Missions Étrangères : pour la vie des peuples du monde

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Juin 2016

Pour la vie des peuples du monde

Dossier

5 faรงons de changer le monde


3 MOT DE BIENVENUE Les sentiers oubliés

4 DOSSIER

5 FAÇONS DE CHANGER LE MONDE

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Forer des puits

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Se lier d’amitié avec le grand chef

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Donner le meilleur de soi-même

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Découvrir Dieu dans les pauvres

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Être présente auprès d’elles

24 SI JEUNESSE SAVAIT

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Juin 2016, volume 37 no 8

Alphonse Proulx, p.m.é.

26 VIE DE LA SOCIÉTÉ

60 ans de présence au Pérou

28 NOUS NOUS SOUVENONS Viateur Boucher, p.m.é.

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29 NOUVELLES D’ICI ET D’AILLEURS Bienvenue à Rachel Planet Environnement et crise migratoire

Direction Marie-Hélène Côté Équipe de rédaction Marie-Hélène Côté, Claude Dubois, Martin Laliberté Révision François Gloutnay Photos Marie-Hélène Côté, Sandy Lutz Correction maquette Marie-Hélène Côté, Claude Dubois, François Gloutnay Service aux abonnés Hélène Perreault Graphisme folio&garetti Impression Impression Idesign TITRE LÉGAL : «La Société des Missions-Étrangères de la province de Québec». Pour les provinces mari­times et les États-Unis : «La Société des Missions-Étrangères». DÉPÔT LÉGAL : Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada (ISSN 0026-6116) Membre de l’Association des médias catholiques et œcuméniques Magazine d’information missionnaire publié cinq fois par année par la

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Société des Missions-Étrangères 160, place Juge-Desnoyers, Laval (Québec) H7G 1A5 Tél. : 450 667-4190 Tél. sans frais : 1 888 667-4190 Téléc : 450 667-3006 revueme@smelaval.org // www.smelaval.org

Jour de pluie Photo prise par Sonia Allaire, missionnaire au Kenya.

Numéro d’enregistrement d’organisme de charité : 10798 8511 RR0001

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Abonnement : Hélène Perreault / helene@smelaval.org 1 an : 15 $ 1 an soutien : 20 $ 2 ans : 25 $ 2 ans soutien : 30 $ Le numéro : 3$ Envoi de Poste-publications - N° de la convention 00400 62 800 Tirage : 8 900 Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien.


MOT DE BIENVENUE

par Marie-Hélène Côté

Les sentiers oubliés

que je pouvais admirer la mémoire cartographique de ma grand-mère. Car non seulement se souvenait-elle de l’emplacement de chacune des talles qu’elle avait découvertes au fil de ses pérégrinations, mais elle connaissait aussi le degré de murissement de tous ces fruits.

pés aux framboises, de se retirer. Vers les dix heures, ma grandmère sortait sa grande marmite en aluminium de l’armoire. Elle y faisait culbuter notre récolte avant d’y ajouter une quantité égale de sucre. Puis elle ouvrait le feu. Toute la maison s’imprégnait alors d’une odeur

« Ce matin, on va aller jusqu’au bosquet de peupliers que tu vois làbas », me lançait-elle avec un brin d’excitation. « Quand je suis venue avant-hier, les framboises y étaient presque mûres! » Je dois confesser qu’aux propos de ma grand-mère, je prêtais en général une oreille plutôt distraite. Pour éviter de m’égarer dans l’enchevêtrement de buissons et d’herbes hautes qui entravaient notre route, je mettais toute mon attention à la suivre pas à pas. Alors que le soleil commençait à monter dans le ciel, nous redescendions de la montagne, tenant dans chacune de nos mains un contenant de quatre litres débordant de fruits rouges. On les laissait sur la galerie pour permettre aux insectes, agrip-

de confiture. Une fois refroidie, elle remplissait des pots de verre qu’elle scellait avec de la paraffine fondue. À la fin de l’été, des pots de confiture aux framboises, ma grand-mère en avait plein ses armoires. Bien qu’elle en offrait à quiconque franchissait le seuil de sa porte, sa réserve ne semblait jamais s’épuiser. Cet été, j’aurai l’âge que ma grand-mère avait à ma naissance. Alors, ai-je eu l’idée de partir au Saguenay, à la recherche de nos anciens sentiers; ceux qui serpentaient la montagne jusqu’au plateau. Y trouverai-je, au détour d’un bosquet ou au pied d’un ravin, quelques-unes des talles de framboises que ma grand-mère chérissait? Si c’était le cas, je compte bien en garder le secret! ¿

CRÉDIT PHOTO Pixabay

L

à-haut sur le plateau, tout près de l’endroit où passait auparavant un train, se cachent-elles, encore aujourd’hui, les talles de framboises de ma grand-mère? J’y suis souvent montée à ses côtés, chaussée de mes bottes de caoutchouc et accoutrée de mes vêtements de cueillette. Pour accéder aux talles, le plus simple, à l’époque, aurait été de prendre la rue Price puis de bifurquer à droite sur la côte de la Réserve. Arrivées à la voie ferrée, il aurait suffi de marcher sur les traverses de bois en direction de l’ouest. Ma grand-mère et moi n’avons pourtant jamais emprunté ce trajet. Il y avait un chemin plus court, qui nous donnait en prime l’avantage de passer inaperçues. Car l’emplacement d’une talle de framboises sauvages doit rester un secret bien gardé. J’aimais croire qu’au petit matin, lorsque nous sortions par l’arrière de la maison, c’était pour ne pas éveiller les soupçons des voisins. Aussi, prenais-je soin de retenir la porte-moustiquaire qui avait la fâcheuse habitude de claquer bruyamment en se refermant. Une fois passée la boutique de bicyclettes de mon grand-père, nous entreprenions la montée d’une élévation plutôt abrupte, recouverte d’arbres, que nous appelions affectueusement la montagne. Au fil des ans, des sentiers s’y étaient dessinés. Nous les empruntions sur quelques centaines de mètres, puis coupions à travers les arbres dont les racines gênaient notre progression. Après une demi-heure d’efforts soutenus, nous gagnions enfin le plateau. C’est là

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5 façons de

changer le monde

Ils sont partis pour faire une différence dans la vie des gens et ce sont eux qui arrivent transformés. Voici cinq témoignages, cinq façons de vivre la solidarité avec les communautés auprès desquelles nos missionnaires sont engagées. Malgré la diversité des lieux et la variété des approches, un seul constat s’impose : sans ouverture à l’autre, rien n’est possible.

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CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

Côté


Dossier › 5 façons de changer le monde

par Marie-Hélène Côté en collaboration avec Sonia Allaire*

Forer des puits Forer des puits en zone désertique n’est pas un travail de tout repos. Parlez-en à Sonia Allaire qui durant son affectation de quatre ans au Kenya en a vu de toutes les couleurs. Profondeur de la nappe phréatique, coût des forages et non-respect des délais ne sont là que quelques-uns des écueils qu’a eu à surmonter la Saguenéenne d’origine. Mais grâce à la participation locale, au soutien d’organismes internationaux et à la détermination de notre missionnaire laïque, aujourd’hui ce sont près de 5 000 Massaïs ainsi que leurs troupeaux qui ont accès à une eau potable de qualité. (Marie-Hélène Côté)

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out a commencé un matin du mois d’octobre 2012. La veille, Magella Coulombe, p.m.é., avait proposé à la missionnaire, nouvellement arrivée à Namanga, de l’accompagner dans un village massaï. Située au Sud Kenya, la ville de Namanga repose sur la frontière séparant le Kenya de la Tanzanie. Pour atteindre les villages dispersés dans la brousse, nos deux missionnaires doivent donc rouler en direction nord-est sur une route de terre rouge, crevassée par l’érosion des pluies. Ce matin-là, le vieux camion Toyota progresse à une vitesse ne dépassant pas les 30 km/h. Ici, ce sont des arbres épineux qui éraflent la peinture du véhicule, là, des girafes traversent nonchalamment la route. De plus, avant d’atteindre Entepesi, nos deux missionnaires n’ont d’autre choix que de franchir une rivière. Heureusement aujourd’hui elle est asséchée, mais quand il pleut elle se gorge d’eau, bloquant le passage vers les villages. Après une heure de route sous un soleil de plomb, Sonia voit enfin se profiler à l’horizon les premiers bomas d’Entepesi. Les villages massaïs s’étendent sur plusieurs hectares. On y dé-

nombre en général une cinquantaine de bomas. Composé de quelques manyattas, des maisonnettes de terre recouvertes d’un toit de matériaux recyclés, chaque boma est délimité par un ruban de broussailles épineuses. Cette clôture naturelle protège tant les habitants que leurs troupeaux des lions et des hyènes qui rôdent dans la savane.

À Entepesi, une manyatta à l’intérieur de laquelle vivent de cinq à dix personnes. CRÉDIT PHOTO Sonia

Allaire

Le coût de l’eau potable De retour à Namanga, après une journée bien remplie, Sonia est ébranlée. Comment oublier l’accueil que leur a réservé la communauté visitée ainsi que la chaleur des gens. Mais une chose a particulièrement missions étrangères ¿ juin 2016

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À Olgulului, un système de collection d’eau de pluie a été aménagé en février 2016. On voit ici la structure coiffée d’un toit de tôle pourvu de gouttières. L’eau récoltée se déverse dans un réservoir d’une capacité de 5 000 litres. CRÉDIT PHOTO Sonia Allaire éveillé l’attention de l’infirmière : à quel point l’eau, dans cette région du monde, est une ressource rare et d’autant plus précieuse. Elle réalise ce qu’a coûté à ses hôtes le thé servi durant la journée. À Entepesi, les femmes doivent marcher une dizaine de kilomètres pour s’approvisionner en eau potable. Mais à Enkolili, le puits le plus proche se trouve à 20 kilomètres. Les femmes doivent donc se lever au milieu de la nuit pour faire provision d’eau. Parfois, elles vont au point d’eau le plus proche, là où s’abreuvent leurs troupeaux et les animaux de la savane. Il faut savoir que plus la saison sèche avance, plus l’eau se fait rare. De fait, Magella a raconté à Sonia que la dernière sécheresse avait fait des dégâts considérables dans la région, occasionnant de lourdes pertes au sein des troupeaux. Car non seulement les vaches, les chèvres et les moutons représentent la princi6

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pale source de revenus des Massaïs, mais ils en tirent l’essentiel de leur alimentation.

L’eau, dans cette région du monde, est une ressource rare et d’autant plus précieuse. Le problème, lui a fait observer Magella, c’est qu’il arrive qu’une nappe phréatique soit trouvée, mais que les ressources financières manquent pour forer et équiper le puits. C’est le cas à Entepesi où une étude hydrogéologique a été réalisée en 2012 sur la terre de l’un des patriarches du village. Bien que celui-ci ait accepté d’en léguer une partie à la communauté, les villageois ne disposent pas des fonds nécessaires pour effectuer les


À Entepesi, les villageois participent à l’installation de la canalisation servant à acheminer l’eau vers le réservoir et le kiosque d’alimentation. CRÉDIT PHOTO Sonia Allaire

travaux. Une difficulté qui déconcerte la missionnaire et n’aura de cesse de la préoccuper.

Une rencontre providentielle Quelques mois se sont écoulés et Sonia œuvre désormais auprès des personnes atteintes du VIH/ sida. Un jour, l’infirmière est appelée au chevet d’une femme dans la quarantaine et dont l’un des pieds est en piteux état. L’amputation est possible et Sonia sait que la mama massaïe n’aura pas les moyens de s’offrir une prothèse. En faisant des recherches sur Internet pour trouver un organisme sensible à ce genre de difficulté, Sonia tombe sur une ong indienne. Elle la contacte. Quelques jours plus tard, elle reçoit une réponse. On lui propose d’aller rencontrer un certain monsieur Doshi ayant élu domicile à Nairobi. Il accepterait certainement de l’aider, lui dit-on. Sonia monte donc à Nairobi en compagnie de la dame. L’homme d’affaires indien ne se fait pas prier pour défrayer les coûts reliés à la consultation avec un orthopédiste. Finalement, la dame sera traitée sans qu’on ait recours à l’amputation. Mais avant que se termine leur entretien, Sonia demande au généreux donateur si, à tout hasard, il

Dans le village d’Entepesi, un puits d’une profondeur de 120 mètres a été foré. Au centre de la photo, on voit une structure surmontée de panneaux solaires. C’est là que se trouvent le puits et la pompe permettant à l’eau d’émerger des profondeurs de la terre. À gauche de cette installation, on aperçoit le réservoir de 100 000 litres et à droite, un kiosque d’alimentation en eau potable pourvu de robinets. CRÉDIT PHOTO Sonia Allaire

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À Entepesi, l’eau sert tant aux besoins domestiques qu’à abreuver les animaux. CRÉDIT PHOTO Sonia Allaire n’embrasserait pas une autre cause, comme… le forage d’un puits par exemple! Son téléphone cellulaire à la main, monsieur Doshi compose aussitôt le numéro d’un compatriote œuvrant dans le domaine du forage. Après quelques minutes de conversation, l’ami accepte de forer gratuitement le puits d’Entepesi! « C’est presque trop beau pour être vrai », se dit la missionnaire qui fait le trajet de retour vers Namanga comme portée sur un nuage. Une chose est certaine, c’est que cette rencontre avec monsieur Doshi marquera les débuts de l’engagement de la missionnaire dans la question de l’eau potable. Quelques jours plus tard, notre missionnaire réalise que bien que le forage du puits d’Entepesi ne coutera pas un sou aux villageois, les équipements périphériques, eux, ne sont pas gratuits! D’ailleurs, les coûts liés à l’achat et à l’installation de la pompe, des panneaux solaires, du réservoir, de l’abreuvoir pour les animaux et du kiosque d’approvisionnement avoisinent les 50 000 $. 8

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Sonia doit donc trouver le financement nécessaire pour que le projet voie le jour. Avec l’aide de Claude de la Chevrotière, missionnaire laïque au Kenya depuis une dizaine d’années, elle rallie à sa cause Caritas Gipuzkoa (Espagne). Ce bailleur de fonds acceptera non seulement de financer le projet d’Entepesi, mais éventuellement la mise en place d’autres puits dans la région. Des difficultés Malgré ces bonnes nouvelles, le temps n’est pas au beau fixe. Un nuage se profile à l’horizon mettant en péril encore une fois le puits d’Entepesi. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis la promesse de la compagnie de Nairobi de venir forer le puits et rien n’a encore été fait. Sonia est inquiète. « Comme l’engagement financier de Caritas Gipuzkoa reposait sur la réalisation de cette première étape, tout risquait de tomber à l’eau. Et ce n’est pas un jeu de mots! », raconte la missionnaire. Mais à force d’acharnement et d’appels téléphoniques répétés,

Sonia réussit à convaincre l’entreprise d’honorer ses engagements. Considérant le retard de près d’un an dans la prestation de ses services, la missionnaire n’a d’autre choix que de rompre son partenariat avec cette compagnie de forage peu fiable. « Le problème, c’est qu’elle devait superviser le reste du travail. Désormais, j’étais laissée à moi-même », explique Sonia. Pour obtenir de l’aide, elle décide d’approcher des ingénieurs de Vision Mondiale qui justement travaillent dans un village voisin de Namanga. Ceux-ci lui offrent généreusement de l’amener à Ngito visiter un de leurs puits. « Durant la journée, nous avons discuté du cas d’Entepesi et des difficultés rencontrées. Non seulement m’ont-ils offert leur aide, mais ils m’ont proposé de s’associer au projet », se remémore la missionnaire. Un partenariat est donc signé entre Caritas Gipuzkoa et Vision Mondiale. Les travaux du puits d’Entepesi seront finalisés en octobre 2015. Un bilan À ce jour, 17 projets d’eau dans une quinzaine de villages massaïs


ont vu le jour grâce au travail acharné de Sonia et à l’apport de ses bailleurs de fonds. Au total, quatre puits ont été forés et treize systèmes de collection d’eau de pluie ont été aménagés. « Au Sud Kenya, forer un puits est extrêmement onéreux puisque l’eau se trouve à une profondeur qui varie entre 120 à 200 mètres. L’installation de puits nécessite également de nombreux échanges avec les populations locales en ce qui a trait aux titres de propriété des terrains. En l’absence de nappe phréatique, et parce qu’il nous est impossible de forer des puits partout, des systèmes de collection d’eau de pluie ont été aménagés. Là où il y avait des écoles ou des églises, nous avons installé des gouttières et des réservoirs de 5000 litres. Là où il n’y avait rien, nous avons construit des structures avec des toits de tôle afin d’y poser des gouttières se déversant dans un réservoir. Les communautés s’en servent aujourd’hui comme école ou comme église », précise Sonia.

« Avec les pépins rencontrés lors de la mise en place du puits d’Entepesi, j’ai beaucoup appris. Je sais maintenant quoi faire du début à la fin. Et, sans être une experte, je commence à m’y connaitre en forage de puits et en installations solaires », ajoute la missionnaire avec un brin de fierté.

À ce jour, 17 projets d’eau dans une quinzaine de villages massaïs ont vu le jour grâce au travail acharné de Sonia et à l’apport de ses bailleurs de fonds. Au début du mois de juin, Sonia Allaire terminait son association avec la Société des Missions-Étrangères. Quand on lui demande ce qu’elle va faire dans les prochains mois, la Saguenéenne répond : « Je

n’en ai absolument aucune idée! Tout ce que je sais, c’est que je dois prendre une pause, me ressourcer et consacrer du temps à ma famille. Je ressens très fortement le besoin de prendre un bon bain de culture québécoise et de revenir à ma source, mais il est certain que je désire continuer de suivre mon appel missionnaire. Où et comment cette mission se poursuivra, ce n’est pas moi qui décide. Il y a six ans, je me suis dépossédée de tous mes biens afin de répondre à l’appel de Jésus qui m’invitait à le suivre : « [...] va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; puis viens, suismoi.» (Mt 19, 21) Cette parole de Jésus me parle et me tourmente encore autant qu’avant. Je m’abandonne à ma foi et lui fais totalement confiance. » ¿ *Originaire de Ville de Saguenay et infirmière auxiliaire de formation, Sonia Allaire a été missionnaire au Kenya de 2012 à 2016. sonia.allaire@hotmail.com

Sonia Allaire lors du forage du puits d’Entepesi. CRÉDIT PHOTO Sonia

Allaire

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Dossier › 5 façons de changer le monde

par Gervais Turgeon, p.m.é.*

Se lier d’amitié avec le grand chef Plusieurs fois par jour, Gervais Turgeon jette un regard sur la photographie posée sur sa table de travail. Bien que les couleurs se soient un peu estompées, elle lui rappelle sa rencontre avec Datu Dumalao. À l’époque, on disait du grand chef des B’laans qu’il avait le pouvoir de se rendre invisible et de passer dix jours en forêt sans s’alimenter. Datu Dumalao était une légende dans la région. Notre missionnaire relate ici de quelle manière leur amitié aura un impact sur le développement de la communauté de Datalpitak aux Philippines. (LA RÉDACTION)

E

n 1986, j’ai été nommé curé de la paroisse de Matanao aux Philippines. C’est une municipalité de Davao del Sur à quelque 60 kilomètres au sud-ouest de la ville de Davao, à l’intérieur des terres. Quelques semaines à peine après mon arrivée, un jeune homme se présente à moi et me dit à brûle-pourpoint : « Est-ce que tu viendrais nous parler du Bon Dieu? » Je lui demande : « D’où viens-tu, pour l’amour? » Il me répond: « Mon nom est César Épa, je suis de l’ethnie B’laan et je viens de la montagne. » Du côté ouest de la paroisse se dressent des montagnes qui sont aussi une frontière. Les gens qui y habitent sont ce qu’on appelle des natives et ils ne sont pas chrétiens. Le jeune homme avait été un boursier de l’UNESCO. Il avait étudié chez les pères Oblats de la province voisine afin de devenir professeur. Il était alors devenu chrétien. L’entente avec l’UNESCO était la suivante : après l’obtention de son diplôme, il devait enseigner trois ans dans sa communauté. Je me suis empressé de lui répondre : « Bien sûr que je vais y aller. C’est pour ça que je suis ici. » Alors on s’est mis d’accord sur une date en juillet et sur le trajet à emprunter. Je devais parcourir une distance en moto. Ensuite, il me

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rejoindrait pour que nous marchions jusqu’à son village. Au milieu des B’laans Le jour convenu, je me suis rendu chez lui. Je n’avais pas l’intention de commencer tout de suite à leur parler du Bon Dieu. Je voulais d’abord vérifier si l’intérêt pour Dieu était uniquement celui du jeune homme ou si la communauté était aussi d’accord. Alors j’ai commencé à faire le tour des maisons : « Êtes-vous intéressés à ce qu’un prêtre vienne vous parler de Dieu? », demandais-je aux gens. Le lendemain matin, je vois arriver cinq hommes à cheval, armés de larges couteaux. C’était des responsables de la paroisse de Matanao : « Father, nous venons te chercher. Tu ne peux pas rester ici. Tu vas te faire tuer! », m’ont-ils lancé en me voyant. Lorsque les paroissiens ont appris que j’étais monté

à Colonsabac, chez les B’laans, ils ont été pris de panique. Ce que je ne savais pas, c’est que les rebelles musulmans avaient donné des fusils aux gens de la montagne, supposément pour en faire des alliés. Mais certains s’en servaient pour terroriser les gens d’en-bas, voler leurs animaux, leur riz et leur maïs. Autrement dit, non seulement les gens d’en-bas et les gens d’en-haut ne se parlaient pas, mais les premiers craignaient les seconds.

Father, nous venons te chercher. Tu ne peux pas rester ici. Tu vas te faire tuer! « Je suis très bien accueilli ici », ai-je répondu à ceux qui étaient venus me secourir. Ils n’étaient pas convaincus, mais ils n’ont pas

insisté. Le troisième soir, nous avons fait une grande réunion de toute la communauté. Je leur ai dit : « Vous m’avez tous manifesté votre intérêt pour que je vienne vous parler du Bon Dieu. Dans un mois, je reviendrai avec une équipe et nous vous donnerons un séminaire d’évangélisation de trois jours. Entre temps, vous pouvez commencer à construire votre chapelle. Êtes-vous d’accord? » Ils étaient tous très contents particulièrement César Épa, le jeune homme qui m’avait contacté. Quand je suis revenu à la paroisse, tout le monde était content de me voir. On voulait savoir comment s’était passé mon séjour chez les B’laans. Quand je leur ai dit que nous devions organiser un séminaire d’évangélisation, ce qui veut dire mobiliser une équipe de neuf conférenciers, personne n’a refusé d’y aller. Comme ils ne sont pas riches dans la montagne, j’apporterais des provisions pour l’équipe : un sac de riz, du poisson séché, des sardines. Le séminaire a eu lieu au mois d’août dans l’école, car la chapelle n’était pas encore prête. Il y avait beaucoup de monde. À partir de ce jour, ils se réunissent chaque dimanche. Ils ont choisi trois personnes qui sont devenues les responsables de la liturgie. Avec eux, j’ai choisi des textes des Évangiles pour qu’ils apprennent à connaître Jésus Christ. Le dimanche, lorsque je n’avais pas de baptêmes à la paroisse, je montais dans la montagne pour les encourager et il y avait toujours quelqu’un de Matanao qui voulait monter avec moi. Des baptêmes en-haut Au mois de décembre, une délégation est descendue de la montagne. « Ce sera bientôt Noël et on voudrait faire un cadeau au Bon Dieu », me dirent-ils. Quand je suis allé dans la montagne, j’avais mangé du cochon sauvage. Sur le coup, j’ai donc pensé qu’ils voulaient Sur la photo de gauche, Datu Dumalao souhaite la bienvenue à Gervais Turgeon. À l’instar de plusieurs membres de sa communauté, le grand chef des B’laans mâche des feuilles de bétel, une plante aux propriétés stimulantes et antiseptiques, qui donne une coloration rouge à sa bouche. CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

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m’offrir un cochon sauvage. « On voudrait se faire baptiser », me dirent-ils. Je leur ai exprimé toute ma joie et nous avons fixé la cérémonie entre Noël et le Jour de l’An. Cela a demandé des préparatifs, car tous les parrains et marraines devaient provenir de la paroisse de Matanao. Ce fut toute une fête. La création d’une nouvelle communauté chrétienne est déjà une occasion heureuse. Mais dans ce casci, la réconciliation entre les gens de la montagne et les gens d’en-bas fut tout un événement! Lors du baptême, un homme d’une quarantaine d’années s’approche et me dit : « Moi, je viens de Datalpitak, la grosse communauté B’laan située en-haut dans la montagne, à quatre heures de marche

d’ici. Est-ce que tu vas venir aussi chez nous? » Je l’avais déjà remarqué et je trouvais qu’il avait l’air d’un tueur avec ses cheveux longs et ses longs poils de barbe. De fait, j’ai appris qu’il avait déjà tué une bonne dizaine d’hommes. Quand je l’ai rencontré avant son baptême, j’ai également appris qu’il avait trois femmes. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de lui demander de renvoyer les deux dernières. On ne pouvait pas commettre une telle injustice envers ces deux femmes qu’il avait épousées selon les lois de la tribu. Qu’allaient-elles devenir? À la paroisse, on n’était pas d’accord avec ma position et je me suis fait rabrouer. À sa demande, je réponds avec enthousiasme : « C’est bien sûr qu’on va essayer de s’organiser

pour aller chez vous! » Il en a été très content. Mais il m’a dit qu’il fallait d’abord en parler à son père, le grand chef des B’laans qui s’appelait Datu Dumalao. Datu Dumalao était très respecté et surtout craint par tous ses sujets. C’était un personnage légendaire dont tous avaient entendu parler, mais que personne n’avait jamais vu sauf les B’laans. On disait qu’il avait 125 ans – j’ai calculé qu’il en avait 75 – et qu’il avait le pouvoir de se rendre invisible. De plus, il pouvait passer dix jours dans la forêt sans nourriture. La réponse de Datu Dumalao a été très claire : « Jamais! Je ne veux absolument pas avoir ici un Américain qui va venir nous mener par le bout du nez! » La question était résolue et je ne me serais jamais avisé de m’y présenter sans son autorisation. Comme je connaissais son autre fils, Datu Kalibu, le chef d’une autre communauté, je lui ai dit : « Informe ton père qu’il a parfaitement le droit de me refuser l’accès à sa communauté, mais je ne comprends pas qu’il le fasse sans qu’on se soit vu. Qu’il me rencontre d’abord. S’il n’aime pas ma face, je redescendrai le plus vite possible. »

Datu Dumalao était très respecté et surtout craint par tous ses sujets. C’était un personnage légendaire dont tous avaient entendu parler.

CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

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Datu Dumalao a finalement accepté de me rencontrer. Je suis allé à Datalpitak avec une dizaine de compagnons, tous des responsables de liturgie dans les communautés B’laans. Vous comprenez que j’étais nerveux, car on m’avait tellement parlé de Datu Dumalao. J’ai été reçu dans sa maison; il y avait une grande pièce et tous les anciens étaient assis le long des murs. On m’a présenté. Alors je lui ai manifesté tous les égards de respect. J’ai porté sa main à mon front en m’inclinant profondément, comme c’est la coutume aux Phi12

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lippines. Je ne sais par quelle grâce ou par quel miracle, mais je lui ai plu à première vue. Il a lui-même noué nos mains d’une façon spéciale et il a déclaré à l’intention de tous les anciens : « Cet homme est bienvenu à Datalpitak et je mets sa sécurité entre vos mains. » Il est même allé plus loin en m’offrant de devenir « fils de B’laan », un honneur que d’autres confrères se sont fait offrir dans d’autres communautés après plusieurs années de travail. J’ai refusé prétextant que je ne savais pas la langue et que je ne connaissais pas leurs coutumes. La vérité est que je ne savais pas à quoi cela m’engagerait. De nouveaux défis Une autre page s’ouvrait dans notre travail d’évangélisation. Mais je savais qu’il y aurait beaucoup de problèmes à régler. D’abord la distance : c’était presque six heures de marche dans la montagne à travers la vase et les roches. Ensuite, j’étais toujours curé d’une paroisse avec

Cette photo a été prise en février dernier, lors du voyage de l’auteur aux Philippines. On y reconnait Gervais Turgeon, p.m.é., en compagnie de César Épa - à gauche - et de professeurs de l’école primaire de Datalpitak. L’établissement, fondé en 1987 par notre missionnaire, accueille aujourd’hui une centaine d’élèves. CRÉDIT PHOTO Gervais Turgeon

104 chapelles en plus de l’église paroissiale. Il y avait aussi le problème de la langue. En haut, tout le monde (surtout les femmes) parlaient le b’laan et non le cebuano, langue utilisée par les gens de la paroisse. C’était tout un défi.

Une autre page s’ouvrait dans notre travail d’évangélisation. Mais je savais qu’il y aurait beaucoup de problèmes à régler. Nous avons choisi une petite équipe de conférenciers parmi les jeunes B’laans les plus dynamiques. Je suis monté chez eux pendant une semaine. Nous avons tenu notre

séminaire d’évangélisation et cette fois-ci j’ai baptisé tous ceux qui avaient assisté et qui évidemment voulaient être baptisés. Il est à noter que Datu Dumalao n’a pas assisté et n’a jamais demandé le baptême. César Épa, le jeune professeur, avait terminé ses trois ans à Colonsabac. Je l’ai invité à Datalpitak pour qu’il commence une école. Il a eu une trentaine d’élèves. Quand le temps est venu pour la graduation de la première année, j’ai invité la surintendante de l’éducation de la province à y assister. Je lui ai dit qu’on lui trouverait un bon cheval avec quelqu’un pour la guider et que ce serait très facile et très agréable. Elle ne voulait absolument pas. Mais quand je lui ai dit qu’elle rencontrerait Datu Dumalao, elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle a accepté tout de suite. Le Bon Dieu a voulu qu’elle missions étrangères ¿ juin 2016

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tombe trois fois de son cheval tellement le sentier est difficile. Je tenais à ce qu’elle vienne, parce que sa conviction était que les enfants de la montagne devaient aller à l’école d’en bas. Un beau programme a été organisé pour la graduation. Il y a eu des chants, des danses, de petits sketches. Quand la surintendante a été invitée à parler, elle a pleuré en avouant qu’elle n’avait jamais imaginé que c’était aussi loin et aussi difficile de se rendre d’en-bas jusqu’à la montagne. Elle a promis de faire tout son possible pour aider l’école. L’école offre aujourd’hui des cours jusqu’à la quatrième année. Du côté des femmes, il y a eu aussi des développements. Sofia Diez, la petite fille de Datu Dumalao, y est devenue catéchiste. On a aussi offert des cours de premiers soins afin de traiter les problèmes mineurs comme les blessures légères, les rhumes, la grippe ou la diarrhée. On a créé des jardins de plantes médicinales et de légumes.

CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

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Gervais Turgeon en visite chez la famille Diez. On voit ici les parents de Sofia ainsi que deux de ses frères. CRÉDIT PHOTO Gervais Turgeon

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Datu Dumalao, mon grand-père Entrevue avec Sofia Diez par Marie-Hélène Côté Missionnaire associée depuis 14 ans, Sofia Diez est la petite-fille de Datu Dumalao. Celle qui deviendra bientôt coresponsable de notre Centre de formation missionnaire au Kenya, nous parle ici de son grand-père. MHC Sofia, ton grand-père était le chef des B’laans établis à Datalpitak, Colonsabac et Matanao. Comment était-il perçu dans ces communautés? SD Mon grand-père était un homme très intelligent bien qu’il n’ait jamais fréquenté l’école. C’était un homme simple, connu dans toute la région et surtout très respecté. On disait qu’il parlait avec beaucoup de sagesse de sorte qu’on faisait appel à lui pour résoudre les conflits qui survenaient tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté. Comme c’était un homme de parole, les gens lui faisaient confiance et ils lui obéissaient. Toutefois, certains le craignaient, car il avait la réputation d’être impartial. Il avait construit une petite prison de bois où il incarcérait les gens qui avaient commis un crime. Mon grand-père avait un esprit communautaire très développé. Il partageait ses récoltes avec les membres de sa famille et de sa communauté. Quand il recevait des invités, il faisait tout en son pouvoir pour les accommoder. Mon grand-père avait la réputation d’avoir un don pour guérir les gens et pour lire, dans les événements, les signes des temps. MHC De quelle manière Datu Dumalao a-t-il été une source d’inspiration pour toi? SD Datu Dumalao était un père pour chacun de ses enfants et de ses petits-enfants. Il se montrait très protecteur envers nous. Ce qui m’étonnait toujours était que, bien qu’il soit respecté par tous, il demeurait un homme très humble. C’était aussi un homme de conviction et de tradition. Bien avant que l’on parle d’écologie et de protection des milieux naturels, Datu Dumalao partait en forêt pour y planter des arbres. D’ailleurs, il aimait beaucoup s’y retrouver, car c’était un bon chasseur. Il aimait particulièrement chasser le cochon sauvage et le chevreuil. C’est certainement à lui que je dois mon amour de la nature. Mais ce que j’aimais le plus, chez cet homme, c’est la richesse de sa vie spirituelle. Datu Dumalao était un homme très pieux. Un fait étonnant est qu’il croyait en Dieu, bien avant sa rencontre avec Gervais Turgeon. Mais il n’avait jamais mis le pied dans une chapelle. *Originaire de Sherbrooke, Gervais Turgeon a été missionnaire aux Philippines (1963 à 1977; 1981 à 1989), au Soudan (1994 à 2012) et au Canada (1977 à 1981; 1989 à 1993; 2012 à aujourd’hui). Il occupe aujourd’hui la fonction de supérieur de la région du Canada. turgeon2336@gmail.com

Comme la terre est riche, les plants ont beaucoup produit. Puis, ce fut au tour de Raynaldo Diez, le frère de Sofia, d’aller travailler dans son village d’origine. Il a obtenu du financement pour apporter l’eau au village à partir d’une rivière qui

n’est pas très loin. Les gens ont pu créer de petits étangs et ils ont commencé la culture du tilapia. Une vie transformée C’est toute la vie de la communauté qui a été transformée par

le travail d’évangélisation. Le Seigneur a dit: « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et la vie en abondance ». Ce n’est pas seulement de la vie spirituelle dont il est question ici, mais la vie dans toutes ses dimensions. Quand j’ai laissé la paroisse en 1989, la municipalité m’a remis une plaque d’appréciation non seulement pour mon travail comme curé, mais plus précisément pour mon apostolat auprès des B’laans. Il a favorisé une réconciliation durable entre les gens d’en-bas et les gens d’en-haut. Les B’laans pouvaient maintenant venir au village et plus particulièrement venir à l’hôpital. Tout cela se poursuit jusqu’à maintenant. Rendons grâce à Dieu. Avant de mourir, Datu Dumalao a dit à sa fille Dapoy : « Je vais mourir; à partir de maintenant, le père de la communauté sera le père Turgeon. » Et il m’a donné un lopin de terre pour que je puisse y demeurer.

Retour aux philippines En février dernier, Gervais Turgeon est retourné aux Philippines pour revoir son monde, comme il dit. Tant les gens de la paroisse de Matanao que ceux de la montagne. Heureusement, la construction d’une route carrossable entre Matanao et Datalpitak permet de faire ce trajet en moins de 45 minutes au lieu des quatre heures habituelles de marche. Malgré la distance, les liens d’amitié ne se sont jamais estompés entre le missionnaire maintenant au Québec et les B’laans. « Chaque semaine, on s’échange des nouvelles grâce à Internet », raconte-til. « Un de mes amis m’a appris qu’il s’était récemment procuré un ordinateur portable et que nous pourrons dorénavant communiquer via Skype », s’enthousiasme Gervais Turgeon qui fêtera bientôt ses 80 ans. ¿

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Dossier › 5 façons de changer le monde

par Beatriz Medina, missionnaire laïque associée*

Donner le meilleur de soi-même Durant ma vie, j’ai rencontré plusieurs femmes qui m’ont influencée et qui, d’une certaine manière, m’ont préparée à la mission. Ces femmes m’ont laissé en héritage une manière d’être plus authentique, un enseignement particulier ou encore un sens de l’engagement qui colorent, encore aujourd’hui, tout mon travail de missionnaire. En un mot, toutes ces femmes voulaient une seule chose : rendre la vie plus juste… pour tout le monde. (Beatriz Medina)

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aimerais vous présenter l’une d’elles, Estela de Nardelli. Elle est issue d’une famille bien connue de ma ville natale en Argentine. Ce qui fait la richesse d’Estela, c’est qu’elle sait être proche des plus pauvres. Cette femme a travaillé avec des Autochtones et a démarré divers projets avec eux comme des cantines populaires, des garderies pour enfants et un foyer pour personnes âgées. Elle a même appuyé la formation d’une petite association de mères fabriquant des uniformes de travail pour des entreprises de la région. Et surtout, elle ne manquait jamais d’accompagner l’Église par son engagement dans la catéchèse. Quand on s’approchait d’elle, on ne repartait jamais les mains vides. On pouvait commencer à matérialiser un projet ou, au moins, retourner avec un mot d’encouragement. Une femme empressée qui donnait tout son temps pour sa famille et pour ses œuvres. Dans une même journée, on pouvait facilement la voir en train de faire la cuisine chez elle et parcourir un quartier marginal pour écouter, encourager ou consoler les femmes. De plus, elle possédait un charme particulier. La douceur de son sourire faisait penser à la tendresse de Marie, la mère de Jésus. Elle avait vraiment l’art de communiquer, d’encourager ou de stimuler les gens. 16

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C’est elle qui, d’ailleurs, m’a exhortée à poursuivre mes études et, par la même occasion, m’a fait cadeau du plus précieux des livres : la Bible. Je pourrais même dire qu’elle m’a poussée à « tomber en amour avec Jésus » et à le faire connaitre à d’autres par les ren-

L’auteure, à droite, en compagnie de Beatriz Peña. CRÉDIT PHOTO Elsa

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contres de catéchèse du quartier. En somme, toute sa personnalité me rappelle la phrase de Thérèse de Calcutta : « Heureux ceux qui donnent sans se souvenir et qui reçoivent sans oublier ».


Le quartier Año Nuevo, où travaille l’auteure. CRÉDIT PHOTO Elsa

Dans les collines de Lima À présent, je vous emmène dans le district de Comas, plus précisément dans le quartier d’Año Nuevo (Nouvel An), à la périphérie nord de Lima au Pérou où travaille un trio composé de Lévis Veillette, p.m.é., et de deux missionnaires laïques associées, Elsa Lidia Izaguirre et moi-même. D’abord, je dois vous dire que le nom « Año Nuevo » donné à cette communauté vient du fait que c’était un 1er janvier qu’un groupe de familles, n’ayant pas d’autres endroits pour vivre, ont pris possession de parcelles de terre appartenant à l’État péruvien. La plupart étaient originaires de la Sierra (les Andes) ou de la Selva (la jungle). Elles avaient immigré à Lima à la recherche d’un avenir meilleur. Elles s’étaient ainsi lancées dans un processus difficile, car elles devaient trouver par elles-mêmes un endroit pour vivre et s’organiser pour obtenir des conditions de vie

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plus convenables. Dès leur arrivée, les familles ont commencé à occuper les terrains en hauteur – là où personne ne veut vivre – et se sont installées dans des conditions précaires jusqu’à ce qu’elles puissent, peu à peu, se procurer les services

Des familles, n’ayant pas d’autres endroits pour vivre, ont pris possession de parcelles de terre appartenant à l’État péruvien. de base comme l’eau, l’électricité et les égouts. Ensuite, elles ont construit des escaliers leur permettant de circuler sur ces terrains en pente, mis sur pied des centres de santé, des écoles et même une église. En mission, comme on peut le voir, tout est à construire!

Une dirigeante hors du commun Je veux maintenant vous présenter une autre femme courageuse : Beatriz Peña. Il s’agit d’une dirigeante très expérimentée du secteur Colinas (collines), aussi du quartier d’Año Nuevo. Elle a émigré de Huánuco à Lima avec son mari et leurs cinq enfants, à la recherche de travail et d’études. Il s’agit d’une femme au foyer qui travaillait occasionnellement comme coiffeuse à la maison. En 2006, elle a été élue comme dirigeante de la communauté. Elle avait tellement bien fait ça que, par la suite, grâce à son honnêteté et à la confiance qu’elle inspirait, elle fut réélue deux autres fois. Elle a même réussi à mener à bien plusieurs projets concrets afin d’améliorer les services essentiels de la communauté. Tous reconnaissaient sa détermination. Écoutons-la. « Quand je suis arrivée ici, les gens n’avaient ni eau courante, ni électricité, ni services sanitaires. Et moi, j’étais déprimée. J’ai dit à mon mari que, si ça ne changeait pas, j’almissions étrangères ¿ juin 2016

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lais retourner chez moi ». Il faut dire qu’en arrivant, Beatriz ne connaissait ni l’endroit ni la personne à qui adresser ses projets. Elle a donc commencé par communiquer avec la mairie. Tous ses projets présentés au maire étaient rédigés à la main. Chacun d’eux fut accepté. Ce fut une réussite pour elle et une chance pour la communauté! Le premier besoin comblé fut celui de l’eau potable. « La plus grande réussite de ma vie! », me confie-t-elle. « Quand l’eau est sortie du robinet pour la première fois chez nous, je suis tombée à genoux et je me suis mise à pleurer de joie en remerciant Dieu. Quelque chose d’aussi singulier s’est produit lorsque nous avons obtenu l’électricité. Je me souviens, le quartier était en fête ce soir-là! Tard dans la nuit, les enfants jouaient dehors et les gens nettoyaient leur maison. Je me disais : ça, ce n’est qu’un début! » Après, trois autres projets ont vu le jour : la construction d’un escalier pour gravir la colline, l’élévation d’un mur de soutènement pour prévenir les glissements de terrain et l’obtention des titres de propriété de nos lotissements. « Maintenant, raconte-t-elle avec les larmes aux yeux, nous travaillons pour que les rues soient asphaltées et bordées de trottoirs. » C’est ainsi qu’elle a accompagné pas à pas le développement de son voisinage.

Quand l’eau est sortie du robinet pour la première fois chez nous, je suis tombée à genoux. « Le rôle d’une dirigeante n’est pas facile, m’avoue Beatriz. Ça ressemble aux tâches d’une mère de famille qui doit voir à tout : encourager la communauté, donner des conseils, prendre des décisions, s’oc-

Un des projets orchestrés par Beatriz Peña : la construction d’un escalier de bois permettant de gravir la colline. On remarque une boîte aux lettres, à gauche sur la photo (buzón). CRÉDIT PHOTO Elsa

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cuper de tout un chacun, insister et même secouer l’inertie des gens qui ne veulent pas faire leur part pour qu’un projet fonctionne. Je me dis toujours que la participation et le soutien de tous, c’est nécessaire pour que la communauté progresse. Parfois, je dois faire face à des situations difficiles, par exemple, traiter avec des jeunes qui se droguent afin de les éloigner de notre secteur. Je fais ça avec beaucoup de doigté et de respect et, surtout, dans un langage approprié. Généralement, ils finissent par comprendre et partent d’eux-mêmes. »

J’éprouve une grande satisfaction à voir leurs visages réjouis lorsque leurs petites œuvres d’art sont terminées. Discrètement, Beatriz a d’autres tâches qui lui tiennent à cœur. Par exemple, si quelqu’un tombe malade ou meurt, elle va de maison en maison pour solliciter la solidarité des voisins afin d’apporter support et réconfort à la famille éprouvée. « Je le fais, affirme-t-elle, parce que Dieu ne m’a jamais abandonnée quand j’étais dans le besoin. Je me souviens qu’une fois, ma fille était si malade qu’elle avait besoin d’une opération d’urgence. En voyant ma détresse, un médecin, qui travaillait dans une clinique privée, a fait l’opération gratuitement. Je sais que Dieu est toujours avec moi. Toute jeune, j’ai appris que le Seigneur est un Dieu jaloux (Ex 34, 14). On ne doit pas jouer avec Dieu. S’il est fidèle alors je lui dois aussi fidélité. » Ces enfants qui me comblent de joie À part toutes ces femmes qui m’ont inspirée, en ce moment c’est la créativité et la joie de vivre d’enfants qui m’enchantent. Quand je gravis la colline pour aller enseigner l’art à ces jeunes, j’y mets beaucoup de patience et d’amour. Et après, j’éprouve une grande satisfaction à voir leurs visages réjouis lorsque leurs petites œuvres d’art sont terminées. Pour moi, c’est essentiel de les garder occu

Les jeunes artistes de la colline présentent leurs réalisations faites à partir de bouteilles de boisson gazeuse. CRÉDIT PHOTO Beatriz

Medina

pés. C’est mieux pour eux que de traîner dans les rues ou de demeurer passifs devant le téléviseur. C’est un peu la même chose qui se produit lorsque je vais au Foyer des enfants orphelins. Je me sens bien lorsque je les vois contents d’atteindre leurs objectifs dans leurs devoirs, leurs jeux ou dans une chose aussi simple que de réussir à mettre leurs chaussures. Vous savez, mes tâches sont souvent simples et faciles, mais j’y mets toute la passion et la générosité dont je suis capable. Donner le meilleur de moi-même, c’est ce que m’ont appris les femmes présentées dans cet article. ¿ Traduction et adaptation de l’espagnol : Claude Dubois, p.m.é. *Originaire de Reconquista, en Argentine, Beatriz Medina a œuvré au Chili (2002-2004) et au Honduras (2004-2014). Elle travaille au Pérou depuis maintenant deux ans. beamedi2007@yahoo.com.ar

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Dossier › 5 façons de changer le monde

par Carmen Rivera, missionnaire laïque associée*

Découvrir DIEU Dans les PAUVRES J’ai appris à percevoir la présence de Dieu dans le quotidien de la vie. Je le découvre dans ce qu’il y a de plus simple, dans ce qui paraît insignifiant, dans ce qui ne compte pas, dans ce qui semble n’avoir aucune valeur. C’est le Dieu que j’aime. Il donne un sens à tout ce que je fais. C’est lui que j’appelle le Dieu des pauvres. (Carmen Rivera)

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l faut apprendre à voir, à toucher et à sentir les différentes facettes de la pauvreté. Lorsqu’elles se manifestent, lorsqu’elles frappent à la porte de ton cœur, tu ressens le besoin de sortir de ton confort, de ton silence et de ta routine quotidienne. Tu oses alors poser des gestes face à l’exploitation d’un grand nombre de tes sœurs et de tes frères. À l’intérieur de toi, il y a cette préoccupation qui ne te laisse plus tranquille. Sortir de notre confort Quand je sors de ma zone de confort, j’entends le cri de notre peuple devant l’absence de logements adéquats, les problèmes de santé, le manque d’écoles, la corruption, la violence, les salaires de famine, le chômage, la malnutrition et la mort même. Je ne me demande plus où est Dieu parce que – dans ce Honduras que j’aime – je le vois partout, je peux même le toucher. Il se laisse rencontrer dans les personnes qu’il met quotidiennement sur ma route. C’est le jeune homme qui appartient à un gang de rue. C’est cet enfant qui vend des cigarettes ou des friandises près de chez moi. C’est la dame ou la jeune fille qui fait des tortilllas (des crêpes de maïs) et qui les vend là où c’est possible. C’est l’homme dont le travail consiste à ramasser les ordures dans mon quartier.

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Construire ensemble J’ai travaillé dans des communautés très vulnérables. Certaines de ces communautés sont formées de gens appartenant au peuple autochtone Lencas. Ces gens gagnent à peine l’équivalent d’un dollar par jour pour nourrir leur famille. J’ai pu accompagner ces communautés et me joindre au travail qu’accomplissent des dirigeants bé-

névoles, formés dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la nutrition. Tous, nous voulons contribuer à la construction, à partir de la population, d’une société meilleure. Nous faisons le pari de la solidarité, de l’engagement social et du partage de ce que nous sommes et de ce que nous avons. Nous faisons nôtres les problèmes et les besoins de nos communautés.

Lors d’une formation portant sur l’allaitement maternel, Carmen joue avec les enfants afin de créer des liens. CRÉDIT PHOTO SMÉ

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Des témoins Voici deux personnes qui témoignent, dans leur quotidien de la présence miséricordieuse de Dieu dans nos communautés. Le premier, c’est Jean Greffard, p.m.é., qui a accompagné de très près le travail missionnaire que j’ai réalisé. Sa seule présence et son soutien nous ont rendus sensibles à la présence réelle et mystérieuse de Dieu dans nos vies. Sa simplicité, sa joie, sa patience, sa capacité d’écoute, son esprit de service, son dévouement et sa générosité sont les vertus d’un missionnaire voulant apporter la paix. Cela me touche quand les gens des communautés disent cela de lui. En tant que missionnaire, il est un exemple à suivre. Le second témoignage que je souhaite partager est celui d’une dirigeante bénévole, Dilcia Antonia Martinez. Elle est la mère de huit enfants. Dans sa communauté, elle aide les femmes qui accouchent. Son travail est essentiel. Il y a un mois, nous sommes allés lui rendre visite. Elle vit dans une des communautés d’Ojojona. Nous avons fait le trajet en autobus, mais ensuite nous avons dû marcher durant plus de trois heures. Nous avons échangé ensemble. Sa joie était tellement grande. Mais elle ne savait pas comment nous recevoir.

Il y avait chez elle une poignée de haricots et quelques tortillas qui devaient servir au déjeuner de ses enfants. Peu après notre arrivée, elle a commencé à nous distribuer cette nourriture. María Murcia, une dirigeante qui nous accompagnait, a constaté que les enfants de Dilcia pleuraient dans la cuisine. Nous étions en train de manger leur déjeuner. Nous avons immédiatement commencé à partager avec eux ce que Dilcia nous avait donné. Je me suis permis de demander à Dilcia : « Pourquoi nous as-tu donné le déjeuner de tes enfants ? » « Les enfants peuvent attendre un peu et je vais leur préparer un nouveau repas. Mais je suis inquiète de ne pas vous recevoir dignement », a-t-elle répondu. Je suis restée bouche bée et j’ai pensé : « Dieu est ici! C’est ça la générosité de Dieu! » Encore une fois, je constatais que les pauvres me montraient Dieu à travers ce qu’ils sont et ce qu’ils font. ¿

Cette fillette aide sa mère à faire la lessive. « Dans les quartiers défavorisés de Tegucigalpa, les enfants font des tâches habituellement imparties aux adultes », nous révèle l’auteure. CRÉDIT PHOTO SMÉ

Honduras

Adaptation de l’espagnol : Claude Dubois, p.m.é. Originaire de Sogamoso en Colombie et enseignante de profession, elle est missionnaire au Honduras depuis 2010. Le 21 octobre 2013, le diocèse de New York lui a décerné un prix pour son engagement humanitaire au Honduras. carmehm26@outlook.com

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Dossier › 5 façons de changer le monde

par Silvia Pucheta, missionnaire laïque associée*

Être présente auprès d’elles Depuis deux ans, j’enseigne les rudiments de la religion catholique à des adolescentes qui fréquentent l’école Shirayuri Gakuen, à Sendai. Bien que l’établissement soit dirigé par les Sœurs de Saint-Paul de Chartres, mes étudiantes sont, en majorité, agnostiques ou bouddhistes. Rien d’étonnant puisqu’au Japon, moins de 0,5% de la population embrasse la foi catholique. (Silvia Pucheta)

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ans ce contexte, mon intention n’est pas de convertir mes étudiantes, mais de partager avec elles les valeurs évangéliques qui m’animent. Je suis toujours étonnée de constater l’accueil et le respect que ces jeunes femmes de 15 à 17 ans manifestent à l’endroit des valeurs

que nous abordons en classe. C’est le cas de l’amour du prochain, de la paix ou de la liberté. Par exemple, un jour nous avons discuté de cette parole de Jésus tirée de l’Évangile de saint Matthieu : « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux : voilà la Loi et les Prophètes. » J’ai de-

mandé à mes étudiantes de quelle manière elles pouvaient mettre en pratique cette règle d’or. Leurs réponses m’ont surprise. L’une d’elles a mentionné que cette parole de Jésus l’invitait à ne pas être indifférente au sort d’autrui. On doit se soucier de ce qui arrive aux autres. Une autre a dit qu’elle devait éviter de discriminer les

Silvia invite ses étudiantes à se poser la question suivante : Qu’est-ce qui me rend heureuse? Après un temps de réflexion, elles partagent leurs réponses avec leurs camarades de classe. Silvia nous en divulgue quelques-unes : être avec ma famille, avoir des amies, voyager, manger mon plat préféré et même... dormir! CRÉDIT PHOTO Silvia

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Pucheta


personnes différentes et être aimable avec tous. Au fond, a-t-elle ajouté, ne sommes-nous pas tous égaux? Découvrir le monde Je souhaite aussi, chez mes étudiantes, éveiller leur intérêt sur ce qui se passe sur la planète. Ainsi, elles manifesteront une attitude d’ouverture envers leurs frères et leurs sœurs d’autres pays.

Shirayuri Gakuen En langue japonaise, shirayuri signifie lys blanc. Au Japon, cette fleur représente la dignité et l’intégrité. Quant au mot gakuen, il renvoie à un établissement scolaire, qu’il s’agisse d’une école ou d’un campus.

Ces jeunes femmes sont plus que mes étudiantes. Elles font maintenant partie de ma vie. C’est ainsi qu’un autre jour, nous avons réfléchi ensemble sur la vie de Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise qui a reçu plusieurs distinctions pour ses prises de position en faveur de l’éducation des filles, dans son pays et ailleurs dans le monde. Son combat fut une grande découverte pour mes étudiantes. Elles ont pu se rendre compte qu’elles pouvaient changer les choses, même si elles étaient jeunes. Je constate avec joie que mes étudiantes s’intéressent aux sujets abordés et qu’elles participent activement aux discussions. Les échanges deviennent ainsi très enrichissants.

Apprendre des autres Mes étudiantes ne sont pas les seules à bénéficier des moments que nous passons ensemble. J’apprends moi aussi beaucoup d’elles. Leur capacité à s’ouvrir à la différence m’émerveille chaque fois. De plus, elles me permettent de voir à nouveau le monde à travers les yeux d’une adolescente. Ces jeunes femmes sont plus que mes étudiantes. Elles font maintenant partie de ma vie. Pas étonnant que des liens se soient créés entre elles et moi. Certaines de mes anciennes élèves fréquentent aujourd’hui le collège ou l’université. Nous sommes demeurées en contact. Ce boulot est bien plus qu’un simple travail. Je laisse mes étudiantes me transformer. Je les écoute, je tente de mieux les connaître, je m’intéresse à leur vie. Comme je l’ai dit précédemment, je ne cherche pas à convertir mes étudiantes. Ce qui m’importe est d’être présente auprès d’elles. Le reste repose entre les mains de Dieu. ¿ Traduction et adaptation de l’anglais : Marie-Hélène Côté

CRÉDIT PHOTO Pixabay

Mais ce qui me fait le plus plaisir, je crois, c’est d’apercevoir une étincelle briller dans leurs yeux lorsqu’elles viennent de découvrir quelque chose.

*Originaire de Resistencia en Argentine, Silvia Pucheta est travailleuse sociale de formation. Elle a œuvré en Chine de 2002 à 2011. Depuis cinq ans, elle et son conjoint Ever Amador sont missionnaires au Japon. silviapucheta@yahoo.com

Malala Yousafzai Née en 1997 à Mingora, au nord-ouest du Pakistan, Malala Yousafzai est aujourd’hui une ambassadrice mondiale pour le droit des jeunes filles à l’éducation. Malala vient d’une famille où l’éducation est valorisée. Quand en 2007, les talibans prennent le contrôle de sa vallée natale, plusieurs écoles pour filles sont fermées ou incendiées. C’est au cours de cette période trouble que Malala rédige le Journal d’une écolière pakistanaise pour le compte de la BBC. Ce blogue, écrit en langue ourdoue, relate le quotidien d’une jeune fille de 11 ans qui, malgré toutes les embuches, continue de s’instruire. Bien qu’elle utilise un nom d’emprunt, Malala est repérée. On tentera de l’assassiner le 9 octobre 2012. Transférée six jours plus tard en Angleterre dans un état critique, l’adolescente se remettra graduellement de ses blessures. Son livre, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, est lancé dans 21 pays, un an plus tard. En 2014, Malala Yousafzai obtient le Prix Nobel de la paix avec l’Indien Kailash Satyarthi.

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Alphonse Proulx en 1959 et en 2016. CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

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Côté

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Si Jeunesse savait

par Alphonse Proulx, p.m.é.*

Quelles leçons tirent nos missionnaires de leur parcours de vie? Ce mois-ci, nous avons demandé à Alphonse Proulx, p.m.é., quels conseils il donnerait au jeune missionnaire sur la photo en noir et blanc. (la rédaction)

L’

importance de la langue du pays, oui, tu as raison : ce sera ton principal instrument de communication et d’évangélisation. Cependant, n’oublie pas qu’autour de la langue locale, il y a aussi une foule de petites choses, des gestes, des attitudes et comportements qui, mis ensemble, forment la culture d’un pays, la culture des gens avec qui désormais tu vas vivre. Tu leur apprendras des choses, c’est évident; mais reste très ouvert, car eux aussi t’apprendront des choses que – imbu de ta propre culture, même à ton insu – tu n’aurais jamais pu imaginer.

Les gens de ton pays d’origine, même de ta propre famille, aimeront entendre tes réponses à diverses questions. Comment t’adaptes-tu à leur nourriture? Comment résistes-tu aux grandes chaleurs qu’on imagine dans les pays dits chauds? (En réalité, je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie qu’en Amérique latine). On dit qu’il y a beaucoup de bibittes là-bas, comment peux-tu les supporter? Tisser des liens Mais aujourd’hui, je te dirais : hâte-toi de tisser des liens avec les gens, avec les gens simples, avec les gens de toutes catégories. Dès

que tu auras tissé ces liens étroits, que tu te sentiras à l’aise avec cette nouvelle famille et que tu percevras que tu commences à compter pour eux, eh bien là, ni la différence de nourriture, ni les grandes chaleurs, ni les bestioles, rien de tout cela ne te dérangera vraiment. Pourquoi? Parce que tu seras impliqué dans la vie des gens et que cela te comblera de plus en plus. Une dernière chose : freine un peu ton hyperactivité. Tu verras dès le début tant de choses à faire que tu en seras comme submergé. Résiste à cette hyperactivité fébrile. Protège jalousement ton sanctuaire intérieur par l’oraison et la médiation de la Parole de Dieu. Au milieu de ton nouveau Peuple de Dieu, ta présence s’en trouvera grandie et ton action approfondie.

J’ai pleuré pour aller en mission J’ai pleuré deux fois dans ma vie. La première, ce fut à l’âge de cinq ans en voyant passer, pour aller à l’école, des voisins tout juste un peu plus âgés que moi. J’ai pleuré parce que j’aurais bien voulu aller à l’école, moi aussi, mais hélas, ce ne fut qu’après mes six ans. Puis j’ai pleuré de nouveau en septembre 1964, à l’âge de 30 ans. Cette fois, c’était pour aller en mission! Le fait est qu’après mes études de théologie au Séminaire des Missions-Étrangères, je n’étais pas parti, comme les autres confrères, vers un pays étranger. Les autorités m’avaient plutôt nommé assistant à la revue Missions Étrangères. Mon mandat était de trois ans. Les trois années passent et rien n’arrive. Puis, on me demanda de continuer une autre année. Une année de plus, ce n’est finalement pas trop grave, me disais-je.

Crise de larmes Cependant, l’année suivante, je suis convoqué chez le supérieur général. Tout de go, il me demande si j’accepterais de continuer encore un an (donc une 5e année!). Là, il s’est produit une scène tout à fait singulière et à laquelle aucun des deux n’était préparé. Pour toute réponse, j’ai craqué de tout mon être dans une crise de larmes. Je me suis demandé intérieurement d’où pouvait donc venir cette vague profonde de ma mer intérieure, que je n’arrivais pas à contenir. La décision Le supérieur, probablement aussi dérouté que moi, me respecta. Il observa un silence complet jusqu’à ce que je me sois apaisé. Dès que j’eus repris un peu d’aplomb, je lui ai répondu avec une voix très mal assurée : « Si vous attendez trop longtemps, je ne pourrai jamais apprendre la langue du pays où vous m’enverrez! »

Probablement soulagé de connaître le motif de ma réaction et faisant fi de tout dialogue – c’était la coutume du temps, je crois – , il leva non seulement son doigt, mais tout son bras droit s’allongea vers moi. Le supérieur me dit : « Termine cette année (1964) à la revue et prends un petit congé. Puis prépare tes valises. Tu iras à l’École de langue du Mexique. Les cours commencent au début de février. Ensuite, tu iras au Pérou ». Voilà donc, en résumé, comment fut prise cette décision qui, après 16 ans d’attente, orientait finalement ma vie vers ce qui lui donnait son sens véritable : être missionnaire à l’étranger, comme prêtre, dans la Société des Missions-Étrangères du Québec. ¿ *Originaire de Saint-Zéphirin-de-Courval (Nicolet), il a été missionnaire au Honduras durant 30 ans, au Pérou, 3 ans, et au Canada, plus de 20 ans. alfonsoprou444@gmail.com

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LA VIE DE LA SOCIÉTÉ par Marie-Hélène Côté

Une Église en sortie En avril dernier, la SMÉ fêtait ses 60 ans de présence au Pérou. Nous présentons ici un extrait de l’homélie prononcée par Floricien Dubé, p.m.é., à l’occasion d’une célébration tenue à Lima.

[...] La mission, telle que nous la vivons au Pérou, est celle d’une Église en sortie, comme nous y invite le pape François. Car il s’agit bien de sortir de soi, de quitter sa famille et son pays. Mais ici, au Pérou, certains de nos confrères ont eu à vivre un détachement supplémentaire. Ils avaient préalablement été expulsés de pays communistes. C’est ainsi que le premier évêque de Pucallpa, Mgr Gustave Prévost, est arrivé au Pérou après avoir été expulsé de Chine. Arthème LeBlanc – premier p.m.é. à travailler dans la paroisse San Pablo y Nuestra Señora del Carmen à Lima – avait, lui aussi, été expulsé de Chine. Germain Lemire, curé de cette paroisse de Lima, avait été expulsé de Cuba. Nos missionnaires n’étaient pas les seuls à vivre de douloureux détachements. Les gens, qui les ont accueillis, avaient subi les coups durs de la vie. Ils étaient

dans une situation de pauvreté et même de misère. Plus tard, nos missionnaires travailleront au sein de communautés victimes d’actes terroristes perpétrés par le Sentier lumineux. Plusieurs ont été menacés par les membres de cette guérilla d’extrême gauche. Ils les

sommaient de quitter le pays. Par attachement et fidélité au peuple, nos missionnaires sont demeurés au Pérou. Que ce soit à Pucallpa et ses villages, Ica et ses hameaux, Pisco et San Clemente, et dernièrement Lima et ses collines, nous avons

Nos missionnaires œuvrant au Pérou accompagnés de Teodoro Baquedano, supérieur de la région d’Amérique latine. Dans l’ordre habituel : Elsa Izaguirre, Floricien Dubé, p.m.é., Beatriz Medina, Teodoro Baquedano, p.m.é., Érica Jiménez, Lévis Veillette, p.m.é., et Gérald Veilleux, p.m.é. Ce jour-là, Albert Rousseau, p.m.é., était absent. CRÉDIT PHOTO SMÉ Pérou

voulu vivre l’Évangile avec nos limites et nos faiblesses en donnant priorité aux pauvres, aux prisonniers et aux exclus. Il est certain que l’Évangile s’annonce à tous, mais comme le disent les évêques latino-américains, notre préférence va aux pauvres. [...] ¿ Floricien Dubé, p.m.é., lors de la réception donnée chez les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception à Pucallpa. CRÉDIT PHOTO SMÉ Pérou 26

missions étrangères ¿ juin 2016

Traduction et adaptation de l’espagnol : Marie-Hélène Côté


Se préparer pour

dans le dialogue interreligieux… entre les cultures et les Églises… avec les exclus… au service de l’Évangile…

la mission

La Société des Missions-Étrangères continue son engagement d’envoyer des hommes et des femmes soutenir les aspirations des peuples du monde. Le Programme intercommunautaire de formation missionnaire (PIFM) permet à toute personne âgée de 20 à 40 ans de vérifier les motivations sous-jacentes à son désir d’engagement missionnaire à l’étranger comme prêtre, prêtre associé ou missionnaire laïque. Il offre le discernement, l’accompagnement et la formation pour donner des bases solides à un engagement, au nom de sa foi, au service de frères et sœurs en Asie, en Amérique latine et en Afrique.

Pour plus d’informationS

Érica Jiménez, Lévis Veillette, p.m.é., Gérald Veilleux, p.m.é., Teodoro Baquedano, p.m.é. et Beatriz Medina coupent le gâteau de fête après une messe d’action de grâce soulignant le 60e anniversaire de la présence de la SMÉ au Pérou. CRÉDIT PHOTO SMÉ

Pérou

Région de Montréal Jean Binette, p.m.é. 180, place Juge-Desnoyers Laval (Québec) H7G 1A4 Tél. : 450 667-4190 jean_binette@yahoo.ca

Région de Québec Christian Busset 867, rue Rochette Québec (Québec) G1V 2S6 Tél. : 418 527-3273 smerochette@videotron.ca

ie Une deuxième v

pour vos timbres vos us faire parvenir Mille mercis de no bres. tim de s on cti lle vos co r vieux timbres ou ce an fin nous permet de Votre générosité s. re ai missionn les projets de nos s timbres à Faites parvenir vo ns-Étrangères io iss M s de Société p.m.é. t, a/s Florent Vincen noyers es -D ge Ju 180, place 1A4 G H7 c) be ué (Q Laval ste 124 po 0 19 Tél. : 450 667-4 mail.com @g 99 t19 en nc fvi Courriel:

missionnaire au Japon Florent Vincent, p.m.é., onnaire en l Dionne, p.m.é., missi (1956-2005), et Marce -2009). 93 ) et au Honduras (19 Argentine (1963-1967

Lorsque vous nous faites parvenir vos timbres, prenez soin d’en conserver la dentelure, sans quoi ils perdent toute leur valeur. missions étrangères ¿ juin 2016

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Nous nous souvenons

Viateur Boucher, p.m.é. (1932-2016)

Né à Shawinigan le 4 juin 1932, Viateur Boucher a été ordonné prêtre le 29 juin 1959. Parti pour le Pérou en septembre 1960, il y travaillera durant 40 années. Au Canada, il a oeuvré au Service du bien-être (19901995) et à l’économat de la Maison centrale (19951997). À son retour définitif du Pérou en 2009, il a fait du ministère occasionnel dans la région de Laval. Depuis 2012, il luttait contre la maladie. Son décès est survenu le 7 mars 2016. Ses funérailles ont été célébrées à la Maison centrale le samedi 12 mars. Chers parents et amis, C’est Viateur qui nous rassemble en cette heure de réflexion et de prière. Évidemment, il est impossible de faire en quelques minutes un retour sur les 83 ans de sa vie. Mais nous pouvons jeter un regard sur son engagement missionnaire. Les 56 ans de la vie missionnaire de Viateur ont été bien remplis. Il a servi au Pérou pendant quarante ans, ce qui est déjà toute une vie de travail. Il a aimé le Pérou, les Péruviens et la langue espagnole. Durant ces quarante ans, il a agi, une vingtaine d’années, à titre de responsable de communautés chrétiennes. C’était un travail qu’il aimait beaucoup et qu’il prenait à cœur, car il aimait rencontrer les gens et célébrer avec eux. Il a passé environ onze ans dans l’enseignement religieux, une tâche qu’il a aussi beaucoup aimée. Enfin, durant une dizaine d’années, il a été chargé de l’accueil à notre maison de Lima. Dans son travail, Viateur s’est montré généreux et dévoué, sensible aux besoins des gens, en particulier des personnes simples. J’en donne comme exemple la Señora Ercilia, une humble femme de Pucallpa, en Amazonie péruvienne. Cette femme itinérante et handicapée mentale, Viateur l’a aidée économiquement chaque mois, durant plus de 30 ans. Il l’aidait encore en décembre dernier. Viateur était un homme coloré, un homme plein de vie et de joie. Il savait aller au-devant des personnes. Il appréciait la présence et l’amitié des confrères et des gens. Il aimait exprimer ses idées et il parlait avec abondance et spontanément. Il taquinait beaucoup, parfois un peu beaucoup! Il parlait avec fierté et passion de Shawinigan, de ses amis, de sa famille. Il était très attaché à eux. Viateur était aussi un homme sensible. Il avait ses peines et ses difficultés. Le retour dans son pays natal

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n’a pas été facile. Il s’ennuyait du Pérou, de ses œuvres et des gens demeurés là-bas. Et puis vinrent la maladie, les souffrances et la solitude. C’étaient des défis lourds à porter après tant d’années d’intenses activités. Mais la source de la vie et de l’engagement de Viateur a été sa foi profonde. Dans son intimité, en dehors du public et du bruit, il aimait prier. Il priait avec ses mots à lui et il aimait prier avec d’autres. Il était attaché à l’Église ainsi qu’au sacerdoce auquel il tenait fortement. Il était aussi attaché à la célébration de l’Eucharistie qui était au centre de ses journées. [...] Mon cher Viateur, plusieurs fois, tu m’as parlé de ton père, mort jeune lors d’un accident et que tu n’as jamais connu. Tu en as été marqué pour la vie. Aujourd’hui, tu le retrouves auprès de notre Père du ciel, avec ta mère, ton frère Gaston, et tous ceux et celles que tu as connus et aimés. [...] Extraits de l’homélie de Mgr Jean-Louis Martin, p.m.é.

Un homme dévoué Viateur était unique. Il suscitait toujours une étincelle de joie autour de lui. Ses confrères se rappellent avec affection du gardien de but qu’il était au sein de l’équipe de hockey du Séminaire de Trois-Rivières. Il était diablement efficace, mais aussi rassembleur. Il trouvait toujours un moyen pour faire rire son équipe avec ses prouesses amusantes sur la glace et ses taquineries envers ses coéquipiers. C’était à l’image de ce qu’il a toujours été : un homme chaleureux et dévoué. Et aussi un homme d’action. Au cours de sa vie, il a élaboré des projets immenses pour aider les plus démunis. Il a obtenu bien des appuis pour la réalisation de ces initiatives. Viateur, on ne pouvait pas l’arrêter. On peut être certain qu’il continue dans une autre vie ce qu’il a toujours fait ici. On a déjà besoin de lui là-haut. Extraits du témoignage de Jean LeBlanc, confrère de classe de Viateur Boucher, au Séminaire de Trois-Rivières.


Nouvelles d’ici et d’ailleurs

Bienvenue à Rachèle Planet Dans le but de développer nos moyens de communication, nous avons engagé au mois d’avril dernier madame Rachèle Planet. Cette femme au dynamisme contagieux est désormais responsable de la gestion de notre site Web et de nos campagnes de souscription. Elle vous invite à faire sa connaissance. Bienvenue chez nous Rachèle! (Martin Laliberté, p.m.é.)

N

ée au Gabon, de parents d’origines gabonaise et française, j’immigre seule au Québec, à l’âge de 19 ans. Le pays me paraissait alors suffisamment éloigné et dépaysant pour élargir mes horizons. De plus, il présentait l’avantage de la langue. Au Québec, j’ai entrepris avec succès différents programmes d’études. Ainsi, c’est avec des mentions d’excellence que j’obtiens en 2003 mon baccalauréat en biologie médicale, en 2007, ma maîtrise en santé communautaire et en 2015, mon certificat en gestion de projets de l’École des hautes études commerciales de Montréal. Parallèlement à mon parcours académique, j’ai accumulé diverses expériences de travail significatives. D’abord, dans le domaine de la biologie cellulaire et moléculaire, au sein d’une unité de recherche en cancérologie. Ensuite, dans le secteur de la santé publique, à l’élaboration, l’implantation ou le renforcement de services innovants, de programmes, de politiques ou de lois. C’est à titre de conseillère scientifique et de chargée de projets, entre autres, que j’ai développé mes compétences. Par ailleurs, j’ai acquis mon expérience professionnelle au sein d’organismes de renom, tels que le Centre de recherche de l’Hôtel-Dieu de Québec et l’Institut national de santé publique.

CRÉDIT PHOTO Marie-Hélène

Côté

Au plan personnel, je porte l’héritage d’une éducation judéochrétienne bien ancrée, en plus d’une grande soif de justice sociale, qui s’est manifestée essentiellement par des bénévolats dans mes communautés de vie. Or, au cours d’une période de discernement, quant à la direction que je souhaitais donner à ma vie, j’ai été saisie par une phrase, lancée pendant une retraite à laquelle je participais : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs

ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Matthieu 6, 19-21). Ainsi, en début 2016, forte d’une carrière professionnelle de huit ans, dont une année en marketing social (à l’élaboration d’un outil de promotion de la santé), je décide d’offrir mes services à la Société des Missions-Étrangères, et d’y assumer le poste de responsable du site Web et des campagnes de souscription. Ce faisant, je souhaite activement contribuer, par mes connaissances en gestion et en communication, à l’émergence d’une société plus fraternelle et plus juste, tout en m’attachant à un trésor inaltérable. ¿ missions étrangères ¿ juin 2016

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Nouvelles d’ici et d’ailleurs par François Gloutnay / Présence Info

Environnement et crise migratoire « L’urgence humanitaire est devenue un phénomène massif », lançait le secrétaire général de Caritas Internationalis lors de son passage au Québec au début du mois d’avril. En poste depuis 2011, le Français Michel Roy est catégorique : le nombre d’urgences « ne cesse aujourd’hui d’augmenter sur la planète ».

L

e patron du plus grand organisme de développement et de secours d’urgence de l’Église catholique a participé à Montréal à une rencontre de trois jours des Caritas du continent américain – dont Développement et Paix / Caritas Canada et le Catholic Relief Services des États-Unis. Il a également rencontré à Ottawa des fonctionnaires du ministère Affaires mondiales Canada. En entrevue, Michel Roy soutient qu’il existe une augmentation des

urgences liées aux changements climatiques. « Aux Philippines, on compte en moyenne vingt typhons par an. Les inondations et la sécheresse s’accroissent. Ce sera la source de migrations importantes dans les années qui viennent », prévient-il. Le cardinal Luis Antonio Tagle, aussi présent à la rencontre de Caritas Internationalis, voit bien que les catastrophes écologiques sont plus brutales et meurtrières, y compris aux Philippines, sa terre natale.

Le président de Caritas Internationalis, le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, a rencontré des réfugiés à Idomeni, en Grèce, le 19 octobre 2015. CRÉDIT PHOTO CNS

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photo / Paul Haring

« Quand j’étais plus jeune, je ne me rappelle pas d’inondations. Mais maintenant, toute averse de pluie menace de créer une inondation. Quand j’étais plus jeune, on nous signalait des typhons de catégorie 3. Maintenant, ils sont de catégorie 5. Les vents sont plus forts. Mais les jours sont plus secs. Vous avez maintenant de longues périodes sans pluie. Mais quand il pleut, il peut tomber en une seule journée une quantité de pluie équivalente à celle d’un mois », dit l’archevêque de Manille. Ces phénomènes n’ont pas que des causes naturelles, estime le cardial Tagle. « En Asie, nous avons une image tordue du progrès en développement. Ça pourrait être l’une des causes. Car les terres disparaissent. Il n’y a plus de terre pour absorber l’eau. Les terres accessibles se durcissent, deviennent du ciment. Les rivières ont de nouveaux tracés, sont détournées et deviennent plus étroites. » « Nous comprenons qu’un pays doit se développer. Mais nous devons nous demander : de quel type de développement avons-nous besoin? C’est là que survient la justice écologique. Il y a des types de développement qui font du mal à l’environnement. On force la nature à suivre ce que dicte l’humain. Mais en bout de ligne, la nature n’est pas développée. Les pauvres sont les premières victimes de désastres écologiques. »


Migrants et réfugiés L’arrivée massive de réfugiés et de demandeurs d’asile mobilise beaucoup les différents membres du réseau de Caritas Internationalis, notamment en Europe et au Moyen-Orient. Mais ce phénomène migratoire n’est pas nouveau, rappelle le cardinal. Des millions de personnes ont dû chercher refuge lors des deux Guerres mondiales. Mais il observe toutefois qu’aujourd’hui, les conflits armés ne sont pas les seuls responsables des migrations. Il parle de conflits politiques et ethniques. Il ajoute que les changements climatiques engendrent des mouvements massifs de populations. Fin février, le cardinal Tagle a visité au Liban des camps de réfugiés. « Ce qui me blessait quand j’ai visité les camps, c’était de voir que ce ne sont pas que des gens fuyant une guerre qui détruit leur vie et leurs biens. On en fait du trafic [humain]. Alors ils fuient la guerre, mais à chaque étape pour

atteindre un pays, il y a tellement de trafiquants qu’ils doivent payer. Le problème migratoire est devenu un commerce. Et c’est quelque chose de très troublant», dit le cardinal philippin. « C’est un test de notre humanité que de voir comment on accueille l’étranger », ajoute le secrétaire général de Caritas. Mais, devant ces frontières qui se ferment et ces volontés de construire des murs de séparation entre certains pays, « on va à l’envers de ce qui est attendu de nous comme humanité », estime Michel Roy. « On ne doit pas ériger des murs mais plutôt construire des ponts. Ceux qui érigent des murs se plantent. On ne peut pas accepter cela. On ne peut pas rejeter un frère ou une sœur qui souffre. Ils sont différents. Ils peuvent avoir une religion différente, une culture différente, mais ils viennent frapper à notre porte. On ne peut pas les rejeter. » Mais il faut aussi faire davantage, dit Michel Roy. « On doit tra-

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vailler pour que les raisons qui les ont poussés à partir de chez eux s’arrêtent. La guerre en Syrie et en Irak, il faut que ça s’arrête. On l’a assez alimentée, nous en Occident, pour accepter d’assumer aujourd’hui une des conséquences de ces guerres, soit l’accueil des gens qui viennent de là-bas. Il faut aussi que ceux qui veulent rentrer chez eux puissent le faire. Et que ceux qui ne sont pas partis puissent vivre demain une vie normale. » « Enfin, chaque individu, chaque citoyen doit réfléchir à sa relation aux autres », ajoute encore Michel Roy. « Il faut sortir de cet univers d’indifférence qui est alimenté par cette évolution matérialiste et consumériste de nos sociétés. On ne pense qu’à soi-même. On ne pense plus aux autres. » « Il faut réhumaniser notre société, pour qu’elle soit accueillante envers ceux qui souffrent. C’est cela notre mission à Caritas », conclut-il. ¿

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prochain numéro

octobre 2016

Cette photo, prise au Jardin botanique de Montréal le 16 mai dernier, n’est pas sans rappeler d’heureux souvenirs à son auteur. « Durant quelques instants, j’ai eu l’impression de me retrouver au Japon », nous confie Gilles Dubé, p.m.é. Le missionnaire, qui a vécu 30 ans dans la préfecture d’Aomori au nord du pays, devient nostalgique chaque printemps alors que les arbres sont en fleurs. CRÉDIT PHOTO Gilles Dubé

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