L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 615-616 / Octobre/Novembre 2016
20 ans du TICEn*
Exposition
Du nouveau à l’ouest pour Giono et Remarque (P.34)
Reportage
Les charentais prennent la route pour la paix (P.10/11)
Témoignage
Avec les migrants de Calais (P.6/7)
Dossier
(P.11-16) *Traité d’interdiction complète des essais nucléaires
Initiatives de 21 septembre
REGARD SUR...
Cherbourg(50)
Bourges (18)
Aubenas (07) ) Albertville (73
Achère-Carrières-Poissy(78)
Le collectif Dionysien (93) du Mouvement de la Paix a organisé un déplacement au Musée de la Grande Guerre à Meaux le samedi 5 novembre 2
N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
Saint-Denis (9 3)
Le Blanc Mesnil (93)
Les jeunes du Lycée des Métiers Sévigné de Gap (05) s’engagent pour la 5ème année consécutive
l’Édito
Sommaire Planète Paix N° 615/616 - Oct/Nov 2016
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Actualité
Témoignage
P.6/7
Budget 2017
P.8/9
Calais : aux cœurs de l’exil Dissuasion nucléaire, le trou noir financier
En Marche pour la paix
En route vers la transition pacifiste
P.9
D
Le collectif pétitionne REPORTAGE
P.10/11
Les charentais prennent la route pour la paix
13
dossier
20 ans de Ticen
Ticen
P.14
France
P.15
Un traité à sortir d’urgence de 20 ans de cartons Signer, ratifier, contourner, les contradictions françaises
OTICE
Un outil légalement inexistant mais pourtant opérationnel
P.16/17
Pierre Villard
ARMES ATOMIQUES
P.18
PRéVENTION
P.19
Tester pour tuer
Les armes nucléaires sans effet contre l’État Islamique
21
Désarmer ! Pour un climat de Paix
États-Unis d’Amérique
La culture des armes
Jordanie
De grandes
victoires sociales ont vu le jour lorsqu’une majorité
mondialiser la paix
Bureau international de la paix
‘‘
P.21 P.22/23
a pris conscience
de son nombre. ’’
P.24
L’humanisme en période de crise Turquie
Pour un accueil digne et concerté
Territoires occupés
Quel avenir pour le Sahara Occidental ?
Colombie Palestine
L’engagement pour espoir La Paix passe par le Développement et vice-versa
33
P.26/27 P.29
La paix vaincra
Chine
P.25
P.30/31 P.32
culture
EXPOSITION
P.33
Livres Théâtre
P.34 P.35
Du nouveau à l’ouest pour Giono et Remarque
L’expérience
Mensuel édité par
le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 planete.paix@mvtpaix.org
Directrice de la publication : Annie Frison Rédacteur en chef : Pierre Villard Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, Alexandre Dicko, Nadia Dorny-Bennad, Giselle El Raheb, Guillaume du Souich, Annie Frison, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Alain Rouy, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Pierre Villard, Bertille Cuvier, Charly Laurent, Roland Nivet, Giselle El Raheb, Jeannick Leprêtre, Dominique lalanne, Michel Dolot, Manuela HonsigErlenburg, Jean-Paul Vienne, Alain Rouy, Lillian J. Gharios, Gülferiz Contay, Marie-Jo Fressard, Jean-Claude Bourguignon, Ziad Medoukh,Djoher B, Patrice Salzenstein, Annie Frison. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
es milliers de personnes ont marché pour la Paix le samedi 24 septembre, ou à une date proche, dans le cadre des évènements organisées à l’occasion de la la Journée internationale de la Paix du 21 septembre. Un bol d’air frais dans le climat nauséabond fait de méfiances, de mensonges et de procès d’intention à tout va. Il n’est pas facile de trouver des éléments de confiance dans ce tumulte de violences à tout va. Et pourtant, ces marches constituent un solide acte de confiance ! Il appartient aux humains doués de raison de regarder l’avenir avec confiance, non pas avec une niaise béatitude mais avec la conviction que les femmes et les hommes sont capables de relever les défis les plus fous. L’histoire en est bourrée d’exemple. Rien n’a jamais été facile dans l’histoire de l’émancipation humaine. Rien ne l’est non plus aujourd’hui. Cette transition indispensable pour un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel, connait des vicissitudes. Ainsi en est-il de cette aberration démocratique où, contre tous les pronostics, les Colombiens ont refusé, par une courte majorité (50,2 %), de valider le texte de l’accord de paix signé entre le gouvernement et les FARC. Ainsi en est-il de la réalité au MoyenOrient où les bombes ne sont pas condamnées de la même manière selon qu’elles tuent à Alep ou Mossoul, selon qu’elles soient étatsuniennes ou russes. Ainsi en est-il de Gaza dont les habitants subissent encore les agressions et les humiliations de l’État d’Israël. Ainsi en est-il des appels à doubler les crédits alloués aux armements nucléaires en France. N’est-ce pas ces contradictions qui méritent d’amplifier la mobilisation citoyenne pour la Paix ? L’histoire de l’émancipation humaine n’a jamais pris un chemin linéaire. Elle a dû en permanence se frayer son propre chemin pour déjouer les pièges et éviter les multiples obstacles. Elle a dû et su au cours du temps trouver ses propres ressorts. Ainsi de grandes évolutions et de grandes victoires sociales ont vu le jour lorsqu’une majorité a pris conscience de son nombre. Ainsi devra-t-il en être pour construire les chemins de la transition pacifiste. Le vote de l’ONU ce 28 octobre pour commencer les discussions pour un traité d’interdiction des armes atomiques est un pas majeur de cette transition.
Bon d’abonnement à Planète Paix page 28 N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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REPÈRES ... Livre
Livre
‘‘Pour être enfin libre’’
‘’Les réfugiés’’
Shirin Ebadi - Éditions de l’Archipel, 280 pages, 20,99€
Xavier Dijon - Édition Fidélité, 2016 128 pages, 9,50€
Première musulmane à obtenir le prix Nobel de la paix en 2003, Shirin Ebadi, raconte son combat contre la République islamique iranienne, décidée à la réduire au silence, elle et ses proches. Dès l’accession au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad, en 2005, les événements s’accélèrent : téléphone mis sur écoute, agents secrets la suivant, proches harcelés,… Shirin Ebadi aurait pu croire qu’il s’agissait là d’un roman d’espionnage. C’était sa vie. Un jour de 2009, elle réalise que le gouvernement est prêt à tout pour lui prendre ce qu’elle a de plus cher, son mariage, ses amis, ses collègues, jusqu’à son prix Nobel, elle choisit l’exil. Ne lui reste alors que ce dont elle s’est toujours servi avec audace : sa liberté d’expression et ses convictions. Un seul mot d’ordre : continuer coûte que coûte le combat pour que les droits de l’Homme soient enfin respectés en Iran. Ce témoignage est l’histoire de ce combat.
Cet ouvrage confronte deux idéologies. L’une invoque les droits de l’homme. L’autre revendique la souveraineté des pays occidentaux qui affirment ne pas pouvoir accueillir toute la misère du monde. L’auteur précise les raisons de leur fuite (refuge, asile, persécution, protection...) afin d’éviter tout amalgame. Sont évoquées les difficultés concrètes rencontrées par l’étranger qui cherche un refuge dans les pays occidentaux. L’interrogation sur l’ouverture des frontières est largement développée. Xavier Dijon est un Jésuite belge. Professeur émérite de droit à l’Université de Namur et à l’Université catholique d’Afrique centrale (Yaoundé) il questionne le rôle de peut jouer l’Église. Son livre est un Plaidoyer pour une fraternité qui vient de plus loin que l’horizon humain.
Livre
‘‘Notre France’’ Dire et aimer ce que nous sommes Raphaël Glucksmann - Allary Editions, 2016 260 pages, 18,90€
Depuis des siècles, la France est humaniste, cosmopolite, ouverte sur les autres, le monde et l’avenir. Elle n’a jamais été ce pays clos, cette société monochrome et cette identité univoque que les réactionnaires prétendent ressusciter. Profitant du silence et de l’indolence des héritiers supposés de Voltaire et Hugo, les rejetons de Maurras et Barrès ont kidnappé son histoire. Devenus maîtres du passé, ils contrôlent le présent et oblitèrent l’avenir. Face à la tentation du repli Raphaël Glucksmann revendique de reprendre le récit français des mains de ceux qui l’avilissent.
IMAGE DU MOIS
Le Bataclan, Charlie, Nice, … nous n’oublions pas
Il y a un an, des assassins tuaient aveuglément des citoyens du monde dont le seul crime était sans doute celui de vouloir profiter de la vie. Pourtant, ce n’est justement pas un crime de passer de bons moments avec les autres, dans l’insouciance d’un spectacle ou d’une terrasse de café. Depuis ces moments douloureux, trop nombreux sont ceux qui exploitent la mémoire des victimes à des fins politiques pour renforcer la logique de guerre au sein des sociétés. Ne lâchons pas la Liberté, la Fraternité, l’Égalité entre les êtres humains. Que ces bougies éclairent les consciences pour une culture de la paix.
Livre
‘‘Ramses 2017’’ - Terrorisme, Moyen-Orient, Crise européenne IFRI (Institut français des relations internationales) - Éditions Dunod, 2016 352 pages, 10€
Dans un esprit résolution prospectifs, l’édition 2017 de Ramses propose un appareil documentaire et pédagogique original : chronologie des événements 2015-2016, cartes inédites, données statistiques, vidéos. Les trois sous-titres indiquent les enjeux pour 2017 selon les auteurs. N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Témoignage
Calais : aux cœurs de l’exil qui, non, n’est pas absolument fermée !), de la météo, des ‘’incidents’’ plus ou moins graves et fréquents… Les soutiens bénévoles que j’ai rencontrés savent dans les grandes lignes la raison du départ et les épreuves traversées par les personnes en exil. Ils cherchent à comprendre ce qui les anime et à leur montrer leur respect. Je voulais témoigner à mon tour que nous ne sommes pas indifférents ou hostiles à leur venue. Me montrer hospitalière, chaleureuse, bienveillante.
Ambiance carcérale dans la zone industrielle des dunes de Calais où se trouve le camp. Ces barrières de « sécurisation » ont été en partie financées par la Grande-Bretagne
À Calais, 10.000 hommes, femmes, enfants, souvent seuls cherchent un lieu d’asile. Certains le trouveront en France. Beaucoup veulent poursuivre leur voyage… Bertille Cuvier, étudiante, s’est rendue à Calais pour leur venir en aide. Elle témoigne pour Planète Paix. EN SAVOIR PLUS • www.reinventercalais.org • www.passeursdhospitalites. wordpress.com 6
P
lanète Paix : Vous avez été bénévole à Calais pendant six semaines, qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Bertille Cuvier : Je pense que je ne voulais plus rester une spectatrice devant ce bazar. Depuis longtemps j’entendais parler des campements à Calais et à proximité. J’avais l’impression que les choses n’évoluaient pas ou alors pour empirer, et que la situation était très confuse. J’ai eu envie d’aller en prendre acte par moi-même et voir comment les choses se passent vraiment dans cette région où vivent ou tentent de vivre de vraies personnes, en France depuis plus ou moins longtemps, avec de vraies problématiques, mais dont on n’entend parler qu’à travers des discussions biaisées, vaseuses, sur ce que nos gros relais d’informations continuent d’appeler bêtement la « crise des migrants ». Calais n’existe plus pour l’extérieur que par ce lieu de passage pour de nombreux exilés depuis des années. Cette crise je voyais bien qu’elle était avant tout politique. Mon séjour me l’a confirmé : le campement de Calais est un archétype, un concentré de tous les échecs politiques français et européens de ces dernières années, notamment concernant le respect des droits et libertés des individus, et la capacité à maintenir un espace pour l’humain dans nos sociétés. Je ne m’expliquais pas qu’aucune alternative à la politique du refoulement aux frontières ne soit tentée et que la région soit à ce point délaissée. Pour comprendre ce qui se passe à Calais, il fallait aussi capter les dynamiques qui s’y exercent. La situation est loin d’être immobile, elle évolue tous les jours au gré des départs et des arrivées, des positionnements politiques (notamment vis-à-vis de la frontière franco-britannique
N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
PP : Dans quel cadre avez-vous effectué ce bénévolat ? B.C : J’ai choisi d’y aller comme bénévole dans l’équipe de Médecins du Monde en tant que « médiatrice ». Nous faisions le lien entre les gens qui vivent sur le campement et les ressources dont ils peuvent avoir besoin et auxquelles ils ont droit, et accompagnions les personnes plus en difficulté physiquement ou psychologiquement dans leurs démarches médicales, juridiques et administratives. Les activités de l’ONG sont axées autour d’un soutien dit psycho-social sur les campements de réfugiés à Calais et à Grande-Synthe. En même temps, j’ai pu un peu mieux comprendre comment les choses se passent dans « la jungle » en périphérie de Calais.
PP : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ? B.C : Je m’attendais plus ou moins à constater l’état de précarité et d’insalubrité où environ 6.000 personnes y vivaient alors tous les jours. En revanche, j’ai vite réalisé qu’une grosse mobilisation s’était mise en place et développée sur le campement, ce qui est moins reconnu. Certes insuffisante pour combler les « manques » de l’État mais très présente et plutôt efficace et organisée, ce qui n’est a priori pas le cas à tous les lieux de rassemblement migratoires en Europe. Très peu de moyens humains et matériels sont mis en place pour accueillir les gens avec dignité et l’existence du bidonville est reniée en permanence par les autorités. Mais les gens qui se sont installés pour un temps se sont approprié l’espace et ont développé des constructions et une organisation assez incroyables sur le bidonville. N’en déplaise à tous les misanthropes et xénophobes, hostiles au partage et renfermés sur eux-mêmes ou simplement à l’aise avec leurs préjugés, le campement de Calais est bel et bien devenu un « lieu de vie », de ressource et de rencontre.
Sur le camp, entre les tentes
PP : Quelles sont les difficultés majeures auxquelles vous avez fait face ? B.C : Un bon nombre de choses fait obstacle à la solidarité qui maintient tant bien que mal une certaine stabilité au quotidien. Certaines sont dues aux difficultés de la cohabitation dans un contexte aussi difficile, d’autres sont provoquées par l’État lui-même, par irresponsabilité, par incompétence ou même par position démagogique et opportuniste. Beaucoup de personnes sont arrivées durant l’été, ne pouvant s’installer que dans la zone nord des dunes, celle qui n’a pas été démantelée en avril dernier, avec les moyens du bord car il est interdit de faire entrer tout matériel non spécifiquement autorisé sur le site. Arrêt et contrôle des véhicules et attestations de mission pour les associatifs à chaque allée et venue, PV sur les véhicules stationnés à proximité pour ceux qui n’ont pas été autorisés à entrer, remarques déplacées, contrôles dans les transports, arrestations arbitraires… Beaucoup de choses restent opaques, et rien n’est fait pour faciliter les activités des soutiens sur place, ni calmer la méfiance et l’amertume des réfugiés, qui se sont même vu refuser l’organisation d’un rassemblement en mémoire d’une des personnes décédées sur la route en juillet, toujours pour des raisons de « sécurité ». Tous les jours nous rencontrions de nouveaux arrivants qui avaient besoin de tout : des informations notamment pour savoir comment s’orienter sur le bidonville ou dans Calais. Selon les personnes que l’on rencontrait, on sentait la gêne que certains ressentaient en nous sollicitant pour les accompagner aux consultations, pour bénéficier d’une traduction (en théorie obligatoire pour que le patient ou demandeur d’asile comprenne la procédure), parfois d’autant plus en s’adressant à de jeunes femmes. Mais la fierté en prend un coup aussi après quelques temps passés dans la « jungle ».
PP : C’est-à-dire ? B.C : Après des mois de voyage par les Balkans ou la Méditerranée, la plupart est extrêmement déçue de constater la froideur de l’accueil et la misère dans laquelle on les laisse se débrouiller avant de les inciter plus ou moins violemment à quitter les lieux et se disperser. Les dizaines d’hommes, femmes et enfants qui arrivent à Calais tous les jours viennent d’abord du Soudan, d’Afghanistan, , d’Erythrée, du Pakistan, d’Ethiopie, de Syrie, des régions kurdes du Moyen-Orient, d’Iran, du Koweït. Ils sont absolument tous épuisés, éprouvés psychologiquement, ils veulent pour certains retrouver leurs amis et famille en France ou en Angleterre et restent ici pour quelques temps, dans la précarité et la promiscuité imposées par le bidonville à ces populations qui n’ont pas grand chose en commun si ce n’est l’expérience de l’exil et l’espoir d’asile. S’ajoutant aux réminiscences pesantes du passé, ils supportent les violences civiles et policières, la répression, le stress, l’humiliation. Au quotidien. Un peu moins d’une heure d’attente pour avoir un repas, que tous ne peuvent pas avoir car il n’y a qu’une distribution par jour, aujourd’hui suffisante pour moins de la moitié du bidonville. Plusieurs heures pour voir un médecin, et parfois il faut revenir le lendemain. Plusieurs heures pour chaque étape de la demande d’asile à la sous-préfecture et à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, à cinq kilomètres du campement. Attendre plusieurs jours dans les files de distribution pour des vêtements, des chaussures. Attendre pour prendre une douche. La notion du temps est chamboulée par ce type de routines, par la restriction des libertés et de l’autonomie de chacun, la complexité et la lenteur des procédures, l’absence de perspectives. Sans compter que dans mon pays aussi, on refuse de servir ces gens soi-disant mauvais
pour le commerce. Dans mon pays aussi, la police frappe, court après ceux qui exercent parfois simplement leur liberté de circuler, adultes comme enfants de 15 ans, les insulte, cible les téméraires à tir tendu de flashball, de gaz lacrymogène, casse leurs lunettes de vue, ou leur brise les os… Pour certains Afghans, les forces mobiles omniprésentes à Calais dont ils ont tâté les matraques en tentant de « passer » valaient bien les talibans qui leur ont aussi marqué le corps avant qu’ils ne décident de partir en Europe.
PP : Où en est-on aujourd’hui ? B.C : Aujourd’hui les gens ne comprennent pas la tournure de la situation. On leur a annoncé une échéance à partir de laquelle ils seront tous contraints de partir de Calais. Ils ne savent pas où ni comment. Ils ont peur de ne pas avoir le temps d’emporter avec eux toutes leurs affaires, d’être séparés de leurs amis et leur communauté, de perdre à nouveau tout repère et soutien. Pour moi non plus, ça n’a pas de sens. Expulser des exilés ? Les emmener, eux qui ont fait des milliers de kilomètres par leurs propres moyens.. Eux qui veulent s’installer en ville, à Calais ou ailleurs, pour apprendre le Français, le théâtre, l’économie, pour travailler, parfois aider financièrement les membres de la famille restés au pays. Ou eux qui ne veulent pas rester à Calais, coincés à quelques dizaines de kilomètres de l’Angleterre où ils estiment être plus aptes à trouver l’asile et à être finalement reconnus comme « réfugiés ». Comme me le répétait un copain soudanais en France depuis un moment, qui espère lui aussi retrouver un jour sa famille en Angleterre, ces personnes ne partiront pas et les autres en route ne s’arrêteront pas avant de trouver asile. Il faut les croire, et les laisser passer en sécurité. Entretien réalisé par Charly Laurent N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ BUDGET 2017
Dissuasion nucléaire, le trou noir financier
C
ne connaîtra
haque automne, le Parlement examine et vote, pour chaque mission, le Projet de Loi de Finances, accompagné du Projet Annuel de Performance. Sur le site du Ministère, on peut lire que ces cinq dernières années les ressources de la Défense se sont maintenues autour de 31,4 Md€. Concernant 2016, on lit que « Dans un contexte stratégique lourd de menaces, (…) en tirant les conséquences des attentats de janvier 2015 sur notre territoire et de l’intensité de l’engagement de nos armées » le budget de la Défense a été porté à près de 32 Md€. Les axes prioritaires donnés à la mission étaient la protection du territoire, l’équipement et l’activité opérationnelle des forces, ou encore le renseignement. Environ 11% du budget de la Défense ont été dédiés à la dissuasion nucléaire en 2016.
pas la crise !
Loi de finance 2017
L’Assemblée nationale puis le Sénat s’apprêtent à voter les crédits des ministères pour 2017. Celui de la Défense
Près de 3 milliards d’euros annuels supplémentaires y sont prévus pour la politique militaire atomique de la France dans les prochaines années.
Le Projet de loi finance prévoit 32,7 milliards d’euros pour 2017, mettant la mission Défense en 2ème position en termes de budgets (13% du budget). Récemment, le général Pierre de Villiers, chef d’étatmajor des armées, a été jusqu’à plaider pour que ce budget passe à 41 milliards dès 2020, déclarant: «Je vous vends un modèle d’armée à 2% [du PIB] qui est bon et qui assurera la protection des français. C’est le prix de la paix, l’effort de guerre. Moi, je ne discute pas du prix de la guerre !». 19,7 milliards d’euros alloués à la dissuasion nucléaire sur la période 2015-2019 (sous forme océanique et aéroportée), sur les 190 milliards de crédits prévus pour la Défense par l’actualisation de la LPM. Ces coûts ne tiennent pas comptent de ceux dégagés dans la recherche et le développement relatifs aux opérations de dissuasion, qui relèvent d’un autre budget de la mission « Défense », ni du démantèlement et de la gestion des déchets nucléaires.
Une stratégie sans fin
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D’après l’Observatoire des armements, « Les données montrent que bien que le nombre total des armes nucléaires dans le monde continue de baisser, aucun des États dotés d’armes nucléaires n’est prêt à renoncer à ses arsenaux nucléaires dans un avenir prévisible. » Dans un article du journal Le Point, en novembre 2014, on pouvait déjà lire l’esprit de cette position vis-à-vis de l’importance de l’armement nu-
N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
cléaire, y compris dans nos finances. Pour le ministre de la Défense en effet, cette stratégie est la bonne : « Ceux qui entendent délégitimer fondamentalement la dissuasion nucléaire se trompent de combat. Nous devons éviter que l’appel généreux à un monde sans armes nucléaires ne prépare un monde où seuls les dictateurs en disposeraient. » face à un « monde plus instable, plus ambigu et plus incertain. » François Hollande, après l’attentat au siège de Charlie Hebdo, expliquait fin avril 2015 que « La sécurité, la protection, l’indépendance sont des principes qui ne se négocient pas » à l’issue d’un conseil de défense suite auquel il accorde une rallonge de 3,8 milliards d’euros à la défense.
Vous avez dit sécurité ? Les raisons de sécurité invoquées pour justifier l’augmentation du budget de l’armée dans les années à venir et la part accordée à la dissuasion ne font sans doute pas l’unanimité... L’idée même de devoir en passer par la menace de guerre pour assurer la paix ne fait pas sens, quand il s’agit en plus de menacer d’utiliser une arme qui porterait atteinte à l’humanité entière. Rien ne permet de faire passer cette stratégie pour une stratégie de paix ! Car la paix n’est pas synonyme de statu quo ou de guerre froide. Au contraire, elle a besoin de forces fédératrices pour lui créer un espace où elle puisse sans cesse se penser, grandir et se développer. En attendant, la population est privée de ressources précieuses en matière d’éducation, de culture, de santé ; les meilleurs vecteurs du développement d’une culture de paix et les meilleurs garants d’une sécurité durable et synonyme de sérénité et de vie, et non d’une société de peur et de méfiance, mortifères. Mais encore une fois le gouvernement affiche par ses priorités budgétaires une idéologie offensive, rétrograde, non citoyenne, sans tenir compte des besoins réels de la population dans le contexte difficile dans lequel nous nous trouvons et sans même la consulter, et il ne prévoit aucun budget pour la paix. En 2017, le budget du combo sécurité-justicedéfense gagnera 13,3 milliards d’euros, dont 600 millions pour la Défense et 2 milliards pour la sécurité, quand l’enseignement et la recherche gagneront 2,1 milliards d’euros supplémentaires. Bertille Cuvier
Brèves
Le top 3 • Enseignement scolaire : environ 50 Md€ • Défense : 32,7 Md€ • Recherche et enseignement supérieur : 26,75Md€
Le coût de la vie Si la part du budget de la Défense accordée à la dissuasion reste la même qu’en 2016, avec environ 3,7 milliards d’euros on pourrait construire encore cette année : - entre 250 et 450 écoles (coût estimé pour l’Ile-de-France) - plus de 200 collèges pour 800 élèves (coût estimé pour l’Ain) - une centaine d’hôpitaux (hors équipements techniques)
Le prix de la « dette nucléaire » En Polynésie française, le gouvernement continue de « compenser » la baisse des activités économiques et les dégâts causés dans la région après les 193 essais nucléaires qui y ont eu lieu entre 1966 et 1996. Cette dotation versée chaque année marque une progression et sera fixée à 90,5 millions d’euros, sur l’ensemble des dotations pour l’Outre-mer en 2017. Ces compensations financières ne considèrent pas bien-sûr l’ensemble des dégâts environnementaux et sociaux causés lors de ces quarante années de privation de paix et sécurité aux populations de l’archipel... La gestion et destruction des déchets nucléaires reste une question importante, en termes de sécurité et en termes de coûts matériels. Continue la course aux armements n’en est que plus irresponsable.
L’exemple de Mayotte Déficit d’infrastructures scolaires en primaire et secondaire, classes surchargées, manque d’entretien et de moyens pédagogiques, normes d’hygiène et sécurité non respectées… Les élus locaux estiment le besoin financier pour seulement rénover les écoles déjà existantes à 36 millions d’euros. Moins d’1% du budget alloué à la dissuasion nucléaire française y suffirait. Concernant l’électrification rurale : un programme d’investissement de 5 millions d’euros par an a été mis en place pour répondre aux urgences du territoire dans les prochaines années. Cela représente 0,13% de ce budget.
en Marche pour la paix
Le collectif pétitionne Le collectif de 110 organisations « En Marche pour la paix » appelle à l’action pour empêcher le doublement des crédits consacrés à l’arme atomique et l’augmentation de 31 % du budget annuel de la défense à l’horizon 2020. Roland Nivet, porte-parole du Mouvement de la Paix en donne le sens.
E
n octobre 2013, le Mouvement de la Paix déclarait dans une lettre aux parlementaires « La politique proposée s’appuie par ailleurs sur un rôle accru de l’OTAN, […] en mettant en œuvre les orientations du Livre blanc de la défense qui disait expressément : « Notre stratégie de défense et de sécurité nationale ne se conçoit pas en dehors du cadre de l’Alliance Atlantique et de notre engagement dans l’Union européenne ». Exit les Nations Unies ! ». Le Ministre de la Défense devant la commission défense de L’Assemblée Nationale en octobre 2016 confirme : « Notre ambition est claire : rendre la politique de sécurité et défense commune plus efficace, avec et au bénéfice de tous les États membres, mais également de l’OTAN. L’objectif de 2 %, j’y suis favorable. Il figure à l’article 6 de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019. » Ces choix se traduisent en termes budgétaires comme l’indique Jean Yves Le Drian « La LPM initiale, votée en décembre 2013, prévoyait pour 2017 un budget de 31,6 milliards d’euros. Nous avons porté cette annuité à 32,7 milliards d’euros hors pensions, soit 1,1 milliard de plus en 2017 que prévu. ». Le Mouvement de la paix précisait en 2013 « il n’est envisagé aucune mesure permettant de favoriser une dynamique de désarmement en particulier au plan du désarmement nucléaire… Au contraire la loi prévoit 23 milliards pour la dissuasion nucléaire… ». En matière de vente d’armes, l’association déplorait que « La loi de programmation place l’industrie militaire au cœur de notre écono-
mie en indiquant que « la défense est conçue comme un facteur de compétitivité pour l’ensemble de l’économie ». Ce faisant en misant sur les exportations d’armement elle favorise un commerce des armes dangereux pour la sécurité du monde. ». En 2016 le Ministre, commis voyageur des multinationales de l’armement s’enorgueillit en indiquant aux députés « Avec près de 17 milliards de prises de commande à l’export, 2015 est certainement à marquer d’une pierre blanche. […] Nous avons plus que triplé ce chiffre. » Le journal Le Monde du 26 septembre rappelle que la perspective est bien d’aller vers un quasi doublement des dépenses consacrées à l’arme atomique et d’aboutir d’ici 2020 à une augmentation annuelle du budget de la défense de 10 milliards d’Euros. Ces orientations guerrières ont été rappelées par le chef d’état-major des armées devant la commission défense du sénat « La tendance est donc à un engagement accru de nos armées, quelle que soit la forme qu’il prenne. Ainsi que le président de la République l’a récemment rappelé, nous avons « le devoir de nous préparer à une guerre longue ». Dans ce contexte la pétition proposée par le collectif « en marche pour la paix » est tout à fait opportune. Roland Nivet
EN SAVOIR PLUS • htpp://urlz.fr/4kJb N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ REPORTAGE
Les Charentais prennent la route pour la paix
Rennes (35)
Le 24 septembre,
Exprimer la volonté de vivre en paix
Ensemble
on a marché pour la paix partout en France. Objectifs ?
dans un monde de Solidarité, de Justice, de Fraternité. Immersion avec Gisèle El Raheb et les Charentaismaritimes qui ont pris la route pour Rennes ce jour-là. 10
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a situation internationale est préoccupante en termes de sécurité et de paix. La succession d’attentats terroristes toujours plus meurtriers cachent des affrontements géostratégiques graves allant jusqu’à une relance vers la guerre spatiale alimentée par l’OTAN. Les budgets militaires s’accroissent toujours et la volonté de relancer la production de nouvelles armes nucléaires est manifeste y compris en France.
Dans ce contexte, les partisans de la paix que nous sommes en Charente Maritime, étions à l’offensive auprès du collectif « En Marche pour la Paix » de Rennes pour nous faire entendre et jouer pleinement notre rôle de lanceurs d’alerte et de promoteurs de nouvelles alternatives vers une transition pacifiste des relations internationales. En plaçant la solidarité avec et envers les réfugiés au cœur des marches pour la paix, nous avons manifesté notre soutien et notre solidarité à leur égard pour contrecarrer les phénomènes d’exclusion ou de discrimination. Nous étions quarante personnes venues de tout le département 17 et parfois de plus loin dans un car affrété par le Mouvement de la Paix. Nous avons pris la route pour Rennes à 8h30. C’était un car intergénérationnel et multi ethnique qui réunissait des citoyens, des membres du Mouvement de la Paix, de la CGT, des comités de quartiers, de Amnesty International, venant de Sainte-Soulle, La Rochelle, Périgny, Aytré, Marans, Montroy, Roche-
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fort, Surgères,... Nous avions été rejoints par six jeunes réfugiés venant de pays de l’Est, de Chine et d’Afrique qui ont créé une « association internationale stop terrorisme » (AIST) à Rochefort. À Rennes, il y avait du monde : CGT Bretagne, CCFD, ARAC du Mans, différents comités du Mouvement de la Paix du grand-ouest, Université Européenne de la Paix de Brest, Amitiés entre les religions, Mission ouvrière, Amérique Latine, Colombie, Kurdes, MRAP, PCF et JC, Secours Catholique, musulmans, juifs, salariés, chômeurs, retraités, enfants. Nous étions aux couleurs de la vie et aux slogans de la paix. Après un pique-nique improvisé pour certains et élaboré pour d’autres, les conférences et débats qui ont suivi n’ont pu accueillir tout le public par manque de places. Qu’importe ! L’ambiance dehors était au rassemblement engagé pour la paix et la fraternité. Et puis nous avons marché, échangé, rencontré, embrassé, applaudi, partagé. Notre marche a été une fête. Les passants et riverains interpellés nous ont regardé, questionné. À 21h, de retour, nous étions heureux de notre voyage vers la Paix.
Continuer de marcher Lors de ce grand moment du « Vivre Ensemble » ce 24 septembre, les exigences de paix de la population se sont exprimées librement et fortement dans les marches organisées ce jour-là, dans de nombreuses villes à l’appel de plus de 100 organisations nationales et d’un millier de citoyens. L’aspiration des peuples à vivre ensemble en paix dans la solidarité, la justice et la fraternité est immense et évidente. Persuadés qu’aucune de nos différences de convictions, d’appartenance ou de sensibilités philosophiques, politiques, religieuses, ne doit faire obstacle à l’expression de cette aspiration commune. Créons les conditions d’un monde économiquement juste et solidaire. Assumons nos responsabilités devant les générations futures face aux populations persécutées et vulnérables. Souvenons-nous des expériences des réfugiés ayant participé à la construction de la société française et d’autres sociétés de l’UE. Œuvrons pour partager les thèmes de la culture de paix. Continuons de marcher vers la paix. Giselle El Raheb
Orléans (45)
Strasbourg (67) Paris (75)
Grenoble (38)
Tours (37)
Les Sables d’Olonne (85)
Dijon (21)
Bordeaux (33)
Gap (05)
Toulouse (31)
Marseille (13) N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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Au jour le jour Mort d’un conteur anarchiste
L’écrivain italien Dario FO est mort le 13 octobre 2016,il avait 90 ans. Le Nobel de littérature de 1997 avait commis une fable souriante et grinçante « la Terre périclite, victime de l’effet de serre ». Inquiet pour le sort de l’humanité - et puisqu’on ne peut pas compter sur Dieu - il concluait ainsi sa fable « Dans des situations de ce genre, le silence est synonyme d’absence. Indignez-vous et protestez… défendons la vie des faibles et des ignorants… »
Conflit au Yémen : des attaques sur Sanaa, l’Occident embarrassé
Des frappes aériennes de la coalition arabe sur la capitale du Yémen contrôlée par les rebelles houthis ont fait plus de 140 morts et des centaines de blessés le 8 octobre. Depuis mars 2015, une coalition
arabe commandée par l’Arabie saoudite combat les rebelles houthis. Une guerre qui devient embarrassante pour les pays occidentaux qui soutiennent politiquement la coalition et qui lui vendent des armes. Depuis des mois, des organisations de défenses des droits de l’homme demandent un embargo sur les armes à destination de la coalition. Les États-Unis, le Royaume-Uni, mais aussi la France sont les principaux fournisseurs.
En Grèce l’accès à l’éducation de tous les enfants réfugiés
Le Ministère grec de l’Éducation a mis en place un programme d’initiation pour les enfants réfugiés au sein du système scolaire grec. Parmi les 27.000 enfants réfugiés qui ont échoué en Grèce, on estime qu’au moins 18.000 d‘entre eux sont en âge d’être scolarisés. Ces sept derniers mois, les enfants hébergés dans des camps de réfugiés n’ont eu accès qu’à des cours assurés temporairement par des volontaires. Les premières classes d’accueil devraient fonctionner cet automne et d’autres classes dites « ordinaires » prendront le relais, progressivement, avec des milliers d’enfants réfugiés
immigrants qui seront intégrés dans les écoles grecques.
Veto de la Wallonie pour le CETA*
Suite au « non » de la Wallonie, la Belgique ne pourra sans doute pas signer le CETA et devrait donc s’abstenir au Conseil de l’Union européenne. De plus l’Autriche, la Slovénie, la Pologne et l’Allemagne n’ont pas encore donné leur feu vert. La décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a conditionné la signature du CETA par l’Allemagne à la garantie que le pays pourra par la suite quitter l’accord (ce qui n’est pas prévu dans le texte actuel), pourrait reporter les échéances. * Le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (CETA)
Le futur secrétaire Général de l’ONU
Suivant la recommandation du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement choisi le Portugais António Guterres pour occuper
le poste de Secrétaire général de l’Organisation à partir du 1er janvier 2017 pour un mandat de cinq ans. Agé de 67 ans, M. Guterres a été le Premier ministre du Portugal de 1995 à 2002 et le HautCommissaire des Nations Unies pour les réfugiés de juin 2005 à décembre 2015.
Alep : Deux résolutions qui n’ont pas fait long feux Depuis mars 2011, le terrible conflit syrien s’est complexifié et internationalisé, provoquant
la mort de plus de 300’000 personnes, la fuite de millions d’autres et la pire tragédie humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale. Bien que beaucoup s’accordent à dire que la sortie du conflit doit passer par la négociation, les résolutions successives de France et de Russie ont été retoquées Malgré leurs échecs patents pour mettre fin à la guerre en Syrie, les États-Unis et la Russie se retrouvent à Lausanne et Londres, avec des puissances arabes et européennes, pour tenter d’arracher un énième cessez-le-feu.
ça se passe près de chez vous • Cher (18) Dans le cadre de la Semaine de la Solidarité internationale, présentation de la pièce « Pour seul bagage » par la Compagnie Pace. Bourges : samedi 12 novembre à 20 h, au Hublot, 64 Ave de la libération. Saint Amand : dimanche 13 novembre à 16 h, La Carrosserie, 3 rue Hôtel dieu. Vierzon : vendredi 18 novembre à 19 h, Petit théâtre de la Noue (accès par la rue des tramways de l’Indre). 12
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• Grenoble (38) - Samedi 26 novembre de 14h à 19h, Salon de l’Hôtel de Ville. Deux tables rondes sur les Combats pour les Droits de l’Homme et pour la Paix en Israël, avec des représentants d’associations de paix israéliennes et israélo-palestiniennes. - Mercredi 30 novembre à 17h30, place Félix Poulat. Manifestation contre la peine de mort. Organisé par l’ACAT.
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Les 20 ans du TICEn
• Ticen
Un traité à sortir d’urgence de 20 ans de cartons • France
Signer, ratifier, contourner, les contradictions françaises • Otice
Un outil légalement inexistant mais pourtant opérationnel • ARMES ATOMIQUES
Tester pour tuer • Prévention
Les armes nucléaires sans effet contre l’État Islamique Le 24 septembre 1996, une majorité d’États signaient le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Où en est-on 20 ans plus tard ? Pourquoi ce traité n’entre-t-il pas en vigueur ? Qui sont les empêcheurs d’interdire ? Pourquoi des pays comme la France ou les USA testent des armes en laboratoire ? Et pourtant, face à ces défis, la communauté internationale a été capable de mettre en place un système de vérification internationale qu’aucun État ne remet en cause. C’est la preuve que l’intelligence collective finit toujours par l’emporter, malgré des blocages de très hauts niveaux. C’est de nouveau ce qu’il vient de se produire avec le vote à l’ONU pour commencer les discussions en vue d’un traité d’interdiction… des armes atomiques. Essais et armes : même combat, leurs interdictions définitives. N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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tiCEn
Un traité à sortir d’urgence de 20 ans de cartons L’année 1996 marque l’arrêt des essais nucléaires français et chinois. Grande victoire des pacifistes. Elle marque également la signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. 20 ans plus tard, on attend toujours son entrée en vigueur. Mais qu’est-ce qui bloque ?
EN SAVOIR PLUS • ‘‘Pour en finir avec l’arme nucléaire’’. de Pierre Villard Éditions La Dispute, Paris 2011, 232 pages 15€ • www.ctbto.org • www.un.org/fr/events/ againstnucleartestsday/ 14
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n l’appelle le TICE (Traité d’interdiction complète des essais) ou le TICEN (en rajoutant nucléaires), ou encore CTBT1 dans sa version anglophone. C’est grâce à la mobilisation de citoyens du monde et de leurs organisations respectives, que les principales puissances nucléaires et une centaine d’autres nations ont signé le 24 septembre 1996, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Vingt ans après, ce traité n’entre toujours pas en vigueur. La raison en est à la fois simple et complexe. Simple, car les conditions ne sont toujours réunies. Complexe, car on peut se demander si ces conditions n’ont pas volontairement été rendues impossible à obtenir. Elles semblent pourtant de bons sens. En effet, le traité comporte une annexe 22 qui liste les 44 États disposant de la capacité scientifique de mener des essais d’armes atomiques. Leur ratification du traité est la condition de son entrée en vigueur.
Écologique et militaire Le TICE a cette particularité qu’il est à la fois militaire et écologique. Il propose de libérer l’environnement de la radioactivité sous toutes ses formes. Le TICE comporte cependant une faille importante. Il ne traite pas des essais sous-critiques ou des recherches en laboratoires, phénomènes non classés officiellement comme essais nucléaires. Un premier Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires3 a été signé le 5 août 1963. Il interdit les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau. Les explosions sousterraines ne sont pas interdites par ce traité de 1963, sauf si elles ont des influences en dehors des limites territoriales du pays qui effectue l’explosion, déchets
L’état de la ratification Huit des pays dont la signature est rendue obligatoire ne l’ont toujours pas signé ou ratifié. Pourtant, le TICE est signé à ce jour par 183 États et ratifié par 166 d’entre eux. Dernier en date, la Birmanie a ratifié le traité le 21 septembre 2016, journée internationale de la Paix. Parmi les 44 États obligatoires, il manque la signature de l’Inde, du Pakistan et de la Corée du nord. La Chine, les USA, Israël, l’Egypte et l’Iran l’ont signé mais ne l’ont pas encore ratifié. Le président américain Barack Obama avait indiqué, un temps, que Washington était prêt à ratifier le traité. Il souhaitait cependant que le Sénat américain se penche, en priorité, sur le Traité de réduction des armes stratégiques. Celui-ci est signé depuis avril 2010, mais point de nouvelles de la ratification états-unienne. Les pays signataires et les pays ratifiant réaffirment régulièrement leur conviction que « l’entrée en vigueur du traité affermira la paix et la sécurité internationales ». Ils affirment que la cessation de toutes les explosions expérimentales d’arme nucléaire constituera un progrès significatif dans la réalisation du désarmement nucléaire. Ils demandent à tous les États de ne pas effectuer d’explosions, y compris expérimentales.
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Ratification du TICE par la Birmanie le 21 septembre 2016
radioactifs par exemple. En 1991, une conférence visant à transformer ce traité en un traité d’interdiction complète des essais par l’interdiction de toute explosion nucléaire a été convoquée. Elle a cependant échoué. Depuis 1996, bien que le Traité d’interdiction complète des essais n’existe pas officiellement, il a été mis en place l’OTICE4, une organisation destinée à organiser le contrôle au niveau international. Au regard de l’enjeu que constitue l’entrée en vigueur du TICE, on peut regretter que la société civile ne se soit jusqu’à présent que peu mobilisée sur ce traité. N’est-il pas temps d’augmenter la pression politique sur les huit pays qui tardent encore à le ratifier. Pierre Villard 1
Comprehensive test ban treaty
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Entré en vigueur le 10 octobre 1963
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France
Signer, ratifier, contourner, les contradictions françaises Alors que la France a été un des premiers pays à signer et ratifier le TICEN, force est de constater qu’elle ne s’embarrasse guère des engagements qu’il contient. Au prétexte que le TICEN ne concerne pas - dans le texte – les essais en laboratoire, les armes françaises continuent d’être testées en laboratoire, pour aujourd’hui et pour demain.
EN SAVOIR PLUS • www.obfarm.org
En Côte d’Or A Valduc, il s’agit de l’entretien des 300 bombes françaises et de leur modernisation. Il est procédé à des essais pour les améliorer. Essentiellement il s’agit de faire des photos ultrarapides de rayons X pour voir l’intérieur de l’explosion pendant l’explosion. La grande nouveauté est de réaliser des photos 3D en un milliardième de seconde. Le nouvelle installation Le premier ministre français visite fièrement les installations du Barp (33) EPURE (prix : 1 milliard d’euros) est qui expérimentent pour les armes de destructions massives de demain. construite en commun avec les Anour entrer en vigueur le TICEN impose glais. L’explosion concerne le premier étage de la que 44 États le signent et le ratifient. bombe nucléaire, celui qui comprime la matière fisEn ce qui concerne les États nucléaires, sile pour déclencher la réaction en chaîne. Le Traité actuellement les États-Unis, la Chine signé en 2010 avec les Anglais prévoit dans son aret Israël ne l’ont pas ratifié, l’Inde, le Pakistan et la ticle 12 la communication d’informations classifiées. Corée du Nord ne l’ont pas signé. Seuls la Russie, le Une belle collaboration ! Royaume-Uni et la France en sont membres à part entière. Dans les faits, le TICEN a réussi à (presque) En Gironde Au laser Mégajoule (prix : 7 milliards d’euros) il est imposer un moratoire sur les explosions de bombes. procédé à des tirs de laser sur une cible d’hydrogène Depuis 1996 seuls 3 pays ont procédé à des tirs, l’Inde (ses isotopes deutérium et tritium) pour provoquer et le Pakistan ont chacun fait une explosion, la Coune fusion nucléaire, ce qui correspond à l’étage de rée du Nord en a fait 5. Après plus de 500 explosions dans l’atmosphère et plus de 1500 essais souterrains, la bombe H dans une bombe nucléaire. Ces explosions nucléaires pourront atteindre une puissance certains pourront se réjouir à juste titre. En fait, les équivalente à 5kg de TNT, bien évidemment conteessais continuent sous une autre forme beaucoup nues dans une sphère métallique de 10 mètres de plus performante. diamètre. La véritable innovation serait de pouvoir Contournement miniaturiser une telle installation, aussi le laboraLa France peut être citée en exemple du contourtoire a accueilli récemment un autre laser, le laser nement de la législation internationale. Deux insPETAL qui sera mille fois plus rapide, ce qui devrait tallations ont pris la suite des essais en Polynésie, donner de nouvelles possibilités. L’enjeu est la mise l’accélérateur EPURE de Valduc près de Dijon pour au point de bombes à hydrogène sans amorce plufaire des « tirs froids » et le laser Mégajoule près de tonium ou uranium permettant d’obtenir des puisBordeaux pour étudier le déclenchement laser d’une sances réglables d’armes nucléaires. La véritable mobombe à hydrogène. dernisation pour le XXIème siècle ! En 2016, la question n’est plus de savoir comment Le TICEN est donc un « grand pas en avant » aux une bombe explose, mais comment il est possible de dires des pays nucléaires qui se permettent de le la rendre plus performante. Il faut donc des explocontourner. Saluons ses 20 ans, et demandons son sions très spécifiques en laboratoire. Le TICEN qui application stricte à tous. spécifie dans son article premier qu’il est interdit « d’effectuer des explosions expérimentales » est Dominique Lalanne donc allègrement contourné par la France et par les autres pays nucléaires sans aucun état d’âme.
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OTICE
Un outil légalement inexistant mais pourtant opérationnel Plusieurs centaines
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travers le globe
ela peut paraître invraisemblable, mais c’est pourtant la réalité. Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaire n’étant pas pour l’instant légalement existant, on a du mal à penser que tout est cependant en place pour contrôler sa mise en œuvre,… le jour où il entrera en vigueur. C’est plutôt de bon augure. Cela veut dire qu’au sein de l’ONU, on ne se satisfait pas de la non-ratification du traité.
pour vérifier
La vérification
de stations de contrôles ont été mises en place à
l’absence d’essais nucléaires. Elles sont sous l’autorité de l’Organisation
Lorsqu’un accord de maîtrise des armements ou de désarmement entre en vigueur, les États parties sont tenus d’en respecter les dispositions. Pendant très longtemps, le respect des engagements pris reposait essentiellement sur la confiance. Les parties qui avaient conclu un accord devaient agir de bonne foi et honorer leurs engagements. Depuis la
du TICE. Sitôt que le traité d’interdiction sera enfin entré
immédiatement que les vérifications seront opérationnelles. En attendant, elles sont déjà fort utiles.
EN SAVOIR PLUS 16
Plusieurs rôles En constatant la façon dont chaque partie respecte ses obligations, la vérification donne une indication sur le fonctionnement de l’accord. Elle exerce un effet dissuasif sur ceux qui seraient tentés de ne pas en respecter les dispositions. Sachant que la violation risque d’être repéré, les États parties devraient être moins tentés par l’idée de renoncer secrètement à leurs engagements. En cas de manquement aux obligations, la vérification peut révéler ces transgressions avant qu’elles ne prennent une dimension inquiétante. Enfin, elle permet d’accroître la confiance dans la capacité de l’accord et de son mécanisme de vérification à fonctionner comme prévu et d’accroître ainsi la confiance entre les États parties, en constatant que celles-ci s’acquittent de leurs obligations.
L’OTICE
en vigueur, c’est
• www.ctbto.org
fin de la Seconde Guerre mondiale, cette conception n’est plus adaptée et le respect des engagements pris doit faire l’objet d’un contrôle. Ainsi la vérification est le processus qui permet de s’assurer que les États parties respectent les dispositions d’un accord.
Station du système international de contrôle
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Dès le 19 novembre 1996, les États signataires du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires ont créé la Commission préparatoire de l’OTICE1 en vue d’assurer la transition jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité. Sa tâche principale est de mettre en place le régime de vérification prévu par le Traité pour qu’il soit opérationnel au moment de son entrée en vigueur. Il est ainsi mis sur pied un réseau mondial de 321 stations de surveillance exploité par les pays hôtes en coopération avec le Secrétariat technique provisoire. Les stations communiquent des données au Centre international de données créé à Vienne. Ce réseau gigantesque sonde la terre, la mer et l’atmosphère pour détecter tout test nucléaire. On le trouve un peu partout sur la planète, et même dans les zones les plus reculées, au fond des océans ou au milieu du désert. Des questions se posent, notamment sur le fait que la vérification implique une certaine intrusion. Un bon régime de vérification doit trouver le juste équilibre entre
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Système international de contrôle - Les stations au 9 octobre 2016
Stations sismiques
Stations infrasons
l’accès autorisé et les informations obtenues ou concédées. Actuellement l’OTICE permet de renforcer les liens entre les communautés scientifiques. Elle permet aux chercheurs sensibles à la lutte contre la prolifération nucléaire de se connaître et ainsi de se mobiliser. Le secrétaire exécutif de l’organisation, le Burkinabé Lassina Zerbo, indique qu’il souhaite ainsi « mettre la science au service de la diplomatie ».
Un réseau efficace Marie Duhamel, envoyée spéciale de Radio Vatican pour la 5ème conférence de l’OTICE, indique « chaque jour, quelque 15 gigabits de données sont envoyés à Vienne au siège de l’Organisation où elles sont décryptées et analysées par 107 scientifiques. Ils reçoivent ainsi, par exemple, quelque 30 000 signaux sismiques qui permettent d’identifier en moyenne 130 événements sismiques jugés sérieux. L’OTICE est la seule organisation dans le monde à avoir un tel arsenal de données mesurant l’évolution de la planète depuis plus de 15 ans, et considérées par tous comme extrêmement fiables ». Ainsi, des centaines d’instituts de recherche dans le monde travaillent sur les données de l’OTICE. Aujourd’hui, le réseau fonctionne ; les essais effectués ces dernières années par la Corée
Stations radionucléïdes
du Nord ont été détectés immédiatement. Deux heures après, l’OTICE présentait ses premières conclusions à ses États membres. En attendant une opérationnalité légale sur le contrôle de l’absence d’essais nucléaires, l’OTICE permet aujourd’hui aux chercheurs d’avancer à pas de géant dans leurs travaux. Les données sismiques et stratosphériques permettent ainsi au projet ARISE2, de tenter d’établir des prévisions météorologiques à long terme. Ces données aident aussi les avions à éviter les fumées dégagées par les éruptions volcaniques. Autres applications utiles, les stations enregistrent immédiatement les tsunamis et l’OTICE permet ainsi aux gou-
Stations hydro-acoustiques vernants de prendre les bonnes décisions, comme l’évacuation de leurs populations des zones côtières. Dans les océans, les appareils entendent les icebergs se fracturer ou captent le mouvement des baleines. Des clés essentielles pour comprendre l’évolution de la planète. Reste que cet arsenal scientifique aux données incontestables doit servir à s’assurer qu’aucun n’État ne teste d’arme atomique en catimini. Et pour cela, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires doit entrer en vigueur sans délai. Pierre Villard 1
Organisation du traité d’interdic-
tion complète des essais nucléaires 2
Atmospheric dynamics Research
Infrastructure in Europe
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ARMES ATOMIQUES
Tester pour tuer Il est une évidence à rappeler, les essais nucléaires ont pour objectif de mettre au point et de perfectionner les armes atomiques. L’interdiction de ces armes conduirait inéluctablement à l’arrêt des tests.
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es essais nucléaires effectués par les puissances qui ont développé des armes atomiques ont dispersé dans l’atmosphère plus d’éléments radioactifs que les accidents de Tchernobyl et Fukushima réunis. En prenant comme unité de mesure la puissance de la bombe utilisée sur Hiroshima (15 000 tonnes de TNT), les plus de 2000 expérimentations réalisées depuis 1945, équivalent à l’explosion de cette même bombe, chaque jour, pendant 70 ans ! Trois millions de personnes ont été contaminées et les responsables de leurs maladies refusent de reconnaitre leur responsabilité. Devant cette folie, on mesure la nécessité d’interdire ces essais. Inscrits dans cette infernale logique qui voudrait que pour avoir la paix, il faudrait préparer la guerre, les essais nucléaires sont aussi justifiés pour leurs « retombées » dans l’industrie nucléaire civile. Un argument fallacieux puisque l’on sait que ce sont les réacteurs civils qui ont permis de faire des stocks énormes de plutonium nécessaire à la fabrication des bombes atomiques. C’est cette production de plutonium qui a, en partie, présidé au choix de la technologique des centrales françaises, délaissant des solutions peut être moins dangereuses.
Une pratique illégale La France, dont l’image a largement été écornée lors de ses essais nucléaires (le Rainbow Warrior de François Mitterrand et les essais de Jacques Chirac en 1996), continue de développer ses armes nucléaires grâce à d’importants investissements dans la simulation. L’ordinateur le plus puissant d’Europe, le Téra 100, et le laser mégajoule aux installations pharaoniques sont exclusivement dédiés à la simulation des explosions nucléaires. Coût du programme : 6,6 milliards d’euros. Ainsi, la France, continue de bafouer ses engagements internationaux. D’une part le traité d’interdiction des essais nucléaires (TICE) qu’elle a ratifié et d’autre part le traité de non-prolifération (TNP) qui l’engage « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ». Comble du cynisme ce pays met au point avec ses nouveaux programmes des armes nucléaires plus précises, d’une puissance réglable en fonction des objectifs 18
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retenus et donc plus utilisables dans des scénarios dits de « rétablissement de la dissuasion ». C’est donc la guerre nucléaire qui se prépare, en France.
L’espoir d’octobre Ce n’est donc pas étonnant que la France n’ait pas été au rendez-vous de l’histoire ce 28 octobre2016 lorsque l’Assemblée générale de l’ONU a adopté par 123 voix pour, 38 contre et 16 abstention la résolution visant à démarrer des discussions pour un traité d’interdiction des armes atomiques.Il faut remarquer que le vote de l’ONU est intervenu aussi quelques heures après que le Parlement européen ait adopté sa propre résolution - 415 voix en faveur et 124 contre, avec 74 abstentions - en invitant les États membres de l’Union européenne à « participer de façon constructive » dans les négociations de l’année prochaine. Ces négociations commenceront en mars 2017, poursuivies par deux autres rendez-vous avant la fin de l’année. Contrairement aux engagements absents du TNP, les États n’ont pas oublié le calendrier permettant d’aboutir. 2017 peut donc marquer l’aboutissement de plusieurs décennies d’actions du mouvement pacifiste. Les acteurs, et parmi eux notamment le Mouvement de la Paix en France, peuvent être fiers de ce résultat. Mais l’heure n’est pas à la béatitude. L’intervention citoyenne est plus jamais à l’ordre du jour pour ne pas laisser voler la victoire. Présent à Genève pour célébrer l’anniversaire du TICE, le Secrétaire Général de l’ONU, monsieur Ban Ki Moon, a déclaré : « Le TICE est essentiel à la réalisation de la vision d’un monde exempt d’armes nucléaires. Il met un frein à leur développement en termes de quantité et de qualité ». La campagne présidentielle qui se dessine en France ne semble pas pour l’instant mettre à l’ordre du jour l’éradication de la menace la plus imminente qui pèse sur l’humanité, les armes atomiques. Il revient aux pacifistes d’amplifier leurs actions avec nos partenaires, notamment d’ICAN France, pour l’abolition des armes atomiques et le respect par la France de ses engagements internationaux. Michel Dolot
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pRéVENTION
Les armes nucléaires sans effet contre l’État Islamique En France, on connaît un peu le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), l’instance civile la mieux documentée dans le monde en matière d’armes. On connait moins son directeur Tariq Rauf, un Canadien qui dirigea l’OTICE. Avec leur aimable autorisation Planète Paix publie une interview majeure parue dans Der Standard, magazine autrichien.
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er Standard : Le Traité d’interdiction des expérimentations des armes nucléaires a maintenant 20 ans d’existence. Tous les États n’ont pas encore ratifié ce traité. Que s’est-il passé durant ces 20 années ? Tariq Rauf : Durant cette période, trois pays ont procédé à des expériences nucléaires, l’Inde, le Pakistan (tous deux en 1998) et la Corée du Nord (en 206 et 2016). Ces pays font partie de ceux qui ne l’ont pas ratifié. Les États-Unis ne veulent pas entendre parler de limitation de leur potentiel nucléaire. Ils n’ont aucune confiance dans les possibilités de contrôle du Traité d’interdiction des expérimentations des armes nucléaires. Ils investissent des milliards dans leur propre système. Et la Chine ne le ratifiera pas aussi longtemps que les États-Unis n’y sont pas disposés. Ils attendent de savoir quelles conditions les États-Unis lient à une ratification. Si Donald Trump est élu président, je ne vois aucune chance qu’il soit ratifié à l’avenir.
DS : Israël a fait savoir qu’il signera le traité, sans pour autant fixer de date. TR : La menace qui pèse sur Israël a totalement changé de nature. L’Irak, la Libye, l’Iran ne représentent plus aucune menace concrète. Il existe des traités de paix avec la Jordanie et l’Egypte. Et les armes nucléaires sont sans aucun effet contre le Hamas ou l’État Islamique. Israël ne le ratifiera néanmoins que lorsque l’Egypte et l’Iran y seront disposés.
DS : Le seul pays qui a procédé à des expériences nucléaires au cours du XXIe siècle, c’est la Corée du Nord. TR : Il convient de trouver avec la Corée du Nord un schéma comparable à celui qui a prévalu avec l’Iran. Kim Jong-Un a proposé de s’asseoir à la même table que les États-Unis pour négocier un arrêt des expérimentations. Mais cette proposition n’a pas été acceptée. La difficulté avec la Corée du Nord est que le programme nucléaire n’est pas le seul objet de la négociation.
DS : En toute discrétion, l’Inde met au point des sous-marins équipés d’armes nucléaires. TR : Oui, et personne ne prête attention à l’Inde. Les sous-marins nucléaires de la marine indienne pourraient être opérationnels dès 2017 ou 2018. Les Indiens construisent également des bases dans l’Océan Indien, ce qui pourrait déstabiliser toute cette région et aggraver la tension avec la Chine. L’US Navy a conclu un partenariat avec l’Inde et étend ses contacts en Asie tout autour de la Chine. Nous allons, dans cette région du monde, tout droit vers une nouvelle course aux armements nucléaires.
DS : Est-ce que c’est là votre principale n ? TR : Il faut bien vous représenter que 4.000 des 15.000 des ogives nucléaires actuellement existantes dans le monde sont en état d’alerte maximum, notamment aux USA et en Russie. Quelques minutes suffisent à leur mise en service. Leur durée de vol est d’à peine 12 à 15 minutes pour atteindre Moscou ou Washing-
Tarik Rauf
ton. Il se produit partout des accidents ; pourquoi n’y en aurait-il pas là non plus ? Qu’est-ce qui se passe si un hacker simule une attaque ? Comment les politiques prennent-ils leurs décisions dans une telle situation ? Et qu’en est-il si du matériel nucléaire tombe dans les mains de terroristes ? 83 % du matériel nucléaire se trouve hors de tout contrôle international. Nous pouvons nous estimer heureux qu’il n’y a plus eu d’incident notable avec les armes nucléaires depuis 70 ans. Mais qui peut garantir qu’il en sera toujours ainsi ? Les hommes ont le sentiment que le problème n’existe plus depuis la fin de la Guerre Froide ; mais ils se trompent.
DS : Est-ce que les dirigeants politiques prennent le problème suffisamment au sérieux ? TR : Tous sont partisans d’un monde sans armes atomiques, mais ne veulent désarmer que si les autres le font. L’ONU a prévu un grand sommet international sur la question des armes nucléaires. Peut-être est-ce que cet événement offrira l’opportunité de provoquer de nouvelles ratifications du CTBT. Il est néanmoins évident que ce siècle continuera à être marqué par l’existence des armes nucléaires. Un monde exempt d’armes nucléaires demeure une perspective lointaine. Interview réalisée par Manuela HonsigErlenburg,traduite par Jean-Paul Vienne parue dans Der Standard (Autriche) du 14 juin 2016
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RÉFÉRENCE Signature ou ratification ? La signature d’un pays signifie l’engagement de celui-ci par sa représentation à l’ONU (Chef d’État, Roi, Chef de gouvernement, …). La ratification par un état membre signifie la confirmation de la signature par la représentation nationale (Assemblée, Congrès, …).
La liste des 44 pays de l’annexe 2 Pays qui ont signé et ratifié le TICEN
Pays signataires n’ayant pas ratifié le TICEN
Afrique du Sud
Espagne
Pays-Bas
Algérie
Finlande
Pérou
Pays n’ayant ni signé, ni ratifié le TICEN
Allemagne
Finlande
Pologne
Argentine
France
République de Corée
Australie
Grande-Bretagne
République démocratique du Congo
Autriche
Hongrie
République populaire démocratique de Corée
Bangladesh
Inde
Roumanie
Belgique
Indonésie
Russie
Brésil
Iran
Slovaquie
Bulgarie
Israël
Suède
Canada
Italie
Suisse
Chili
Japon
Turquie
Chine
Mexique
Ukraine
Colombie
Norvège
USA
Égypte
Pakistan
Vietnam
Les principaux sites d’essais nucléaires depuis 1945
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MONDIALISER LA PAIX Bureau international de la paix
Désarmer ! Pour un climat de Paix Du 30 septembre
L
du constat de
e Bureau International de la Paix est une ONG internationale qui rassemble plus de 300 organisations pacifistes issues de 70 pays, dont le Mouvement de la Paix en France. C’est en même temps la plus vieille organisation pacifiste, fondée en 1891, qui a su s’adapter pour répondre aux défis de notre époque, notamment sous l’influence du grand pacifiste irlandais Sean Mac Bride et de son engagement contre les armes nucléaires. Elle a reçu le prix Nobel de la Paix en 1910. Du 30 septembre au 3 octobre 2016, le BIP a organisé son Congrès mondial. Reprenant le constat lapidaire établi par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon : « le monde est surarmé et la paix est sous-financée », celui-ci était consacré au désarmement et au développement. Près de 1000 participants venus de 75 pays se sont retrouvés pour écouter de grandes personnalités internationales parmi lesquelles Mickael Gorbachev, Noam Chomsky, James Galbraith, Jean Ziegler ou Federico Mayor et pour participer à des ateliers pour la réflexion et l’action.
Ban Ki Moon :
Urgences
au 3 octobre 2016, le Bureau International de la Paix a organisé un Congrès Mondial consacré au désarmement et au développement, placé sous le signe
« le monde est surarmé et la paix est sous-financée ». Une dizaine de responsables du Mouvement de la Paix était présente.
Ce qui a dominé les échanges, c’est un sentiment d’urgence : dans tous les pays sévissent les discours de guerre, justifiant une relance de la course aux armements. Les budgets de la défense augmentent partout malgré les politiques d’austérité ; l’OTAN, en particulier, exige de ses membres qu’ils consacrent 2% du PIB à la défense, ce qui représente jusqu’au doublement des dépenses d’armement, comme vient de l’annoncer la France. Il y a donc urgence à dénoncer cette nouvelle course aux armements, à descendre dans la rue, à interpeller les gouvernements, à multiplier les campagnes d’opinion. A Berlin sont intervenus de nombreux responsables syndicalistes internationaux et aussi, de manière inédite, le secrétaire général de la puissante centrale syndicale alle-
mande DGB, manifestant une sensibilité accrue pour les questions de désarmement et de conversion des industries de guerre. Ce nouvel apport au combat des pacifistes est porteur d’avenir, tout comme l’engagement des organisations internationales de défense des Droits de l’Homme et de l’environnement, et celui du représentant du pape François. La conscience du danger des idéologies guerrières agit comme un catalyseur de forces déterminées à se mobiliser ensemble davantage que par le passé.
Agenda Au terme de ce congrès, le BIP a présenté son propre agenda d’action et sa campagne mondiale pour la réduction des dépenses d’armement. Mais le plus important pour les délégués venus du monde entier, ce sont les expériences échangées, les contacts noués pour des actions futures. Partout se préparent des marches ou des manifestations pour la paix, dès octobre en Italie et en Allemagne. Le sommet de l’OTAN en 2017 donnera aussi l’occasion de se mobiliser contre la guerre et contre les dépenses d’armement. Un rassemblement de jeunes a décidé de se constituer en réseau pour contribuer à alerter sur les gâchis monstrueux que représentent les sommes englouties dans les guerres et les armes et pour exiger que les États consacrent leurs moyens à la réalisation des Objectifs de Développement Durable auxquels ils ont souscrit dans le cadre de l’ONU. Jamais le poids de la société civile n’a été aussi crucial qu’aujourd’hui et les rencontres internationales comme celle de Berlin montrent l’étendue des possibilités pour faire agir ensemble des millions de femmes et d’hommes afin de changer le monde. C’est fort de cette conviction et remplis d’énergie que les participants à ce Congrès Mondial reviennent de Berlin. Alain Rouy
EN SAVOIR PLUS • www.ipb2016.berlin • www.ipb.org N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX États-Unis d’Amérique
La culture des armes A l’heure où vous lirez ces lignes les États-Unis auront franchi une étape pour l’élection de leur nouveau-elle président-e. Quel que soit le choix des électeurs, le prochain chef d’Etat aura à résoudre l’épineuse question de la possession d’armes individuelles.
A
ux États-Unis en 2015, 35 personnes par jour furent tuées à cause de la violence des armes. La même année, il y avait 88.8 armes à feu pour 100 personnes, 59 fusillades dans les lycées, 372 fusillades de masse, deux fois plus de personnes tuées par la violence des armes que par le cancer, et 1 ménage sur 3 possédait une arme. Les faits sont bouleversants, mais seulement 55% de la population américaine soutient une législation sur les armes à feu plus stricte. Pour bien comprendre ce phénomène, il faut étudier le contexte législatif, historique et actuel de la culture des armes aux États-Unis. Le deuxième amendement de la constitution américaine declare : “Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.” Cet amendement fut écrit en réaction à l’occupation britannique pendant la révolution américaine (1775-1783). Cet amendement représente donc une partie cruciale d’un document qui a contribué a forger la mentalité des américains au fil du temps. Il y a une culture des armes aux États-Unis, une culture du strict respect de la constitution, et également une conviction forte sur le droit de porter des armes individuelles. Cependant, il existe une opposition à cette interprétation stricte de la constitution de la part d’une partie de la population qui préfère les droits aux armes collectives, comme dans l’armée mais il s’agit là d’une division sociale entre les droits individuels et les droits collectifs et il n’y a pas assez d’opposition pour la transformer en legislation sur les armes à feu. En outre, le deuxième amendement avait toujours justifié des luttes individuelles, comme lors des batailles contre les amérindiens et pendant la guerre civile (1861-1865). En 2008 quand eut lieu l’affaire judiciaire de la Cour Suprême appelée The District of Columbia v. Heller”, la cour conclut qu’il s’agissait des droits individuels, et non collectifs, qui sont écrits dans le deuxième amendement de la constitution. Dès lors, le premier changement de cet état d’esprit, la mentalité qui dit que tous les gens doivent avoir des armes pour se protéger, ne pouvait pas avoir lieu, ce qui rend le vrai progrès sur l’interdiction des armes difficile et long. La loi sur le contrôle
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des armes (The Gun Control Act of 1968) fut votée en 1968, au cours de la décennie la plus violente au pays depuis la guerre civile. Avec le mouvement des droits civils des Afro-américains, le mouvement pour les droits des femmes et le mouvement pour les
droits des homosexuels, la violence était présenté dans les rues des États-Unis ainsi qu’une forte instabilité dans les institutions politiques. La guerre du Vietnam avait dévasté le moral de la population, et des armes étaient utilisées dans les émeutes. Après les assassinats de Martin Luther King, John F. Kennedy (le président qui avait donné de l’espoirà la population américaine) et Robert Kennedy (le candidat préféré pour l’élection de 1968), la loi sur le contrôle des armes fut votée pour tenter d’empêcher la violence des armes et protéger des personnalités politiques ainsi que la population. Cette loi a interdit la vente des armes à feu à différents types de personnes, y compris les jeunes en dessous de l’âge 18, les personnes avec des antécédents criminels, les handicapés mentaux, les immigrés illégaux. Ensuite, la loi a été modifiée avec la loi Brandy, pour éviter de la violence (Brady Handgun Violence Prevention Act),
qui a mandaté des recherches sur les antécédents de toute personne sans permis de port d’armes qui a acheté des armes à feu auprès d’un marchand fédéral autorisé. Toutes les lois furent seulement votées à cause du climat de violence à cette époque, et le commerce des armes à feu avait encore pas mal de failles. N’importe qui pouvait acheter une arme sans qu’il n’y ait de recherche sur les antécédents de l’acheteur. De plus, chaque état des États-Unis a ses propres lois sur le contrôle des armes. La loi fédérale ne demande pas de trace d’acquisition, de possession, ou de changement des armes privées. Les armes sont seulement interdites dans les installations fédérales, les écoles, et les parcs nationaux. La peine maximale
pour la possession illégale d’une arme à feu est de 10 années de prison. Les accords internationaux qui prohibent la fabrication et le trafic illicite des armes à feu ne peuvent pas toujours faire face aux problèmes de porosité entre frontières et à cause de l’opposition du Congrès aux lois strictes contre le contrôle des armes, beaucoup de traités internationaux n’ont pas été signés. Le Président Obama a essayé d’améliorer la législation, mais l’obstacle pour une interdiction complète est la force de la culture des armes qui vient de la constitution et de l’opinion publique. Dans son discours après l’incident de San Bernardino en Californie, le président à appelé les “propriétaires d’armes à feu responsables” à soutenir un changement
pour protéger les familles et les citoyens des États-Unis. Encore aujourd’hui, presque la moitié de la population soutient une legislation sur les armes à feu moins stricte et moins restrictive. Cette division au sein de la population se montre dans les lobbies pour la protection des droits américains, comme l’Association Nationale des Fusils (The National Rifle Association, ou ‘NRA’). Les américains sont divisés sur la question du pouvoir de la NRA, et le problème principal est que les soutiens du droit au port d’armes sont plus engagés dans la politique que leurs adversaires. Au départ, la NRA était seulement une association de chasse, mais après la loi de 1968 sur le contrôle des armes, elle est devenue une association politique. Le NRA, ainsi que la population en faveur du port d’armes sont très structurées en organisations locales qui envoient des représentants pour aider au financement des élections pour le Sénat ou la Maison des Représentants et peuvent donc exercer une forte pression sur certains élus. Ainsi, quand le président essaie de faire voter des lois sur le contrôle des armes, à cause des élus financés par la NRA, la branche legislative s’oppose à celles-ci. La NRA maîtrise la communication ; elle sait diffuser ses idées et faire connaître sa cause; elle sait également cibler les publics, comme les institutions des femmes et armes, des tireurs à la cible, et des anciens combattants. Un autre problème avec le puissance qu’a la NRA est que l’opinion ne sait pas vraiment combien de pouvoirs elle a. Toutes ses actions, comme certaines actions de son président, sont cachées, et puis tout les actions illégales sont dissimulées et rendent le vote clairement difficile. Le problème principal est la division sociale qui est profondément gravée dans la société américaine par l’histoire des droits et des actions imprécises du gouvernement. Les medias sont un bon exemple de cette division, lorsqu’on voit en effet que le New York Times est contre la culture des armes, mais la chaîne CNN est pour la culture des armes. De plus, comme cela arrive souvent avant qu’une interdiction soit promulguée par une loi, les personnes vont se dépêcher d’aller acheter une arme même si elles n’en ont past besoin, par peur de se retrouver dans une situation où elles estiment en avoir besoin mais ne peuvent pas s’en procurer. Cette propension à acheter rapidement des armes vient de la peur qui a été un modèle commun dans l’esprit américain en raison du terrorisme, de la guerre, des événements dans les autres pays alliés et l’augmentation de la violence armée
dans des espaces publics tels que les écoles. La population achète des armes pour se protéger elle-même contre les armes des autres. En effet, la raison principale pour posséder des armes a évolué de 1999 à 2013, de la chasse à l’auto-défense. La culture des armes à feu est ancienne aux États-Unis , mais elle n’a jamais été aussi forte. La majorité des américains des deux partis politiques principaux sont d’accord sur le fait de pouvoir effectuer des recherches sur les antécédents des personnes pour les achats lors des spectacles des armes à feu. Il n’y a pas encore beaucoup de soutien pour une base de données fédérale, mais encore, les recherches sur les antécédents pourront empêcher certaines actions violentes. Statistiquement, la population est plus favorable à la pratique des recherches sur les antécédents personnels que la législation actuelle. Souvent, la population pense que les nouveaux projets de loi peuvent aider à rendre les armes complètement illégales un jour. Bien sûr, il est difficile de protéger la population responsable de la part de la population irresponsable quand tout le monde a une arme. Évidemment, si une personne a une arme, la personne ne se sent pas en sécurité, et donc de plus en plus de personnes achèteront des armes. Tel est le cycle de la violence, qui vient du besoin d’avoir la liberté et droits individuels, qui sont des valeurs très américaines. Il est difficile de retirer toutes les armes à feu parce que tant de jeunes en ont, mais surtout en raison de la forte conviction dans les droits individuels pour le port d’armes à feu. De plus, la moitié de la population rejette la faute sur le président tandis que l’autre partie de la population, elle, blâme le Congrès, le Sénat ou la Maison des Représentants, alors qu’n attendant, nous comptons beaucou de morts, d’enfants morts, en somme des innocents tombés sous les balles de citoyens irresponsables. A cause de la tradition et de la culture des armes aux États-Unis, le gouvernement est incapable de satisfaire tout le monde et la violence continue de faire des ravages. La culture des armes rend le gouvernement incapable d’agir, mais ce n’est pas parce que le gouvernement ne fonctionne pas de manière efficace mais parce que si la population est divisée, la MaisonBlanc sera divisée, elle aussi. Pooja Patel, étudiante à l’Université de Boston
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MONDIALISER LA PAIX Jordanie
L’humanisme en période de crise La question des
niens en Jordanie est parfaite, mais la potentialité des périls n’empêche pas l’accueil. Dans les années 60, alors que des Palestiniens utilisaient des parties du territoire comme base pour attaquer Israël, le roi de Jordanie a pris la décision d’expulser du pays l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
réfugiés est un sujet qui fait le tour du monde aujourd’hui.
Le cœur et la raison
Les guerres continuent tandis
où l’utilisation de la
a guerre de 1948 au Proche-Orient a provoqué un afflux de réfugiés palestiniens en Egypte, Liban, Syrie et Jordanie. Mais les nations arabes, au lieu d’intégrer les réfugiés avec leur population, les ont mis dans des camps de réfugiés. Au contraire, le roi de Jordanie a donné la citoyenneté aux palestiniens ayant résidé en Jordanie, en Cisjordanie ou à l’Est de Jérusalem. Ainsi, en 1988, le roi Hussein de Jordanie accordait la citoyenneté pour un million et demi de palestiniens. Aujourd’hui, on compte plus de palestiniens intégrés à la société jordanienne que dans les camps. Le pays accueillait aussi des projets d’aide aux réfugiés portés par des organisations internationales, les États-Unis et des ONG. Les camps de réfugiés ont donc été construits de sorte à intégrer les réfugiés, et non à les séparer des citoyens. Une approche des camps bien différente de celle d’autres pays.
violence diminue,
Action d’État
que les chances pour la paix diminuent. Pourtant, il y a des pays où le traitement des réfugiés donne l’espoir d’un monde
voire recule. C’est le cas de la Jordanie.
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L
Le Roi Abdallah II de Jordanie devant l’Assemblée générale des Nations Unies.
L’humanité du roi de Jordanie s’est traduite au travers une lettre qu’il a écrite à son Premier ministre, Abdel Salaam al-Majali, « […] pour les réfugiés, nous devons nous rappeler que la Jordanie est le plus grand pays d’accueil de réfugiés Palestiniens, dont la plupart détiennent la citoyenneté jordanienne, qui partagent nos droits et devoirs jusqu’à ce que ce problème soit résolu avec le retour et/ou compensation. ». Le Dr. Adel al-Qanneh, un refugié Palestinien pharmacien en Jordanie en témoigne : « Nous sommes très reconnaissants envers la famille royale, pour la prise en charge et le soutien qu’ils nous ont apportés ». Aujourd’hui, un bon nombre de personnalités jordaniennes sont d’origine palestinienne. Cela ne veut pas dire que la situation est exemplaire, ni que l’accueil et l’intégration des réfugiés palesti-
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Aujourd’hui, d’après les données statistiques de l’UNRWA, la Jordanie compte plus de 2,1 millions de réfugiés Palestiniens, la plupart citoyens à part entière. C’est le résultat du travail acharné du roi Hussein, et la continuation de ce travail humanitaire par le roi Abdullah qui a aussi accueilli beaucoup des réfugiés syriens. C’est grâce à cette intégration immédiate qu’élèves et étudiants palestiniens et jordaniens rejoignent ensemble les bancs de l’école, sans racisme ni discrimination, ni différentiation entre Jordaniens et Palestiniens. Cela permet aux jeunes d’apprendre à agir avec le cœur et de comprendre qu’en périodes de crises migratoires, les personnes les plus affectées sont les plus innocentes et n’aspirent qu’à une seule et unique chose : vivre en paix.
L’humanité porte ses fruits Il y a de cela quelques jours, Amnesty International a dénoncé « l’égoïsme des pays riches » dans l’accueil des réfugiés. Depuis 2011 : « la France n’a accueilli que 11 000 Syriens, quand la Jordanie en a recueilli 60 fois plus ». Cela prouve que chaque pays peut faire beaucoup plus en termes d’accueil, et notamment aujourd’hui avec l’afflux de réfugiés syriens. La Jordanie n’a pas fermé ses frontières avec la Syrie jusqu’à ce que la situation soit devenue un « boiling point1 » comme l’a annoncé le roi. Les Syriens y constituent aujourd’hui 20% de la population. Cette réalité en Jordanie est l’exemple qui prouve que faire preuve d’humanité porte ses fruits, et reculer devant cet humanisme sous prétexte qu’il existe un danger potentiel n’est pas digne d’une humanité qui doit être solidaire et juste. Seule une minorité constitue une menace pour la sécurité. La plupart des Hommes aspire juste à une vie en sécurité, en paix. Lillian J. Gharios 1
Point d’ébulition
MONDIALISER LA PAIX Turquie
Pour un accueil digne et concerté Maras est une petite ville de Turquie à quelques kilomètres d’Alep en Syrie. Le gouvernement y construit des camps pour les réfugiés syriens. Cette arrivée soulève des sentiments contradictoires. A côté de la peur, se développe également la solidarité. Gülferiz Contay s’y est rendu dernièrement. Il témoigne pour Planète Paix.
A
u mois d’avril, à l’occasion de l’enterrement d’un oncle exilé en France, je me suis rendu au village natal de ma mère près de Maras en Turquie. C’est une région habitée par une forte communauté kurde Alevie1. Arrivé au village le cercueil était attendu par des dizaines de gendarmes. Ils ont fouillé nos valises et contrôlé nos papiers. Avec cette pression, seules les personnes âgées ont assisté à l’enterrement. Les villageois voisins ne s’y sont pas rendus par crainte d’une attaque de l’armée, présente aux alentours. Impossible également de se rendre au Cemevi2 car celui-ci était entouré de gendarmes : il fallait présenter un justificatif de domicile délivré par le Muhtar3. Une femme kurde, connue comme résistante, a dû justifier de son domicile, mais le commandant a voulu empêcher tout notre groupe d’y entrer. Après de longues discussions, nous avons dû laisser un de nos amis en gage avec nos pièces d’identité. La ville de Maras a subi un massacre en 1978 à cause d’une politique de négation d’ethnicité et de religion envers les Alévis. Plus de 800 personnes y ont perdu la vie, égorgées, brûlées vives, torturées, les femmes enceintes éventrées. 80% de la population a alors quitté la ville pour l’Europe ou dans des villes turques en cachant leurs croyances de peur de revivre les mêmes drames. Depuis la guerre en Syrie, certains réfugiés syriens ont été pris en charge par le gouvernement turc. Les villes choisies pour l’installation des camps sont dans les secteurs à forte communauté Alévie. A Ma-
ras, 5000 habitants, il est prévu l’installation d’un “camp-containers” de 27 000 réfugiés sur 375 000 m². La population craint pour sa vie comme en 1978. Des habitants se sont mobilisés contre l’installation de ce camp accompagnés de « Yaşam Platformu », la plateforme de la vie, avec de nombreuses organisations de la société civile et des partis politiques. Malgré les protestations et la tenue d’un meeting, auquel les manifestants ont eu toutes les difficultés à se rendre à cause des contrôles policiers,
le chantier a commencé le 31 mars. A 1 km du chantier, une “tente de résistance” a été installée, et des tours de garde organisés. Dans cette mobilisation les femmes occupent la première place. Il est à déplorer un mort. Les journaux turcs ont publié des articles annonçant que les Alévis de Maraş “ne voulaient pas de réfugiés syriens dans leur ville“. Les habitants ont alors précisé « Il est faux de dire que nous ne voulons pas accueillir de réfugiés. Notre communauté est elle-même déjà exilée. Nous refusons le choix de l’emplacement du camp. Des Djihadistes circulent comme chez eux dans la région. Qui va être hébergé réellement dans ce
camp ? », « Allons-nous être forcés de partir ? Nous craignons qu’il y ait des provocations pour déclencher un nouveau massacre ». Dans le même temps, un mouvement de solidarité s’est créé à l’initiative du HDP4. Les habitants ne veulent en aucun cas d’une guerre sur leurs terres. Ils veulent résoudre le problème sans présence armée. Dans le même temps, ils félicitent les résistants qui les ont sauvés. Ils n’ont pas cité le nom de la force armée mais le nom du YPG5 était sous-entendu. Les habitants soulignent que les besoins des réfugiés doivent être pris en charge par l’État et qu’il faut un contrôle plus rigoureux pour les membres de Daech. Il existe à ce sujet des points obscurs déjà relevés par de nombreux rapports sur les camps existants : il y est révèlé, par exemple, que certains camps pourraient servir à mettre en sécurité des membres de Daech et leurs familles. Entourés de hauts murs, ces camps restent interdits aux observateurs, ONG, et organisations de la société civile. Malgré l’opposition de la population, les travaux du camp de Maras continuent. Gülferiz Contay 1
L’alévisme revendique une tradition universelle et ori-
ginelle de l’islam, proche du chiisme 2
Maison de culte des Alévis
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Chef du village
4
HDP : parti démocratique des peuples
5
Unité de protection du peuple syrien
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MONDIALISER LA PAIX Territoires occupés
Quel avenir pour le Sahara Occidental ? Le 13 septembre 2016, Melchior Wathelet1 a rappelé que “le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et dans ces conditions ni l’accord d’association UE-Maroc, ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables”. Sahraouis et
D
epuis 1963 le Sahara Occidental est inscrit sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU et relève de la résolution 1514 portant sur le droit à l’autodétermination par les peuples coloniaux. Les institutions européennes n’ont jamais reconnu que le Sahara Occidental faisait partie du territoire du Maroc, ni relevait de sa souveraineté. Passant outre ces évidences, Hassan II3 a organisé en 1975 la trompeuse « Marche Verte », qui n’est que « la façade civile d’une invasion militaire », selon Jacob Mundy, spécialiste des conflits au Maghreb. L’armée marocaine a envahi un territoire qui ne lui appartenait pas. Fuyant les bombardements au napalm et au phosphore blanc, une partie de la population sahraouie s’installe « provisoirement » sur une hamada4 désertique où la température monte à 50°C et où rien ne pousse. C’est la région de Tindouf, en Algérie, qui lui ouvre ses frontières. Ces nomades sédentarisés par force, continuent, 40 ans plus tard, à y survivre de manière très précaire et dépendent de l’aide internationale. Une autre partie, restée sur sa terre pour la défendre, subit mépris et répression du colonisateur marocain et des nombreux colons amenés de force ou attirés sur cette riche terre par de belles promesses. Cette politique de peuplement forcené est contraire à la 4ème convention de Genève.
Marocains y voient les prémices de leur victoire. Mais quelle victoire ? s’interroge Marie-Jo Fressard . EN SAVOIR PLUS • https://solidmar.blogspot.com • http://diasporasaharaui.blogspot.fr/2015/07/les-troupeaux-desrois-du-maroc-au.html 26
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Les territoires occupés comptent actuellement plus de colons marocains que de Sahraouis. Une aubaine fabriquée pour de futures élections.
Les conditions d’une guerre Il n’est pas surprenant qu’une guerre ait éclaté entre le Maroc et le Front Polisario, le représentant et le défenseur du peuple sahraoui. Elle a duré 16 ans. En 1991 le cessez-le-feu a été signé. Alors que le Sahara Occidental le respecte scrupuleusement, le Maroc viole impunément les droits de l’Homme. De 1982 à 1987, aidé par des Israéliens et des Américains, le Maroc construit son « mur de la honte » long de 2700 km, en sable truffé de mines antipersonnel, gardé et équipé militairement. Il coupe le Sahara Occidental en deux, du nord au sud, séparant cruellement les familles. C’est la plus longue construction militaire du monde5. Les Sahraouis en exil attendent de pouvoir retourner vivre chez eux, de l’autre côté de cette barrière infranchissable où sont restés les autres membres de leurs familles. Les plus jeunes sont impatients de découvrir leur pays et commencent à parler de le reconquérir, lassés d’attendre pacifiquement.
Des disparus par milliers L’association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (AFAPREDESA) a recensé, depuis le début du conflit de la colonisation, plus de 30 000 détenus et plus de 4 500 portés disparus. 400 d’entre eux n’ont laissé ni trace ni la moindre indication susceptible de localiser le lieu et les circonstances de leur disparition. Des Sahraouis ont été jetés dans le vide depuis des hélicoptères. Des dépouilles de Sahraouis, officiellement classés « prisonniers » ou « disparus », sont retrouvées peu à peu dans des fosses communes qui datent des années de la conquête marocaine. Dans certaines fosses la position des corps, adultes et enfants, prouve qu’ils ont été enterrés vivants. Selon Le Parisien, « Le juge Pablo Ruz de l’Au-
Photo Jean-François Debargue
«L’ennui… vu du camp d’El Ayoun »
dience nationale, spécialisé dans les affaires complexes, estime qu’il « existe des indices rationnels » permettant de juger onze inculpés marocains pour des faits de « génocide », dans les conclusions d’une enquête ouverte en octobre 2007. »
Actions non-violentes Le peuple sahraoui est non-violent. Il est inventif dans ses luttes pacifiques contre l’occupant. Pourtant, chaque manifestation pour réclamer le référendum d’autodétermination se solde par une violente répression et de nombreux blessés. Les Sahraouis n’hésitent pas à sortir dans la rue. En 2010 ils ont été des milliers à se rendre en familles d’El Aaiun6 au lieu-dit Gdeim Izik7 pour monter un gigantesque camp de protestation. L’occupant ne l’a pas supporté et le démantèlement a été très violent. 23 Sahraouis sont toujours en prison, condamnés à de très lourdes peines à la suite d’un procès basé sur des aveux obtenus sous la torture.
Une crise diplomatique Au mars 2016, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est rendu pour la première fois dans les campements de réfugiés sahraouis. Il a visité les « territoires libérés » du Sahara Occidental, situés entre le mur de séparation et la frontière algérienne. Il a rencontré le président de la République Arabe Sahraouie Démocratique (la RASD) et les casques bleus
de la MINURSO8. Dans les camps, son contact avec ce peuple oublié l’a bouleversé. Il ne s’attendait pas à trouver une telle désolation et se dit attristé de voir tant de réfugiés nés en exil au début de cette occupation, empêchés de retourner chez eux, sinon en sujets obéissants du roi. Il assure que la décolonisation de ce territoire est urgente, citant à ce propos des paroles et des écrits de l’ONU connus depuis 1963. Mais le roi du Maroc fait mine d’être consterné de cette « trahison », et la panique le pousse à réagir de manière violente et irresponsable. Il ordonne, entre autres, le retrait de plus de 80 membres de la MINURSO, faisant comme si cet organisme était une propriété personnelle. Ces mesures de rétorsion visent à rendre impossible l’organisation du référendum d’autodétermination, l’arrêt du maintien du cessez-le-feu, et constituent un réel risque de conflit dans la région. Le Makhzen9 organise à Rabat une énorme manifestation « spontanée » contre Ban Ki-Moon à laquelle participent des membres du gouvernement. Le secrétaire général de l’ONU est hué et injurié. C’est la crise diplomatique. A la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en avril 2016, il est demandé au Maroc de rappeler le personnel de la MINURSO dans les 90 jours. A ce jour 25 membres seulement ont repris leur fonction.
les territoires libérés par le Polisario. Fin août 2016 le Maroc a franchi le mur avec du matériel militaire lourd dans la région de Garguerat, sous prétexte de contrôler la contrebande à la frontière. Il continue à agir en maître de « son » Sahara, en vendant du poisson pêché en eaux sahraouies, ne tenant aucun compte de la conclusion de l’avocat général de la CJUE. La tension continuera d’être vive tant que la situation ne sera pas clarifiée. De plus en plus nombreux sont les pays qui appuient le projet de référendum pour l’autodétermination. La France continue à soutenir son « ami le roi », quoi qu’il fasse. Marie-Jo Fressard 1
Avocat général de la Cour de Justice de l’Union
Européenne 2
Présidente de l’association Solidarité Maroc 05
3
Roi du Maroc du 3 mars 1961 au 23 juillet 1999
4
Plateau rocailleux
5
Voir le dossier de Planète Paix n°588 - janvier 2014
6
Ville également appelée Laâyoune, voir sur la carte
7
Campement de protestation de Gdim Izik, situé à 12
km de El-Aaiun 8
Mission des Nations Unies pour le référendum d’auto-
détermination du Sahara Occidental 9
Dans le langage familier au Maroc, le Makhzen signifie
l’État et les institutions régaliennes marocaines.
Besoin de clarification Le mur de séparation marque la frontière entre les territoires occupés par le Maroc et N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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MONDIALISER LA PAIX Colombie
La paix vaincra La Colombie apparait encore pour beaucoup comme une zone dangereuse. Mais ne voilà pas qu’on y parle enfin de Paix. Une paix que le peuple, consulté par référendum, semble refuser. Jean-Claude Bourguignon, président de Calipas International nous donne des éléments pour comprendre cette situation étonnante.
EN SAVOIR PLUS • www.calipas.org
portent sur 6 grands thèmes (voir cicontre). Après 4 ans de négociations, un accord de cessez-le-feu est signé le 23 Juin 2016. L’accord bilatéral historique de paix définitif entre en vigueur le 29 Août et est ratifié le 26 septembre devant 2 500 invités, dont 15 chefs d’Etat latino-américains, vêtus de blanc. Le 2 Octobre, par référendum, le peuple rejette de peu l’accord Le président colombien Juan Manuel Santos (à gauche) serre la main du par 60 000 voix d’écart. Le Président chef des Farc, Timoleon Jimenez, alias Timochenko Santos qui quelques jours après se voit orsqu’on connaît la Colombie, on tombe attribuer le prix Nobel de la paix, assure que le cessous son charme ; on en repart difficile- sez-le-feu sera maintenu. Le chef des FARC, Rodrigo ment pour mieux y revenir. Alors pourquoi Londono dit Timochenko annonce rester en faveur un tel conflit qui perdure depuis plus de 50 de la paix. La population, même si très divisée, souans ? Réponse : la lutte pour la propriété de la terre. haite ardemment un changement. Les Colombiens mobilisés pour le « Oui » ne veulent pas abandonner. Quelques repères Rassemblements et manifestations pacifiques ont En 1948 apparaissent des groupes armés marxiste- quotidiennement lieu, soutenus par la Présidence bolivariste qui en 1964 formeront les FARC1. Elles qui multiplie les réunions avec les partisans du sont constituées de paysans qui défendent l’idée « Non » et qui indique « je continuerai à recherd’une réforme agraire pour lutter contre la concen- cher la paix jusqu’à la dernière minute de mon tration de la terre entre les mains de quelques grands mandat parce ce que c’est le chemin à suivre pour propriétaires. Cette première guérilla sera rejointe laisser un pays meilleur à nos enfants ». Le désarpar une autre, l’ELN2, à tendance marxisme-léni- mement des 8 à 10 000 FARC est prévu pour durer 6 nisme. Toutes deux se financent par des enlèvements mois sous le contrôle des Nations Unies. Ces anciens et par le trafic de drogue. Face à cette insurrection combattants vont devoir mener un travail de vérité, populaire, les groupes paramilitaires créés pour pro- de réinsertion, loin d’être évident, et de transformatéger les riches propriétaires terriens, se réunissent tion en parti politique. Le nombre de victimes de ce et créent en 1997 les AUC3, avec l’aval de la classe di- conflit est estimé à 177 300 civils tués, 25 000 disrigeante. Ils deviennent au fil du temps des narcotra- parus et 6 millions de déplacés internes ou d’exilés. fiquants et des forces obscures, sanguinaires, et criminelles de l’armée4. L’élection en 2002 du Président Jean-Claude Bourguignon conservateur Álvaro Uribe, réélu en 2006, ouvre une période de durcissement à travers son programme de 1 Forces Armées Révolutionnaires de Colombie sécurité démocratique contre les guérillas, de cor- 2 Armée de Libération Nationale ruption, de violation des droits de l’homme, de mas- 3 Autodéfenses Unies de Colombie sacres, etc. La loi « Justice et paix » de 2005 engendre 4 L’ONU leur impute 80 % des meurtres contre 12 % pour les la démobilisation des paramilitaires (AUC) dans des guérillas et 8 % pour les soldats du gouvernement conditions très controversées. Juan Manuel Santos, Les 6 thèmes de l’Accord général pour la fin du conflit ancien ministre de la Défense, devient Président en et la construction d’une paix stable et durable 2010. Son élection marque un tournant décisif. Il est • Réforme agraire, développement rural et réélu en 2014 sur la base des négociations de paix. accessibilité à la terre L’Accord général pour la fin du conflit • Participation des FARC à la vie politique En 2012 débutent à la Havane les pourparlers de • Solution au problème des drogues illicites paix entre le Président Santos et les FARC. La Nor• Droit des victimes vège et Cuba sont les garants des discussions, le Ve• Justice transitionnelle nezuela et le Chili, observateurs. Les négociations • Mécanisme d’accord populaire (un référendum)
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MONDIALISER LA PAIX Palestine
L’engagement pour espoir Ziad Medoukh est poète. Un poète palestinien d’expression français. Responsable du
Z
iad Medoukh, est un professeur de français palestinien. Il a terminé ses études de didactique du français à l’université de Paris VIII - Saint Denis, où il obtint en 2009 un doctorat en sciences du langage. Il est l’auteur de nombreuses publications et recherches concernant l’enseignement du français en Palestine, l’éducation pour la paix ainsi que la non-violence.
Planète Paix : D’où vient votre engagement ?
coordinateur du
Ziad Medoukh : Mon engagement comme citoyen palestinien de Gaza pour la cause de justice, la cause palestinienne a commencé très tôt, quand j’ai été jeune, à l’âge de 16 ans, au lycée de Gaza. C’était en pleine première intifada. Les soldats israéliens présents dans la bande de Gaza, en 1984, tiraient des balles réelles sur les jeunes qui lançaient des pierres. Je voulais lancer des pierres en arrivant du lycée, mais du coup, et avant de lancer la pierre qui était dans ma main, j’ai décidé de rentrer au lycée pour mes cours.
Centre de la Paix
PP : Que tirez-vous de ce moment ?
de cette université,
Z.M. : Après cet événement, j’ai commencé à lire beaucoup. Des livres d’histoires notamment et de la poésie engagée. Dans ma tête, la priorité est l’im-
département de français de l’Université AlAqsa de Gaza et
il nous parle de
portance de l’éducation comme forme de résistance, donc, je me suis intéressé à poursuivre mes études à Gaza et à l’étranger pour être utile pour mon pays. Lors de mon séjour à l’étranger, j’ai participé souvent à des manifestations pour les causes justes, comme l’Afrique du Sud. Mon engagement, je le voulais différemment, pacifique via la non-violence, la culture, et l’éducation. Une mission que je suis en train de la réaliser avec les jeunes et les enfants de Gaza au travers mon travail comme directeur du département de français à l’université de Gaza, et comme Coordinateur du Centre de la paix à mon université d’une part, et mes témoignages, mes articles et mes poèmes d’autre part.
PP : Quelle signification donnez-vous à la Paix ? Z.M. : La paix a un grand sens, c’est une demande populaire partout dans le monde. Le problème est que la paix est devenue un slogan pour beaucoup de pays, d’institutions, d’organisations et de personnes, qui jour et nuit déclarent avoir travaillé et œuvré pour réaliser cette paix dans leur entourage, dans leurs pays, dans leurs régions, et dans le monde. Mais sur le terrain, ils ne font rien pour la réaliser, au contraire, ils incitent à la haine et l’intolérance dans leurs actions et dans leurs mesures.
son engagement pacifiste.
EN SAVOIR PLUS • Commandez le livre de poésie sur la Boutique de la Paix, ou auprès des comités du Mouvement de la Paix : 10€ 30
Tous les dimanches à 14h, Ziad Medoukh anime une émission en français « Bonjour de Gaza la vie ». Elle s’écoute sur internet à l’adresse : www.yjctv.ps
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Une observation du ciel et des tâches solaires organisée pour les étudiants du département de français avec le Dr. Suleiman Baraka, astrophysicien palestinien, directeur du centre de recherche de l’astronomie dans la bande de Gaza, et président de la Chaire d’astronomie de l’UNESCO. 31 octobre 2016
PP : Comment l’expliquer ? ZM : Les raisons sont simples. Les intérêts économiques de ces pays, l’absence d’une éducation à la paix dans les écoles et dans les universités, et surtout l’absence d’une vraie volonté pour réaliser cette paix. Sans oublier que le monde entier vit une crise morale, avec des valeurs humaines qui tombent en faveur d’intérêts personnels. Nous vivons dans la violence, les guerres, la peur, l’inquiétude et la méfiance entre personnes et entre pays.
PP : Quelle priorité pourrait faire changer les choses selon vous ? Z.M. : On doit accepter l’autre et essayer de vivre avec lui, loin de différences ethniques et religieuses. On doit augmenter le nombre de rencontres interculturelles et internationales partout dans le monde. Chacun doit connaître la culture de l’autre. On doit enseigner nos enfants au vivre ensemble. Le rôle de l’école devrait changer. L’école ce n’est pas seulement un espace scientifique et d’apprentissage, mais c’est un lieu de rencontre, c’est inculquer les principes et les valeurs humaine dès l’enfance, afin de participer à créer une génération tolérance, une génération qui ouvre pour la justice, pour la paix et pour la stabilité dans le monde. Une génération qui serait capable de lutter pour instaurer la paix, et qui se mobilise pour ces valeurs humaines et humanistes. La paix commence dans les écoles, par l’éducation à la paix.
PP : Il faut donc inventer une nouvelle éthique pacifiste ?
Z.M. : La question ce n’est pas de créer et d’engager une nouvelle éthique, mais de revenir à nos valeurs humaines de tolérance, de justice, d’accepter l’autre, de vivre ensemble, de mettre la paix comme un objectif à réaliser, et pas seulement comme slogan ou comme un discours. Il y a ici une responsabilité pour ces associations et organisations nationales et internationales qui œuvrent pour la paix, qui devraient renforcer leurs actions et toucher un public plus large, notamment dans les lieux de conflit afin d’arrêter la violence et augmenter la chance pour arriver à des solutions pacifiques. A mon avis, il y a un manque de conscience chez les gens, il manque un travail de fond. Ce qui a encouragé la violence et les guerres partout dans le monde.
PP : Vous reniez toute forme de violence Z.M. : Cette violence favorise l’injustice et la haine. Elle rend la solution pacifique très difficile. Comme la violence engendre la violence, c’est la paix qui sera perdante. Tout le monde doit assumer ses responsabilités afin d’éviter d’aggraver notre crise morale et cette tendance vers l’intolérance.
PP : Que serait un acte majeur dans un processus ? Z.M. : Pour sortir de cette crise morale, on devrait commencer un travail de fond avec la nouvelle génération. On devrait proposer aux enfants et aux jeunes une culture à la paix, une éducation à la tolérance, un enseignement des valeurs humaines. Il y
a un rôle très important à jouer pour les médias, qui devraient augmenter leurs programmes et leurs chaînes pour sensibiliser les gens au danger de violence et de conflit, et d’essayer de rapprocher les peuples, et participer à instaurer une culture de paix et de tolérance. Par exemple, les chaînes de TV, et les journaux, au lieu de mettre à la Une de leurs pages et de leurs écrans, une image ou une nouvelle d’une guerre, attentat, ou bombardement, ils pourraient mettre une action de paix ou une rencontre sur la tolérance dans le pays ou la région de cette guerre ou attentat.
PP : Que message voudriez-vous donner à nos lecteurs pour conclure ? Z.M. : Mon message d’espoir au monde entier c’est un message de tolérance, un message de paix pour la liberté, la fraternité qui se résume dans ce vers de mon poème : Mon message, avec foi et abnégation, persiste ! Il rallume l’espoir au creux d’une aube rougissante Nous sommes humains avant tout Ayons confiance en nous ! Restons dans l’amour c’est la plus belle des offrandes Avec notre inlassable dévotion à la paix Avec nos espérances communes Pour la paix dans nos cœurs, dans les rues de nos villes Oui, l’humanité sera la plus forte ! Et elle continue de cultiver cet espoir irréductible. Entretien réalisé par Djoher B
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MONDIALISER LA PAIX Chine
La Paix passe par le Développement et vice-versa Après une tournée estivale en Europe, l’association pacifiste chinoise recevait ses partenaires en Chine à l’occasion de la Journée internationale de la Paix. Animateur du Mouvement de la Paix dans le Doubs et membre du bureau national, Patrice Salzenstein y représentait l’association pacifiste française.
EN SAVOIR PLUS • www.cpapd.org.cn/web/ 32
Photo officielle des participants à la commémoration de la journée internationale de la Paix
L
a Chine, 1,4 milliard d’habitants, pays le plus peuplé du monde, connaît de profonds changements depuis quelques années : la relance de la natalité avec l’autorisation de deux enfants par couple depuis 2016, la lutte contre la pollution et la corruption, le souci permanent d’élever le niveau de vie de l’ensemble de la population. D’après la banque mondiale, la Chine a dépassé les USA depuis 2014. Le PIB par habitant est 5 fois moindre qu’aux USA, mais le niveau de vie y est désormais supérieur en tenant compte du pouvoir d’achat, de l’éducation et du faible taux d’endettement. Il a été passionnant et instructif d’être accueilli chaleureusement à Beijing par les pacifistes chinois du CPAPD qui a le statut d’ONG pour la paix et le développement. Puis la commémoration du 21 septembre s’est déroulée sur 4 jours (20-23 septembre) à Yinchuan, région autonome du Ningxia avec des sessions plénières très chargées. Le vice-président de la République populaire de Chine Li Yuanchao a appelé à «promouvoir la perspective du développement pacifiste dans le monde». Il est à souligner que les délégués Chinois ont écouté avec attention chaque point que les délégués du monde entier ont soulevé au travers de leurs interventions. Ainsi, le Mouvement de la Paix est intervenu à deux reprises en séance plénière. Son délégué a eu l’occasion de nombreux échanges avec les délégués Chinois et étrangers. Des visites de la région autonome du Ningxia ont notamment montré comment le pays combat la désertification en replantant et en irriguant afin de faire disparaître le désert, et crée de vastes zones viticoles produisant
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depuis 8 ans des vins de qualité qui n’ont rien à envier aux vins français, mais aussi comment la Chine fait un atout de ses minorités en s’appuyant par exemple sur la minorité musulmane de la région du Ningxia (35%) pour développer des industries spécifiques pour les pays musulmans ainsi que le tourisme interne à la Chine. Il a aussi été instructif d’assister à un conseil municipal du Parti Communiste Chinois de Yinchuan où était débattu sans tabou de l’éradication de la pauvreté par le relogement et la création massive d’emplois industriels. Fin septembre, les pacifistes chinois accueillaient leurs hôtes dans la mégapole de Guangzhou, 3ème ville de Chine, 16 millions d’habitants intra-muros, avec son agglomération de plus de 100 millions d’habitants et sa croissance annuelle de 10% : visites culturelles, scientifiques, technologique et industrielles - thermique, domotique, automobile - occasion de vérifier que tout ce qui est vendu en Chine est « made in China ». Ces journées d’échange ont permis de voir dans la pratique comment la Chine promeut le développement durable et entend construire une paix durable avec le désarmement nucléaire avec ce message « pas de développement durable sans paix durable, pas de paix durable sans développement durable ». Cette voie s’inscrit dans les efforts que mène la Chine depuis quelques années, et singulièrement depuis 5 ans en s’attaquant à la pauvreté, à la pollution et à la corruption, avec pour objectif de conduire le pays vers une amélioration sensible du niveau de vie de l’ensemble de la population, ce qui se constate en pratique puisque le niveau de vie en Chine est élevé, sans laisser quiconque sur le côté. Dans le même objectif, la Chine pèse de tout son poids afin de contribuer à établir une paix durable dans le monde au travers d’une politique étrangère pacifiste, respectueuse et équilibrée, favorisant par exemple la résolution des conflits internationaux par le dialogue et la réconciliation des peuples et des pays. Patrice Salzenstein 1
Association chinoise pour la Paix et le développement
CULTURE Exposition
Du nouveau à l’ouest pour Giono et Remarque Le Centre Jean Giono de Manosque dans les Alpes-deHaute-Provence accueille une exposition sur Erich
D
le Centre de la
eux auteurs majeurs de la littérature du 20ème siècle se côtoient depuis le 11 juin dernier au Centre Jean Giono à Manosque au travers d’une exposition. Celle-ci est le fruit d’un partenariat franco-allemand entre trois institutions culturelles. Le Centre Jean-Giono de Manosque, le centre franco-allemand d’Aix-en-Provence et le Centre de la Paix Erich Maria Remarque d’Osnabrück ont unis leurs efforts pour faire connaître en France cet auteur qui nous a légué notamment « A l’ouest rien de nouveau ». L’exposition proposée à Manosque est prêtée par le Centre de la Paix d’Osnabrück dont le Directeur Thomas Steiner était présent lors du vernissage au côté de Joachim Rothacker du centre franco-allemand d’Aix-en-Provence.
Paix d’Osnabrück
Célèbre et méconnu
Maria Remarque, un auteur pacifiste militant. Visible jusqu’au 11 janvier 2017, elle est le résultat d’un partenariat avec
(Allemagne) et le Centre francoallemand d’Aix-enProvence.
EN SAVOIR PLUS
L’auteur allemand, Erich Maria Remarque, est célèbre dans le monde entier pour son roman « A l’Ouest rien de nouveau ». Il y dénonce fortement la guerre et ses crimes. Malgré cette notoriété, on
connaît peu de détails sur sa vie et ses autres écrits, profondément imprégnés par l’histoire de l’Allemagne du 20ème siècle : sa jeunesse à Osnabrück, ville impériale, la première guerre mondiale, la République de Weimar, ses exils en Suisse et aux EtatsUnis. L’exposition constituée de panneaux chronologiques retraçant la vie et l’œuvre de l’écrivain, permet au visiteur de s’immerger dans l’univers d’Erich Maria Remarque et de découvrir les événements qui ont marqué son parcours : ses rencontres, ses succès, ses amours. On y suit l’écrivain dans sa vie, notamment auprès de ses conquêtes féminines, Paulette Goddard (mariée avec Charlie Chaplin) qu’il épousa ou la tumultueuse Marlène Dietrich par exemple. On y retrouve surtout ses engagements pour la paix, l’humanisme et les droits de l’homme. L’exposition, abondamment illustrée de photographies et de documents rares, dresse un portrait complet d’un auteur militant pour le pacifisme.
La guerre en horreur Au-delà de panneaux plutôt traditionnels, l’exposition permet de voir et de toucher les livres de Remarque, côtoyant les écrits pacifistes de Giono dans des éditions rares. On retrouve également quelques objets personnels. Enfin, belle initiative, il est proposé aux visiteurs un espace lecture confortable avec à portée de la main les ouvrages des deux auteurs qui dénoncent l’inutilité et disent l’horreur de la guerre qu’ils ont vécu. Cette exposition est une belle leçon de pacifisme et d’humanisme. Pierre Villard
Parallèle remarquable Les parallèles entre Jean Giono et Erich-Maria Remarque, ces deux écrivains majeurs du 20ème siècle ne manquent pas. Ils démarrent chacun leurs carrières par deux romans qui sont aujourd’hui encore des best-sellers parus tous deux en 1929 : « Colline » pour le Manosquin Giono, « A l’Ouest rien de nouveau » pour l’Allemand Remarque. Et jusqu’à leurs disparitions en 1970 à quelques jours d’écart, Giono et Remarque convergent vers un destin commun marqué par la guerre de 14. Ils sont farouchement pacifistes, les récits sévères et prémonitoires de Giono comme les ouvrages hallucinants de Remarque sont frappés du sceau du pacifisme. Giono paiera cher ses convictions dans les années 40 et il faudra attendre un certain Hussard pour que l’on se souvienne de son immense talent. Remarque lui, vivra l’exil en Suisse puis aux États-Unis, sa deuxième patrie où il fut actif auprès des réfugiés comme lui. N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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CULTURE Livres ‘‘Nelson Mandela, Les chemins de la dignité’’ Olivier Corchia Éditions Edilivre, 2016 104 pages, 18€ Olivier Corchia nous fait découvrir Mandela, non pas le personnage public mais Madiba, l’être humain vivant le combat de sa vie. Venant de la guerre mais allant vers la paix, Mandela affronte le danger mais agit avec précaution, il porte la responsabilité du changement mais en attribue toujours la paternité au collectif. Olivier Corchia expose les qualités intrinsèques de Mandela : sa relation au pouvoir, sa façon de mobiliser sa combativité face à l’adversité, sa vision pragmatique, sa confiance, sa magnanimité, sa spiritualité, autant de potentiels qui peuvent nous accompagner dans notre quotidien, au travail comme dans notre vie privée.
‘‘ABC de la laïcité’’ Eddy Khaldi Éditions Démopolis 228 pages, 27€ ABC de la Laïcité est un manuel illustré destiné à tous les citoyens : communauté éducative, parents, personnels d’éducation, élèves… pour comprendre, s’approprier et vivre la laïcité. La première partie « Qu’est-ce que la laïcité ? » suivie par « La Charte de la laïcité à l’école » sont complétées par une troisième « La laïcité en éducation ». Des textes annexés illustrent et commentent quelques questions d’actualité. De nombreux auteurs commentent la Charte de la laïcité à l’Ecole : Marie Françoise Bechtel, Frédérique De La Morena, Gérard Delfau, Caroline Fourest, Daniel Foulon, Jean Glavany, Sihem Habchi, Patrick Kessel, Catherine Kintzler, Henri Penã Ruiz, Patrick Roumagnac, Jean Paul Scot, Rémy Schwartz, Alain Seksig, Philippe Tournier. Eddy Khaldi a publié nombre d’écrits et animé de très nombreux débats sur le sujet. L’illustrateur Alain Faillat est enseignant et dessinateur. Il a essentiellement publié dans la presse • http://urlz.fr/4a6K associative et enseignante. 34
N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
‘‘Migrants, migrations 50 question pour vous faire votre opinion’’ Coordonné par Hélène Thiollet Édition Armand Colin, 2016 160 pages, 12,90€ L’espace Schengen est-il une passoire ? Y-a-t-il de plus en plus de migrants ? L’ouverture des frontières crée-t-elle un appel d’air pour l’immigration ? La population européenne va-t-elle être remplacée ? Le modèle d’intégration français marche-t-il ? Les jeunes issus de l’immigration sont-ils moins patriotes que les autres ? L’immigration crée-t-elle du chômage ? L’immigration coûte-t-elle chère ? La crise qui touche l’Europe depuis 2015 a radicalisé les positions politiques et les discours sur les migrations, l’asile et l’immigration... Pour ne plus se contenter des idées reçues, les auteurs dissipent les malentendus et répondent aux 50 questions essentielles.
‘‘Radicalisation de la Jeunesse La montée des extrêmes’’ Michel Fize Éditions Eyrolles, 2016 160 pages, 16€ Malaise dans la génération « jeunes ». Radicalisation / radicalisé(e) : des vocables qui ne quittent plus la Une de l’actualité, rythmée par la couverture médiatique des attentats « djihadistes » et de leurs suites. Au-delà de ces « manifestes » au tour dramatique, observateurs et concitoyens mesurent la séduction croissante qu’exercent actuellement sur une fraction de la jeunesse hexagonale « les extrêmes » religieux et politique. Autant de « radicalités » qui communient dans l’expression potentiellement violente d’une contestation des valeurs au fondement du « pacte » national républicain. Conversions à un islam exclusif de tout compromis, propension accrue au vote «FN» et militantisme frontiste… Passant au crible de l’analyse sociologique ces phénomènes inédits - qui ébranlent et questionnent opinion et gouvernants dans leurs convictions et contradictions -, Michel Fize dresse un portrait de groupe de cette frange d’une jeune génération, déroutante et déstabilisante, qui trouble le jeu politique, fracture et décompose le lien social, alimentant au passage le débat public. Un essai salutaire en forme de décryptage, à rebours des idées reçues, fantasmes, amalgames et simplifications, pour appréhender les ressorts, enjeux et problématiques d’une réalité complexe, et ainsi contribuer aux choix d’avenir.
CULTURE Théâtre
L’expérience Si les villes de Hiroshima et de Nasagaki sont à peu près connues d’une grande partie de la population, ce n’est pas le cas des lieux en Algérie où la France a expérimenté, à ciel ouvert, sa propre sale bombe. Christophe Bataille en a écrit un livre. Maintenant c’est au théâtre que l’on retrouve cet appelé devenu un cobaye.
L
’année 2015 commémorait les soixante-dix ans des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki, au Japon. Mais peu de gens savent que Reggane dans le Sahara algérien fut le lieu des premiers essais nucléaires français. Paru aux éditions Grasset en janvier de cette année 2015, le court roman de Christophe Bataille intitulé « L’expérience » se présente comme le témoignage d’un simple appelé du contingent obligé d’être cobaye lors du dernier essai nucléaire atmosphérique à Reggane le 25 avril 1961. A trois kilomètres de ce point inconnu, une tour de cinquante mètres porte une bombe atomique. Le jeune soldat qui parle, accompagné d’une petite patrouille, participe à une expérience. L’histoire est vraie. Elle a été révélée il y a une dizaine d’années. L’opération portait un nom de code : « Gerboise verte1 »... Pour Sébastien Lapaque dans le Figaro, « Christophe Bataille signe là un texte dense et poignant sur les sacrifiés du nucléaire français. Plus de vingt ans après la sortie de Annam2, l’écrivain renoue avec le style sec et sans apprêt qui lui valut son premier grand succès ». Jérôme Garcin du Nouvel Observateur précise «Christophe Bataille a eu l’intelligence d’écrire un texte bref et foudroyant, d’une effrayante blancheur, comme l’éclair atomique. Le lire, c’est s’y brûler ». Du livre, il en est tiré une pièce de théâtre, mise en scène par Dominique Diertelé, ellemême engagée au Mouvement de la Paix à Concarneau. Pour Joel Cudennec, interprète, « Dès la première lecture, j’ai su que ce texte pourrait être un spectacle solo difficile à recevoir, mais d’une force et d’une émotion telles que j’en ai immédiatement demandé les droits. Toutes les démarches étant faites, j’en ai
çois Hameury, s’habille comme les souvenirs du vieil homme, d’ombres et de lumières. C’est cette zone d’intensité extrême que nous livre Christophe Bataille. Face à l’histoire et à la mort, il reste les mots, les sensations, la douceur du grand départ puis la lumière. Le Théâtre de l’Ouverture qui produit la pièce est prêt à construire des partenariats avec toutes les structures intéressées pour accueillir le spectacle. Roland Nivet 1
4ème essai nucléaire français après Gerboises, bleu,
blanche et rouge. 2
Roman paru aux éditions Arléa en 1999.
Extrait : proposé un découpage personnel, puis une lecture à quelques amis proches. Leur première écoute m’a définitivement convaincu de le présenter. Comédien professionnel, je suis né en Algérie en 1942 et j’aurais pu être ce « cobaye ». L’État se tait mais il parlera, je vous le garantis ». L’homme meurtri qui s’accroche avec détermination à cet espoir parle après plus de cinquante années de silence. Il se dresse devant nous et prend la parole pour comprendre. Douleur, révolte, incompréhension, le récit poignant déroule ce terrible parcours d‘une vie fracassée par la lumière aveuglante de Reggane. L’homme n’a pas de nom, pas de dossier, pas de haine non plus, juste le souvenir d’un éclair blanc. La voix rocailleuse du comédien Joël Cudennec fait surgir le compte à rebours haletant, la lumière au-delà de la lumière, la souffrance, la peur. Le décor volontairement squelettique du sculpteur Fran-
Je suis sorti de la tranchée et tout de suite ses yeux m’ont fixé : deux prunelles de cendre. C’était une chèvre, une pauvre chèvre que nous n’avions pas vue, enchaînée sur la plaine, face au pylône et à la bombe. Un chevreau semblait s’abriter derrière elle, sur ses pattes tremblantes. Tous deux étaient comme cuits. J’ai abandonné mon compteur, et la chèvre s’est mise à hurler. Le chevreau était tombé sous elle. Il y avait ce cri, mécanique, sans être, un cri à nous rendre fous. Pour ce cri, j’aurais renoncé à la France.
EN SAVOIR PLUS • Contact : Théâtre de l’Ouverture 96route de Morlaix 29241 Locquirec theatrede@louverture.tech 0298674709 - 0601742440 • ‘‘L’Expérience’’ de Christophe Bataille, Éd. Grasset, 86 p., 12€ N° 615/616 - Octobre/Novembre 2016 - Planète PAIX
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