MKR - ISSUE 01 - YX

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Numéro 1

YX


. YX . 004

006 . PRELUDE

. MODE . 016

018 . THE END OF THE XXST CENTURY 030 . MADI & MONETTE 040 . FABIEN ANCEL 048 . SERO OH 060 . YX 076 . INTERVIEW . JEAN CHARLES DE CASTELBAJAC

. CULTURE . 068

082 . ANDROGYNIE, AUX ORIGINES DU MONDE 084 . CINÉMA . SÉLECTION FILMS 086 . CINÉMA . LE CINÉMA DES SEXES 090 . CINÉMA . BELLFLOWER 091 . CINÉMA . LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE 092 . CINÉMA . LE DOUBLE AU CINÉMA 094 . INTERVIEW . MICHEL GALABRU 097 . SARAH TROUCHE 098 . INTERVIEW . STÉPHANE FEDOROWSKY 101 . THÉATRE . LE TEMPS 102 . THÉATRE . MADEMOISELLE JULIE 104 . MUSIQUE . KUMISOLO 105 . MUSIQUE . AQUARIUM HEAVEN MKR -

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106 . MUSIQUE . THE CREATURES 107 . MUSIQUE . TWO BUNNIES IN LOVE 108 . INTERVIEW . STAL 111 . MUSIQUE . MIX-TAPE 112 . DANSE . LES GRANDS COUTURIERS POUR LA DANSE . PARTIE II 114 . DANSE . RENCONTRES 116 . DANSE . LA DANSE MORTELLE DU TOREADOR 118 . DANSE . JULIEN BENHAMOU . VERMILLON

. DÉCOUVERTES . 122

124 . INSIDE HOUSE . ADELINE RAPON & TONY STONE 131 . ZOOM . PRÉ-CANNES FESTIVAL 132 . ZOOM . DAMIR DOMA 133 . ZOOM . A L’APPAREMENT CAFÉ 134 . PORTFOLIO . ELISA BENCHETRIT . UNITÉS PLURIELLES 144 . PORTFOLIO . JOSEPH WOLFGANG OHLERT . ANDY LOVELEE 154 . PORTFOLIO . PIERRE & FLORENT . DEAD TIME

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REDACTION EN CHEF ERIK RAYNAL, Rédacteur en chef

GRAPHISME & WEB MANAGEMENT EDOUARD TRICHET LESPAGNOL

MODE CHARLES MARIUS THÉLU

CULTURE JÉRÉMY BENKEMOUN MARIE DE TOUCHET SOHRAB CHITAN MILENA PICHON WENDY NAETONG PABLO ALBANDEA

COMMUNICATION SONIA BAILLAT, Responsable LUCIE TOSSER ELISA BENCHETRIT

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ONT COLLABORÉ À CE NUMÉO ARTICLES Adeline Rapon & Tony Stone, Sarah Trouche, Damir Doma, l’Apparament Café, Julien Trollet (EMI), Fabrizzio Spindola PHOTOGRAPHES Julien Benhamou, Matthieu Delbreuve, Hervé Coutin, Julie Annabelle Schimel , Steven Frebourg, Giovanna Gorassini, Erich Vogel, Célia Hay, Elisa Benchetrit, Joseph Wolfgang Ohlert, Julien Cozzolino

MAKE-UP & HAIR STYLE Aurélie Cailly, Mounira Boughanem, Delphie Delouzillière, Marianne Agbadama, Coline Ripart, Laura Casado, Rima Serdouk MODELS Alek Smzytko, Monette & Mady Malroux, Anne-Claire Ameslon, Le Cam Romain, Brice Rambinaising, Felix Louvet, Eymeric Loiseau, Alexa from, Adeline Jouan, Catherine Philorenko

INTERVIEWS Jean Charles De Castelbajac, Stéphane Fedorowski, Michel Galabru, Pierre-Marie Maulini PIÈCES Gaowei+Xinzhan, Anne De Laforrest, Fabien Ancel, Julius, Nike, Underground, Le Cam Romain Design By, Anthem Of Absolution, Lejean Et Bogedein, Blackchapel, Rules By Mary, Komakino, H&M, Addicted, Sero Oh, Melanie Dylis, Sabina Kasper, Hôtel Particulier, Giorgio & Mario, Hexa By Kuho, Masatomo Bernard Delettrez, BiJules, Pellessimo, United Nudes

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SHOOTINGS Alice Sauvage, Amad

SHOWROOMS Totem, 2 Bureau, Quartier Général, Cristofoli Press ème

LIEUX L’Atelier de Villejuif, Le NEXT club, Le ROUGE club, Le 1979 MAIS ÉGALEMENT Paola Berta (Sheepish Pr, Beverly Hills UK Film society & Events), Bérengère Production

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PRELUDE


ROMAIN Black Short JULIUS Leather Black Top LE CAM ROMAIN design by Manteau JULIUS Shoes Creepers UNDERGROUND

ALEK Long Black Coat JULIUS Black Pants JULIUS Scarf JULIUS Shoes Air Force NIKE

Matthieu Delbreuve PHOTOS

Erik Raynal STYLISM

Aurélie Cailly MAKE-UP & HAIR

Le Cam Romain Alek Szmytko MODELS


YX | PRELUDE

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YX | PRELUDE

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YX | PRELUDE

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MODE

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JULIEN COZZOLINO PHOTOS

ERIK RAYNAL

PRODUCTION

CHARLES THÉLU & AMAD

STYLISM

LAURA CASADO

MAKE-UP

RIMA SERDOUK HAIR

ALEXA (EVIDENCE AGENCY) ADELINE JOUAN CATHERINE PHILORENKO MODELS


the END of the XXIst

CENTURY


MODE | THE END OF THE XXIst CENTURY

Top + Pants PELLESSIMO Shoes FABIEN ANCEL Necklace + Bracelet MELANIE DYLIS Ring BIJULES

Dress PELLESSIMO Shoes + Necklace MELANIE DYLIS Ring BERNARD DELETTREZ MKR -

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All Dressed MELANIE DYLIS Ring BERNARD DELETTREZ


MODE | THE END OF THE XXIst CENTURY

All Dressed MELANIE DYLIS Necklaces SABINA KASPER MKR -

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MODE | THE END OF THE XXIst CENTURY

Coat HÔTEL PARTICULIER Leggings GIORGIO & MARIO MKR -

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All Dressed MELANIE DYLIS Necklaces SABINA KASPER


Coat RYNSHU Pants PELLISSIMO Shoes FABIEN ANCEL


MODE | THE END OF THE XXIst CENTURY

Coat HÔTEL PARTICULIER Leggings GIORGIO & MARIO MKR -

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MODE | THE END OF THE XXIst CENTURY All Dressed SERO OH Shoes UNITED NUDE

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Coat HEXA BY KUHO

All Dressed SERO HO


Mady & Monette 2 par 2, Monette et Mady sont inséparables et cultivent leur ressemblance. Jamais l’une sans l’autre, parfois douces et calmes, parfois étranges et hystériques, elles nous livrent un aperçu de leur univers.

Giovanna Gorassini et Erich Vogel Photos Charles-Marius Thélu Stylism Marianne Agbadama Make-Up & Hair Monette & Mady Malroux Models (wanted agency)

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Dress & Plastron ANNE DE LAFORREST


Dress GAOWEI+XINZHAN



Vest ANNE DE LAFORREST


Dress FABIEN ANCEL



Dress GAOWEI+XINZHAN





JULIE ANNABELLE SCHIMEL Photos CHARLES MARIUS THÉLU Artistic Direction DELPHIE DELOUZILLIÈRE Make-Up & Hair ANNE-CLAIRE AMESLON Models

Les créatures de FABIEN ANCEL se parent des paysages rencontrés sur leur chemin, captant l’essence du lieu et la redéfinissant par un jeu de formes et de matières. Cette saison, elles se sont arrêtées sur une forêt calcinée et enneigée et revêtent du crêpe de chine, de la gabardine de coton, différentes sortes de cuir, du jersey fluide et de la mousseline. Obscures et mystérieuses les créatures se meuvent, transformant les atmosphères et les lieux à leur passage, recréant l’univers d’un film de Burton, elles sont identifiables au premier coup d’œil, à la fois attirantes et inaccessibles. FABIEN ANCEL nous livre une créature hybride mi-femme mi-végétale.

Fabien Ancel MKR -

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MODE | FABIEN ANCEL




MODE | FABIEN ANCEL

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MODE | FABIEN ANCEL

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SERO OH STEVEN FREBOURG Photos ALICE SAUVAGE Artistic Direction COLINE RIPART Make-Up & Hair EYMERIC LOISEAU Models

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MODE | SERO OH

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MODE | SERO OH

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MODE | SERO OH

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MODE | SERO OH

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MODE | SERO OH

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MODE | SERO OH

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HERVÉ COUTIN Photos ERIK RAYNAL Production GARANCE MOREAU Assistant MOUNIRA BOUGHANEM Make-Up & Hair LE CAM ROMAIN BRICE RAMBINAISING FELIX LOUVET Models


Pants ANTHEM OF ABSOLUTION Coat ANTHEM OF ABSOLUTION Vintage Shirt Unknown Shoes Creepers UNDERGROUND


MODE | YX

Pants ANTHEM OF ABSOLUTION Coat ANTHEM OF ABSOLUTION Vintage Shirt Unknown MKR -

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MODE | YX Pants BLACKCHAPEL Coat LEJEAN & BOGEDEIN Shoes Creepers UNDERGROUND

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White Tunic ANTHEM OF ABSOLUTION


MODE | YX

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BRICE Skirt RULES BY MARY Top & Coat BLACKCHAPEL Shoes Creepers UNDERGROUND

ROMAIN Skirt & Coat BLACKCHAPEL Top LEJEAN & BOGEDEIN Shoes Creepers UNDERGROUND


MODE | YX

Coat ANTHEM OF ABSOLUTION Vintage Shirt (Unknown)

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MODE | YX

Coat LEJEAN & BOGEDEIN

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Coat HOON Pants LE CAM designed by MKR -

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Shirt ANTHEM OF ABSOLUTION Skirt BLACKCHAPEL

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MODE | YX

Coat HOON

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MODE | YX

BRICE All Dressed By KOMAKINO Shoes Creepers UNDERGROUND ROMAIN Coat ANTHEM OF ABSOLUTION Short BLACKCHAPEL Shoes Creepers UNDERGROUND FELIX Coat LE JEAN ET BODEGEIN Pants ADDICTED Top H&M Shoes Creepers UNDERGROUND


« Paris n’est pas tant une référence de la mode, c’est une référence des inspirations : c’est une ville d’artistes. »

INTERVIEW MKR -

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YX | INTERVIEW

Jean Charles De Castelbajac Rencontre avec le véritable artiste caméléon Jean Charles De Castelbaljac, référence

parisienne par excellence ; connu pour ses multiples facettes de créateur de mode et designer international JCDC ainsi que par ses ambitions d’écrivain et d’avant-gardiste mondial. Accueil simple et chaleureux de la figure même parisienne… Entretien.

#1 Vous êtes considéré comme un «touche à tout» universel, est-ce un réel désir ou juste une succession d’occasions pour vous d’étendre vos ambitions ? ::: C’est bien plus qu’un désir, c’est une dimension impérative, c’est mon art. Mon art il est pluriel, mon art il est protéiforme, il est indissociable. Pour moi, il n’y a aucune possibilité de parler de mode sans musique, de parler de musique sans parler d’images. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui des éléments d’une génération se reconnaissent en moi, car votre génération n’est pas une génération d’une chose ; elle n’est pas monolithique. Elle vient vraiment d’internet aussi et elle vit totalement décloisonnée: Vous êtes un «touche à tout», elle est un «touche à tout» (référence à Sonia Baillat à droite) ; il est un «touche à tout» (photographe). Vous êtes photographes parce que vous avez un iphone, vous êtes journalistes parce que vous avez des envies ; quand vous allez choisir le prochain burger vous êtes gourmets. C’est notre siècle qui est «touche à tout». Aux Etats Unis, la terminologie de «touche à tout» désigne l’homme de la renaissance. #2 Pourquoi ce rapport si fort entre l’art et la mode et plus précisément entre la mode et la musique pop/rock ? Est-ce dès le départ une source d’inspirations ?

©CHARLES GUILSLAIN

::: Tout m’intéresse: l’Histoire de France, l’Histoire du Japon, l’Histoire des peuples ; le tribalisme. Et dans chaque pays le régime et l’étymologie d’un pays c’est sa musique, donc je suis profondément intéressé par la musique ; parce que c’est ce qui fait que je me réveille le matin; là je viens de faire une liste pour un site qui s’appelle Ikone où je peux mélanger Jean Baptiste Couperin qui faisait des pop songs en 1980 avec Caster Bjork ou avec des artistes ultra contemporains. Ce qui m’intéresse c’est l’accident, ce n’est pas d’aimer une chose c’est de mettre une chose en accident avec autre chose. Comment vais-je faire exploser les choses ? Comment vais-je provoquer l’atome ? #3 On écrit souvent que votre enfance est la base de vos inspirations, en quoi a-t-elle été si influente ? Votre mère y-a-t-elle contribué ? ::: Ce qui a été la base de mes inspirations c’est ma solitude, mes blessures, toutes les blessures que l’on a étant adolescent. Des parents qui ne vous comprennent pas forcément, moi c’est la pension ; l’isolement ; le rejet en pension en raison de mon nom d’aristo. C’est tout ça qui construit. Donc, à partir du

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YX | INTERVIEW moment où vous traversez des épreuves d’adolescence ou vous succombez ou vous devenez forts et moi, je suis devenu fort. Vous savez, j’avais un père qui vivait encore au XIVe siècle et j’avais une mère qui vivait en 2020, une femme courageuse ; visionnaire ; forte ; qui était un guerrier et qui considérait que les femmes n’avaient pas ce qu’elles méritaient donc elle était une femme très marquante tout simplement. Mon père était plus tendre que ma mère, il y a donc eu une espèce de décalage. #4 D’ailleurs, pouvez-vous nous parler de vos influences ? ::: Elles sont tellement multiples mes influences, c’est aussi des choses que je vois aujourd’hui. Cela peut être cette voûte au dessus de nous et cette tempête, mes influences c’est ma curiosité. Ce sont les fantômes, ce n’est pas que ce qu’on voit. Je trouve que la terreur du XXIe siècle, c’est ce tsunami d’images ; c’est cette submersion fulgurante d’images. Donc, la plupart du temps, mon inspiration vient de l’invisible. Je cherche, j’aime bien être un ghost booster ; me balader dans Paris la nuit dans des lieux qui ont vécu des choses trop troublantes dans le passé et chercher. Être donc sensible, réceptif ; parce qu’être créateur ce n’est pas vivre dans son temps : c’est toujours vivre en anticipation. Ceci est donc lié à quelque chose d’un peu médium. Par exemple, là je viens de finir un essayage pour l’été 2014 ; pourquoi vais-je décréter que ça va être comme ça ? c’est par cette sensibilité différente. Hier soir, j’ai fait une conférence aux invalides sur le temps, j’ai dit que pour moi je ne suis pas là ; je suis en 2014 et je suis aussi au XVIe siècle ; au coeur de mes passions. #5 Si l’on revenait à la mode en général, pensez-vous que Paris soit réellement la référence ? ::: Paris n’est pas tant une référence de la mode, c’est une référence des inspirations : c’est une ville d’artistes. C’est aussi une ville de célébrations ; où il y a un accident extraordinaire entre les cultures, entre le passé et le futur. C’est bien pourquoi c’est une ville qui plaît à tous les créateurs. Paris est un nid. Il y a un oiseau que j’aime beaucoup, le coucou, moi j’ai été un coucou et Paris a été mon nid. En réalité, le coucou a pour principe d’occuper le nid des autres et comme il grossit très très vite il chasse les autres. Paris, c’est un nid de coucous. Il y a cette idée de challenge, de réussir. Moi ce que j’aime dans votre génération, c’est que vous êtes tous des artistes entrepreneurs alors que ma génération comportait des utopistes et des rock stars. Vous n’avez jamais pensé à la réussite ? #6 Vous êtes aussi un réel personnage (accro aux réseaux sociaux, homme de la nuit, mandataire de messages à vos fans à travers tout Paris), est ce que cela vous amuse ? ::: J’ai toujours été accro à quelque chose, soit à des femmes, soit à mes fans. Mais, j’ai surtout été accro à une chose, c’est la proximité: j’aime les autres, j’aime le talent des autres, j’aime participer à la révélation des autres. Je ne peux pas considérer le plaisir égoïste, la réussite seule. Si j’avais fait de la musique, j’aurais fait partie d’un groupe de musique ; je n’aurais pas chanté tout seul et j’aurais mis en avant mes musiciens. Ma vie, c’est comme un super studio ; Warhol avait une factory moi j’ai un super studio. D’ailleurs, le livre qui sort aux éditions du chêne en septembre sur mes 40 ans de carrière ; qui parle de ma mode, de mon art et de mes rencontres s’appelle Studio. Vous voyez mes assistants, il y en a qui ont 20 ans ; d’autres 30 ans. Je suis accro à être surpris justement ; à être ému, à être troublé, à découvrir. Je n’ai aucun a priori, sauf sur ceux qui sont habités par la haine ou quelque chose qui n’est pas de l’ordre de l’humain. Mais sinon, je suis intéressé par tout. Où l’on veut mon art je présente mon art, où l’on veut ma mode je présente ma mode. J’aime voir grandir les générations, c’est peut-être pour ça que j’aime la vie autant. Je pense que le meilleur est à venir, même si c’est la merde ; le chaos. Si on est une société d’artistes, on peut construire quelque chose de très fort, je suis ambitieux pour notre futur. Mais pas que dans la mode, la mode est un formidable outil de démocratie ; les pays qui refusent la mode sont des dictatures (en Corée du Nord, Maghreb, Serbie, il n’y a pas de mode).

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YX | INTERVIEW #7 On vous dit grand passionné de cinéma, domaine important de la partie «culture» chez MKR, quel cinéaste vous fascine le plus ? Quels sont les genres de films qui vous attirent plus particulièrement ? ::: J’aime beaucoup Fassbinder, qui est un auteur qui a fait 4 films et qui s’est suicidé. Il y en a tellement, j’ai adoré Polanski. Aujourd’hui, j’aime beaucoup Jacques Audiart. J’aime tout ce qui est bizarre, alternatif ; tout ce que les autres n’aiment pas. Je peux aimer La colline a des yeux, Massacre à la tronçonneuse, je peux aimer des films érotiques de Russ Meyer. J’aime tout ce qui crée un trouble chez moi et auquel je ne peux pas répondre. Je n’aime pas ce qui est joli, je n’aime pas la perfection, ni la pureté. Je trouve l’idée de perfection très dangereuse. J’aime aussi faire un travail d’artiste car en tant que designer, je réponds à des questions sur la beauté, la perfection et le confort et en tant qu’artiste je pose des questions. #8 Et, en ce jour du 21 juin 2012, que comptez vous faire ce soir pour la fête de la musique ? ::: Je suis invité au Grand Palais, je suis embêté car je n’ai pas de tenues blanches pour la soirée blanche. Je n’ai pas d’autres plans et à la fois je ne fais pas la fête tout le temps. La fête c’est une pulsion, j’ai fait la fête depuis l’âge de 17 ans. J’ai eu la chance de vivre 70, j’ai vécu des moments de fêtes superbes. Sauf, qu’on a le sentiment qu’au XXIe siècle, c’est tous les soirs. Il faut avoir la santé (rires). «Il n’y a pas un instant où je n’ai pas envie de créer, quand je n’ai pas envie c’est que je ne vais pas bien du tout. C’est terrible d’ailleurs, c’est comme une espèce d’addiction: je suis accro à la création. «

Projets à venir JCDC: voyage en Israêl, salon Bread & Butter, réouverture du site internet courant Août, exposition à Moscou. En septembre, directeur artistique de la grande fête à Lille où il va peindre en direct (surlendemain de son défilé).

Erik RAYNAL

« Si on est une société d’artistes, on peut construire quelque chose de très fort, je suis ambitieux pour notre futur. »

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CULTURE

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CULTURE | YX

A N D R O G Y N I E AUX ORIGINES DU MONDE

L

’homme et la femme seraient deux entités distinctes, particulières et différentes. L’un Adam et l’autre Eve. Le premier étant l’homme et le second la femme. Mais si Adam n’était pas homme mais Homme, en ce que son essence ne révèlerait pas de la distinction entre identité féminine et masculine ? Au sein même des religions les plus archaïques, les Etres suprêmes étaient androgynes, à la fois mâle et femelle. Le phénomène de l’androgynie apparaît comme la coexistence des sexes dans un être suprême en ce que cette androgynie lui confèrerait un caractère divin. Dès lors, l’androgynie exprimerait la totalité d’elle-même, la coïncidence des contraires, l’absolu de l’être. L’essence divine du caractère androgyne dessine un idéal de perfection et de commencement. L’origine pure transfigurée dans l’être du tout. Adam lui-même, Homme de la création, était «homme du côté droit et femme du côté gauche ». C’est Dieu qui l’a fendu en deux. Peut se présupposer dès lors l’hermaphrodisme d’Adam. Premier homme à l’image de Dieu, il apparaîtrait comme l’unité de l’espèce humaine, l’accompli suprême et sacré.

Image de Dieu mais aussi Dieu lui-même puisque la mythologie grecque elle-même développe cette mythologie du dieu androgyne symbolisant l’autonomie, la force et par là même, la totalité de l’être. On peut retrouver des traces d’anrogynie chez Attis, Adonis, Dyonisos mais aussi la déesse Cybèle. Les mythologies et la Bible tendent à expliquer et retracer les origines même du monde. La figure de l’androgyne apparaît comme la réconciliation originaire des deux sexes, de deux complémentaires, de deux additionnels. Platon lui-même dans le Banquet décrit « l’homme originel comme un androgyne et hermaphrodite (…) semblable à l’Adam des Kabbalistes, qui était homme et femme en une seule personne, mais seulement in potentia, non in actu ». Aristophane le conteur, quant à lui, affirme qu’au commencement, l’humanité se divisait en 3 genres : l’homme, la femme et l’androgyne. L’homme vient au monde sous l’influence de la terre, la femme sous celle du soleil et l’androgyne sous celle de la lune éclairée par la terre et le soleil. Mais les premiers androgynes étaient à la fois titanesques et monstrueux, dotés de deux visages, quatre bras et quatre jambes, quatre yeux et quatre oreilles. Vision fantastique et abominable, l’androgyne apparaîtrait dès lors comme un surplus de symétrie, un

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excès de correspondance, un abus de perfection. Tout comme dans la Bible, Zeus les scinda, pour mieux distinguer en chacun le mâle et la femelle horrifié par de telles apparitions. Dès lors, deux conceptions de l’androgynie se superposent: celle du philosophe et celle du religieux. Celle du monstre et celle de l’Homme, Adam qui resterait à dimension humaine, l’Homme à l’image des hommes. Mais Adam est avant tout origine et représentation de la nature humaine. Il est «l’homme ». La femme, ici de la côte de l’homme à été arrachée de l’homme. Cependant, si la femme a été créée, l’homme aussi en ce que tout deux sont issus de la même entité androgyne. Ce n’est pas la femme qui a été créée de l’homme, mais l’homme et la femme qui ont été créés de l’Homme en ce qu’il est un tout. C’est pourquoi Adam devient homme mortel avec une identité sexuelle propre et distincte du sexe de la femme. Dès lors, la filiation entre androgynie et sacralité ne s’en trouve que renforcée. L’idéal de pureté et d’absolu se retrouve dans la figure de l’androgyne en ce qu’il révèle le Désir et l’Idée que l’on se fait de l’autre.

Marie DE TOUCHET


MICHEL-MARTIN DRÔLLING - Jeune adolescent au bord d’une Fontaine

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CINEMA

S É L E C T I O N

F I L M S Jerémy BENKEMOUN Marie DE TOUCHET

ADIEU MA CONCUBINE (1992) de Chen Kaige Dans une Chine déchirée par des renversements politiques, en passant par l’occupation japonaise, le film retrace le destin de deux vedettes d’opéra. Se liant d’amitié à l’école des enfants du spectacle, Douzi et Xialou grandiront ensemble en interprétant au fil des années les protagonistes de la célèbre pièce de théâtre Adieu ma Concubine, qui narre les adieux d’un prince et de sa maîtresse avant leur mort respective. Douzi joue la concubine Yu Ji, Douzi est la concubine Yu Ji, son rôle n’en est pas un, il aime passionnément Xialou, jusqu’à la mort lui aussi. Mais l’autre est un rustre, un pauvre homme affublé du caractère le plus banal, il va aux putes, se marie avec la plus jolie femme qu’il trouve, et sa fierté n’a d’égal que son égo. Désemparé face à cet homme et à ses actes, Douzi sombrera peu à peu jusqu’à l’inévitable.

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© MIRAMAX FILMS

Doublement récompensé d’une palme d’or et d’un golden globe, le film se caractérise par ses couleurs extrêmement saturées qui donnent à la fois violence et douceur à cet amour désespéré. Le film se déroule sur un peu plus de 50 ans, ce qui permet de suivre l’accomplissement des personnages, leur donner une profondeur et une vie, on se retrouve involontairement attaché à ces deux êtres perdus. L’extrême sensibilité du film est mêlée à une réflexion sur l’évolution politique, ce qui s’ajoute comme une consécration de ce monument de beauté et de délicatesse.


CULTURE | CINEMA TOMBOY (2011) de Céline Sciamma Laure a 10 ans et est un garçon manqué. Arrivée dans un nouveau quartier, elle fait croire à son ami Lisa et sa bande qu’elle s’appelle Michael. Est-ce spontanément que Laure se présente comme un garçon ou au contraire, une décision mûrement réfléchie ? Tomboy raconte l’histoire d’une petite fille qui va tout faire pour se faire passer pour un garçon sans éveiller les moindres soupçons. Or, tout se complique quand il s’agit d’aller faire pipi, ou quand son amie tombe amoureuse d’elle ou encore quand il faut retirer son maillot quand on joue au foot. Une sorte de dédoublement de la personnalité s’opère dès qu’elle quitte le domicile familial. L’identité sexuelle tant physique que psychique est au centre de ce film délicat sur l’enfance et ses errances.

© HOLD UP FILMS

Si l’oeuvre déroule la confusion de Laure, ses échappées pour fuir la vérité, et ses tentatives pour masquer le faux, elle ne propose à aucun moment une justification, une explication ou encore une interprétation du sens. C’est un film juste en ce qu’aucune direction n’est prédéfinie, aucun discours psychologisant n’est illustré. C’est l’intuition de l’enfance et la distance dans le rapport au groupe qui sont filmées. La quête d’une identité, un jeu de cache-cache entre soi-même mais aussi entre soi et les autres.

PERSONA (1966) d’Ingmar Bergman Une grande actrice de théâtre suédoise, Élizabeth Vogler, décide, au beau milieu d’une représentation d’Électre, de ne plus jamais dire mot. Internée, on lui affuble comme infirmière la jeune Alma avec qui elle partira se reposer en bord de mer. S’établira alors une relation forte, faisant parfois penser aux liens d’une mère et d’une fille, le mutisme d’Élizabeth poussant Alma à parler, voir souvent à se confier. Pleine d’admiration pour cette comédienne ayant fait vœu de silence, la jeune infirmière lui offrira une sorte de ferveur passionnée qui explosera quand elle découvrira ce que cette dernière pense d’elle dans une lettre destinée à un amant. Ici se crée la rupture du film, on assiste alors à une assimilation des deux personnages, l’une se métamorphosant peu à peu en l’autre, complètement dépossédée de sa personnalité.

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© UNITED ARTISTS

Bergman signe certainement ici le plus expérimental de ses films mais également l’un des plus beaux. Découvrir ces deux femmes, l’une trop mystérieuse l’autre trop transparente, dans une ambiance aux allures de rêve, nous plonge le temps d’une heure vingt dans un monde inconnu, un univers complètement marqué par la patte de ce génie suédois.


CULTURE | CINEMA

le

Cinéma des Sexes

L

e travestissement se confond avec le cinéma, avec la théâtralité et le jeu lui-même. Le film explore ce qui peut advenir de la rivalité entre sexes, en ce que le travestissement efface toute distinction, toute frontière, tout obstacle. Prendre l’habit d’un autre permet l’émancipation et l’affranchissement de l’espace social ou les apparences font autorité. Le travestissement dans le cinéma, c’est la mise en œuvre de rôle sexué. Se travestir, c’est se déguiser en prenant l’habit d’une autre condition ou de l’autre sexe. On pourrait parler d’esthétique du travesti chez Pedro Almodovar. Son cinéma est traversé de désir et d’appétit : de l’homme envers la femme et inversement mais aussi de l’homme envers son double. Le travestissement est très récurrent dans sa filmographie (Tout sur ma mère, Talons aiguilles, La mauvaise éducation..) mais également ses déclinaisons avec le transgenre, transformisme et drag queen. Le travesti est une figure essentielle de son travail en ce qu’elle révèle les représentations excessives et démesurées de son cinéma. Car le corps est porteur de sens. Chez Almodovar, nombreux

sont ces personnages en marge de la distinction homme/ femme. Le travesti apparaît comme celui qui souffre d’un corps qui ne serait pas en accord avec sa sexualité, son désir et l’image qu’il a de luimême. Le cinéma d’Almodovar offre plusieurs figures du travestissement comme dans Tout sur ma mère (1999), où le réalisateur, à travers son film, dédicace à la clôture : « A toute les actrices qui ont interprété des actrices, à toutes les femmes qui jouent, aux hommes qui jouent et se transforment en femmes, à toutes les personnes qui veulent être mères. A ma mère. » Tout sur ma mère c’est l’histoire d’une femme, Manuela, qui perd son fils, renversé par une voiture et décide de quitter Madrid pour Barcelone. Dès lors, Almodovar décore Barcelone d’un monde excentrique de prostitués transsexuels où l’ex mari de Manuela est devenu travesti et se prostitue. Personnage toujours en marge de la société mais partagé entre deux réalités. Car là où le déguisement est une plaisanterie, un divertissement de passage, le travestissement

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est hérésie, une remise en question de soi-même, de ce que la nature a établi et en ce sens de ce que la société impose. Le cinéaste espagnol se distingue dans ses films par l’excès à la fois comique et mélodramatique sur ses thèmes de prédilection que sont la maternité et le transsexualisme. Talons aiguilles (1991) n’échappe pas à la règle. L’histoire commence sur les retrouvailles d’une mère, Becky Del Paramo, et de sa fille, Rebeca, après de longues années d’absence. Le mari de Rebeca, ancien amant de sa mère, est assassiné. Le juge qui instruit l’affaire n’est autre que l’ami travesti de Rebeca, qui se produit chaque soir dans le même cabaret. Une double identité de ce personnage qui signe l’ambiguïté et l’équivoque constante des films d’Almodovar. Dans un autre registre, sur un autre continent et bien plus tôt, Certains l’aiment chaud (1959) avec comme vedette Marilyn Monroe et Tony Curtis. C’est une comédie américaine sur les thématiques du travestissement et de l’androgynie. Faisant fi des convenances et des bonnes moeurs, l’histoire est celle de deux musiciens se déguisant en femmes pour fuir un gang de Chicago. Si le Manchester Guardian dénonça le « cynisme cru, voie abject », le film conquit


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le public. Le dernier dialogue qui clôt le film manifeste le ton comique de ce film mais également toute l’ambiguïté avec laquelle joue le scénario : Daphné : «We can’t get married at all.» Osgood : «Why not ?» Daphné : «Well, in the first place, I’m not a natural blonde !» Osgood : «Doesn’t matter...» Daphné : «I smoke. I smoke all the time.» Osgood : «I don’t care.» Daphné : «I have a terrible past. For three years now, I’ve been living with a

saxophone player.» Osgood : «I forgive you.» Daphné : «I can never have children.» Osgood : «We can adopt some.» Daphné (en ôtant sa perruque) : «You don’t understand, Osgood, I’m a man !» Osgood : «Well... nobody’s perfect !» On assiste dès lors à la dissolution des sexes en ce que l’amour devient pleinement universel, dans une proposition ouvertement homosexuelle. La Cage aux folles (1978) en est un autre exemple. Tout d’abord pièce de théâtre, l’adaptation fut une

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production italienne car aucun producteur français ne voulut s’engager dans une adaptation cinématographique. Ce film fut lui aussi un grand succès commercial et reçut le Golden Globe Award du meilleur film étranger en 1980 et récompensa Michel Serrault du César de meilleur acteur pour son rôle de Zaza Napoli/ Albin Mougeotte. Travesti vedette d’une boîte de nuit de Saint Tropez, La cage aux folles, Albin vit en couple avec le directeur, Renato Baldi. Scène mythique de la biscotte ou encore travestissement de dernière minute de Michel Galabru, ce film caricature à l’excès deux homosexuels éffeminés, dont la vie de couple est jalonnée de petits tracas du quotidien. Entre crise

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Marie DE TOUCHET

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Antoine : «Ça fait bientôt 5 semaines que tu passes à côté de moi sans me regarder.» Bob : «Mais j’te regarde, qu’est-ce que tu racontes ?» Antoine : «Quand tu rentres, tu mets les pieds sous la table. Quand tu t’couches, tu déplies ton journal. Quand t’éteins, tu t’endors comme une masse. Qu’est-ce que je deviens, moi, dans tout ça ? J’fais tapisserie ? J’attends la carte Vermeille ? Plus jamais tu m’emmènes au restaurant, ni au cinéma, tu me caches, t’as honte de moi. Dehors, c’est le printemps, tu m’as même pas encore amené voir les

Le cinéma des sexes ce serait finalement un cinéma où l’identité sexuelle serait retravaillée au corps pour en faire émerger une figure nouvelle. Or, cas à part d’Almodovar, dans les films précédemment cités, le cinéma tend souvent à définir le travestissement dans un espace comique où le couple est hétérosexuel. La division des sexes est renforcée par le travestissement en ce qu’il n’est considéré que comme la copie de ce qui existe : la femme ou l’homme. A l’inverse, Almodovar filme la transsexualité et le travestissement dans sa nature même en ce qu’elle apparaît comme une identité à part entière, distincte de l’homme et de la femme. Cependant, si le travestissement est plus qu’un simple outil comique pour le jeu de l’acteur, c’est à travers la comédie que le travestissement a gagné en visibilité. C’est parce que la comédie l’a abordé que la figure du travesti a pu progressivement se démocratiser comme sujet dans le cinéma et même comme sujet tout court.

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Enfin, Tenue de soirée. L’histoire d’un couple à la dérive, Antoine et Monique, qui croise la route de Bob. Poète moderne, burlesque et ex taulard, celuici tombe amoureux d’Antoine. C’est l’histoire d’un chasseur et de sa proie : arriver à faire admettre à Antoine l’impensable, l’indicible. Entre traque tenace et tirade virtuose, Bob se risque et s’acharne à faire basculer Antoine de l’autre côté du bord. Pour finalement y parvenir…

bourgeons.» Bob : «Mais ma parole, elle me fait une scène.» Antoine : «C’est pas une scène. C’est quelqu’un qui craque.»

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existentielle et crise de couple, les deux personnages de même sexe tendent à reproduire le schéma classique du couple hétérosexuel. Les comiques de situations s’enchaînent renforcées par les prestations scéniques de Zaza Napoli. Tout comme dans Certains l’aiment chaud, le quiproquo, lié à l’effacement d’une identité sexuelle clairement définie participe de cet élan comique.

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Bellflower d’Evan Glodell

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e 21 mars dernier, dans les salles françaises, sortait Bellflower, un premier film signé Evan Glodell. Passé pratiquement inaperçu, il a tout de même été en compétition au festival de Sundance 2011. Dans une Amérique plus ou moins contemporaine, Woodrow et Aiden, deux amis de longue date, passent le plus clair de leur temps à se préparer à une éventuelle apocalypse. L’univers de Bellflower, fortement influencé par celui de Mad Max, transpire la virilité. Cette amitié masculine se cristallise autour de la construction d’un lance-flamme et d’une voiture (Medusa), de discussion sur les filles ou encore d’explosions de bouteilles de gaz. Cette ambiance, au départ, semble très bon enfant, comme si les deux personnages vivaient un rêve éveillé, une espèce de fantasme adolescent qui ne finira jamais. Mais derrière cette vie d’insouciance, on sent une violence sous-jacente. A première vue elle est à peine décelable, mais plus le film avance, plus on perçoit un malaise qui vient altérer le doux fantasme de Woodrow et Aiden, celui de devenir des guerriers de l’apocalypse. Cette tension est annoncée rapidement par les premières

© OSCILLOSCOPE LABORATORIES

106 minutes Etats-Unis, 2012

images du film, qui résument très succinctement, et sans réel désir de compréhension pour le spectateur, comment la situation du film va évoluer. Les nombreux flous présents tout le long du film, les tâches parfois visibles sur l’écran de la caméra, la mise au point qui régulièrement peine à se faire correctement, sont autant d’indications formelles qui nous renseignent sur cette angoisse, comme si tout cet univers était très fragile, très instable. L’élément perturbateur qui vient troubler Woodrow et Aiden, c’est l’arrivée d’une fille, ou plus précisément, de deux filles : Milly et sa meilleure amie, Courtney. Woodrow et Milly tombent amoureux, Aiden et Courtney formeront également un couple. Ces liens, ces relations amoureuses se répondent, prennent la tournure de jeux de doubles. Aiden semble être le double de Woodrow, Courtney le double de Milly. Mais la situation se dégrade au fil du temps. Milly quitte la vie de Woodrow aussi vite qu’elle y est entrée. Elle ne fait que passer et pourtant elle bouleverse totalement le cours des choses. Ainsi, lorsqu’elle quitte Woodrow, ce dernier ne comprend pas réellement ce qui lui arrive, il subit les événements. Milly a percé sa bulle d’imaginaire,

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de fantasme. Cette violence qui sommeille depuis le début du film, se réveille alors peu à peu, progressivement. Une bagarre à une soirée, un meurtre à la batte de base-ball, un accident de voiture, une séance de torture, un suicide, la violence éclate littéralement dans le quatrième chapitre de Bellflower le bien-nommé Nobody Gets Out Of Here Alive. Mais comme pour nous rappeler que la vie de Woodrow n’est que fantasme et imaginaire, un retour en arrière permet au spectateur de se rendre compte qu’il a été dupé sur certains événements. Toute cette violence n’était pas réelle mais prenait forme dans l’esprit de Woodrow, désespéré par cette rupture. C’est alors que Aiden revient. Ce double qui avait disparu un peu plus tôt dans le film. Pour oublier Milly, il doit remettre le fantasme en marche. Il lui confie la voiture Mother Medusa, il lui propose de partir loin de cette ville et lui confie : « I mean, you’re the only reason I’m here. » Ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, ils ne peuvent vivre qu’en étant tous les deux, ils ne peuvent vivre que dans leur fantasme teinté de solitude, de mort, d’amour et de désolation.

Pablo ALBANDEA


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Deux femmes naissent au

même moment ; l’une en Pologne, à Cracovie, l’autre en France, à Clermont-Ferrand. Deux femmes différentes et pourtant extrêmement liées l’une à l’autre, sans pour autant se rencontrer ou même connaître l’existence l’une de l’autre. Kieslowski nous livre ici un film étonnant de sensualité, de féminité, de mélancolie. La première demi-heure du film est donc consacrée à Weronika, jeune femme vivant à Cracovie. Elle aimerait se construire une carrière de chanteuse. Le chant -et même le son en général- occupe une place importante dans cette œuvre de Kieslowski. En effet, La Double Vie de Véronique est un film qui se ressent plus qu’il ne s’analyse. Quoi de plus abstrait, de plus subjectif, de plus sensible que la musique ? Ainsi, le film s’ouvre sur une musique lyrique composée par Zbigniew Preisner, You Will Come. Le réalisateur donne à écouter avant même de donner à voir. La musique sublime les images et les images subliment la musique. Les images elles-mêmes relèvent du domaine du sensible. Les flous, les mises au point hésitantes, les changements permanents de couleurs, la lumière fébrile et vacillante, les jeux de reflets, tous ces éléments participent à une ambiance, un sentiment qui

ne nous quitte pas. Cette extrême sensibilité du film est justifiée par le scénario même. Kieslowski veut nous raconter l’histoire d’un lien invisible entre deux femmes. Un lien qu’elles ressentent très fortement mais qu’elles ne peuvent expliquer. Dans la première partie, Weronika confie à son père qu’elle a le sentiment de ne pas être seule. Bien entendu, son père ne la comprend pas, mais le spectateur, plongé dans l’affectivité de cette femme depuis les premières minutes, semble la comprendre. La mort de Weronika -lors d’une scène de concert magistraleapporte au film une nouvelle dimension. Cette mort physique semble suspecte pour le spectateur. Elle arrive vite, sans grande explication, et l’âme de Weronika paraît toujours présente comme l’atteste la scène de l’enterrement où la caméra est placée en point de vue subjectif, au fond de la tombe et la terre la recouvre peu à peu. Weronika observe toujours, son corps est mort mais son esprit vit toujours. C’est ainsi que débute la deuxième partie qui se déroule en France, à Clermont-Ferrand. Véronique prend conscience de la mort de son double, Weronika -les deux personnages sont interprétés par la même actrice, Irène Jacob- et elle sent au plus profond d’elle-

même, une tristesse immense. De la même manière que Weronika ne se sentait pas seule, Veronique découvre la solitude. Elle arrête les cours de chant qu’elle suivait, à l’instar de son double, et décide de se confronter au monde qui l’entoure. Elle va se mettre en quête de l’amour, comme si c’est l’amour qui pourrait combler ce nouveau manque. En effet, Weronika vivait d’amourettes, d’aventures passagères, on peut supposer qu’il en était de même pour Véronique avant le tragique événement. Désormais, maintenant que ce lien sensible et inexplicable est détruit, l’amour apparaît comme la seule solution pour survivre. Mais, comme il a été dit plus haut, La Double Vie de Véronique est avant tout un film qui se ressent et les explications, les interprétations nombreuses ne témoignent pas de cette sensibilité extrême qui parcourt cette œuvre. « Je sens toujours ce que je dois faire » nous révèle Veronique à la fin du film. C’est ainsi qu’il faut regarder La Double Vie de Véronique, sentir les choses, se laisser porter par la lumière, la musique, les images pour se rendre compte de la beauté de ce film.

Pablo ALBANDEA

LaDoubleVieDeVéronique de Krysztof Keiślowski 98 minutes Pologne, France, 1991

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le

Double au Cinéma

I

ncluant autant la recherche de soi que la recherche de l’autre, le thème du double est un sujet aussi riche que complexe. Souvent traité par les cinéastes sous un aspect psychologique, il prend sa forme la plus intense lorsqu’il est le résultat de la folie contenue. Ainsi des films comme Shining, de Kubrick, ou Lost Highway, de Lynch, montrent les facettes inattendues d’hommes aux profils presque banals de prime abord, l’un effectuant une chasse à l’homme dans un hôtel étrange ayant pour cible sa famille, l’autre se réveillant face au cadavre de sa femme qu’il a découpé un peu plus tôt. Pourtant la dualité des personnages peut aussi être montrée au travers de relations, comme celle d’Elizabeth et Alma dans Persona, de Bergman, où une comédienne ayant décidé de ne plus jamais parler voit son infirmière s’accaparer peu à peu, involontairement, sa personnalité. Se perdant dans un rapport de dominantdominé intellectuel, une scène de miroir sera l’apogée de cette lente transformation, sublimée par le jeu de Bibi Andersson et Liv Ullman. Sous une autre approche, les Jules et Jim de Truffaut semblent, avant l’arrivée de Jeanne Moreau, être

de parfaits compléments l’un pour l’autre. Mais trouve-t-on un double en un ami ? Juliet et Pauline, dans Créatures Célestes de Peter Jackson, développent une relation si forte qu’elles paraissent n’être qu’une seule et même personne, l’approche d’une séparation donnant naissance au crime.

Comment parler de troubles mentaux sans évoquer Isabelle Adjani (j’étais obligé)? En effet, le génie de l’actrice se dévoile par cette aisance à interpréter divers types de personnages blessés, fragiles, dérangés. Pour ce qui est du double, Possession d’Andrzej Zulawski met en scène une Adjani commandée par le Parfois se montre un côté Diable, quand toute sa douceur presque pathétique du double, se manifeste sous les traits d’une ainsi Dirk Bogarde développe institutrice vêtue de blanc. On dans le film de Fassbinder, pourra trouver dans la scène du Despair, une obsession risible. métro une allégorie de la folie. En effet, ce dernier se persuade Elle sera récompensée pour ce qu’il a trouvé sa parfaite réplique film d’un César, ainsi que du sous les traits d’un clochard prix d’interprétation féminine à croisé dans la rue, avec qui il Cannes en 1981. Toujours chez n’a en fait rien de semblable. Zulawski, on peut trouver une Croyant pouvoir échanger sa Sophie Marceau transcendante vie avec lui, il l’assassine pour lorsqu’elle déclame ses oracles se faire croire mort, mais sera dans Mes Nuits sont plus belles arrêté pour fraude à l’assurance, que vos jours. Hypnotisée, c’est tout cela couronné par l’univers une facette frôlant le sacré que kitschissime d’un Fassbinder au l’on découvre d’elle. Ici réside la sommet de sa gloire. Dans un puissance de Zulawski, il réussit autre registre, on peut observer à montrer ses acteurs dans un Roman Polanski se travestir en jeu entier, sans compromis, les femme au sex-appeal ravageur, poussant jusqu’à l’hystérie pour bien qu’elle s’arrache les dents, saisir le temps d’une scène leur dans son film Le Locataire. On essence même. notera l’apparition furtive d’Eva Ionesco. Le réalisateur nous Je me sens obligé de montrera également la jeune conclure sur Sueurs Froides, Catherine Deneuve dans un rôle qui représente pour moi le chef de femme fraîchement sortie d’oeuvre d’Alfred Hitchcock. de l’adolescence aux tendances En effet pour les besoins d’une schizophrènes avec Répulsion. affaire trouble Kim Novak se Jamais la froideur réputée de doit d’interpréter une femme l’actrice ne lui avait tant sied. obsédée par une de ses ancêtres

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CULTURE | CINEMA

traits d’une femme vulgaire, complètement désespérée que leur passé commun rattrapera à cause de l’obsession du héros. Ce film propose un travail sur la couleur impressionnant, le vert étant symbole de mort quand le violet montre ce qui est ramené de l’au-delà. La diversité des

rôles joués par Kim Novak, avec brio, dans ce film en fait l’une des œuvres majeures traitant la question du double.

Jerémy BENKEMOUN

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décédée. Elle retracera sa vie et sa mort, perdant sa personnalité pour laisser la place à celle de Carlotta, l’aïeul en question. Complètement sous le charme de cette femme étrange, James Stewart cherchera à l’aider jusqu’au suicide pour la retrouver plus tard sous les

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INTERVIEW MKR -

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YX | INTERVIEW

Michel Galabru A l’occasion d’une rencontre avec Michel Galabru, ce dernier revient sur « la Cage aux folles », succès commercial de l’année 1978 adapté de la pièce de théâtre de Jean Poiret.

#1 Qu’est ce que ça fait de se déguiser en femme ? --- C’est une chose curieuse car on se rend finalement compte que la féminité est un rôle comme les autres. A ceux qui disent « l’habit ne fait pas le moine », si justement. La féminité est un état, avec ses accessoires, ses costumes, sa gestuelle, son maquillage. C’est donc bien un jeu de rôle social dont il faut porter le déguisement pour pouvoir l’incarner. D’ailleurs c’est précisément ce que fait celui qui se travestit ou qui se sent femme, comme pour l’homosexuel. Il adopte toutes les apparences et la gestuelle d’une femme. Il est même assez curieux qu’au sein même d’un couple homosexuel, l’un joue le rôle de l’homme et l’autre celui de la femme. #2 Pour vous, quelles sensations avez vous éprouvé à vous travestir ? Est ce que c’est agréable ? --- On a beau dire, ça féminise. J’avais déjà expérimenté le travestissement. Durant mes années à la comédie française, Robert Hirsch avait monté le ballet de Gisèle au théâtre de l’opéra et j’y jouais Mme Batala. Evidemment on m’avait donné la robe de la chanteuse la plus forte de l’opéra. Bien entendu, il fallait que je rentre dedans, elles sont tout de même menues ! C’est amusant d’être une femme, ça permet de cabotiner, de faire son intéressant, d’être excessif. #3 Est ce que cela a pu vous donner l’envie d’être une femme? --- Ah non pas du tout ! Il est certain qu’elles ont bien des avantages sur certains plans. Il n’y a qu’à voir tous les ornements et accessoires dont elles bénéficient, alors que nous, hommes, sommes pauvres de tous ces artifices. Entrez dans une bijouterie vous verrez bien ! L’injustice en quelque sorte. Dans un de mes one man show, je faisais la démonstration en faisant descendre un portant de sous-vêtement féminin, très garni (string, portes-jarretelles, soutien gorge, bustier, le tout aux couleurs chatoyantes !) alors que le portant masculin ne portait qu’un marcel et un pauvre slip, ça fait minable. Le dessous d’un homme est bref, c’est d’une pauvreté étonnante.

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#4 Quelles ont été les réactions dans votre entourage ? --- Ugo Tognazzi qui, initialement devait me rouler un patin, le refusa catégoriquement et a hurlé à ma vue «che orrore!» J’ai été vexé, provisoirement. Je me rendais compte que même la féminité ne me rendait pas plus beau, même en m’attribuant une poitrine avantageuse et en étant fardé, cela ne suffisait pas. Il n’y a rien, pas d’espoir. Un échec physique total. D’autant plus qu’il a fallu expliquer à ma fille que c’était son père. Un drame. Parce que c’était très laid. #5 Pensez vous que le travestissement puisse avoir un effet comique ? --- Surement, puisque les gens riaient. Serrault jouait magnifiquement le rôle de l’homosexuel travesti. De toute façon, le travesti, c’est une parodie de la femme. Il en exagère les attributs, les mouvements et il faut finalement l’homme le plus viril pour que le travestissement ait l’effet le plus comique. D’ailleurs, cette façon de se déguiser est très fréquente dans les comédies comme Charpie et Brancato. L’homme est hirsute, les poils lui poussent de partout, on se rapproche du singe. Nous sommes des hommes des bois en quelque sorte. Tandis que la femme…

Marie DE TOUCHET

Sa Filmographie Principale 1962 > La Guerre des boutons 1964 > Le Gendarme de Saint-Tropez 1971 > Jo 1972 > Le Viager 1974 > Les Gaspards 1976 > Le Juge et l’Assassin 1983 > L’Été meurtrier 1983 > Papy fait de la résistance 1985 > Subway 1990 > Uranus 2000 > Les Acteurs 2008 > Bienvenue chez les Ch’tis 2010 > Un poison violent MKR -

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SARAH TROUCHE CULTURE | YX

C

’est à travers le monde que Sarah Trouche, jeune artiste française diplômée des Beaux-Arts de Paris, livre des performances au sens aussi grave qu’elles sont belles. Le corps est chez elle un outil de langage, souvent politique ou social puisque ses œuvres s’appellent souvent des « Actions pour » et se rattachent aux derniers évènements ayant marqués le monde. Afin de mieux les comprendre de l’intérieur, Sarah s’immerge dans la population touchée pour comprendre ses peurs, ses désirs, etc. Ce n’est qu’après cette recherche préalable que se conçoit la performance. L’acte est fait pour mettre en lumière les anomalies sociales et politiques du monde. Pour cela, au corps nu s’ajoute couleurs et accessoires symboliques du lieu ainsi que du message à renvoyer. On peut donc la voir peinte de rouge dans Action for China ou de jaune dans Shinto action. Les vidéos de ces évènements laissent transparaître une ambiance étrangement douce, contemplative, on croirait y voir des rituels, quelque chose de sacré s’en dégage. On y verrait parfois

même un côté sacrificiel puisqu’elle se met parfois en danger dans ses performances, comme lorsqu’elle fait référence à Fukushima dans Action for Adashino Nebutsuji où elle est agenouillée dans de la neige près des lieux de la catastrophes, or la neige est porteuse de radioactivité. Ainsi cette lenteur se dévoile comme une sorte de break, un moment de réflexion dans notre société qui ne jure que par le temps bien mit à profit, celle qui oublie les catastrophes aussi vite qu’elles sont arrivées du moment que l’intéressé n’a pas été touché. Quand Sarah performe, elle explique elle-même qu’elle est dépersonnalisée, voir réifiée. Sarah, en tant que personne, n’existe plus. Elle devient une œuvre qui vit d’ellemême comme on pourrait le dire d’une peinture. Le corps est une invitation à la réflexion, la charnalité ne fait que marquer plus encore le regard. Mais le fait que l’art soit performé n’efface pas pour autant que l’oeuvre est

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admirablement composée. En effet, dans Action for China on peut remarquer la manière dont le corps est mis en évidence grâce aux deux ventilateurs positionnés de chaque côté de Sarah, ainsi que les sortes de rubans reliant ses cheveux au sol, ne laissant percevoir que la partie centrale du corps, celle-ci étant peinte de rouge quand tout autour est noir. Quand on lui demande un film qui l’aurait marqué, elle répond Il Deserto Rosso, chef d’oeuvre d’Antonioni. On se sent un peu idiot, en effet comment ne pas y penser ? Le film traite de cette jeune femme complètement égarée dans un monde qui la broie, tout cela dans un traitement de couleur qui se rapproche énormément de l’univers de Sarah. Film énigmatique à la problématique sociale, parfois sentimentale et expérience de la couleur même, n’est-ce pas là un peu l’art que la jeune artiste nous offre aussi ?

Jerémy BENKEMOUN


INTERVIEW MKR -

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YX | INTERVIEW

Stéphane Fedorowsky Dans le cadre de sa dernière exposition nommée l’Émouvantail

ayant lieu au 11 rue Chapon à Paris du 7 juin au 22 juin, il nous a été donné de faire connaissance avec Stéphane Fedorowsky, jeune photographe dont chaque cliché frôle le rêve.

#1 Tu développes beaucoup une sorte d’onirisme dans ton travail, recrées-tu une sorte de mythologie personnelle dans tes photos ? ... L’onirisme m’a toujours intéressé, il fait partie de la magie de la vie ! Plutôt que de créer mon propre bestiaire, je me sers plus de la mythologie et des symboles pour mon travail, pour tenter de révéler ce qui semble caché. Je pense qu’on a chacun une partie de nous sensible, je pense être extra-sensible. J’ai énormément de ressenti qui me permettent d’aller dans les domaines proches de l’onirisme. Quand j’ai par exemple shooté dans le château d’Esquelbecq, on y sentait une vie entière, une profondeur... #2 As tu un livre phare et/ou un film phare ? ... Toutes les œuvres de Cocteau. J’aime énormément aussi le cinéma muet, ou encore les films musicaux. Après dans l’art, des artistes comme Shauna et Robert Parkeharrison en photo ou Modigliani en peinture me touchent beaucoup. #3 Ses plans cinématographiques sont construits comme des peintures, est-ce ton cas avec les photos ? ... Oui, exactement. Je crée un instant au moment où je prends la photo, et je lui donne naissance lors du développement en chambre noire. #4 Tu es sur le point de présenter une nouvelle série appelée « L’Émouvantail ». Essaies-tu de transmettre un message à travers tes œuvres ? Si oui lequel ? ... Dans ce conte là de l’Émouvantail, le message est à peu près « quoi qu’il arrive dans la vie, on garde toujours l’amour que quelqu’un nous a porté », ce que j’ai essayé d’exprimer par divers symboles

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YX | INTERVIEW #5 L’Émouvantail dépasse le support photographique puisqu’il sera bientôt disponible en Hybrid Book, peux-tu parler un peu de ce nouveau support ? ... L’Émouvantail a été adapté en conte numérique, il est le premier ouvrage d’art numérique. La société Hybrid Book propose des livres avec une bande sonore integrée à la vitesse de lecture, donc à chaque page tournée une musique se lance, c’est assez extraordinaire. Je suis heureux de partir d’un support ancien, qui est celui de mes photos, pour aller vers quelque chose de bien plus moderne. Il est disponible depuis le 6 juin, sur l’Apple store et Hybrid Book. #6 Comment as-tu choisis les musiques qui accompagnent tes photos dans ce livre? ... Le compositeur s’appelle Jérémy Pons, il est l’auteur de toute la musique du livre. Je suis vraiment content de sa création, ça fonctionne très bien avec mes photos. #7 Quelles sont les réactions des spectateurs face à ton travail ? ... Certains s’arrêtent sur une image, d’autres voient le travail dans son ensemble. « Ça fait peur » « Qu’est-ce qu’il veut nous dire ? ». D’autres semblaient vraiment comprendre, plus particulièrement ceux qui avaient une approche philosophique. Mais j’avoue que pour l’Émouvantail j’ai eu de trés bon retour. J’en suis ravi. Ce conte est vraiment pour tout public. “Ille était une fois soi...” celui d’avant était plus noir, plus profond et symbolise la quête d’un être qui part à la rencontre de lui-même. Ce livre est un hommage à un ami qui m’était cher… Les critiques étaient plus tranchées. #8 Tu utilises la narration, l’écriture t’intéresse-t-elle ? ... Évidemment, l’Émouvantail est mon deuxième conte photographique, l’écriture y a beaucoup d’importance. La photo reste l’art qui prime mais j’ai toujours écrit, j’ai toujours aimé écrire des poèmes, jouer avec les mots, j’ai toujours aimé les histoires, je pense donc continuer, faire d’autres contes et peut être même aller vers la réalisation, c’est à dire de mettre mes photos en mouvement avec des textes. Là, tous les ingrédients sont réunis, ce que j’aime dans ces contes photographiques c’est le fait de faire un arrêt sur image, il y a un temps de pause, il y a du temps. C’est comme si on ralentissait le monde moderne, comme si nous revenions à des choses essentielles. #9 Le temps de création de tes séries est-il régulier ? ... Ça dépend de l’écriture. Mais pour faire un conte il me faut au moins 6 mois pour faire les photos et l’écriture, je passe énormément de temps en chambre noire. Par exemple ici, j’ai commencé par trouver le personnage qui m’intéressait, l’épouvantail, je le trouvais trop peu exploité. Son symbolisme me plaisait. Dans certaines cultures, il était celui qui était remercié. #10 Tu travailles exclusivement avec des appareils photos argentiques, as-tu toujours utilisé ce même médium ? ... J’ai essayé beaucoup de choses. En fait, j’ai découvert la photo à l’envers. J’étais en école d’art où l’on touche à tout, peinture, dessin, etc... Et j’ai appris la photo directement en chambre noir. On m’a donné un négatif, et j’ai commencé par développer. Alors tout de suite l’ambiance de la lumière rouge, le face à face avec soi-même , je me sentais comme un savant fou dans son laboratoire. J’y ai tant pris goût que je m’y suis plongé entièrement. J’avais l’impression d’arrêter le temps. J’ai essayé la couleur mais il n’y avait pas cette intemporalité que je recherchais.

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Jerémy BENKEMOUN


THEATR E le

TEMPS

de Wajdi Mouawad

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ans une ville minière, dans le froid de l’hiver. C’est ici que se retrouvent deux frères et une sœur. Ils ne se connaissent pas mais se retrouvent pour régler la succession de leur père naturel. Un père adulé par sa ville, adoré de sa nouvelle femme. Un mythe infâme aux yeux de sa fille. Le tableau est balayé par les hurlements du vent et les traversées d’une horde de rats, tout droit sortis de la forêt, dans un univers vaste et perdu. La pièce est une parenthèse, entre le tragique et le renouveau. Entre le drame qui s’est produit dans cette forêt, entre les murs de la maison, sous le toit du refuge et la renaissance d’un printemps tant attendu, tant espéré. Le climat est oppressant et grave, pour mieux révéler le tragique d’une histoire passée sous silence. Car ce qui n’est pas dit est pourtant connu aux yeux de tous. L’intimité des personnages, les liens qui les unissent sont murés dans les secrets et l’oubli. La mise en scène transpose la blessure familiale provenant de la faute suprême, de la faute impardonnable. Sous fond de bande son de Bertrand Cantat, le décor, tel un grand mur de long voilage blanc transparent, est happé par les gigantesques

ventilateurs où les personnages, drapés dans de longues fourrures évoluent dans l’espace minimal de la scène. La marche de l’histoire se fait au rythme du son des flèches tirées sur une cible, scandant le récit. Le Temps est celui du rapport incestueux, du travail de la mémoire qui s’enfuit, de la tentative de parvenir à aller au-delà de la souffrance. Le Temps est celui de l’attente, où la réunion de tous permettra peut être de rétablir l’harmonie et la paix. Le Temps est aussi celui des mots et des silences. Là où le père coupable, n’est autre qu’un poète dont le verbe et la phrase suscitent amour et abnégation de sa nouvelle femme, tandis que sa fille, jouet martyr, a perdu la voix et l’ouïe. Le Temps est celui de la pièce elle-même, où les récits qui se perdent entre les personnages, s’égarent dans la mémoire même d’un père à la fois bourreau et complice. Le Temps du langage et de la mémoire, des mots et de la pensée, du verbe et de l’agir. Les deux frères et la sœur ne peuvent communiquer que par interprète, l’une ne parlant pas et l’un des frères ne parlant que le russe. Un dialogue triangulaire où le temps donné à la parole et à l’écoute, cadence la progression du récit, l’acheminement vers une libération. Un bouleversement pour les personnages mais aussi pour le spectateur / lecteur confronté à

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cette sérénité forcée, à ce drame perceptible, à l’issue certaine. Car ce n’est pas tant la sortie qui importe mais le parcours pour faire surgir l’évidence et restaurer l’harmonie. Cette pièce est pour Wajdi Mouawad avant tout la rencontre entre trois temporalités que sont le temps historique, messianique et mythologique. A voir, A lire !

Marie DE TOUCHET Le Temps, édition acte sud 15 au 25 mai 2012 Salle Jean vilar Théâtre Chaillot Mise en scène : Wajdi Mouawad Avec Marie-Josée Bastien, Jean-Jacqui Boutet, Véronique Côté, Gérald Gagnon, Linda Laplante, Anne-Marie Olivier, Valriy Pankov et Isabelle Roy.


CULTURE | THEATRE

Mademoiselle JULIE de Frédéric Fisbach fierté auront raison de Julie.

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ademoiselle Julie, c’est la nuit de la Saint Jean. Huis clos nocturne entre Julie, maîtresse des lieux, jeune aristocrate et Jean et Kristin, valet et cuisinière de son père, le comte. Julie veut danser avec Jean. Elle l’exige, elle l’ordonne. Il dispose. Jeu de séduction et d’orgueil, jeu cruel et dangereux. Pour finalement que l’acte se consomme et fasse perdre toute considération de Jean pour sa maîtresse. Du mépris pouvant aller jusqu’à l’affront. Si Julie est orgueilleuse de par son rang social, Jean l’est de par son caractère. Prisonniers tous deux d’un sentiment qui les conduira à leur perte. La domination se renverse, s’étire pour mieux se déchirer. La lutte peut être celle des classes sociales mais c’est aussi et avant tout, l’affrontement entre un homme et une femme, un combat d’autorité et de pouvoir. De l’ivresse d’un début de soirée s’ensuit le dégrisement de la honte et du déshonneur. Car si la domination du valet est encadrée par les lois sociales, la domination de l’homme ne peut suivre la même issue. Haine des hommes et éducation sociale n’auront pas raison de Jean. Sa violence et sa

La mise en scène proposée est une scénographie contemporaine, divisant trois espaces faisant écho à la règle des trois unités de temps, de lieu et d’action de la tragédie classique. La pièce se déroule dans une boîte rectangulaire blanche. Les trois espaces sont divisés par des baies vitrées pour mieux définir le dehors et le dedans, renforcés par les effets de sonorisation en fonction d’où se trouve les personnages. Le huis clos est accompagné par un chœur dansant, silencieux, qui déambule au travers de la fête de la nuit de la Saint Jean. Les qu’en-dira-t-on. Certains coiffés de masque africain ou d’autres de lapin, on regrettera cette facilité de mise en scène tout comme la scène finale où Julie, poussé au suicide, se retrouve face au public, baignée d’une lumière rouge pour illustrer sa fin. Sans doute l’œuvre de Strindberg gagnera d’avantage à être lue qu’à être vue.

Marie DE TOUCHET

Théâtre de l’Odéon Mise en scène : Frédéric Fisbach Avec Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud et Benedicte Cerutti. 18 mai 2012 – 24 juin 2012

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© CHRISTOPHE DE LAGE

CULTURE | THEATRE


MUSIQUE Kumisolo

« En un seul mot s’il vous plaît ! »

Le gourmand Fondant au chocolat « noir noir noir » est prescrit pour les jours de déprime. Catégorie tropicool.

Paris « c’est ici qu’il faut vivre », décide Kumi la Japonaise il y a maintenant onze ans. Etudes de ciné à Paris VIII, copains du label Active Suspension, concerts à la Gaîté Lyrique et autres réjouissances artistiques, un grand huit musical qui nous mène, ébouriffés, à ce premier EP pour Delabel.

Suit Cœur Frag parce que, comme Kumisolo le dit très justement, « l’amour et la nourriture, c’est ce qui parle à tout le monde ». Ce titre convoque Elli et Jacno et « tout ce qui sonne un peu Palace » confie Kumi dans un sourire. Un sourire qui, comme le titre, garde ses secrets : Frag(ile) ? Frag(menté) ? Frag, comme quand on élimine son adversaire dans un jeu vidéo ?

« Commencement » murmure Kumi à la fin du premier morceau, instrumental. Epique l’intro ! Digne héritière des meilleures compilations Synthétiseurs. De quoi

Ongaku, ça veut dire musique en japonais, tout simplement. Texte planant mi-japonais mi-français sur nappes synthétiques. Et une phrase comme une confession : « Tout ce que j’écoute ne me fait rien mais ce

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que je retiens, c’est ta musique ». Tadaima, folie musicale, sonnante et pas du tout trébuchante. Des rythmiques qui démangent dans cette reprise d’un classique d’Akiko Yano, mais qui sonne quand même « beaucoup plus excitée que l’originale ». Face à Kumisolo, difficile de ne retenir que la musique : le personnage est incontournable. Sur scène, dans les robes déjantées d’Andrea Crews ou dans son envie de faire de la musique pour tout le monde. On aime Kumisolo à ne plus pouvoir en respirer et on a très hâte que vous la rencontriez.

Julien TROLLET (EMI)

© SAMUEL KIRSZENBAUM

A

vant, Kumi faisait de la musique à trois, ça s’appelait Konki Duet, en deux mots. C’était très sympa et ça sonnait bien. Maintenant, Kumi est en solo. Bienvenue Kumisolo. En un mot.

faire passer Sébastien Tellier du bleu au rouge jaloux.


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AQUARIUS

HEAVEN ................ UNIVERSE L

orsqu’un journaliste demande à Brian Bewster de se présenter, ce dernier répond: «je suis noir, je suis gay, je viens d’une autre planète, je mange des animaux morts, de l’herbe et je bois beaucoup d’huile d’olive»*. Le ton est donné. Ancien chanteur de reggae dancehall et de hip hop, le caribéen à l’excentricité assumée, Brian Bewster, a effectué en 2005 une reconversion de génie. C’est en atterrissant à Paris qu’il rencontre le trio parisien dOP. Ce groupe composé de trois DJs (Jonathan Illel, Clément Zemtsov et Damien Vandesande) lui font découvrir, en une nouvelle perspective, la musique électronique. La patience pour les passions, les quatre musiciens

passent des heures en studio afin de trouver Le Son qui réorienterait complètement la carrière musicale d’un Brian. Cinq années plus tard, ils officialisent le nom Aquarius Heaven («aquarius du signe astrologique Verseau [...] et le heaven juste parce que je suis tout le temps high, in the sky»*). Cet été 2010 est aussi marquée par l’enregistrement de Universe, morceau aux sonorités spatiales. Cette chanson planante fait l’objet d’un mystère car, parfois déconcertante, il s’y trouve une certaine difficulté à discerner «l’âme» du chanteur tant par sa voix que par son chant. L’atmosphère semble mystique et les influences hip hop ne passent pas inaperçues bien que le genre musical reste complexe à définir. On pourrait qualifier la structure musicale de breakbeat, où le flow nous appréhende lentement, nous emporte dans une sorte de langueur

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jusqu’au paroxysme avec ces paroles équivoques: «fuckin’ the world, I make the universe be my baby.» Avec deux EPs (le premier, 7 Days sous Circus Company et Can’t Buy Love avec Wolf + Lamb records) et un premier album à venir, Aquarius Heaven, fraîchement installé à Berlin, innove et fait l’objet d’une révolution discrète. Quand on le questionne sur ses projets, il répond «je veux juste briser toutes ces règles musicales sur cette putain de planète et faire de la musique passionnante comme à l’époque de Detroit.»*

Wendy NAETONG *(Source interview: Pauline Keh pour weare-semeone.blogspot.fr.)


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The

Creatures FEAST T

he Creatures est un groupe britannique formé en 1981 par et avec Siouxsie Sioux (Susan Jet Ballion) et Budgie (Peter Edward Clarke). En 1983 sort Feast, leur premier album dont les passionnés de popweirdness exotique, si ils existent, ne peuvent plus se passer. Apprenez pourquoi en quelques minutes. Les fruits apportés par les voyages peuvent être variés. The Creatures (projet parallèle puis groupe prolongeant la formation Siouxsie & The Banshees) nous le démontre parfaitement dans l’album Feast. La chanteuse Siouxsie et son talentueux mari, le percussionniste Budgie eurent l’idée - à un moment probablement propice à la virtuosité - de choisir de manière hasardeuse dans quel continent l’album serait enregistré. Une épingle formelle s’approchant de l’Amérique désigne les États-Unis, et s’enfonce sur Hawaii. Cette destination fortuite à conduit le couple, pour leur premier opus à deux, à exploiter ce territoire - certainement plaisant - pour construire quelque chose qui se serait imprégné de l’ambiance environnante. Ce quelque chose aurait été pressé de longues heures afin d’en sortir un jus presque délectable. Presque car, à l’instar de nos anciens professeurs d’arts plastique, je vous dirais qu’il est difficile d’obtenir un 20/20, l’apogée tant convoitée. Quand sort l’album Feast, au début des années 80, beaucoup ont déjà abandonné leurs ‘’vrais’’ instruments pour bidouiller des mélodies sur des machines électroniques; mélodies souvent

trop peu concluantes pour être commercialisées. En outre, l’amalgame fait par The Creatures avec cet album original se dessine bien. Ils ont su faire fondre, en une même cérémonie fleurie, les arrangements studio qu’a apporté la nouvelle ère technologique; ainsi que les anciennes énigmes Hawaiiennes et autres rythmiques ancestrales venant des îles, de l’Afrique et d’ailleurs. Tout démarre par un cri qui pourrait être interprété comme une chute ou un appel à l’aide. Morning Dawning, un titre d’entrée en matière surprenant aux vues de sa mélancolie, parle d’un ressenti lors d’un matin froid de Septembre. La voix surplombe le bruit des vagues et, rarement, une percussion apparaît et se mélange au carillon pour qu’une certaine intensité se génère. Le deuxième titre, qui est d’un psychédélisme frappant s’intitule Inoa’Ole, ce qui signifie sans nom et paraît signifier sans paroles: des choeurs envoûtants prennent la place des mots. Dans Ice House, le fait «qu’une maison de glace abrite des fleurs incestueuses» ne pose pas de problème. Cette troisième chanson s’inscrit comme un vrai commencement par sa rythmique entraînante. Les influences ethniques sont flagrantes tout le long de l’album et Ice House point comme le déclencheur d’un spectacle singulier. S’ensuit, d’une implacable logique, Dancing on Glass précédant Gecko, qui a été titrée en référence au reptile du même nom et à l’onomatopée du cri du

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gecko indonésien. Siouxsie nous transmet une fièvre tropicale et nous transporte dans un monde où la faune et la flore sont géantes, où l’on tombe sur une «panoramic banana» par exemple, et où en explorant les alentours, une chorale de grenouille nous accompagne. La sixième chanson, Sky Train, pourrait être considérée comme étant la partie «agressive» de l’opus. Cette impression est provoquée par la batterie ardente et frénétique de Budgie. Gecko, Festival of Colours (piste 7) et Miss The Girl (piste 8) n’ont pas à rougir de leur hauteur dans mon classement imaginaire des meilleurs titres du disque. A Strutting Rooster porte vers un climat plus inquiétant: «Above is red, below is red, hear the ringing voice, a strutting rooster» (le dessus est rouge/le dessous est rouge/ entend la voix sonnante/un coq qui se pavane) est le seul texte chanté. Le fait que l’effet de reverbation semble excessif rend l’ensemble attrayant. L’ambiance ici c’est une cérémonie tribales animée, la nuit autour du feu et, où non loin se trouve une bassecour. La dernière chanson Flesh, ferme les portes d’un envoûtement non conventionnel qui n’a pas été ardu d’apprécier. Feast, c’est une représentation où un couple arpente un bestiaire avec un étal de fruits en offrande, faisant un propagande florale.

Wendy NAETONG


© JULIEN MIGNOT

CULTURE | MUSIQUE

2 Bunnies in Love

two T

wo bunnies in love s’est formé en 2009. C’est avant tout une affaire de famille qui a commencé avec deux frères, Thibaut et Julien Monsallier, par hasard ils rencontrent deux frères, Lucas et Pablo Valero et scellent officiellement le groupe. Ils croiseront également le chemin d’une passionnée, Céline Pellegrino et d’un pianiste prodige Etienne Monsaingeon. Leur premier concert s’est fait le 1er Novembre 2010 au POP IN est a affiché complet. Le groupe parisien nous propose une musique pop lyrique

entraînante et enivrante, dont les mélodies rappellent la britpop des années 60 et 70, et nous mènent sur des chemins peu exploités et fera swinger la scène rock française avec leur EP intitulé «Milk». Le groupe recherche l’immédiateté, des mélodies puissantes qui vous restent collées à la peau et une énergie qui vous fait instantanément bouger le bassin et hôcher la tête. Leurs influences... The Beatles évidemment, mais elles vont également plus loin; The Cure, Joy Division, mais aussi The Velvet Underground ainsi que les Pixies. Les Two Bunnies In Love,

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marquent leur territoire et leur empreinte sonore se profile avec le temps. «Milk» on en boirait tous les jours. Des mélodies entêtantes qui parlent d’amour, des relations et des états d’âmes. Une musique forte, positive qui respire le bonheur. Je vous invité très fortement à regarder la superbe vidéo de «You & me» dirigée par Ugo Mangin qui nous conte une jolie histoire entre deux bunnies in love (fornicateurs) filmée façon Super 8.

Lucie TOSSER


INTERVIEW MKR -

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YX | INTERVIEW

STAL Pierre-Marie Maulini a décidé de former STAL en 2010,

en rentrant de sa tournée mondiale avec M83. Le groupe, que l’on pourrait qualifier de post-rock énergique teinté d’électronica et d’ambient vient de sortir son premier EP nommé «We are two», qui vous transportera dans un univers rêveur, utopique et puissant. Le groupe est une réelle révélation pour la scène musicale française, il innove, mélange les genres et les sonorités afin d’emmener l’auditeur, dès les premières secondes, dans un monde aérien, vaporeux, vif, plannant et élégant. Découvrez ci-dessous l’interview de STAL et ruez vous sur cet EP aussi puissant qu’étonnant.

#1 Raconte nous comment s’est formé STAL ? /// En 2010 après la tournée de M83, en rentrant j’ai voulu monter mon projet solo. Je n’avais pas envie de rester en tant que musicien de session toute ma vie donc j’avais vraiment envie de prendre ce risque là. J’ai commencé par écrire mes démos à la maison et je me suis dit qu’évidemment il me fallait un groupe sur scène. J’ai rapidement rencontré le guitariste, Hugo, qui est un ami d’amis. Il est venu s’installer sur Paris et nous avons continué à jouer ensemble et dans la foulée on a rencontré Renaud, le batteur qui jouait dans un groupe de rock. #2 Tu as joué aux cotés de groupes tels que Midnight Juggernauts ou Kings of Leon, mais avant tout sur scène avec M83. Que t’a apporté cette expérience, qu’en as-tu tiré et quel effet cela a-t-il eu sur toi ? /// Ca m’a appris la rigueur du travail déjà, et j’ai énormément appris au niveau électronique; je viens plutôt du milieu rock donc j’ai l’habitude de tout ce qui est formation acoustique (guitare, basse, batterie) et là j’ai appris énormément sur les synthés, les machines et aussi sur l’organisation des tournées, l’environnement musical, les managers. J’ai appris plein de choses sur le business et sur la scène. #3 «We are two» est un EP à la fois énergique, plannant, poétique, mélancolique, et très recherché; ne serait-il pas alors une sorte d’ éxutoire? Le reflet de tes sentiments ? /// We are two est une chanson que j’ai co-écrit avec mon guitariste. c’est au sujet d’un couple qui va mal... oui, je peux dire que cette chanson est une sorte d’exutoire.

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YX | INTERVIEW #4 Vous semblez énormément expérimenter; comment composez-vous? Par quoi ou qui êtes-vous animés ou inspirés ? /// Je compose chez moi avec ma petite amie Martha (qui est une source d’inspiration). Je fais tout à la maison. J’ai mon propre homestudio. Ensuite je finalise le morceau avec les musiciens. #5 Vos influences sont Sigur Ros, Explosions in the Sky ou encore Mew. Aujourd’hui quels groupes écoutez-vous ? /// Sigur Ros là en ce moment c’est vraiment le dernier truc que j’écoute. J’attends le dernier album de Mew qui devrait sortir cette année aussi. #6 Quelle est la chanson de l’EP la plus « authentique» et représentative du groupe? Et pourquoi ? /// Le plus représentatif est the sound of sirens, même si c’est un titre instrumental. Il y a vraiment l’énergie de base rock et brute avec la guitare et la batterie, et ce coté aérien avec les synthés et l’électronique. On aime tout ce qui est instrumental comme Mogwai, Sigur Ros, etc. #7 Quels sont vos projets à venir ? /// Donc il y a le clip, qui sortira le 17 juin, celui de «We are two» que l’on va réaliser. Ensuite on retourne en studio fin aout pour faire nos pré-productions pour l’album, on ne sait pas encore chez qui on va le sortir mais c’est en préparation. Puis les dates cet automne et en fin d’année avec notre tourneur Alias. Et le 26 mai on a joué a Brest, ça va être une belle date. Cet été on ne peut pas être programmé sur les festivals donc tout va se jouer sur la production de l’album.

Lucie TOSSER

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CULTURE | MUSIQUE

MIXTAPE A ECOUTER ICI MKR -

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© HANNIBAL VOLKOFF

Habituée à fréquenter les soirées parisiennes et membre permanent au sein du magazine, le son proposé par Lucie reprend l’atmosphère globale des soirées extravagantes parisiennes comme la Flash Cocotte, la House of Moda, la Concrète ou encore le Berghain. Une proposition de sons vous incitant au déhanchement, à l’exubérance et à l’amusement total: le son parfait pour profiter de l’été 2012.


DANSE

© CHRISTIAN LACROIX

CONVERGENCE OVREC

LES GRANDS COUTURIERS POUR LA DANSE (Partie II)

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CULTURE | DANSE

E

n 1946 Roland Petit (1924-2011) crée sur le livret de Jean Cocteau Le jeune homme et la mort. La première du ballet a lieu au théâtre des Champs-Elysées à Paris. C’est une révolution pour le milieu de la danse, le ballet est érigé au rang de chefd’oeuvre. A partir des années 60, les arts n’ont jamais autant interagi. C’est aussi l’heure du grand cinéma d’auteurs en passant par Godard (1930), Truffaut (1932-1984) ... Roland Petit signe en 1965 pour le ballet de l’Opéra de Paris Notre Dame de Paris une adaptation en ballet de l’œuvre de Victor Hugo. Sa création est immense et réunit tous les grands noms de l’art contemporain. René Allio figure parmi les plus grands scénographes du moment, Maurice Jarre créée la musique pour le ballet et évidement Yves Saint Laurent conçoit les costumes de Notre Dame de Paris. Yves Saint Laurent (1936-2008) est reconnu come un des plus grands couturiers français. Il se démarque pour ses sahariennes, smoking etc. . Il habille la femme et la rend plus belle que jamais. Son égérie est et restera à jamais Catherine Deneuve (1943). Il présente son premier défilé en 1962 et ouvre avec son compagnon Pierre Bergé (1939) leur première maison de couture. Roland Petit pousse sa démarche artistique tout au long de sa carrière, capable de renouveler son style d’année en année, des ballets forts en émotions dont certains révolutionneront la danse. Le duo Yves Saint LaurentRoland Petit ne manquera pas de collaborer ensemble par la suite mais cette fois-ci pour le cabaret. Ce sera avec la danseuse-meneuse de revue Zizi Jeanmaire (1924), la compagne de Roland Petit, pour le célèbre show Mon truc en plume. Yves Saint Laurent confectionne le design du show et Roland Petit à son tour s’occupe de la mise en scène. Rudolf Noureev (1938-1993) deviendra après Nijinsky le plus grand danseur. Il est incroyable de penser que le XXe siècle est le siècle le plus meurtrier

(les deux guerres mondiales, guerre d’Algérie, guerre du Vietnam, guerre du Golfe...) mais aussi le siècle le plus riche sur le plan culturel. Un autre chorégraphe marquera son temps, Maurice Béjart (1927-2007). A commencer par Le Boléro de Ravel en 1960 qui est une de ses chorégraphies les plus emblématiques avec Le Sacre du Printemps (1959) qu’il monte au théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Le Boléro de Ravel est dansé aujourd’hui par les plus grands danseurs du monde entier Béjart n’hésite pas à travailler et à scénariser les grandes questions de l’écologie et du sida. Gianni Versace, autre figure emblématique de la mode, collaborera sur l’un des ballets phares des années 90, Le Presbytère de Maurice Béjart. Ce ballet est un hommage au chanteur Freddie Mercury (1946-1991) du groupe Queen mort du sida. Maurice Béjart souhaite y honorer également tous ceux qui sont morts du sida. Le ballet met en scène les grands morceaux du groupe Queen mais aussi ceux du concerto pour piano n°21 de Mozart. Gianni Versace créée alors des costumes dignes du prestige de la Maison. Nous retrouvons dans la pièce les symboles qui ont fait de la marque une élite de la haute couture Italienne. A travers les costumes que le couturier confectionne pour le Béjart Ballet Lausanne, Versace donne un sens esthétique au ballet tant bien apporté par la plastique des danseurs que par les talents du couturier. Des académiques, des robes, des chaussures. Les danseurs sont habillés haute couture et danse. Gianni Versace travaillera aussi avec le chorégraphe américain William Forsythe en 1986. L’arrivée de la danse contemporaine dans les années 80 donne un nouveau souffle à de nouveaux créateurs, le premier sur la liste est Jean Paul Gaultier (1952) connu pour ses marinières. La mode masculine ne sera jamais aussi féminine. Gaultier sait jouer sur l’androgynie de l’homme, le rendant toujours plus ambigü. Avec le temps la maison Jean Paul Gaultier est considérée comme le symbole à la

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française par excellence. C’est avec la chorégraphe émergente, Régine Chopinot, qu’il collabore en 1985 pour la pièce Le Défilé. Dans la pièce les deux créateurs ont su se donner une liberté artistique hors norme. Régine Chopinot imposant sa marque en tant que chorégraphe, une signature des mouvements qui lui seront propre. En 2007, le couturier collabore une seconde fois au service de l’art de la scène mais cette fois-ci avec Angelin Preljocaj (1957) pour le ballet BlancheNeige. C’est la première fois que cette narration est utilisée pour un ballet. La pièce est un hymne à l’amour de l’art. Gaultier offre ainsi le plus beau vêtement du ballet au personnage de la reine. Enfin, la compagnie de prestige de l’Opéra de Paris remonte en décembre 2000 le ballet de Georges Balanchine Joyaux et c’est au tour de Christian Lacroix de s’occuper des costumes des danseurs. Dans les couleurs d’émeraudes, Lacroix apporte sa touche personnelle. Actuellement, l’Opéra de Paris propose une exposition Dans les coulisses de la Source dernier ballet dont s’est occupé Lacroix. Sont entre autre présentés les vêtements confectionnés avec la marque de joaillerie Swarovski. L’exposition est du 16 juin au 31 décembre 2012 à l’Opéra national de Paris. Les arts de la scène au XXe siècle et notamment dans la danse n’ont jamais cessé de se renouveler de génération en génération. Mais aujourd’hui il est très difficile de briser et de renouveler ce que les grands ont battis tout au long de ce XXesiècle. Il est encore plus difficile pour la jeune génération de créateurs de faire sa place. Place encore trop prise par ceux qui ont déjà fait leurs preuves, ne voulant pas la céder.

Sohrâb CHITAN


CULTURE | DANSE

RENCONTRES

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© MAXIME LLORENS

La danse est un art d’intimité et de contact, et les ambiguïtés s’y épanouissent volontiers, du lien fraternel à l’androgynie.


CULTURE | DANSE

C

créations « comme des laboratoires sensitifs », des mondes de bruits et d’images vecteurs de sensations.

parenté. Il existe aujourd’hui une réelle confusion entre le corps et la sexualité. Le toucher prend immédiatement une connotation érotique. Pourtant, pour Alice et Adrien, il ne faut pas concevoir leur duo comme une entité sexuée. Une androgynie certaine se mêle à leur perception chorégraphique, il ne faut plus parler d’une féminité et d’une masculinité mais d’une structure libérée au sein de laquelle « les forces corporelles s’inversent ». Jérémy Tran partage cette conception. S’il ne considère pas que sa part de masculinité égale sa part de féminité, il soutient néanmoins que « la part du sexe opposé en chacun de nous est essentielle ».

de force brut. Au-delà d’un frère, d’une sœur ou d’une apparence, il s’agit donc simplement d’impulsions organiques et spirituelles qui se complètent autour d’une danse grandie et intime.

Cet univers qui est le leur, il est avant tout mobile et conceptuel. Pour les A², il est l’espace urbain, la foule en mouvement, les bruits et les odeurs humaines. Alice, qui fait des études d’architecture, nous explique à quel point sa formation influence sa façon de voir le monde : concevoir les volumes et les profondeurs, s’approprier l’espace public puis le partager avec un auditoire en déplacement. Adrien le confie « nous nous mettons constamment en danger ». Le danger de l’anonymat, de

© JEREMY TRAN

’est dans cette optique que nous avons rencontré Alice et Adrien Martins qui créent et dansent dans le cadre de leur association A², et interrogé Jérémy Tran, danseur et jeune concepteur artistique polyvalent qui a choisi le nom d’HUNDRED. Classiques, contemporains, autodidactes, chacun d’eux soutient la liberté chorégraphique et l’affranchissement des normes imposées, même s’ils admettent que « pour combattre les règles, il faut commencer par les connaître ». Apprendre la contrainte

pour mieux s’en libérer donc. C’est dans une intimité décomplexée qu’ils font valoir leur respect au corps, intelligent et précieux, matière noble et malléable qui se doit d’exister au sein d’une société encore trop pudique. Quoi de mieux pour servir ce dessein que l’absolue disparition des inhibitions par la danse ? Complémentaires, chacun tant miroir de l’autre qu’êtres différenciés, Alice et Adrien Martins font ainsi de leur parenté une force et après tout, A² « c’est avant tout l’équation fraternelle » comme nous le confiera Alice. Jérémy Tran cherche lui aussi à mettre en scène le palpable et l’évanescent, décrétant envisager chacune de ses

la peur de l’inconnu, le danger d’une approche sensuelle qui peut effrayer ou inquiéter. Jérémy évolue dans sa dernière pièce ONEIROI dans un cube de 3 mètres sur 3 mètres, et nous explique que « le plus important est de faire exister l’espace. La danse est aussi tout ce qui se produit autour du mouvement. » Tout est question de cadres, visuels, graphiques, lumineux, sonores, auxquels Jérémy donne vie et ce avant tout grâce à son public : « Chacun se nourrit de l’autre et chacun ressent l’autre ». Une approche tant corporelle que spirituelle donc pour ces trois danseurs. Une substance partagée par ces danseurs est l’équivoque. Dans le duo A², la question de l’inceste est omniprésente lorsque le spectateur apprend leur lien de

La danse transforme les corps. Elle leur rend leur animalité neutre et leur retire tout rapport

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Adrien et Alice Martins poursuivent leur collaboration avec A². (+ d’informations) Jérémy Tran travaillent en ce moment sur ses pièces ONEIROI et ECCE HOMO. (+ d’informations)

Sohrâb CHITAN & Milena PICHON


CULTURE | DANSE

LA DANSE MORTELLE

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anse et tauromachie sont deux disciplines bien peu semblables au premier abord. Pourtant les analogies qui existent entre elles sont révélées dans la corrida, duo fatal du taureau et du toréro.

Le ballet entre l’homme et la bête se met en place. Mais dans ce couple, il devient vite difficile de déterminer les rôles précis des protagonistes, tant ils mêlent tous deux sauvagerie et adresse. Passes et esquives s’enchainent et s’entrelacent en une dangereuse danse andalouse,

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témoin de l’audace du taureau et de l’habilité du matador. Arabesques, déboulés, sauts de chat, le toréador et le taureau sont les danseurs du sable et du sang, un duo envahi d’une énergie bien particulière, celle d’une colossale fureur. La théâtralité de l’instant suspend en plein vol un

© NADINE BLAIN - Les Blessures du Torero - HUILE SUR TOILE, 250X140’

DU TOREADOR


© CHRISTIAN LACROIX

CULTURE | DANSE

public qui attend le final, le triomphe, l’ultime effusion de violence de cette chorégraphie effrénée. L’on attend du torero une impeccable maîtrise de son art, il est l’artiste de l’arène et du sang taurin, virtuose et interprète d’une danse mortelle. Le public le presse, le porte de ses acclamations au nom du symbole culturel fort qu’est la corrida en Espagne, une discipline dont on est fier. L’art moderne de la tauromachie consiste en l’immobilité absolue du toréador face à un taureau que l’on exaspère. Il n’est qu’entité de violence et de fureur autour de la figure statique de l’homme, de démence taurine face à la modération. Le rythme de la chorégraphie est imposé par la seule volonté humaine, qui scande la danse funèbre sur le sol de l’arène. La passion de l’auditoire n’en est que raffermie, le temps interrompu apporte une sensation de vertige inextinguible au spectateur. Il connaît

déjà le dénouement mortel mais en délecte chaque prémices. Cette danse macabre qu’est la tauromachie est avant tout une leçon de lucidité et de respect, étayée par une furieuse jouissance de la vie et par la ferveur passionnée du public. La pratique tauromachique est aussi éphémère qu’une chorégraphie de danse, œuvre d’art de l’instant, caractère d’autant plus accentué par une mise en scène scintillante et triomphale. Mais elle n’en garde pas moins la solennité de la cérémonie funèbre qui l’achève. Les lumières s’éteignent, l’obscurité reprend ses aises, le taureau s’effondre, les danseurs s’évanouissent, le public disparait. Wladimir Skouratoff, danseur classique des années 1950, se produisit ainsi en l’honneur de la corrida en costume de torero sous la direction de David Lichine. Il s’agit d’une course, d’une course pour la

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vie. Brutaux et forcenés, le danseur qui se mêle au torero, le torero qui devient le danseur, nous transportent dans un univers d’énergies et de passions, sous les projecteurs et les ovations. La danse du torero et du taureau s’achève finalement dans le sable par une ultime et dramatique arabesque de lames. Mais la mort n’est pas éphémère car même si elle est prétexte au spectacle, l’un des danseurs ne reviendra pas. La tauromachie et la chorégraphie sont chacune des danses macabres, à leur manière. Et si le final de la danse est plus immobile, moins exubérant, il n’en est pas moins tout aussi théâtral et rituel.

Milena PICHON


VERMILLON «Lorsque l’on s’est élevé dans les airs, on n’a qu’une envie: y rester.» Serge de Diaghilev


CULTURE | DANSE

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CULTURE | DANSE

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JULIEN BENHAMOU fait partie de

ces photographes -rares- à avoir su capter le rêve de tous les danseurs; rester dans les airs. Par sa qualité esthétique, Julien Benhamou est un artiste à part entière à vouloir travailler avec les corps des danseurs comme modèles. Mais c’est aussi à travers ses portraits que le photographe marque son identité, portraits de danseurs, musiciens ou personnes inconnues. L’oeil du photographe est la vision du monde. C’est avec plaisir que le magazine MKR vous propose ces photographies qui ont eu l’occasion, en mai dernier, d’être exposées au conseil de l’Europe à Strasbourg au Palais des arts.

Sohrâb CHITAN & Milena PICHON



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DÉCOUVERTES

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ADELINE RAPON & TONY STONE


inside

HOUSE

Découvrez les intérieurs DE PERSONNALITÉS PARISIENNES


DÉCOUVERTES | INSIDE A HOUSE

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DÉCOUVERTES | INSIDE A HOUSE

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DÉCOUVERTES | ZOOM

Pre-Cannes

© S DEAN & KARYN LOUISÉ

Festival

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’évènement très attendu, le Pre-Cannes Film Festival s’est déroulé avec succès au Jewel de Covent garden à Londres. Réalisateurs, acteurs et célébrités étaient au rendez-vous. Cet évènement prestigieux conçu pour présenter et connecter les membres du 7eme Art anglais, fut aussi une plateforme au développement de nouveaux talents participant au Festival de Cannes. Le cinéaste et écrivain Howard J Ford y projeta le bande annonce de son film d’horreur « The Dead » et présenta son nouveau livre « Surviving the Dead ». L’actrice Valeria Bandino, l’ animateur de télévision Normsky ainsi qu’ Emmanuel Ray comptaient parmi les invités.

Les organisateurs du Pre-Cannes film festival , Sheepish PR et Paola Berta ont donnés aux invités un aperçu des films projetés au Festival de Cannes. Tels que, « Consequence » de Si Wall , « Waves »du jeune directeur Pilli Cortese mais aussi « Blackout » de James Bushes avec Darren Enright et « Rose »d’Henry Jenkinson avec Simon Manley et Natasha Goulden. Le point culminant de la soirée fut la présentation de la bande annonce de « Dysplamentary ». Une œuvre émouvante sur la dyslexie, sous la production de MSFT MANAGEMENT and DYSTHLEXI ainsi

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que « Dear Mr Cameron »de Martin Denham, ouvrage qui explore les raisons politiques derrière les émeutes de l’an passé. Le Pre-Cannes Film Festival fut une soirée parfaite pour toutes rencontres artistiques et une excellente introduction des futurs talents de l’industrie cinématographique britannique. Traduit de Fabrizzio Spindola par SONIA BAILLAT


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DAMIR DOMA

amir Doma, créateur international, récompensé principalement pour son regard novateur à la mode masculine en 2008 a ouvert fin juin 2012 une première boutique parisienne. Les premières dates d’ouverture avaient été prévues courant mars ; malgré ce léger retard, on apprécie l’univers de la boutique et la possibilité d’enfin pouvoir acheter les collections raffinées ; pointues et propres au style «doma» . Quartier chic, petite cour avant de faire ses premiers pas dans l’univers du designer au 54 rue du Faubourg St Honoré ; près de la boutique Comme des garçons. Recommandation majeure de l’été 2012. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------- DAMIR DOMA 54 rue du Faubourg St honoré 75008 Paris 01 45 27 09 30

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A L’APPAREMMENT CAFÉ

Ce resto bar parisien du IIIème arrondissement de Paris propose une atmosphère new

yorkaise-brooklyn cosy comme la spirale parisienne en manque tant. Un panier moyen de 25 euros, des salades à composer soi-même en cochant sur les ingrédients voulus ; le foie gras maison pour une clientèle plutôt bobo propre au marais. Autre détail, le brunch le dimanche et les soirées voyance chaque lundi dès 20 heures tout ceci dans une atmosphère reposante, agréable avec un décor building art.

-------------------------------------------------------------------------------------------- A L’APPAREMMENT CAFÉ 18 rue Coutures St Gervais 75003 Paris 01 48 87 12 22

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P O R T F

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O L I O S

UNITES PLURIELLES Elisa BENCHETRIT MKR -

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ANDY LOVELEE

Joseph WOLFGANG OHLERT



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PIERRE & FLORENT Dead Time



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