mémoire - L'architecture participative aujourd'hui

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L’architecture participative aujourd’hui Dossier de Presse Isis ROUX PAGES mai 2010

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_Architecture : Histoire et Théorie _L6H1 _Dossier de Presse _Isis Roux-Pagès


L’architecture participative aujourd’hui Introduction - 4 première partie _fondements théoriques et historiques - 6 ///Fondements théoriques - 6

définition de la participation références théoriques

///Aperçu historique de la participation

-8

Yona Friedman, théoricien de la participation projets exemplaires de participation

deuxième partie _anatomie architecturale - 11 ///Présentation des projets - 11 engagement citoyen ou nécessité ?

environnements géographiques

///Forme et échelle urbaines

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petite échelle et grande densité modularité et extensibilité

///Matériaux et mise en œuvre «high-low tech»

- 12

recyclage et réemploi 2

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matériaux naturels mise en oeuvre écologie et soutenabilité

troisième partie _portée politique, sociale et économique - 16 ///vers une autonomie politique et économique - 16

lutter contre l’exclusion enrayer un système politico-économique inégalitaire désengagement de l’état et coût des projets

///dynamiques et impacts sociaux - 18

maîtrise d’ouvrage collective et programmation des acteurs mixtes moteurs du projet des agences d’architectures pas comme les autres une révision du rôle de l’architecte du processus de concertation et de co-conception impacts sociaux et identitaires : vers une reconnaissance indivi duelle et collective

conclusion - 23 annexes - 25

liste des projets de référence bibliographie

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Introduction «La satisfaction du futur habitant est la raison d’être de la construction d’un objet architectural et cette satisfaction future, c’est-à-dire la satisfaction des désirs de l’habitant a en principe priorité. Mais nous vivons dans un système socio-économique fondé sur une telle spécialisation des connaissances que le cas de l’habitant constructeur ou même simplement concepteur de l’objet architectural devient exceptionnel.»1 La plupart du temps, la spécialisation du rôle de l’architecte et sa primauté dans le projet architectural garantissent une production rationnelle et uniformisée de bâtiments, bien souvent sans aucune préoccupation pour les goûts et les coutumes des futurs usagers. Si «l’architecture sans architecte», ou auto-construction, atteste d’une expression de soi, de valeurs, d’une culture, ou d’une identité, qu’en est-il de la prise en compte, voire de la participation de l’individu dans la pratique contemporaine du projet d’architecture ? Quelle part d’appropriation peut aujourd’hui laisser l’architecture à l’usager, à l’habitant ? Cette dimension sociale de l’architecture semble s’exprimer actuellement dans les processus de concertation et de participation que mettent en place toute une diversité de projets, du Chili en Alabama, de Paris à Cape Town. Aux antipodes de la conception moderne d’un homme-machine habitant un espace standardisé, l’intérêt pour l’identité des usagers dans la fabrication de leur architecture a commencé à émerger en Europe au début des années 1950 avec le CIAM IX et a donné lieu, depuis, à de nombreuses expérimentations, comme à de nouvelles conceptions architecturales. Aujourd’hui, des expériences de participation se déroulent dans le monde entier et semblent découler de deux types de nécessités ; celle du développement des communautés paupérisées où l’urgence sociale et le besoin de se loger appellent une conception économique et innovante, s’inspirant des savoir-faire locaux ; et celle, plus informelle et venant d’acteurs mixtes, de se réapproprier l’espace urbain en vue de créer des espaces de vie collectifs, alternatifs et écologiques. L’engagement militant, la modification du rôle de l’architecte, la mise en place d’un processus de concertation et l’utilisation de matériaux recyclés ou «pauvres» sont des constantes dans ces pratiques émergentes qui ont pour objectif, directement ou indirectement, de replacer l’homme au coeur de la société et de la fabrication de la ville. Là où les politiques publiques ont abandonné le sort des habitants

1. Yona Friedman, l’architecture de survie.

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et des villes, des «collectifs» et des «ateliers» d’architecture tentent d’accompagner la création d’espaces informels en réactualisation un discours critique sur l’architecture. Et parce qu’ils introduisent un nouvel acteur dans la construction du bâtiment, ces projets ont vocation à modifier les traditionnels modèles économiques, à faire apparaître des pratiques alternatives et accessibles, et à affirmer la notion émergente de «maîtrise d’usage», vers une nouvelle culture du projet ?

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Peter and Alison Smithson, vision pour Berlin

FONDEMENTS THÉORIQUES ET HISTORIQUES

///Fondements théoriques Bien que souvent les projets d’architecture participative soient commandés par l’urgence sociale et économique et en cela relèvent de l’action plus que de la réflexion, on peut néanmoins en retracer une certaine généalogie théorique et historique. définition de la participation «Action, fait de prendre part à quelque chose», mais aussi «droit de regard des membres d’une communauté sur son fonctionnement», la participation est une action inclusive qui implique des notions de collaboration et de partage. D’une façon plus précise, un processus participatif en architecture se définit comme un processus de conception d’un objet architectural dans lequel les habitants sont impliqués de manière active. Depuis les années 70, la profession des architectes s’inscrit dans un mouvement de socialisation de l’architecture. Dans le contexte de la réforme des Beaux-arts, et un peu plus tard du mouvement politique de 1968, une génération d’étudiants et d’enseignants en architecture s’est interrogée sur la dimension sociale de l’architecture et sur la formation des architectes. Parmi les situations contribuant à cette socialisation de l’architecture, la « participation des habitants » a fait l’objet de nombreuses expérimentations, des architectes ayant été amenés à contribuer aux projets d’associations et de collectifs d’habitants. Quelques architectes ont ensuite fait de cette expérience à caractère militant une compétence spécifique.

références théoriques

Il semble que les fondements de l’architecture participative correspondent à un mouvement de remise en cause et de critique du rationalisme et du moder6

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nisme, dans la mesure où celui-ci n’a pas su répondre aux attentes des usagers. C’est, d’ailleurs, au cours du dernier CIAM que les préoccupation des architectes s’étendent au logement des pays en voie de développement, à «l’habitat pour le plus grand nombre» et à l’importance du contexte local. Candilis et Woods, futurs membres de Team X, y exposent leur grille d’analyse comprenant une étude des taudis de Casablanca et mettant en valeur les richesses symboliques de l’architecture traditionnelle ou « vernaculaire ». La formation de Team X, concomitante au CIAM X, instaure à l’aube des années 1960 un travail en contrepoint des principes de ville fonctionnaliste du mouvement moderne. Leur approche spécifique du site les amène à rejeter la tabula rasa, tentant la synthèse inédite du moderne et du vernaculaire, du spontané et du classique. La participation et l’appropriation des lieux par ses habitants sont demeurées longtemps des questions récurrentes à Team X. Ce thème de la participation faisait écho à leur conviction que l’architecte devait être au service de la société, de l’usager ou de l’habitant, et que l’architecture moderne devait permettre à chacun de s’approprier effectivement les lieux et d’y construire son identité. Dans la mesure où ces projets tiennent de l’utopie sociale et d’une recherche d’alternative politique et économique, on peut également penser que les mouvements contestataires issus des années 1970 inspirent, directement ou indirectement, ces nouvelles pratiques, qui contiennent pour certaines une dimension militante affirmée. Après les événements de 1968 en France, les mobilisations et les luttes urbaines se sont développées de manière plus drastique, impulsant des réflexions sur les mouvements coopératifs et participatifs de la planification urbaine. Les expériences auto-gestionnaires se multiplient, comme radicalisation du processus démocratique contestataire. Les combats des années 70, loin d’appartenir à un passé définitivement révolu, restent en réalité d’une brûlante actualité et leurs acteurs sont les mêmes qui, aujourd’hui, animent les mouvements altermondialistes. La prise en compte de l’urgence sociale et environnementale actuelle tient une grande part dans la motivation des projets de participation, qui baignent dans une culture alternative affirmée et se réclament d’un mouvement de solidarité internationale. Cette prise de conscience commence dès le début de la phase néolibérale, au début des années 80, dans les pays du Sud avec les luttes contre la dette, le FMI et la Banque mondiale. Le mouvement altermondialiste est porteur d’un nouvel espoir : « un autre monde est possible » ; c’est dans cette conception d’un monde alternatif que se construit une riche culture participative aujourd’hui

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Yona Friedman, modèle de ville spatiale

dans le monde entier, grâce notamment à la mise en réseau des informations. Cette culture véhicule des valeurs de respect des identités locales, des environnements naturels et des systèmes sociaux, et appliquée au design architectural, milite pour la résistance, la soutenabilité, l’autosuffisance, et l’auto-organisation. « A mesure que s’éloigne l’Europe, les situations se font plus tranchées, jusqu’à dessiner des figures sans nuances. Les écarts grandissent, entre richesse obscène et dénuement radical. La distension d’échelle souligne brutalités et iniquités, donne la mesure ou plutôt la démesure de ces écarts » Jean Paul Robert, architecte

///Aperçu historique de la participation

Yona Friedman, théoricien de la participation

Yona Friedman, né en 1923 à Budapest, est un architecte aux conceptions futuristes. Il pose, dès les années 1970, des principes d’auto-planification en rupture avec le rôle dévolu traditionnellement à l’architecte : celui-ci n’est plus le concepteur organisateur mais il est un consultant fournissant des connaissances en écologie. «J’ai considéré que l’architecture devait se faire avant tout pour les autres. J’ai donc réfléchi sur l’adaptation de la proposition architecturale à la demande des gens. La meilleure manière de faire étant de laisser l’habitant trouver lui-même la solution.» dit Friedman. Le concept d’architecture mobile que propose Yona Friedman concilie production de masse et habitat personnalisé. Les éléments produits industriellement sont ordonnables par l’habitant lui-même. Appliqué à l’échelle de la ville, la notion d’architecture mobile engendre bientôt celle de ville spatiale. Les constructions doivent y être démontables et déplaçables, transformables à volonté par l’habitant. La ville spatiale est une structure surélevée de 35 mètres au dessus du sol par un système de pylônes. L’habitant déplace librement son habitat dans le cadre de la trame ainsi mise en place, la cité est un vaste damier comportant toujours le même nombre de cases vides, mais ces cases, vides ou pleines, ne sont pas toujours les 8

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Hassan Fathy, le théâtre de New Gourna

mêmes les cellules habitables se regroupant ou se subdivisant suivant les besoins des habitants. La ville spatiale est superposable à n’importe quelle autre ville. Les pylônes contiennent les circulations verticales (ascenseurs, escaliers). Les concepts d’architecture mobile et de ville spatiale, amèneront Yona Friedman au cours des années 1970 à des propositions visant à associer des modes de construction autochtones et des structures modernes pour résoudre les problèmes d’habitat dans les pays en voie de développement. Il passe ainsi du système des planchers et cloisons amovibles de sa première structure des années 1950 à des système faisant usage des matériaux locaux tels que les déchets industriels ou le bambou vers 2000. Yona Friedman ne se considère cependant pas comme utopiste, arguant que ses projets qui sont présentés à des concours internationaux importants sont d’une technicité reconnue et que ses enseignements ont eu des retombées pratiques sur l’urbanisme et que certains projets ont fait l’objet d’une construction réelle (exemple de l’application de ses principes d’auto-planification au Lycée Bergson d’Angers).

projets exemplaires de participation

Hassan Fathy est né en 1900 à Alexandrie, et est diplômé en architecture de l’Ecole Polytechnique de l’Université du Caire. Dès la fin des années 30, il s’intéresse aux traditions indigènes de son pays, à l’authenticité culturelle du monde rural qu’il opposait au désordre, et à la corruption engendraient pour lui les techniques et les modèles importés d’Occident. Rejetant ces canons qu’il jugeait peu adaptés aux pays en développement Hassan Fathy se tourne vers les traditions vernaculaires, défend un mode de vie communautaire et le principe de l’autoconstruction, avec la participation active des pauvres à l’édification de leur village. En 1941 il découvre la technique des maçons nubiens qui permet de monter voûtes et coupoles sans coffrage. A l’occasion de la construction de New Gourna (1946-1947), il démontre les qualités économiques et plastiques de la brique de boue comme ses vertus thermiques. Il réalise un ensemble de maisons, un théâtre, une mosquée et un marché d’une unité et d’une qualité remarquable. Il utilise le matériau millénaire : la brique de boue et forme sur le chantier des paysans-maçons. Chaque solution retenue est une réponse précise à un problème donné : voûtes

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Lucien Kroll, «La Mémé»

nubiennes, maîtrise de l’ensoleillement et de la ventilation par des moyens simples, accessibles à une économie pauvre. Le village devait être un prototype et au lieu de souscrire à l’idée d’utiliser un nombre restreint de typologies, Hassan Fathy décide de chercher à satisfaire les besoins individuels de chaque famille, une philosophie qu’il expose au grand large dans son ouvrage le plus fameux : «Construire avec le peuple». Conscient que les modèles culturels et technologiques importés de l’Occident sont inopérants pour résoudre cette lancinante équation socio-économique de la pauvreté ; l’alternative qu’il propose nécessite d’utiliser au mieux, in situ, les seules ressources locales. Lucien Kroll, né en 1927 à Bruxelles, est architecte et urbaniste diplômé en 1951 de l’École Nationale de la Cambre (Bruxelles). En 1953, il ouvre un atelier indépendant qui, dès sa fondation, a constamment obéi à son intention écologique plutôt qu’à l’affirmation d’une architecture spécifique. Cela suppose le refus de l’industrialisation brutale, le refus des urbanisations abstraites et des opérations uniquement commerciales ou uniquement autoritaires, le refus des hors d’échelle monumentaux ; cela propose surtout la participation des habitants à la conception de leur urbanisme et de leur architecture. L’AUAI (Atelier d’Urbanisme, d’Architecture et d’Informatique) s’occupe de groupes de logements sociaux, évidemment tous différents, de bâtiments publics sans répétition d’éléments identiques, parfois de choix d’éléments traditionnels qui invitent les habitants « moyens » à s’y reconnaître. Il est notamment l’auteur d’une partie importante du campus de WoluweSaint-Lambert de l’Université catholique de Louvain. C’est au cours des années ‘70, que les étudiants en médecine ont proposé à leurs autorités académiques de projeter leur architecture, à leur image. Les pratiques sont écologiques : «bio car nous traitions du mouvement de la vie et non de l’objet seul, psycho car les tendances personnelles étaient plus prégnantes que les techniques et socio car il importait de bien montrer les relations qui tissaient le milieu et non les schémas analytiques qui le contraignaient dans une forme officielle. Complexité des images et des espaces, mélanges des usages compatibles, mobilité des lieux devant la créativité communautaire des habitants, matériaux assez ordinaires, techniques ouvertes (et non brutales), refus de répétitions absurdes d’éléments identiques, séparation des supports et des apports, agglomération de composants préfabricables qui diversifient le paysage. Ceci a enfin produit une autre image de l’architecture. 10

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ANATOMIE ARCHITECTURALE

///Présentation des projets

engagement citoyen ou nécessité ?

Même si le trait commun de tous les projets sur lequel cette étude s’appuie réside dans le caractère participatif de leur processus de conception et/ou de construction, ils diffèrent nettement dans leurs motivations originelles. La majorité tente de remédier au problème du logement et à tous ses corollaires : habitat insalubre, illégal et dangereux, surpopulation, insécurité, pauvreté et endettement... Non pas par des recettes standards «venues d’en haut», mais plutôt en instaurant un dialogue avec le futur habitant, qui s’appropriera son projet au cours de la phase de conception, voire de construction. En créant les moyens d’une vide décente, l’architecture devient un levier favorisant la remise sur pied de l’individu et des familles. L’évolution de l’économie, qui favorise l’augmentation de la pauvreté sur la planète, ne fait hélas que rendre cette démarche nécessaire au Sud comme au Nord, dans les pays en voie de développement comme dans les pays industrialisés. L’action de l’Elemental Team, au Chili et celle de Rural Studio en Alabama (Etats-Unis) en témoignent. Mais certains projets s’appuient sur la nécessité de reconquérir les espaces urbains délaissés ou «mal utilisés», dans des métropoles de pays industrialisés où des groupes de citoyens souhaitent en affirmer l’utilisation collective. Ces projets, plus éphémères et plus informels n’en sont pas moins plus politiques, dans la mesure où ils attestent d’une volonté de reprendre le contrôle sur la fabrication de la ville et de sa dimension sociale. Se réapproprier les vides urbains signifie alors créer des espaces de coopération sociale, d’expression politique et de partage culturel. Le rôle de l’architecte, ici, est d’accompagner les micro-processus locaux dans les milieux urbains où les décisions sont prises au nom d’intérêts économiques privés et de mécanismes politiques centralisés inadaptés aux mobilités territoriales actuelles.

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Favelas de Rio

environnements géographiques

La majeure partie des projets passés en revue s’implante dans des zones urbanisées, quartiers périphériques d’habitation de métropoles en développement ou centres urbains de capitales européennes. Favelas de Rio, townships du Cap, bidonvilles, zones de frontière mexicaine ou quartiers centraux de Paris, beaucoup de ces implantations appuient le caractère dense et conflictuel de leur géographie. Les problématiques urbaines de ces projets sont typiques : pression foncière, expansion effrénée, dégradation des espaces publics, difficulté d’accès aux réseaux et au centre-ville, exclusion des populations modestes et une ingéniosité rare est déployée pour y répondre. Cependant, quelques exemples montrent la mise en oeuvre de processus de concertation et de participation au sein de projets ruraux, adaptés à des communautés de villageois pauvres mais confortant leur localisation et cherchant à améliorer les conditions de vie rurale, souvent dévastées par la perte de vitesse de ces territoires. C’est le cas du projet d’Anna Heringer au Bangladesh ou des interventions du Rural Studio aux Etats-Unis, qui cherche à répondre à la précarité des habitants du compté de Newbern.

///Forme urbaine et échelle

petite échelle et grande densité

Les projets conçus et élaborés avec le concours d’un architecte mais résultant d’une volonté citoyenne sont souvent des petits projets : ensemble d’habitations à l’échelle d’un quartier ou d’une communauté, centre communautaire, ou investissement d’un interstice urbain. La terminologie utilisée par les architectes en est d’ailleurs un indice pertinent : «tactique urbaine», «acupuncture» sont des expressions couramment employées pour définir le type d’intervention, qui se veut à l’opposé d’une démonstration de force de grande ampleur. Ces projets proposent des modèles d’urbanisation nouveaux, avec une réelle gestion de la question de la densité. L’expansion est pensée de manière 12

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«manufacturated sites» Teddy Cruz

verticale plutôt qu’horizontale, comme en atteste la démarche d’»habiter les squelettes» de Coloco, au Brésil, ou du DESI (Dipshikha Electrical Skill Improvement)au Bangladesh, où, contrairement à la majorité de l’habitat bangladais qui ne comporte qu’un seul étage, le projet s’est fait sur deux niveaux afin d’économiser du foncier. Cette densité est nécessaire dans les environnements de type bidonville à Rio comme en Afrique du Sud, où le foncier est indisponible, et salutaire dans les villes européennes où l’enjeu est de conserver une proximité entre espaces de vie et espaces collectifs.

modularité et extensibilité

L’adaptabilité est une condition sine qua non dans des projets qui s’implantent dans des environnements urbains mouvants comme les favelas. En effet, la notion de temps, corollaire de «l’organisme vivant» qu’est le quartier, est indissociable de la mise en place d’une nouvelle tactique urbaine. L’habitat se doit d’être modulaire afin d’accueillir le plus souplement possible les usages futurs, tout en modifiant le moins de matière. Ceci est particulièrement vrai pour les squelettes d’immeubles réinvestis par les habitants qui y auto-construisent leur logement et les améliorent au fur et à mesure de leur possibilités économiques. Néanmoins, l’aspect flexible des constructions est une des données de base de l’architecture participative, car il garantit l’évolution des usages, une densification progressive et une collaboration vraiment communautaire.

///Matériaux et mise en œuvre

«high low tech»

L’aspect constructif de ces projets évoque une synthèse intelligente de produits locaux et de systèmes industrialisés, de matériaux de réemploi et de techniques innovantes, synthèse qui se résume en l’expression «high-low tech». Cet es13

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réemploi de pneus usagés pour former des murs de soutènement

prit synthétique à l’oeuvre dans la fabrication de l’architecture démontre avec brio la collaboration productive de l’architecte et du groupe d’habitant. La construction de ces projets témoigne souvent d’une pensée en système de matériaux ou d’assemblage, assurant une simplicité de mise en oeuvre et par là permettant une prise en main facile des habitants, une réduction de coût, ainsi qu’une reproductibilité aisée. recyclage et réemploi Les matériaux de réemploi sont à la base de ces architectures où les habitants s’approprient une large part du processus de fabrication. Correspondant aux ressources disponibles, peu chères voire gratuites, et utilisées systématiquement dans l’habitat informel, les matériaux utilisés sont des déchets de l’industrie : pneus, palettes, portes de garage, solives, tuiles, céramiques, tôles, tubes en carton, dalles de moquettes et balles de papiers recyclés. Ces matériaux trouvent une nouvelle utilisation dans une mise en oeuvre ingénieuse et avec le moins de transformation possible. Ici l’architecte ne fait que suivre les pratiques déjà à l’oeuvre car, sous la pression de la nécessité, l’habitat informel fait état d’une ingéniosité sublime.

matériaux naturels

Les matériaux naturels sont également plébiscités dans les projets analysés, en vertus de leur faible coût, de leur disponibilité et de leurs qualités recyclables, d’isolation et de faible consommation d’énergie. Du «superadobe», fait de sacs de sable remplis de terre, au torchis argileux, en passant par des charpentes en bambous, les ressources naturels locales sont exploitées largement et permettent aussi de conserver l’identité esthétique d’un lieu.

mise en oeuvre

Les aspects participatif et collectif de la construction de ces architectures sont au coeur de leur mise en oeuvre, qui se veut simple et à partir des techniques

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chantier du DESI

locales. Cet collectivisation de la construction est une des autres constantes de ces projets, garante de leur réussite. Les bâtiments ne nécessitent alors qu’une énergie humaine, ressource largement disponible dans l’environnement dans lequel ils s’inscrivent. «Cette stratégie ne crée aucune dépendance envers le marché extérieur, le résultat est véritablement autosuffisant», note Anna Heringer, qui a géré le chantier du DESI de façon à ce que les constructeurs soient formés à des techniques constructives locales. La simplicité de mise en oeuvre est elle aussi une assurance d’appropriation par les habitants, car elle offre une rapidité d’exécution et une reproductibilité future. Car la construction de ces architectures se fait souvent dans la durée, le projet s’inscrivant dans le temps nécessaire à l’appropriation.

écologie et soutenabilité

L’utilisation de matériaux recyclés ou d’origine locale est une des vertus écologiques premières de ces bâtiments. Les économies d’énergies ne sont pas négligeables et bien-sûr synonymes d’économie pécuniaire. Favoriser les principes bioclimatiques rentre également dans la conception de nombre de projets, avant tout pour garantir l’autonomie des usagers et leur indépendance vis à vis du système monétaire. Mais l’aspect écologique reste plus fortement marqué dans les projets prenant place dans les centre urbains européens, où la réintroduction de la biodiversité en ville, la production d’énergie renouvelable, la récupération d’eau de pluie et le recyclage des déchets ménagers en compost sont des principes affirmés par les habitants dans la logique de produire une ville soutenable, respectueuse de l’environnement et du futur de ses usagers. Ecologie rime constamment avec économie, préceptes soutenus aujourd’hui par nombres d’»habitants de la terre».

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PORTÉE POLITIQUE, ÉCONOMIQUE, ET SOCIALE

///vers une autonomie politique et économique « Alors que la majorité des Etats ont renoncé à la production massive de logements sociaux, l’auto-construction concerne la majorité des logements produits dans le monde. »2 L’absence de commande publique aux Etats-Unis, le désengagement de l’Etat sur le terrain social, la situation catastrophique des infrastructures urbaines, les problèmes de pollution nécessitent de repenser les modes d ‘action et le rôle de l’architecture dans la ville. Paradoxalement, cette situation encourage les initiatives locales et une prise de conscience communautaire.

lutter contre l’exclusion

Parce qu’ils intéressent des gens, des lieux, des communautés que l’état délaisse, et parce qu’ils mettent un point d’honneur à revaloriser le rôle de l’individu au sein de la société, ces projets ont une portée politique importante, portée dont on a pu mesurer l’étendue théorique et historique (cf. 1ère partie). Bidonvilles, pays en développement, zones de tensions économiques et sociales sont aussi bien le théâtre de ces abandons sociaux que le terreau de projets innovants, où assurer son existence dans un contexte de tension sociale et de corruption généralisée est une revendication d’autonomie politique forte. En effet, si ces projets se substituent au rôle de l’Etat dans leur fonction, ils ont aussi pour qualité d’être des catalyseurs des contestations sociales et de recréer un lien fort au sein de microcosmes de la société civile, lien tant éphémère que durable.

enrayer un système politico-économique inégalitaire

Mais c’est devant le rouleau compresseur de la machine capitaliste mondiale que les exemples d’architecture participative de zones fragiles deviennent le plus parlants. Car l’exclusion n’est largement pas le seul fait de l’abandon de politiques

2. Collectif Coloco

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publiques adaptées ou volontaristes, il est aussi le corollaire d’un système économique hégémonique, qui n’a vocation qu’à exploiter les populations les plus précaires et les plus pauvres en raison de «lois du marché», et ainsi augmenter l’exclusion et la misère. C’est donc dans une logique d’indépendance vis à vis des circuits économiques actuels que se placent, fermement, beaucoup des projets que nous avons abordé. Par l’emploi de matériaux non marchands, bien-sûr, ainsi qu’en redonnant aux populations directement un rôle d’exécutant, le circuit économique traditionnel du bâtiment est détourné, enrayé, voire perturbé. Mais plus encore, devant l’urgence sociale et l’injustice économique, l’architecte peut devenir un acteur politique subversif dans une nouvelle conception du projet : innover par sa capacité à renverser les circuits économiques en place (populations pauvres qui récupèrent les résidus industriels destinés aux riches) pour forcer l’industrie à s’impliquer dans un nouveau système de fabrication d’éléments de logement, c’est ce que démontre le cas de «Manufacturated Sites, tactiques d’invasion [de l’industrie comme du territoire]». Il n’existe malheureusement pas, dans ces villes, de protocoles de coopération publique-privé capables de soutenir officiellement ces projets dans une large mesure, et aujourd’hui ils doivent être négociés sévèrement au cas par cas pour inverser, ou simplement rééquilibrer le rapport de force économique entre ces populations pauvres et une logique industrielle féroce.

désengagement de l’état et coût des projets

L’absence de mobilisation de l’état dans la production de logements sociaux témoigne bien d’une indifférence, voire d’un laisser aller, au profit de la progression d’une logique marchande s’adressant à des consommateurs et non à des individus, voire d’une logique financière spéculative travaillant au surendettement des plus pauvres. Sortir de ces modèles imposés aujourd’hui à la majorité de la population urbaine nécessite une prise d’autonomie et surtout une résistance économique, dont font preuve l’essentiel des projets abordés ici. Leur atout essentiel, conséquence dans leur dimension participative intrinsèque, est leur coût, très souvent bien inférieur au prix du marché. Le projet d’Elemental Team, au Chili, propose des maisons à 7500 $ l’unité, en Alabama, le Rural studio construit des maisons pour 20000 $, tandis que les structures modulaires de Teddy Cruz coûtent 50 $ par pièce. (Peut être faut-il comparer ces données en fonction du pouvoir d’achat en vigueur dans

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les deux pays.) Ces prix bas sont une arme pour l’émancipation des populations les plus pauvres et devraient être l’argument de base du développement de ces projets partout là où il y en a besoin.

///dynamiques et impacts sociaux

maîtrise d’ouvrage collective et programmation

Chaque exemple est caractéristique et intimement lié à l’histoire socio-politique de la ville ou du pays où il s’inscrit. Néanmoins, la prolifération des bidonvilles, le besoin d’un logement décent ou d’espaces publics de qualité dans des environnements délaissés sont des constantes transversales aux projets étudiés. Les projets de participation prenant place en Europe sont mus par d’autres dynamiques qui sont celles de la reconquête/réappropriation de la ville, à travers laquelle la société civile récupère un pouvoir d’expression politique. L’origine de ces projets est néanmoins toujours celle d’un collectif, qu’il soit d’habitants en demande de logement où d’acteurs sociaux mixtes (associations, artistes, architectes). Les projets prenant place dans des pays en développement (ou en Alabama, état le plus pauvre des USA) sont typiquement ceux liés à l’urgence et impliquent des populations défavorisées qui ont une demande de logements collectif peu chère et efficace, parfois additionnée d’équipements communautaires comme une laverie ou une crèche. A contrario, dans les centres urbains européens, les projets diffèrent souvent dans les mesure où ils concernent des lieux collectifs communautaires et autogérés plutôt que du logement. La demande des habitants témoigne du désir de créer des lieux de nature, jardins partagés ou plateforme de sensibilisation à l’écologie. La programmation, étape encore largement contrôlée par le ou les architectes, est de manière quasi constante faite en concertation étroite et patiente avec les habitants, dont la réussite du futur projet dépend de l’adéquation du programme avec leurs attentes.

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des acteurs mixtes moteurs du projet

Les acteurs de ce type de projets sont bien plus informels que dans les projets «traditionnels», car ils réunissent bien souvent un collectif d’habitants -à géométrie variable- et un architecte (assisté ou non d’étudiants), parfois aussi et un ou des associations, fondations, ONG. Les équipes sont mixtes, et les partenariats nombreux, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer qui fait quoi. Bien souvent, des étudiants sont impliqués car ils peuvent apporter une fraîcheur et un regard nouveau sur les situations. Et parce qu’ils se situent souvent à cheval entre programmes humanitaires et architecture de développement, les ONG ont souvent un rôle déclencheur indirect dans ces projets. Des associations, comme Architecture et Développement ou Architecture for Humanity, interviennent dans la formation et soutiennent les ONG, fournissant un équivalent à la maîtrise d’ouvrage. Mais les associations peuvent être directement impliqués dans le processus décisionnel, assurant même parfois directement le rôle de maître d’ouvrage, comme c’est le cas avec la Indaba Design Foundation, qui oeuvre en Afrique du Sud.

des agences d’architectures pas comme les autres

On observe du coup une transformation des structures économiques traditionnelles liées à la conception de l’architecture. Le projet n’est plus tributaire du duo maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’oeuvre, mais devient un processus mixte, plus informel et ouvert à d’autres compétences. Les structures de conception architecturale changent aussi : de l’agence traditionnelle ou de l’exercice libéral, on passe à l’atelier autogéré, au collectif, au «studio» ou à la «team», termes plus flous, qui évoquent une relative souplesse tant dans les domaines d’exercice que dans les processus de conception/construction. A l’instar de l’Atelier de Montrouge, qui se démarque dès 1958 par son principe associatif, les modes d’exercice subissent des mutations et deviennent associatifs et libres, afin d’accompagner une pratique qui trouve des modalités diverses et évolutives, comme en témoigne Sylvie Groueff, journaliste, dans D’Architectures. «Un nombre croissant de jeunes agences d’architecture aux équipes pluridis-

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ciplinaires considère que les tâches et les responsabilités de leur profession comme débutant par l’observation et la compréhension des modes de vie des populations migrantes. Accumulant une somme de données, ces architectes ont l’exigence de maîtriser les raisons de ces mouvements de masse ainsi que les raisons économiques, sociales, politiques qui les induisent. Un art du décalage s’élaborerait de ce regard ainsi porté. En s’investissant par le biais d’études ou en s’insérant dans des programmes d’aide internationaux pour les réfugiés, par exemple, ils n’envisagent pas de travailler sur l’urbain en se limitant aux cadres définis par les méthodes de planification. » une révision du rôle de l’architecte Faut-il alors, pour l’architecte, sortir du rôle de maître d’oeuvre et se mettre en retrait ? Ou simplement changer de rôle en devenant un relais politique et un «facilitateur» ? Quoi qu’il en soit, une nouvelle manière de faire l’architecture se met en place : il ne s’agit plus d’imposer d’en haut des solutions standards à des habitants contraints de les accepter, mais d’instaurer un dialogue avec le futur habitant, qui s’appropriera son projet au cours de la phase de conception, voire de construction. L’architecte doit d’ailleurs accepter qu’une part de son projet, création de l’usager ou expression de ses désirs, lui échappe. En revanche, il garde son rôle au niveau de la maîtrise du budget et de la programmation : à lui de prévoir les coûts de construction dans une enveloppe réduire, et, dans certains cas, de s’assurer que le mécanisme même de crédits permettant de la financer n’ampute pas de façon trop importante le budget de l’habitant. «Se démarquant de la posture de l’architecte-artiste, [Alejandro Aravena] évoque plutôt un haut fonctionnaire international chargé de problèmes de développement, dans le meilleur sens du terme». On sort complètement du traditionnel rôle de l’architecte concepteur/dictateur, ou, comme la tradition des Beaux-Arts l’atteste, de l’architecte/auteur pour revenir à celle d’un homme au service de la société, de la communauté, rendant son savoirfaire disponible pour servir des idéaux communs.

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du processus de concertation et de co-conception

Les processus de concertation sont à chaque fois des expériences uniques, dépendantes de l’identité des participants et de leur culture. Mais ils commencent de manière univoque par le dialogue et la communication, d’où la nécessité d’instaurer un vocabulaire, un référentiel commun. Souvent des ateliers de maquettes ou de dessin remplacent la communication orale ou écrite. Sous formes d’ateliers, de réunions ou de séminaires, le processus de concertation fait l’objet de recherches méthodologiques approfondies afin de mettre en adéquation les différents acteurs de la participation. Néanmoins, on pourra noter différents degrés dans la participation des habitants/futurs usagers : -Concertation. prise en compte des besoins/désirs/contraintes dans la programmation : Jorge Mario Jauregui au Morro de Macacos, -Co-conception. travail collaboratif en atelier et collaboration dans toutes les étapes du projet : ECObox, le 56 -Appropriation constructive. extension, modification, décoration après la construction du noyau dur de l’ouvrage : exemple du quartier de logement à Quinta Monroy -Participation constructive. mise en œuvre des matériaux, construction, finitions. Freedom Park, sandbag shelters -Quasi auto-construction. mise en place d’une assistance technique, aide constructive et création d’un mode d’emploi, tendant au maximum d’autonomie des habitants : exemple d’appropriation des squelettes, Coloco. Malgré les avantages et les récompenses de la participation communautaire, celle-ci a des limites. Chaque architecte en effet peut relater de déceptions désagréables et irritantes, et se retrouver fatigué et désillusionné du travail bénévole, et de l’énorme quantité d’argent et d’énergie gaspillée dans des discussions interminables, qui pourraient être économisée si de vraies recherches étaient faites dans de domaine.

3. Samuel Mockbee, fondateur du Rural Studio.

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impacts sociaux et identitaires : vers une reconnaissance individuelle et collective «Travaillant autant avec que pour les populations, l’architecture est un moyen de restaurer la dignité de son utilisateur final »3. Le moteur de ces projets est une reconnaissance sincère pour le lieu et les personnes qui le fabriquent, en conséquence, ils prennent une véritable valeur ajoutée sociale, tant au niveau individuel que collectif. En effet, ils renforcent l’identité et la cohésion locale en affirmant la trace, la place et l’esthétique d’une communauté, là où retrouver sa dignité perdue est un enjeu pour la préservation des identités locales. « L’architecture n’est pas seulement un abri, c’est un symbole d’identité, de fierté et de confiance. Ce sont les bases du développement ! » témoigne Carin Smuts. Ces initiatives permettent un maintien des populations en place, sur les lieux où elles vivaient et ainsi renforcent les liens économiques et émotionnels déjà établis. Enfin, on peut noter que de nouveaux modes de vie se développent à posteriori : la flexibilité des aménagements, pour certains projets, a permis une adaptation à la diversité culturelle des modes d’habiter, le tissage de nouveaux liens sociaux et la formalisation de réseaux d’entraides et de solidarité.

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CONCLUSION

///vers une nouvelle culture du projet ?

Depuis les années 1950, la profession des architectes s’inscrit dans un mouvement de socialisation de l’architecture. Dans le contexte de la réforme des Beauxarts, et un peu plus tard du mouvement politique de 1968, des générations d’étudiants et d’enseignants en architecture se sont interrogées sur la dimension sociale de l’architecture, sur le rôle de l’individu dans la fabrication de son environnement et sur l’exercice du métier. Parmi les situations contribuant à cette socialisation de l’architecture, la «participation des habitants » a fait l’objet de nombreuses expérimentations, des architectes ayant été amenés à contribuer aux projets d’associations et de collectifs d’habitants. Ces expérimentations sont toujours d’actualité aujourd’hui et prennent place dans le contexte socio-économique de la globalisation toujours plus créateur d’inégalités, aussi bien dans les zones industrialisées et riches que dans les milieux défavorisés des pays en voie de développement. Dans un milieu caractérisé par des blocages institutionnels et territoriaux, architectes, chercheurs, urbanistes et activistes doivent de plus en plus souvent intervenir dans des situations en allant «au-delà du bâtiment», et pour cela font appel à l’intelligence collective en utilisant la mobilisation citoyenne et l’ingéniosité populaire. Cette prise en compte respectueuse des individus-usagers donne naissance non seulement à de nouvelles formes de pratiques architecturales et constructives, mais aussi à de nouveaux modes d’exercice et à une conception de l’espace urbain hybride, informelle, et écologique. Le renversement des valeurs opéré ainsi que l’affirmation d’un engagement militant de la part des architectes font émerger une tendance nouvelle dans la pratique de l’architecture, que viennent confirmer des expositions comme «Insiders - pratiques, expériences, usages» à l’espace arc-en-rêve de Bordeaux, ou celle du pavillon américain de la biennale de Venise 2008 intitulé «Into the Open : Positionning Practices». Ces pratiques nouvelles en architecture, loin d’être assimilables à un courant défini, sont confortées par l’émergences de nombreuses plateformes collectives de recherche et d’action autour des mutations urbaines et des pratiques culturelles, sociales et politiques contemporaines, en Europe comme dans les pays 23

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émergents. La figure de l’expert architecte ou urbaniste y est démontée pour faire apparaître les possibilités de construction de pratiques partagées, et ce, aussi bien au sein des «experts» eux-mêmes que dans la relation aux autres membres de la société. Cette redéfinition de la place historiquement réservée à l’architecte fait apparaître une nouvelle culture du projet ; projet qui dépasse les limites du cadre strictement disciplinaire de l’architecture pour embrasser la vision d’un projet de société toute entière, inclusif, consensuel, réactualisant le débat de l’utopie.

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ANNEXES

liste des projets étudiés :

Jardins partagés, AAA, Paris Le 56, l’atelier d’architecture autogérée, Paris legislation and temporary occupation of empty lots, Recetas Urbanas, Espagne Chapelle du Silence, Peter Hubner, Allemagne La «Mémé», Faculté de Médecine, Lucien Kroll, Belgique New Gourna, Hassan Fathy, Egypte Sandbag shelters, Nader Khalili, USA maisons à 20000 $, Rural Studio, USA Manufacturated sites, Teddy Cruz, Mexique Quinta Monroy, Elemental team, Chile Habiter les squelettes, Coloco, Brésil Morro de Macacos, Jorge Mario Jauregui, Brésil Centro comunitario Julio Otoni, Pascal Flammer, Brésil Guga s’thebe arts culture and heritage village, Carin Smuts, Afrique du Sud Design indaba 10 x10 housing project, Afrique du sud Orange Farm, étudiants en architecture de Vienne (Autriche), Afrique du Sud DESI, Centre de formation pour électriciens, Anna Heringer, Bangladesh Village Kirinda, Shigeru Ban, Sri Lanka Centro comunitario Julio Otoni, Pascal Flammer, Brésil ouvrages FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, une philosophie de la pauvreté, éditions de l’éclat, Paris, 2003 EMMERICH David Georges, Soft Architecture, essais sur l’autoconstruction, Institut de l’Environnement, Paris, 1974, 79 p. HUTIN Christophe, GOULET Patrice, L’enseignement de SOWETO, ed. Actes Sud, 2009, 100p

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articles de presse

«Carin Smuts, la participation constructive», par Olivier Namias, in D’A. D’Architectures, juin-juil. 2009, n°183, pp. 7-12, fr «Miracle social aux Giardini», par David Leclerc, in D’A. D’Architectures, nov. 2008, n°177, pp. 34-36, fr «De l’urgence au développement», par Olivier Namias, in Ecologik, juin-juil. 2008, n°3, pp 60-63, fr «Global Awards for sustainable architecture - nouveau regard sur le développement durable», par Marie-Hélène Contal, Nicolas Samsoen, Jana Revedin, in Architecture intérieure CREE, avr-mai 2008, n° 336, pp. 52-67, fr «Architecture et questions sociales à la Cité de l’Architecture, Team Ten et l’Atelier de Montrouge», par Juliette Soulez, Julie Weber, Paul Bernard, in Archistorm, mars-avr. 2008, n°30, pp. 38-52, fr «Salle du silence», par Peter Blundell Jones, in Ecologik, fev-mars 2008, n°1, pp. 98-105, fr «Roots of the future», par Jorge Mario Jàuregui, in Archithèse, mars-avr. 2007, pp. 50-51, eng «Habiter un squelette », par le collectif Coloco, in Architectures à vivre, jan-fev. 2006, n° 28, pp. 125-132, fr «Elemental, Aravena», par Fabrizio Gallanti et Sara Maestrello, in Domus, nov. 2005, n°886, pp. 34-41, eng, ita «Tijuana Case Study - tactics of invasion : manufacturated sites», par Teddy Cruz, in Architectural Design, sept-oct. 2005, n°5, pp 32-37, eng «Les explorations d’Arc en rêve : Faire habiter l’homme, là, encore, autrement», par Jean-Paul Robert, in D’A. D’Architectures, avril 2005, n°145, pp 71-83, fr «Sandbag Shelters», par Joseph Grima, in Domus, mars 2005, n° 879, pp 80-81, eng, ita

sites internet

http://www.global-award.org/france/content.htm http://www.urbaninform.net/

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http://architectureforhumanity.org/ http://www.robinsdesvilles.org/spip.php?article13 http://www.habiter-autrement.org/04_co-housing/14_coh.htm http://ecorev.org/spip.php?article655 http://www.artfactories.net/Maitrise-d-Usage,1417.html http://aire-ville-spatiale.org/la-ville-spatiale-de-yona-friedman-the-ville-spatiale-ofyona-friedman/ http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MULT_031_0083 http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=NewsPaper&file=art icle&sid=38092 http://pagesperso-orange.fr/archivue/sustainable/kroll-lucien.html

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