. Que ce soit par des voyages ou autrement.

L’avant et l’après-stage D’abord, je considère qu’un voyage de solidarité commence bien avant le départ de l’avion et ne se termine pas avec le retour au pays. L’expérience de solidarité débute normalement par une solide préparation. Pour vous donner un seul exemple, disons que pour notre groupe, la formation comportait une soixantaine de rencontres (d’une heure chacune), deux fins de semaine de camp et une dizaine d’heures d’activités afin d’amasser l’argent nécessaire au voyage. Ce n’est jamais une mince affaire, vous savez! Au retour, nous avons fait la tournée des classes de notre école dans le but précis d’aider nos jeunes à bien assimiler toutes les expériences

À Namanga, visite de l’école primaire tenue par les Sœurs Franciscaines. CRÉDIT PHOTO

Jambo Kenya

vécues. Là, nos stagiaires prenaient une période de 75 minutes pour partager leurs nouvelles prises de conscience et échanger leurs acquis. Ce fut très très encourageant! En terminant, je dirais que ma plus grande récompense, en réponse à ce type de voyage de solidarité, est de voir des jeunes laisser tomber petit à petit leurs préjugés et s’ouvrir à la possibilité d’un monde plus humain. Un monde plus équitable où l’idéal serait de voir tous les gens de la planète devenir égaux en formant une grande famille unie par la solidarité. ¿ Francois.Guilbault@esb-fsc.ca

missions étrangères ¿ juin 2014

11


Dossier › Stage au kenya

Sortir de sa zone de confort Connaitre les gens avant de les juger Ce que je retiens de ce voyage est l’importance de passer du temps avec les gens auxquels je tiens. Je me suis rendu compte que malgré la pauvreté, la richesse est présente. Par-dessus tout, j’ai appris à ne pas juger les gens avant de les connaitre. « Ne regarde pas ce qu’ils font, mais qui ils sont! ». Cette phrase m’a marquée et je me suis aperçue que les gens font des choses, mais il y a une histoire derrière cela. Ils ne font pas juste agir, ils sont quelqu’un. Bref, je retiens de ce voyage que je dois apprendre à connaitre les gens avant de les juger et que chaque personne est quelqu’un, peu importe ce qu’il fait ou ce à quoi il ressemble. Mirka Gauthier

La conversation était presque sacrée De mon voyage au Kenya, je retiens plusieurs choses. Heureusement pas la pauvreté, mais surtout le contact avec les gens et les valeurs qu’ils portent. En effet, le contact que nous avions avec les gens était quelque chose de privilégié. Lorsque nous discutions avec quelqu’un, la conversation était presque sacrée et il n’y avait que nous deux qui comptions. Les gens étaient intéressés à ce que nous disions et il était tout aussi intéressant d’écouter ce qu’ils avaient à dire. Leurs valeurs de base étaient franchement différentes des nôtres et après avoir vécu cette expérience, je me rends compte que ceux qui ont quelque chose à changer, c’est nous… Les Kenyans vivent au jour le jour et ne sont pas tristes, car ils voient ce qu’ils possèdent plutôt que ce qui leur manque. Leur richesse est infiniment plus grande que la nôtre, car elle réside dans leur culture et leurs valeurs plutôt que leurs ressources et leur argent. J’en ai appris beaucoup plus en côtoyant ce peuple formidable que dans mes cinq années au secondaire, tout simplement parce que leurs enseignements sont des enseignements de vie… William Bruneau

12

missions étrangères ¿ juin 2014


La foi dans un futur meilleur Ce que je retiens de ce voyage? La bonté des gens rencontrés. Tout au long de ce fantastique voyage nous avons eu la chance de créer des liens avec des gens certes qui possèdent peu monétairement et matériellement, mais qui ont énormément à offrir humainement. On a eu la chance de partager trois semaines avec ces hommes et ces femmes qui ont tellement à donner au reste du monde. Ce qui m’a marqué aussi c’est leur foi. Les Kenyans ont foi dans un futur meilleur, ils ont l’espoir, ce que bon nombre d’entre nous n’avaient pas avant ce voyage. Mais cela a changé au cours de ce stage. Nicolas Gordon

Respectueux des personnes vivant dans le bidonville Je dois vous avouer que j’ai vraiment eu du plaisir à me retrouver avec un groupe d’étudiants du Canada! Marcher avec eux dans Kibera, leur parler de mon quotidien et leur montrer tous les efforts faits ici pour vivre dans un bidonville, cela m’a remplie de joie. Au début, je pensais que ces étudiants en provenance du riche Canada ne voudraient pas se promener dans le bidonville. Mais à ma grande surprise, ils ont tous démontré de l’intérêt. Non seulement ils aimaient parcourir ses ruelles, mais ils voulaient en apprendre davantage sur notre mode de vie. À voir leur façon de participer aux activités et aux danses traditionnelles, moi, ça m’a vraiment rassurée. J’ai également constaté qu’ils étaient très respectueux des personnes vivant dans ce bidonville. Je pense même qu’ils ont réalisé que Kibera n’était pas l’endroit aussi redoutable que les rumeurs le laissent entendre. Bien que parfois la conversation était difficile du fait que nous nous exprimons en anglais et en swahili, ces Canadiens francophones n’ont jamais abandonné. Cela m’a vraiment encouragée! C’est ce qui d’ailleurs me les a fait estimer davantage. Je souhaite réellement qu’ils reviennent à Kibera très bientôt. Nous aurons pour eux, soyez-en certains, les bras grands ouverts. Veronica Achieng Veronica fait partie du groupe de jeunes recrutés par Thomas pour guider les étudiants de Bromptonville dans Kibera.

missions étrangères ¿ juin 2014

13


Dossier › Stage au kenya par Alain St-Hilaire et Marie-Hélène Côté

Mai roule en grand pour la Fondation le Pont

E

n 2006, Lise Duquette, en compagnie de son conjoint Pierre-Paul, rend visite à son frère Bernard au Kenya. Durant leur séjour, le missionnaire les amène visiter deux projets qui lui tiennent à cœur : Star of Hope, qui accueille une centaine d’enfants de 3 à 6 ans infectés par le sida ou orphelins suite au décès de leurs parents atteints de cette maladie, et Mirror of Hope, qui offre des soins de base à des jeunes orphelins infectés par le sida. Touché par le courage de ces enfants, le couple met sur pied à leur retour au Québec un organisme visant à amasser des fonds pour soutenir ces projets. La Fondation Le Pont est née. Si l’organisme a depuis élargi le spectre de ses activités, le bien-être des enfants demeure au centre de ses préoccupations. Pour entamer sa campagne annuelle de financement, la Fondation tient un bazar la première fin de semaine de mai. Les passants viennent s’y procurer des livres, des disques compacts, des articles de cuisine, des vêtements ou du mobilier de qualité dans une atmosphère festive empreinte de bonne humeur. Un deuxième évènement est né l’an dernier à l’initiative d’un membre de l’aile montréalaise de la fondation. Au lieu de tout simplement demander de l’argent à son réseau de contacts, Alain St-Hilaire a décidé d’ajouter un défi pour faire sa part dans la campagne de financement 2013. Il a parcouru la distance Montréal-Québec, soit 250 km, en traversant tous les ponts sur son trajet et tout ça en une seule journée. Cette année, neuf autres cyclistes se sont joints à lui dans cette deuxième édition de Rouler pour bâtir.

14

missions étrangères ¿ juin 2014

Cette année, Bernard Duquette, p.m.é., participe au bazar pour faire connaitre les projets et surtout vendre quelques articles du Kenya. CRÉDIT PHOTO

Alain St-Hilairea

Y’a pas à dire, mai roule en grand pour la Fondation le Pont!

Pour plus de renseignements, visitez : FondationLePont.com

De leur propre initiative, ces deux jeunes bénévoles proposent aux visiteurs des colliers et des bracelets qu’elles réalisent sur place. CRÉDIT PHOTO

Alain St-Hilaire


Se préparer pour

la mission

dans le dialogue interreligieux… entre les cultures et les Églises… avec les exclus… au service de l’Évangile…

La Société des Missions-Étrangères continue son engagement d’envoyer des hommes et des femmes soutenir les aspirations des peuples du monde. Le Programme intercommunautaire de formation missionnaire (PIFM) permet à toute personne âgée de 20 à 40 ans de vérifier les motivations sous-jacentes à son désir d’engagement missionnaire à l’étranger comme prêtre, prêtre associé ou missionnaire laïque. Il offre le discernement, l’accompagnement et la formation pour donner des bases solides à un engagement, au nom de sa foi, au service de frères et sœurs en Asie, en Amérique latine et en Afrique.

Pour plus d’information

Originaire des Philippines et missionnaire laïque associée au Honduras, Mary Ann Ofialda collabore à la pastorale de l’enfance à Tegucigalpa. CRÉDIT PHOTO

Mary Ann Ofialda

Région de Montréal Jean Binette, p.m.é. 8055, avenue Casgrain Montréal (Québec) H2R 1Z4 Tél. : 514 383-3694 jean_binette@yahoo.ca Région de Québec Christian Busset 867, rue Rochette Québec (Québec) G1V 2S6 Tél. : 418 527-3273 smerochette@videotron.ca

ie Une deuxième v

pour vos timbres

celles qui res à tous ceux et Mille mercis sincè bres » ou des enir de « vieux tim nous ont fait parv cette année. de s bres » au cour tim s de ns tio ec oll « c ojets missionnaire us soutenons les pr Grâce à vous, no s. (e) et de nos associé de nos membres

ssionnaire à Cuba Roch Audet, p.m.é., mi onnaire t Vincent, p.m.é., missi ren (1957-2009 ), et Flo Roy Eloy o ). Crédit phot au Japon (1956-2005

s timbres à : Faites parvenir vo ns-Étrangères Société des Missio p.m.é. t, en nc a/s Florent Vi noyers, es -D ge Ju ce 180, Pla 1A4 G H7 Laval (Québec) ste 124 po 0 19 7-4 Tél.: 450 66 mail.com @g 99 Courriel: fvincent19


Profil par Claude Dubois, p.m.é.*

L’audiovisuel au service de l’Évangile Originaire de St-Modeste (Rivière-du-Loup), Denis Castonguay, p.m.é., vient d’une famille dont les membres sont particulièrement créatifs et habiles de leurs mains. Nous n’étions donc pas étonnés de voir notre confrère se lancer, une fois en mission, dans la conception de matériel audiovisuel. Ce qui était plus surprenant, toutefois, était le contexte à l’intérieur duquel Denis concevait ses outils d’animation. Fortement imprégné par la révolution de Fidel Castro, le Cuba des années 1960 n’était certes pas l’endroit idéal pour faire la promotion du message chrétien! Pourtant, Denis y arrivait. Voici le parcours d’un missionnaire qu’on ne prend pas facilement au dépourvu. (Claude Dubois)

Un levain sans pâte À la fin de son cours classique au Séminaire de Rimouski, malgré son grand intérêt pour l’électronique, Denis opte pour la vie missionnaire. Il arrive à Cuba en 1965, six ans après le triomphe de la révolution cubaine. On assigne Denis à la paroisse San José de Colón, dans le diocèse de Matanzas. Roger DeMontigny, p.m.é., est le curé de cette paroisse, située à environ 200 kilomètres à l’est de La Havane. À l’âge de 28 ans, Denis devient son vicaire et assume la charge de trois communautés ou chapelles. Roger lui demande alors de former un groupe de jeunes, avec l’appui des cinq ou six étudiants qui fréquentent déjà la communauté. Mais dans un tel contexte, comment s’y prendre, s’interroge Denis. « C’était tout un défi, explique le missionnaire, car l’Église cubaine vivait une situation paradoxale. 16

missions étrangères ¿ juin 2014

La petite proportion de fidèles, qui osait encore fréquenter nos temples, ne savait pas où déposer le levain évangélique. À l’époque,

la bonne nouvelle venait d’un autre type de « messianisme », et le nôtre était officiellement considéré comme de l’ivraie. Nous étions


Denis initie Andres Noreira, un employé du Centre national audiovisuel, à la duplication de diapositives. À La Havane, le travail de Denis se simplifie, car à Colón c’est dans sa petite chambre qu’il développe ses diapositives. CRÉDIT PHOTO Denis Castonguay

À La Havane, Denis conçoit les bandes sonores qui accompagnent ses montages de diapositives. CRÉDIT PHOTO Denis Castonguay

Un étudiant de l’École d’art de La Havane consulte des revues mises à la disposition de la communauté chrétienne. CRÉDIT PHOTO Denis Castonguay

comme un levain sans pâte. Il fallait donc trouver un moyen de mettre le levain en contact avec la pâte, chercher une brèche pour rejoindre le vécu quotidien des gens ». Denis s’est alors souvenu des communautés chrétiennes de base qu’il avait connues à Panama et lors d’une session à Medellín, en Colombie. C’était de petits groupes où, au moyen du partage communautaire de la Parole de Dieu, on établissait le lien entre celle-ci et le vécu quotidien des participants. C’est par conséquent dans cette ligne que Denis décide d’orienter son approche avec les jeunes.

Vue de La Havane à partir de la Promenade du Malecón. Presque déserte le jour, l’allée qui borde la mer des Caraïbes est envahie durant la soirée par des citadins venus respirer un peu d’air frais. CRÉDIT PHOTO Gilles Dubé

Incognito parmi les jeunes Denis décrit ainsi sa première expérience avec des jeunes de 16 à 24 ans encore aux études. « Incognito, je me retrouvais tantôt

chez les grands-parents de l’un d’eux, tantôt au milieu d’un petit cercle sur la plage, tantôt au bord d’un petit ruisseau en excursion de pêche. Des amis entraient chez moi, comme Nicodème, à la noirceur, par la porte d’en arrière. Là, nous pouvions écouter disques et cassettes, partager textes de chansons, commentaires et boutades. » « Au cours des échanges suscités à partir de leurs chants et de leurs films préférés, je sentais que leurs cœurs se réchauffaient, poursuit Denis. Nous pouvions continuer nos conversations jusqu’à tard dans la nuit, tout en partageant quelques friandises et breuvages. » Avec ces étudiants, Denis applique la pédagogie de Jésus ressuscité en conversation avec les disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35). Il s’agit d’une pédagogie en trois étapes. Dans un premier temps, il amène les jeunes à exprimer leur vécu à partir des chansons et des films qu’ils aiment ou des évènements de tous les jours. Ensuite, il les invite à relire ce vécu à la lumière des grandes expériences de la vie de Jésus et de celles du peuple de la Bible, pour découvrir des rapprochements. Enfin, il les incite à tirer les conséquences de ces rapprochements en les appliquant à la relation avec Dieu, le sens de la vie et l’engagement au quotidien. Rejoindre les communautés sans prêtre résidant Toujours à Colón, Denis décide d’étendre l’expérience à quelques communautés sans prêtre résidant, où il a détecté des personnes éveillées à ce type de partage. Ces communautés se réunissent dans l’église, mais à un autre moment que celui qui est prévu pour la messe. La pédagogie employée ressemble à celle utilisée avec les jeunes, mais elle est plus formelle. Il s’agit d’une démarche descendante, de la Bible à la vie, plutôt qu’ascendante, de la vie à la Bible, comme c’est le cas avec les jeunes. Mais, comme l’affirme Denis, « c’était toujours des expériences qu’on rapprochait : celles du peuple de la Bible et les nôtres aujourd’hui. En voyant comment agissait le peuple de Dieu d’alors et quel message Dieu lui adressait, on se missions étrangères ¿ juin 2014

17


demandait comment ce peuple réagirait aujourd’hui s’il était à notre place et qu’est-ce que Dieu lui dirait ». « Pour ce qui est de Jésus, continue Denis, on le contemplait en action. Cette contemplation de l’agir de Jésus au milieu d’un peuple vivant dans un contexte de domination suggérait des pistes de réflexion plus pratiques que les seuls points de repère de la théologie traditionnelle ». À la fin du partage communautaire, les participants expriment des prières spontanées d’action de grâces, de louange et de demande. Puis, on fait le lien avec l’Eucharistie et on cherche ensemble des pistes d’action pour mettre en pratique le message reçu. Nécessité de matériel de formation Tant au sein des groupes de jeunes comme de ceux des adultes, Denis perçoit que pour progresser dans le partage de la Parole de Dieu, les membres des communautés de base ont besoin d’une solide 18

missions étrangères ¿ juin 2014

formation biblique. C’est ainsi qu’il commence à alterner les rencontres hebdomadaires de partage de la Parole et de formation biblique. Mais pour appuyer cette formation, il a besoin de matériel. Il se lance donc en autodidacte dans la production de matériel audiovisuel. Au moyen de diaporamas, Denis met en images, en les situant dans leur environnement géographique, la vie de Jésus et celle du peuple de la Bible. Évidemment, surtout dans les campagnes, cela contribue à rendre plus attirantes et plus efficaces les rencontres de formation tant pour les jeunes que pour les adultes. Le Centre national audiovisuel de La Havane Pendant plusieurs années, Julien Viau, p.m.é., grâce à son statut de diplomate travaillant à la nonciature apostolique de La Havane, fait entrer à Cuba une grande quantité de matériel audiovisuel pouvant servir à l’évangélisation. Ce matériel se trouve dans la Maison régio-

Paysage typique de l’ile cubaine. CRÉDIT PHOTO

Gilles Dubé

nale des prêtres des Missions-Étrangères et Julien le prête, moyennant un cout très bas, aux paroisses et autres institutions chrétiennes qui le lui demandent. Comme Julien est nommé au Soudan, on prie Denis de se rendre à La Havane pour le remplacer. Avec l’accord du président de la Conférence épiscopale, Denis déménage tout ce matériel d’animation dans un secteur désaffecté de l’archevêché de La Havane. C’est là que nait, en 1982, le Centre national audiovisuel de La Havane. Si Denis y maintient le système de prêt, il donne au centre une deuxième vocation, soit de concevoir des outils pouvant soutenir le travail des animateurs des communautés de base. Il commence donc à produire de façon professionnelle à l’aide des laboratoires appropriés, le genre de matériel qu’il réalisait de façon artisanale à Colón.


Immeuble situé devant la Place de la Révolution. Quand Fidel Castro s’adressait à la foule, il avait toujours sous les yeux son ami Che Guevarra. Dans la version moderne de la représentation de son compagnon de révolution, on peut lire : Hasta la victoria siempre (Vers la victoire toujours), les mots qu’utilisait Fidel Castro pour clore ses discours. CRÉDIT PHOTO Gilles Dubé

Dans le diocèse de Pinar Del Río En même temps qu’il s’occupe du Centre audiovisuel de La Havane, Denis travaille sur le terrain dans le diocèse de Pinar Del Río, à 200 kilomètres au sud-ouest de La Havane. Toutes les deux semaines, il passe plusieurs jours dans ce diocèse, avec une équipe missionnaire itinérante, pour y implanter le système des petites communautés de partage de la Parole. Et toutes les deux semaines, il retourne à La Havane pour poursuivre la conception de matériel adapté à ces communautés en expansion. « La création et l’accompagnement de ces communautés sont devenus un aspect prioritaire du plan de pastorale du diocèse de

Pinar Del Río. On est même arrivé à y mettre sur pied des communautés domestiques qui fonctionnaient, non plus à l’église, mais dans des maisons particulières, raconte Denis. » Peu à peu, les agents de pastorale de Pinar Del Río communiquent leurs expériences de bouche à oreille. Les communautés domestiques se multiplient dans plusieurs autres zones du pays grâce au matériel préparé par le Centre national audiovisuel.

De retour au Québec En 1993 pour des raisons de santé, Denis rentre au Québec après 27 ans de service à Cuba. Deux ans plus tard, on le nomme responsable du Secrétariat général de la Société. Il en profite alors pour informatiser les bureaux du Secrétariat. En plus de mettre continuellement à jour le système qu’il a installé, il aménage une salle d’informatique pour les missionnaires de passage à la Maison centrale. Conjointement, il crée et alimente la page web de la Société. Aujourd’hui, ce missionnaire infatigable poursuit son parcours missionnaire en faisant bénéficier ses confrères de son expertise. Lorsqu’on demande à Denis comment il se sent dans l’accomplissement de ces tâches, il répond qu’il est heureux de contribuer à ce que l’électronique et l’informatique soient au service de l’Évangile. « Je ne suis plus avec les gens sur le terrain de la mission à l’étranger, mais je les rejoins indirectement par l’intermédiaire des gens que j’aide ici. Je rends grâce au Seigneur d’avoir pu semer à Cuba, avec bien d’autres personnes, un bon grain qui continue à produire encore des fruits aujourd’hui. » ¿ *Originaire de St-Rédempteur (Lévis), il a été missionnaire au Pérou et membre du Conseil central (1991-1997). Il est membre de l’équipe de rédaction de la revue Missions Étrangères depuis 2011. duboispme@yahoo.ca

Je viens enfin de me procurer une tablette électronique. C’est Denis qui m’a accompagné pour l’acheter et qui me guide dans mon initiation à cette nouvelle technologie. Il est devenu une personne ressource à notre Maison centrale de Laval pour les résidents qui ont besoin d’informations pour l’achat et l’emploi de ce genre d’appareil. CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène Côté

missions étrangères ¿ juin 2014

19


La joie de l’évangile par Bertrand Roy, p.m.é.*

Les souliers de François

en mission au cœur du peuple Parmi les bottes et les sandales des missionnaires, il y a maintenant les souliers de François. Ils ont connu eux aussi la poussière et la boue. Ils nous apprennent deux ou trois choses sur la mission dans la joie de l’Évangile.

Q

uand il était l’archevêque de Buenos Aires, le cardinal Bergoglio allait souvent rencontrer les communautés des « villas miserias ». On appelle ainsi les bidonvilles en périphérie de la capitale de l’Argentine. Après son élection comme évêque de Rome, une femme de l’endroit disait: « Il est parti pour Rome, mais il apporte avec lui de la boue des bidonvilles collée à ses souliers. » Le pape François n’a pas changé de souliers, dit-on. Ils ont sans doute été nettoyés et cirés depuis qu’ils foulent les marbres romains, mais il semble bien que la boue ne soit pas complètement décollée. Cette terre qu’il a apportée avec lui est l’humus d’une façon d’être qui réjouit les uns, bouscule les autres et ne laisse personne indifférent. Humus, humilis, humanus Que le pape se comporte comme un homme normal attire l’attention et fascine les médias. On fait même l’éloge de son humilité! Si le mot latin humilis (humble) vient du mot humus (terre, limon), je préfère un autre mot de même origine pour qualifier la façon d’être du pape argentin: le mot humanus (humain). François parle et agit avec humanité, d’où un sentiment de proximité. Il touche les gens et se laisse toucher. Les enfants ont le tour de

20

missions étrangères ¿ juin 2014

l’accrocher. Ses gestes d’accueil et son franc-parler laissent transparaître une longue expérience de vie, bien située dans la vie d’un peuple et d’une Église dont il partage maintenant les dons avec tous. Dans le style simple et direct des entrevues accordées depuis un an, il ne cache pas que son itinéraire fut un long apprentissage spirituel, avec ses hauts et ses bas. Tissée d’amitiés, de combats et de conversions personnelles, cette expérience de vie le rapproche de beaucoup de monde. Pour connaître l’humus de

Visite du pape François à Assise en octobre 2013. CRÉDIT PHOTO

Giornalettismo

cette expérience, il faudrait retracer le chemin qu’il a parcouru. Des biographes s’y emploient déjà. En novembre dernier, François publiait une exhortation apostolique intitulée La joie de l’Évangile, en latin Evangelii Gaudium (EG). En lisant ce texte, je découvre quelques traces de la boue collée à ses souliers, de cet humus des périphéries d’une ville du Sud qu’il apporte à Rome.


La mission au cœur du peuple Une première trace de cet humus est le « goût spirituel d’être proche de la vie des gens, écrit-il, jusqu’à découvrir que c’est une source de joie supérieure. La mission est une passion pour Jésus mais, en même temps, une passion pour son peuple » (EG 268). Cette joie vécue dans la rencontre des gens est plus qu’un sentiment passager tenant d’une personnalité joviale ou encore de circonstances favorables. Cette joie jaillit de la passion de la mission dans la vie et l’histoire d’un peuple. En marchant avec les gens, le disciple reconnaît Jésus sur la route et entend son appel. « Il nous prend du milieu du peuple et nous envoie à son peuple, de sorte que notre identité ne se comprend pas sans cette appartenance » (EG 268). L’appartenance à un peuple en marche, demandant justice ou manifestant sa piété, est collée aux souliers de François. Il évoque cette passion partagée avec d’autres croyants quand il écrit: « Je suis une mission sur cette terre » (voir l’encadré). La mission au cœur du peuple, avec les autres et pour les autres, révèle ainsi au disciple de Jésus quelle est sa véritable identité.

majorité des chrétiens. Les évêques latino-américains réunis à Aparecida (Brésil) en 2007 affirmaient que cette mission se réalise « à partir de notre pauvreté et de la joie de notre foi » (Documents d’Aparecida, n. 379). Associer ainsi la pauvreté et la joie de la foi comme tremplin de la mission n’est pas une façon de détourner le regard d’une réalité de souffrance et d’injustice. C’est plutôt une invitation à changer de regard pour vivre l’étonnement des Béatitudes et découvrir leur force libératrice. « Je peux dire que les joies les plus belles et les plus spontanées

« Je suis une mission … » La mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie ni un ornement que je peux quitter, ni un appendice ni un moment de l’existence. Elle est quelque chose que je ne peux pas arracher de mon être si je ne veux pas me détruire. Je suis une mission sur cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Je dois reconnaître que je suis comme marqué au feu par cette mission afin d’éclairer, de bénir, de vivifier, de soulager, de guérir, de libérer. Là

apparaît l’infirmière dans l’âme, le professeur dans l’âme, le politique dans l’âme, ceux qui ont décidé, au fond, d’être avec les autres et pour les autres. Toutefois, si une personne met d’un côté son devoir et de l’autre sa vie privée, tout deviendra triste, et elle vivra en cherchant sans cesse des gratifications ou en défendant ses propres intérêts. Elle cessera d’être peuple.

Le peuple des Béatitudes Une autre trace de la terre où François a marché est cette façon de vivre la mission qui voit le jour dans les Églises de l’hémisphère sud, là où se trouve aujourd’hui la

que j’ai vues au cours de ma vie, écrit François, sont celles de personnes très pauvres qui ont peu de choses auxquelles s’accrocher. Je me souviens aussi de la joie authentique de ceux qui, même dans

(François, La joie de l’Évangile, 273)

À Buenos Aires, des immigrants du Paraguay célèbrent la Virgen Azul de Caacupé. En 2012, le cardinal Bergoglio présida cette manifestation de piété populaire mariale. CRÉDIT PHOTO

AP/Rodrigo ABD

de grands engagements professionnels, ont su garder un cœur croyant, généreux et simple. De diverses manières, ces joies puisent à la source de l’amour toujours plus grand de Dieu qui s’est manifesté en Jésus Christ » (EG 7). Cette joie de la foi n’est pas un optimisme naïf, ni une douce euphorie. Elle est cette « confiance secrète mais ferme, même au milieu des pires soucis » fondée sur « la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout » (EG 6). Cette joie du peuple des Béatitudes est une expérience de dignité et de liberté qui rend possible la solidarité pour une vie meilleure. Quand François souhaite « une Église pauvre pour les pauvres » en précisant que ceux-ci « ont beaucoup à nous enseigner » (EG 198), il laisse ainsi entrevoir le visage de la mission des années à venir. « Ne nous laissons pas voler… » Ruelles vaseuses, rigoles d’égout à ciel ouvert, motos qui vous frôlent en passant, pickpockets et petits trafiquants, cet environnement des bidonvilles reflète les dures conditions de vie des gens qui y vivent: manque de travail, violence, commerce de la drogue, insécurité. Les violations des droits humains, une guerre sale et une crise économique ont bouleversé l’histoire récente du pays. Où sont les plus grands voleurs? missions étrangères ¿ juin 2014

21


« Chaque être est infiniment sacré... » Pour partager la vie des gens et nous donner généreusement, nous devons reconnaître aussi que chaque personne est digne de notre dévouement. […] Tout être humain fait l’objet de la tendresse infinie du Seigneur, qui habite dans sa vie. Jésus Christ a versé son précieux sang sur la croix pour cette personne. Au-delà de toute apparence, chaque être est infiniment sacré Comme une trace de boue collée à ses souliers, une courte phrase revient souvent sur les lèvres de François. « Ne nous laissons pas voler… ». Nous rencontrons aussi cette phrase dans les pages de son exhortation sur la joie de l’Évangile quand il décrit les tentations des agents pastoraux face aux défis actuels de la mission. Dans un contexte social et ecclésial où plusieurs sont tentés de baisser les bras avec tristesse, François transforme cette expression de mise en garde en cri de ralliement missionnaire. Il invite au courage et au dévouement pour aller de l’avant. « Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire » (EG 80), ni la joie de l’évangélisation (EG 83), ni l’espérance (EG 86), ni la communauté (EG 92), ni l’Évangile (EG 97), ni l’amour fraternel (EG 101), ni la force missionnaire (EG 109). La force de la tendresse Cette force missionnaire pour aller de l’avant avec assurance n’est 22

missions étrangères ¿ juin 2014

et mérite notre affection et notre dévouement. C’est pourquoi, si je réussis à aider une seule personne à vivre mieux, cela justifie déjà le don de ma vie. C’est beau d’être un peuple fidèle de Dieu. Et nous atteignons la plénitude quand nous brisons les murs, pour que notre cœur se remplisse de visages et de noms ! (François, La joie de l’Évangile, 274)

La boue collée à ses souliers est celle d’un lieu sacré, car là vit le peuple des Béatitudes qui a connu la forte tendresse de ses « abrazos ». pas un enthousiasme de conquête, ni un élan de prosélytisme. En exhortant chaque Église particulière « à entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme » (EG 30) pour mieux sortir vers les périphéries les plus éloignées, François voit plus loin que le renouveau immédiat des structures ecclésiales, si urgent soit-il. Il propose une vision missionnaire animée par la force de la tendresse. L’expression « révolution de la tendresse » (EG 88) qu’utilise François pour décrire la mission de Jésus peut surprendre. Il ne s’agit pas

d’une mission à l’eau de rose, loin de là, mais d’une mission vécue au cœur du peuple dans une proximité réelle et cordiale. Les gens rencontrés ne sont pas des numéros, ni des objets. « Au-delà de toute apparence, chaque être est infiniment sacré et mérite notre affection et notre dévouement » (EG 274, voir l’encadré). J’ai lu quelque part le fait suivant raconté par un ancien missionnaire au Japon, le père Adolfo Nicolás, supérieur général actuel de la Compagnie de Jésus. Un jeune enseignant bouddhiste, dans une école catholique au Japon, s’offensait de la présence de symboles religieux, en particulier d’une chapelle. Trop « ostentatoire » à son goût! Un collègue plus âgé, lui aussi bouddhiste, le prend à part et lui dit: « Tu ne comprends donc pas. Ici, dès que tu franchis le seuil de la porte, tu entres dans un lieu sacré. Tout est une chapelle. Ce qui fait que l’école est sacrée, ce sont les étudiants. Partout où se trouvent les étudiants, c’est une chapelle. » Cette anecdote aurait pu être racontée par François lui-même, s’il avait réalisé son rêve de jeune jésuite d’être envoyé au Japon. La mission l’a plutôt conduit dans les périphéries de sa ville natale. La boue collée à ses souliers est celle d’un lieu sacré, car là vit le peuple des Béatitudes qui a connu la forte tendresse de ses « abrazos ». Un art d’écoute et de patience Le style missionnaire de François opère une transformation de la mission de l’Église en la recentrant sur l’essentiel de l’expérience chrétienne. Ceci rejoint le désir qu’exprimaient les évêques latino-américains à Aparecida en 2007: « Nous avons besoin de développer la dimension mission­naire de la vie dans le Christ. L’Église a besoin d’une forte secousse qui l’empêche de s’installer dans le confort, la stagnation et la tiédeur, en marge de la souffrance des pauvres » (Documents d’Aparecida, n. 362). La terre collée aux souliers de François est l’humus d’un style missionnaire qui secoue de vieilles habitudes. Cette terre rappelle aussi une longue expérience de terrain dans l’art de l’accompagnement spirituel des personnes et des communautés.


Dans cet art d’écoute et de patience, le respect des rythmes de croissance est primordial. Donner la priorité au temps plutôt qu’aux espaces de pouvoir à contrôler, c’est initier des processus, encourager des commencements, sans être obsédé par les résultats immédiats. « Il s’agit, selon François, de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en évènements historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité » (EG 223). Ce qui vaut pour le développement d’un peuple dans la justice et la paix vaut aussi pour une réforme ecclésiale dans la joie de la mission. Cette joie missionnaire est la joie des commencements, souvent très humbles, comme ce fut le cas un jour sur la route de Nazareth à Capharnaüm. « Un cœur missionnaire est conscient de ces limites […] Jamais il ne se ferme, jamais il ne se replie sur ses propres sécurités, jamais il n’opte pour la rigidité autodéfensive. Il sait que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Évangile et dans le discernement

des sentiers de l’Esprit, et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route » (EG 45). Plus d’un ou une missionnaire ayant circulé à pied ou en vélo dans les périphéries de Phnom Penh, de Nairobi, de Tegucigalpa, de Manaus ou d’ailleurs se réjouira en reconnaissant sur ses bottes ou ses sandales un peu de la boue des souliers de François. ¿

En banlieue de Phnom Penh, au Cambodge. CRÉDIT PHOTO

* Originaire de St-Gervais de Bellechasse, il a été missionnaire en Asie, membre du Conseil central (2003-2013) et directeur de la revue Missions-Étrangères (2003-2014). Actuellement, il est responsable du Service de la formation permanente de la Société.

i c r e M J Merci

e suis heureux de transmettre la direction de cette revue à Marie-Hélène Côté qui y collabore comme rédactrice depuis 2007. Sa connaissance de notre famille missionnaire, son sens de l’organisation et son talent pour une communication dynamique et personnalisée nous promettent de belles pages d’information que vous aurez plaisir à lire et à regarder.

Voici donc le 55e numéro de Missions Étrangères auquel j’ai la joie de contribuer depuis que j’en ai assumé la direction en 2003. Au moment de transmettre cette

responsabilité, je veux remercier tous les artisans proches ou éloignés de cette publication. Merci aux membres du comité de rédaction, aux collaborateurs et collaboratrices plus immédiats au fil des ans (Renaude Grégoire, Christophe Guillemaut, Marie-Hélène Côté, Claude Dubois, p.m.é.), au personnel du Bureau du développement et du Secrétariat général de la Société des Missions-Étrangères ainsi qu’au Studio de design graphique Folio et Garetti. Cette revue d’animation missionnaire est au service du grand réseau que forment les

Clément Bolduc

bertrand@smelaval.org

par Bertrand Roy, p.m.é.

membres et les associé(e)s de la Société des Missions-Étrangères ainsi que les lectrices et les lecteurs de ces pages. Merci pour votre participation à ce réseau d’amitié et de solidarité au service de la mission. Pour ma part, en travaillant à élaborer des dossiers sur l’histoire de notre Société missionnaire et de ses engagements, j’aurai certainement la joie de vous revenir sous la forme d’une chronique à ce sujet. Merci et bonne lecture!

missions étrangères ¿ juin 2014

23


Témoignage par Erlin Pérez, diacre*

Un jour de plus Erlin Pérez est né il y a 32 ans dans un pays ravagé par la guerre civile. Ordonné diacre le 26 avril dernier, le jeune Salvadorien nous parle de ce qui l’a conduit à la vie missionnaire. (La rédaction)

M

on nom est Erlin Enrique Pérez. Je suis originaire du Salvador et je viens d’une famille nombreuse. Je n’ai pas de sœur, mais j’ai sept frères. Je suis le deuxième de la famille. Celle-ci est très croyante. Peut-être parce que nous vivions une guerre civile au Salvador, ma mère nous a appris à réciter le chapelet tous les soirs. Elle nous disait que nous devions être très proches de Dieu. Je peux dire que ma vocation a surgi de ces prières constantes de ma mère, qui demandait au Seigneur de nous accorder un jour de plus de vie. Très jeune, j’ai senti l’appel de Dieu, mais je ne savais pas à quoi il m’appelait. Par moments, je ne sentais plus cet appel, mais le Seigneur continuait à me guider sur le chemin qu’il m’avait préparé. Je peux dire qu’il n’a jamais lâché ma main, car il a mis sur ma route des personnes par lesquelles il m’a guidé et aidé à reconnaitre ma vocation missionnaire. En 1999, j’ai connu la Société des Missions-Étrangères grâce aux groupes de formation missionnaire qu’il y avait au Salvador. C’est ainsi qu’a commencé mon parcours. Le Seigneur me montrait dans quelle direction je devais aller. C’était difficile, mais en même temps, j’étais heureux de constater que j’allais à la rencontre de Dieu. Je reconnaissais que Dieu était en moi, mais qu’il m’invitait aussi à le rencontrer dans les autres. Cette recherche de ma vocation m’a amené, grâce à la Société des Missions-Étrangères, à vivre des moments très intenses et à 24

missions étrangères ¿ juin 2014

relever de grands défis comme les études supérieures et l’apprentissage d’autres langues. De 2005 à 2009, j’ai vécu au Canada, où j’ai étudié la philosophie en français. Mais Dieu m’a invité ensuite à découvrir d’autres cultures en m’envoyant en Afrique, plus précisément au Kenya, où j’ai étudié la théologie en anglais.

Telle a été, dans ses grandes lignes, ma trajectoire missionnaire jusqu’à maintenant. J’ai été ordonné diacre à Tegucigalpa (Honduras), le 26 avril dernier, par Mgr Guy Charbonneau, p.m.é., évêque de Choluteca. Le Seigneur continue à m’appeler à le découvrir dans tout ce que je fais. Avec son aide, je veux continuer à grandir dans ma vocation, afin d’être de jour en jour plus fidèle à Jésus Christ. Malgré mes

limites, j’espère pouvoir être utile à son Église, car elle a besoin qu’on se mette à son service, pour l’aider à réaliser la mission que le Seigneur lui a confiée. ¿

Mgr Guy Charbonneau, p.m.é., préside la messe d’ordination diaconale d’Erlin Pérez. Sur l’étole du jeune missionnaire : la photo de Mgr Oscar Romero, évêque de San Salvador, assassiné en 1980 pour ses prises de position en faveur des victimes de la junte gouvernementale. CRÉDIT PHOTO S.M.É. Traduction et adaptation de l’espagnol : Claude Dubois, p.m.é. *Originaire de Jucuapa au Salvador, il poursuit aujourd’hui sa formation en Amérique Centrale. Il partira bientôt pour le Brésil où il a été nommé. erlin.perezgmail.com


Photoreportage

photos : Ever Amador, missionnaire laïque associé / texte : Marie-Hélène Côté

Le tsunami du Japon 3 ans plus tard

«V

endredi 11 mars 2011, 14 h 46 : la terre tremble pendant des minutes qui nous semblent des heures. La mer se déchaine entrainant sur son passage bateaux, maisons, infrastructures de toutes sortes. Bilan provisoire : 10 000 morts et 440 000 personnes évacuées. Entassées dans des refuges de fortune, ces dernières souffrent du manque de nourriture, d’eau potable et ne disposent que d’une couverture chacune pour se réchauffer. En cette période de l’année, le mercure avoisine le point de congélation. Quelques jours plus tard, on apprend que la centrale de Fukushima rejette dans l’atmosphère des particules radioactives. L’installation nucléaire aurait subi, dit-on, des dommages lors du cataclysme. Depuis, craignant pour leur santé, les habitants des environs hésitent à sortir. Ces évènements dramatiques nous forcent à revoir nos priorités. Ce qui nous encourage cependant, c’est qu’un vaste mouvement de solidarité s’organise tant au plan national

qu’international, laissant entrevoir des jours meilleurs. » Voilà ce qu’écrivait Charles-Aimé Bolduc, p.m.é., quelques jours après qu’un puissant tsunami, engendré par un séisme d’une magnitude de 8,9, eut dévasté la côte nord-est du Japon. La catastrophe fera près de 20 000 morts. Les corps de plusieurs victimes ne seront jamais retrouvés. De plus, on estime que les retombées des émanations radioactives prendront des décennies à se dissiper. Solidaires de la population touchée par le tsunami, des missionnaires de la Société des Missions-Étrangères se joignent depuis aux efforts de reconstruction orchestrés par Caritas Japon. Tout récemment, Ever Amador, missionnaire laïque associé, venait grossir les rangs des bénévoles. Il partage avec nous quelques images prises dans la province de Miyagi. « À mesure que le temps passe, les gens se détournent habituellement des victimes d’une tragédie. Ici, c’est tout le contraire. Loin de s’essouffler,

Une jeune universitaire de Tokyo, venue collaborer aux projets de Caritas Japon, se recueille devant le monument érigé à la mémoire des victimes du tsunami 2011 à Kesennuma.

le mouvement de solidarité ne cesse de s’élargir. Des étudiants renoncent à leurs vacances annuelles et des personnes retraitées quittent le confort de leur foyer pour offrir leurs services aux sinistrés. » Ever Amador, bénévole du 20 janvier au 15 mars 2014.

Portant une veste jaune, des bénévoles de Caritas venus prêter mainforte aux pêcheurs de Shizugawa. Debout, à l’extrême gauche : Ever Amador. missions étrangères ¿ juin 2014

25


Le port de la ville de Kesennuma. La plage a été complètement nettoyée de ses débris par les bénévoles de Caritas Japon.

À l’automne 2012, Paul Too, p.m.é., intègre les activités de Caritas Japon. En compagnie d’autres bénévoles, il rafistole des filets usagés envoyés par les pêcheurs de la région. Destinés à la pêche en haute mer, ceux-ci mesurent 1 km de longueur.

26

missions étrangères ¿ juin 2014


S

i depuis trois ans Caritas japon instaure divers programmes de soutien aux victimes du tsunami, l’organisme relevant de la Conférence des évêques catholiques du Japon travaille également au redressement économique de la côte nordest du pays. Le 11 mars 2011, des vagues pouvant atteindre dix mètres de hauteur détruisent 22 000 bateaux et emportent le matériel nécessaire à la pratique de la pêche. Conséquemment, l’activité économique de la côte nord-est du Japon s’effondre. Sans attendre, les pêcheurs des régions voisines se solidarisent. Ils apportent à leurs confrères des filets usagés, mais encore utilisables. De plus, grâce à des subventions octroyées par Caritas Japon, des coopératives de pêcheurs se forment permettant l’achat de nouveaux bateaux. À cela s’ajoute l’aide d’un nombre impressionnant de bénévoles venus donner de leur temps. Ces mesures combinées permettront aux pêcheurs de reprendre graduellement leurs activités.

Ever Amador et deux autres bénévoles préparent le matériel qui servira à la récolte des huitres.

En plus des pêcheurs, les fermiers de la région profitent eux aussi du travail des bénévoles. Ici, on extrait des débris de métal, de vitre et de plastique enfouis dans les champs afin de les rendre à nouveau aptes à la culture.

Une mère et sa fille s’initient au travail quotidien des pêcheurs.

missions étrangères ¿ juin 2014

27


Photo rappelant l’état de la ville de Minamisanriku avant le tsunami.

Monument construit en souvenir des enfants emportés par les flots.

A

près trois ans, le paysage de la côte nord-est du Japon témoigne toujours de l’ampleur de la dévastation causée par le tsunami. Si des débris parsèment encore le paysage, des monuments érigés ici et là nous révèlent l’identité des victimes touchées. Quoi qu’il en soit, les habitants n’oublient pas. Chaque année, des bénévoles affluant de partout à travers le pays viennent se recueillir le 11 mars sur les lieux de la tragédie afin d’honorer la mémoire des personnes disparues.

Débris coincés entre les immeubles de l’école secondaire maritime Koyo, où l’on forme des étudiants pour l’industrie de la pêche.

« J’ai beaucoup aimé partager ces activités de bénévolat av ec les personne s de la région de Miyagi. Pa rmi les person nes rencontrée qui avaient pe s rdu leur maiso n et même des membres de leur famill e, j’ai senti beaucoup d’es poir. Malgré l’é tat de désolatio du paysage, le n s gens continue nt à vivre et à travailler pour construi re un avenir po leurs enfants ur ». Ever Amador

, missionnaire

28

missions étrangères ¿ juin 2014

laïque associé


Un sanctuaire, érigé à partir d’objets appartenant au Centre de prévention des catastrophes de Minamisanriku, est dédié à la mémoire de Miki Endo. Le jour de la tragédie, cette jeune employée de 25 ans est demeurée à son poste pour informer la population des environs de l’approche du tsunami. Diffusant une alerte après l’autre par l’entremise du système de hautparleurs du Centre, elle ne pourra évacuer les lieux à temps. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Le mardi 11 mars 2014, des bénévoles venus de partout à travers le pays se rassemblent sur la plage de Shisugawa à Minamisanriku. À 14 h 46, heure du séisme, ils adressent une prière à la mémoire des personnes décédées ou disparues lors du tsunami.

missions étrangères ¿ juin 2014

29


Nous nous souvenons

Onil Métivier, p.m.é. (1925-2014)

Né le 25 août 1925 à Victoriaville, Onil Métivier a été ordonné prêtre le 29 juin 1953. Il fut missionnaire au Japon (1954-1966) et à Resistencia en Argentine (1967-2002). De retour au Canada, il a fait du ministère chez les Sœurs Missionnaires du Christ-Roi jusqu’en 2008. Il est décédé à Laval le 24 mars 2014. Ses funérailles ont eu lieu à Laval le 28 mars 2014.

J

’ai eu l’occasion de travailler avec Onil dans la même mission en Argentine durant 16 ans. On savait tout de suite ce qu’il aimait ou non. Parfois, la façon dont il s’exprimait faisait qu’on se sentait un peu bousculé, mais on peut dire que tout le monde l’aimait. Il aimait les fêtes et son rire contagieux faisait de lui un homme fort sympathique. Il a commencé sa vie missionnaire au Japon. Après quelques années d’efforts pour apprendre la langue et connaître les complexités de la culture japonaise, on lui a demandé de laisser le Japon et de recommencer à neuf dans un autre pays, l’Argentine, dans une autre langue et dans une autre culture. Il n’a jamais oublié le Japon. On pouvait retrouver chez Onil de nombreuses qualités. Il était d’abord un homme généreux de son temps. Il n’arrêtait jamais. Il ne disait pas souvent non. Par exemple, il nous était arrivé un lundi matin en disant « en fin de semaine, j’ai célébré sept messes ». Il faisait souvent des exploits du genre.

Il était aussi un homme généreux des biens qu’il possédait. Tous les dons qu’il recevait, il les investissait pour améliorer les établissements paroissiaux où il travaillait ou pour améliorer les services pastoraux. Onil était également un homme accueillant. Il a travaillé longtemps dans la paroisse de San Roque, à Resistencia. En quelques années, il a terminé la construction de l’église, fini les nombreux salons qui s’y trouvaient et rénové la maison. Mais tous ces locaux n’étaient pas pour lui, ni fermés à clé. Chaque fin de semaine, il y avait des groupes qui remplissaient ces salons. Ces groupes venaient non seulement de la paroisse, mais de toute la ville et du diocèse. Et Onil était une présence parmi ces groupes, les visitant un à un. Ce n’était pas lui qui préparait des conférences et des réflexions, mais il était présent parmi eux. La phrase de l’Évangile que nous avons entendue le décrivait bien : « Ceux qui viennent à moi je ne vais pas les laisser dehors ». Il parlait à tous et toutes. Oui, il était une présence parmi les gens, il communiquait sa joie par sa voix forte et son rire non moins fort et unique. Onil a été un missionnaire qui a donné sa vie pour ceux et celles qu’il aimait. Il a réalisé, avec ses limites, la volonté du Père qui l’a envoyé semer la Parole et la joie dans son entourage. Extraits de l’homélie de Gilles Poirier, p.m.é., lors des funérailles à Laval le 28 mars 2014.

Onil Métivier, p.m.é., en compagnie d’amis de la paroisse San Roque, à Resistencia (Argentine). « Il était une présence parmi les gens, il communiquait sa joie par sa voix forte et son rire nom moins fort et unique. Onil a été un missionnaire qui a donné sa vie pour ceux et celles qu’il aimait. » (Gilles Poirier, p.m.é.) CRÉDIT PHOTO

30

missions étrangères ¿ juin 2014

Archives SMÉ


Clin d’œil par Marie-Hélène Côté

Grue en origami sur la plage de Minamisanriku Dans la tradition japonaise, on dit que la grue vit 1 000 ans. Sa représentation en papier est donc associée à des vœux de longue vie et de bonne santé. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

CRÉDIT PHOTO

Ever Amador

Une croyance veut que quiconque fabrique 1 000 grues en origami voie un souhait se réaliser. C’est à cette tâche que s’atèle la jeune Sadako Sasaki de 12 ans alors qu’elle est hospitalisée à la suite d’un diagnostic de leucémie. Victime des radiations émises par la bombe atomique qui a pulvérisé la ville d’Hiroshima neuf ans plus tôt, Sadako lutte pour sa vie. Une amie l’incite alors à confectionner 1 000 grues dans le but de voir son désir de guérir se concrétiser. La création des grues de papier occupera la jeune malade jusqu’à sa mort qui survient le 25 octobre 1955. Depuis, Sadako Sasaki est passée à l’histoire. Elle est associée, tout comme les grues en papier, au symbole de la paix universelle au Japon.

Coupon d’abonnement

Nouvelle adhésion

Renouvellement

15 $ / un an

20 $ / soutien / un an

25 $ / deux (2) ans

30 $/ soutien / deux (2) ans

nom adresse

app

casier postal

ville

prov

code postal

courriel par chèque

par carte de crédit signature

______ /______/______/______

: ____________________________________

exp.

______/______

code de vérification (3 chiffres)

Abonnement disponible en ligne au www.smelaval.org (via Dons en ligne)

si vous offrez un abonnement en cadeau, laissez-nous vos coordonnées ci-dessous

___ ___ ___

:

nom adresse

app

casier postal

ville

prov

code postal

courriel

Retourner à : Missions Étrangères, 160 place Juge-Desnoyers, Laval, QC H7G 1A5

missions étrangères ¿ juin 2014

31


Prochain numéro :

Avoir 14 ans dans le monde

Ils sont nés au tournant du XXIe siècle. 14 ans plus tard, que sont-ils devenus? Dans ce numéro de la rentrée, nous vous présenterons quelques-uns de ces jeunes qui représentent l’avenir de notre planète. CRÉDIT PHOTO

visitez-nous sur

Sonia Allaire

www.smelaval.org missions-etrangeres.blogspot.ca Si vous déménagez, veuillez s.v.p. nous envoyer l’ancienne adresse et la nouvelle. « MISSIONS ÉTRANGÈRES » 160, Place Juge-Desnoyers Laval (Québec) H7G 1A5 TÉL.: 450 667-4190 ENREGISTREMENT No 09540


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.