Issue 3
Humanity second act features : RAD HOURANI ALI MAHDAVI ANNA GORYNSZTEJN ...
April 2013
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EDITOR IN CHIEF ERIK RAYNAL CREATIVE DIRECTOR ERIK RAYNAL GRAPHIC DESIGN LES GROS BRAS (ANTOINE MOUGENOT + KOSS NK) , EMILIE POITOU FASHION EDITOR NATALIE BRODEL PRESS AND PUBLIC RELATIONS MANAGEMENT SONIA BAILLAT ASSISTANCE CAMILLE BRAJOU
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Editorial
CONTRIBUTING EDITORS Marie de Touchet, Farid Ayelem Rahmouni, Marie Aurélie Graff, Solenne Rougier, Luc Salvetti, Jérémy Benkemoun
CONTRIBUTING PHOTOGRAPHERS Ricardo Abrahao, Hervé Coutin, Giovanna Gorassini, Anna Vatheuer, Dorothée Murail, Hannibal Volkoff, Philip Andre, Kevin Liebigt, Stéphane Von Brach & Quentin de Ladelune.
CONTRIBUTING STYLISTS Natalie Brodel, Amaryllis Joskowicz & Perdita Andrews.
CONTRIBUTING TRANSLATORS Khady Camara, Romany Castello, Zaya Guessas, Rhiann Pask, Christopher Ruff, Sophie Trabaries, Alexandra Tricaud, Leon Vololonandriana.
SPECIAL THANKS TO Rad Hourani and his team, Ali Mahdavi, Anna Gorynsztejn, Romain Brau and his team from RA concept store, SPA Bulgary, Steeve Lambert, Hotel W Opéra, Laurie from Alexandra public relations, Nadia and Franz van der Grinten, William Amor Communication, Chandy Casale from Casale and co, Audrey Carcassonne (AZF), Guillaume Lanier, all our press offices and showrooms contributors, all the brands used in the issue, all the models of our shootings, all our constant and new readers who believe in the magazine.
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8 Fashion editorial Voyeur by Anna Vatheuer 24 Article Perversion quand tu me tiens 26 Portfolio by Philip Andre 34 Article L’empire des sens 38 Fashion editorial Maison close by Dorothée Murail 44 Portfolio by Stephane Von Brach 54 Article Irreversible 58 Selection cinéma by Jérémy Benkemoun 62 Featuring Rad Hourani 84 Article Poupées subversives 86 Fashion editorial Dont hide your beauty by Giovanna Gorassini
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Contents
Issue Humanity Second Act
102 Article La secrétaire 104 Interview Ali Mahdavi 114 Portfolio by Kevin Liebigt 124 Article Visions érotiques 128 Fashion editorial Nun of your business by Ricardo Abrahao 138 Interview Anna Gorynsztejn 146 Article Araki, les ficelles du désir 150 Mixtape AZF + Selection musique by Guillaume Lanier 152 ZOOM 160 Portfolio by Quentin de Ladelune
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Photo & Realisation - Anna Vatheuer Styling & Realisation - Natalie Brodel Make up - Leslie Dumeix Hair - Shinichi Nakamura Model - Sarah Taylor from IMG models
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All looks - Iro www.iro.fr Bags and accessories Vintage
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Perversion quand tu me tiens Farid Ayelem Rahmouni
L’exhibitionnisme prend actuellement du galon et s’est vulgarisé avec l’apparition des réseaux sociaux. La photographe Dina Litovsky prend un malin plaisir à traiter alors de cette question au sein d’évènements de la vie nocturne new-yorkaise. D’autres artistes comme J.R placent le spectateur dans la position de celui qui est regardé et inversent la tendance. La photographie n’est pas à voir, mais c’est plutôt elle qui regarde. Le voyeur devient alors l’exhibitionniste aveugle.
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Et le corps dans tout cela ?
e que l’on nomme perversion n’existe qu’en comparant une pratique face au miroir de la morale, elle même teintée du back-ground éducatif, culturel, social et identitaire du sujet qui la juge. D’un point de vue psychiatrique, on étiquette de pervers tout individu ne fonctionnant pas de façon pulsionnelle dans sa pratique du monde. Celui-ci n’étant plus dirigé par ses désirs, il n’éprouve alors que des besoins qui le poussent à détourner les systématiques communes (action réflexe et universelle favorisant la vie en société) et à créer des objets, fantasmes qu’il érige en valeur fondamentale comparable à des lois. La raison est une base primordiale de tout individu jugé pervers. La force de la rationalisation permet la «non culpabilité» et offre par empirisme la création de codes pour vivre en société. Le pervers n’a pas besoin d’autrui, il n’éprouve aucune empathie ou sympathie et n’existe qu’à travers sa propre image. Il existe plusieurs formes de perversions: sadisme, masochisme, voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme, travestisme, mais actuellement, dans notre société sur-médiatisée, et à moindre échelle, ne sommes-nous pas à notre tour devenus des individus pervers? Prenons le cas du voyeurisme. Ouvertement développé avec l’apparition de la photographie et de la cinématographie à la fin du XIXe et du début du XXe siècle, ces nouveaux médias ont permis d’interroger la capacité et le plaisir individuel à épier, capter, imprimer et conserver des instantanés de la vie d’autrui. Divin chez Hitchcock dans « Fenêtre sur cour », il s’apparente actuellement aux émissions de télé-réalité ou en tout cas, ce que l’on nous vend comme telles. Le spectateur emphatique se permet de se dédouaner de toute culpabilité et s’allonge alors en toute conscience sur ce type de programmes cathartiques. Il devient le nouveau sujet d’une pornographie acceptée et validée par le CSA.
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Objet de désir, dans l’art, il acquiert une certaine dextérité en danse et en performance à la lisière du sadisme et du masochisme, de par la rigueur du travail, mais aussi par les thématiques abordées en création. Comme dans le travail de Marina Abramovic, le corps maitrisé est vecteur de limite. Le sadisme et le masochisme apparaissent comme des moteurs de pulsions de création et de réflexion et placent le spectateur dans une condition inconfortablement emphatique et active. Un corps en recherche constante, ses limites et ses paradoxes. Le corps peut être une monnaie d’échange entre le spectateur et l’oeuvre. La pièce devient alors le proxénète et le spectateur le client, comme lors de la performance « Hautnah » créée par le chorégraphe Felix Ruckert et plaçant 5 solos à acheter au cas par cas, à voir individuellement dans un box pour un seul spectateur. Il y a beaucoup d’ironie dans cette pièce qui interroge aussi les espaces intimes et aborde un certain parallèle paradoxale de la danse: celui de la marchandisation du corps et de l’individu. L’artiste, en général, joue sur le fil d’un rasoir et interroge ses propres limites, sa propre conscience et façonne son propre ordre moral. Il procure au spectateur des émotions et des sensations qu’il est susceptible d’assimiler, en acceptation ou en rejet. A l’air de l’information 2.0, la formation d’une identité morale se retrouve confrontée à plus de référents qu’il y a quelques années en arrière, et demande aux individus de se forger cette identité. En vue de la multiplicité de ces facteurs médiatiques, ne devenons-nous pas d’une certaine façon des individus déviants pour nos prédécesseurs qui se sont construits sur un ordre moral différent? Et depuis que l’Homme est Homme, ce cycle ne ce répète-til pas, poussant la morale à adopter de nouvelles formes et à instaurer de nouvelles limites? Alors, et vous dans tout cela, quel pervers êtes-vous?
Culture
Perversion when you hold me Translation by Leon Vololonandriana
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Exhibitionism has by now actually taken braid and has been popularized with the apparition of various social networks. Photograph Dina Litovsky takes pleasure to treat such topic within New York’s night life events. Other artists, like JR, place the spectator in the position of the one who is looked at, and thus reverse the tendency. The picture is not to be looked at, but is actually the one that is watching. Thus the voyeur becomes the blind exhibitionist. hat is called perversion exists only in the comparison of the behavior in front of the mirror of morality itself tinged with educational, cultural, social and identity background of the person that judges it. From a psychiatrical perspective, is labeled as pervert any individual who does not operate in an instinctual manner in his practice of the world. Being no longer guided himself by his desires, such individual only feels needs that urge him to divert the common systematic (reflexive and universal action valorizing social life), and to create objects, fantasies that he erects as of fundamental value that would be comparable to laws. Reason is an essential basis of any individual defined as pervert people ? The strength of rationalization allows the “non-guiltiness” and offers by empiricism the creation of codes to live within the society. A pervert does not need the others, he does not feel any empathy nor sympathy, and exists only through his own image. There are several forms of perversion : sadism, masochism, voyeurism, exhibitionism, fetishism, transvestism, however, nowadays in our over-mediatized society, and at any scale, haven’t we become ourselves pervert individual ? Let’s take the case of voyeurism. Openly developed with the apparition of photography, motion picture at the end of XIX century and beginning of the XX century, such new media have allowed questioning the individual capacity and pleasure to spy, capture, print and keep instantaneous of the others lives. Divine in Hitchcock’s movie « Fenêtre sur Cour », it is actually similar to TV-reality broadcastings, or anyway what are sold to us as such. The empathic spectator allows himself to free himself from guilt, and therefore consciously grows on such cathartic programs. He becomes the new subject of a pornography agreed and vali-
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What about the body ?
Subject of the desire, in the art, it acquires a certain dancing and performance skill at the edge of sadism and masochism, thanks to its work efficiency, but also because of the themes addressed in creation. Like in the work of Marina Abramovic, in which the body is a limiting factor. Sadism and Masochism appear as creation and reflection pulsion motors, and place the spectator in an uncomfortably empathic and active condition. The body: constantly searching its limits and paradoxes. The body could be an exchange currency between the spectator and art. The piece then becomes the proxenete, and the spectator the customer, as in the performance « Hautnah » created by the choregraph Felix Ruckert, placing 5 solos to buy one by one, to be seen individually in a box for a single spectator. There is so much irony in this piece which also interrogates intimate of dance: that of the trading of the body and the individual. Generally speaking, the artist plays on a rasor string, and questions his own limits, his own conscience, and makes his own moral order. He provides to the spectators emotions and feelings that he might assimilate in acceptation or in reject. In times of 2.0 Information, the formation of a moral identity has to face to more referents than compared to several years ago, and requires the individuals to build themselves such an identity. In view of the multiplicity of such mediatic factors, don’t we become in a certain way deviating individuals for our predecessors who have built themselves on a different moral order? And since Man is Man, hasn’t this cycle recurred, urging the moral to adopt new forms, and implement new limits? And you, what kind of a pervert are you?
Philip Andre
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Model - Anna Marthe
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De la sexualité au cinéma : « L’Empire des sens » , premier film pornographique du septième art
Au cinéma il est possible de transmettre toute idée, image ou illusion, qu’il s’agisse de violence, d’horreur ou de sexe, le film devient le présentateur d’une réalité qu’il créee. Ainsi le cinéma est l’art du simulacre, de l’apparence ne renvoyant à aucune réalité sous-jacente. C’est en cela que certains films ont créé de grandes polémiques par l’existence d’actes sexuels non simulés. Se pose alors la question de la légitimité de ces scènes, là où d’autres films seront qualifiés de pornographiques, certains restent étiquetés du septième art. S’agit-il d’esthétisme, de dénonciation, de culture ou de la simple vulgarisation du sexe parfois débridé ? Sorti en 1976, L’Empire des sens, film franco-japonais de Nagisa Oshima, scandalise en raison de ses scènes explicitement sexuelles et est rapidement cantonné au film pornographique. D’un réalisme sexuel révolutionnaire, il s’élève contre la censure qui règne au Japon et fait sensation à Cannes lors de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs. Aujourd’hui il demeure l’un des films les plus polémiques, mais aussi l’un des plus cultes, un grand film de cinéma s’interrogeant sur les limites de l’érotisme et du plaisir charnel. Inspiré de faits authentiques, le film dépeint l’histoire d’amour terrifiante entre Sada, ancienne prostituée devenue domestique, et Kichizo, son maître. Leurs rapports amoureux, entre raison et passion, n’auront pour seule limite que la jouissance totale et absolue de leurs sens, jouissance conquise dans une ultime scène de strangulation mortelle. Par un cadrage et une mise en scène classiques, enveloppés du jeu authentique de ses acteurs Fuji Tatsuya et Matsuda Eiko, Oshima présente un fil narratif connu, celui du maître devenant à son tour servant, de la servante renversant le rapport social. L’Empire des sens d’Oshima est une œuvre unique à traits pornographiques, mémorable dans sa mise en scène. Formidable paradoxe entre l’amour et la mort, l’esprit de Sade règne dans cette ode à l’amour physique où les deux joueurs alternent et conjuguent douleur et plaisir pour connaitre l’apprivoisement parfait de leurs sens. Entre étranglement, pénétrations diverses et mutilation, naissent des scènes terriblement sensuelles, tant médusantes qu’inquiétantes. Prisonniers de leur exil amoureux et isolés du monde, ne demeure pour eux que le choix de se suffire l’un à l’autre à la recherche de l’orgasme final. C’est en étranglant celui qui a éveillé ses sens que Sada accomplit l’ultime assaut de sa quête du plaisir charnel avec l’être aimé. Quelles sont alors les raisons de voir un tel film : irréductible intérêt pour une œuvre provocante et connue comme telle, pur voyeurisme d’une sexualité débridée à la bordure de la pornographie, ou acte presque engagé d’affranchir la sexualité d’une image trop conservatrice ? Enfin, s’agit-il encore de la volonté de connaitre un film traitant de l’amour physique sans détour et avec grand esthétisme ? Le travail d’Oshima sort des carcans du cinéma classique pour qu’au-delà des actes charnels dont le spectateur est prisonnier, naisse une véritable réflexion sur les pulsions humaines les plus naturelles et leur prise en compte. Ici, ces corps qui s’échauffent et se nouent ne sont-ils pas le seul résultat de passions que nulle raison n’a pu contrôler ? Ne voit-on pas à travers cette volonté de se sentir si vivant une quête morbide ?
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Se « In the Rea the fi manifestation of
Culture
Solenne Rougier Translation by Christopher Ruff
In cinema it is possible to convey all ideas, images and illusions. Whether the subject is violence, horror or sex, the film presents a reality that it itself has created. Film-making is thus the art of pretence and appearance, not related to any below-the-surface reality. It is because of this that certain films, due to the presence of non-simulated sexual acts, have stirred such controversy. The legitimacy of these scenes is called into question; whilst some are still considered traditional films, others are labelled as porn. Is it a question of aestheticism, denunciation of traditional values, culture or is it simply a sign of a sometimes unrestrained form of sex breaking into the mainstream?
exuality on film : alm of Senses » , first pornographic f the Seventh Art
In the Realm of Senses, a Franco-Japanese film by director Nagisa Oshima, caused a huge scandal upon release in 1976 because of its explicit sexual scenes and was swiftly decried as pornographic. With its revolutionary sexual realism, it rebelled against the pervading censorship in Japan and caused a sensation on presentation at the Directors’ Fortnight at Cannes. Even now, In the Realm of Senses remains a cult film that provokes passionate discussion on the limits of eroticism and carnal pleasure in cinema. Inspired by a true story, the film depicts the terrifying relationship between Sada, an erstwhile prostitute now working as a servant, and her master, Kichizo, for whom the search for pure and absolute enjoyment holds no boundaries, eventually culminating in a final scene of fatal strangulation. Through traditional composition and mise en scène, aided by authentic performances from Fuji Tatsuya and Matsude Eiko, Oshima presents a well-worn narrative – that of the master becoming the servant, and the servant disturbing the traditional social hierarchy. Oshima’s In the Realm of Senses is a unique work with a pornographic edge, memorable for its mise en scène. An astonishing paradox of love and death, the influence of sadism is clearly apparent in this ode to physical intimacy; the two main characters fluctuate wildly between pain and pleasure trying to tame their unrestrained passions. With its strangulation, mutilation and diverse explicit sex scenes, the film is an incredibly sensual experience, as bewitching as it is unnerving. Prisoners of their amorous exile and isolated from the world, the only thing left for the characters to do is to continue the search for that final orgasm. In strangling the person that awakened her senses, Sada takes the final step in her quest for carnal pleasure. So what are the reasons for going to see a film like this? Is it simply the appeal of going to see a work known to be so provocative; is it pure voyeurism – the attraction of seeing raw sexuality bordering on pornography; or is an act that one commits to sexually liberate an overly conservative self image. Oshima’s work escapes from the rigid constraints of classic cinema in that when presenting the carnal acts to his imprisoned viewers, he reflects on the most natural of human urges and our awareness of them. Are these bodies that writhe and entwine really anything more than the result of passions that no rational thought can control? Can we not see that this desire to feel alive often leads us down a fatal path?
© Telerama
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L’œuvre d’Oshima, au-delà de son caractère pornographique, s’interroge sur les limites de l’érotisme et c’est en cela que les scènes de sexe non simulées trouvent toute leur justification. Elles sont l’illustration nécessaire de la dévotion totale de l’homme à ses sens. Cet érotisme jusqu’au-boutiste, s’il peut être vu comme une déviance perverse et morbide dont les personnages se retrouvent prisonniers, se révèle salvateur pour cette héroïne qui, en se soumettant à ses sens, découvre bonheur et union. Le sexe est ici l’image de la force irrésistible de leur amour réciproque, inexorablement enclin à un érotisme qui grandit à mesure de leur isolation. Une œuvre d’un grand réalisme, voilà ce qu’est le travail d’Oshima ! Il est à l’image de l’Homme, dans toute sa (dé)mesure et ses pulsions les plus primaires. Dans un décor typiquement nippon, le réalisateur ne manque pas de rappeler des traits humains universels. D’un esthétisme pratiquement parfait, L’Empire des sens dessine un amour fusionnel et tragique où l’empreinte de la passion charnelle atteint son paroxysme : la nécessaire libération par la mort. Depuis, nombreux sont les films du cinéma qui ont choqué, non pas nécessairement parce qu’ils traitaient du sexe ou de ses dérives, mais parce que la réalité devenait trop présente pour que le spectateur arrive à s’en détacher. L’exemple le plus caractéristique est celui d’Irréversible de Gaspar Noé sorti en 2002, dont la mise en scène d’un viol est rendue insoutenable par son réalisme. Cette scène longue de dix minutes, filmée en plan fixe, laisse le spectateur en position de voyeur à la fois coupable de regarder et impuissant. Aussi parmi les réalisateurs les plus explicites, reste Lars Von Trier dont l’amour pour la littérature du Marquis de Sade n’est plus à démontrer. Très intéressé par la représentation de la sexualité, certains de ses films, à l’image d’Antichrist, flirtent ouvertement avec la pornographie. Son prochain film « Nymphomaniac » se déclare déjà hautement chaud, de quoi renouer avec la question des limites entre septième art et pornographie. Ainsi ces scènes très explicites de sexe au service d’une œuvre cinématographique réaliste ont-elles pour but de dénoncer des actes abjects existants, de vendre aux spectateurs toujours plus de spectacle ou de rendre simplement à la vie sa véritable nature ?
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© Notre cinema
Beyond the pornographic aspect, Oshima’s film questions the limits of eroticism, a fact that completely justifies his use of non-simulated sex scenes. They are the necessary illustration of the total devotion of humans to their senses. This no-holds-barred eroticism, if sometimes seen as a deadly and perverse sexual deviance, actually proves to be the salvation of his heroine, who discovers happiness and harmony in submitting herself fully to her senses. Here, sex represents the irresistible force of their reciprocal love, inexorably inclined to an eroticism that grows ever stronger because of their isolation. Quite simply, Oshima’s masterpiece is a work of great realism; a study of man and all his excesses, and of his most animal instincts. Despite the traditional Japanese setting, the director goes to great lengths to remind us of universal human traits. Through its practically perfect aesthetics, In the Realm of Senses depicts a passionate and tragic form of love. A love where the consequences of carnal passion reach their climax: finally, the only way to freedom is through death. Since then there have been large number of films that have shocked viewers, not necessarily because of their depiction of sex, but due to the fact that the films seem so authentic that the audience find it difficult to detach themselves from reality. The most striking example of this phenomenon is Gaspar Noé’s 2002 film, Irréversible, in which a rape is depicted so vividly that the realism is almost too much. Filmed in one static shot, the scene lasts around 10 minutes and the viewer is left feeling at once guilty and impotent. When talking about directors famed for their explicit films, the name that springs to mind is Lars Von Trier, whose love for the Marquis de Sade’s literary œuvre is obvious. He is very interested with representations of sexuality, and certain of his films, such as Antichrist, openly flirt with the idea of pornography. His next film, Nymphomaniac, was also incredibly steamy, and helped revive the old discussions about the boundaries between pornography and the Seventh Art. When filmed in the name of cinematic realism, are explicit sexual scenes thus aimed at shedding light on a dishonourable real-life act, always offering something special and new to film-goers, or simply to present life in its truest form?
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Maison clo
Necklace - Sonja Bischur Jacket & Shirt - Alibellus
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Photo & Realisation - DorothĂŠe Murail Styling & Realisation - Natalie Brodel Make up - OcĂŠanne Sitbon & Judith Drancourt Hair - Justine Jeannin & Shinichi Nakamura
Head piece - Ciccarelli Jewels Necklace & Ring - Sylvia Toledano White Coat & Jumpsuit & Shoe - Alexandre Vauthier
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Models : Male - Marius Surliva (Nathalie) Female - Leonore (Metropolitan) Ale K (Metropolitan) Hannah (New Madison)
HER : Jacket - Pellessimo
HER : Jacket - Pellessimo Dress - Alexandre Vauthier Necklace - Ciccarelli Jewels Ring - Sylvia Toledano
HIM : Necklace - Sonja Bischur Jacket & Shirt & Trousers - Alibellus
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Fashion HIM : Necklace - Sonja Bischur HER : Bra - Mise en Cage
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HER : Head-足piece - Ciccarelli Jewels Necklace & Ring Sylvia Toledano White Coat & Jumpsuit & Shoes Alexandre Vauthier
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L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
HIM : Necklace - Sonja Bischur Jacket & Shirt - Alibellus HER : Black Dress - Rami Al Ali
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StĂŠphane Von Brach
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Irréversible Luc Salvetti
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armi la pléiade de longs métrages ayant cherché à explorer les tréfonds les plus sombres de la sexualité humaine, il en est un qui repousse un peu plus loin ce que le commun des mortels considère comme faisant partie du supportable. Ce film, c’est Irréversible, une bombe de cruauté et de réalisme qui réveilla le cinéma français de 2002. Deux scènes s’opposent et se répondent à l’intérieur du long métrage, deux scènes complémentaires illustrant deux facettes de la sexualité, un dialogue du sublime et de l’abject. La première de ces deux illustrations de ce dont est capable l’homme dans son rapport complexe à la sexualité, est un insoutenable plan séquence de 13 minutes nous livrant la vision crue et brute du viol d’Alex, incarnée par Monica Bellucci. En face, une ultime scène de 14 minutes, parmi les plus belles et palpables illustrations d’amour à l’écran. Les deux atmosphères sont tout d’abord diamétralement opposées. La première s’ouvre sur la jeune femme sortant d’un immeuble et pénétrant dans un passage souterrain. La caméra, située dans le dos de l’actrice, la suit alors s’enfonce lentement dans le passage mal éclairé, d’un rouge glauque rappelant celui des quartiers sombres d’Amsterdam. Lors de l’agression, le trouble est renforcé par la position de la caméra, abaissée au niveau du sol, laissant ressentir tous le poids du violeur écrasant Alex. La claustrophobie ambiante est amplifiée par le souffle rauque et régulier du métro proche. Dans la seconde, le réalisateur impose la sérénité et le calme à travers la douceur des corps et des mots, la lumière de la chambre, les deux corps alanguis et enlacés se réveillant, tout vient contester la scène précédente. 54
Les deux rythmes sont également en opposition. Lorsque viol est ha ché, sa ccadé, avec des ralentissements intolérables suivis d’accélérations sèches, l’ultime scène suit une cadence harmonieuse et douce, le temps donnant l’impression de couler paisiblement. Les deux représentations de l’acte sexuel sont évidemment entièrement antithétiques. Dans l’une, le temps de sortir une lame, celui que l’on connait déjà sous le nom du « Ténia », colle sa pauvre victime au sol et la déshabille. S’en suivent alors deux minutes trente d’horreur, de sodomie et de négation de la femme; il s’acharne sur sa proie, la pressant contre le bitume froid et sale du passage.
Culture
Translation by Romany Castello
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any films have dealt with the deepest shadows of human sexuality, but one in particular pushes the limits of what most of us would call bearable. The film in question is “Irreversible”, an explosion of cruelty and realism which rocked French Cinema in 2002. Throughout the film there is a confrontation between two scenes, illustrating the two facets of sexuality, like a dialogue between sublime and abjection. The first of these two illustrations of what man, in his complex relationship with sexuality, is capable of, is the intolerable 13-minute sequence shot of the crude and brutal rape of Alex, played by Monica Bellucci. In contrast, the final scene, which lasts more than 14 minutes, shows one of cinema’s most beautiful and palpable illustrations of love. To begin with, the two atmospheres are diametrically opposed. The first opens on a young lady exiting a building and entering an underpass. From behind, the camera follows her into the passage, where the dim, murky red lighting recalls certain grim parts of Amsterdam. When her assailant strikes, we are made to feel even more uncomfortable by the position of the camera, which from ground level allows us to feel the full weight of the rapist crushing Alex. The ambient claustrophobia is amplified by the raspy and regular respiration of the nearby subway. In the second, the gentle bodies and words impose serenity and tranquility, and this feeling is amplified by the lighting in the bedroom and the two languid bodies waking up in each other’s arms – a total opposition with the previous scene.The two rhythms are also opposed. While the rape scene is chopped and jerky and alternates between fast and unbearably slow, the cadence of the final scene is gentle and harmonious, as if time were gently flowing by. The two representations of sex are clearly antithetical. In one, the previously introduced « Tenia », knife at hand, pins his victim to the ground and undresses her. This leads to two and a half minutes of horror, sodomy and negation of woman. He lashes out on his prey, pinning her against the cold and dirty floor of the underpass. In contrast Marcus, played by Vincent Cassel, is perturbingly veracious in the way he displays his love through his acts and way of speaking to Alex.
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© Wild Bunch Distributio
A ce stade du film, le spectateur a compris que les événements sont narrés rétrospectivement, et que chacune des scènes est chronologiquement postérieure à la suivante. On entend alors Alex annoncer puis vérifier, qu’elle est enceinte. La quiétude et le calme ambiants sont alors renversés et déchirés par le rappel de l’horreur des scènes antérieures. La sexualité classique, le rapport d’amour entre un homme et une femme menant à la fécondation, est réduit en miettes par la mémoire du viol.
En opposition, Marcus, joué par Vincent Cassel, est troublant de véracité dans les traces d’amour qu’il parvient à distiller à travers chacun des gestes et des paroles qu’il adresse à Alex. L’opposition avec la sexualité déviante du viol va même jusqu’à priver les amants de coït à proprement parler. Ils se contenteront de caresses et de jeux, de doux mots et de confessions. Enfin, la manière de ramener la cruauté au centre de l’image diffère. D’un côté, à travers l’action pure, en introduisant au second plan un piéton faisant demi-tour lors du viol, la perversité et la brutalité ne suffisent pas, l’homme se révèle également lâche et faible. Puis, lorsque recroquevillée en position fœtale, Alex se traîne lentement en-dehors du souterrain, pensant que son calvaire s’est achevé, le réalisateur rattrape alors le spectateur par le colback, Jo Prestia se relevant et défigurant méticuleusement la jeune femme, d’abord à coup de pied, puis en lui écrasant hystériquement le visage au sol. La force de cette scène réside en ce que Noé parvient à gêner au plus haut point le spectateur, de la même façon que Haneke peut le faire tout au long de son Funny Games; la violence n’est plus une source de divertissement pour celui qui est derrière l’écran : c’est une pression lourde et froide qui transcende la pellicule. De manière différente mais tout aussi efficace, le réalisateur transforme ce qui pourrait être magnifique, en la pire des révélations lors de la scène finale.
La phrase d’introduction du film est « le temps détruit tout ». La sexualité est intimement liée au temps, c’est un des moyens dont l’homme dispose pour s’imposer et s’opposer au temps. Que ce soit par l’acte en luimême -une affirmation positive du présent- ou bien par sa finalité biologique, la procréation - c’est-à-dire le moyen de s’inscrire dans le futur-, la sexualité est intimement liée au concept du temps. C’est ce rapport au temps et sa distorsion qui sont brillamment évoqués à travers ces deux scènes complémentaires.
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Culture
The contrast with the deviant sexuality of the rape deprives the lovers of intercourse, and they are left resorted to caresses, games, gentle words and confessions.
At this stage of the film, the viewer has understood that the events are related retrospectively, and that the scenes are in reverse order. We then hear Alex announcing, and then verifying, that she is pregnant. The peace and tranquility are shattered by the reminder of the horror of the previous scenes. Classic sexuality and the loverelationship between a man and woman crumbles under the memory of the rape.
Finally, there is the different way in which cruelty is brought to the center stage. Primarily through pure action, as a passer-by witnessing the scene turns round and walks away. As if perversity and brutality were not enough, man shows himself to be weak and cowardly. And then, when huddled in a fetal position, Alex drags herself out of the underpass, thinking that her nightmare is over, the filmmaker plunges the viewer back into horror, as Jo Prestia picks himself up and disfigures the young woman, firstly kicking her in the face and then hysterically smashing her face to the ground. The strength of this scene resides in the way Noé succeeds in thoroughly disturbing the spectator, just as Haneke manages to throughout Funny Games. Violence is no longer entertainment for the viewer but a heavy and cold pressure which transcends the film. In a different but equally successful way, the filmmaker transforms what could be magnificent into the horrific revelation in the final scene.
The film begins by the phrase “time destroys everything”; sexuality is intimately connected to time and man uses it as a way to impose and oppose himself to time. Whether it be by the sexual act itself – a positive recognition of the present – or by its biological finality, reproduction – the way to write one’s future sexuality is intimately connected to the concept of time. It is this connection to time and its distortion which are brilliantly addressed in these two complementary scenes.
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Sélection cinéma
Jérémy Benkemoun Translation by Romany Castello
À ma sœur ! - Catherine Breillat (2000) Dans la lignée des films dérangeants et presque pervers de la réalisatrice, À ma sœur ! se place selon moi comme l’ultime chef d’oeuvre avec Anatomie de l’enfer (mais oui ce film avec Rocco Siffredi). Deux sœurs, Anaïs, 13 ans avec qui la nature a été assez peu clémente et Elena, 15 ans, jouée par la sublime Roxanne Mesquida, partent en vacances avec leur famille sur l’île d’Oléron. Elena y vit sa découverte de la sexualité sous les yeux fascinés et proches, voire trop proches, de sa sœur avec un italien plus âgé qu’elle. On suit la relation complexe et étrange entre ces deux sœurs.A l’origine, le film était intitulé Fat girls... La chute est à la fois géniale et bizarre, incongrue et inattendue. Même si le jeu des actrices laisse parfois à désirer, la poésie et la beauté du film l’emportent.
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© Allocine
Culture
Fat Girl - Catherine Breillat (2000) As far as disturbing and perverse films go, Fat Girl ranks as the ultimate masterpiece alongside Anatomy of Hell (yes, the film starring Rocco Siffredi). Two sisters, Anais, 13, of no particular beauty, and her gorgeous sister, Elena (Roxanne Meesquida), 15, go on a family holiday to the Isle of Oléron. Fascinated, Anais watches, from afar and sometimes not so far, as Elena discovers sexuality with an older Italian boy. We follow the two sisters in their complex and strange relationship. (The film was originally called Fat Girl…)The ending is, how to put it, incredible and bizarre, odd, unexpected. The acting of the actresses is admittedly not fantastic, but the poetry and the beauty of the film carry it out.
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Soudain l’Été Dernier Mankiewicz (1959)
Suddenly, Last summer Mankiewicz (1959)
Réalisé d’après la pièce éponyme de Tennessee Williams, ce classique du cinéma américain est porté par deux actrices cultes : Katharine Hepburn au summum de son jeu et Elizabeth Taylor, au summum de sa beauté. Le Dr Cukrowicz (Montgomery Clift) est appelé par la femme la plus riche des environs (Katharine H e p b u r n ) p o u r é t u d i e r s a n i è c e ( L i z Ta y l o r ) , a p p a remment devenue folle, et opérer sur elle une lobotomie. Or, à la rencontre de la jeune fille, le docteur semble sceptique, et s’ensuit alors la recherche de l’origine réelle du sujet de conflit de deux femmes : Sebastian, fils de l’une et cousin de l’autre, mort en présence de la jeune fille. Jalousie, homosexualité, cannibalisme, une histoire en apparence assez simple devient touchante et angoissante sur des dialogues sublimes et une maîtrise de la photographie parfaite. Mankiewicz, outre Cléopâtre, film le plus coûteux du monde, avait aussi réalisé les films géniaux La comtesse aux pieds nus (avec Ava Gardner), Eve (Bette David, le limier etc...). Joseph L. Mankiewicz est véritablement génial.
Adapted from Tennessee William’s eponymous play, this American cinema classic is headed by two cult actresses: Katharine Hepburn, at the height of her acting (no, not related to Audrey) and Elizabeth Taylor, at the height of her beauty. Dr Cukrowicz (Montgomery Clift) is asked by the most opulent lady in the area (Katharine Hepburn) to examine her niece (Liz Taylor), apparently gone crazy, and to lobotomize her. But when he meets the young lady the doctor is skeptical and we are led into the real story behind the conflict between the two women: Sebastian, son of one and cousin of the other, and whose death was witnessed by the young girl. Jealousy, homosexuality, cannibalism; a seemingly simple story becomes moving and alarming through the sublime dialogues and the perfect control of the photography. Mankiewicz, other than “Cleopatra”, one of the most expensive films ever made, also produced the great films “The Barefoot Contessa” (with Ava Gardner), “Eve” (Bette Davis), “Sleuth”, etc... To cut it short, Joseph L. Mankiewicz is a god.
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Culture
Passion - Brian De Palma (2012) Brian de Palma fait de Passion une sorte d’immense citation des films qu’il réalisait dans les années 1970-1980 (Carrie au bal du diable, Pulsions...). Il y ajoute un esthétisme glacial où les gadgets modernes s’accumulent (iPad, skype, etc) et se mettent au service de jeux pervers, sex tape et autres, dans le cadre d’une entreprise de publicité. Il s’agit d’une réécriture du film de Corneau Crime d’Amour, qui met en scène les tensions professionnelles et amoureuses de deux femmes prêtes à tout pour arriver à leur but. On y retrouve les fameuses scènes de douches, les doubles plans angoissants, les femmes incroyables... Le tout est porté par le jeu formidable de Noomi Rapace et Rachel MacAdams qu’on avait l’habitude de voir dans des teenage movies un peu douteux (N’oublie jamais..., Lolita Malgré Moi, Semi bible).
Brian De Palma’s “Passion” appears to be a quote to the films he made in the 70’s and 80’s (Carrie, Pulsions), with an additional touch of glacial beauty, and in which modern gadgets (iPad, Skype, etc) are used for perverse sexual purposes by an advertising firm. It is a remake of Corneau’s « Love Crime » and displays the tensions faced by two shamelessly ambitious women in their professional and love lives. We rediscover the famous shower scenes, the worrying double takes, incredible women...led by the tremendous acting of Noomi Rapace and Rachel MacAdams; more familiar in their roles in dubious teenager films (The Notebook… and Mean Girls, practically a bible)
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Rad Hourani
Looks & Designs - Rad Hourani Photos & Realisation - HervĂŠ Coutin Styling & Co-Realisation - Natalie Brodel Hair - Justine Jeannin Make up - Aziza Makeup
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Models : Petter Hedman ( Marilyn Agency ) Anouk Hagemeijer ( Nathalie Agency )
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MKR : Vous êtes un autodidacte qui a toujours refusé le chemin traditionnel de l’enseignement, n’a-t-il pas été difficile de faire valoir et connaître vos idées ? RAD HOURANI : Je ne suis pas contre l’enseignement technique, je suis contre le fait qu’on impose des règles à la création. Chacun doit avoir la liberté de pouvoir imposer ses propres règles dans la création et de pouvoir réfléchir par soimême si les choses prennent un sens ou non. C’était un apprentissage un peu plus long par rapport à tout ce qui est technique, mais je sens que cela m’a permis de créer mes propres patrons, finissions, constructions, etc...
HOURANI
Vos collections mettent en avant l’uniformité des sexes, d’où vient cette idée de collections unisexes ? Quel est finalement le but à travers le lancement de vos lignes de vêtements ?
© Zoé Duchesne
Je n’ai jamais compris qui a décidé que la femme doive s’habiller d’une certaine façon et que l’homme doive s’habiller d’une autre... Qui a imposé ces codes-là et comment on en est arrivé là dans la société d’aujourd’hui ? Mon but est de communiquer ce message et de l’appliquer dans tout ce qui nous entoure comme limitation : le genre, l’âge, la nationalité, la religion, etc... Vous contrôlez toutes vos créations artistiques «he’s all of that in one» (photographies, collections, des i g n . . . ) , p o u r q u o i v o u l o i r t o u t s u p e r viser ? Je crois que j’ai besoin de tous ces moyens pour pouvoir exprimer ma vision. On ne peut pas s’exprimer qu’avec le vêtement, il faut que tous nos sens soient stimulés pour pouvoir vraiment comprendre un l a n g age universel. Mon univers ne s ’ a r rête pas au vêtement, il est un mode de vie dans lequel on peut trouver images, films, é c r i t s , m u s i q u e , c o l l e c t i o n s e t a r chitecture.
‘‘My universe is not lim 74
Interview
Translation by Sophie Trabaries MKR : You are a self-taught person and you have always rejected the traditional teaching methods, did you experience any difficulty trying to make your ideas accepted and known? RAD HOURANI : I don’t have anything against technical education but I am against those who impose rules on creation. Everyone must have the freedom to set its own rules in creation and to be able to decide for oneself if things make sense or not. Teaching myself took a little longer compared to technical teaching methods, but I think it gave me the possibility to create my own patterns, finishing touches, constructions, etc… Your collections are non-sex specific, where does this idea of unisex collections come from? Finally what is the purpose behind the launching of your clothing lines? I have never understood who has decided that women and men should dress in certain ways rather than others… Who has imposed these codes and how did we get to this situation in our today’s society? My aim is to communicate this message and to apply it to every single limit that surrounds us: gender, age, nationality, religion, etc… You master all your artistic creations “he’s all of that in one” (photography, collections, design…), why do you want to supervise everything ? I think I need all these resources to express my point of view. We can’t express ourselves by only using clothes, all our senses must be stimulated to understand perfectly a universal language. M y u n i verse is not limited to clothes, it is a way of life in which you can find my pictures, films, writings, music, collections and architecture.
ited to clothes’’ 75
L’univers de votre marque (la ligne prêt à porter Rad by Rad Hourani et la ligne haute couture Rad Hourani ) renvoie à une atmosphère «timeless» (de tout temps) et de tout genre. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’idée de ces deux collections ? Y-a-t-il un lien avec l’architecture ? Toutes mes formes sont architecturales. je ne dessine jamais des silhouettes de mode, mais plutôt des formes graphiques et géométriques qui se développent architecturalement en vêtement, en meuble ou en objet. Je crois que l’architecture est une méthode mathématique et logique dans laquelle le design ou la conception peuvent exister. Et c’est tout à fait ma démarche depuis 5 ans, toujours plus complexe dans la haute couture et plus simplifiée dans le prêt-à-porter en gardant l’unisexe et l’indémodable comme une première base. Le fait de ne pas se conformer aux saisons ni à la distinction des sexes montre une réelle volonté d’innover et un progrès dans le monde de la mode. Pourtant, n’est-il pas encore difficile d’aller à son encontre ?
‘‘ I do w sensible
Rien n’est facile dans la vie, il faut se donner à 100% pour pouvoir réussir un projet et je ne fais pas des choses pour être approuvé par l’industrie de la mode ou par personne. Je fais ce qui a un sens pour moi avec une intégrité et une vision complètes. Je remercie beaucoup toutes les personnes qui ont contribué à construire avec moi une réussite unisexe. Je suis toujours ému quand je vois un de mes clients porter mes collections dans la rue, c’est très touchant. La Fédération de la Haute Couture a récemment déclaré et reconnu votre ligne de haute couture de manière officielle, quelle a été votre réaction ? C’est un grand honneur pour moi de devenir «membre invité» par la Chambre Syndicale de la Haute Couture à paris et j’espère pouvoir apporter quelque chose de nouveau à l’histoire de costume et à la haute couture. C’est un grand défi pour moi et j’adore les défis en général. Nous imaginons que vous avez des sources d’influence et d’inspiration comme tout artiste, quelles en sont vos principales ? Je crois que mon mental est ma première source d’inspiration car je suis ce que je vois, ce que j’entends, ce que je lis, ce que je sens. Je peux être inspiré par un son, un visage, une phrase, un bâtiment ou un plat au restaurant. Mais c’est important pour moi de toujours effacer toute illusion, de recommencer à zéro. C’est une bonne façon de faire table rase de mes influences pour reconstruire un avenir nouveau. Vous avez ouvert votre première galerie unisexe à Paris dans le 3ème arrondissement, pourquoi avoir choisi paris ? D’ailleurs, quels sont vos ressentis sur la mode parisienne au jour d’aujourd’hui ? Ma marque a commencé à Paris en 2007 et j’ai toujours été basé à Paris depuis 2005. C’est la ville où je passe le plus de temps et c’est logique pour moi d’ouvrir ma première galerie unisexe ici. Les gens ont beaucoup de style à Paris, mais je ne suis pas nationaliste car je crois qu’il y a des personnes bien habillées et d’autres mal habilléés partout dans le monde... Votre marque Rad Hourani se développe de plus en plus à l’international, avez-vous conservé un lien professionnel avec votre ville et pays d’origine? Je ne me suis jamais senti relié à une ville en particulier. Je trouve que c’est un mode de pensée assez limité car je me sens à la maison dans n’importe quelle ville où je peux être dans le monde. Je n’ai jamais eu le besoin de me donner une nationalité ou une frontière dans ma vie. Oui, mes parents habitent à Montréal, mais je ne sens pas la nécessité de me limiter à une ville en particulier car on vit sur la planète Terre et non dans pays avec des noms fabriqués. C’est mon mode de pensée et je suis heureux même de l’appliquer dans mes vêtements, car mes collections et moi sommes de nulle part et partout à la fois. A l’ère d’une nouvelle année, quels sont les projets de rad hourani, marque et personnalité internationales ? Mes projets sont de continuer à dessiner des collections, finir mon premier film, publier mon premier livre de «5 yrs of unisex», organiser de nouvelles expositions dans ma galerie à Paris et de toujours prendre du plaisir à tout cela ! Merci beaucoup ! Rad Hourani
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and I do a total i and vi
what is for me
o it with integrity ision’’
Interview The universe of your brand (the prêt-à-porter line rad by rad hourani and the haute couture line rad hourani) reminds a timeless atmosphere of all kinds, can you tell us a little more about the idea of these two collections? Is there any link with architecture? My shapes are all architectural. I never draw fashion silhouettes, but rather graphic and geometric lines which develop architecturally into clothes or furniture or objects etc… I think architecture is a logical and mathematical method in which design and conception can exist. And this has been exactly my approach for 5 years, making it more complex for the haute couture line and simpler for the prêt-à-porter line by keeping the concept of unisex and fashion as a first basis. The fact that you don’t comply with the seasons and the distinction of sexes shows a real desire of innovation and progress in the world of fashion. However, in despite of this is it still difficult to counter it? Nothing is easy in life, you have to give yourself fully if you want to be successful in your projects. I don’t do things to be approved by the fashion industry or by anyone. I do what is sensible for me and I do it with a total integrity and vision. I thank very much all the people who have contributed with me to the creation of a unisex success. I am always touched when I see one of my clients wearing my collection in the street, this is very touching. The french Federation of Haute Couture has recently declared and officially recognised your haute couture line, what has been your reaction? It is a great honour for me to become a “guest member” of la Chambre Syndicale de la Haute Couture in Paris and I hope I will be able to bring something new to the fashion and the haute couture history. It is a great challenge for me and I love challenges in general. We suppose you have sources of influence and inspiration like every artist, which are your main ones? I think me, my own self, is my first source of inspiration because I am what I see, what I hear, what I read, what I feel. I can be inspired by a sound, a face, a sentence, a building or by a dish in a restaurant. But it is important for me to always erase every illusion in order to start again from scratch. It is a good way to destroy any kind of influence to then rebuild a future full of novelty. You have opened your first unisex gallery in the 3rd arrondissement of Paris, why did you choose paris? And what do you think about the parisian fashion nowadays? My brand was created in Paris in 2007 and I have always been based in Paris since 2005. Paris is the city where I spent most of my time and it was logical for me to open my first unisex gallery here. People have a lot of style in Paris, but I am not a nationalist because I think there are people who are well dressed and badly dressed everywhere in the world… Your brand Rad Hourani is increasingly developing on the international market, have you kept a professional link with your city and your country of origin? I have never felt linked to a city in particular. I think it is a quite limited way of thinking because I feel home in any city where I can be in the world. I have never felt the need to give myself a nationality or to set a border in my life. Yes, my parents live in Montreal, but I don’t feel the necessity of confining myself to one city in particular as we live on Planet Earth and not in countries with made names. This is my way of thinking and I am happy to apply it in my clothes because my collections and myself are from everywhere and nowhere at the same time. On the eve of a new year, what are the projects for the brand and for rad hourani? Carry on drawing collections, to finish my first movie, to publish my first book “5 yrs of unisex”, to organise new exhibitions in my gallery in paris and to still have pleasure doing all of that! Thank you very much! Rad Hourani
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Rad Hourani Fall-Winter 2013 by Hannibal Volkoff
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Graphisme - Communication www.lesgrosbras.fr contact@lesgrosbras.fr
Poupées subversives Marie de Touchet
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l existe le travail socialement utile et celui qui ne l’est pas. Hans Bellmer fait partie de ceux qui, face à la montée du nazisme, décident d’abandonner le nécessaire pour se consacrer à une oeuvre : sa Poupée. Cette étrange créature artificielle est élaborée par Bellmer suite à une représentation des Contes d’Hoffman mettant en scène Olympia, une poupée-automate, fille artificielle du savant Spalanzani. La poupée d’Hans Bellmer fait écho à un érotisme sulfureux, baroque et étrange. Son travail résulte d’un procédé de désarticulation, dans lequel la composition suppose un jeu de déformation, de contorsion, de mutilation, le tout renforcé par une mise en scène photographique équivoque. Cette poupée, créature artistique d’à peine 1m40, offre une constitution perfectible dans ses articulations mais également par l’ajout de nouveaux membres au fil des années, ainsi qu’un travail de mise en scène toujours plus poussé. Cette scénographie permet des positions insolites, singulières, à l’érotisme provocant et transgressif. Sur certaines photographies, Bellmer explore les possibilités du coloriage avec le concours de couleurs éclatantes, offrant l’illustration sublimée de conte chimérique. Il existe une ambiguité constante entre deux réalités, celle de l’enfant et celle de l’homme, mais également de deux natures, l’automate et le monstre. La Poupée de Bellmer permet de condenser les possibilités artistiques de réappropriation d’un objet compréhensible. Elle court-circuite le caractère enfantin, naïf et pur où les possibilités ludiques et pédagogiques du jouet révèlent la manipulation macabre de l’automate. Cet univers surréaliste est emprunt de cruauté où la désarticulation martelée amplifie l’altération et la distorsion de l’anatomie féminine. Cette notion de la forme est intrinsèquement lié à la conscience du désir érotique. Femme phallus, visage dans un sein ou une fesse, le concept même de la Poupée illustre la Beauté convulsive si chère à André Breton: «La beauté sera convulsive ou ne sera pas». Dès lors, le hasard objectif permettrait la découverte d’une telle beauté. Le geste artistique de dissoudre une figure dans une autre en vue d’en recréer une nouvelle bouleverse le geste érotique de la création elle-même. L’oeuvre de Bellmer est profondément dérangeante en ce qu’elle blesse cette tradition académique qui voudrait que l’oeuvre culturelle ne soit que soutenue par le principe de sublimation. Ce sentiment de malaise que l’on éprouve surgit du rapport hostile entre le dispositif ludique que constitue la poupée et la pulsion matérialisée de l’artiste. La Poupée ouvre le champ à un jeu esthétique et génésique. Cette illusion artistique permet à l’auteur de conférer à sa Poupée une triple identité que sont celles de la Mère, de la Femme et de la Fille. Désir monstrueux ou objet désiré s’apparentant au monstre, la Poupée est un «multiplicateur d’images». L’imaginaire érotique, libidineux et pervers de Bellmer pose la Poupée comme un rêve matérialisé : elle condense la rupture avec une réalité frustrante, insatisfaisante et source d’angoisse. Par la réappropriation de cette figure féminine, la Poupée offre un monde fantasmagorique dans lequel Bellmer multiplie les variations anatomiques et concrétise l’expérience érotico-artistique.
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Culture
Subversive dolls Translation by Zaya Guessas
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here is a socially useful kind of work, and another one that is not. Hanns Bellmer was part of those who, faced with the rise of Nazism, decided to abandon whatever was necessary so as to dedicate himself to his Doll. This weird and artificial creature was made by Bellmer, following a performance of Hoffman’s Tales starring Olympia, an automaton doll, artificial daughter of scientist Spalanzani. Hans Bellmer’s doll echoes back to a scandalous, baroque and uncanny eroticism. His work is the result of a process of disarticulation, in which the composition assumes interplay between distortion, squirming and maiming, all of it reinforced by an ambiguous dramatization. This doll, an artistic creature of barely 4.5 feet tall, provides for improvement in the layout of its joints but also by the addition of new limbs over the years, and a continuously more sophisticated work on the dramatization. This scenic design allows unusual positions, peculiar to a challenging and transgressive eroticism. On some pictures, Bellmer examines the potential of coloring with the help of bright colors, and creates a sublime illustration of an idealistic tale. There is a constant ambiguity between two realities: that of the child and that of man, but also of two natures: the automaton and the monster. Bellmer’s doll manages to condense the artistic possibilities leading to the recovery of a fathomable object. It bypasses the childish, naïve and pure side in which the toy’s playful and educational possibilities reveal the grim handling of the automaton. This surreal universe is tinged with cruelty and the hammered-out disarticulation emphasizes the deterioration and warping of female anatomy. This notion of shape is intrinsically linked to the consciousness of erotic desire. Phallic woman, face in breast or buttock, the doll concept in itself shows the convulsive Beauty that André Breton used to cherish: “Beauty will be convulsive or will not be at all.” Therefore objective chance would make possible the discovery of such beauty. The artistic technique with which the artist dissolves a figure into another one in order to create a new one upsets the erotic gesture of creation itself. Bellmer’s work is deeply disturbing in the sense that it breaks the academic custom which suggests that a cultural work should only be supported by the principle of sublimation. This feeling of discomfort that one suddenly experiences arises from the hostile link between, on the one hand, the doll, that is to say a playful thing, and on the other hand, the materialization of the urge of the artist. The Doll paves the way for an aesthetic and genesic game. This artistic illusion allows the creator to give his Doll a triple identity: it’s a mother, a woman and a daughter. Monstrous desire or greatly desired object related to a monster, the Doll is an “image multiplier”. © Hans Bellmer
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Photo and Realisation - Giovanna Gorassini Styling & Realisation - Amaryllis Joskowicz Make up & Hair - Glennys Colina Model : Kseniia (KLPR agency)
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Coat - Sprung Frères Skirt - Steffie Christiaens Earrings - Scho
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Dress - Andrewgn Necklace - Steffie Christiaens Bag - Fred Marzo Small handbag - Fred Marzo Candle - Christian Lacroix Maison pour Designers Guild
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Underwear - Mise en cage Stockings - Cervin Jewels - Ciccarelli Jewels Candle - Christian Lacroix Maison pour Designers guild
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Longline bra - Cadolle Hair jewels - Karuna balloo
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Babydoll - Cadolle Lingerie Jewels - Ciccarelli Jewels
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Jewels - Ciccarelli Jewels Pillow - Christian Lacroix Maison pour Designers Guild
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Le mythe sado-machosiste de la secrétaire Marie-Aurélie Graff Translation by Rhiann Pask
Selon une étude menée par un marronnier de la presse masculine, le fantasme de coucher avec sa secrétaire arriverait dans le top 10 des fantasmes masculins, après le plan à trois avec deux femmes, faire l’amour dans un avion et avec une parfaite inconnue. Véritable cliché du pouvoir - du chef de PME ou du jeune loup du barreau (sans mauvais jeu de mots) - sur une femme que l’on imaginera facilement plantureuse, possiblement blonde, avec des petites lunettes noires, une jupe fendue et des talons ni trop haut, ni trop bas. Moins sexy qu’une infirmière, mais plus accessible qu’une hôtesse de l’air. En réalisant La Secrétaire en 2002, Steven Shaineberg réalise sur pellicule le rêve de bien des hommes et tourne son sujet en véritable petit précis de la perversion. Maggie Gyllenhaal, qui tient le rôle titre, n’est pas blonde, pas non plus très soignée, plutôt complètement folle et surtout à l’opposé des clichés que l’on peut avoir sur le mythe de la secrétaire. Sa transformation en masochiste amoureuse éperdue de son James Spader de patron n’en sera que plus perverse, et notre place de spectateur que plus voyeuriste. La scène d’introduction donne le ton. Sur un air de Leonard Cohen, on découvre l’actrice vaquer à ses occupations, les poignets attachés à une barre de fer posée au-dessus de ses épaules. Comment en est-elle arrivée à une telle soumission ? Le film va nous l’expliquer en une heure et demie de tension (sexuelle). De masochiste expiant son mal moral par une douleur physique comme une adolescente qui n’aurait pas grandi, Lee (Gyllenhaal) va devenir la parfaite amante dominée, prête à subir avec joie les pires humiliations de Mister E. (Spader). Tout commence par un échange de regards froids, d’ordres placides, une ambiance de malaise, des tâches ingrates, histoire de calculer le potentiel d’exploitation de la victime. Puis il suffira d’une simple faute de frappe à la machine à écrire pour en arriver à une fessée présumée punitive. Lee, qui aimait se faire mal elle-même, aime désormais qu’on lui fasse mal et va chercher la correction. Les fautes d’orthographe s’enchaînent, les fessées avec. Le jeu s’installe, mais la perversion disparaît. « Mange seulement une bouche de purée, trois petits pois et autant de crème glacée que tu veux» Tandis que le crescendo d’atrocités est de plus en plus insupportable pour Mister E., ne pouvant plus assumer son comportement sadique, il devient le bonheur de Lee. Il finira par l’ignorer pour revenir à une situation normale, celle qu’il peut maîtriser, et elle, par faire une grève de la faim médiatisée pour lui prouver sa dévotion. Un retournement de situation nous amenant à nous poser une question : où se place la frontière de la perversion ? A partir du moment où le dominé semble comblé, la perversion ne reste-t-elle pas présente uniquement dans le regard de l’autre et donc n’est-elle pas immédiatement annulée ? Chacun en tirera ses propres conclusions, mais au final, La Secrétaire, sous ses airs de film choc voulant dénoncer les travers de la sexualité, s’offre une fin où ils vécurent heureux… sans plus se mettre de fessées.
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Sadomasochist: it takes one to know one !
© Allocine
According to a study conducted for a men’s magazine, sleeping with one’s secretary is in the top 10 of male fantasies, just behind a threesome with two women, having intercourse in an airplane and sleeping with a complete stranger. The ultimate stereotype of power – the head of a company or young lawyer – over a woman one can easily picture as buxom, possibly blond, with little black glasses, a skirt with a slit and heels neither too high nor too low. Less sexy than a nurse, but more approachable than a stewardess. When he directed the The Secretary in 2002, Steven Shainberg recorded the dream of many men and filmed the subject like a veritable little handbook on perversion. Maggie Gyllenhaal, who stars in the film, is not blond, or well-groomed, but rather a complete nutcase and above all diametrically opposed to the stereotypes generated by the myth of the secretary. This difference will make her transformation into a masochist who falls deeply in love with her boss, James Spader, seem all the more perverse, and our position as spectators all the more voyeuristic. The opening scene sets the tone. As music by Leonard Cohen plays in the background, we discover the actrice going about her business, her wrists tied to a metal bar resting above her shoulders. How did she find herself in this position of such extreme submission? The film will explain it to us over a tense (sexually) hour and a half. Starting out as masochist atoning for her moral evils through physical pain like a child who never grew up, Lee (Gyllenhaal) will become the perfect dominated lover, ready to endure the worst humiliations Mister E. (Spader) can inflict. It all begins with cold glances, calmly exchanged, an uneasy atmosphere, and unrewarding tasks which are his way of calculating how far he will be able to exploit his victim. Then a simple typing error will lead to a spanking session, presumably punitive in nature. Lee, who used to hurt herself, now likes to be hurt by others and seeks punishment. More and more typing errors are made, so the spankings continue. The game is set, but the perversion disappears. “One scoop of creamed potatoes. A slice of butter. Four peas. And as much ice cream as you'd like to eat.” While the crescendo of atrocities becomes unbearable for Mister E. who can no longer assume his sadistic behaviour, it becomes Lee’s greatest pleasure. He will end up ignoring her to make the situation go back to normal, to regain some control, and she will begin a highly mediatised hunger strike to prove her devotion. A turn of events which leads us to ask the question: how far does one have to go before entering into a zone of perversion? If the dominated person is happy, doesn’t perversion exist only in the gaze of the other and is it not, therefore, immediately cancelled out? Every individual will come to his/her own conclusions, but in the end, The Secretary, despite seeming like the type of film meant to shock viewers and denounce sexual perversions, offers its characters an ending in which they live happily ever after…and spank-free.
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Ali M MKR : Vous êtes une source d'inspirations et une référence dans le milieu de la mode, comment percevez-vous aujourd'hui vos réussites ? Nous serions curieux de connaître vos premiers pas. Ali Mahdavi : Des dons particuliers et une sorte d'âme qui font que lorsque je décide quelque chose, la plupart du temps, j'arrive à l'obtenir. Je me suis vraiment battu pour être dans les meilleures écoles d'art: 10 ans d'études artistiques demandent vraiment beaucoup d'investissement personnel. Je dois par exemple beaucoup à l'école des Beaux Arts de Paris dont je suis sorti avec les félicitations du jury à l'unanimité, ce qui est assez rare. Il y en a deux-trois par an, même si la deuxième année, je suis rentré in extremis, et donc je pense qu'un artiste se doit de faire des études d'art. En France, nous avons la chance d'avoir les meilleures écoles, généralement des écoles publiques. On n'attend pas d'un chirurgien qu'il puisse opérer sans avoir fait des études, il y a certes quelques exceptions, mais un artiste se doit de faire une école, d'autant plus que le niveau en France est extrêmement élevé. C'est une autre chance, contrairement à certaines familles iraniennes qui attendent de leurs enfants qu'ils deviennent avocats, ingénieurs ou médecins. Ma vocation artistique s'est installée dès l'âge de trois ans, dès que j'ai découvert le dessin. À l'âge de 14 ans déjà, mes parents savaient que je voulais devenir artiste et ils m'ont soutenu, alors que généralement, nous recevons une paire de baffes et le problème est réglé. Ils m'ont même permis de postuler à l'école Duperré et de travailler pour Thierry Mugler dont j'étais fan et qui incarnait une de mes ambitions. À l'issue de cela, j'ai repris mes études aux Beaux Arts avec le soutien de mes parents qui m'ont encouragé pendant longtemps. Autrement, je dois aussi en partie mon succès à la psychanalyse qui m'a permis de prendre vraiment conscience, la conscience étant pour moi une source d'inspiration inépuisable, d'assumer qui je suis, ce que je souhaite et ce que j'aime. Ensuite, pour ce qui est de la réussite, je pense qu'à moins de n'avoir aucune ressource et de ne pouvoir s'en sortir, en France, un pays où absolument tout est possible, et bien quand on le veut vraiment, il n'y aucune excuse pour ne pas y arriver. Il faut tout sacrifier pour cela. Aujourd'hui, moi, j'ai conscience d'un certain nombre de choses que j'ai accomplies et donc je suis très fier comme lorsque je me dis « Mon dieu, je suis le directeur artistique du Crazy Horse », ce qui me revient comme une baffe et que je n’arrive toujours pas à le réaliser. Je pense avoir beaucoup de preuves à faire, beaucoup de choses à accomplir, notamment dans le domaine du cinéma et du long métrage, car j'aime toujours recevoir de nouveaux défis: quand je maîtrise une technique, j'aime bien aborder ensuite quelque chose de nouveau. Ce n'est pas de la fausse modestie, je n'ai toujours pas l'impression d'y être arrivé. J'aime passionnément ce que je fais, donc à partir de ce moment là, on est tellement impliqué et investi, possédé par ce que l'on aime, que l'heure de travail ne se compte plus et c'est vraiment une question de vie et de mort. Je ne vis vraiment que pour cela et c'est même plus important que la relation amoureuse: c'est comme une grande histoire d'amour. Il n'y a aucune autre source de satisfaction qu'un travail qui vous motive même si ce n'est pas toujours si simple.
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‘‘My artistic vo at the
Interview
Translation by Khady Camara
Mahdavi
ocation started e age of three’’
MKR : You are a source of inspiration and a reference in the fashion industry, how do you perceive your successes at the present time? We would be curious to know about your first steps. Ali Mahdavi : I think I have special gifts and a soul thanks to which I can achieve almost anything when I decide to. I fought really hard to be in the best art schools: ten years of art studies require a lot of personal investment. For example I owe a lot to the Ecole des Beaux Arts in Paris where I graduated with honours unanimously, which is quite rare. There are two or three persons per year in this case, even if the second year, I passed in extremis; therefore I think that an artist has to study art. In France, we are lucky to have the best schools, which are generally state schools. A surgeon is not expected to operate without making studies first, there are certainly some exceptions, but an artist has to go to an art school, all the more since the level in France is extremely high. This is another chance, unlike what happens in some Iranian families where parents want their children to become lawyers, doctors or engineers. My artistic vocation started at the age of three, when I discovered drawing. At the age of 14, my parents knew I wanted to become an artist and they supported me, while we generally receive a pair of slaps and the problem is solved. They even allowed me to apply to the Ecole Duperré and work for Thierry Mugler of whom I was a big fan; it was one of my ambitions. At the coming to this, I resumed my studies at the Beaux-Arts with the support of my parents. Otherwise, I also owe a part of my success to psychoanalysis which allowed me to really take consciousness; consciousness is for me an endless source of inspiration, to assume who I am, what I want and what I like. Secondly, in terms of success, I think that, unless you have no money and can’t manage financially, in France, a country where everything is possible, well I think that when you really want something, there is no excuse not to get there. You must sacrifice everything for it. Today, I am aware of a number of things I have done and I am very proud of, like when I say "Oh my God, I am the artistic director of the Crazy Horse", which is like taking a slap in the face and I do not realize. I did not feel like getting there either, I think I have a lot of things to prove, a lot of things yet to be done, particularly in the field of film and feature-length film, because I like having new challenges when I master a technique, then I like to take up something new. Without false modesty, I still do not feel like getting there. I passionately love what I do, as a result I am so much involved, invested, and possessed by what I love that working time is no longer counted and it becomes a question of life or death. I really live for this and to me, it is even more important than a romantic relationship: it is like a love story. There is no other source of satisfaction than a job that is inspiring you, even if it is not that simple.
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Votre personnalité intrigue bon nombre de personnes (nous avions adoré la photo de vous en «femme enceinte»), pouvez-vous nous en dire plus sur le côté presque irrationnel de votre personnalité, jouant simultanément sur la provocation et l’élégance ? Ce fut le cas à un certain moment de chercher clairement la provocation, ce n’est absolument plus une volonté chez moi. Je crois qu’avec mon rapport à l’inconscient, avec une certaine liberté et une confiance que j’ai dans les images qui m’apparaissent, il y a des choses qui peuvent paraître provocantes. Mais ce sont des facettes sombres que chacun a et qu’il ne veut souvent pas s’avouer; j’ai la chance de ne pas les censurer et de les reconnaître. Par exemple, les meilleures idées viennent parfois de choses absurdes ou expérimentales. Cette histoire du bébé qui sort de la tête ou du ventre, ce n’était pas une recherche, ni un manifeste, mais le fruit de dessins. C’est arrivé comme ça, d’abord sur une femme, puis après de multiples gribouillis, à un moment on sent qu’il y a quelque chose à creuser là dedans et après, tout semble évident. J’ai souvent l’impression d’avoir un mini moi à l’intérieur de mon ventre et évidemment cela renvoie à la petite enfance, au désir d’avoir un enfant ou peut-être est-ce une manière de vouloir perdurer et d’être immortel ? Pour moi, la beauté lorsqu’elle me taquine le plus, c’est lorsqu’elle est à la frontière de son opposé : le froid, l’inquiétant, presque l’effrayant. Une beauté assez conventionnelle n’éveille rien chez moi, mais j’ai toujours cette volonté de rendre les choses belles. J’ai l’impression que la beauté peut être un langage qui, au contraire, rend perceptible un propos. La manière dont cela est perçu, ça m’est égal finalement. Il y a donc un côté un peu freudien dans vos explications avec le « moi », le « surmoi », l '« inconscient » ? Je n'ai aucune passion pour la philosophie, je suis bien plus proche de la psychanalyse. J'ai vu tellement de gens se perdre dans des questionnements philosophiques sans réponse... Aujourd'hui, ce qui m'intéresse vraiment, c'est ma propre étude et donc d'aller véritablement au plus proche des dires de mon inconscient. Vous êtes également considéré comme un précurseur de sensualité et d'élégance, comment vivez-vous à présent votre fonction de directeur artistique au Crazy Horse ? Quand je suis arrivé au Crazy Horse, le concept était déjà là, mais de mon expérience dans la mode, j'ai une certaine aisance à ressentir l'ADN d'une maison et à me rendre compte par ma vision, en simplifiant les choses. Je compare souvent le Crazy Horse à une maison de couture, chaque maison comme chaque marque a des codes qui lui sont intrinsèques et qu'on ne peut ignorer. Ce que j'ai essayé d'apporter à la maison en travaillant avec Philippe (Philippe Decouflé est le réalisateur), en dehors de la complexité des numéros et d'une certaine vision, c'est la volonté de retrouver l'essence de Bernardin, de me dire : « qu'est-ce que Bernardin aurait fait aujourd'hui avec la technologie, l'évolution sociale, la vision de la femme de 2009 ? ». Lorsque j'avais besoin d'une réponse, j'allais me coucher sur le fauteuil où il était mort en attendant qu'elle me vienne, et généralement cela fonctionnait. J'avais imposé aux filles qu'à chaque fois qu'elles passent en dansant, elles embrassent leur main (même s'il n'y avait que moi qui le faisais). Je me sentais réellement gardien du temple de la maison, j'ai par exemple beaucoup plus de fierté à recevoir le respect de la régie ou de gens d’environs quarante ans, réticents à la reprise de Bernardin. J'ai, par exemple, travaillé pendant une semaine sur ce que j'appelle « les bas magiques » dont le but est de pouvoir enlever ses bas sans enlever ses chaussures à talons pour ne pas se retrouver pieds nus. On ne se rend pas souvent compte de l'importance des détails au Crazy Horse, ce sont eux qui font toute la différence. 106
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Your personality intrigues many people (we loved the picture of you as a «pregnant woman»), can you tell us more about the almost irrational side of your personality, playing simultaneously on provocation and elegance? This was the case at some point to clearly look for provocation; it is absolutely not a desire for me anymore. I believe that, because of my relationship with the unconscious, with a certain freedom and confidence I have in the pictures that appear to me, there are things that may seem provocative. But these are dark facets that everyone has and does not usually want to admit, I am lucky not to censor them and to recognize them. For example, sometimes the best ideas come from things that are absurd or experimental. The story of the baby coming out of the head or the belly was neither a research nor a manifesto, but the result of drawings. It happened like this, first it was a drawing of a woman, then after many scribbles, it felt like there was something to dig in there and after, everything seemed obvious. I often feel like I have a “mini me” inside my belly and obviously, this refers to early childhood, to the desire to have a child or perhaps is it a way to try and continue to be immortal? For me, the beauty when it teases me the most is when it is on the border of its opposite: cold, disturbing and almost frightening. A fairly conventional beauty does not awaken anything in me, but I always have this desire to make things beautiful. I have the feeling that beauty can be a language which can make words perceptible. The way it is perceived, ultimately I do not care. There is a side which is a bit Freudian in your explanations with the «I», the «superego», the «unconscious»? I have no passion for philosophy, I am much closer to psychoanalysis. I have seen many people getting lost in unanswered philosophical questions ... Today, what really interests me is my own study and therefore to really get closer to the words of my unconscious. You are also considered as a precursor of sensuality and elegance, how do you now cope with your artistic director position at the Crazy Horse? When I arrived at the Crazy Horse, the concept was already there, but from my experience in the fashion industry, I have a certain ease in feeling the DNA of a brand and realizing through my vision, by simplifying things. I often compare the Crazy Horse to a fashion house; each house like each brand has inherent codes which cannot be ignored. What I tried to bring to this house by working with Philippe (Philippe Decouflé is the director), apart from the complexity of the issues and a certain vision, is the desire to recapture the essence of Bernardin, to ask myself what would Bernardin have done today with technology, social change, the vision of the woman in 2009? When I need an answer, I go to sleep on the armchair where he passed away, until it comes to me, and it usually works. I imposed this rule to the girls; every time they danced, they had to kiss their hands (even if I was the only one doing it). I really felt like the guardian of the temple of the house, for example, I get more pride receiving the respect of the stage management or of 40 year-old people who were reluctant regarding the takeover after Bernardin. For example, I spent a week working on what I call «magic stockings», the goal is to remove stockings without removing the heels in order not to be barefoot. One does not often realize the importance of details at the Crazy Horse; they make all the difference.
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‘‘My muses are for me very strong women w created their own personality and beauty’’ Vos amies et collaboratrices de charme, Dita Von Teese et Arielle Dombasle ne font que confirmer votre univers et vos inspirations artistiques. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces deux rencontres ? En quoi sont-elles pour vous des sources d'inspiration ? Mes muses sont pour moi des femmes extrêmement fortes qui ont recréé leur propre personnalité et beauté (Dita Von Teese, Arielle Dombasle ou encore le mannequin Suzanne von Aichinger). Elles ont vraiment un style qui ne suit pas les tendances, ni la mode et qui un jour, pour une raison ou une autre, a créé un nouveau personnage. Les femmes qui m'inspirent, ce sont celles qui ont recréé leur beauté, car la beauté venant de Dieu ne m'intéresse pas vraiment, je suis plutôt sensible à la façon dont quelqu'un va faire des efforts et des sacrifices pour atteindre son idéal esthétique. Dita, par exemple, lorsqu'elle a commencé à se transformer et à devenir Dita Von Teese, ce n'était pas aussi facile ni parfait, mais elle allait dans quelque chose qui n'existait plus. Arielle est comme une œuvre d'art, sa propre création, en quelque sorte l'opposée de Dita. Ce sont des femmes qui m'obsèdent et dont je suis amoureux. Réelle référence dans le milieu de la mode, Thierry Mugler fascine encore et toujours par sa manière de s’adapter à son temps. Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre expérience de styliste au sein de la maison Mugler ? Pourquoi avoir cessé d’y travailler ? Est-ce un réel besoin pour vous de vous consacrer à d’autres projets ? Lorsque j’ai découvert Monsieur Mugler, à 17 ans, je me suis une nouvelle fois pris une baffe en pleine figure comme pour le Crazy Horse et ma rencontre avec Dita. J’étais dingue des facettes de la femme Mugler, qui à l’époque, était pour moi la facette de la femme la plus aboutie. Je l’idolâtrais comme l’on peut le faire pour une rock star. Lorsque j’ai débuté chez Thierry Mugler, j’ai commencé au plus bas de l’échelle et avec beaucoup d’enthousiasme (j’arrivais avant tout le monde, je partais après tout le monde). J’ai vraiment beaucoup appris de lui et notamment le fait que rien n’est impossible, c’est-à-
dire que l’on n’aboutit pas un projet en se disant « ça ne va pas être faisable ou c’est trop compliqué ». Ce fut un réel mentor et une réelle source d’inspiration, même si après la restructuration du studio, ce ne fut plus vraiment la même chose. Ce qui m’intéressait, c’était une certaine vision intemporelle de la femme. La mode, sans son obsession de pour le « tape-à-l’oeil », ne m’intéresse pas. A force d’évolution et de vouloir innover, on s’éloigne de quelque chose d’essentiel qu’est le corps féminin. Il y a très peu de créateurs à l’heure actuelle qui se préoccupent d’embellir le corps de la femme. On s’est rendu compte que l’approche adoptée actuellement par la mode était une erreur, et qu’elle devrait plutôt chercher à mettre en scène une certaine vision de la femme sous différentes facettes se regroupant toutes dans le terme « glamour ».
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Interview
Your friends and collaborators full of charm; Dita Von Teese and Arielle Dombasle only confirm your universe and your artistic inspirations. Can you tell us a bit more about these two meetings? How are they sources of inspiration for you? My muses are for me very strong women who have created their own personality and beauty (Dita Von Teese, Arielle Dombasle or the model Suzanne von Aichinger). They truly have a style that does not follow trends or fashion and that one day, for one reason or another, created a new character. Women, who inspire me, are those who have recreated their beauty, because beauty coming from God does not really interest me, I am more sensitive to how someone will make efforts and sacrifices to achieve its aesthetic ideal. Dita, for example, when she began to transform herself and become Dita Von Teese, it was not as easy or perfect, but it went into something that no longer existed. Arielle is like a work of art, her own creation, somehow the opposite of Dita. I am obsessed about these women and I love them. Real reference in the fashion world, Thierry Mugler still fascinates by his way of moving along with the times. Can you tell us a bit more about your experience as a designer in the house of Mugler? Why did you stop working there? Is this a real need for you to focus on other projects? When I discovered Mr. Mugler at 17, I once again took a slap in the face like for the Crazy Horse and my meeting with Dita. I was crazy about the facets of the Mugler woman, who at the time was for me the aspect of the most achieved woman. I idolized her like we do for a rock star. When I started at Thierry Mugler, I started at the bottom of the ladder and with much enthusiasm (I was the first to arrive and the last to leave). I really learned a lot from him, including the fact that nothing is impossible, that is to say that we do not lead a project by saying “it is not feasible or it is too complicated.” He was a great mentor and a real source of inspiration, even if after the restructuring of the studio, it was not really the same thing. What interested me was some timeless vision of the woman. Fashion, without its showy side, does not interest me. By dint of constant change and will to innovate, we are moving away from something essential that is the female body. There are very few designers today who are concerned with beautifying the body of the woman. We realized that the approach currently adopted in fashion was a mistake, and that we should instead aim at displaying a vision of a woman under her various facets which are all included in the term «glamor».
Nous voudrions également aborder un peu plus votre carrière de photographe, d’où vous vient justement cet intérêt pour la photographie et quelles sont vos premières influences ? Je n’avais pas pensé à devenir photographe. Quand je suis rentré aux Beaux Arts en tant que peintre, je n’avais toujours pas de passion pour la photographie. Tout ce qui m’intéresse est de mettre en scène une image qui corresponde à ma vision, ou bien de collaborer avec une marque. J’adore aussi avoir des contraintes, contrairement à ce que l’on peut penser en réalisant des projets commerciaux, j’adore m’adapter à un autre univers. Mais j’ai très peu de dévotion à ce monde; mise à part Helmut Newton, seulement quelques rares photographes m’influencent.» Il y a deux facettes de la photographie: ceux qui l’abordent comme des peintres en mettant en scène une nouvelle vision, et ceux qui se rapprochent plus des reportages, qui captent un moment qu’ils n’ont pas conçu. En ce qui me concerne, je dessine mes séances photos avant de les réaliser. Toutefois, de plus en plus, je fais des dessins sommaires et me sers de mes idées comme une bonne première base de travail à partager avec mes merveilleuses équipes. Je laisse aussi une grande place à l’imprévu, ce qui se passe donc sur place et qui est inattendu. Je n’ai jamais appris la photo, mais j’ai l’ai découverte grâce à la peinture, et je me suis rendu compte que les photos se suffisaient à elles-mêmes. Contrairement à ce que je pensais, j’ai eu des demandes dans la mode ou pour faire des portraits, mais je me suis aussi rendu compte que ceci nécessitait beaucoup plus de règles et d’efforts que je ne l’imaginais. Au final, j’ai réussi à trouver mon langage photographique qui me permet d’arriver à ma propre vision. Vous mentionnez Helmut Newton qui utilisait beaucoup la nudité dans ses photographies. Que pensez-vous de l’image de la sexualité dans les milieux artistiques ? J’ai, par exemple, très envie de travailler sur des images pornographiques extrêmement glamour. Nous sommes dans une société très conventionnée, comment concilier alors les exigences d’un client de joaillerie avec des photos pornographiques ? Au jour d’aujourd’hui, on doit faire attention et être stratégique. Je n’ai aucun problème avec la sexualité humaine, au sens où chacun fait ce qu’il veut. Par exemple, je peux vraiment beaucoup aimer la pornographie, qui, pour moi, peut être extrêmement belle. Je vois très peu de choses en pornographie que je trouve satisfaisantes car la manière ou la façon dont est montré le plaisir n’est pas excitante. Si l’on évite les performances et les caricatures absurdes, la pornographie est quelque chose de très prometteur. La sexualité est magnifique et le désir passe par l’abandon. En début de nouvelle année et avec l’arrivée de nouveaux jours, on essaie très souvent de se donner certains objectifs personnels et professionnels. Quels seraient les vôtres ? J’en ai plusieurs, il faut toujours en avoir plusieurs pour espérer que l’un d’eux aboutisse. Le plus important est ma grande ambition de faire des longs et courts métrages. Ce sont des projets un peu compliqués à faire prendre forme car ce ne sont pas des films très commerciaux. Cela mettra un peu de temps mais ça va se faire. J’ai également très envie de faire une collection: j’ai commencé à dessiner des robes pour des actrices pour des évènements comme le festival de Cannes, les oscars ou des premières. Continuer la photographie, continuer le Crazy Horse et créer de nouveaux shows, poursuivre le maximum de choses : ne jamais abandonner (dessins, photos, films, peintures, stylisme) et mourir au travail (rires).
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We would also like to address a little more your career as a photographer, where do you get this interest for photography and what are your early influences? I had not thought of becoming a photographer. When I returned to the Beaux-Arts as a painter, I still had no passion for photography. All I want is to stage an image that reflects my vision, or work with a brand. I also love to have constraints, contrary to what one might think by achieving commercial projects, I love adapting to another universe. But I have very little devotion to this world, only a few photographers influence me apart from Helmut Newton. There are two facets of photography: those who approach it as painters displaying a new vision, and those who are closer to reports, and who capture a moment they had not designed. In my case, I draw my photo shoots before realizing them. However, increasingly, I make sketchy drawings and use my ideas as a working basis to share it with my wonderful team. I also leave room for the unexpected, which is what usually happens on stage and which is unexpected. I never learned the art of photography, but I have discovered it thanks to painting, and I realized that pictures were self-sufficient. Contrary to what I thought, I have had requests in fashion or to do portraits, but I also realized that this would require much more rules and effort that I had imagined. In the end, I managed to find my photographic language that allows me to reach my own vision. You are referring to Helmut Newton who used a lot of nudity in his photographs. What do you think of the image of sexuality in the artistic circles? For example, I wanted to work on extremely glamorous pornographic pictures. We are in a society ruled by social conventions, therefore how is it possible to reconcile the requirements of a client working in jewellery with pornographic pictures? As of today, we must pay attention and be strategic. I have no problem with human sexuality, in the sense that everyone does what he wants. For example, I can really love pornography, which for me can be extremely beautiful. I see very little in pornography that I find satisfactory because the way pleasure is shown is not exciting. If one avoids the performance and absurd caricatures, pornography is something very promising. Sexuality is beautiful and desire makes its way through abandonment. At the beginning of a new year and with the arrival of new days, we often try to set some personal and professional objectives. What are yours? I have several objectives, you must have many of them to hope that one of them will come true. The most important one is my ambition to make feature and short films. These projects are a bit complicated to realize because the films I want to realize are not really commercial films. This will take a bit of time but it will happen eventually. I also really want to make a collection: I started designing dresses for actresses for events such as the Cannes Film Festival, the Oscars or premieres. I want to keep doing photography, the Crazy Horse and create new shows, continuing most things really: never give up (drawings, photos, films, paintings, styling) and die in the workplace (laughs).
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L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
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Kevin Liebigt
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a période charnière entre deux siècles, deux époques, deux Histoires ne pouvait se réaliser que par l’émergence d’un nouvel art, d’un nouveau style : la Sécession Viennoise. Cet art nouveau se réalisera notamment par le biais du dessin érotique, support d’expériences plastiques et esthétiques subversives. Une nouvelle conception picturale voit le jour au travers de la représentation du corps, de l’exploration picturale de sa chair, de l’expression quasi-pornographique du désir qu’elle suscite. La psychanalyse freudienne et la notion émergente et révolutionnaire de l’inconscient révéle les abysses d’une âme incertaine et mouvante. Ceci participera de la nouvelle conquête picturale, tout comme le théâtre d’Arthur Schnitzler; avec notamment La Ronde, traduisant l’acte sexuel en dix dialogues.
Visions érotiques chez Klimt et Schiele
Si la sexualité dans sa volupté et sa sensualité a toujours été transcendée dans les toiles de maîtres anciens, l’oeuvre d’Egon Schiele et de Gustav Klimt participent d’une nouvelle radicalité dans un dessin quasi-pornographique d’états d’exaltation et d’excitation. Considéré par l’époque comme transgressif, le dessin traduit les pulsions érotiques par la fébrilité du trait qui découvre la nature profonde de l’humain. Le tracé de la ligne, souple chez Klimt, frénétique chez Schiele, célèbre la matérialité des corps et du désir qu’ils engendrent. Ce dessin, réelle mise à nue de l’être regardé et aussi de celui qui regarde, mais également d’une société bourgeoise considérée comme hypocrite par le refoulement de ses désirs et de ses instincts, expose l’érotisme en dehors de toute narration ou d’histoire. La sexualité est un sujet en soi et ne contient plus aucune signification mythologique ou historique. Il n’est plus besoin de justification.
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Klimt
Culture Marie de Touchet Translation by Khady Camara
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he turning point between two centuries, two eras, two Histories could only be achieved through the emergence of a new art, a new style i.e. the Vienna Secession.This new form of art was achieved in particular through the erotic drawing; a medium for physical and aesthetic experiences of subversion. A new pictorial concept arose through the representation of the body, of the pictorial exploration of its flesh, of the almost pornographic expression of desire it arouses. Freudian psychoanalysis and the emerging and revolutionary concept of the unconscious reveal the depths of an uncertain and shifting soul. They take part in this new pictorial conquest, just as in Arthur Schnitzler’s theatre, especially in the play La Ronde, which reflects the sexual act in ten dialogues. If sexuality in its voluptuousness and sensuality has always been transcended in the paintings of Old Masters, the work of Egon Schiele and Gustav Klimt takes part of a new radicalism in an almost pornographic drawing of exaltation and excitement states. Considered then as a transgressive genre, the drawing reflects erotic impulses through the light outline which reveals the profound nature of human beings. The outline of the line, agile in Klimt’s works, intense in Schiele’s, celebrates the materiality of bodies and the desire they generate. This drawing is a real exposure of the one who is watched and also of the one who is watching, but also of a bourgeois society considered as hypocrite because of the repression of its desires and instincts, the drawing also exposes eroticism without any narration or story. Sexuality is a subject in itself and no longer has mythological or historical meaning. There is no need of explanation.
Erotic visions in and Schielle’s works
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La représentation d’acte masturbatoire, de femme enceinte, de fillette, d’homosexuels amoureux et amoureuses, de dame, expose une corporalité réelle, sans détour ni sublimation. Le travail d’Egon Schiele se veut un authentique manifeste du corps dans toute sa vérité. Recherchant volontairement la laideur et les extrêmes, il utilise volontiers des séquences de couleurs agressives et violemment expressives, mais également le renforcement de la ligne par des applats de contours blancs. Le dessin est anguleux, comme mutilé et désarticulé dans une ambiguité lanscinante entre d’un côté, un réalisme cru, une ligne agressive et d’un autre côté, des positions lascives, des mouvements déployés et impudiques. Si le corps féminin chez Schiele évoluera au fil des années vers toujours plus de plasticité, les carnets érotiques de Klimt apparaissent d’avantage dans une passion érotique que dans le décorticage d’une réalité sexuelle désenchantée. Chez Gustav Klimt, le dessin est avant tout une étude dans la préparation à d’autres oeuvres. Ces esquisses solitaires dévoilent le plus souvent l’exposition du corps féminin dans des états passifs tels que le sommeil. La figure féminine est avant tout une promesse de plaisir érotique et sexuel. La femme est tel un ornement livré aux regards dans une attitude passive et détournée. Si chez Schiele, le regard semble d’avantage être celui du voyeur, chez Klimt il s’apparente au contemplateur. Entre le dévoilement et la dissimulation, le jeu érotique est appuyé par les vêtements sans cesse relevés et une insistance stylistique portée sur le sexe.
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Klimt
Egon Schiele et Gustav Klimt nous donnent à voir non plus une nudité révélée, mais une chair stylisée, des expressions plastiques d’un dialogue obsessionnel entre l’artiste et la société, entre l’artiste et le modèle, mais aussi entre le spectateur et le sujet.
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Culture
The representation of masturbatory act, pregnant woman, girl, homosexuals in love, lady, exposes a real physicality, which is plain and without sublimation. The work of Egon Schiele is intended to be an authentic manifesto of the body in all its truth. Voluntarily seeking ugliness and extremes, he willingly uses sequences of aggressive and violent expressive colors, but also uses the strengthening of the line by means of flat areas of white contours. The design is sharp, as if mutilated and disjointed in a nagging ambiguity between on one side, a blunt realism and an aggressive line and on the other side, lascivious positions, of spread and indecent movements. If the female body in Schiele’s work evolves over time towards greater physicality, Klimt’s erotic books appear in a more erotic passion than in the dissection of a disenchanted sexual reality. In Gustav Klimt’s works, the drawing is primarily a study in preparation for other works. These solitary sketches reveal most of the time the exposure of the female body in passive states such as sleep. The female figure is above all a promise of erotic and sexual pleasure. The woman is like an ornament left to looks in a passive and diverted attitude. If in Schiele’s works, the look seems to be more that of a voyeur, in Klimt’s work the look appears to be more that of a viewer. Between disclosure and concealment, erotic game is supported by constantly rolled-up clothes and a stylistic emphasis on sex. Egon Schiele and Gustav Klimt teach us not to see a revealed nudity, but a stylized flesh, physical expressions of an obsessive dialogue between the artist and society, between the artist and the model, but also between the viewer and the subject.
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Nun of yo
Necklace gold web - Bernard Delettr Necklace silver m - Bernard Delettr
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our business Photos & Realisation - Ricardo Abrahao Styling & Realisation - Natalie Brodel Stylist Assitsant - Perdita Andrews
Make up - Leslie Dumeix Hair - Justine Jeannin Model - ClĂŠment Soulas (I LOVE models management)
b with silver spiders (worn as crown) rez multi chain w/ gold angel wings rez
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Fashion
Necklace long black beads w/ gold cross Rita & Zia black line
White long shirt w/ high collar & grey leather eye mask - Y. Project by Yohan Serfaty Necklace with silver chain, pearls & skull & ring silver cross w/ studs - Bernard Delettrez Necklace with black book plaque - Tobias Wistisen
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Fashion
Black - Y. P Neckla cross ring,
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Fashion
sleeveless shirt w/ high collar Project by Yohan Serfaty ace silver with large crosses & ring double finger w/ wings - Bernard Delettrez bracelet, necklace - Tobias Wistisen
Shawl white (worn as veil) Alibellus Ring silver cross w/ studs Bernard Delettrez Collar black (worn as mask) Hippy Garden
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Shawl black worn as veil - Alibellus White collar - Natty‘s Earring silver with studes (worn on collar) - Bernard Delettrez
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Fashion
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Black linen jacket - Y. Project by Yohan Serfaty Necklaces and rings (7 pieces) - Bernard Delettrez Necklace long black beads w/ gold cross - Rita & Zia black line Necklaces and rings (4 pieces) - Tobias Wistisen
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Fashion
Black knit sleeveless hooded pullover - Y. Project by Yohan Serfaty
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Anna Gorynstze Farid Ayelem Rahmouni
Les interviews ‘‘coffee and cigarettes’’ : entretien avec Anna
Nouvelle année, nouvelles envies. Celle de vous faire découvrir des artistes qui font les spectacles d’aujourd’hui de la scène contemporaine. Une envie de vous faire découvrir ces interprètes du spectacle vivant, de la performance et des arts plastiques aux parcours atypiques, qui bien qu’à l’aube de leurs carrières, ont déjà un parcours hors normes. Adieu les sentiers traditionnels éclairés par le scintillement des « strass » et des paillettes, bonjour les coupe-gorges et autres chemins de traverse glauques et suintant de personnalité. Bienvenue au millénaire de l’interprète protéiforme. J’ai eu le privilège, cet été, lors du festival d’Aurillac de rencontrer l’équipe de la compagnie l’Envers du décor pour la pièce « Héroïne » mise en scène par Karelle Prugnaud et ai assisté à leur sortie de résidence. L’occasion d’interviewer Anna Gorynsztejn et de vous faire découvrir le travail d’une interprète à la lisière de la performance, de la danse et du théâtre. Une artiste multicarte qui travaille autant à la composition de personnages à interpréter, qu’à l’utilisation de son identité pour les révéler. Une artiste sexy, exigeante et « trash » se baladant sur le fil d’un rasoir.
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Interview
ejn Translation by Christopher Ruff
The “coffee and cigarettes” interviews : an encounter with Anna
New year. New desires. The desire to show you the artists responsible for the most up-to-date performances in the contemporary scene. The need to show you the artists who bring their work alive through daring performances, who themselves have already lived fascinating lives despite only being in the early stages of their careers. Adieu to the beaten path, lit up by glitter and sequins, bonjour to the unexplored, to roads leading into the dark, murky unknown. Who knows what lies beyond? Welcome to the millennium of the versatile and daring. This summer at the Aurillac festival, I had the privilege of meeting the set-design team for Envers, the company responsible for Karelle Prugnaud’s play “Héroïne”, at their final performance for the public. I also had the chance to interview Anna Gorynsztejn, a performer, dancer and actor whose work is always pushing the boundaries. She is a multi-talented artist who works just as hard in creating her characters as she does bringing them to life. A sexy, challenging, artist tiptoeing along a razor blade.
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MKR : Bonjour Anna. Qui es-tu et d’où viens-tu ? Pour le coup, j’ai un parcours assez atypique ; je suis une danseuse et performeuse. Je me suis formée au Conservatoire municipal de Paris, puis je suis passée par le sport étude avant de rejoindre le Conservatoire Régional de Paris en danse contemporaine, danse classique et jazz. Comme j’étais un peu électron libre, je me suis « barrée » avant mes médailles, le milieur conservatoire m’angoissait un peu (rires). Le côté institution ? Oui, au conversatoire, ils ne te laissent pas vraiment explorer tes personnalités, enfin ta personnalité. Après réflexion, ça fait un peu « schizo ». En plus c’était dans les années 80-90, et du coup ils n’étaientt pas vraiment ouverts à la danse théâtre ; c’était plus du contemporain, du répertoire de Régis Obadia et du Cunningam, que du Pina Bauch. Du coup tu as donc une formation assez traditionnelle ; qu’est-ce qui t’as fait dévier? Je suis partie assez jeune de chez mes parents, et j’ai commencé à « bosser » dans le milieu de la nuit. Ce qui m’a vraiment fait découvrir le travail en danse théâtre, c’est le milieu gothique, fétichiste, sadomasochiste. Du coup, j’ai commencé à faire des performances et j’ai découvert un autre rapport au corps, dans une recherche plus esthétique pour moi, et une imagerie qui me définissait plus. Et de là, j’ai commencé à faire du théâtre. Comme j’ai commencé à parler, ca m’a donné envie de travailler ma voix et j’ai appris à chanter ; de là je me suis davantage inscrite comme performeuse que danseuse. Ça m’a amenée tout de suite à travailler et on me demandait, plus pour ma personnalité et pour mon univers particulier, que pour le fait d’être danseuse. C’est ce qui m’a permis de travailler avec Maria Beatty (réalisatrice new-yorkaise féministe) puis de rencontrer Karel Prugnaud. C’est vraiment elle qui m’a aidée à développer mon côté performeuse. En fait c’est assez amusant, j’ai passé beaucoup d’auditions sans jamais vraiment réussir, soit trop jeune, soit trop comme ci, pas assez comme ça, pas assez malléable peut-être. Et c’est avec le théâtre vraiment que j’ai véritablement commencé à danser. C’est parce que je travaillais pour le théâtre que je marchais en tant que danseuse. Considérant ce que tu viens de me dire, comment te vois-tu en scène et dans la vie et jusqu’où va la confusion ? Je suis appelée pour faire des choses qui me définissent. Souvent, ce sont des projets dans lesquels je suis nue parce que la nudité ne me pose pas de problème. On me demande de prendre des positions et de m’infliger des supplices et c’est vrai que c’est un peu mon créneau. Comme c’est moi aussi dans ma vie, il y a une sorte de calque qui se créé entre moi, ce que je suis et mon interprète. Ce que je suis dans la vie a rattrapé mon interprète et inversement. Ça me colle à la peau. Et ton rôle dans « Héroïne » ? Je suis mi femme, mi clown. Une femme objet, droguée sur une barre de pôle dance à l’intérieur d’une structure métallique. C’était très dur de rentrer dans un personnage grotesque, clownesque et de laisser de côté cette habitude sulfureuse même si je l’apporte avec moi. C’était vraiment prendre le contre pied et un gros, gros boulot d’interprétation et d’acceptation de choses dans lesquelles je ne m’identifie pas forcément, même si Eugène Durif avait écrit ce rôle pour moi. En même temps, j’étais vraiment très contente qu’un auteur contemporain ait pensé à moi et m’écrive un rôle.
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‘‘ I becam performer t danc
me more of a than a simple cer ’’
Interview MKR : Hi Anna. So, who are you? Tell us a bit about your background. Well, being a dancer and a performer I have followed a rather unusual path in life. I trained initially at the municipal drama school in Paris before a brief stint studying PE, then went back drama school Paris to study contemprary dance, classic dance and jazz. Because of my somewhat erratic behaviour and free spirit, I was kicked out before the final award ceremony – the whole drama school scene didn’t really suit me [laughs]. Was it the institutional side to it? Yeah, they didn’t really let you explore your personalities, or your personality even. Thinking about it, that sounds a little schizophrenic. Plus, it was in the 80s and 90s and they therefore weren’t really into Tanztheater. There it was more contemporary stuff, like Régis Obadia and Cunningham, more than, say, Pina Bauch. So therefore your training was reasonably traditional, what threw you offcourse? I left my parents’ house at quite a young age, and started ‘working’ during the night. What really got me into Tanztheater were the gothic, fetish and sado-masochistic scenes. So, I started performing and discovered a whole new relationship with my body through a search for a more aesthetic ‘me’. The old imagery didn’t defines me anymore. And from that point on I started performing on stage. I started to find my voice, and it motivated me to work on it, so I then learned to sing – from that point I became more of a performer than a simple dancer. I immediately found work, and I have the feeling that I was successful more for my personality and my peculiar character than just my dancing. That’s what led me to work with Maria Beatty (the feminist director from New York) and then to meet Karelle Prugnaud. It’s really her that helped me develop my performance skills. It’s actually pretty funny, I did so many auditions without really being successful. I was always either too young, or there was too much of this, not enough of that. Maybe I just wasn’t flexible enough. It’s really in the theatre that I started to dance. It’s because of my work with the theatre that the dancing started to happen. Taking into account what you just said, how do you see yourself on stage and in life in general, and is there any confusion between the two? It is my calling to do things that define me. Often it is projects where I am naked, because I have no problem with nudity. People also ask me to contort myself into certain positions and almost torture myself – it could be said that this is my niche. As I’m also like this in real life, my personality and on-stage character can often seem to be copies of one another. What I am in real life affects my performance on stage, and vice versa. It’s stuck to my skin. Tell us about your role in Héroïne. I am half a woman, half a clown. A female object suspended from a pole in a strip bar inside a metal structure. It was really difficult to enter into this grotesque, clown-like character and release this scandalous side to my character, even if it exists somewhere deep inside me. It took a real effort to force myself to do things that are unnatural for me and to represent a character that I didn’t necessarily identify with, even if Eugène Durif wrote the role for me. At the same time I was very happy that a contemporary writer had thought of me and actually wrote the part for me.
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La pièce traite de la destruction et de l’autodestruction. Comme la brèche entre ton personnage et toi est infime, comment as-tu fait pour te préserver ? Justement, c’était très difficile. Tu as ta personnalité, tu as ton personnage et tu te dois de prendre du recul, mais dans le travail, Karel et Lhacen Hamed Ben Bella (le chorégraphe), nous demandaient de puiser en nous. Je n’avais plus du tout de distance entre moi et mon personnage et c’était vraiment la méthode où on se cassait psychologiquement pour arriver à trouver cette violence et cet état. Après il ne faut pas confondre l’intensité de jeu et l’hystérie. En fait, tu t’inspires de ta personne que tu utilises mais tu restes un personnage quand tu es en jeu.
Comment as-tu commencé ton travail pour Eugène Durif et Karel Prugnaud ? J’ai d’abord tourné pour Karel dans un moyen métrage ; ensuite j’ai fait des performances avec de la terre glaise dans des charniers de cerfs, puis plus rien pendant deux ans. Karel m’a recontactée pour le projet « Héroïne » ; il m’a fait passer le texte en me disant « c’est pour août, pour le Festival d’Aurillac » et voilà, je me suis embarquée. Sans prétention, je pense qu’Eugène autant que Karel ont une fascination pour les parcours atypiques et les personnalités glissantes. Et comme la pièce parle beaucoup du milieu de la nuit, de la drogue, de la prostitution, ce sont des choses que j’ai côtoyées. « Héroïne », c’est aussi une représentation des héroïnes tragiques, dans leurs péripéties, dans leurs violences et dans leurs parcours. Ca me correspond, tout comme à Karel, car il y a une forme de Yin et de Yang entre nous ; nous sommes identiques sans l’être, de parfaits opposés. Et comment as-tu abordé ce rôle taillé pour toi ? Au début, j’étais très contente et puis j’ai rapidement déchanté (rires). C’était très dur, ça demandait vraiment beaucoup physiquement et mentalement. La pièce parle en partie de la vie de Karel et de nous aussi et c’était impactant émotionnellement ; je pleurais tous les jours, sans compter les enjeux liés au festival mais aussi vis-à-vis de nous-mêmes. Je crois que je n’ai jamais travaillé autant que sur cette pièce, que ce soit physiquement ou en matière de texte, ça n’arrêtait jamais. On nous a demandé énormément.
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Interview What kind of work were you doing for Eugène Durif and Karelle Prugnaud at the beginning? I firstly worked for Karelle in a medium-length film, then on some performances with clay in mass graves filled with deer, then nothing for two years. Karelle got back in touch for the Héroïne project: she sent me the script and said; “this is for the Aurillac festival in August”, and voila, here I am! Without trying to be pretentious, but I think that both Eugène and Karelle are fascinated by strange upbringings and dangerous personalities. I also think that they chose me because the play is set at night in a world of drugs and prostitution – a scene I have some experience of. Héroïne also represents tragic heroines: their rollercoaster lives, the violence and the special path they have chosen. That description fits me, and Karelle, because there is something of the Yin and Yang between us; we are identical without being alike, complete opposites. So how did you approach this role that was tailored to you? At the beginning I was incredibly happy, and then I rapidly became disillusioned [laughs]. It was really hard, and demanded a huge amount of me, both physically and mentally. The play partly dealt with Karelle’s life, and about us, and it impacted a great deal on me emotionally: I cried every day, not just about the stresses of the festival but also the emotional strains of the subject matter. I don’t think I’ve ever worked as hard as for this play, both physically but also intellectually on the script, I never stopped! It was extremely demanding. For example, it brought up all sorts of long-lost memories that I had spent a long time trying to forget. It was really tiring dragging up all those old thoughts and diving back into that seedy universe of self-flagellation. But at the same time, we did it, and it is great experience. I’ve definitely come out of it much much stronger and it has definitely added to my legitimacy as an artist: I can now say that I’ve put in the hard yards. The play is about destruction and self-destruction. Since the gap between you and your character is so tiny, how did you manage to preserve your ‘real’ self? Well exactly, it was very difficult. You have your personality, you have your character, and then you have to somehow keep a sense of perspective. But at work Karelle and Lhacen Hamed Ben Bella (the choreographer) were constantly asking us to draw inspiration from within ourselves. There wasn’t any distance at all between me and my character, and that was really the way to break us down psychologically so that we could reach the required state and find the necessary violence for the role. Then, it’s important not to confuse the intensity of the game with hysteria. You’ve got to somehow be inspired by the person within, but remember that you are just a character when on stage.
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Comment sort-on d’une telle pièce ? On n’en sort pas indemne. Après Aurillac, j’étais morte, fatiguée, éreintée mais contente d’être allée jusqu’au bout. La pièce traite de l’intime, de la vie de la metteuse en scène mais aussi de la nôtre ; j’ai mis quinze jours à m’en remettre. J’étais effondrée. On a échangé entre interprètes, on avait besoin d’une cure de désintoxe et quand on a reprit, on était préparé psychologiquement et physiquement ; du coup les dernières résidences se sont mieux passées, mon cuir était tanné. Ça a été aussi une très belle rencontre avec Bob X, un des interprètes, une vraie belle rencontre. Cette pièce, c’est un parcours du combattant, elle nous met dans une telle tension obsédante, nous vampirise, qu’il est difficile d’en sortir complètement. C’est un huit-clos extrêmement prenant où la jouissance du jeu est vraiment difficile à atteindre. Je me demande si à être trop soi sur scène, ça ne limite pas ? Ce qui n’est pas simple, c’est que c’est une pièce qui touche difficilement le spectateur car les personnages sont trop réels, sauf lorsqu’il y a du chant, on embarque le public, et on le touche. Le moment où je chante, on me dit souvent que c’est très sincère et touchant. En plus pour moi, c’est un des moments les plus orgasmiques de la pièce ; je prends vraiment mon pied. Et la suite de tes projets? Là, j’enchaine ; je vais commencer à travailler avec Juliette Dragon et « Le cabaret des filles de joies » donc plus rien à voir. J’aime beaucoup, un travail plus cabaret, plus féminin, sexy, glamour et léger. Après « Héroïne », j’ai plus envie de m’amuser, de danser pour des projets plus chorégraphiques et transcendantaux, de revenir à l’esthétisme pur. Pour conclure, d’après toi est-ce qu’il faut accoucher forcément d’un projet dans la douleur pour vraiment arriver à quelque chose de bien ? C’est ce que je croyais au début. Pour faire un parallèle, dans le SM, on s’imagine que c’est violent, mais en fait les pratiquants sont souvent de « gros nounours » ; c’est même un peu le monde des « bisounours ». Je veux dire par là que c’est la sensation qui amène aux plaisirs qui est importante. Je pensais que dans la douleur, il y avait une force créatrice, mais finalement c’est de la destruction pure, alors que dans la création, il y a une chose qui domine, c’est la construction. Merci Anna pour cet entretien, j’ai passé un très bon moment en ta compagnie et espère te suivre très bientôt pour d’autres projets.
Pour suivre le Projet « Héroïne » et la compagnie L’envers du décors : http://www.cie-enversdudecor.com/heroine.html
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Interview
How do you deal with the aftermath of a play like that? You definitely don’t get out of it unscathed. After Aurillac I was completely dead – tired and washed up emotionally – but also happy to have followed things through to the end. The play dealt with the intimate, with the director’s life, but also our own. It took me a fortnight to recover – I was completely knackered. But yeah, between us artists we needed some rehabilitation, and when we started again this time we were psychologically and physically prepared. So therefore the last few shows went a lot better, my skin had hardened. It was also really nice to meet Bob X, one of the other performers, really nice. This play really was a combative process – it caused an obsessive tension within us, sucked our lifeblood, and was therefore really difficult to get out of it. It was an extremely absorbing behind the scenes, and it was really very difficult to enjoy what we were doing. Does being ‘yourself’ on stage limit you in any way? The difficulty is that it’s a play that really affects the audience because of the realness of the characters. Except when there is a song, where we engage with them and try to influence them. At the point where I sing, people often tell me that I sound very sincere and moving. For me, it’s also one of the most orgasmic moments of the play; I really get off on it. What are you doing next? I’m moving on; I’m going to start working with Juliette Dragon in “Le cabaret des filles de joies”, so, something completely different. I’m really looking forward to working on something a bit more cabaret-style – feminine, glamorous, sexy and light. After Héroïne I would prefer to have fun and to dance in more choreographed and transcendental projects, rather than returning to this pure aestheticism. So to finish, do you think that creating a project has to be a painful experience for something good to come of it? That’s what I thought at the start. Here’s a parallel: in S&M, we imagine that it is violent, but in fact the actual participants are often big teddy bears. What I mean by that is that the sensation that leads you to your pleasures is important. I thought that within pain there was a creative force, but at the end of the day it is pure destruction. In creation there is one force that dominates, and that is construction. Thank you, Anna, for this interview. I had a really nice time in your company and I hope to see you again soon, perhaps working on other projects.
To find the Héroïne project and the Envers company online, go to: http://www.cie-enversdudecor.com/heroine.html
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Araki bondage, Les ficelles du désir
N
obuyoshi Araki fascine par ses photographies sulfureuses et vicieuses. Travail pulsionnel sur le sexe, la mort et les fleurs, Araki a publié pas moins de 450 livres au cours de sa carrière. Vieil obsédé sexuel ou obsession photographique tout court, son oeuvre présente un savant mélange de tradition en kimono et de kinbaku-bi (bondage érotique). Les contradictions de la société japonaise sont ainsi révélées au grand jour, non sans humour, où s’embrasser en public relève de l’indécence. La pratique du Bondage remonte à la période Edo (1603-1868) où la corde, symbole de la loi, apparaît comme le châtiment ultime. Cependant, la technique du bondage a depuis très longtemps trouvé un écho auprès des arts, notamment dans la figure de la jeune femme en détresse, ligotée par son bourreau. La mythologie offre à voir des figures féminines liées et attachées comme Andromède, Hésione ou encore Thétis. Une situation de dominant / dominé est dès lors mise en place où ces scènes, pouvant relever du genre sado-masochiste, organisent un désir transgressif, pulsionnel et excessif. Regard lubrique, humoristiques mais jamais sadiques, les photographies d’Araki offrent à voir un Japon traditionnel confronté au basculement d’une société dans les affres de la modernité et l’occidentalisation poussive. Le médium photographique soutient une démarche artistique hautement autobiographique où Araki capte sa vie en une oeuvre d’art à part entière. La figure de la femme, de l’épouse aimée mais décédée, permet au photographe de développer une réflexion autour de la notion de féminité et de sexualité dans une société en constante évolution. L’apparente soumission d’un sujet, offerte au désir et fantasmes de l’artiste, illustre l’enchaînement des mentalités fortement ancrées dans des conventions sociales et morales paralysantes. Pour Nobuyoshi Araki, la photographie est avant tout un véritable corps à corps, « une relation physique entre un homme et une femme, comme une relation amoureuse. « Au delà de la posture obéissante et servile du modèle, la photographie est le résultat d’une relation intime et égale entre le sujet et l’artiste, une chorégraphie partagée d’un acte sexuel transcendé et finalement sublimé. Il n’est pas question ici de souffrance mais de corps ouvert et éprouvé par le désir et le besoin de l’autre. Carnets photographiques érotiques, ces clichés traduisent l’art érotique du bondage ( dit aussi la beauté du lien étroit) mais également un émouvant hommage à sa femme décédée. Considéré comme l’enfant terrible de l’art japonais, Araki investit la frontière délicate entre la souffrance et le plaisir. Considérant que pour faire une belle photo d’une femme, il fallait coucher avec elle, les clichés de ces femmes suspendues dans les airs, rattachés aux cordes qui les enserrent et les maintiennent prisonnières, déploient la sublimation d’un corps possédé et fantasmé. La beauté du travail de Nobuyoshi Araki émane de ce que le bondage est sujet pour une mise à nue esthétique et plastique du corps. La peau tenaillée, serrée, entravée par ces cordes s’offre au regard du spectateur indiscret que nous sommes, réveillé par ces images libidinales et follement érotiques.
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Culture
Marie de Touchet Translation by Rhiann Pask
Š Araki
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Š Araki
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Culture
Araki bondage, Strings of desire
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obuyoshi Araki fascinates us with his lurid and salacious photographs. Driven instinctively towards the themes of sex, death and flowers, Araki has published no less than 450 books over the course of his career. Whether viewed as a sex-obsessed old man or an artist with a photographic obsession, his work reveals a clever mix of traditional kimonos with kinbaku-bi (erotic bondage). The contradictory nature of Japanese society, where kissing in public is considered indecent, is thus revealed for all to see with a certain tongue-in-cheek sense of humour. The use of Bondage dates back to the Edo period (1603-1868) when the rope, symbol of law, was considered the ultimate form of punishment. However, bondage has, for a long time, found a home in the Arts, in particular in the image of the damsel in distress, bound by her tormenter. Mythology presents us with female figures tied and tethered such as Andromeda, Hesione or Thetis. A position of dominator/ dominated has henceforth been established, where these scenes which might be called sado-masochistic, highlight a transgressive, instinctual and excessive desire. Lecherous expression, humorous but never sadistic, Araki’s photographs display traditional Japan confronted with the tilting of a society into the throes of modernity and slow-going Westernization. The photographic medium supports a highly autobiographical artistic approach in which Araki captures his life in a complete work of art. The female figure, of the wife who was loved but died, allows the photographer to develop his thoughts on the notion of femininity and sexuality in a constantly-evolving society. The apparent submission of the subject to the artist’s desire and fantasies, illustrates the transition of mentalities deeply-rooted in paralysing social and moral conventions. For Nobuyoshi Araki, photography is above all a veritable hand-to-hand combat, “a physical relationship between a man and a woman, like a romantic relationship.” Beyond the obedient and servile posture of the model, the photograph is the result of an intimate and equal relationship between the subject and the artist, a shared choreography of a transcended sexual act which becomes sublime. The issue here is not suffering but rather a body open and felt through the desire and the need of the other. Erotic photographic diaries, these snapshots convey the erotic art of bondage (also known as the beauty of tight binding) as well as a moving homage to his deceased wife. Known as the enfant terrible of Japanese art, Araki attacks the fine line between suffering and pleasure. Considering that in order to take a beautiful photograph of a woman, one had to sleep with her, the snapshots of these women suspended in mid-air, tied up with ropes which bound them tightly and hold them prisoner, display the sublimation of a body possessed and fantasized about. The beauty of Nobuyoshi Araki’s work emanates from the way bondage lays bare a body’s beauty and form. Pinched, squeezed, and fettered by these ropes, the skin is presented to us, indiscreet spectators, and we are awakened by these libidinal and terrifically erotic images.
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Mixtape AZF AZF a un style brut et cash, ses sets techno sont rarement emprunts d’humour et de légèreté mais plutôt de puissance, avec parfois même une forme de brutalité, qui dans une veine punk, insuffle une énergie libératrice. Depuis un peu plus d’un an, on l’a vue sévir aux cotés de Teki Latex, Noob, Sam TIba ou encore Crackboy, artiste qui a sorti fin janvier son Ep Crackwood sur le label I’m Cliché et dont elle nous livre à 14,45’ le track Apes en featuring avec Claude Violante. Une mixtape qui ne vous endormira pas, bien au contraire, elle est le fruit d’énergie et d’engouement pour le début de votre journée ou de votre soirée.
AZF possesses its own row and direct style. Its own techno sets are rarely humoristic and light but rather powerful, sometimes even with a kind of toughness, and sounds a bit punk. It gives birth to a powerful energy that sets you free. For less than one year, AZF has been working in collaboration with Teki Latex, Noob, Sam Tiba or even CrackBoy, who released its EP Crackwood on the I’m Cliché record label in January. AZF makes us discover the Apes track featured with Claude Violante at 14.45mins. This mixtape will definitely keep you awake, on the contrary, if you are eager to get good energy and craze to start your day or to end it, be sure not to miss it !
ECOUTER / LISTEN
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Music
Playlist by Guillaume Lanier Holstenwall / Guilt of Memories
Lapalux / Without You
https://soundcloud.com/holstenwall
https://soundcloud.com/lapalux
Anika / In the city
Dream Koala / Ocean
https://soundcloud.com/dreamkoala
Š soundcloud
http://anika.bandcamp.com
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Le Spa du Bulgari Hotel & Resorts London s’impose comme l’un des spas les plus grands et les plus prestigieux du cœur de la capitale britannique. Imaginé par le cabinet d’architectes Antonio Citterio, Patricia Viel & Partners et bénéficiant d’une vaste superficie de 2.000 m², le Spa Bulgari reflète le parti pris architectural de la maison : un style italien contemporain qui puise son inspiration dans le riche patrimoine de Bulgari. Disposé sur deux niveaux, le spa dévoile une piscine de 25 mètres ornée de carreaux de mosaïque aux nuances scintillantes vert et or ainsi qu’un jacuzzi entièrement paré de mosaïque dorée à l’or fin. La pierre de Vicenza et le raffinement des associations chromatiques, entre tonalités « cognac » ambrées et nuances de verts qui ponctuent l’espace, sont propices à la détente et au calme absolus, à l’évasion totale, loin de l’effervescence citadine du quartier de Knightsbridge.
The spa at the Bu
spas at the heart of th
Viel & Partners, th
theme of the rest of th
heritage. Set over t
shimmering green and g
stone, the cognac am
atmosphere of relaxatio
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Zoom
ulgari Hotel has established itself as one of the grandest and most prestigious
he English capital. Conceived by the architectural firm Antonio Citterio, Patricia
he Bulgari spa covers a vast area of 2,000m². Aesthetically, it reflects the general
he house – a contemporary Italian style that takes inspiration from Bulgari’s rich
two floors, the spa boasts a 25m swimming pool decorated with a tiled mosaic of
gold, as well as a Jacuzzi adorned with a gold leaf mosaic. Crafted from Vicenza
mber tones and nuanced greens that permeate the walls are perfectly suited to the
on and absolute calm, of total escape, far from the metropolitan hustle and bustle of Knightsbridge outside.
The Bulgari Hotel London 171 Knightsbridge, SW7 1DW. +44 0207 151 1010 http://www.bulgarihotels.com/en-us/london/spa-and-fitness/spa-fitness
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RA a été créée en 2009 à Anvers comme une plateforme destinée à soutenir les jeunes artistes et les créateurs de mode indépendants. Au cours des deux dernières années, RA a continué de proposer une série d’expositions internationales, dévoilant des messages uniques à une sphère culturelle plus large. Le fil directeur de tous les artistes est leur utilisation commune de la mode comme moyen d’expression de leur univers, créant ainsi des pièces qui transforment ceux qui les portent, franchissant souvent le domaine de l’art portable.
RA was initiated in Antwerpen in 2009 as an enterprise to support young artists and independent fashion designers. Throughout the last two years, RA has continued to show a series of international exhibitions to carry their unique messages to a wider cultural sphere. The common thread between all our artists is their use of RA Antwerp: Kloosterstraat 13 Antwerp 2000, Belgium RA Paris: 14 rue de la Corderie 75003 Paris, France www.ra13.be
fashion as a medium to express their worlds – creating pieces that transform their wearer, often crossing into the realms of wearable art.
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Traditionnellement connu pour ses pliages en relief en papier blanc, l’artiste allemand Simon Schubert puise ses inspirations dans le surréalisme et les œuvres de l’écrivain Samuel Beckett. Il présente à la galerie Franz Van der Grinten une installation réalisée en pliages intitulée « Das Carbinett » (jeu de mot entre « cabinet » et « carbonisé »). A ses pliages d’une blancheur immaculée succède ici une imagerie liée à la destruction et à la consumation, le tout sur fond de graphite.
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Traditionally known for his paper creases and folds, German artist Simon Schubert takes his inspiration from surrealism and Samuel Beckett’s works. At the Gallery Franz Van der Grinten, he shows an installation made of paper creases called « Das Carbinett » (play on word mixing « cabinet » and « burn »). Following his white paper folds, the exhibition displays an imagery linked to the ideas of destruction and burning on a base made of graphite.
Simon Schubert at Van der Grinten Galerie Franz & Nadia van der Grinten St.-Apern-Straße 17-21 50667 Köln
Le W Paris-Opéra offre une expérience entièrement innovante avec ses 91 chambres stylées, dont 20 suites et deux suites Extreme WOW (l’interprétation de la suite présidentielle chez W). Le restaurant Arola de l’hôtel, du nom de son chef étoilé au guide Michelin Sergi Arola, marque les débuts de ce dernier en France. L’hôtel offre des vues spectaculaires sur l’Opéra Garnier depuis le rez-de-chaussée et les mezzanines, notamment depuis l’espace salon W Lounge, qui invite les clients à se retrouver, faire connaissance et se détendre dans un esprit de convivialité et d’élégance. W Paris-Opéra propose un centre de fitness SWEAT® dernier cri, ainsi que des salles de réunion et de réception d’un luxe raffiné.
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W Paris – Opéra offers a completely innovative experience with its 91 stylish rooms, including twenty suites and two Extreme WOW suites (W’s interpretation of Presidential Suite). The hotel’s Arola Restaurant is headed up by two-starred Michelin Chef Sergi Arola, and it is his first restaurant in France. The hotel offers specatuclar views of the Opéra Garnier from the ground floor and the mezzanines, and especially from the W Lounge space which allows customers to meet, get to know each other and relax in a friendly and sophisticated atmosphere. Customers can also enjoy W Paris – Opéra’s cutting edge SWEAT® Fitness Centre, as well as luxurious meeting and reception rooms.
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W Paris - Opéra hotel 4 rue Meyerbeer, 75009 Paris (33)(0)1 77 48 94 94 www.wparisopera.com/
Quentin de Ladelune
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Rami Al Ali - www.cristofolipress.fr Alibellus - www.cristofolipress.fr Karuna Balloo - www.karunaballoo.fr Sonja Bischur - www.cristofolipress.fr BLACKCHAPEL - www.blackchapel.fr Rita & Zia Black Line - www.rita-zia.com Bulgari hotel www.bulgarihotels.com/en-us/london/spa-and-fitness/spa-fitness Cadolle - www.cadolle.com Cervin - www.cervin.fr Steffie Christiaens - www.steffiechristiaens.com Ciccarelli Jewels - www.ciccarelli.fr Bernard Delettrez - www.cristofolipress.fr Hippy Garden - www.hippygarden.com Andrew Gn - www.andrewgn.com Galerie Van Der Grinter - www.vandergrintengalerie.com Rad Hourani - www.radhourani.com IRO - www.iro.fr Christian Lacroix Maison pour Designers Guild
-
www.designersguild.com/fabric-and-wallpaper-showroom/christian-lacroix Fred Marzo - www.fredmarzo.com Mise en Cage - www.misencage.com Pellessimo - www.pellessimo.tm.fr Propagande Noire - www.propagandenoireclothing.com RA - www.ra13.be De Roval Champagne - www.deroval.com Scho - www.schocollection.com Simon Schubert - www.simonschubert.de Y. PROJECT by Yohan Serfaty - www.yproject.fr Sprung Frères - www.sprungfreres.fr Sylvia Toledano - www.sylviatoledano.com Alexandre Vauthier - www.alexandrevauthier.com Tobias Wistisen - www.leclaireur.com/en/designers-en/tobias-wistisen W Opera Paris Hotel - www.wparisopera.com
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Humanity act two - April 2013