Planète Paix Juillet-Août 2016

Page 1

L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement

3,20 euros / N° 613 / Juin - Juillet - Août 2016

Jusqu’où ira l’Otan ?

Film indien La saison des femmes (P.22)

Proche-Orient Quel espoir pour les palestiniens ? (P.20)

Dossier (P.11-16)


REGARD SUR...

Manifestation pour protester contre le Salon de l’armement à Paris et demander sa fermeture

Délégation à la sous-préfecture de Brive (19) pour demander la fermeture des Salons d’armement Marche pour la Paix - samedi 11 juin à Besançon (25)

Depuis trois mois, la mobilisation sociale pour maintenir un droit du travail protecteur ne faiblit pas. « Promouvoir le développement économique et social » est un élément essentiel de la culture de la Paix.

Maifestation à Paris

2

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX


l’Édito

Sommaire Planète Paix n° 613 - Été 2016

6

Actualité

21 SEPTEMBRE - JOURNEE INTERNATIONALE DE LA PAIX P.6

Je déclare la paix au monde,j’entre en action Message de Ban Ki-moon à j-100

P.7

Courir en paix

P.8

TUERIE EN FLORIDE

P.9

Otan en emporte la Paix

D

Homophobie ou terrorisme ? Place à un futur sans violence

11

dossier

Jusqu’Où ira l’Otan ?

Histoire

P.12

De la défense collective à l’offensive généralisée Sommet de Varsovie

P.13

L’Otan pour la relance de la guerre froide Stratégie

P.14/15

Et que fait-on si les Américains restent ? Tensions en mer

P.16

Quelle sécurité en Asie de l’Est et du Pacifique ?

18

Pierre Villard

‘‘

L’avenir

européen doit passer le cap

mondialiser la paix

Abolition

P.18

French disconnexion SOLIDARITE INTERNATIONALE

P.19

de son identité guerrière. ’’

L’engagement de la FSGT avec le peuple Sahraoui Proche-Orient

P.20

Quel espoir pour les Palestiniens ?

17

Portrait

Troisième Partie : Carnegie Andrew

P.21

Ces capitalistes qui investissaient dans la paix

22

culture

FILM INDIEN

P.22

La Saison des femmes 70 ANS DE FESTIVAL EN AVIGNON

P.23

De la culture de paix qui ne disait pas encore son nom

Mensuel édité par le mouvement de la paix

9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél.  01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org

Directeur de la publication : Guillaume du Souich Rédacteur en chef : Pierre Villard Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, Nicole Bouexel, Alexandre Dicko, Nadia DornyBennad, Guillaume du Souich, Annie Frison, Jeannick Leprêtre, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Pierre Villard, Régine Minetti, Pooja Patel, Ben Cramer, Yves-Jean Galles, Alain Rouy, Raoul Alonso, Silène Théobald, Nicole Bouexel, JeanYves fauchon, Annie Frison, Jeannick Leprêtre. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél.  01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé

ans quelques jours les pays de l’Otan se réunissent à Varsovie en Pologne. Pour quoi faire ? Pour tout observateur un tant soit peu attentif à la réalité du monde, il est évident que l’Otan poursuit aujourd’hui une double volonté. Domination mondiale, avec pour visée de remplacer l’ONU dans toutes les questions militaires. Encercler la Russie, en se rapprochant au plus près de ses frontières. Comment dès lors s’étonner des réactions de l’administration Poutine, qui y voit elleaussi une aubaine pour gonfler autant le torse que ses crédits militaires. Mais que fait la France dans cette galère ? Depuis qu’elle a de nouveau rejoint le commandement militaire intégré de l’alliance lors du sommet de Strasbourg en 2009, l’indépendance militaire et politique de la France est de plus en plus virtuelle. Avec le temps, on comprend mieux la criminalisation de la contestation orchestrée alors par Nicolas Sarkozy. Celui-ci avait laissé les casseurs infiltrer les cortèges de pacifistes, comme François Hollande le fait aujourd’hui avec les cortèges de salariés et de syndicalistes. Il y a 100 ans, des centaines de milliers de jeunes français et allemands perdaient leur vie à Verdun. Est-ce le meilleur hommage à leur rendre que d’arrimer l’Union européenne aux destinées funestes de l’Otan ? L’avenir européen doit passer le cap de son identité guerrière. Aux antipodes de la politique migratoire actuelle, c’est une politique d’ouverture et d’actions sur les causes des situations conflictuelles que nous sommes en droit d’attendre. Mais faut-il l’attendre ou la construire ? Les pacifistes ne sont pas là à espérer des jours meilleurs. Leur ambition sociale est de développer le rassemblement et l’action pour bâtir dans l’unité la plus large cette Planète paix que les appétits destructeurs d’une poignée fragilisent chaque jour davantage. C’est le sens de l’Université d’été des mouvements sociaux et de la solidarité internationale qui se déroule à Besançon du 6 au 9 juillet, et du Forum social mondial à Montréal du 9 au 14 août. Ce sera aussi le sens donné aux marches pour la Paix initiées le 24 septembre prochain. Il est temps d’agir pour que l’Otan n’emporte pas la Paix.

Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

3


Poème Dix ans du blocus de Gaza : Inimaginable ! Une population civile sous blocus depuis dix ans ! Inimaginable ! Une population enfermée dans une cage ! Insupportable ! Une population privée de tout : Inacceptable ! Une population vivant dans une prison à ciel ouvert ! Impensable! Des habitants n’ayant jamais quitté leur ville ! Incroyable ! Des gens toujours et complètement coupés du monde ! Inconcevable ! Une population ayant droit à seulement six heures d’électricité par jour ! Intolérable ! Une population qui subit des agressions au quotidien ! Inadmissible ! Une population qui supporte une souffrance qui dure, qui dure ! Terrible ! Des gens vivants pendant des années à côté des ruines de leurs maisons détruites ! Absurde ! Devant un silence d’un monde officiel qui sait et qui se tait : Scandaleux ! Une population qui a subi trois offensives en cinq ans ! Injustice ! Une population qui considère l’éducation comme une priorité ! Admirable ! Une population qui au bord de la mort cultive l’espoir : extraordinaire ! Impossible aussi de croire que des jeunes, affrontés à d’énormes difficultés, ne pensent pas à quitter leur pays ! Cette population civile qui s’adapte, dans un contexte de guerre, d’isolement et de blocus. ! Magnifique ! Cette population qui, malgré toutes les difficultés rencontrées, vit Cette population, et quelques soient ses sacrifices, espère Cette population, qui, en dépit de toutes les souffrances, résiste Cette population qui se montre en plus en plus attachée à sa terre Cette population qui n’a pas de haine Cette population résiste, existe et persiste. Cette population, c’est la population de Gaza, la population palestinienne, une population déterminée, une population courageuse, une population exemplaire, une population qui aime la vie ! Ziad Medouk, poête palestinien

4

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX


REPÈRES ... Film

Festival

‘‘Dalton Trumbo’’

‘‘Solidays ’’

Un film de Jay Roach

24 au 26 juin

« Personne n’a gagné ; il n’y eut que des victimes ; je fus une de ces nombreuses victimes, ma famille le fut aussi ; il n’y eut pas de gagnant et il n’y aura pas de revanche ». C’est le sens du discours de Dalton Trumbo lors de sa réhabilitation 13 ans après le début de la chasse aux sorcières en 1947 aux États-Unis. Cette année-là, sous l’autorité du sénateur Mc Carthy, dix scénaristes d’Hollywood durent comparaître devant la commission des activités antiaméricaines et furent condamnés à de la prison ferme puis interdits de travail. C’est cette partie d’histoire américaine qui nous est racontée dans ce film remarquable sur la vie de Donald Trumbo et de sa famille qui le soutint et l’aida à continuer d’écrire des scénarios sous un nom d’emprunt dont deux reçurent des oscars. Ce film est soutenu par l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai. En savoir plus : www.art-et-essai.org

Interdire les armes nucléaires en musique, c’est tout de même plus sympa : qui dit retour des beaux jours dit début de la saison des festivals. Cette année, l’équipe d’ICAN Youth aura le plaisir d’animer un stand atomique au Village Solidarité du festival Solidays du 24 au 26 juin prochain. Envie de nous rejoindre pour cette occasion ? ICAN Youth recherche des bénévoles. Des pass trois jours seront gracieusement offerts aux plus téméraires qui oseront se porter volontaires pour intégrer la team pour 3 journées explosives. En savoir plus : www.solidays.org/

IMAGE DU MOIS En Irak, une statue en forme de chaussure a été inaugurée en souvenir de la conférence de presse lors de laquelle un journaliste avait jeté sa chaussure sur George Bush le 14 décembre 2008... « Vous êtes responsable de la mort de milliers d’Irakiens » lui avait-il -aussi- lancé...

Les chiffres du mois 16 milliard d’euros De 4,8 milliard d’euros l’année de l’élection de François Hollande, les ventes d’armes ont représenté 16 milliards en 2015. Depuis 2012, ces ventes d’armes sont en progression constante. Ce chiffre devrait encore doubler en 2016. La France signé « le contrat du siècle » en vendant 12 sous-marins à l’Australie pour 34 milliards d‘euros. Ce marché permet à la France de reprendre une triste troisième place sur le podium des vendeurs d’armes. Le Moyen-Orient représente plus du tiers des commandes. En 2014, l’Arabie Saoudite est ainsi le premier client de la France. Le Rafale est actuellement le produit phare : 24 vendus à l’Égypte en février 2015, 24 vendus au Qatar en mai 2015, 36 vendus à l’Inde en janvier 2016. La Pologne a acheté 50 hélicoptères en avril 2015. Si l’emploi demeure encore un argument, nombres de ces contrats incluent des transferts de technologie. La France investira-t-elle cet argent dans des politiques de prévention des conflits ?

Les 10 premiers exportateurs d’armes (milliards de dollars) États-Unis

10194

Russie

5971

France

1978

Royaume Uni

1704

Allemagne

1200

Espagne

1110

Chine Israël Italie Uktaine

1083 824 786 664

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

5


ACTUALITÉ 21 SEPTEMBRE - JOURNEE INTERNATIONALE DE LA PAIX

Je déclare la paix au monde, j’entre en action Ce 21 septembre

Quinze ans qu’aux quatre coins du

Pour un Cessez-le-feu

marquera la 15ème Journée internationale de la Paix. L’ONU en fait une journée de mobilisation et d’appel à Cessez-le-feu.

globe, les actions s’amplifient pour interpeller citoyens et institutions. Reste à lui donner la couverture médiatique qu’elle mérite.

EN SAVOIR PLUS • www.21septembre.org • Résolution ONU 55/282 (7/09/2001) • Résolution ONU 53/243 (6/10/1999) 6

L

es multiples attentats qui ont secoué le monde ces dernières années, et la culture de guerre qui infuse la société pour toujours plus la diviser, confortent la détermination des pacifistes à porter haut leurs valeurs. Celles-ci se conjuguent dans le respect des droits humains pour tous, la justice, la promotion d’une culture de la paix et de la non-violence, comme condition préalable au vivre ensemble et à la préservation de notre unique planète. La Journée internationale de la paix fixée par l’ONU au 21 septembre monte en puissance sur tous les continents. De plus en plus de partenaires s’associent à cette journée particulière, tant au plan national avec la production d’une affiche spécifique par une cinquantaine d’organisations, qu’au plan local avec des projets ambitieux et originaux. Municipalités, comités d’entreprise, organisations, collectivités territoriales, établissements scolaires, Centre sociaux, artistes,… les acteurs sont multiples.

N° 613 - Juin 2016 - Planète PAIX

L’ONU invite à un cessez-le-feu généralisé. Elle demande aux peuples du monde entier à réaffirmer leur volonté de vivre en harmonie au sein de la grande famille humaine. Effectivement, les peuples, par l’intermédiaire de l’ONU ont démontré que le rempart aux violences exacerbées par la guerre et l’esprit de domination, nécessitait d’ériger la paix et la non-violence en réelle culture d’avenir, en véritable sécurité humaine partagée. Les guerres contre le terrorisme ont déjà fait 2 millions de morts et provoqué un exode massif de population. En ce sens, les peuples agissent toujours plus nombreux pour que cette culture de la paix devienne plus forte que la propagande de guerre qui précipite le monde dans le chaos. Notre engagement dans l’ac-

tion pour la paix doit être partagé avant qu’il ne soit trop tard, à l’heure de l’arme atomique ! Le dernier thème retenu – en 2015 - par le secrétaire général des Nations Unies pour la célébration de la Journée internationale, « Des partenariats pour la paix, la dignité pour tous », souligne l’importance de la coopération et de l’éducation pour faire baisser les armes et aller de l’avant vers un monde sans conflits. Sans l’appui des gouvernements, de la société civile, des groupes confessionnels, des organisations non gouvernementales, sans l’appui des Peuples des Nations unies : la paix restera un idéal inatteignable. Les gouvernements va-t’en guerre avec le secteur privé et de la finance continueront leur œuvre de guerre.

Un projet humain Le 21 septembre permet de promouvoir le programme de « la culture de la paix et de la non-violence » de l’UNESCO qui se décline en 8 domaines d’actions à relier les uns aux autres pour assurer une sécurité commune et un avenir durable pour les humains et la planète. C’est aussi l’opportunité de réaffirmer notre solidarité avec les millions de personnes touchées par les répercussions dévastatrices de la violence et des conflits, les contraignant à l’exode forcé. Ce projet porte en lui l’humanité. Il doit prendre corps, s’enseigner, se vivre, à tous les niveaux de la société, du citoyen aux institutions nationales et internationales pour permettre au monde de se sauver. Pas d’hésitation, la Journée internationale de la paix représente un tremplin pour la mise en œuvre de ces valeurs indispensables aux rouages des humains et des États. Toutes et tous ensembles, déclarons la paix au monde, dans la justice et la fraternité, gages de prospérité, de coopération et de dignité pour tous. Le mois dernier, Planète Paix a annoncé que le Mouvement de la Paix propose de faire du samedi 24 septembre une journée nationale de convergences la plus large, en organisant, des « Marches pour la paix », tout en continuant à pavoiser les couleurs de la paix à nos fenêtres et aux frontons des institutions. Régine Minetti


Message de Ban Ki-moon à j-100 Le 10 juin 2016, à 100 jours du 21 septembre, le Secrétaire général de l’ONU a lancé le compte-à-rebours de la Journée internationale de la Paix. Il fixe cette année un objectif on ne peut plus clair : la paix comme fil rouge qui relie les 17 objectifs du Programme de développement durable.

C

haque année, à l’occasion de la Journée internationale de la paix, l’Organisation des Nations Unies invite les peuples du monde entier à se rappeler leur humanité commune et à œuvrer de concert pour construire un avenir à l’abri des conflits. Chacun d’entre nous est invité à observer cette journée, qui est une journée mondiale de cessez-le-feu et de non-violence, pendant la durée de laquelle les hostilités doivent cesser. Le thème retenu pour cette année - Les objectifs de développement durable : les piliers de la paix - vient souligner comment l’élimination de la pauvreté, la protection de la planète et la prospérité qui bénéficie au plus grand nombre contribuent à l’harmonie dans le monde. Si nous faisons cause commune, la paix sera possible ; commençons par respec-

ter une paix de 24 heures le 21 septembre. Les 17 objectifs de développement durable ont été adoptés à l’unanimité par les 193 États Membres de l’Organisation des Nations

« Je demande à tous les belligérants de déposer les armes et d’observer un cessezle-feu général. Je leur dis : cessez les massacres, cessez les destructions, ouvrez la voie à une paix durable ». Unies à un sommet historique, qui s’est tenu en septembre 2015. Ils sont universels et s’appliquent à tous les pays. Et ils sont indispensables à la paix. Si l’objectif n° 16 porte expressément sur la paix, la justice et la mise en place d’institu-

tions solides, la paix est le fil rouge qui relie les 17 objectifs. Lorsque les gens se sentent capables de subvenir aux besoins de leur famille, lorsqu’ils ont accès aux ressources dont ils ont besoin pour vivre en bonne santé et lorsqu’ils se sentent intégrés dans leur société, les conflits sont moins susceptibles de surgir. C’est pourquoi nous devons profiter des 100 prochains jours pour montrer que le développement et la paix sont interdépendants et se renforcent mutuellement. Œuvrons de concert à la promotion des objectifs de développement durable et à leur réalisation. Les dirigeants du monde entier ont défini un programme d’action clair ; en le suivant, nous pouvons contribuer à construire un avenir de paix et de prospérité.

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

7


ACTUALITÉ Courir pour la Paix

Les 80 bénévo les prêts à accu eillir les 210 co quatrième éditi ureurs pour la on du Trail de Hautes-Alpes. Un évènement la Paix à Trescléoux dans le s dont Planète Pa ix est partenai re.

eurs du 19 km

Départ des cour

Ils sont fiers de

leur tee-shirt

Corentin Villa rd, responsabl e des parcours aux côté de la , des conseillers Députée et départementa ux

Le podium Femme du Parcours Lucie Aubrac

Le podium Homme du Parcours Nelson Mandela

8

N° 613 - Juin 2016 - Planète PAIX


ACTUALITÉ TUERIE EN FLORIDE

Homophobie ou terrorisme ? Place à un futur sans violence Orlando, Floride, aux États-Unis, une nouvelle fusillade a fait plusieurs dizaines de victimes le 12 juin. Son auteur, Omar Mateen, vient ainsi ajouter son nom à la trop longue liste des tueurs. Acte homophobe ou acte terroriste ? Sans doute, les deux à la fois. Pooja Patel, étudiante à Boston plaide pour un futur sans violence ni terrorisme.

O

mar Mateen avait 29 ans, il était d’origine afghane, né à New York, aux États-Unis. Déjà connu du FBI, il était agent de sécurité. Sa femme parle de sa furie face aux couples gay qui l’ont amené à se procurer un pistolet et un fusil d’assaut, de façon légale. Le dimanche 12 juin, Omar Mateen appelle le service d’urgence au 911 à deux heures du matin pour faire connaître son allégeance à l’organisation “État Islamique”. Puis, il entre dans une boite de nuit gay appelée “Pulse” à Orlando (Floride). Il tire sur des personnes innocentes. Cette fusillade, la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis, a fait au moins 50 morts, 100 victimes au total. Le père d’Omar Mateen dit que la raison qui a motivé les agissements de son fils n’est pas la religion, mais l’homophobie. Le Président Obama a évoqué “un acte de terreur et de haine”, sans utiliser le terme de terrorisme. Nous devons nous incliner devant les actes d’héroïsme des personnes qui s’échappaient du chaos dans la boîte de nuit et qui sont revenus pour aider les autres restés coincés à l’intérieur, le courage des secours, et le soutien des chefs d’États partout dans le monde.

Des questions en suspens Après cette effroyable tragédie, des questions demeurent dans l’esprit des américains. Cette tragédie est-elle un acte de fanatisme religieux ou le résultat d’une homophobie exacerbée ? Est-ce un crime de haine contre la communauté gay ou une attaque terroriste contre les États-Unis ? Cette attaque marquet-elle le début de la deuxième vague de la guerre contre le terrorisme par les États-Unis ? Qui est res-

ponsable ? La culture des armes aux États-Unis ou le Président pour ne pas avoir agi assez fermement après les fusillades de San Bernardino et Sandy Hook ? Quelles seront les actions du prochain président à partir de 2017 ? La peur conduira-t-elle les américains à commettre des actions imprudentes ? Beaucoup disent qu’un président qui ne peut pas nommer publiquement l’ennemi est un président incapable de combattre et de mener une lutte efficace contre le terrorisme. D’un autre côté, les propriétaires d’armes affirment que les actions d’un loup solitaire ne doivent pas affecter les citoyens responsables. La communauté LGBT veut l’égalité, la sécurité, la justice et le respect de l’humanité toute entière. Donald Trump a twitté : “Ce qui s’est passé à Orlando n’est que le début. Notre gouvernement est faible et inefficace. Je l’avais dit et avais demandé l’interdiction [des musulmans sur le sol américain]. Nous devons être fermes.” Voir un politicien candidat républicain à la présidentielle insister sur le fait qu’il avait raison plutôt que sur le chagrin et la douleur des américains et sous-entendre qu’en appliquant ses propositions, cette attaque aurait pu être évitée, est inadmissible autant pour les musulmans que pour le reste des citoyens américains.

Unir le pays face à la violence Qu’elle soit un acte religieux ou homophobe, l’attaque perpétrée par Omar Mateen, a tué des innocents. Elle a détruit et endeuillé des familles, leurs proches, et toute la population américaine - et surtout la communauté LGBT. La catégorisation de cette attaque sera probablement débattue et controversée pendant longtemps. Les débats autour des responsables de cette attaque ne sont qu’une perte de temps alors que nous avons besoin d’unifier le pays pour un futur sans violence ni terrorisme avec un futur plein d’espoir, une population instruite et une société basée sur le respect de l’un et l’autre en dépit des différences religieuses ou d’orientation sexuelle. Pooja Patel N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

9


Au jour le jour Prix pour l’éducation des filles et des femmes

Les deux lauréats de la première édition du Prix UNESCO pour l’éducation des filles et des femmes ont été récompensés à Pékin à l’occasion d’un séminaire international sur l’éducation des filles et des femmes. Ce prix de 50 000 dollars a été créé en 2015 pour récompenser les innovations et les contributions exceptionnelles d’individus, d’institutions et d’organisations en faveur de l’éducation des filles et des femmes. Il contribue à la réalisation des Objectifs de développement durable. Le Prix a été remis à la Direction du service de l’éducation de la petite enfance du ministère de l’éducation et de la culture indonésien, et à l’Organisation zimbabwéenne « the Female

Students Network Trust ». Le ministère indonésien développe un projet visant à augmenter la participation des filles à l’école et renforcer leur confiance en elles, tout en impliquant la communauté et les gouvernements locaux dans une approche interdisciplinaire et globale. L’organisation zimbabwéenne agit pour l’autonomisation des étudiantes grâce à un programme de développement du leadership et à un effort d’encadrement. A suivre…

Chaîne humaine autour de la base US de Ramstein

ne devra prendre naissance sur le sol allemand » a été reprise par la plupart des intervenants allemands. Il est exigé du gouvernement allemand qu’il interdise aux USA de se servir de cette base pour téléguider les drones qui tuent aveuglément en Afghanistan ou au MoyenOrient. Plus généralement, les manifestants ont réclamé la dissolution de l’Otan et la mise en place d’un véritable système de sécurité collective en Europe, incluant la Russie. Il s’agit du plus grand rassemblement pacifiste de ces dernières années en Allemagne. Une manifestation pour la paix est prévue à Berlin début octobre 2016.

Sélection du prochain secrétaire général de l’ONU

(Allemagne) 5000 pacifistes se sont retrouvés le dimanche 12 juin pour protester contre la guerre des drones menée par les USA, utilisant la base située sur le sol allemand. La célèbre phrase de Willy Brandt « plus jamais une guerre

C’est une procédure inédite dans l’histoire des Nations unies qui est mise en place pour choisir le prochain secrétaire général de l’organisation. L’Assemblée générale des Nations Unies auditionne les candidats. Chacun dispose de deux heures au cours desquelles il doit faire une présentation orale de sa candidature et de la

façon dont il compte faire face aux défis auxquels est confrontée l’ONU. Il répond ensuite aux questions des États membres et la société civile. Actuellement 11 candidats : Miroslav Lajcak (Slovaquie), Susana Malcorra

(Argentine), Igor Luksic (Monténégro), Irina Bokova, l’actuelle Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ; Antonio Guterres, ex-Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ; Danilo Türk (Slovénie) ; Vesna Pusic (Croatie) ; Natalia Gherman (Moldavie) ; Vuk Jeremic (Serbie) ; Helen Clark Nouvelle-Zélande) ; Srgjan Kerim (Macédoine). Cette nouvelle norme de transparence et d’inclusion dans le processus de nomination a le potentiel d’influer sur le résultat final de la sélection du prochain Secrétaire général.

ça se passe près de chez vous • Marseille (13) Commémoration des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. Mardi 9 août à 18h, sous l’Ombrière du Vieux Port. Organisée par le Comité départemental des Bouches du Rhône du Mouvement de la Paix. Informations : 04 91 91 47 00 / 13@mvtpaix.org • Bourges et Cher (18) Le Cher marche pour la Paix, d’Avord à Belleville, du 3 au 10 août. 10 étapes de 15 km en moyenne. Repas partagé et soirée culturelle quotidienne. Organisée par le Comité du Cher du Mouvement de la Paix. Informations : http://lechermarchepourlapaix • Liourdres (19) Repas et lâcher de bougies sur la Dordogne. Samedi 6 août à 18h. Organisée par le Comité de Corrèze du Mouvement de la Paix. Informations : 06 13 16 36 09 / mouvementdelapaix19@gmail.com 10

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

• Saint Jean de Fos (34) : Marche pour la Paix le samedi 6 août en commémoration des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, et en réponse à l’appel du Maire d‘Hiroshima. 12h, apéritif et repas tiré des sacs. Organisation : Collectif Biterrois de l’Appel des Cent et du Mouvement de la Paix. Informations : 04 67 76 31 53 / raycubells@wanadoo.fr • Thoré la Rochette (41) : Dimanche 21 août. 1ère randonnée de la Paix en Vendômois. Départ de la Gare. 8h circuit de 20 km / 10h circuits de 6 km. Organisée par le Comité du Loir-et-Cher du Mouvement de la Paix. Informations : 06 84 29 41 62 • Vinça (66): Camp de jeunes sur le thème des valeurs de la Résistance. Randonnée pédestre, visite du village martyr de Valmanya, réalisations artistiques. Organisation : Comité des Pyrénées Orientales du Mouvement de la paix • Avignon (84) : Marche pour la Paix, mercredi 14 juillet à 10h, Gare d’Avignon. (voir page 24). Informations : paca@mvtpaix.org


DOSSIER

Jusqu’où ira l’Otan ?

• Histoire

De la défense collective à l’offensive généralisée • Sommet de Varsovie

L’Otan pour la relance de la guerre froide • Stratégie

Et que fait-on si les Américains restent ? • Tensions en mer

Quelle sécurité en Asie de l’Est et du Pacifique ?

L’organisation du Traité de l’Atlantique Nord sera de nouveau dans l’actualité ce début juillet. Mais peut-on dire que l’Otan ait un jour quitté l’actualité ? Avec le sommet de Varsovie, c’est de nouveau la sécurité européenne qui sera questionnée. Mais quelle est l’utilité d’une alliance militaire restreinte dans un monde interdépendant ? Sans doute ce sujet ne sera pas abordé. Planète Paix revient sur la création de l’Otan, les questions stratégiques posées par les multiples bases de l’Otan sur la Planète et les alliances similaires dissoutes. Et la France dans tout cela ? Son action devrait être de quitter l’Otan, d’agir pour sa dissolution et de promouvoir sans relâche un système de sécurité collective fondé sur les principes de la Charte de l’ONU et les huit domaines du programme d’action pour la Culture de la Paix. N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

11


DOSSIER

J us q u ’ O ù

Histoire

De la défense collective à l’offensive généralisée

A

Signature du Traité de l’Otan le 4 avril 1949

Le 4 avril 1949, 12 pays fondent l’Otan. Ils sont 28 en 2016. En 1955, en réponse à cette alliance militaire, sera conclu le Pacte de Varsovie, une autre alliance militaire, dissoute depuis 1991.

12

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

sa fondation en 1949, l’Otan est une organisation militaire destinée à assurer la défense collective du camp occidental contre la menace soviétique. La guerre froide a commencé et les USA réagissent au basculement de la Tchécoslovaquie dans le bloc soviétique - et non pas, comme on le croit souvent, à la création du Pacte de Varsovie. Il s’agit pour les USA d’assurer une sécurité fondée sur la puissance militaire ; ce qui viole l’article 2-4 la Charte des Nations-Unies qui précise que les États s’abstiennent, dans les relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force. Au-delà, la création de l’Otan fige durablement la situation issue de la Seconde Guerre Mondiale et ancre de manière irréversible les pays de l’ouest de l’Europe dans le camp occidental sous hégémonie des États-Unis. Avec l’effondrement de l’URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, l’Otan a perdu sa raison d’être. Pour surmonter cette crise de légitimité, il faut trouver de nouvelles justifications au maintien d’une organisation militaire qui est en même temps un instrument de puissance des USA. Après maints tâtonnements, un tournant majeur s’opère après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à NewYork. Un nouvel ennemi est désigné : le terrorisme ; il représente une menace majeure pour les intérêts occidentaux et il faut le combattre en tous lieux. L’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord est mis en œuvre pour la première fois, lequel stipule que toute attaque contre un pays de l’Alliance est considérée comme une attaque contre tous les pays signataires. C’est ainsi que fut « justifiée » la coalition militaire opérant en Afghanistan sous l’égide de l’Otan. Le nouvel ennemi désigné a permis d’étendre le champ d’action et d’intervention de l’Otan bien au-delà de l’Atlantique Nord. Censée être défensive à l’origine, cette alliance transatlantique s’est muée en une organisation militaire offensive, appelée à intervenir partout sur la planète pour « gérer » les crises affectant les intérêts des puissances occiden-

tales. C’est ainsi qu’on est intervenu en Irak, quitte à inventer des liens entre ce pays et Al Qaïda, et l’existence d’armes de destruction massive. Ce nouveau rôle de lutte contre le terrorisme, auto-attribué a signifié à la fois une extension géographique et une extension fonctionnelle. Affiché comme garant d’une sécurité « globale », ce concept planétaire intègre tous les domaines économiques et politiques considérés comme stratégiques. Ainsi, au nom de la sécurité du monde, l’Otan s’arroge indûment des prérogatives qui sont celles de l’Organisation des Nations-Unies. Elle n’a de cesse de violer la Charte de l’ONU, de la décrédibiliser comme en ex-Yougoslavie. Elle parvient même, hélas, à l’instrumentaliser en faisant avaliser certaines de ses actions par le Conseil de Sécurité.

La sécurité collective compromise En Europe, l’Otan a fait voler en éclats les perspectives nées des années 1989-90 d’établir un système paneuropéen de sécurité intégrant la Russie, dans l’esprit de la Charte d’Helsinki dont le prolongement a été l’OSCE1. Elle aurait dû être l’embryon d’un système de sécurité collective. Son rôle a été réduit à néant en la matière tandis que l’Otan a recueilli l’adhésion de la presque totalité des États de l’Est de l’Europe ; faisant naître des tensions qui n’ont jamais été aussi grande depuis 19892. En Europe comme dans le reste du monde, l’Otan sert toujours le même objectif : accroître l’influence des États-Unis. L’arme commerciale et les traités de libre échange inspirés par les États-Unis vont dans le même sens. Les dirigeants US n’ont d’ailleurs aucun complexe à le réaffirmer régulièrement ; même Barack Obama qui n’est pas le plus belliciste des présidents que nous ayons connus va jusqu’à déclarer que « les alliances amplifient la puissance américaine ». La conception pacifiste de la sécurité est aux antipodes des concepts de l’Otan. Alain Rouy 1 2

Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe Voir article page 13


i ra

l ’ O t an

?

Sommet de varsovie

L’Otan pour la relance de la guerre froide Le prochain sommet de l’Otan, a lieu à Varsovie en Pologne du 8 au 10 juillet prochain. Il se prépare en accentuant la pression sur la Russie, coupable à ses yeux, d’être une menace en augmentation constante.

EN SAVOIR PLUS •www.no-to-nato.org • www.facebook.com/NotoWAR. NotoNATO

P

etr Pavel, Président du comité militaire de l’Otan, déclarait au journal « Le Monde » le 7 mai 2016 : « Du point de vue militaire, la menace à l’Est est bien plus importante, car les capacités russes, incluant un vaste arsenal nucléaire, posent potentiellement un problème existentiel. » Dans cet entretien, il évoque la menace « du Sud », essentiellement Daesch, Al Qaïda et leurs affidés, pour mieux en relativiser l’importance. Cette référence à l’armement nucléaire est importante car l’argument qui est avancé - mais non démontré - est que, compte tenu de la faiblesse relative de ses armes conventionnelles par rapport à celles des pays de l’Otan, la menace nucléaire russe prend de plus en plus d’importance. La « dissuasion atomique » redeviendra ainsi un des points importants de l’ordre du jour des sommets de l’Otan.

Les principaux ennemis La Russie maintient sa place d’ennemi principal, avec la Chine. Au sommet de Lisbonne en 2010, la principale préoccupation était la mise en place d’un bouclier anti-missile protégeant les USA d’un ennemi non nommé, sous-entendant l’Iran mais visant déjà la Russie, et les installations en Europe de l’est devenaient prioritaires. Les priorités ont donc évolué et lors des sommets de Chicago en 2012 et de Newport en 2014, il était notamment décidé de renforcer la présence de l’Otan en Europe orientale et dans les pays baltes et scandinaves, objectif en grande partie atteint à ce jour. Un accord de coopération avec la Suède et la Finlande a été signé en septembre 2015 dans des conditions proches de celles d’une adhésion pleine et entière. Il était aussi demandé que les 28 pays de l’Otan augmentent leur participation financière jusqu’à 2% du PIB, pour « rééquilibrer » les efforts de l’Europe et des USA, et faire passer la part étatsunienne de 75% à 50% dans les meilleurs délais. Même si elle n’arrive qu’au deuxième rang de ses priorités, la position de l’Otan au Moyen Orient

reste fondamentale. Il lui convient de contenir l’influence de l’Iran et de la Syrie, alliés de la Russie, qui peuvent menacer le pétrole d’Arabie saoudite et des émirats et remettre en cause l’équilibre politique actuel. Les pétromonarchies restent les alliés de base même si des désaccords apparaissent de plus en plus. La Turquie, membre de l’Otan, est aussi un maillon essentiel à conforter. Il faut noter que l’implication annoncée de l’Otan dans l’aide aux réfugiés voulant passer en Union européenne via la Grèce, est significative d’une volonté de changer une image guerrière pour une image humanitaire.

Contre-sommet du 8 au 10 juillet L’ordre du jour du sommet de Varsovie montre bien que la volonté de domination reste essentielle et qu’elle tend à se renforcer. Le rôle tenu par l’Otan dans le coup d’état de Kiev en est une illustration évidente. La diabolisation systématique de la Russie illustre cette volonté et renforce la course à l’insécurité internationale. En disant cela, il n’est évidemment pas question de dédouaner Vladimir Poutine des actes antidémocratiques et violents sur son sol et à l’étranger. Avec l’Otan se pose aussi la question des bases militaires à l’étranger qui permettent d’exercer une pression politique, militaire et financière très forte. Avec l’objectif d’un budget d’armement à 2% du PIB, nous assistons à la reprise de la course aux armements. Pour répondre à ces politiques qui tendent à renforcer les insécurités nationale et internationale, une mobilisation de plus en plus forte de tous les peuples concernés est nécessaire, à la fois contre la militarisation des sociétés civiles, la poursuite de politiques nationales et internationales agressives et la marche vers le désarmement, y compris nucléaire. L’organisation d’un contre-sommet de l’Otan à Varsovie va dans ce sens et tout laisse penser qu’il sera à la hauteur des enjeux de l’événement. Yves-Jean Gallas N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

13


DOSSIER

J us q u ’ O ù

Stratégie

Et que fait-on si les Américains restent ? Depuis sa création l’Otan s’adapte aux évolutions politiques. A moins que ne soit l’inverse … Les réponses politiques et stratégiques apportées par les États membres de l’Otan sont-elles appropriées ? Le polémologue1, Ben Cramer, en pointe ici quelques-unes. Et si la question majeure n’avait jamais été posée ?

EN SAVOIR PLUS • www.grip.org/fr/node/1972 14

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

L

’Otan est aisément assimilé à l’Empire du mal en raison de ses capacités nucléaires. Certes, l’Otan abrite des armes nucléaires, et le Nuclear Planning Group n’a pas été dissous. L’Otan englobe 3 des 5 puissances nucléaires membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU2 et chapeaute les forces nucléaires britanniques et françaises qui sont depuis 1974 (Déclaration d’Ottawa) des forces capables de « contribuer » à la force de frappe de cette Alliance..

Situation de privilège Les États-Unis sont le seul État nucléaire qui stationne des armes nucléaires sur le territoire d’autres États ; ce privilège, aucun autre État nucléaire parmi les 9 ne peut se l’arroger. Cette situation d’exception, qui viole l’esprit de la prolifération, perdure car nul n’a pu ou voulu s’y opposer. La toute première initiative pour mettre un terme à ce scandale fut lancée par le Ghana, le Népal, le Nigéria, la Roumanie et la Yougoslavie. C’était en mai 1975, lors de la première conférence de révision du Traité de Non-Prolifération (TNP) encore dénommé « Traité de Non Protestation » (puisqu’il n’a pas empêché que les armes prolifèrent et a même cautionné ce qu’il était censé interdire). Ces États proposaient que soit conclu avant 1976, un traité de retrait des armes nucléaires, notamment tactiques, dans les pays qui n’en sont pas dotées. L’initiative mérite d’être rappelée et pour trois raisons. Primo, elle n’a pas été reprise lors des prochaines conférences de révision, les pays européens de l’Otan étaient aux abonnés absents.

Secundo, les ONG (occidentales pour la plupart) n’ont pas saisi l’occasion politique pour s’allier à ces États frondeurs ; elles n’ont relayé ces revendications que timidement et seulement à partir de la fin des années 2000, soit un quart de siècle trop tard. Tertio, aucune autre puissance nucléaire ne s’est risquée à enfoncer le clou, reprendre l’initiative comme s’il ne fallait pas heurter la sensibilité de Washington ou se réserver cette option au cas où…

Que faire des bases Signe des temps, la perte de crédibilité de la terreur nucléaire a entraîné une décroissance de la quincaillerie. A Taormina en Sicile fut décidée dès octobre 1991 la réduction de 80 % le nombre d’armes nucléaires tactiques. Bref, la « puissance de feu » des bases de l’Otan ne représente aujourd’hui que 2,5% des charges nucléaires des arsenaux. Le problème des bases ne réside pas ou plus dans le fait qu’elles abritent des armes nucléaires. Le casse-tête des bases, nucléaires ou non, c’est leur existence et leur maintien. Les bases étaient dès le départ au service de la stratégie de l’Empire et au bénéfice d’interventions qui n’avaient rien à voir avec la sphère géographique européenne. Dès 1958, les États-Unis utilisent les bases françaises pour intervenir au Liban et en Jordanie Les bases allemandes sont un relais important dans l’interventionnisme au Vietnam, et les frappes ponctuelles U.S. contre Tripoli et Benghazi en 1986 seront menées à partir des bases britanniques. Cette aventure s’est soldée par des accrochages entre alliés aux intérêts contradictoires qu’on


i ra

aurait tort de sous-estimer. La capacité des alliés à se faire entendre, à refuser n’importe quelle allégeance n’est pas une spécialité exclusivement française. La Turquie et l’Espagne ont exigé un droit de consultation et d’approbation préalable pour toute opération sortant du strict cadre de l’Otan. Le cas italien est révélateur à cet égard. Dans l’affaire de l’Achille Lauro, lorsqu’un commando U.S. intercepte le Palestinien Abbu Abbas, présumé coupable de « terrorisme » et se pose sur l’île de Sigonella en Sicile, les Italiens refusent de le remettre aux autorités américaines. Rome s’en explique : « Les bases de l’Otan en Italie ne peuvent être utilisées par nos alliés que pour des finalités propres à l’Alliance, et en conformité avec ce qui a été fixé par les accords en vigueur ».

Avec ou sans armes nucléaires en Europe L’Otan se pense en tant qu’institution mondiale, avec ou sans armes nucléaires en Europe. Cette configuration n’est pas captée par tout le monde, mais l’hypothèse mérite quelques réflexions. Depuis la destruction des Twin Towers du 11 septembre 2001, les ÉtatsUnis ont réussi à faire accepter par leurs alliés le concept de ‘out of area’, pour mondialiser

l ’ O t an

?

Les pays membres de l’Otan Les pays qui ont adhéré à l’Otan depuis 1949 à sa création en 1949 Belgique - Canada Danemark - France - Islande Italie - Luxembourg Pays-Bas - Norvège Portugal - Le Royaume Uni Les États-Unis d’Amérique

1952

Grèce - Turquie

1955

Allemagne

1982

Espagne

1999

Hongrie - Pologne - République tchèque

2004

Bulgarie - Lettonie - Lituanie - Estonie

2009

Albanie - Croatie- Roumanie - Slovénie - Slovaquie

le rôle de l’Otan. L’Otan s’est auto-proclamé le bras armé de l’ONU et c’est la seule alliance militaire à laquelle on confère une crédibilité pour des opérations internationales. Évidemment, cela rend ces initiales (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) et sa délimitation géographique superflues, mais nul ne va s’en émouvoir. Le « Vieux Monde », protectorat depuis 1945, se voit de plus en plus, au nom des « valeurs communes » et des « intérêts communs » associé/inféodé à la stratégie américaine, à la fois dans la croisade contre les diverses formes de terrorisme et les « États proliférants » (sic). Penser la défense dans sa globalité, espionnage et maintien de l’ordre compris, constitue le manuel de survie de l’Otan, quel que soit le baratin ou l’alarmisme sur les risques de prolifération nucléaire, les

menaces d’ingérence russe dans le Grand Nord arctique, la sécurité climatique. A force de se prendre la tête sur la question, ‘« Que ferions-nous si les Russes arrivent, ou débarquent ? » ou encore « qu’est-ce qu’on fait en cas d’accident nucléaire sur l’une des bases ? » nous avons zappé l’autre question qui restait en suspens : « Qu’est-ce qu’on fait si les Américains restent ? ». Ben Cramer 1

La polémologie est la science qui étudie les causes des

guerres 2

États-Unis, France, Royaume Uni, États nucléaires de

l’Otan parmi les 5 du Conseil de sécurité : les 3 cités, plus la Chine et la Russie

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

15


DOSSIER

J us q u ’ O ù

i ra

l ’ O t an

Tensions en mer

Quelle sécurité en Asie de l’Est et du Pacifique ? Les accrochages se multiplient dans cette zone. Les armements, missiles, bateaux, avions et sous-marins militaires prolifèrent. Les prétentions territoriales et maritimes se défient entre pays. Il est temps de négocier et réglementer avant une déflagration possible.

L

e constat est là : tensions et

affrontements dans la péninsule coréenne; dissensions et concurrence pour des îlots et récifs des Paracel et de l’archipel des Spratleys dans le Sud-Est; circulation maritime et aérienne provocatrice aux limites des espaces aériens et des eaux territoriales, accrochages, contestations de ces limites elles-mêmes; forte présence de l’armement nucléaire (États-Unis, Chine, Corée du Nord); nombreuses bases militaires étrangères (13 bases US de Singapour au Japon, des Philippines à Taïwan et la Corée du Sud).

Pour ne pas aller vers des confrontations armées, mais vers la détente, la négociation, la reconnaissance effective des conventions internationales et pour promouvoir des accords de coopération dans la région, il est nécessaire d’organiser la sécurité collective : - Appliquer réellement le TNP dans tous ses articles, le 5 en particulier, qui est détourné vers des formes de prolifération et d’essais nucléaires en laboratoire par les puissances nucléaires actuelles. Ce qui pousse les autres pays proches du seuil de l’arme nucléaire à franchir le pas. La vraie et seule solution, c’est l’adoption par tous les pays d’un Traité d’interdiction générale des armes nucléaires et de destruction des têtes existantes pour abolir définitivement ce type d’armement. - Régler par des traités de paix, de réunification et/ou de coexistence pacifique, les séquelles des guerres antérieures, entre les deux Corées, entre la Chine et Taïwan… - Reconnaître les séquelles de la 2ème guerre mondiale, les crimes de guerre ou contre l’humanité, les souffrances et exactions subies par les populations civiles du Nord au Sud du 16

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

continent.Arrêter les occupations et fermer les bases à l’étranger. - Bâtir des conventions consensuelles, reconnues et respectées sur les limites des frontières terrestres, des espaces aériens, des eaux territoriales. Établir de même des conventions internationales de circulation dans les eaux internationales, et des accords multilatéraux pour la pêche et le transit maritime, entre les parties concernées, dans leurs eaux territoriales. Respecter les règles internationales du transit aérien. Cesser les tests provocateurs de la part des uns et des autres aux confins de ces espaces, par des avions et bateaux militaires ou civils détournés vers ce type d’action.

- Ne plus chercher à cerner tel ou tel pays par des réseaux de bases militaires ou par des Traités hostiles, pour favoriser au contraire une Association régionale pacifique de bonne

conduite, de coopération et d’arbitrage, et dissoudre les alliances menaçantes. Des exemples positifs existent de dissolution de traités militaires ciblés, devenus inadéquats et obsolètes. L’OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud Est), créée en 1954, issue du Pacte de Manille, s’est dissoute en 1977 après la seconde guerre du VietNam. Elle rassemblait les États-Unis, le Royaume Uni, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Pakistan, les Philippines, la Thaïlande. La France en fut membre dès l’origine mais se retira en 1965. Le Traité d’Organisation du Moyen Orient, issu du Pacte de Bagdad, fut créé en 1955 par le Royaume Uni, la Turquie, l’Iran, l’Irak, le Pakistan, rejoints en 1958 par les États-Unis. Il fut rebaptisé CENTO (Central Treaty Organization) à la suite du retrait de l’Irak en 1959 et fut dissout en 1979. Le Pacte de Varsovie créé en 1955, pendant la « guerre froide », en réponse à l’Otan (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord issue en 1950 du Pacte Atlantique de 1949), s’est dissout en 1991 contrairement à l’Otan qui veut encore s’étendre et dominer. Ce sont de telles mesures qui évitent les conséquences négatives humaines et matérielles liées aux conflits et qui correspondent le mieux à l’attitude nécessaire, maintenant, pour la vaste prise de conscience qu’appelle la sauvegarde de la diversité du vivant et du patrimoine matériel et immatériel de l’Humanité sur notre planète, question devenue primordiale. Raoul Alonso


?

On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît

Toute l’année, restez branchés sur la paix Abonnez-vous à ‘‘Planète Paix’’ Nom : ……………………………………… Prénom : ……………………………………… o Je m’abonne à Planète

Paix et j’adhère au Mouvement

Adresse : ……………………………………………………………………………………… de la Paix : 66 € …………………………………………………………………………………………………

o Je m’abonne à Planète

Code postal : …………… Ville : …………………………………………………………… Paix pour 1 an (10 numéros) : Ci-joint un règlement à Combat pour la Paix - Planète Paix de : ………………………

o

CCP

o

Chèque bancaire Autorisation de Mandat Prélèvement SEPA

En signant ce formulaire de mandant, vous autorisez le Mouvement de la Paix à envoyer des instructions à votre Banque pour débiter votre compte et votre Banque à débiter votre compte conformément aux instructions du Mouvement de la Paix. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé pour votre Banque selon les conditions décrites dans la convention que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentée : dans les 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé sans tarder et au plus tard dans les 13 mois en cas de prélèvement non autorisé, et vos droits concernant le présent mandant sont expliqués dans un document que vous pouvez obtenir auprès de votre Banque.

Paiement : (Merci de cocher votre choix)  Récurrent/répétitif  Ponctuel/unique Date :

IBAN (FR= France, 1ère Colonne = 2, les 5 Colonnes Suivantes = 4 Chiffres ou Lettres et la dernière = 3 Chiffres

FR

de la Paix par prélèvement (10,50 € par mois). L’abonnement à Planète Paix est offert

 remplir l’autorisation ci-contre

o Je m’abonne à Planète

o Je souscris un abonnement de soutien : 65 €

Rum (Référence Unique du Mandat) *Ne rien inscrire Réservé au Créancier

Lieu : Signature :

o j’adhère au Mouvement

Paix par prélèvement (7,50 € par mois)

Joindre un IBAN (RIB, RIP) - Dater et Signer

Prélèvement effectué le 10 de chaque mois Montant à prélever : ………€

30 € par un chèque

Identifiant Créancier SEPA (ICS)

F

R

3

5

Z

Z

Z

4

3

8

4

9

9

Les informations contenues dans la présente autorisation ne seront utilisées que pour les seules nécessités de la gestion et pourront donner lieu à des exercices du droit individuel d’accès auprès du créancier à l’adresse : 9, rue Dulcie September, 93400, Saint-Ouen ; dans les conditions prévues par la délibération n° 80 du 1/4/80 de la Commission Nationale de l’informatique et des libertés.

Bulletin d’abonnement à expédier avec votre règlement en chèque à : Planète Paix - Maison de la Paix : 9, rue Dulcie September 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Courriel : national@mvtpaix.org N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

17


MONDIALISER LA PAIX Abolition

French disconnexion L’Assemblée générale de l’ONU a pris l’initiative d’un groupe de travail à composition non limitée pour faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. ONG et États s’y côtoient, et travaillent. C’est le cas d’ICAN1 France. Ce n’est pas du goût des puissances nucléaires qui préfèrent le boycott. Et la France dans tout cela ?

EN SAVOIR PLUS 18

• www.icanfrance.org N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

«

La France est pleinement mobilisée en faveur du désarmement nucléaire. Elle a un bilan exemplaire en la matière » a répondu le Ministre des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, il y a quelques semaines, quand des députés l’ont interrogé sur la participation de son pays aux négociations multilatérales sur le sujet. Le Ministre a opposé l’approche « pragmatique et responsable » de la France à l’approche « idéologique » des défenseurs d’une interdiction totale des armes nucléaires « qui s’attachent aux mots plutôt qu’aux actes ». La France considère que la résolution de l’ONU a inscrit le groupe de travail à composition non limitée dans une « approche radicale du désarmement, déconnectée du contexte stratégique » et que celui-ci ne pourra pas déboucher sur des discussions constructives aboutissant à des progrès concrets. Mais qui est le plus déconnecté de la réalité ? En février, lors de la première session du groupe de travail, 90 États et des dizaines d’organisations de la société civile étaient réunis pour discuter du vide juridique autour des armes nucléaires, des propositions pour le combler, de l’urgence d’agir, de la transparence, des mesures de confiance, de la vérification, des risques et de la pertinence de la dissuasion nucléaire. Des États exclus depuis des décennies de la Conférence du Désarmement (CD), forum paralysé depuis des années et fermé aux deux-tiers des États, ont enfin pu se faire entendre et exprimer leurs opinions. Des préoccupations concrètes, qui, jusqu’à présent, n’avaient jamais dépassé le stade de suggestions à inscrire au programme de travail de la CD, ont été explorées pour la première fois de manière approfondie. De son côté, la France, a voté contre la résolution ayant convoqué le groupe de travail. Elle boycotte les discussions et persiste à refuser toute remise en question de la pertinence de sa dépendance aux armes nucléaires dans sa doctrine militaire. Elle ignore de plus toute discussion qui pourrait contribuer à l’avancement des négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire. La diplomatie française fait par-là preuve d’une capacité impressionnante à se déconnecter de l’élan inter-

national que la majorité des nations ont impulsé et porté, ignorant ainsi une problématique fondamentale qui la concerne directement. Au niveau national, le concept de dissuasion dans la doctrine militaire française ainsi que les moyens financiers qu’il mobilise au sein de l’armée sont questionnés. Et pourtant, ces nombreuses interrogations ne sont pas reflétées dans les plus hautes sphères de l’État. La France maintient inconditionnellement son discours sur la nécessité des armes nucléaires pour garantir « la liberté et l’indépendance » de ses citoyens, continue d’investir des milliards d’euros dans leur modernisation et persiste en parallèle à vanter l’engagement exemplaire de la France en matière de désarmement, sans laisser la moindre place au débat. Selon un représentant du MAE2, ce groupe de travail est trop ouvert à la société civile. Dans la réalité, la France n’accepte de discuter qu’avec des interlocuteurs qui partagent son point de vue. Cette étroitesse d’esprit et ce manque de transparence prouvent que la France n’est pas seulement déconnectée des préoccupations internationales ; elle l’est également des questions soulevées sur son propre territoire. C’est pourquoi il est si important que la société civile française soit présente et entendue pendant le groupe de travail de l’ONU, afin de montrer que le soi-disant « consensus » invoqué par les autorités françaises est un mythe. La société civile française a besoin que les vrais « désarmeurs » appellent la France à prendre ses responsabilités et à avancer vers un monde sans armes nucléaires, comme elle prétend vouloir le faire. ICAN encourage tous les États et ONG à participer au groupe de travail à composition non limitée et à s’engager d’urgence dans l’élaboration de normes légales les plus fortes possibles. Ceci afin d’aboutir à la négociation d’un traité d’interdiction pour garantir la sécurité de tous dans un monde sans armes nucléaires.

Silène Théobald 1

Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire

2

Ministère français des affaires étrangères


MONDIALISER LA PAIX SOLIDARITE INTERNATIONALE

L’engagement de la FSGT avec le peuple Sahraoui Historiquement, la Fédération sportive et gymnique du travail s’est toujours montrée solidaire des populations qui revendiquent leurs droits. Dès 1936 en Espagne, puis en Afrique-du-Sud ou en Palestine. Jean-Yves Fauchon, animateur du pôle coopération internationale de l’association, parle pour Planète Paix des projets récents menés au Sahara occidental.

D

ès 1936, les sportifs de la FSGT1 ont rejoint les forces anti-franquistes. Plus tard, des projets communs ont été développés avec des éducateurs des townships d’Afrique du sud. Depuis 1982, sans interruption nous avons des projets sportifs éducatifs en Palestine et récemment avec le peuple sahraoui cantonné en plein désert dans des camps de fortune depuis 1975.

Le contexte géopolitique C’est le 6 novembre 1975 que la monarchie marocaine organise la marche verte, une opération militaire visant à envahir, annexer et gérer le territoire du Sahara occidental. Des milliers de Sahraouis fuient vers l’Est et s’installent en plein désert près de Tindouf à l’extrême sud-ouest de l’Algérie. Aujourd’hui c’est environ 200 000 personnes qui vivent dans 5 camps de réfugiés. Peu d’activité économique possible en plein désert, les populations survivent grâce à l’aide internationale. Le HCR (organisation des nations unies pour les réfugiés), le PAM (plan alimentaire Mondial) et ECHO (agence humanitaire de l’union européenne) assurent chaque année l’essentiel de la couverture humanitaire. Les ONG internationales assurent le minimum en termes de projets de développement divers. L’État Algérien est un acteur essentiel pour la survie des populations.

Le contexte local En 2014 à l’occasion d’un déplacement sportif sur le Sahara-marathon la FSGT rencontre le Premier ministre et le ministre des sports

du gouvernement en exil du front Polisario. Leurs discours font froid dans le dos. Jeunesse à la dérive, oisiveté, pas d’avenir, tentation de l’extrémisme religieux, drogue, recours aux actions armées contre l’occupant… Forts de notre expérience Palestinienne, nous proposons de venir partager nos connaissances en matière d’animation sportive en milieux ouverts. Nous proposons de contribuer à l’amélioration de l’éducation et à la socialisation des enfants et des jeunes sahraouis par l’amélioration de l’encadrement sportif. Les enfants se socialisent en interaction avec leurs différents milieux de vie et cultivent leur estime de soi. La sphère sportive à certaines conditions en est un élément. Notre souci est de proposer des activités sportives émancipatrices qui pourraient être des outils de construction d’identité sociale et ainsi aider la jeunesse sahraouie à devenir des citoyens responsables et acteurs de leur société. En octobre 2015 et février 2016

nous avons commencé nos animations sportives dans le camp de Smara. Notre volonté est de construire un projet sur trois ans conventionné par le front Polisario pour former une vingtaine d’animateurs-trices sportifs-ves.

Le résultat attendu Des activités « sport pour tous » sont organisées dans le champ scolaire et hors champ scolaire par des encadrants sahraouis. Le jeu, le plaisir et la rencontre doivent être les vecteurs des activités sportives. Nous avons également le projet de constituer une équipe d’une vingtaine de coureurs FSGT pour participer au Sahara-marathon 2017 au titre de la solidarité avec le peuple sahraoui. 1

Jean-Yves Fauchon

Fédération sportive et gymnique du travail

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

19


MONDIALISER LA PAIX Proche-Orient

Quel espoir pour les Palestiniens ? Dans une situation de blocage des négociations pour le Proche-Orient, l’initiative de paix proposée par la France fait naître un peu d’espoir. Face à la dérive extrêmiste du premier Ministre israélien, c’est la solidarité internationale qui sera déterminante pour le peuple palestinien atteint selon Mahmoud Darwich de la ‘‘maladie incurable de l’espoir’’.

EN SAVOIR PLUS • www.france-palestine.org 20

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

L

a Conférence ministérielle proposée par la France pour relancer un processus de paix au Proche-Orient a eu lieu le 3 juin et a fait réagir. Elle a réuni les principaux acteurs internationaux concernés, sans les représentants israéliens et palestiniens : le Quartet pour le ProcheOrient1, les membres permanents du Conseil de sécurité et des partenaires arabes, européens, etc. Sans doute lassé des échecs répétés des négociations pour arriver à la solution à 2 États, Laurent Fabius s’était déclaré prêt à reconnaître l’État palestinien si cette Conférence n’aboutissait pas à des résultats positifs. Si cette initiative a été accueillie positivement par l’Autorité palestinienne et par des forces progressistes israéliennes, et la Ligue arabe, Benjamin Netanyahou l’a refusée catégoriquement. Il prétend préférer des négociations directes avec les palestiniens, alors qu’il a tout fait pour les torpiller en 2014. Pourtant François Hollande et Jean-Marc Eyrault ont fait des efforts et l’on rencontré pour la lui « vendre » Ils sont revenus sur la promesse de Laurent Fabius sur l’État palestinien. Plus encore, ils ont désavoué l’Ambassadeur de la France à l’Unesco qui avait approuvé une résolution visant à « la sauvegarde du patrimoine culturel palestinien et du caractère distinctif de Jérusalem » qui devrait avoir un statut international. Peine perdue, Netanyahou les a humiliés par son refus ! Il confirme une évolution de son gouvernement vers la droite religieuse la plus extrême, en y faisant entrer Avigdor Lieberman, auteur de déclarations racistes, faucon détesté des palestiniens. C’est un signal très négatif qu’il adresse à la communauté internationale, provoquant d’ailleurs des protestations dans la société israélienne. Le résultat de cette conférence est bien mince, faute de volonté politique face au gouvernement d’Israël qui poursuit la colonisation depuis 50 ans, mettant en péril l’existence d’un État palestinien viable. Le texte final réaffirme cependant que « la solution à deux États est la seule voix pour arriver à une paix juste et durable », mais ne fixe aucun calendrier. Une autre conférence internationale est prévue avant la fin 2016. Elle représente cependant un espoir pour les palestiniens. Après de multiples plans mis en échec, les Palestiniens savent que c’est la solidarité internationale qui

peut faire avancer leur cause. Celle des États - souvent bien défaillants et passifs -, et surtout les actions citoyennes. Les actions de boycott économique, prennent de l’ampleur, faisant subir des sanctions économiques à ce gouvernement qui ne comprend que le langage de la force. Elles sont particulièrement pertinentes pour les produits des colonies, fabriqués en fait en Palestine occupée, dénonçant ainsi la colonisation et le désinvestissement des entreprises. (abandon des projets de Orange avec la société israélienne Partner) . Il est navrant de constater que notre gouvernement ne fait toujours rien pour que les entreprises se conforment à la directive européenne de marquage de l’origine des produits des colonies. C’est très choquant également que, en France, des militants qui mènent la campagne BDS pacifiquement soient traduits en justice, au mépris de la liberté d’expression. Mais ce qui serait une lourde perte pour l’économie israélienne, ce serait la suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et Israël. Ce pays bénéficie de subventions pour la recherche et le développement, ainsi que de coopérations y compris militaires... Une campagne européenne à l’initiative du CNPJDPI2 est en cours qui devrait aboutir à des résultats pour faire cesser l’impunité du gouvernemen d’israël. Nicole Bouëxel 1

États-Unis, Union Européenne, Russie, Nations Unies.

2

CNPDJPI Collectif national pour une paix juste et durable

entre palestiniens et israéliens, rassemblant 58 organisations : associations, partis politiques et syndicats.


Portrait Troisième Partie : Carnegie Andrew (1835/1919)

Ces capitalistes qui investissaient dans la paix Planète Paix publie ce mois-ci le troisième et dernier volet de la série « Quand les capitalistes qui investissaient dans la Paix ». D’autres auraient pu y trouver leur place : Alphonse de Rothschild (France), Moritz von Hirsch (Allemagne), Friedrich Leitenberger (Autriche). On pourrait ajouter le Prince Albert 1er de Monaco. Plus tard, peut-être...

C

et Américain autodidacte, d’origine écossaise, accumula la plus grande fortune de son temps par l’acier. Il fabriqua des rails, puis du matériel ferroviaire. Il édifia les plus vastes aciéries du monde… Il passait pour un patron « social », soucieux de garder le contact avec ses ouvriers, mais exigeant. Il incarnait la réussite à l’américaine, avec sa dureté, ses principes éthiques et son engagement philanthropique, tout inspiré de sa foi presbytérienne, mais aussi du darwinisme social d’Herbert Spencer. Fortune faite, il entreprit de la mettre entièrement au service de l’amélioration de la condition de l’humanité, sur laquelle il avait quelques idées précises, et qu’il développa dans un ouvrage à succès « Gospel of Wealth1 » (1889). « La question de notre époque est la répartition des fortunes afin que les liens de fraternité puissent continuer à maintenir ensemble les riches et les pauvres en relations harmonieuses » affirmait-il. Fort d’un autre principe « Toute vie qui n’a pour but que de ramasser de l’argent est une piètre vie », il s’employa d’abord à promouvoir la construction de milliers de bibliothèques aux États-Unis et dans le monde, d’églises, de salles de spectacle2, de musées, d’universités techniques, à favoriser l’éducation, persuadé que l’amélioration du sort de l’humanité passait obligatoirement par la culture et l’éducation. Carnegie reconnut aussi assez tôt que la question de la paix devait être mise au centre de ses préoccupations. C’est ainsi qu’à la suite de la Conférence de la Paix de La Haye de 1899, il fut convaincu de financer le nouveau projet de Palais de la Paix de cette même ville. Il y

contribua à hauteur de 1,5 millions de dollars. De nos jours, le Palais de la Paix, siège d’institutions de l’ONU, reste la propriété de la Fondation Carnegie créée en 1903 à cet effet. Il est l’un des trois « temples de la paix », voulus par A. Carnegie, les deux autres étant le Pan American Building de Washington D.C. (1910) et le Central Court of Justice (Costa Rica - 1910, lequel a, depuis lors, cessé ses activités). En 1909, à l’âge de 75 ans, il décida de créer une Fondation « Carnegie pour la Paix Internationale », avec une antenne à Paris sous la responsabilité de son ami d’Estournelles de Constant. Ce projet ambitieux avait pour but d’étudier les causes des guerres et, par conséquent, les moyens les mieux adaptés pour les prévenir. Son article 2 définit sa vocation : « La Fondation aura pour objet de servir la cause de la paix entre les peuples, de hâter l’abolition de la guerre internationale, d’encourager et

de faire progresser le règlement des conflits internationaux par des voies pacifiques ». Les analyses de la Fondation privilégiaient l’angle social et économique, aux dépens du politique. Il s’agissait aussi d’assurer - en liaison avec la Croix Rouge - la protection des populations civiles. Cette institution acquit en peu de temps une dimension internationale. Elle joua un rôle essentiel dans la mise en place du système international d’après 1918 et la fondation de la Société des Nations (SDN). Elle participa à la reconstruction de l’Europe, notamment de ses outils de culture, après. La Fondation Carnegie, toujours très influente, est, de nos jours, suspectée pratiquer une diplomatie de salon, aux bénéfices des intérêts américains. Toujours habité par la même passion pour la paix, Andrew Carnegie l’aborda en 1914 sous un autre angle, confessionnel cette fois, en fondant la Church Peace Union3, assez œcuménique, qui tint sa première réunion à Constance (Allemagne) en juillet de la même année, brutalement interrompue par la déclaration de guerre. Il ne négligea pas pour autant d’apporter son aide financière à des acteurs de la paix extérieurs à ses institutions. C’est ainsi qu’il décida, en 1910, après une étude très attentive du dossier, de soutenir l’action de Bertha von Suttner, en lui versant un salaire régulier et en apportant sa contribution à ses actions et publications. Jean Paul Vienne 1

Évangile de la richesse

2

Le célèbre Carnegie Hall

3

Union des églises pour la paix N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

21


CULTURE Film indien

La Saison des femmes Élever une fille, c’est l’élever pour les autres. C’est ce dicton indien que Lenna Yadav a choisi de dénoncer dans son film : une société encore patriarcale de nos jours, où la femme est vendue et n’a pas sa place de citoyenne.

EN SAVOIR PLUS • Parched, la saison des femmes, Film indien de Leena Yadav avec Tannishtha Chatterjee, Radhika Apte et Surveen Chawla (2015-vostf-1h56) 22

N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

Image extraite du film

L

un salaire ; l’atelier est géré par un homme jeune né au village et marié à une femme de la ville, « une étrangère qui aime lire » ce qui déplaît fortement. Tout en nuances, le film nous fait découvrir la violence conjugale, nous suggère l’effroi de l’adolescent devant le mariage et le rôle de domination et de virilité qu’il doit assumer, l’inexistence de la tendresse, le refoulement des désirs. Les femmes, en pansant leurs corps, découvrent la douceur de leurs propres caresses, la sensualité et le rêve d’un monde dans lequel elles pourraient vivre libres. La mère arrivera à s’insurger contre son fils en train de battre sa femme et le chassera en lui disant d’être humain avant d’essayer d’être un homme ; et elle conseillera à sa jeune bru de retourner à l’école. C’est la seule note d’espoir de ce film, cette prise de conscience que leur devenir de femmes libres et citoyennes passera par l’éducation et leur volonté de refuser cette société machiste qu’elles vont fuir toutes les trois.

a Culture de la Paix préconise l’égalité des sexes dans un de ses 8 domaines d’action pour aller vers un monde plus juste, plus solidaire, moins violent. Le film « La saison des femmes » qui se passe dans la région du Gujarat au nord-ouest de l’Inde, en est un exemple éclairant tellement les rapports hommes femmes, Les vraies héroïnes Des films précédents comme « La source des issus de traditions ancestrales patriarcales, sont violents. Comment est-il possible de vivre dans femmes »¹ sur l’organisation de la résistance des une telle violence permanente aussi bien pour les femmes face aux hommes ou « Mustang » sur la déhommes qui trouvent refuge dans la boisson, la cision de cinq adolescentes turques de refuser le mariage forcé, donnaient à drogue, les bordels que C’est la seule note d’espoir de ce film, cette voir un refus réfléchi pour les femmes qui acceptent dès leur nais- prise de conscience que leur devenir de femmes et organisé contre le sance leur condition libres et citoyennes passera par l’éducation et diktat imposé par les d’esclaves soumises aux leur volonté de refuser cette société machiste hommes. Ils montraient qu’elles vont fuir toutes les trois. plus nettement l’oppocaprices et aux coups sition à la domination de leur époux dans la famille qui les a achetées comme belle-filles ? Ce masculine. Ici la prise de conscience est moins nette, troisième long métrage de la réalisatrice Leena Ya- plus sensuelle comme l’est la beauté des gestes de dav est superbe et en même temps dérangeant, très ces femmes en remettant avec élégance leur voile comme elles le feraient avec leur chevelure. Ce film dérangeant. pourra-t-il être projeté dans cette région ? Rien n’est Trois parcours moins sûr et « les femmes du village qui sont les Elle brosse par petites touches le portrait de trois vraies héroïnes du film n’auront jamais accès à ce femmes : une mère, veuve depuis 8 ans, trentenaire dernier » explique Hélène Kessous, cofondatrice de qui a décidé de marier son fils unique de 17 ans à une l’association « Contre-courants » qui fait la promojeune fille de quatorze ans qui devra quitter l’école tion du cinéma indien. La réalisatrice n’a d’ailleurs et sa famille, son amie et confidente, dite stérile car pas pu tourner le film dans le nord de l’Inde comme sans enfant et une amie d’enfance aux mœurs disso- elle le souhaitait car le conseil des Anciens avait peur lues de passage au village. Le conseil des Anciens a que les femmes du village en soient corrompues… permis le téléphone portable et acceptera prochainement une télévision demandée par les femmes âgées Annie Frison qui se plaignent de leur solitude en attendant leur mari. Il n’a pas pu empêcher l’installation d’un ate- 1 Planète Paix n°569, février 2012 lier de couture permettant à des femmes de gagner


CULTURE 70 ANS DE FESTIVAL EN AVIGNON

De la culture de paix qui ne disait pas encore son nom La semaine d’art dramatique de septembre 1947 en Avignon, initia, sans le savoir, une longue histoire du plus grand festival de théâtre de France. La cour des Papes dans ces années d’après-guerre s’ouvrit à la diversité artistique par la rencontre fortuite entre le poète René Char, le collectionneur d’art Zervos et Jean Vilar1. uelques alexandrins dans la cour d’honneur du Palais des Papes en Avignon suffirent à convaincre Jean Vilar que ces lieux quelque peu austères pourraient être le théâtre d’une belle aventure bien loin de Paris. Ce ne fut pas « Meurtre dans la cathédrale » mais « Richard II » de Shakespeare qui fut mis en résonnance dans ce lieu mythique. Jusqu’en 1963, le festival d’Avignon ne fut composé que des créations de Jean Vilar et de sa troupe, dans laquelle se retrouvaient Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Silvia Montfort ou encore Gérard Philippe qui les rejoindra en 1951. Malgré les relents de maccarthysme de l’époque, Vilar sut convaincre public et institutions des bienfaits de la décentralisation théâtrale. Ainsi sur les pas de Firmin Gémier qui créa le Théâtre National Populaire, Vilar poursuivit une démarche d’ouverture, de démocratisation. Il s’agissait de sortir le théâtre de son carcan élitiste, s’adresser à un public plus large, renouveler le travail scénique en bouleversant le rapport scène-salle, rendre le théâtre accessible en province, redonner vie à des œuvres classiques et modernes. Le Festival devint le fer de lance du renouveau théâtral français tourné vers les associations, les mouvements de la jeunesse, les comités d’entreprises, des amicales laïques... un théâtre de l’éducation populaire2. En 1964, Jean Vilar avide de changement, entreprit l’ouverture progressive du festival à d’autres metteurs en scène. Bientôt 12 spectacles furent présentés ; puis dès 1966 la programmation s’enrichit, elle laissa place aussi

à la danse (Béjart), à la musique, au cinéma (Godard) ; de nouveaux lieux furent investis dans la ville, comme le Cloître des Carmes ou le Cloître des Célestins, la Chartreuse de Gérard Philippe, Jean Vilar, dans la Cour d’honneur du Palais des papes

Villeneuve lez Avignon, ancien monastère du XIVème siècle, deviendra le Centre international de recherches de création et d’animation (CIRCA). Plus tard, se créera un hors festival (off), regroupant des compagnies désireuses de toucher le public sans pour autant avoir été sélectionnées et invitées par la direction du Festival. Avignon devint le siège de la grande fête du théâtre, rendez-vous incontournable des professionnels et du public amateur.

son temps que « L’artiste de théâtre ne se perd pas dans la société, il s’y retrouve ». Parmi les grands thèmes du festival 2016, Olivier Py, homme engagé dans la cité, rappelle que la démocratie sans culture n’existe pas : «l’impuissance politique, la montée des populismes et des nationalismes, curieusement, interpellent plus les artistes que les politiques». Quand bien même Vilar eut dit « Cette société est triste et sans esprit parce qu’on ne lui donne qu’à penser « fric », il est réjouissant de considérer une culture à la fois artistique et politique, où, au discours de Ken Loach lors du festival du film de Cannes 2016 « Un autre monde est possible et nécessaire », Jean Vilar répondrait « Le théâtre populaire est, qu’on le veuille ou non, la forme moderne, exigeante, trublionne, vivace de ce temps, bref l’aventure majeure ». Jeannick Leprêtre 1

vert sur la société et l’histoire, qui se voulait accessible au plus grand nombre. 2

70

ème

édition

Au fil du temps six directeurs se sont succédé. Aujourd’hui c’est Olivier Py qui comme Jean Vilar est metteur en scène et acteur ; il met Prométhée en itinérance dans 11 lieux : la décentralisation d’aujourd’hui ! De plus la programmation qu’il présente pour le 70ème festival propose des actes artistiques, dont un focus Moyen Orient, qui mettent en perspective les paroles de Jean Vilar qui considérait en

Jean Vilar, 1912-1971, comédien, metteur en scène,

directeur de théâtre, cinéaste, il imposa un théâtre ou-

Éducation par le peuple, pour le peuple ; un déve-

loppement culturel en complément de l’enseignement formel, visant la transformation sociale, permettant à chacun de s’épanouir, de développer son libre arbitre et de trouver sa place de citoyen.

EN SAVOIR PLUS • http://maisonjeanvilar.org/public/07_jean_ vilar/index.html • www.festival-avignon. N° 613 - Été 2016 - Planète PAIX

23



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.