Planète Paix n°619 (Fév 2017)

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 619 / Février 2017

FEMMES/HOMMES : LA PAIX PAR L’ égalité

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N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX


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Sommaire Planète Paix n° 619 - Février 2017

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Actualité

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dossier

Femmes-Hommes : la Paix par l’égalité Féminisme et démocratie

P.12

Les femmes Kurdes engagées pour la paix Olivia Chaumont

P.13

Regard de la société selon que l’on est homme ou femme Femmes solidaires

P.14

Une pétition contre le viol des femmes afars à Djibouti SURVIVANTE ET NON VICTIME

Édith Boulanger

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P.15

Entretien avec Danielle Michel-Chich

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mondialiser la paix

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Quand l’utopie devient la réalité Refugiés

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P.23

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Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 planete.paix@mvtpaix.org

Directrice de la publication : Annie Frison Rédacteur en chef : Pierre Villard Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, Alexandre Dicko, Nadia Dorny-Bennad, Giselle El Raheb, Guillaume du Souich, Annie Frison,Jeannick Leprêtre, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Alain Rouy, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Roland Nivet, Pierre Villard, Yves-Jean Gallas, JeanPaul Vienne, Jeannick Leprêtre, Joseph Gerson, Kevin Martin, Jackie Cabasso, Samia Meziane, Nicolas Pitsos, Giselle El Raheb, Annie Frison, Raoul Alonso. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX

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Poème Courrier des lecteurs

 D! J’ai beaucoup apprécié l’un des derniers numéros qui fait le point sur l’état du pacifisme en Allemagne. Ou le papier de Jean-Paul Vienne sur les acteurs associatifs en Israël. Cela me conduit à penser que ces informations pourraient nourrir chaque numéro avec un éclairage sur chaque pays et…nourrir une rubrique régulière. L’exercice peut paraître facile mais ce n’est pas évident. Qu’en est-il de nos voisins comme la Belgique ou la Suisse ? Où en est le mouvement associatif et quelles sont leurs priorités ? La difficulté réside peut-être dans les capacités que nous avons à mettre en avant toutes les variantes de « pacifisme » dans un espace géographique. En France même, l’éventail est très large. Ne faisons pas de jaloux et refusons tout sectarisme. Il y a ceux qui sont mobilisés contre les armes nucléaires (que le lecteur de Planète Paix connaît bien, à force ! ) Mais pas que. Il y a matière à associer beaucoup de monde, beaucoup de mondes qui mériteraient tous d’avoir un tribune et des relais : ceux qui redoutent la militarisation au sein de l’école, de l’enseignement , depuis le nouveau protocole d’accord de mai 2016 entre les ministère de l’Education Nationale, de l’Agriculture et de la Défense ; ceux qui s’indignent des guerres inavouées menées contre l’environnement, dont la biodiversité, dont les associations locales minées par les manœuvres en tout genre, y compris demain au Larzac ; ceux qui voudraient instaurer à l’intention des jeunes un service civil qui se démarquerait de l’ancien service

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Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

militaire, (et qui pourrait inspirer le personnel politique à court de programmes et en panne d’idées rénovantes; ceux qui brandissent les limites ou la faillite des interventions étrangères ; ceux qui voudraient abolir l’armée ou la Marseillaise ; ceux qui combattent la militarisation de l’économie, avec ou sans les forces syndicales ; ceux qui se concentrent sur les méfaits et l’anachronisme de l’OTAN dont son extension vers l’Est ou (plus récemment) vers la Colombie ; ceux qui estiment qu’il faudrait un jour ou l’autre se focaliser sur la militarisation rampante de la géo-ingéniérie par le biais des lanceurs d’alerte, quitte à titiller le milieu scientifique qui a probablement quelque chose à dire et dénoncer sur les potentialités de la guerre géophysique ; ou encore ceux qui se mobilisent pour remplacer l’ONU puisque cette institution ne remplit pas le rôle qui lui fut assigné en 1945…. Sans compter les associations féministes ou celles, regroupées souvent dans des réseaux internationaux, qui ciblent en priorité tel ou tel système d’armes… En dressant ce petit catalogue, qui est loin d’être exhaustif, on en déduira aisément que la Planète Paix est très hétéroclite et que cette façon de décliner la paix arc-en-ciel a encore beaucoup de ressources et beaucoup de fronts à présenter. Ben Cramer Décx SL


REPÈRES ... Livre

Livre

‘‘Pourquoi Trump ?’’ Comprendre les fractures de l’Amérique

‘‘La Chine conquérante’’ Enquête sur une étrange superpuissance

Livre collectif sous la direction d’Éric Fottorino. Éd. Philippe Rey

Jacques Gravereau Éd. Eyrolles, 284 pages, 19€

À travers l’œil avisé de plusieurs experts qui se sont intéressés au « phénomène Trump », ce livre fait l’état des lieux d’une Amérique divisée et fragilisée sur le plan politique, économique et social. Populiste, xénophobe, misogyne, homme de spectacle, milliardaire : Donald Trump est tout cela à la fois. C’est aussi la créature d’un système politique et médiatique qui l’a engendré et laissé prospérer, au point d’en faire le 45ème président des États-Unis. Comme l’écrit Mark Lilla, professeur de science politique à Columbia, « le fauve est lâché ». Avec ses excès verbaux, ses insultes et ses mensonges. Comment ce businessman arrogant, vulgaire et fraudeur du fisc, a-t-il pu s’imposer ? Que dit sa victoire de l’état de l’Amérique, du parti républicain, de la question raciale et migratoire outre-Atlantique ? Pourquoi les électeurs ont-ils préféré ce « monstrueusement riche », considérant qu’ils le comprenaient mieux et qu’ils pouvaient davantage s’identifier à lui qu’à Hilary Clinton ? Ce livre réunit les analyses des experts américains les plus avertis, croisés notamment avec les regards de deux anciens correspondants du Monde aux États-Unis, Robert Solé et Sylvain Cypel.

Faut-il craindre la Chine ? Après avoir réussi une émergence inouïe en moins de trente ans, ce géant de près d’un milliard et demi d’habitants se voit déjà en hyperpuissance mondiale et n’hésite plus à l’affirmer haut et fort. En faisant partout déferler ses exportations, en siphonnant les matières premières de la planète, la Chine peut-elle infléchir la marche du monde ? Ses gesticulations militaires tonitruantes en mer de Chine vont-elles mener à un conflit international majeur ? Quelle est la véritable nature de ce curieux régime, à la fois totalitaire et capitaliste, où un Parti communiste de 88 millions de membres règne sans contre-pouvoirs ? Jacques Gravereau décrypte avec beaucoup de finesse la Chine d’aujourd’hui et nous donne les clés pour comprendre de l’intérieur les modes de pensée de cette grande culture aux antipodes des standards occidentaux. Voici un portrait détonnant qui se lit comme un roman.

Livre

IMAGE DU MOIS Encé...

‘‘La géopolitique’’ Pascal Boniface Éd. Eyrolles, 186 pages, 10€

40 fiches comme autant de repères et clés pour se saisir de l’actualité du monde. Les défis : terrorisme, gouvernance mondiale, prolifération nucléaire, permanence de la guerre, réchauffement climatique, choc des civilisations, États faillis, guerres de l’espace et cyberguerres, migrations. Les principaux conflits et crises : Ukraine-Russie, État islamique, Israël-Palestine, Iran, Afghanistan, Inde et Pakistan, mer de Chine, Corée, Tibet, Boko Haram, Soudan, Syrie. Les tendances structurelles : fin du monopole occidental de la puissance, basculement des États-Unis vers le Pacifique, Chine, montée de l’opinion publique, redéfinition de la puissance, justice internationale, progrès de la démocratie. Des questionnements : fin des frontières, mondialisation universelle, impuissance de la puissance militaire, obsolescence des États, privatisation de la guerre, matières premières, compétitions sportives mondialisées, déclin de l’Europe (?)… N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX

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DOSSIER

FEMMES/HOMMES : LA PAIX PAR L’ égalité

• Féminisme et démocratie

Les femmes Kurdes engagées pour la paix • OLIVIA CHAUMONT

Regard de la société selon que l’on est homme ou femme • Femmes soliadires

Une pétition contre le viol des femmes afars à Djibouti • SURVIVANTE ET NON VICTIME

Entretien avec Danielle Michel-Chich

Planète Paix consacre depuis quelques années son numéro de février au domaine n°4 de la Culture de la Paix « l’égalité hommes/femmes ». Nous vous proposons quelques témoignages lumineux de femmes qui ont pris leur destin en main dans un esprit de solidarité. Elles ont décidé d’écrire, de parler pour faire reculer les discriminations et les préjugés toujours présents. D’autres témoignages d’associations partenaires du Mouvement de la Paix éclairent sur les difficultés que vivent au quotidien de nombreuses femmes et les actions de résistance qu’elles mènent faire avancer leurs droits. L’évolution de la société vers moins de dominations est sans contexte le chemin pour aller vers un monde plus apaisé pour les femmes et pour les hommes de notre planète.

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DOSSIER

F E MM E S / H OMM E S

Féminisme et démocratie

Les femmes Kurdes engagées pour la paix

Nursel Kilic est Représentante des femmes kurdes en Europe. Pour elle, féminisme et démocratie sont deux volets d’une même réalité. Elle témoigne de l’engagement des femmes sur le plan politique (élection de co-responsables mixtes) et social (lutte contre le patriarcat) dans la construction de la paix. 12

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L

e Kurdistan terre des femmes, est terre de la révolution en attente d’une paix durable. L’histoire de ce pays, qui n’est toujours pas reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, ressemble à celle des femmes qui sont les premières opprimées face au système patriarcal. Colonisé avant même d’avoir une trace d’existence solide, le Kurdistan a toujours été occupé, envahi, témoin toutes les formes de violences et d’injustices depuis des décennies. Les femmes qui furent et sont toujours les premières victimes et cibles de ces oppressions ont, malgré cette réalité, su protéger leurs valeurs qui font d’elles ce qu’elles sont aujourd’hui. Leur principale valeur est celle de faire de la résistance face à l’ennemi par la transmission de la langue, de la culture et des chants. Des femmes artistes comme Ayse San et Meyrem Xan, toujours icones des nouvelles générations, sont, à travers leurs chants, les voix d’une histoire non écrite, celle du « Kurdistan ». Parallèlement à la vague de révolution des mouvements nationaux de libération dans le monde, les femmes kurdes ont elles aussi pris une place importante dans la lutte pour les droits du peuple kurde qui commençait à se construire dans les années 1970 en Turquie. Sakine Cansiz en fut l’une des figures emblématiques. À travers son parcours, du plus petit village aux métropoles, le noyau d’un mouvement qui est aujourd’hui connu à l’échelle internationale était né. Toutes les femmes, au-delà de leurs différences sociales, se sont associées à ce mouvement qui se développait de jour en jour.

Kurdistan terre de la résistance, la montée de la résistance est directement liée à la force de mobilisation des femmes. Sakine Cansiz fut une légende vivante par sa conviction et son attitude face aux geôliers de la prison de Diyarbakir. Malgré toutes les tortures et la répression durant son emprisonnement, son courage et sa force de caractère donnèrent la ligne à suivre à tous les autres détenus politiques. Elle fut la première femme politique à plaider devant les tribunaux en Turquie. Elle incarna le premier Manifeste du Mouvement des femmes kurdes. Leurs luttes ont consisté à œuvrer à un nouveau contrat social, un nouveau modèle de société dont l’émancipation des femmes était le pilier principal contre le patriarcat. Révolution sociale et révolution féminine sont allées de pair. Le Rojava en est un exemple concret. Cette révolution sociale continue malgré l’ennemi, Daesh, toujours présent sur le territoire. Des centaines de femmes y combattent au prix de leur vie. La vie continue de se tisser sur cette ligne de résistance par des assemblées de femmes, des académies de femmes, des associations de femmes contre la violence et par le KONGRA STAR fédérateur de toutes les organisations de femmes sur place. Et par le système de co-présidences mixtes à tous les niveaux des instances décisionnelles. Une telle force de transformation sociale dans un tel contexte porte espoir à tous les peuples de la région mais aussi à l’humanité. La paix se construit, malgré toute la répression qui perdure sur notre terre. Les jeunes femmes et hommes, kurdes et issus des autres ethnies du Kurdistan, continuent à bâtir la paix. En Turquie, malgré toutes les attaques du gouvernement Erdogan, les femmes continuent de lutter contre toutes les régressions. Confrontées aux menaces et parfois à des actes inhumains, elles ne lâchent pas prise sachant que c’est seulement à travers leur engagement que le combat continuera jusqu’à la victoire. Nursel Kilic


: L A P A IX P A R L’ égal i t é Olivia Chaumont

Regard de la société selon que l’on est homme ou femme Olivia milite pour faire connaître la situation des transgenres, pour dé-médicaliser et dé-psychiatriser le parcours de transition. Elle a participé à l’élaboration d’un amendement à la loi sur la procédure du changement de sexe à l’état civil.

N

ous avons rencontré Olivia, architecte et urbaniste, qui, née garçon, réalise très jeune, comme tous les transgenres, qu’il y a une contradiction entre le genre auquel il s’est senti appartenir et le corps que la nature lui a donné. Ce n’est pas un choix. L’appartenance à son genre ne changeant pas, c’est bien au corps de changer. On ne sait pas pourquoi on est transgenre, mais on le sait ! Et ce n’est pas une maladie mentale comme cela a été considéré jusqu’en 1982 en France! Aussi c’est à l’âge de 57 ans qu’il décide de suivre un traitement hormonal, de se faire opérer et de devenir Olivia.

Les personnes transgenres dérangent, le sexe ne définissant pas le genre. Quelle est la différence entre genre et sexe ? Le concept de genre « gender » apparait aux USA dans les années 1950 mais il faut attendre les années 1970 pour abandonner la détermination du genre par la nature au profit d’une construction culturelle et sociale. C’est une avancée fondamentale dans la mesure où, si les genres ainsi que les rapports entre les hommes et les femmes ne relèvent plus de la nature-et par là même du Divin-mais au contraire sont liés à l’histoire et à la société, il devient possible de les transformer. Les inégalités ne sont plus inéluctables pas plus que les rapports de pouvoirs entre homme et femme.

Changement de corps mais pas de genre : Enfin, votre corps correspond à la femme que vous avez toujours été, comment percevez-vous le regard de la société selon que l’on apparait comme un homme ou comme une femme ?

EN SAVOIR PLUS • Livre : Olivia Chaumont ‘‘D’un corps à l’autre’’. Éd. Robert Lafont, 2013

Déjà consciente des inégalités entre les sexes, tout à coup, je découvre les codes liés au genre, les clivages h/f. En tant que garçon, les portes s’ouvrent d’elles-mêmes, à partir du moment où mon corps est devenu celui d’une femme, de nombreuses portes réelles et symboliques se sont fermées, les femmes parlent bébé, les hommes affaires… Rester femme dans la conquête du pouvoir est loin d’être acquis. Les femmes qui exercent un pouvoir politique, ou dans les entreprises, ne remettent pas en cause, pour la plupart, les formes actuelles

du pouvoir en prenant à leur compte des éléments non féminins. Dans les luttes de pouvoir, on retrouve le côté animal : c’est la règle du mâle dominant, le vaincu est soumis au vainqueur. Au départ, le rôle de chacun étant déterminé par la force physique, c’est l’homme le plus fort qui gère la cité, sans la femme. Mais les rapports sociaux de pouvoir se sont construits petit à petit et le système de civilisation évoluant, les femmes ont pris de plus en plus de place. La construction du genre évolue : par exemple, les femmes peuvent lâcher des bombes et les hommes peuvent prendre soin d’eux-mêmes ! Des passerelles h/f deviennent fréquentes. À partir du moment où le genre est évolutif et ne dépend pas du sexe, le rapport de pouvoir entre homme et femme change. Les premiers mouvements féministes luttent pour l’acquisition et l’égalité des droits (le droit le plus spectaculaire au début de 20ème siècle est celui du vote des femmes) puis dans années 70 pour la liberté de leur corps (le droit le plus spectaculaire est celui de l’IVG) et aujourd’hui la 3ème étape concerne le rôle de la femme dans la société : à droit égal, à diplôme égal, pouvoir égal. Dans l’état actuel, si deux hommes se battent pour un poste, le vaincu se soumet mais si c’est une femme qui l’emporte, souvent, l’homme n’accepte pas son autorité. Ce n’est pas rationnel, cela va loin dans l’inconscient collectif. L’homme doit accepter de partager le pouvoir et la femme ne doit ni se soumettre ni reproduire le schéma machiste et accepter de jouer un rôle différent de celui des hommes. Abandon de la vision manichéenne du genre : pas de patriarcat ni de matriarcat. Ce combat n’est pas celui des femmes seules mais un combat mené ensemble hommes et femmes. La maturation de la société ne peut se faire qu’ensemble. Plus de rapport de domination, de soumission, appréhension du pouvoir politique par des médiations, des négociations : comme le pouvoir partagé n’a jamais existé, il peut se révéler très prometteur pour la société notamment pour l’appréhension de la Paix. Propos recueillis par Édith Boulanger et Yves-Jean Gallas

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DOSSIER

F E MM E S / H OMM E S

femmes solidaires

Une pétition contre le viol des femmes afars à Djibouti

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EN SAVOIR PLUS • www.femmes-solidaires.org 14

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emmes Solidaires, ONG féministe qui possède un statut consultatif auprès des Nations Unies et le Comité des Femmes Djiboutiennes contre le viol et l’impunité - COFEDVI - ont dévoilé leurs plans d’actions pour l’obtention d’une enquête internationale concernant les viols des femmes afars commis par l’armée djiboutienne, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 24 novembre 2016 à Arcueil. Après plus de deux semaines de grèves de la faim des victimes de ces viols : En France, dix femmes djiboutiennes en grève du 25 mars au 12 avril 2016, puis en Belgiquedix femmes djiboutiennes avaient pris le relais du 25 avril au 9 mai 2016. Elles exigeaient : . la reconnaissance de ces viols comme crimes de guerre . l’ouverture d’une enquête internationale sur toutes les exactions à l’encontre des femmes en République de Djibouti . le jugement des soldats coupables de ces viols . le respect des conventions régionales et internationales ratifié par Djibouti dont le CEDAW, Les deux associations ont décidé d’intensifier leur plaidoyer au niveau international après avoir obtenu que le Parlement Européen adopte une résolution sur la situation à Djibouti, résolution déposée par les groupes PPE, S&D, ALDE, Verts/ALE et ECR, GUE ». « Notre histoire avec les femmes afars djiboutiennes est ancienne. Nous les avons rencontrées en 1995 dans le cadre de la 5ème Conférence mon-

diale des femmes à Pékin. Déjà à ce moment-là, elle nous avaient interpelées pour que nous puissions porter leur voix lors de cette rencontre internationale et dénoncer les viols dont elles étaient victimes par l’armée djiboutienne » a rappelé Sabine Salmon, Présidente nationale de Femmes Solidaires, qui a ouvert la conférence en présence de nombreuses personnalités dont Monseigneur Gaillot, Patricia Tordjman, Maire de Gentilly, Jean-Michel Arberet, représentant le Maire d’Arcueil, Laurence Cohen, sénatrice, ou encore des Femen. Lors de cette conférence, a notamment été lancée une pétition pour obtenir une enquête internationale et la nomination d’un.erapporteur.espécial.e auprès des Nations Unies. Signez cette pétition en ligne sur le site de Femmes Solidaires pour demander aux Nations Unies la mise en place rapide de cette enquête ! Marie-Claire Gourinal Femmes Solidaires


: L A P A IX P A R L’ égal i t é SURVIVANTE ET NON VICTIME

Entretien avec Danielle Michel-Chich Traductrice, essayiste - née en 1951, blessée (elle a perdu une jambe) en 1956 dans l’attentat du Milk Bar à Alger. Elle refusa toujours d’être considérée comme une victime et se sentit humiliée d’avoir été utilisée à l’époque, à son insu, en double page dans Paris-Match pour horrifier la France et l’unir contre les Algériens.

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lanète Paix : Vous avez écrit « Lettre à Zohra D. » en 2011, cinquante-cinq ans après l’attentat dont vous avez été une des victimes, pourquoi avoir attendu si longtemps ? Danielle Michel-Chich : Si cette histoire a fait mon identité, je n’ai jamais voulu me laisser réduire à ce que cette histoire a fait de moi. Pourtant, en 1956, ma grand-mère qui m’avait emmenée manger une glace au Milk Bar fut tuée et je perdis une jambe. Ma famille vivait à Alger et nous ne sommes revenus en France qu’en 1962 où je suis entrée au collège. Je travaillais bien et lisais beaucoup avec un appétit de vivre immense. Après le bac, j’ai voulu vivre une vie d’étudiante « normale » en quittant ma famille toujours très éprouvée. Je me suis construite et j’ai toujours vécu en marge de cet événement. C’est mon frère, né deux ans après l’attentat, qui a repris à son compte le malheur et la colère de mes parents.

PP : Vous avez choisi la phrase de Jean-Paul Sartre « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nousmêmes de ce qu’on nous a fait » pour l’ouverture de votre livre. D.M-C : Oui car elle me correspond, le sentiment de haine ne me tentait déjà guère naturellement, puis mes choix politiques, ma culture humaniste m’en ont protégé. C’est sûrement ainsi que j’ai sauvé ma peau. Je n’ai jamais voulu être une victime. Je suis une survivante. Je suis effondrée de la victimisation faite actuellement des personnes ayant subi un attentat, c’est leur donner une nouvelle identité rendant leur reconstruction dans le temps plus difficile. .

PP : Comment ce livre a-t-il été reçu ? D.M-C : Déjà il fallait, pour moi, que je l’écrive; j’ai pleuré en l’écrivant, des larmes d’étonnement et de paix mais aussi des larmes de déception car je me suis sentie frustrée de découvrir, ce qui, à mon avis, sont les vraies motivations de « Zohra ». Ce qui m’a plongée dans un terrible paradoxe car je suis une féministe convaincue et engagée. Tout est très

troublant : le livre s’adresse à cette femme qui a refusé de me parler alors que nous étions invitées toutes les deux à un colloque à Marseille pour les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie. Sans colère, ma seule demande était de réfléchir à la question morale de son acte car elle avait choisi de poser cette bombe. J’ai pu aussi renouer avec une femme qui perdit un bras lors du même attentat et avec qui je fus hospitalisée pendant 6 mois. Nous étions amies mais nos parcours divergèrent ensuite. Elle m’a écrit après la publication de mon livre, elle considère « Zohra » comme son bourreau et pour elle aucun pardon n’est donc possible.

PP : Pouvez-vous nous parler de Zohra et nous donner votre sentiment sur le terrorisme ?

D.M-C : Le paradoxe est que ces moudjahidates étaient des pionnières voulant passer à l’action urbaine. Les raisons de l’engagement de Zohra Drif sont peu claires pour moi. Étudiante en droit et issue d’une famille bourgeoise algérienne, elle a été la seule femme à rester au pouvoir de 1962 à nos jours. La question morale reste la même aujourd’hui mais nous avons affaire à des kamikazes et les très jeunes filles qui partent pour le djihad cherchent davantage le mythe du prince charmant, c’est le contraire de la guerrière libérée. Que faire contre la guerre ? La France a été vaincue en Algérie, c’est peut-être pourquoi elle a eu plus de mal à faire la paix avec les Algériens qu’avec les Allemands. Les femmes ont un grand rôle à jouer pour aller vers un monde de paix et elles doivent prendre la parole. C’est ce que font ces Israéliennes et ces Palestiniennes mères de victimes qui se battent ensemble pour la paix. Comme je l’ai exprimé à la fin de ma lettre à Zohra : « Je referai ce chemin. Celui de partager depuis l’enfance l’aventure de non-résignés. Je vous l’ai dit avec force : je ne veux pas mon nom parmi ceux des victimes ».

EN SAVOIR PLUS Bibliographie : • Déracinés (Calmann-Lévy, 1990) • Viens chez moi j’habite chez mes enfants (Bayard Éd., 1996) • Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs (Éd. des femmes, 2007) • Lettre à Zorha D. (Éd.Flammarion, 2012) N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX

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RÉFÉRENCE 2017 : une année de résistances redoublées ! L’année 2016 a été le théâtre de nombreux évènements dramatiques ou d’attaques d’envergure contre les femmes et les hommes du peuple en France et des peuples du monde ; les plus marquants d’entre eux ont été la loi Travail imposée par le 49-3, les attentats terroristes, les bombardements de la Syrie et de l’Irak et les flux de migrants fuyant les guerres, la misère et la pauvreté ! En contrepartie, elle a vu descendre dans la rue des milliers de manifestantes et manifestants venus crier leur opposition à la loi El Khomri ! Et la contestation s’est prolongée dans de nombreux secteurs,…nous mettons en relief celle des travailleuses dans les « métiers féminisés », ceux qui sont exercés majoritairement par des femmes, qui ne désarment pas pour exiger la reconnaissance de leur travail et des conditions de travail correctes. Elles sont aussi très mobilisées contre les politiques d’austérité qui ont cassé les services publics, à commencer par l’hôpital public qui n’est plus en mesure de répondre aux besoins de santé de la population. Confrontées très souvent aux horaires fragmentés, aux temps par-

tiels et aux faibles rémunérations, au travail du dimanche, concentrées dans des secteurs où les abus sont monnaie courante, elles vivent dans leur propre chair le renforcement de la surexploitation. Trois « fausses couches à la caisse » ont été rendues visibles au cours des derniers mois, le droit des salariées à la maternité est mis en cause. Elles ont encaissé les lois du gouvernement les unes après les autres : Macron, El Khomri. Mais elles résistent, elles persistent et luttent dans l’hôtellerie, le commerce, le nettoyage, l’aide à la personne. Grèves, actions sont aussi à l’ordre du jour dans les hôpitaux, EHPAD, polycliniques, écoles,… Ces actes de résistance ne sont que le reflet d’une profonde colère et d’une révolte qui d’ores et déjà marquent les fondements de cette nouvelle année 2017 qui s’annonce grosse de contestations. Nous puisons nos forces dans ces résistances. Ce sont elles qui alimentent notre détermination pour affronter toutes les bagarres à mener, pour faire face aux enjeux à venir. C’est cette confiance et cette envie de nous battre que nous voulons partager avec vous.

Avocate pénaliste, Sylvie Boitel milite aussidansde nombreuses associationsde Paris 12ème.Elle a été présidente de la LDH Paris 12ème et de la Maison des Ensembles du 12ème, et organise, au sein du Collectif de Vigilance Paris 12e -RESF Paris 12e des parrainages de sans-papiers avec l’aide des élus. Sylvie reconnait avoir profité des combats de ses ainées et de pouvoir ainsi en mener d’autres. Étudiante en droit, c’est en participant à un collectif de soutienà un jeune,accusé injustement dans un dossier criminel, qu’elle décide d’être avocate pénaliste. Elle admire le travail acharné des 4 avocats lors de ce procès difficile et émotionnellement très fort. Elle fait alors une rencontre déterminante en la personne d’Henri Leclerc, Président d’honneur de la LDH. Elle prête serment en 1997, peu de femmes alors occupent cette fonction. Elle débute dans le cabinet de Jean-Jacques de Felice, avocat pénaliste se réclamant du pacifisme et de la non-violence. Et c’est ainsi qu’elle devient l’avocate de nombreux Kurdes. Elle se souvient encore avec émotion de la 1ère fois où elle a obtenul’asile politique pour un Kurde ! Cette activité a été très prenante en 1999 lors de l’arrestation d’Öçalan, leader du PKK, puisde février 2007 à août 2012, où beaucoup de militants kurdes furent interpellés et emprisonnés. Le harcèlement politico-judiciaire a beaucoup diminué depuis 2012. Depuis 4 ans,elle représente les familles des 3 femmes kurdes assassinées à Paris le 9 janvier 2013. Sylvie Boitel connaissait bien RojbinDogan. Cette dernière se situait au cœur des 3 cultures française, kurde et turque, et militait au niveau européen pour porter la voix de tout le peuple kurde, pour l’égalité homme-femme, et contre le patriarcat. Pour la première fois en France, aurait pu se tenir le procès d’un assassinat politique sur notre territoire. Mais cette chance historique s’est évanouie avec la mort,des suites d’un cancer,del’assassin présumé, 1 mois avant l’ouverture du procès. Sylvie Boitel réfléchit actuellement,avec les autres avocats de ce dossier, sur la manière de poursuivre la recherche de la vérité et de la justice. Elle reconnait que dans son métier il y a une certaine inégalité dans les carrières des hommes et des femmes. De même, elle ressent fortement les effets de l’augmentation de la pauvreté en France dans les causes qu’elle doit plaider.

Revue : Manière de voir 150 (décembre 2016-janvier 2017) Le Monde diplomatique : FEMMES la guerre la plus longue.

Deux livres de Marlène Tuininga « Des femmes pour la paix ? Des femmes pacificatrices ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Les femmes ne sont-elles pas les égales des hommes, donc capables d’autant de violence qu’eux ? » Quand, il y a quelques années déjà, les Editions Charles-Léopold Mayer m’ont invitée à écrire un livre sur ce thème, j’avais réagi comme la plupart de mes compagnes féministes occidentales. Avec indignation. Puis je me suis mise à voyager. Et j’ai trouvé aux quatre coins du monde, dans des pays en guerre, sortant de la guerre ou vivant dans la misère ce qui se passe entre femmes quand leurs maris, leurs frères, leurs fils - partis se battre, en prison, morts ou exilés – ne sont plus là. S’organisant en groupes, en coopératives, en clubs, elles prennent l’ensemble de leur société en main 16

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au service de la vie et de la survie. Selon des critères tout autres que ceux des hommes : la paix, la coopération, la non-violence. J’ai raconté ces histoires se déroulant dans 18 pays différents dans « Femmes contre les guerres – carnets d’une correspondante de paix » Dans un deuxième livre, « Journal d’une féministe décalée - adieu Saint-Germain-des-Prés » je cherche à comprendre ce qui dans ma vie mouvementée et aventureuse de femme, pas tout de suite féministe, m’a préparée à la découverte de ces groupes de femmes dont le vécu me semble ouvrir à la naissance d’une forme de féminisme nouvelle et prometteuse pour l’avenir de l’ensemble de l’humanité


On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît

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MONDIALISER LA PAIX Paix perpétuelle

Quand l’utopie devient la réalité Une paix très durable ? Entre deux pays frontaliers ? Qui plus est, scellée par un « traité de paix perpétuelle » ? Un rêve de doux pacifistes, diront beaucoup. Pas forcément.

EN SAVOIR PLUS • « Suisse et France - Cinq cents ans de Paix perpétuelle 1516-2016 », Gérard Miege et Alain-Jacques Tornare, Éditions Cabédita, 152 pages. 20

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a France et la Suisse ont célébré, en novembre dernier, le 500ème anniversaire du Traité de Paix perpétuelle, signé le 29 novembre 1516 à Fribourg (Suisse) entre la France de François 1er et la Suisse des XIII cantons de l’époque, ce qui, par la même occasion, consacrait l’indépendance de la Confédération Helvétique face au Saint Empire Romain Germanique et aux Habsbourg en particulier. Ce traité faisait suite à la célébrissime bataille de Marignan (1515) qui opposa, comme on ne le sait pas toujours, les troupes françaises à une très rugueuse armée suisse, alors connue pour ne pas faire de quartier. Ce sont les Suisses qui avaient inventé la hallebarde. Et ils savaient s’en servir, les bougres. Le Duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, l’avait déjà appris à ses dépens quelque temps auparavant. Mais les dirigeants français et suisses estimèrent alors de l’intérêt de leurs pays respectifs (qui n’étaient pas vraiment frontaliers à l’époque) d’établir une relation de paix durable, sur la base de l’intangibilité des frontières et des droits souverains de chaque partie. La France, en particulier, s’engageait à « ne pas molester par les armes » cette Suisse à l’indépendance toute récente. Force est de constater, du moins si on n’y regarde pas de trop près, que ce traité de paix a perduré jusqu’à aujourd’hui, ce dont on peut se réjouir très fort, bien au-delà de la sphère pacifiste. Ce fait est assez rare, voire unique, pour qu’on s’y arrête un instant. La Suisse s’engageait, il est vrai, à fournir au roi de France des mercenaires (qui préfiguraient la Légion Etrangère), connus sous le nom de gardes suisses, lesquels, au reste, payèrent chèrement leur loyauté au roi lors des massacres de 1792. Toujours durant la Révolution Française, les troupes françaises n’hésitèrent pas, en 1797, à pénétrer sur le territoire de la Confédération, sans y avoir été invitées, ce qui, au passage, permit au Canton de Vaud de s’affranchir de la pesante tutelle bernoise. Pour autant, le Traité de Fribourg n’a jamais été dénoncé et continue à régir les rapports (plutôt sereins) qu’entretiennent les deux nations. L’annexion par la France de provinces qui devinrent frontalières (la Franche-Comté en 1678, la Principauté de Montbéliard en 1793, la Savoie en 1860) ne changea rien à la nature de ce traité.

Les esprits grincheux regretteront toutefois que ces cérémonies commémoratives de Fribourg, destinées, en principe, à célébrer la paix, aient été présidées, du côté français, par le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, pas vraiment connu pour être un ardent pacifiste. On y aurait plutôt vu le ministre des affaires étrangères, qui aurait pu y trouver une occasion de célébrer les vertus de la diplomatie. Elles avaient été précédées en septembre par un important colloque dédié à « la paix perpétuelle » tenu au Sénat, en présence du Conseiller fédéral1 suisse Alain Berset2, lequel n’a, comme il se devait, pas manqué de souligner l’engagement diplomatique de son pays pour la paix. Le fastueux Palais du Luxembourg pouvait être un cadre approprié pour célébrer la paix. On y aurait, cela dit, volontiers associé l’Assemblée Nationale française, ne serait-ce que pour assurer la formation des parlementaires à la paix. Aucune raison de penser que ce traité de Paix perpétuelle ne vaudra pas encore pour les 500 prochaines années - et bien au-delà. Quant aux militants de la paix, ils retiendront de ce traité à la fois son exemplarité et sa pérennité par-delà les vicissitudes des siècles et les changements de régime. Il leur revient, à leur niveau, de le mieux faire connaître, dans une démarche très irénologique3. Les esprits curieux noteront avec intérêt que le concept d’ « utopie », que l’on doit au philosophe anglais Thomas More, date aussi de 1516, l’année de ce Traité de Paix perpétuelle. 1

Jean-Paul Vienne

Le Conseil fédéral est l’organe exécutif de la Confédération

suisse. Il est formé de sept membres, élus pour un mandat de quatre ans renouvelable par l’Assemblée fédérale. 2

Vice-président du Conseil fédéral depuis le 7 décembre 2016.

3

L’irénologie est la science de la paix. Elle constitue un pendant

de la polémologie qui est l’étude des phénomènes conflictuels.


MONDIALISER LA PAIX Refugiés

De Kuri à Marseille Nous vous annoncé dans le numéro de janvier la publication de portraits de réfugiés accueillis en France dans des CADA, les Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile. Premier rendez-vous avec Yassine, un être humain avant toute chose e suis Yassine du Darfour (Soudan). Je viens de Kuri, de la région de Al Facher non loin de Kutum. Je suis de l’ethnie des Tunjur. Né en 1990, j’ai étudié à l’école de Kutum jusqu’au lycée. Je vivais avec ma famille, mon père était éleveur-agriculteur.

Première attaque à 13 ans Le 5 août 2013, nous avons été attaqués par l’armée gouvernementale et ses milices alliées, les Junjwit. J’étais avec mon frère AbdelAzim et notre père sur les pâturages. Nous gardions nos moutons quand les militaires ont abattu notre père et la majorité de son troupeau. Mon frère et moi avons réussi à nous enfuir. Ce même jour, lors de l’attaque de notre village, les militaires ont assassiné 12 personnes et ont incendié des maisons, obligeant ainsi la population à fuir. Le 15 septembre de la même année, les forces gouvernementales attaquent à nouveau pour finir de détruire ou d’incendier les maisons et voler les troupeaux. Les villageois qui ont réussi à fuir ont, pour la majorité, rejoint les camps de réfugiés de Kassab. Mais un tiers d’entre eux ont été fait prisonniers. J’en faisais partie. Je n’avais que 13 ans. J’ai été relâché et j’ai retrouvé les survivants de ma famille dans le camp de Kassab où nous avons vécu durant 6 mois. Puis, nous avons choisi d’aller vivre à Kuri, dans un autre camp de réfugiés.

Arrestations en série Presque 2 ans plus tard, le 15 juin 2005, durant la période du Ramadan, dans le camp de réfugiés de Kuri, il y a eu une attaque des forces gouvernementales avec leurs milices. Les militaires ont tué 15 personnes et fait prisonniers 23 hommes âgés de 15 à 30 ans. Après notre capture, nous avons été torturés, battus, insultés puis emprisonnés pendant plus d’un

mois. Ce genre d’attaque était courant dans mon enfance. Le 1er septembre 2015 à Kutum, j’ai été à nouveau arrêté et emmené au poste des fractions gouvernementales. J’ai été accusé d’espionnage contre le gouvernement alors que je me rendais, sur le dos de mon âne, dans les vergers et les potagers de l’exploitation agricole où je travaillais. Les militaires m’ont emprisonné, photographié et ont constitué un dossier sur moi. Et au bout d’un mois de torture et de mauvais traitement, j’ai réussi à m’enfuir et à me cacher pendant 3 jours. J’ai fini par retourner dans le camp de Kassab où les responsables du camp m’ont conseillé de partir car les miliciens me recherchaient.

ler vers l’Europe. Le 12 avril 2016, nous étions plus de cent personnes, hommes, femmes mais aussi des enfants, de différentes nationalités, et nous nous sommes embarqués dans un bateau en toile plastique. Nous avons dérivé presque 1 jour et un bateau italien nous a repérés. Les sauveteurs italiens nous ont récupérés en mer le 13 avril 2015. Ce bateau nous a ramenés en Sicile. Le 16 avril 2016, j’entrai en France, en train et j’arrivai à Marseille. Giselle El Raheb

Départ du Soudan J’ai quitté le Soudan le 20 octobre 2015 en passant par Tina. Après 9 jours de traversée du désert, j’ai atteint la Lybie par la ville de Sapha. Nous étions le 29 octobre 2015. J’ai continué vers Tripoli. Quelques mois plus tard, je suis parti pour Sebrata, ville côtière en Lybie et j’ai cherché un moyen de quitter le pays pour alN° 619 - Février 2017 - Planète PAIX

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CULTURE Fi

La Éleve

Image extraite du film

L

EN SAVOIR PLUS • Parched, la saison des femmes, Film indien de Leena Yadav avec Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte et Surveen Chawla (2015-vostf-1h56) 22

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a Cul. Elle b


CULTURE 70

Dm La

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EN SAVOIR PLUS • http://maisonjeanvilar.org/public/07_jean_ vilar/index.html • www.festival-avignon. N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX

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