Planète Paix N°620-621 (mars-avril 2017)

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L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 620-621 / Mars-Avril 2017

Le livre blanc, un ouvrage de référence

Le vieux/nouveau paradigme La prévention de l’extrémisme violent

(P.9)

Coraline Parmentier

Dossier (P.13-19)

‘‘Par définition, la musique c’est la Paix’’ (P.31)


REGARD SUR...

Présentation du Livre Blanc pour la paix. Place de la République - Paris - 4 avril

F ix au Congrès de l’UNE Le Mouvement de la Pa 11 avril 2017

Daniel Lagot, Annick-Suzor Weiner et 3 des représentants de candidats à la présidentielle 1er avril 2017 2

N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

Événement organisé pa r la JOC -

Paris - 15 Avril 2017

Comité du Grand Genève - Avril 2017


l’Édito

Sommaire Planète Paix n° 620/621 - Mars/Avril 2017

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Actualité

Traité

P.6

Se rassembler pour la paix

Depuis un demi-siècle, la voie de Tlatelolco GCOMS

P.7

D

Campagne mondiale contre les dépenses d’armement RIMPAC

P.8

Une coopération militaire et régionale Le vieux/nouveau paradigme

P.9

La prévention de l’extrémisme violent palestine /Israël

P.10

Solidarité avec les prisonniers politiques Palestiniens

13

dossier

Le livre blanc, un ouvrage de référence Le Livre Pour la Paix

P.14

Un ouvrage majeur pour une société non-violente la construction de la paix

P.15

Impliquer les jeunes ruraux Place de la République

P.16

Un livre fondateur d’une nouvelle société PROPOS RECUEILLIS PLACE DE LA RÉPUBLIQUE P.17

Et pour vous, la Paix ça veut dire quoi ? la paix par le féminisme

P.18

Raoul Alonso

‘‘

Verra-t-on enfin

s’ouvrir de vraies négociations pour arrêter les conflits armés ou les

guerres civiles ! ’’

Un combat de tous les instants

20

dossier

Le désarmement nucléaire, un enjeu crucial la construction de la paix

P.21/23

Un traité pour un monde sans arme nucléaire Essais nucléaires français

P.24

Faire reconnaître leurs conséquences

26

mondialiser la paix

Femmes migrantes

P.26

Pour une vie en paix en Europe DJIBOUTI

P.27

Femmes en lutte Les ressources de la planète

P.28

L’eau, un pas vers la paix L’Otan

P.29

L’OTAN se donne les moyens pour se développer

30

es éclaircies s’ouvrent parmi les sombres difficultés de la paix dans le monde: à l’ONU, un processus vers un Traité interdisant les armes nucléaires, la condamnation réaffirmée des colonies en territoires occupés par Israël , le rappel des grands thèmes de la Culture de Paix devant marquer ce 21ème siècle. Verra-t-on enfin s’ouvrir de vraies négociations pour arrêter les conflits armés ou les guerres civiles qui accumulent les horreurs de toute part ? La qualité d’une information indépendante et vérifiée recule compliquant la recherche d’issues positives et l’établissement rigoureux des responsabilités des crimes de guerre et des provocations au conflit. En France, la tonalité de certains candidats à la présidence est guerrière dans le droit fil éculé et dangereux des prétentions planétaires de l’Otan, avec la constitution d’un pilier armé dans l’UE, accentuant la relance de la course aux armements, exigeant la progression ruineuse des dépenses militaires. Se prévalant de l’arme nucléaire dont dispose la France, un rôle lui serait dévolu d’abonder dans ce sens militariste avec ses incidences inévitables: difficultés budgétaires, caporalisation de la jeunesse, participation sans vrai débat à des interventions armées à l’extérieur du territoire national dans une conception surannée de la sécurité du pays et de son renom. Il est temps que se réalise le passage à une démocratie nouvelle, plus représentative du pays, de ses aspirations de paix, plus délibérative sans contrainte et sans atteinte aux droits fondamentaux, plus participative pour des citoyenne-s libres et égaux, plus soucieuse des besoins humains, de la justice sociale , plus tournée vers la paix, la solidarité, la préservation de l’eau, de l’air, de la terre, de la biodiversité et de la santé de tous.

Mensuel édité par

culture

Spectacle

le mouvement de la paix

P.30

‘‘Je suis sénégaulois’’ Coraline Parmentier

P.31

‘‘Par définition, la musique c’est la Paix’’ Bon d’abonnement à Planète Paix page 11

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 planete.paix@mvtpaix.org

Directrice de la publication : Annie Frison Rédacteur en chef : Alexandre Dicko Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, Alexandre Dicko, Nadia Dorny-Bennad, Giselle El Raheb, Guillaume du Souich, Annie Frison, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Alain Rouy, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Ont participé à ce numéro : Raoul Alonso, Pierre Villard, Roland Nivet, Colin Archer, Jonathan Hauser, Albert Caramés, Novact, Christine Rosemberg, Pierrick Monnet, Nicolas Lavallée, Lilian Halls-French, Henry Xavier Hofbauer, Gisèle Noublanche, Marie-Claire Gourinal, Barbara Ates-Villaudy, Yves-Jean Gallas, Marie-Hélène Bourdier, Annie Frison, Alexandre Dicko. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0322 G 85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

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Courrier des lecteurs

Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.

Une campagne présidentielle vue par un américain

Rapidement, il a commencé par défendre sa femme et son discours s’est déroulé de là, traversant sa politique anti-immigration qui a proclamé les français gardiens de leur histoire dans un ton puissant. Il a dénoncé la nouvelle politique du nouveau président des États-Unis, citant que l’heure est venue pour la France de se défendre contre ses idées imposantes. Pour un américain à l’étranger, un malaise extrême d’entendre

Le 19 janvier, François Fillon et son équipe républicaine ont organisé un meeting politique afin de rallier le peuple et commencé leurs campagne avant les primaires de la gauche. Se tenant à la Villette, Paris 19ème, ce meeting a accueilli environ 15 000 personnes et s’est penché sur les discours des politiciens, notamment de Fillon lui-même.

des phrases agressives contre les États-Unis se développe, même si Fillon a des bonnes raisons pour son dégoût contre Donald Trump. Venant de cela est la nouvelle devise de Fillon « une France libre », qui a commandé des applaudissements forts d’un public aux visages sérieux, principalement de peau blanche et d’âge mûr qui avait l’air un peu

comme les meetings de Trump aux États-Unis avec le manque de diversité. Ainsi, le candidat à la présidentielle pour les Républicains est parvenu à rallier ses militants à plus de deux mois du premier tour. Le même dimanche, un de ses adversaires a gagné sa primaire et a lancé officiellement sa candidature pour la présidentielle : Benoît Hamon. Un peu plus d’un mois et demi après, Hamon tenait aussi un meeting pour rallier environ 25 000 de ses militants, mais tout a divergé de celui de Fillon. Par le discours de Hamon a précédé par plus que deux heures d’échauffement du stade de Bercy, rempli des discours enthousiastes des membres du parti comme Anne Hidalgo, Christiane Taubira, Bertrand Delanoë, et Najat Vallaud-Belkacem. Une ardoise de noms très divers en comparaison avec celle de Fillon et en plus une réflexion du public qui était aussi plus divers. Cette atmosphère a semblé plus comme celle d’Hillary Clinton pendant ses meetings, avec des politiciens et un public plus divers. Alors que les politiciens aux États-Unis font la même chose en trouvant soutien des membres du parti, ils cherchent en même temps l’appui des vedettes et de personnages nationaux, comme Beyoncé pour Hillary, qui était moins présent pendant les meetings. Au contraire du caractère formel du meeting de Fillon, cette fête avait une énergie jeune et forte. Les appels fréquents aux jeunes dans les discours ont montré l’importance de la jeunesse pour le parti socialiste et aussi pour l’avenir du pays, qui est similaire

au chemin qu’Hillary a essayé de suivre pendant sa campagne. Pour un américain, les discours et la musique avant l’apogée de l’événement semblaient un peu plus proches des meetings politiques aux États-Unis où la musique et l’enthousiasme dirigent les changements de gouvernement. Quant au discours de Hamon lui-même, il a eu un ton plus présidentiel comme Fillon, cependant il a intégré plus d’humour et plus de vif dans tout ce qu’il disait. Par exemple, le petit geste amusant de boire à petites gorgées quand le public chante « Hamon Président » à haute voix le montrait comme plus humain mais aussi capable d’être humoristique, une qualité qui était plus évidente dans Barack Obama que Trump ou Hillary Clinton. Ce qu’il a ciblé pendant son discours a dévoilé quelque chose d’important dans la vue de la société française : l’unité et la fraternité. Il s’est aussi clairement distingué des autres candidats, en faisant plusieurs petites attaques aux idées des autres, particulièrement Emmanuel Macron. L’accessibilité dans certains domaines est plus avancée aux États-Unis, mais dans les autres il y a des lacunes que la France a mieux géré. Pour un américain qui n’a jamais assisté à un meeting politique aux États-Unis, cette expérience lui rend plus claire l’importance d’être militant et de lutter pour l’avenir de son pays, particulièrement parce qu’il y a un taux d’abstention d’environ 40%. Jonathan Hauser

Chères lectrices, chers lecteurs, Comme vous avez pu le constater la publication de notre mensuel a pris beaucoup de retard, pour des raisons indépendantes de notre volonté. L’ensemble de la rédaction souhaite vous exprimer ses plus vives excuses pour ces désagréments. En vous remerciant infiniment pour votre indulgence. La rédaction de Planète Paix 4

N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX


REPÈRES ... Livre

IMAGE DU MOIS

Erdogan, un Président- Roi

‘‘Le droit à l’oubli’’ Du devoir de mémoire au droit à l’oubli de Sandrine Carneroli. Éd. Larcier

Le livre s’inscrit dans une collection pratique destinée à comprendre les règles juridiques de manière à appréhender globalement l’impact du temps qui passe sur la liberté d’expression et la vie privée, au travers d’un droit à l’oubli qui se révèle double, apportant un éventail de solutions juridiques mais aussi techniques pour concilier les droits en présence. La problématique vise l’écoulement du temps et ses implications sur la protection de la vie privée. La gestion des traces identitaires implique-t-elle un droit absolu à façonner librement son identité sur internet en faisant abstraction des actes passés ? Le législateur a-t-il prévu au profit des individus la possibilité de faire le tri entre les informations qui peuvent continuer à être diffusées et celles qui devraient se faire oublier ? Face au développement des services d’archives électroniques, quelles sont les possibilités d’exercer un droit à l’oubli de façon effective ? L’oubli doit-il s’imposer de la même manière aux sites d’informations qu’aux moteurs de recherche ? Autant de questions qui appellent des réponses nuancées compte tenu de l’importance des droits fondamentaux en présence. Il est destiné aux juristes, avocats, sociétés spécialisées dans la e-réputation mais aussi aux particuliers et entreprises soucieuses de gérer leur image, leur réputation et leur passé.

Livre

‘‘Les nouveaux bien-pensants’’ Michel Maffesoli & Hélène Strohl. Éditions du Moment

Avant d’être économique, la crise actuelle est morale. Aujourd’hui, les élites - ceux qui ont le pouvoir de faire et de dire - semblent de plus en plus déconnectées de la vie de tous les jours. Le bavardage des journalistes, politiques, hauts fonctionnaires et « experts » n’intéresse plus grand monde. La dévaluation de la parole publique est inquiétante, car c’est elle qui suscite l’émergence des discours démagogiques, ceux des extrêmes, gauche ou droite. À partir de quelques exemples précis et emblématiques (Attali, Minc, Badiou, Plénel…), il s’agit d’analyser et de dénoncer les racines du conformisme propre au dangereux « entre-soi » caractérisant la pensée « officielle ». Il faut chercher les sources de ce décalage et montrer en quoi les « nouveaux bien-pensants », dont le moralisme conforte le politiquement ou le théoriquement « correct », suscitent les multiples incivilités sociales. Un pamphlet virulent et acerbe.

La réforme constitutionnelle sur laquelle le pays était appelé à voter le 16 avril comprend 18 articles, dont le plus controversé vise à transformer en régime présidentiel le système parlementaire actuel, en place depuis la fondation de la République de Turquie en 1923. Mais alors que le peuple turc a partiellement renoncé à sa démocratie, Erdogan a aujourd’hui les pleins pouvoirs. La victoire d’Erdogan sur la démocratie est assez courte, 51,2% des citoyens ont voté pour lui. Les grandes métropoles turques s’y sont opposées comme Izmir, Istanbul, Ankara. Par ce vote le poste de Premier Ministre et le gouvernement disparaissent laissant comme seul détenteur du pouvoir exécutif, Le Président - Roi Recep Tayyip Erdogan. C’est la fin d’un régime parlementaire. Un Président chef de parti dirigerait le gouvernement. Il pourrait nommer des vice-présidents non élus, gouverner par ordonnances et aurait tutelle sur les juges. On peut craindre que la prochaine étape, en plus du rétablissement de la peine de mort, soit la suppression du caractère fondateur de la constitution turque, la laïcité. N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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ACTUALITÉ TRAITÉ

Depuis un demi-siècle, la voie de Tlatelolco Le 14 février 1967,

Deux protocoles

18 états d’Amérique latine ouvrent la voie à ce qui allait devenir les ZEAN1. Entré en vigueur

50 ans du Traité de Tlatelolco (Mexique) : le président du Comité international de la Croix-Rouge lance un nouvel appel en faveur de l’interdiction des armes nucléaires

le 25 avril 1968

l y a 50 ans, le premier traité multilatéral créant une zone exempte d’armes nucléaires en milieu peuplé voyait le jour à Tlatelolco, un quartier de Mexico la capitale du Mexique. Quelques années auparavant, la crise dite des missiles à Cuba avait alerté le monde de la menace imminente d’utilisation d’armes atomiques. Des États d’Amérique latine ont alors fait de la Paix et de la sécurité internationale un enjeu fondamental de leur diplomatie. Des années d’efforts ont abouti à la signature du traité de Tlatelolco par un premier groupe de 18 pays. Les règles d’entrée en vigueur du traité stipulaient alors quatre conditions : la nécessité que tous les pays de la région adhèrent au Traité, la signature de deux protocoles par les pays concernés, la signature d’un accord de chaque état avec l’AIEA2 pour soumettre leurs installations nucléaires aux garanties de l’agence. Les 33 pays d’Amérique Latine ont aujourd’hui signé et ratifié ce traité. Le dernier en date est Cuba en 2002.

pour une durée indéterminée, ce 1er traité n’est plus unique aujourd’hui. Fin mars, l’ONU ouvre les discussions pour un traité général d’interdiction et d’élimination des armes atomiques. Enfin !

EN SAVOIR PLUS • https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20634/ volume-634-I-9068-Other.pdf 6

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I

Le traité Le Traité interdit aux États parties d’essayer, d’utiliser, de fabriquer, de produire ou d’acquérir des armes nucléaires ou de participer à des activités visant de telles fins. Les États parties doivent s’abstenir de stocker, déployer ou posséder des armes nucléaires. Les États parties sont autorisés à réaliser des explosions nucléaires à des fins pacifiques à condition de respecter des directives précises. La zone d’application du Traité est le territoire, la mer territoriale, l’espace aérien et tout autre lieu sur lequel un État signataire exerce sa souveraineté conformément à sa législation.

La zone exempte d’armes nucléaires doit être respectée par les États qui ne font pas partie de la région, mais qui exercent des droits souverains sur des territoires de la région. Ainsi le 1er protocole concerne les États-Unis, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, pour leurs territoires latino-américains (la Guyane française). Le 2nd protocole oblige les EDAN3 à respecter la dénucléarisation de la région et à ne pas employer ni menacer d’employer d’armes nucléaires contre les parties contractantes.

Argentine et Brésil Ces deux grands pays d’Amérique Latine avaient développé un programme d’armement atomique dans les années 50. Préférant la négociation à la déflagration, ils ont signé en 1991 un accord en vertu duquel l’Argentine et le Brésil renonçaient à développer, posséder ou faire usage des armes nucléaires. « Cette étape a substantiellement transformé le caractère de notre relation bilatérale au plan politique » concèdent les ministres des Relations extérieures du Brésil et de l’Argentine. Le nucléaire a définitivement cessé d’être un point de possibles suspicions pour devenir un pilier central de la confiance et de la coopération au sein de la relation stratégique entre nos deux pays sud-américains, grâce à un processus de négociation. Les discussions qui se sont engagées à l’ONU le 27 mars 2017 sont dans ce prolongement historique. Pour la première fois, il est envisagé d’interdire la mise au point, la production, l’acquisition, la possession, le stockage, le transfert, l’emploi ou la menace de l’emploi des armes nucléaires. Dans un climat international où l’on entend de plus en plus souvent parler de “nouvelle course aux armements” et de risque de “guerre nucléaire”, il n’est pas possible que la France refuse de participer à ces négociations. Pierre Villard 1

Zones exemptes d’armes nucléaires

2

Agence internationale de l’énergie atomique

3

États dotés d’armes nucléaires : les cinq puissances recon-

nues comme nucléaires par le TNP, États-Unis, Chine, France, Grande-Bretagne, et Russie


ACTUALITÉ GCOMS

Campagne mondiale contre les dépenses d’armement Les chiffres publiés par le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) pour 2016 confirment le niveau insupportable des dépenses militaires mondiales (de 1686 milliards de dollars ) et rendent nécessaire l’action convergente des Mouvements de Paix au niveau planétaire.

R

oland Nivet : Pouvez-vous nous

sur les dépenses militaires, des chiffres comparatifs pour le domaine de la santé et les estimations des coûts des Objectifs du développement durable. Le partenariat que nous avons développé avec le SIPRI au cours de ces dernières années est un modèle de relations chercheurs-militants.

expliquer ce qu’est la campagne GCOMS ?

Colin Archer (Secrétaire Général du Bureau international de la paix (BIP) sortant) : Il s’agit de la Campagne mondiale sur les dépenses militaires, fondée par le BIP en 2014, suite à une série annuelle de 6 Journées d’action mondiales (GDAMS en anglais), qui ont débuté en 2011. Actuellement la Campagne bénéficie du soutien d’une centaine de partenaires (associations et mouvements) sur tous les continents. Bien que les USA soient le géant dans ce domaine, la surmilitarisation est un problème, et un danger, dans presque tous les pays. Il nous faut donc un mouvement coordonné, et au niveau mondial. Actuellement la Coordination internationale est assurée au nom du BIP par le Centre Delàs à Barcelone.

R.N : Quels sont les objectifs de la Journée mondiale d’action sur les dépenses d’armement fixée le 18 avril ? C.A. : C’est une occasion de soulever sur la place publique, dans les médias, auprès des politiques, la grande question des priorités de nos dépenses publiques. C’est simplement un scandale que le monde consacre encore plus à la machine militaire qu’au moment le plus tendu de la guerre froide ! 1800 milliards de $US chaque année pour les préparations de guerre, c’est trop ! Il suffit de regarder la dégradation rapide des relations entre les grandes puissances au cours des récentes semaines (sur la Syrie, la Corée du Nord…) pour se rendre compte des dangers implicites dans le

RN : Cette initiative pourait-elle favoriser la convergence dans l’action des différents mouvements de paix dans le monde ?

recours à un nationalisme hautement militarisé. C’est une doctrine qui est en train de se répandre dans des sociétés les plus diverses, et qui doit absolument être combattue. Ce n’est pas uniquement une question d’ordre financier. Nous rejetons le gaspillage de cerveaux brillants, surtout les jeunes talents, qui sont attirés par les gros budgets et les positions prestigieuses offertes par des institutions dans le secteur militaire ou qui en dépendent.

RN : Quelles sont vos sources concernant les chiffres avancés ? C.A. : Chaque année nous utilisons les données publiées, le même jour que la GDAMS, par le très réputé Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Ce sont les statistiques (avec commentaires) qui révèlent l’évolution de la militarisation mondiale, par pays, depuis l’année précédente. Cette année les données seront publiées le 24 avril 2017. L’année passée, pour la première fois, le SIPRI a publié, à côté de ses informations

C.A. : Non seulement cette action annuelle a pour but de réunir les pacifistes qui veulent agir contre la militarisation des budgets - et de la science, et de l’opinion publique - mais aussi nos collègues et ami-e-s dans les autres secteurs de la société qui pourraient bénéficier d’un tel changement de priorités, surtout au niveau national, où les budgets sont déterminés. Avec un transfert massif des dépenses actuellement consacrées à la chose militaire, vers des investissements dans les domaines tels que le développement durable, l’environnement, les droits humains, les services publics, l’humanitaire… l’avenir du monde serait bien moins sombre. J’ai l’espoir que les militants français vont se joindre en bon nombre à cet effort, car la militarisation touche fortement ce pays. Et en plus, c’est une cause noble !

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ACTUALITÉ Rimpac

Une coopération militaire et régionale Dans un monde où les armes nucléaires règnent maître, les forces navales sont-elles importants ? Selon certains pays du monde, cela demeure nécessaire et utile. Mais elles ont la possibilité, selon des officiels militaires, de créer une force de dissuasion quant à de possible attaques. Souvent les alliances militaires mènent ensemble des exercices, mais a cette échelle, cela est assez rare. 8

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L

e RIMPAC, Pacific Rim Exercise (Exercice cices. Donc, la sécurité dans la région est améliorée de la ceinture pacifique), est programme par RIMPAC. militaire maritime multinational qui se En outre, ces exercices ne font pas que protéger tient lieu chaque 2 ans. Il s’agit du plus les pays de la région contre la Corée du Nord. Ils progrand ballet militaire international au monde. Fondé meuvent aussi une liberté de commerce dans la pacien 1971 et accueilli tout les deux pour environ un fique et la sécurité de tous les bateaux de commerce. mois par les États-Unis, ces exercices navales se sont 29 des 50 plus grands ports de conteneurs du monde développés et élargi depuis le premier exercice re- se trouvent dans cette région. Les premiers neuf joint par l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, grands ports du monde aussi se trouvent dans cette le Royaume-Uni, et les États-Unis. 2016 était la 25ème région, l’origine de la majorité du commerce mariRIMPAC où 46 pays ont participé, dont 22 ont par- time mondial. La stabilité dans la région est la clé ticipé dans les exercices pour protéger ces routes navales et 23 n’ont parde commerce précieuses. ticipé que dans le cadre S’il y avait une guerre sur stratégique. le récif de Scarborough ou Avec la montée de tenles îles Spratly, elle menasion en 2017, ces exercerait la commerce de la cices militaires sont une région et mettrait en danépreuve de solidarité entre ger les aux autres pays qui les pays de la région, noreçoivent les conteneurs, tamment les pays comme comme les États-Unis. La la Chine (et la Russie dans collaboration qui est atles exercices de 2012), tendu de ces exercices est qui ont participé en dépit faciliter les négociations de leurs désaccords avec parmi les pays qui sont en d’autres pays dans la rédésaccord les uns avec les gion. La Corée du Nord, autres, et par conséquent qui a augmenté la rigueur Le navire le HMAS Ballarat à Pearl Harbour, Hawaï lors peut permettre d’éviter de RIMPAC 2016 de ses tests nucléaires et des conflits majeurs dans ses tests missiles, une menace pour la paix dans la la région du nord-pacifique lourdement armés. région. En faisant des exercices ensemble les pays En revanche, un exercice collaboratif n’assure pas comme la Corée du Sud, le Japon, et les États-Unis, la Paix. Par exemple, alors que la Russie a participé tous menacés par les actions agressives de la Corée en 2012, elle a choisi de ne plus participer. Avec la du nord, ils se préparent bien avec une coopération guerre en Syrie la lutte nécessaire contre l’État militaire. En 2016, les exercices ont été menés par Islamique. une américaine, Amiral Nora Tyson, Commandant . de la troisième flotte des États-Unis, qui n’est pas une surprise étant donné que la marine des États-Unis est Jonathan Hauser la plus grande au monde. Le commandant en second, est un canadien et le vice-commandant, le troisième au pouvoir, est un japonais. Donc, l’importance du Canada et du Japon dans le système des alliances dans le pacifique est Nous reprenons scrupuleusement le texte de clair. Si la Corée du Nord osait attaquer la Corée du notre ami américain, stagiaire au Mouvement de Sud ou le Japon, ces pays pourraient et réagir vite la Paix, avec ses expressions, ses mots à lui et ses et avec beaucoup de coordination grâce à ces exerpropres avis.


ACTUALITÉ Le vieux/nouveau paradigme

La prévention de l’extrémisme violent La société civile de la région euroméditerranéenne, à partir de la Conférence de Barcelone (janvier 2017) commence à s’organiser pour faire face à un des défis majuscules de notre période : l’extrémisme violent. Le plan d’action adopté dans la dite conférence est un excellent point de départ.

Avec la participation de Fatima Zedira et Roland Nivet (porte parole du Mouvement de la Paix)

Discours inaugural avec Albert Caramès de l’OPEV – NOVACT, Maritza Buitrago du Conseil de NOVACT, Ismaeel Daoud du ICSSI, Khadija Ryadi de la CMODH et Santiago Alba Rico philosophe (Crédit : NOVACT).

L

’extrémisme violent est un affront aux principes de la société civile engagée dans des efforts collectifs pour le maintien de la paix et de la sécurité, le développement durable, la protection, la promotion et la défense des droits humains et la promotion de la bonne gouvernance et de l’État de droit dans la région euro-méditerranéenne. À travers ses multiples manifestations, l’extrémisme violent alimente la violence et les conflits armés, et contribue par là à un climat de méfiance et d’insécurité croissant parmi la population. De la même façon, la propagation de ce phénomène a aggravé la crise économique, politique et humanitaire sans précédents dans laquelle est plongée la région. Au cours des dernières décennies, les gouvernements euro-méditerranéens ont cherché à lutter contre l’extrémisme violent sur une logique purement sécuritaire (Homeland Security), avec une panoplie de mesures antiterroristes. En d’autres mots, les gouvernements ont trop souvent répondu à la violence par la violence. Au nom de la lutte contre l’extrémisme violent nous avons assisté à un usage intensif du pouvoir militaire. Cette pratique a démontré son inefficacité et s’est rendue responsable de graves violations de droits humains ainsi que de l’accroissement de la vulnérabilité et de la souffrance des populations. De la même façon, l’urgence provoquée par le besoin de réagir face à la menace que suppose l’extrémisme violent, a permis la généralisation de pratiques excessives et abusives en matière de sécurité et de surveillance policière. Les libertés et droits fondamentaux des citoyens ont été restreints et nous faisons l’objet d’un contrôle massif qui limite les va-

leurs démocratiques et pluralistes dans le cadre d’un état d’urgence généralisé. Face à la nouvelle émergence de groupes extrémistes violents, les mesures sécuritaires ne seront pas efficaces à elles seules. Pour essayer de mitiger cette problématique, en janvier 2017, plus de 320 représentants de 172 organisations de la société civile et de mouvements sociaux venant de 22 pays de la région euro-méditerranéenne, se sont rencontrés à Barcelone pour débattre de la prévention de l’extrémisme violent. La conférence de Barcelone « Vers un nouveau paradigme : prévenir l’extrémisme violent » s’est concentrée sur la planification d’une contribution constructive des organisations de la société civile à la prévention de l’extrémisme violent au regard des leçons apprises durant les dernières décennies et les défis qui nous attendent. Le principal résultat de cette conférence fut un plan d’action de la société civile euro-méditerranéenne1 pour la prévention de toutes les formes d’extrémisme violent, qui rassemble les principales conclusions de la conférence de Barcelone et fournit une vraie opportunité à tous les acteurs de la communauté euro-méditerranéenne pour s’unir, accorder leurs actions et poursuivre des approches inclusives contre la division, l’intolérance et la haine. Ce plan d’action représente un effort sans précédent pour réconcilier les visions de la société civile des deux rives de la méditerranée et donner une réponse durable et pacifique à ce défi. Albert Caramés, Novact 1

www.opev.org

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ACTUALITÉ palestine/Israël

Solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens Depuis le 17 avril, journée internationale de solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens, près de 1500 d’entre eux détenus en Israël ont entamé une grève de la faim illimitée, mouvement de protestation lancé par le plus célèbre d’entre eux : Marwan Barghouti.

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our la première fois Marwan Barghouti, responsable politique le plus populaire parmi les Palestiniens, reconnu internationalement et souvent comparé à Gerry Adams ou Nelson Mandela, a décidé de prendre la tête de ce mouvement. Dans une tribune publiée dans le New-York Time il précise : « Ayant passé les quinze dernières années dans une prison israélienne, j’ai été à la fois témoin et victime du système illégal israélien d’arrestations collectives arbitraires et des mauvais traitements des prisonniers palestiniens. Après avoir épuisé toutes les autres options, j’ai décidé que le seul choix pour résister à ces mauvais traitements était de se mettre en grève de la faim. […] Faire la grève de la faim est la forme la plus pacifique de résistance disponible. Elle n’inflige des souffrances qu’à ceux qui y participent et à ceux qui leur sont chers, dans l’espoir que leur estomac vide et leur sacrifice permettront à leur message de trouver un écho audelà des murs de leurs sombres cellules. » Comme l’indique son épouse Fadwa : « Depuis l’occupation de 1967, à chaque fois que les prisonniers palestiniens ont vu leur conditions de détention s’améliorer, cela a été obtenu par d’importants mouvements d’action… Il ne s’agit pas d’un simple mouvement de revendications et d’amélioration du quotidien des prisonniers. C’est une bataille politique, une question nationale qui s’inscrit dans notre lutte. » Cette grève de la faim intervient alors que les négociations entamées avec l’administration pénitentiaire sur le respect des droits et de la dignité des détenus, conformément au droit international et aux conventions de Genève, sont dans l’impasse. Leurs revendications majeures portent sur les visites et les soins médicaux. Parmi les détenus, 500 sont en détention administrative dont six mineurs, deux femmes et neuf députés qui croupissent en prison sans qu’il n’y ait aucune charge et sans aucun procès pendant des périodes de 4 à 6 mois renouvelables à l’infini. On compte actuellement 6500 Palestinien-ne-s emprisonné-e-s. Parmi les 61 femmes incarcérées, 12 sont mineures. Trois cents enfants sont derrière les barreaux.

En réalité, le système carcéral est inscrit tout entier dans la politique de colonisation et d’occupation israélienne. Depuis 1967, 800 000 palestiniens ont fait un séjour dans les prisons israéliennes. Marwan Barghouti a aussitôt été transféré dans un nouveau centre de détention et mis à l’isolement ainsi que d’autres prisonniers grévistes. Les

premières réactions du gouvernement d’Israël laissent présager le pire. Ainsi le ministre israélien de la sécurité intérieure a déclaré : « Nous n’avons pas de raisons de négocier avec les prisonniers », affirmant « qu’il s’agit de terroristes et d’assassins », quant à Avigdor Liberman, fondateur du parti nationaliste d’extrême droite il a prévenu qu’il était favorable « à l’approche de Margaret Thatcher » qui avait laissé mourir de faim, en 1981, Bobby Sands et neuf autres nationalistes irlandais après plus de deux mois de grève de la faim. Christine Rosemberg


On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît

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Au jour le jour

Une pérennisation du mouvement social guyanais ?

En Guyane, la crise dure depuis la mi-mars 2017 et la situation semble bloquée. Depuis le 4 avril, une quarantaine de délégués et de manifestants dont plusieurs élus locaux ont occupé le Centre spatial de Kourou. Rappelons que pour le Centre spatial, un jour d’occupation représente environ un million d’euros de perte pour le programme Arianespace. Mais alors que la Guyane continue de vivre l’un des plus grands mouvements sociaux de son Histoire, le gouvernement semble incapable de satisfaire leurs revendications qui sont et demeurent légitimes. Aujourd’hui, les revendications principales de ce mouvement sont multiples et principalement axées sur la lutte contre l’insécurité, l’amélioration des services de santé, la lutte contre l’orpaillage illégal et l’immigration incontrôlée. Les grévistes d’EDF réclament des recrutements et des investissements pour améliorer les infrastructures électriques. Ce qui a pour conséquence la réaction de la diplomatie américaine qui conseille fortement à ses ressortissants de ne pas se rendre en Guyane. Ce qui accentue la mauvaise opinon de Trump envers la France, notamment de Paris ville devenue le symbole des exactions de l’État Islamique. Selon les leaders de ce mouvement social, le mouvement continuera tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites. 12

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Une région du monde sous haute tension Alors que Shinzo Abe et le parti au pouvoir appellent à l’acquisition de nouveaux équipements militaires afin de pouvoir frapper la Corée du Nord ; ce pays qui s’obstine à mener des lancements de missiles balistiques, en violation de tous les accords quant aux essais d’armes de destruction massive. Le président des États-Unis Donald Trump a déclaré : « les ÉtatsUnis ne resteront pas sans réaction », et pour preuve la 7ème flotte de la marine américaine

japonaise notamment l’article 9 stipulant que : « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux ». Shinzo Abe, a déclaré : « Ces lois sont nécessaires pour protéger les citoyens et leurs vies paisibles et empêcheront les guerres », après l’adoption définitive des textes par 148 voix contre 90. Les tensions en mer de Chine peuvent à terme aller vers un conflit armé de très grande ampleur sans oublier les multiples

stationnée au Japon a été mise en état d’alerte maximum. Une escalade de la violence est à craindre si le Japon se décide à réagir aux essais nord-coréens, les États-Unis seront contraints d’agir ainsi que la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan qui prendront position. Alors même que cette zone sous tension est déjà sous tension et lourdement armée, cela pourrait rapidement se transformer en un affrontement nucléaire, mettant en danger la vie de plusieurs millions d’individus . Des tensions entre la Chine et le Japon existent depuis 2015 et le Japon pourrait se lancer dans une campagne militaire puisque le Premier Ministre, Shinzo Abe, est parvenu à obtenir de la part du Parlement japonais une loi réinterprétant la Constitution

gesticulations et provocations destinées à imposer progressivement sa propre conception des eaux territoriales en mer de Chine. La Chine n’a d’ailleurs pas hésité à prendre des risques face aux garde-côtes japonais au large des iles Senkaku, comme face aux unités de la 7ème flotte américaine en mer de Chine. En 2013, un navire de guerre chinois a brusquement coupé la route au croiseur lance-missiles américain Cowpens, qui a dû virer de bord en catastrophe pour éviter une collision. De nombreux contentieux existent : le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et le sultanat de Brunei revendiquent la souveraineté de certaines parties stratégiques de cette mer, suscitant des préoccupations dans la région et au-delà.

Le grand retour de l’interventionnisme américain

La menace d’une intervention américaine a rapidement été mise à exécution. En contradiction avec toutes ses déclarations antérieures sur la Syrie, Donald Trump a pour la première fois déclenché des frappes aériennes contre le régime de Bachar el-Assad. L’US Air Force avec l’appui de la Navy a lancé plus de 50 missiles balistiques sur la base aérienne syrienne de Shayrat, qui selon le régime syrien aurait coûté la vie à au moins six personnes et fait de nombreux dégâts matériels. Selon les officiels du Pentagone, cette attaque survenue des suites de l’attaque chimique au gaz sarin de la ville de Khan Cheikhoun par l’aviation du régime qui a tué au moins 86 personnes dont 30 enfants. En principe, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies joue le rôle d’arbitre des crises dans le monde. Selon l’article 42 du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, seule cette instance peut théoriquement autoriser le recours à la force, sous certaines conditions. La décision nécessite l’accord d’au moins neuf de ses quinze membres et l’absence de veto de ses membres permanents, qui sont la Chine, les ÉtatsUnis, la Russie, la France et le Royaume-Uni.


DOSSIER

• Le livre blanc pour la paix

Un ouvrage majeur pour une société non-violente

Le livre blanc, un ouvrage de référence

• la construction de la paix

Impliquer les jeunes ruraux • Place de la République

Un livre fondateur d’une société nouvelle • PROPOS RECUEILLIS PLACE DE LA RÉPUBLIQUE

Et pour vous, la Paix ça veut dire quoi ? • la paix par le féminisme

Un combat de tous les instants Ce livre blanc pour la Paix est le résultat d’un travail collectif d’une trentaine d’organisations pour la plupart membres du collectif national « En marche pour la paix ». Ce collectif, né des marches pour la paix organisées le 24 septembre 2016 dans le cadre de la Journée Internationale de la Paix, a en effet décidé fin 2016 sur proposition du Mouvement de la Paix, de s’investir dans l’écriture de ce livre blanc. Cet ouvrage démontre que les guerres sont toujours des échecs, conduisent au chaos et engendrent des monstruosités. Il analyse les enjeux actuels et met en lumière les potentialités existantes pour construire la paix et formule des propositions concrètes autour de quatre programmes mobilisateurs et de réformes structurelles précises et novatrices, ce qui constitue l’ossature de ce qui pourrait être une loi de programmation pluriannuelle pour la paix. N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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Le Livre Pour la Paix

Un ouvrage majeur pour une société non-violente Le livre blanc pour la paix, élaboré dans le cadre du collectif ‘‘En Marche pour la paix’’, à travers les contributions de 48 associations, entend dénoncer les politiques guerrières mais aussi être porteur d’une proposition alternative pour la construction d’un monde de paix et d’une sécurité humaine. Cet ouvrage se veut l’acte fondateur d’une nouvelle société : apaisée, non-violente, fraternelle, solidaire. 14

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lors que Les dépenses mondiales d’armement sont passées de 1100 milliards en 2001 à 1 780 milliards en 2015, le budget des Nations unies pour les opérations de paix est uniquement de 8,7 milliards par an, déclencher une guerre reste plus facile qu’élaborer une stratégie de long terme pour construire la paix. Les États les plus puissants, en particulier les États nucléaires, appellent souvent stratégie pour la paix ce qui n’est en fait que la mise en avant de préoccupations, d’intérêts, de volontés d’hégémonie et/ou de domination au nom de notre sécurité. Aujourd’hui, de manière très pragmatique, une stratégie pour la paix est en train de se mettre en place par la conjonction de l’action des Nations Unies (en particulier à travers son programme pour une culture de la paix) et de l’émergence d’une vaste coalition mondiale qui réunit les grandes institutions internationales (ONU, Unesco, PNUD, Cop 21, etc.) et les forces vives de la « société civile » mondiale (syndicats, ONG, parlementaires, maires, Croix Rouge internationale, mouvements féministes et de défense de l’environnement, associations humanitaires et de défense des droits humains, forums sociaux…). Alors que chaque jour apporte son lot de morts et de victimes, alors que de manière déraisonnable les dirigeants de ce monde appellent à une nouvelle augmentation des dépenses d’armement au nom de la paix et de notre sécurité, ce livre blanc pour la paix entend apporter une autre vision, une autre perspective au service d’une stratégie pour la paix.

Le constat est évident, en particulier au vu de la situation d’un Moyen-Orient ravagé par la guerre, au vu du développement d’un terrorisme criminel engendré par ces guerres et par la misère : Les guerres ne sont que des échecs, elles conduisent au chaos et engendrent des monstruosités. Le livre blanc pour la paix est une contribution, émanant d’un collectif d’ONG françaises, au débat sur les conditions d’une sécurité véritable pour la population vivant en France. Ce livre blanc entend dénoncer les politiques guerrières mais aussi être une contribution positive à la construction d’une alternative pour la paix, pour l’émergence d’une transition pacifiste et d’un monde sans armes et sans guerres. Cette transition peut se construire grâce à une double dynamique que l’on appellera « la dynamique du double balancier » se caractérisant par une diminution progressive des dépenses d’armement (et en premier lieu des dépenses consacrées aux armes nucléaires dont l’élimination est programmée) et par l’augmentation des moyens pour la construction de la paix à travers la mise en œuvre des droits humains dans le monde entier. Le livre blanc n’est pas un aboutissement mais une étape dans la construction de la paix, c’est une première contribution qui ne demande qu’à bénéficier de l’enrichissement et de la réflexion de toutes et de tous. Il est construit sur la base d’un examen de la réalité concrète du monde d’aujourd’hui à partir duquel se fonde une vision : pour l’avenir de l’humanité, il n’y a d’autre chemin que la paix. L’ouvrage, en particulier grâce à des annexes riches et diversifiées, fournit des bases utiles à tout citoyen qui souhaite réfléchir sur les questions de la paix et agir avec efficacité pour obtenir des résultats concrets en matière de construction d’un monde de justice, de fraternité et de paix. Roland Nivet

EN SAVOIR PLUS • En vente 5€, 220 pages. www.mvtpaix/boutique


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la construction de la paix

Impliquer les jeunes ruraux Le Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC) est un mouvement animé et géré par des jeunes de 13 à 30 ans, existant depuis plus de 80 ans et rassemblant 7000 jeunes dans une cinquantaine de départements. Notre mouvement, comme les jeunes en général, a toujours été préoccupé par les questions internationales et les problématiques de guerre.

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ous favorisons les groupes de parole chez les appelés de la Guerre d’Algérie, participation au Comité Vietnam, membre fondateur du CCFD ou encore luttes en faveur des objecteurs de conscience. Aujourd’hui, le MRJC accompagne des projets de jeunes en découverte de solidarité internationale, et participe aux rencontres avec les réfugiés arrivant dans nos territoires. Le MRJC a tenu à s’impliquer dans l’initiative du collectif En Marche pour la Paix, et dans l’édition du Livre Blanc pour la Paix pour plusieurs raisons : - d’abord parce que les deux derniers mandats électoraux des présidents de la République ont été des mandats guerriers, avec l’envoi de troupes françaises aux 4 coins du monde ; - ensuite parce que le MRJC a vécu et ressenti de près les attaques meurtrières de novembre 2015, et que ces événements, la posture martiale du gouvernement ne pouvait pas nous satisfaire ; - enfin parce que le MRJC souhaite organiser un grand Festival International pour la Paix du 2 au 5 août 2018 à Besançon, et pour cela réunir un maximum de citoyens et d’organisations appelant à la construction de la paix. Nous pensons que les jeunes des territoires ruraux sont insuffisamment formés à la culture de la paix, que l’école ne joue aucun rôle là-dedans, et que le chômage et le racisme sont des facteurs de concurrence entre les individus et donc ancrent la guerre et

la compétition dans l’esprit des gens. Nous pensons que les jeunes des territoires ruraux doivent être parmi les moteurs de nouvelles réflexions en faveur de la paix, doivent être parmi les acteurs de la construction de la paix. La paix est un chantier que beaucoup d’organisations et d’associations ont laissé de côté, pensant qu’elle était acquise à jamais au sortir de la Seconde guerre mondiale, refusant parfois de voir que la guerre à leurs frontières était autant de leur responsabilité. Il est donc de temps de remettre sur le devant la scène la stupide course aux armements, relancée y compris par le gouvernement français, le même qui dit ne pas trouver les millions d’euros manquants pour soutenir les associations, l’éducation ou la santé. Il est temps de remettre sur le devant de la scène les réflexions sur le rôle de médiateur de l’ONU, sur l’utilité de la négociation entre les États pour trouver des solutions, sur le rôle de l’école comme acteur de la paix, du village au quartier, de la commune au continent européen. Par son engagement citoyen, par son ambition de réunir 5000 personnes en 2018 à Besançon, le MRJC veut offrir une plate-forme à toutes les associations et organisations partageant ces constats et cette ambition de construction de la paix. Ce rassemblement ne sera pas le nôtre, il doit devenir le vôtre. Pierrick Monnet N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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Place de la République

Un livre fondateur d’une société nouvelle Le 4 avril, le collectif En marche pour la Paix présentait le Livre Blanc pour la Paix à la presse et au grand public. L’occasion d’interpeller sur un nouveau paradigme de société au cœur de laquelle la non-violence serait le moteur.

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ous les symboles étaient réunis ce 4 avril pour la présentation du livre blanc pour la Paix. La place de la République pour accueillir ce nouveau projet de société, le soleil pour saluer ses rédacteurs et soutiens, la chaleur pour en souligner l’ambition sociale, et la jeunesse parce que cet opus s’adresse à l’avenir. Comme l’expliquent ses auteurs, « l’ouvrage en particulier grâce à des annexes riches et diversifiées, fournit des bases utiles à tout citoyen qui souhaite réfléchir sur les questions de la paix et agir avec efficacité pour obtenir des résultats concrets en matière de construction d’un monde de justice, de fraternité et de paix. » « Les rédacteurs, qui s’inscrivent dans une démarche participative et inclusive, l’ont conçu, comme une première contribution qui ne demande qu’à bénéficier de la réflexion et de l’enrichissement de toutes et de tous. » Autour d’un espace convivial, au pied du missile surmonté d’une colombe, devant les expositions déployées pour l’occasion, les discussions se sont engagées sur la problématique de la paix. Le public est jeune, venant notamment profiter des structures destinées à la pratique du skate-board. Le

Mouvement des Jeunes Ruraux Catholiques, partenaire du Livre Blanc a tenu à être présent lors de la conférence de presse. « Participer à l’élaboration de ce Livre Blanc est l’occasion de replacer la notion de culture de paix au cœur de la jeunesse. La guerre, les conflits sont des problématiques qui inquiètent nombre de jeunes. Nous avons là l’occasion de montrer qu’une autre société est possible. Pour nous qui envisageons un festival pour la Paix en 2018, le Livre Blanc pour la Paix est un bel outil en direction de la jeunesse ». Pour Femmes Solidaires, « La paix est une nécessité d’autant que les femmes subissent directement les conflits familiaux ou guerriers par leur utilisation comme force combattante, mais aussi et surtout les viols et humiliations diverses. » Au total, plus de 40 associations, ONG, et syndicats se sont associés pour un résultat de 220 pages qui, place de la République aura surpris et intéressé les badauds dont plus d’une dizaine sont repartis avec un exemplaire sous le bras. Avec ce sentiment qu’un autre monde est possible… Nicolas Lavallée


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PROPOS RECUEILLIS PLACE DE LA RÉPUBLIQUE

Et pour vous, la Paix ça veut dire quoi ? Ils sont jeunes, ils étaient place de la République pour faire du skate, du jonglage ou juste flâner. Ils nous ont offert un peu de leur temps pour évoquer la Paix, le respect, la vie et ce futur qu’on souhaite le meilleur possible qu’ils incarnent…

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ounes, 16 ans, et sa bande : « Pour moi la Paix c’est très important. Il ne faut pas faire la guerre parce que la guerre ça tue des gens alors que la Paix ça fait du bien à tous. » Amandine, 31 ans : « La Paix, ça m’évoque la fraternité, le monde entier, prendre le meilleur et j’espère qu’on va y arriver. Pour le moment c’est un rêve mais ça dépend aussi de chacun d’entre nous. Et ce serait bien que ça arrive. » Zacharie, 22 ans : « La Paix c’est d’abord l’arrêt de la guerre. Je suis favorable à l’arrêt des armements nucléaires et à ce que les pays signent un accord. Il y a eu des tensions par le passé lors de la guerre froide mais aujourd’hui c’est devenu une menace, comme l’ont démontré aussi les accidents nucléaires civils. » Chléo, 23 ans : « Il est important de supprimer l’arme nucléaire. Déjà le nucléaire pollue l’environnement, les océans, les terres comme on a pu le voir avec Fukushima. L’arme nucléaire ça fait penser à la guerre et savoir que l’ensemble des armes nucléaires peuvent détruire la vie sur la planète cela fait quand même assez peur. Si tout le monde le savait, la vision sur ces armes changerait certainement. On la fait passer pour quelque chose d’anodin mais ça ne l’est pas. La culture de la Paix c’est aussi le respect, l’égalité hommes-femmes, les mêmes règles pour tout le monde. C’est aussi très important. »

Pourquoi le Livre Blanc pour la Paix ? Déclencher une guerre reste plus facile qu’élaborer une stratégie de long terme pour construire la paix. Les États les plus puissants, en particulier les États nucléaires, appellent souvent stratégie pour la paix ce qui n’est en fait que la mise en avant de préoccupations, d’intérêts, de volontés d’hégémonie et/ou de domination au nom de notre sécurité. Aujourd’hui, de manière très pragmatique, une stratégie de paix est en train de se mettre en place par la conjonction de l’action des Nations Unies (en particulier à travers son programme pour une culture de paix ) et de l’émergence d’une vaste coalition mondiale qui réunit les grandes institutions internationales et les forces vives de « la société civile » mondiale. Alors que chaque jour apporte son lot de morts et de victimes, alors que de manière déraisonnable les dirigeants de ce monde appellent à une nouvelle augmentation des dépenses d’armement au nom de la paix et de notre sécurité. Ce livre pour la Paix entend apporter une autre vision, une autre perspective au service d’une stratégie pour la paix. N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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DOSSIER

le livre blanc, un ouvrage de référence

la paix par le féminisme

Un combat de tous les instants L’initiative Féministe EuroMéditerranéenne a été associée par le Mouvement de la Paix à la rédaction du livre

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lors que le monde est confronté à la montée de courants politiques ultra -réactionnaires et d’intégrismes religieux qui menacent la vie des peuples et entravent leur droit à la liberté, à la justice sociale et à la paix ,alors que les régimes oppressifs et les forces d’occupation tuent et emprisonnent pour étouffer les voix de celles et ceux qui résistent, les droits des femmes sont particulièrement ciblés. Même s’il est maintenant notoire qu’interventions militaires et occupation n’apportent ni paix durable ni solution aux conflits et qu’elles ne peuvent mettre un terme ni aux exactions de Daesh, ni à l’oppression des femmes, la guerre contre le radicalisme est

lité réelle, la pleine citoyenneté et l’universalité des droits. Désormais les plus hautes instances internationales reconnaissent que l’égalité entre les femmes et les hommes est l’une des conditions nécessaires pour l’avènement de la démocratie, de la paix et du développement. Comment accepter que l’égalité et le partage des responsabilités entre les femmes et les hommes restent des chimères ? C’est la raison pour laquelle notre réseau s’attache, depuis maintenant plusieurs années, à créer des espaces de dialogue pour débattre des concepts traditionnels de paix, de sécurité, de liberté, de démocratie, de citoyenneté, à partir d’une perspective de genre, contribuer à la mobili-

la justification invoquée pour l’augmentation des budgets militaires et le commerce des armes aux dépens des droits socio-économiques des peuples. Via des coupes sombres dans les services publics, les États transfèrent une part de leurs responsabilités petite enfance, soins aux personnes âgées ou malades … vers la sphère domestique. Ce sont les femmes qui en subissent les plus lourdes conséquences. Le militarisme ce n’est pas seulement la guerre, ce sont tous les processus qui conduisent au renforcement et à la domination des valeurs militaristes sur la culture, l’identité et les normes de la communauté, les institutions civiles et les politiques publiques. Les femmes sont supposées, avec les enfants, être protégées de « l’Autre » et sont exclues de la prise de décision dans la gestion et la sortie des conflits. Or la sécurité humaine ne mérite ce nom que si elle est inclusive des deux composantes de l’Humanité et étroitement liée à trois notions indissociables : l’éga-

sation pour l’application des résolutions internationales relatives aux droits des femmes, en particulier la résolution 1325 . Nous travaillons à l’élaboration d’un discours alternatif qui expose les liens entre patriarcat, militarisme et religion avec la conviction profonde que la prise en compte des valeurs portées par le féminisme, dans la culture et les pratiques politiques, est un vecteur majeur de transformation sociale. C’est pour en finir avec la marginalisation des approches et des analyses féministes que nous développons des liens avec les mouvements humanistes et pacifistes, les syndicats, les partis politiques progressistes, pour confronter et rassembler nos expériences et mettre en commun nos connaissances. La démarche collective du livre blanc pour la paix est à cet égard exemplaire et salutaire.

blanc pour la paix, cela nous donne la possibilité de partager notre approche sur les questions de paix et de sécurité qui sont au cœur de l’activité de notre réseau.

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Lilian Halls-French Co présidente IFE-EFI


RÉFÉRENCE Les contributeurs  Signataires du Livre Blanc pour la Paix : Artistes Pour La Paix - Association Française d’Amitié et de Solidarité avec Les Peuples D’Afrique (AFASPA) - Bureau International de la Paix (Bip) - Campagne Mondiale sur les Dépenses Militaires (GCOMS) - Coexister Rennes - Collectif Citoyens Musulmans pour la Paix - Collectif des Iraniens Contre la Guerre - Collectif Paix Palestine Israël Saint-Denis (CPPI) - Enseignants pour la Paix (EPP) - Membre de l’Association Internationale des Éducateurs à la Paix (AIEP)] - Femmes Solidaires - France Kurdistan - Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) - Initiative Féministe Euro-Méditerranéenne (IFE-EFI) - La Confédération Générale du Travail (CGT) - La Fédération Nationale de la Libre Pensée - La Galerie l’Art et la Paix - Le Groupe Non-Violent Louis Lecoin - L’Appel des Cent Bagnolet - L’Association Palenque - L’Association les Femmes s’inventent - Le Mouvement de la Paix - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié Entre Les Peuples (MRAP) - Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC) - Union des Fédérations des Pionniers de France.

 En soutien à la démarche d’écriture du livre blanc pour la paix : Abolition des Armes Nucléaires - Maison de Vigilance - Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) - Canvas (Non-Violence) - Centre For Applied Non Violence - Centre d’Études et d’Initiatives de Solidarité Internationale (CEDETIM) - Comité Anti Impérialiste - Fédération Esperantiste du Travail (Fet) - Fédération Nationale Déportés et Internes Résistants et Patriotes (FNDIRP) - Institut de Recherche sur la Paix (IDRP)- L’Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix (AFCDRP) - La Plateforme Africaine L’union Pacifiste De France (UPF) : en soutien à la démarche et associée à la rédaction - Pax Christi - Université Européenne De La Paix.

 Ont contribué à la partie « Annexes » du livre blanc pour la paix : Abolition des Armes Nucléaires - Maison de Vigilance - Association des Médecins Français pour la Prévention de La Guerre Nucléaire (AMFPGN) - Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples D’Afrique (AFASPA) - Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix (AFCDRP)/Maires pour la Paix France - Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) - Campagne Mondiale sur les Dépenses Militaires (GCOMS) - Centre d’Études et d’Initiatives de Solidarité Internationale (CEDETIM) - Enseignants pour la Paix (EPP) - Femmes Solidaires - Initiative Féministe Euro-Méditerranéenne (IFE-EFI) - Institut de Documentation et Recherche sur la Paix (IDRP)- La Confédération Générale du Travail (CGT) - La Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté (LIFPL/WILPF) - La Ville de Grigny - Le Mouvement de la Paix - Les Pionniers de France - Marche Mondiale Des Femmes (MMF) - Pax Christi France - Réseau Abolition 2000…

Livre Blanc - Comité du Havre, avril 2017

Livre Blanc - Paris, Place de la République, 4 avril 2017

Livre Blanc - Comité de Saint Martin D’Hères, avril 2017 N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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DOSSIER

Le désarmement nucléaire, un enjeu crucial • la construction de la paix

Un traité pour un monde sans arme nucléaire • Essais nucléaires français

Faire reconnaître leurs conséquences

Depuis 1945, les États ont engagé de multiples discussions au sein des Nations-Unies ou de façon bilatérale pour parvenir à un contrôle des arsenaux nucléaires. C’est ainsi que plus d’une dizaine de traités et d’accords bilatéraux ont été signés. Les plus importants sont : le Traité sur la non-prolifération (TNP), qui est en vigueur depuis 1970 et le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), qui attend depuis 1996 de pouvoir être pleinement effectif. Malgré ces traités, le monde continue d’être sous la menace d’une guerre nucléaire. Le TNP constitue la pierre angulaire du régime de lutte contre la prolifération nucléaire et est l’un des fondements du système de sécurité collective. Cependant les États parties ne parviennent plus à se comprendre lorsqu’il s’agit du pilier « désarmement nucléaire », principalement défini à l’article VI du Traité. Il ne fait aucun doute que les États et la société civile souhaitent accélérer le désarmement nucléaire. 20

N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX


Le désarmement nucléaire, un enjeu crucial la construction de la paix

Un traité pour un monde sans arme nucléaire Des négociations pour un traité d’interdiction se sont tenues au siège de l’ONU, à New York, du 27 au 31 mars 2017. Ce fut une occasion historique d’aborder un sujet absent du débat public. Pourtant, les milliers d’armes nucléaires entretenues sur les territoires des puissances nucléaires et de leurs alliés sont autant de menaces permanentes. Ce sont d’effroyables épées de Damoclès qui pourraient avoir, à tout moment, des conséquences effroyables pour l’Humanité.

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epuis la fin de la Guerre Froide, des avancées ont été obtenues concernant les armes nucléaires : le nombre d’armes nucléaires actives dans le monde a considérablement diminué et un traité d’interdiction complète des essais nucléaires a été rédigé en 1996. Les puissances nucléaires, notamment occidentales, n’hésitent pas à faire l’éloge de ces avancées dans leurs discours diplomatiques. Mais la réalité est que derrière ce paravent de sourires, la réalité du manque de volonté des États concernés est flagrante. Le traité d’interdiction des essais nucléaires n’est toujours pas entré en vigueur : la Chine, l’Égypte, l’Indonésie, l’Iran, Israël et les États-Unis ne l’ont pas ratifié et la Corée du Nord, l’Inde et le Pakistan ne l’ont pas signé. Les neuf États nucléaires disposent encore d’environ 17 000 armes nucléaires (les États-Unis et la Russie en disposent de plus de 7000 chacun) dont 2000 sont maintenues en état d’alerte en permanence. Dans le même temps, les arsenaux sont constamment modernisés et les travaux du Traité de Non Prolifération des armes nucléaires, qui contient une clause de désarmement nucléaire, ont été considérés comme un « échec » en 2015. Les « négociations pour un traité d’interdiction des armes nucléaires conduisant à leur élimination totale » est une initiative qui pourrait relancer le processus de désarmement de nucléaire.

Un moment historique : Ces négociations ont une double portée his-

Henry Xavier Hofbauer

torique. D’une part, il s’agit de négociations pour un traité visant à délivrer l’Humanité d’un de ses principaux risques d’extinction. D’autre part, elles ont été initiées sans l’aval des principales puissances mondiales, notamment des cinq du Conseil de Sécurité. Comme pour le traité sur le commerce des armes (TCA), le traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), la convention d’interdiction des mines anti-personnelles et la convention sur les armes à sous-munitions, ce sont la société civile, représentée par les ONGs, quelques « petits » États volontaires qui ont permis de lancer les Nations Unies sur une telle avancée. La naissance du projet remonte à l’échec de la 9ème conférence d’examen du Traité de NonProlifération des armes nucléaires de 2015. Les puissances nucléaires ne sont pas parvenues à l’adoption d’un document final devant tracer la voie du désarmement nucléaire pour les cinq

années suivantes. Pour certains, le manque de volonté était évident, alors que ces pays se lançaient dans des programmes de modernisation de leur arsenal. Plus d’une centaine de pays se sont engagés pour « combler le vide juridique [sur les armes nucléaires] pour [leur] interdiction et [leur] élimination ». Un an plus tard, une résolution est présentée par 57 pays de tous les continents à la Première Commission de l’Assemblée Générale de l’ONU, chargée du désarmement. Elle est adoptée le 27 octobre 2016 avec 123 votes Pour, 38 Contre et 16 Abstentions. La résolution est adoptée à l’Assemblée Générale le 23 décembre 2016 avec 113 votes Pour, 38 Contre et 13 Abstentions. Les neuf États dotés de l’arme nucléaire, et donc les cinq du Conseil de Sécurité, ont voté contre ou se sont abstenus. Une première session de négociations fut prévue pour le mois de mars avec Elayne Whyte Gomez du Costa Rica comme Présidente.

Les absents ont toujours tort… de ne pas être venus : Les négociations n’avaient pas encore commencé que la conférence promettait d’être mouvementée. Le lundi 27 mars au petit matin, la représentante des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, annonçait une conférence de presse pour marquer son opposition au processus qui était en train de se mettre en place. A 10h, alors que les discours d’un représentant du Saint-Siège, du président du Comité International de la Croix Rouge et d’un survivant d’Hiroshima, Toshiko Fujimori, appelaient à N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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DOSSIER

le

un monde délivré de la menace de la destruction mutuelle, Nikki Haley, entourée notamment des représentants britannique et français, déclarait les négociations presque dangereuses pour la stabilité internationale. Justifiant, comme d’habitude, la nécessité de l’arme nucléaire pour la sécurité de leurs territoires face à des « bad actors » (mauvais acteurs), les représentants américain, britannique et français ont annoncé qu’ils ne participeraient pas aux négociations. Le principal argument qui a été développé par la suite est qu’un tel traité affaiblirait le TNP et qu’il faudrait négocier un désarmement « step by step », progressif. Mais, comme nous l’avons vu, ces négociations sont nées de l’échec du TNP. Au final, les États dotés de l’arme nucléaire et leurs alliés, comme les États-Unis avec les pays de l’OTAN, ont été absents toute la semaine. Même si seuls les pays occidentaux ont affiché ostensiblement leur refus de participer, les autres pays dotés de l’arme nucléaire, la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan ont aussi boycotté la conférence. Il fut regrettable de constater que le Canada et le Japon avaient choisi de suivre les États-Unis contre les négociations. Les ONGs japonaises pour le désarmement nucléaire, venues nombreuses à la Conférence, ont dénoncé cette décision de la part de leur gouvernement. Environ 130 États ont participé aux cinq jours de négociations avec des niveaux d’implications variés. Les interventions d’États très impliqués dans la question du désarmement, comme l’Irlande ou l’Autriche, tout comme celles des pays intervenant au nom des Zones Exemptes d’Armes Nucléaires furent particulièrement appréciées. Le Traité de Tlatelolco, dont le cinquantième anniversaire était célébré le 14 février, fut cité à maintes reprises. Malheureusement, il fut état de rumeurs de pression par des puissances nucléaires sur d’autres États, notamment africains, ayant manifesté un intérêt dans les négociations. Enfin, le comportement contre-productif de certains États a semé le doute sur leurs intentions dans leur participation.

L’enjeu des débats Si l’ensemble des participants s’accordent sur l’objectif de mettre un stigmate sur les armes nucléaires afin de pousser les États dotés d’armes nucléaires à réduire, voire éliminer, leurs arsenaux nucléaires. Néanmoins, pour parvenir à un traité efficace, le traité doit parvenir à un équilibre entre être « compréhensif », c’est-à-dire le plus complet possible, et être suffisamment simple et cohérent pour être facilement applicable. La possibilité de 22

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désarmemen t

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ce traité est certes une opportunité d’aborder les nombreux aspects de l’armement nucléaire. En effet, il a été proposé de légiférer la construction des armes nucléaires, leur transport et leur financement. Il a été également question d’un protocole de désarmement et d’une agence de contrôle. Mais il faut être prudent de ne pas aboutir à un échec des négociations en aboutissant à une usine à gaz impraticable, quitte à envisager d’introduire de nouvelles conventions plus tard. C’est pourquoi l’insistance de certains pays à vouloir inclure un maximum de sujets dans les négociations a semblé contre-productive, que cela soit intentionnel ou non.

Le travail des ONGs Les ONGs ont tenu une place importante dans les négociations. D’une part, elles étaient présentes depuis le début pour impulser un traité. D’autre part, l’absence des puissances a permis de libérer un important temps de parole qui fut mis à profit pour faire intervenir des personnalités. Par exemple, les discours de Setsuko Thurlow, qui a vécu la destruction d’Hiroshima à 13 ans, et de Sue Coleman-Haseldine, qui défend les Aborigènes australiens victimes des essais nucléaires britanniques, ont beaucoup ému la salle. De plus, les représentations des « petits » pays ne sont pas toujours pourvues d’un expert de désarmement. Ainsi, elles sont très intéressées des informations que peuvent fournir les ONGs. Par exemple, ces dernières ont diffusé trois « working papers », c’est-à-dire des brouillons de traité, ainsi qu’un nombre important de documents pour inspirer les délégations dans leurs interventions. Informer le grand public comme les diplomates est la principale des activités des ONGs. Les représentants des ONGs parcourent les allées et les couloirs de l’ONU dans l’espoir de pouvoir aborder des diplomates et leur présenter leur point de vue. Les ONGs étaient représentées par une délégation d’une cinquantaine de personnes venues de nombreux pays. Les Japonais étaient naturellement venus en force et ont beaucoup marqué les négociations pour dénoncer l’absence du représentant du Japon à l’ONU. La présence de Français, d’Allemands, d’Australiens et de Canadiens fut particulièrement appréciée car la représentation officielle de leurs pays refusait de participer aux négociations. Il est cependant regrettable de ne pas avoir des nationaux des pays nucléaires asiatiques, Russes, Chinois, Indiens et Pakistanais. Prendre contact avec des ONGs de ces pays a été fixé comme objectif pour la prochaine session de négociations.

Les prochaines étapes Le bilan de ces négociations est très positif. Bien que l’absence des puissances nucléaires fut regretté, les ONGs ont pu se réjouir d’une ambiance favorable et constructive. Mais beaucoup de travail est encore à faire. La prochaine session de négociations se tiendra de nouveau à New York du 15 juin au 7 juillet. La Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté appelle à la mobilisation en faveur du traité le 17 juin. La conférence des parties du TNP qui aura lieu du 2 au 12 mai à Vienne va sans doute avoir un impact sur les négociations qui suivront. En attendant, il s’agit pour les ONGs de mobiliser les populations pour faire pression sur les gouvernements hostiles au traité pour les pousser à s’impliquer de manière positive.

Les armes nucléaires. Quelques rappels. Les négociations pour un traité d’interdiction des armes nucléaires ont été l’occasion pour les associations militant pour la paix dans le monde de rappeler leurs arguments contre ces armes apocalyptiques qui ont disparu des débats publics pour être cachées derrière une pudique nécessité de dissuasion. Mais si on y réfléchit, les arsenaux nucléaires posent de nombreux risques et suscitent des interrogations : • Les risques humanitaires : la capacité des-


cléa i re , un en j eu cruc i al

tructrice des armes nucléaires peut sembler une évidence. L’image du champignon nucléaire a été vulgarisée par l’industrie cinématographique et vidéo-ludique. On oublie que les bombes d’Hiroshima et Nagasaki ont coûté la vie à près de 200 000 personnes et qu’elles étaient bien moins puissantes que les armes modernes. Les politiques de dissuasion des États nucléaires se fondent sur la potentielle destruction mutuelle à la moindre utilisation d’arme nucléaire. Ce sont bien des millions de vie qui sont en jeu. Les fortes tensions dans la région du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan amènent régulièrement ces deux pays à se rappeler mutuellement qu’ils ont l’arme nucléaire. La possibilité d’un conflit nucléaire n’est pas si improbable qu’on aimerait le croire. • Les risques humains et environnementaux : Dans tous les pays, la gestion des arsenaux nucléaires est une machine complexe qui n’est pas sans défauts. Les associations britanniques recensent des incidents sur les transports d’armes nucléaires par dizaines. Dans les médias américains, on voit également apparaître de plus en plus de récits d’incidents impliquant des armes nucléaires (crash de bombardiers, pertes de bombes, etc.) ou de « close calls » où l’Armageddon nucléaire a failli être déclenché par des fausses alertes, des erreurs humaines ou informatiques.

• Interrogation diplomatique : Les diplomates des pays dotés de l’arme nucléaire justifient la possession de l’arme nucléaire comme étant nécessaire pour assurer leur sécurité et leur indépendance et l’exemple qui est ressorti à chaque fois est celui de la Corée du Nord. Comment contrecarrer la Corée du Nord si nous n’avons pas l’arme nucléaire ? Là où le bât blesse est que celle-ci retourne ce discours et dit vouloir la bombe pour assurer sa sécurité. La réalité est que la possession de l’arme nucléaire a créé un « club » de puissances qui se justifient en parlant de sécurité mais surtout refusent aux autres d’atteindre leur rang. • Interrogation morale : Que dirait-on d’un gouvernement se déclarant prêt à déclencher à tout moment un massacre de millions de personnes ? Pourtant, c’est bien le signal qu’envoient les États dotés d’armes nucléaires. Bien sûr, personne ne veut les utiliser mais tous se disent prêts à les utiliser. De plus, la puissance de ces armes fait qu’elles ne font aucune distinction entre civils et militaires, ce qui est pourtant un principe de l’ONU.

Quelques pensées sur les ONGs :

nale sont reconnues sous la dénomination d’« ONG », ou Organisations Non Gouvernementales. Il s’agit de les différencier des organisations rattachées aux gouvernements et qui défendent les intérêts de ces derniers. C’est sous le mandat de Kofi Annan que les ONGs ont pris une place plus importante à l’ONU. L’idée est née après l’échec des tentatives de réformes du fonctionnement de l’Organisation. Il s’agissait de démocratiser la politique internationale en permettant à des associations de citoyens de présenter un point de vue différent de leur représentation officielle. Les ONGs ont par la suite beaucoup contribué à faire évoluer le droit international sur les questions humanitaires. La TCA, le TICE et les Conventions sur les mines et les armes à sous-munitions doivent beaucoup aux ONGs. Ces dernières ont également une mission d’éducation populaire en informant les situations sur ce qui se passe à l’ONU. Cependant, on observe depuis le début de l’année une professionnalisation des ONGs. Ces dernières prennent de moins en moins la forme des mouvements populaires pour la Paix de l’époque de la Guerre Froide et calquent de plus en plus leur fonctionnement sur celui de l’entreprise. Les militants ont laissé place à des professionnels diplômés. Durant les négociations, les représentants des ONGs se sont réjouis de pouvoir « représenter les peuples » à l’ONU. Il est évident que les peuples ont plus à gagner dans la sécurité d’un monde sans armes nucléaires que dans la quête forcenée de la puissance menée par les gouvernements. Mais le « peuple » est-il vraiment représenté dans un milieu de diplômés ? Le Mouvement de la Paix a fait le choix de rester une structure « militante ». Aujourd’hui, au vu de l’évolution des associations internationales, on pourrait presque dire qu’il fonctionne encore « à l’ancienne ». Et ce choix n’est pas forcément compris des autres organisations qui sont à la recherche de l’expertise plutôt que du nombre. Mais l’éducation populaire peut-elle fonctionner en ne passant qu’à travers les réseaux sociaux et des conférences dans les universités ? Un équilibre est à trouver entre garder ce lien avec ce « peuple » dont on parle tant en cette période d’élections et présenter un niveau d’expertise suffisant pour être crédible dans le milieu de la diplomatie. Henry Xavier Hofbauer

Dans les relations internationales, les organisations de citoyens qui ont comme objectif d’avoir un impact sur la politique internatioN° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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DOSSIER

Le désarmement nucléaire, un enjeu crucial

Essais nucléaires français

Faire reconnaître leurs conséquences Alors que s’ouvrait aux Nations Unies le 27 mars 2017 une conférence internationale pour mettre au point le dispositif interdisant les armes nucléaires, Bruno Barillot, un ardent opposant des essais nucléaires, venait de mourir à Tahiti. Planète Paix retrace l’itinéraire de cet homme qui a fait émerger la réalité des essais nucléaires français.

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ans les années 1960 et jusque dans les années 90, la France procède à 210 essais nucléaires. Alors en fonction au sein du clergé, Bruno Barillot interpelle l’église à ce sujet mais il n’est pas entendu. Ses convictions ne sont alors plus en adéquation avec son sacerdoce, il décide de démissionner et il reprend, au milieu des années 1980, des études à l’Université sur les questions de défense. Il deviendra un chercheur reconnu dans le domaine des armements et notamment des armes nucléaires. C’est à cette époque qu’il participe à la fondation du Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits, à Lyon, devenu en 2008 l’Observatoire des armements. Il en est le président pendant une quinzaine d’années. Après plusieurs années au sein d’organisations anti-nucléaires, il arrive en Polynésie dans les années 90 en tant que journaliste à Libération. La vérification des témoignages recueillis par des médecins pour le compte de Greenpeace renforce ses convictions : il fallait élargir l’action aux conséquences de ces essais pour les populations polynésiennes et algériennes à qui on n’avait rien demandé. Bruno Barillot intègre le mouvement des jeunes indépendantistes polynésiens et mène en parallèle des recherches à Mangareva. « En raison de ce que j’avais vu […] j’avais besoin de comprendre. C’est ce “choc” qui m’a incité à aller au-delà des simples témoignages et à continuer. » dira-t-il en 1990 après sa visite à Mangareva. Il écrira plusieurs livres sur les essais nucléaires avant d’être à l’origine, en 2001, de l’association Moruroa e Tatou de défense

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des anciens travailleurs et victimes de Moruroa et Fangataufa. Depuis lors il n’eut de cesse de dénoncer, d’interpeller, de tisser un réseau, pour que Vérité et Justice soient rendues aux victimes des essais nucléaires. Un long travail d’investigation qui est à l’origine de la loi du 5 janvier 2010, dite loi Morin en faveur des victimes des essais nucléaires. Le « Nuclear Free Futur Award », ou prix de l’avenir sans nucléaire qui lui fut décerné en 2010, viendra honorer cet engagement sans faille. De 2009 à 2013, sous les gouvernements Tong Sang et Temaru, Bruno Barillot est délégué polynésien pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie française. La Délégation polynésienne pour le suivi des conséquences des essais nucléaires (DSCEN) avait été créée en décembre 2007. Bruno Barrillot est licencié de ce poste au retour de Gaston Flosse au pouvoir en 2013. En août 2016,

le gouvernement Fritch le remet dans ces fonctions. Le mois précédent, il confiait à Tahiti Nui Télévision son souhait de voir les conditions d’éligibilité à l’indemnisation des essais nucléaires français calqués sur les conditions américaines. «La loi américaine fonctionne sur ce principe de présomption, c’est à dire qu’il faut être atteint d’une des maladies de la liste et avoir été sur les sites ou à proximité des sites, c’est à dire ici, sur l’ensemble de la Polynésie. Dans la mesure où on remplit ces deux conditions, on est éligible pour une indemnisation et il y a une commission qui se réunit pour fixer le montant de l’indemnisation.» Il contribua à la mise en place en 1991 du collectif « Stop essais ! » - qui aujourd’hui poursuit son activité sous le nom de « Abolition des armes nucléaires - Maison de Vigilance - » et de son bulletin mensuel où dès le premier numéro en février 1991 il évoquait les conséquences sanitaires et environnementales des tirs sur Moruroa. Son travail constitue le socle indispensable sur lequel vont continuer à s’appuyer tous ceux qui agissent pour faire reconnaître les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires et poursuivre cette immense tâche d’un avenir sans menace atomique. Annie Frison

La critique des essais nucléaires était un axe central de son action avec le contrôle des armes et l’ouverture d’un débat en France pour renforcer le contrôle démocratique des activités militaires. Cette action s’appuyait sur la publication de dossiers au contenu précis émanant d’un travail de recherche irréfutable et la mobilisation ensuite des médias, des parlementaires, des associations citoyennes pour faire progresser le droit et la justice au service de la paix.


RÉFÉRENCE Traité de Non Prolifération - Extraits • Article premier Tout État doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à ne transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs ; et à n’ai-

der, n’encourager ni inciter d’aucune façon un État non doté d’armes nucléaires, quel qu’il soit, à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs • Article VI

Lettre ouverte au Président de la République - Faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire ! Lettre ouverte du 20 décembre 2016 Monsieur le Président de la République, Dans quelques jours, l’Assemblée Générale des Nations Unies doit confirmer le vote du 27 octobre 2016, de sa première commission sur la résolution L4 intitulée : « Faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire ». Cent vingt-trois États ont voté pour, mais la France a voté contre, avec 37 autres États, en contradiction avec l’engagement de la France résultant de l’article 6 du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Ce vote est aussi en contradiction avec les attentes du peuple français comme l’atteste un récent sondage qui montre que 73% des français sont favorables à un vote positif de la France. Le Mouvement de la Paix regrette profondément ce choix de la France. En effet, nous pensons que c’est une chance historique pour l’humanité d’aller enfin vers un monde débarrassé de toutes les armes de destructions massives. Ce que la France a fait pour l’aboutissement de traités d’interdiction d’autres armes de destructions massives que sont les armes chimiques et les armes bactériologiques, elle doit aussi le faire pour les armes atomiques. Cela amorcerait une vraie détente au niveau international, car l’existence de ces armes fait peser un danger mortel pour la survie de l’humanité. Ce vote positif de la France est d’autant plus attendu que le 27 octobre, les députés, représentants élus des citoyens de l’Union au Parlement européen - en votant la résolution « sur la sécurité nucléaire et la non-prolifération » (2016/2936(RSP)) - ont invité les États membres à participer de façon constructive au processus initié par les Nations Unies. Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos salutations les plus cordiales. A Paris, le 20 décembre 2016 Le Mouvement de la Paix Pays

Ogives déployées

Autres tètes

1930

2500

7000

Russie

1790

2800

7290

Royaume-Uni

120

-

215

France

280

10

300

Chine

-

-

260

Inde

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100-120

Pakistan

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-

110-130

Israël

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80

(10)

(10)

4120

5310

~15395

Total

L’immense défi que représente la prolifération nucléaire suscite de nouvelles réflexions. Autant l’adaptation des mécanismes du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) au contexte est une nécessité, autant il faudrait trouver réponse aux incitations des États à violer les engagements internationaux en matière de non-prolifération. L’examen du régime de non-prolifération permet de constater une évolution, mais également des insuffisances. Les difficultés dans son déroulement montrent que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne fonctionne pas bien. Le système de safeguard ne permet pas le respect des engagements de non-prolifération. Et, à l’instar des « États voyous « qu’on ne peut dissuader par les méthodes traditionnelles, la lutte contre la prolifération connaît un nouvel envol avec des mesures contraignantes orientées vers les actions de prévention et le durcissement des contrôles internationaux à l’exportation. La nouvelle démarche est en soi-même un succès puisqu’elle contribue à renforcer la sécurité internationale en faisant échec à l’acquisition des armes de destruction massive par des acteurs non étatiques. Cependant, le régime de non-prolifération - et en l’occurrence le TNP - demeurera un instrument fragile tant que certaines puissances nucléaires renieront leurs engagements internationaux et que l’arme atomique se présentera comme un élément de sanctuarisation. Tel est le ton de ce livre. Ainsi, les obstacles au TNP sont d’ordre juridique, politique et historique. Certains acteurs étatiques se voient notamment reconnaître des droits et privilèges tandis que les autres en sont simplement exclus.

Total des stocks

États-Unis

Corée du nord

Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.

(Chiffres Fournis Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) Institut international de recherche sur la paix de Stockholm

‘‘Le régime de Non Prolifération Nucléaire’’ de Léon Koungou. Éd. L’Harmattan N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Femmes migrantes

Pour une vie en paix en Europe Après un voyage très long et parfois très dangereux, des femmes, des enfants arrivent à Paris dans le plus grand dénuement matériel et moral. Gisèle Noublanche

Y

oanna est Syrienne. Elle est jeune encore. Que dire d’elle sinon que depuis cinq ans, journaliste, démocrate, entre la Syrie et la France, elle participe à « Souria Houria », organise avec d’autres des colloques et rencontres pour parler des éléments et des forces démocratiques de la Syrie. Souria Houria, Syrie Liberté, se définit ainsi : Souria Houria soutient les revendications du peuple syrien pour une société démocratique et non confessionnelle. Elle s’emploie à sensibiliser l’opinion française sur les réalités de la tragédie en Syrie et la nécessaire solidarité avec le peuple syrien qui réclame sa liberté. Elle exige la cessation des violences et de la répression féroce du régime syrien sur sa population depuis le mouvement de révolte de 2011.

nous parle plus particulièrement de Yoanna, Syrienne et d’Annie, Congolaise. Toutes deux sont jeunes, leurs rêves sont différents : Yoanna continue de lutter pour une société démocratique tandis qu’Annie ne désire que poursuivre des études. 26

N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

Elle combat toute forme de discrimination, ethnique, confessionnelle ou sociale parmi les Syriens. Elle se bat pour la mise en place de réformes démocratiques dans une Syrie future fondée sur l’état de droit et le respect des libertés publiques. C’est un travail long, qui suppose le retour à la Paix, mais pas n’importe quelle paix. Que dire aussi de cette cinéaste syrienne qui, depuis 5 ans, recueille des témoignages filmés, même sur téléphones, pour faire l’histoire du cinéma syrien durant cette époque, aux Ateliers de Varan, Ateliers qui avaient été créés par Jean Rouch. Quel calme ! Quelle maîtrise d’elles-mêmes! Annie est arrivée il y a 2 mois de RDC (République Démocratique du Congo), dans des conditions à ne pas raconter, échappée des prisons de Kinshasa où

elle a été emprisonnée durant 1 mois et demi, après les manifestations de rues du 29 et du 30 septembre 2016, avec des jeunes du mouvement « y’en a marre » (le mouvement sénégalais ayant fait des petits dans plusieurs États Africains). « Il y a eu beaucoup de morts », mais elle ne sait pas combien puisqu’elle a été arrêtée avec beaucoup de jeunes filles, et transférée dans une prison « souterraine ». Elle a 16 ans. En prison, elle n’a été violée « que deux fois ». Plusieurs de ses copines étaient violées beaucoup plus souvent. Certaines ont disparu. A la Porte des Lilas en petit pagne léger, elle a hélé une dame qui avait le profil d’une ressortissante de RDC : « Madame, Madame, il faut que je vous parle ! ». Nous l’avons conduite d’abord en service d’obstétrique, puis dans un service d’accueil d’urgence des mineurs de la Croix Rouge. Il y a beaucoup de mineurs. Elle a été mise « à l’abri » quelques jours par le 115, puis son âge et son récit ont été mis en doute, et un soir, on l’a remise à la rue, dans le froid. Avec notre négociation, elle a pu dormir dans un couloir de l’hôtel, sur un matelas. Il semblerait que l’Aide Sociale à l’Enfance, débordée, demande systématiquement les tests osseux pour déterminer l’âge. En 3 semaines, elle a été finalement « triée » et transférée dans trois centres d’urgence différents pour mineurs. Tout le monde est débordé. Je lui ai conseillé de ne dire que la vérité, même si l’on met son récit en doute, et de s’y tenir, de dire toute la vérité, rien que la vérité, car c’est à partir de la vérité qu’on peut se battre. Ca fait déjà pas mal « jugement », de ma part, moi qui me voudrais aidante ! Elle commençait à se décourager. « Est-ce que je vais pouvoir aller dans un foyer et à l’école ? » Mais elle a été tellement contente du cadeau d’un vêtement chaud pour le nouvel an ! Mercredi, enfin, elle est passée devant le Juge des enfants : « tu as de la chance, tu as un bon rapport de ton référent, tu es polie et correcte, je suis favorable à ton placement à l’Aide Sociale à l’Enfance pour te mettre dans un foyer ». C’est l’ASE qui va décider des tests osseux ou non, ce qui peut remettre les choses en question. Mais elle est tellement contente ! Elle va pouvoir aller à l’école ; son visage a changé, et elle rit ! Gisèle Noublanche


MONDIALISER LA PAIX DJIBOUTI

Femmes en lutte Lors du numéro de Planète Paix (N°619), intitulé Femmes/Hommes, la paix par l’égalité, nous parlions des luttes de femmes de par le monde. Nous continuons en parlant des femmes à Djibouti.

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emmes Solidaires, ONG féministe et laïque qui possède un statut consultatif auprès des Nations Unies et le Comité des Femmes Djiboutiennes contre le viol et l’impunité - COFEDVI - ont soutenu et médiatisé les deux grèves de la faim des victimes de ces viols : du 25 mars au 12 avril 2016, en France, grève de dix femmes djiboutiennes, relayées en Belgique du 25 avril au 14 mai 2016 par dix femmes djiboutiennes. Grâce à leur détermination et les nombreux soutiens, les grévistes ont obtenu : - Que le Parlement Européen adopte et vote le 12 mai 2016 une résolution d’urgence sur la situation des droits humains à Djibouti, dénonçant pour la première fois les viols et leur impunité (résolution déposée par les groupes PPE, S&D, ALDE, Verts/ALE et ECR, GUE), - Qu’une enquête internationale soit diligentée sur les actions de l’armée, « invitant les Nations unies à enquêter sur la situation des droits humains à Djibouti, en particulier la situation des femmes dans ce pays », et faire respecter des conventions régionales et internationales ratifié par Djibouti dont le CEDAW. - Que la situation d’atteinte aux droits humains et les intolérables viols et violences à l’égard des femmes à Djibouti soient révélée

dans le monde et dans les plus hautes instances européennes et pour la 1ère fois qu’elle soit évoquée par le parlement européen. Il est écrit dans la résolution que le parlement européen : « dénonce avec fermeté les viols qui auraient été commis par des soldats djiboutiens contre des civils et qui ont été signalés par diverses ONG ». Les prochaines actions se mèneront auprès de certains États membres de l’UE, des démarches ont été déjà entreprises auprès de Pays bas, l’Italie, le Danemark et la Suède.

Le Comité de suivi des plaintes France et Belgique s’est constitué en Comité Européen de suivi. Au sein de ce comité européen, Aïcha Dabalé, membre de la direction de Femmes Solidaires, assure la coordination pour le Cofedvi France, Belgique et Suède. Marie-Claire Gourinal

EN SAVOIR PLUS • femmes.solidaires@wanadoo.fr • djiboutiennes-contrelimpunite@hotmail.fr

Une pétition contre le viol des femmes afars à Djibouti pour diligenter une enquête internationale et la nomination d’un(e) rapporteur(e) spécial(e) auprès des Nations Unies : Les femmes djiboutiennes luttent depuis plus de 25 ans, contre les viols commis par l’armée djiboutienne dans le Nord et le Sud-Ouest du pays. Ces viols sont utilisés comme arme de guerre, portent atteinte à l’intégrité des femmes et à leur dignité humaine et traumatisent profondément les populations, particulièrement dans les zones pauvres et rurales. En mars 2016, toujours dans l’impunité la plus totale, des militaires djiboutiens ont violé des femmes. Le 12 mai 2016, après deux grèves de la faim, le Comité des Femmes Djiboutiennes contre le Viol et l’Impunité (COFEDVI) avec Femmes solidaires et soutenu par de nombreuses autres associations au niveau européen, obtiennent une résolution du parlement européen 2016/2694(RSP) qui dénonce avec fermeté ces viols et invite les Nations Unies à enquêter sur les violences faites aux femmes à Djibouti. Contre l’impunité dont profitent les agresseurs, soutenons les femmes djiboutiennes en lutte pour la justice, le respect de leur intégrité et leur dignité. A signer sur www.femmes-solidaires.org N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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MONDIALISER LA PAIX Les ressources de la planète

L’eau, un pas vers la paix 700 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau, dont 90% en Afrique. Il existe des ressources d’eau inconnues, nommées aquifères. Un français est capable de les cartographier. Un documentaire retrace tous les enjeux de cet or bleu.

EN SAVOIR PLUS • Documentaire : « Le sourcier des temps modernes » de Sylvie Boullodet Nathalie Plicot 28

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’après le Planetoscope, qui regroupe les statistiques de divers organismes, faute d’un accès à une source d’eau potable, plus de 1400 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour. La déshydratation n’est pas la seule explication. Lorsque les points d’eau sont partagés avec les animaux, cela pose de multiples problèmes. Selon Un-water (ONU), 1,8 milliard d’individus utilisent une source d’eau contaminée par des matières fécales ce qui engendre de nombreuses maladies : l’ascaridiase, le choléra, la diarrhée, la dysenterie, l’hépatite, la fièvre typhoïde, etc. L’ONU estime que 5 millions de personnes meurent chaque année, faute d’un accès à de l’eau potable. Si en Amérique du Nord un habitant dispose de 100 à 230 litres d’eau par jour, en Afrique Subsaharienne c’est moins de 10 litres. Ces inégalités s’accroissent dans les zones rurales. L’eau est indispensable pour s’hydrater, mais aussi essentielle pour le bétail et l’agriculture, donc pour se nourrir. Pourtant il existe d’importantes réserves d’eau, cachées : les aquifères. Ces formations géologiques enferment des nappes d’eau renouvelable. Mais dissimulées dans les profondeurs, leur emplacement se révèle difficile à identifier. Et c’est là qu’intervient Alain Gachet ! Ce géophysicien a mis au point un algorithme baptisé « Watex », système révolutionnaire capable de déceler les zones aquifères. Même s’il bénéficie de 20 ans d’expérience en prospection, même s’il a prouvé par des forages que ses cartes topographiques des aquifères constituent des données fiables, il se heurte parfois à l’indifférence des pouvoirs politiques, des instances internationales, à la complexité de trouver des financements. Pour avoir longtemps arpenté le sol africain, vu des femmes par-

courir 40 km par jour pour s’approvisionner en eau, vu des enfants mourir de soif, vu des conflits naître de cette pénurie d’eau, cet humaniste rêve d’apporter l’or bleu. Il reste convaincu que l’accès à l’eau, conduira à la paix, évitera aux populations locales de rejoindre le lot de migrants fuyant leur pays car n’ayant plus les moyens de subsister. Sa croisade pour offrir l’eau à tous a fait des émules. Les réalisatrices Sylvie Boullodet Nathalie Plicot se sont passionnées pour le sujet et durant 3 ans, elles ont filmé son quotidien. Ce reportage nous emmène au Turkana, province du Kenya située à la frontière du Soudan. Partout où le regard se porte, ce ne sont que des terres arides. Difficile d’imaginer que dans le sous-sol profond se trouve une énorme réserve d’eau. Les roches présentes confirment bien l’existence d’aquifères. Mais un forage de 400 mètres coûte dans les 200 000 $. Grâce au soutien financier de l’UNESCO, le Kenya a pu forer et apporter l’eau dans cette région quasi désertique. Ce documentaire montre que l’issue n’est pas toujours aussi positive. Il arrive que malgré la carte topographique des aquifères, l’État n’agisse pas, préférant investir dans des chantiers urbains que dans des zones peuplées de nomades. Pourtant l’absence d’eau cristallise les tensions et amène des conflits. Ce passionnant documentaire d’1h20, intitulé « Le sourcier des temps modernes » fut diffusé sur France 5, les 22 mars et 5 avril 2017, il est maintenant disponible en VOD (Video On Demand). Il est prévu qu’il soit aussi projeté dans les différentes ambassades françaises. Barbara Ates-Villaudy


MONDIALISER LA PAIX L’OTAN

L’OTAN se donne les moyens pour se développer Avec son nouveau siège ultra-connecté de Bruxelles, l’OTAN franchit une nouvelle étape et accentue la politique guerrière des États-Unis et des 27 autres membres, dont la France. Par le choix de cette première visite en Europe, D. Trump confirme, par sa présence, cette volonté.

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ous sommes bien loin des discours de D. Trump pendant sa campagne électorale où il évoquait la possibilité de se désintéresser de l’OTAN s’il était élu. Ses récentes déclarations sont tout à l’opposé et sa première visite en Europe les 24 et 25 mai 2017 sera consacrée à l’inauguration du nouveau siège de l’OTAN près de Bruxelles, raison d’un sommet avancé d’un an si l’on se réfère à leur rythme habituel. Selon les termes de ses responsables, « Le nouveau bâtiment est la future demeure de l’OTAN, une organisation résolument dynamique, moderne, unie et tournée vers l’avenir. Il constitue un élément important de la transformation de l’Alliance pour le XXIème siècle, et offrira un cadre plus propice aux activités de l’Organisation. Le nouveau bâtiment permettra de répondre à l’évolution des besoins de l’OTAN, car sa conception et son aménagement standard favorisent la modularité. Le nouveau bâtiment permettra à tous les Alliés de disposer de l’espace dont ils ont besoin ; un espace « en réserve » est d’ailleurs prévu pour permettre une éventuelle extension, si nécessaire. » Il permettra d’accueillir 28 ambassades des pays de l’OTAN, 1550 délégués nationaux, 1700 personnels internationaux civils et militaires, 800 responsables des agences de l’OTAN. Et cela en plus des bâtiments et personnels

du Grand Quartier Général des Forces alliées en Europe près de Mons en Belgique. Ce bâtiment fera 32 mètres de hauteur pour plus de 250 000 m2 de surface bâtie sur un terrain faisant en tout 49 hectares. Et le tout pour un budget de plus de 1,1 Mds d’euros sans compter différents « coûts annexes ». Maquette du futur siège de l’OTAN près de Bruxelles

Ces chiffres sont issus des textes officiels de l’OTAN, donc peu suspects d’être surévalués ! Ils illustrent la volonté des 28 pays, et sous la houlette des États Unis, de continuer à s’étendre et à développer des partenariats partout dans le monde, en Asie et en Afrique notamment. Le cynisme des gouvernants des pays concernés est sidérant. La sortie de la France de l’OTAN est évoquée dans l’actuelle campagne électorale par plusieurs candidats mais pour des raisons contradictoires entre elles. Les autres laissent entendre que les 2% du PIB qui est demandé comme budget de l’armement dans chaque pays sont acceptables, voire même susceptibles d’être dépassés largement.

Ce chiffre qui correspondrait à une augmentation de plus de 30% des budgets militaires français sont énoncés comme une évidence, ce qui évite d’avoir à les justifier sérieusement. Le Grand Chef de la Maison blanche a parlé, il faut serrer les rangs sans discuter. C’est pour toutes ces raisons qu’un contresommet va se tenir à Bruxelles le 25 mai et qu’une grande manifestation sera organisée le 24 mai. Bien au-delà des seuls peuples européens, tous les peuples du monde seront présents à cette occasion. La mobilisation actuelle qui se prépare laisse penser que nous y serons nombreux, plus de 500 organisations venant de plus de 40 pays. Le collectif français « non à l’OTAN, non à la guerre » est composé de près de 30 organisations, syndicats, partis, associations et il continue à se renforcer. Il participe activement au collectif international chargé de mettre en œuvre la volonté des peuples qui s’expriment de plus en plus. Yves-Jean Gallas

EN SAVOIR PLUS • Toutes les informations sur ce qui se prépare dans les pays concernés et en France se trouve(ro)nt sur les sites suivants : Coalition internationale : www.no-to-nato.org www.stopnato2017.org Site français : www.otan-non.org N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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CULTURE Spectacle

‘‘Je suis sénégaulois’’ Si vous avez aimé ‘‘Le Destin du Clandestin’’, pièce qui a tourné pendant 5 ans sur les 2 continents, vous retrouverez avec plaisir Djibril dans le rôle de ce personnage de jeune africain interrogeant le monde et se demandant quelle place il doit y tenir.

EN SAVOIR PLUS • La pièce sera en tournée en France du 10 mai au 10 juin 2017, puis en octobre 2017. Des dates sont disponibles. Pour tout renseignement : 03 86 60 01 26/06 30 25 30 10 marieache23@yahoo.fr 30

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i vous ne le connaissez pas, vous découvrirez avec étonnement l’art du comédien à mêler rire, autodérision et perspicacité face à sa vie forcément plombée par les inquiétudes actuelles pour le devenir de l’humanité… et par leurs causes ! Dans sa famille modeste, on est griot de père en fils… et cela pourrait s’arrêter là ! Mais à travers le parcours du futur manipulateur de la langue française qu’il sera, l’ambition est de faire sentir les traces de l’Histoire dans le cheminement au jour le jour d’un garçon « ordinaire », dans un milieu où la fa-

mille, le village, la société - ici comme ailleurs - cherchent à imposer leurs lois. Sera-t-il rebelle comme tous les enfants des contes et légendes dont il a été bercé ? ou s’essaiera-t-il à la résignation ? Ses choix fluctuent au cours de la pièce mais ils se font toujours autour de sujets étoffés par la vie et son lot de situations comiques ou émouvantes. La mise en scène, la lumière, la musique et les chants, donnent donc à voir et à sentir, qu’à tout instant le personnage a la possibilité de bifurquer. Pour en décider, lui suffira-t-il de juger qui a tort ou qui a raison ? Son oncle ou son grand père ? Son maître ou le marabout ? Senghor, le sénégalais théoricien de la « Négritude » ou le congolais Tchicaya, se disant poète « congaulois » et s’y opposant en recourant à la… « tigritude » ? Ce n’est pas si simple. Comment imaginer son avenir ? Comment l’inventer intéressant dans un vécu non-exceptionnel, dans l’ordinaire du quotidien ? Surgissant à chaque interrogation, proverbes et citations d’auteurs de là-bas ou d’ailleurs, font du spectacle une mise en évidence de l’urgence qu’il y a à découvrir, entendre et comprendre l’Histoire et les cultures du continent africain. A reconnaître la place incontournable qu’elles ont dans celles du monde. Chacun s’y retrouverait : notre sénégaulois en est convaincu ! Et le proverbe dogon offert en conclusion invite à ne pas tergiverser encore longtemps : « Faut-il attendre d’être vaincu pour changer ? » Marie-Hélène Bourdier

Pour la Compagnie Bou-Saana née en 1993, s’inscrire dans un travail de proximité est une constante. Parallèlement à leurs activités théâtrales, ils mènent des initiatives principalement en direction des jeunes et collaborent avec les enseignants. Ils animent des campagnes de sensibilisation autour de divers problèmes locaux : mines anti-personnel, sida, mariages précoces, départ des pirogues…. D’autre part depuis 2007, les membres de cette association organisent le Festival international de théâtre « Casamance en Scène » entendant ainsi enrichir une culture de paix. Et récemment, avec le souci de contribuer à arrêter les pillages et départs massifs d’œuvres d’art diverses en dehors du continent, ils ont réussi à ouvrir ce qu’ils ont appelé « une fenêtre » du musée qu’ils ambitionnent de développer pour mieux faire prendre conscience de la richesse des savoirs faire et de la créativité exceptionnelle de la société casamançaise ou sénégalaise - voire d’autres régions d’Afrique.


CULTURE Coraline Parmentier

‘‘Par définition, la musique c’est la Paix’’ Invitée lors du Conseil national du Mouvement de la Paix en janvier dernier, la jeune pianiste Coraline Parmentier a livré un récital enchanteresque autour d’œuvres majeures du répertoire libanais. Récemment reçue par Barbara Hendricks, elle voit dans la musique un formidable véhicule de Paix.

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a musique est-elle naturellement pour vous un vecteur de paix ?

Coraline Parmentier : Je pense sincèrement que la musique est vecteur d’ondes particulières qui se propagent audelà des mots et des sons. Grâce à elle, tous les sentiments se déversent en nous comme une rivière émotionnelle, et la manière dont cela nous affecte est plus puissante que notre propre volonté. C’est une des magies de la musique, en plus d’être dépourvue de frontières. Elle a ce pouvoir de rapprocher les peuples éloignés et de ressouder des communautés détruites. Chacun a son héritage musical qui peut être partagé avec le reste du monde : donc par définition, la musique, c’est la Paix.

Votre démarche est multi culturelle, estce une valeur indispensable en musique et dans la construction de la paix ? L’interculturalité est, avec l’anthropologie et l’ethnologie, une école de vie qui permet de savoir ce qu’il se passe chez les Autres, de découvrir des cultures qui ne sont pas les nôtres et par conséquent, d’apprendre que malgré les différences il peut y avoir des ressemblances inattendues. Mon propre parcours m’a démontré que la curiosité n’est pas toujours un vilain défaut selon le dicton bien connu; et que si l’on veut s’enrichir de quelque chose, il faut prendre soi-même l’initiative car l’Autre est une richesse. J’ai beaucoup appris sur des pays peu valorisés en m’intéressant en premier lieu à leur musique, puis à leurs coutumes de vie et à leur chronologie historique. Cela prend du temps mais c’est important pour comprendre. Construire la paix, cela implique toutes les ré-

gions du monde, il ne s’agit pas d’être porte-parole d’un peuple mais idéalement celui de tous les peuples. Il faudrait mieux inclure pour moins exclure, et pour moi c’est ça l’interculturalité.

Pourquoi avoir choisi le piano ? La musique était déjà ma passion bien avant d’aller à l’école primaire. Vers mes quatre ans j’ai déjà pu commencer toute seule car il y avait déjà un piano chez mes parents, et j’ai toujours été fascinée par sa multitude de sonorités sorties du cœur. J’ai ressenti un réel coup de foudre pour cet instrument qui est rapidement devenu indissociable de ma vie d’enfant. Finalement, après avoir expérimenté de nombreux répertoires au fil des années, j’ai réalisé qu’il pouvait tout reproduire: tous les sons, tous les registres, avec sa sensibilité particulière qui parle à beaucoup de personnes. C’est un instrument polyphonique qui n’a pas besoin des autres pour exister car à lui seul, il représente toutes les hauteurs possibles audelà de la voix humaine.

L’utiliser comme instrument de paix prend pour moi tout son sens, car il est à la fois neutre et impartial.

Si vous deviez choisir un hymne pour la paix, quel serait votre choix musical? De mon point de vue, un hymne pour la paix devrait être une mélodie vocale, afin que tous les peuples du monde puissent la chanter car apprendre un instrument de musique n’est malheureusement pas possible pour tous. En revanche, chacun possède une voix, autant morale que physique. Sans hésiter, je choisirai la plus vieille mélodie trouvée à ce jour datant de 2.500 ans, issue de la Grèce Antique. Le texte de la mélodie signifie « Tant que tu vis, brille ! Ne t’afflige absolument de rien ! La vie ne dure guère. Le temps exige son tribut. » En plus de renvoyer un message important, ce chant réunirait les peuples dans un grand élan de fraternité. Propos recueillis par Nicolas Lavallée N° 620/621 - Mars/Avril 2017 - Planète PAIX

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