L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 619 / Février 2017
FEMMES/HOMMES : LA PAIX PAR L’ ÉGALITÉ
La paix par les musées (P.23)
Les réseaux sociaux, champ de bataille de l’info (P.8-9)
Dossier (P.11-16)
Exposition
aix la P e d ent m e uv Mo e L
VisagEs dE paix
n
ous sommes des jeunes de tous les continents. Nous ne sommes ni blasés, ni pessimistes. Au contraire, malgré les obstacles et les dangers d’un monde trop violent dont nous avons conscience, nous avons des envies folles et pourtant si raisonnables d’amour, de justice, de fraternité, de beauté, de vie tout simplement… Nos aspirations, nos utopies ne sont réalisables que par la paix. Merci aux initiateurs de nous avoir donné cette possibilité d’expression. Merci de l’attention que vous porterez à nos messages de paix à travers nos visages si différents et pourtant si semblables. Nous espérons que nos visions positives de l’avenir vous donneront l’envie d’agir, d’être des acteurs de paix pour construire ensemble le monde dont nous rêvons. 42 affiches, format A2, 170gr sur papier couché mat + plastification des 42 affiches. Prix 280 € TTC
www.mvtpaix.org
P
endant les conflits et les guerres, les femmes sont souvent les premières victimes des violences de tous ordres qui en découlent. Elles sont aussi les plus engagées dans des actions concrètes pour la construction de la paix et l’émergence d’une culture de paix et de non-violence. Cette exposition entend rendre lisible l’action de ces femmes ambassadrices de paix qu’elles soient célèbres ou pas. Cette exposition entend témoigner de leurs actions mais se veut aussi être un appel à l’engagement car chacun peut agir là où il est, à la mesure de ses moyens. 31 affiches, format A2, 170gr sur papier couché mat + plastification des 31 affiches. Prix 220 € TTC
Pour acheter ou louer les expositions contact : national@mvtpaix.org Tél : 01 40 12 09 12
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L’ÉDITO L’ÉDITO
SOMMAIRE Planète Paix n° 619 - Février 2017
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ACTUALITÉ
MOUVEMENT DE LA PAIX
P.6
Un Tour de France pour la Paix LIVRE BLANC POUR LA PAIX
L’égalité pour avancer
P.7
Un enrichissement avec nos partenaires SEMAINE DE LA PRESSE À L’ÉCOLE
D
P.8
Les réseaux sociaux, champ de bataille de l’info P.10
PROCHE-ORIENT
Monsieur le Président reconnaissez l’État de Palestine !
11
politiques ou professionnels au niveau qui est le leur.
P.13
Regard de la société selon que l’on est homme ou femme RÉFUGIÉES
du changement
que les vieilles cultures racistes
P.19
Au-delà de la Méditerranée
et hétéropatriarcales
nelle pour la parité en entreprise (2012). Et pourtant, on constate qu’il y a bien peu de candidates à la Présidence de la République en 2017, qu’un parlementaire sur 4 est une femme en 2016. De plus, les femmes étant sursélectionnées (diplômes, expérience, origine sociale) par rapport à leurs collègues, cela contribue à solidifier la stratification sociale, le féminisme promotionnel ne servant qu’à quelques privilégiées. Sans oublier que les femmes sont les principales victimes des violences de toutes natures. La lutte contre la remise en cause de certains acquis et
reviennent
contre les idées obscurantistes véhiculées par la droite et
P.21
au-devant de la
de l’investiture de Donald Trump, plus de 3 millions d’hommes,
De Kuri à Marseille
scène. ’’
CULTURE
l’extrême droite doit être menée tous ensemble. Au lendemain de femmes et de transgenres ont participé à la « Marche des femmes », résistance collective pour le respect des droits civiques dans 600 villes dans le monde.
P.22
LIVRES
Hérodote a 40 ans / Voix de femmes
Seules les « puissantes forces du changement que nous sommes » peuvent empêcher que les « vieilles cultures racistes
P.23
EXPOSITIONS
La paix par les musées
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 planete.paix@mvtpaix.org
conseils d’administration (2014), Convention interprofession-
P.20
Quand l’utopie devient la réalité REFUGIÉS
puissantes forces
peuvent empêcher
La nouvelle approche de désarmement humanitaire
PAIX PERPÉTUELLE
Seules les
que nous sommes
P.18
établir la parité : parité politique (2000), quotas d’administratrices (2011), féminisation progressive et obligatoire des
P.15
MONDIALISER LA PAIX
ENTRETIEN
Édith Boulanger
‘‘
Entretien avec Danielle Michel-Chich
A BORD DU PEACE BOAT
1836 et le baccalauréat en 1924. Plusieurs textes existent pour
P.14
Pour une vie en paix en Europe SURVIVANTE ET NON VICTIME
En France, l’enseignement primaire s’ouvre aux filles en
P.12
Les femmes Kurdes engagées pour la paix GENRE
Mensuel édité par
de la participation féminine aux Parlements
les femmes peinent à utiliser leurs diplômes dans des postes
FÉMINISME ET DÉMOCRATIE
LE MOUVEMENT DE LA PAIX
dépassé celui des garçons. En 2016, la moyenne
de 80% des postes de direction en entreprise. C’est dire que
FEMMES-HOMMES : LA PAIX PAR L’ÉGALITÉ
22
tion des filles dans l’enseignement supérieur a
nationaux s’élève à 11% et les hommes monopolisent plus
DOSSIER
18
ans le monde depuis 2002, le taux de scolarisa-
Directrice de la publication : Annie Frison Rédacteur en chef : Pierre Villard Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, Alexandre Dicko, Nadia Dorny-Bennad, Giselle El Raheb, Guillaume du Souich, Annie Frison,Jeannick Leprêtre, Nicolas Pitsos, Roland Nivet, Alain Rouy, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Roland Nivet, Pierre Villard, Édith Boulanger, JeanPaul Vienne, Nicolas Lavallée, Nicole Bouexel, Nursel Kilic, Yves-Jean Gallas, Giselle Noublanche, Marie Orset, Giselle El Raheb, Annie Frison, Raoul Alonso, Jean-Paul Vienne, David Carruthers (Asso BUG). Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
et hétéro-patriarcales reviennent au-devant de la scène » a déclaré Angela Davis. L’égalité entre les hommes et les femmes est un des huit domaines d’action de la culture de la Paix : avancer fait avancer la paix, reculer fait reculer la paix.
LE MOUVEMENT DE LA PAIX
Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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COURRIER DES LECTEURS POÈME
D! J’ai beaucoup apprécié l’un des derniers numéros qui fait le point sur l’état du pacifisme en Allemagne. Ou le papier de Jean-Paul Vienne sur les acteurs associatifs en Israël. Cela me conduit à penser que ces informations pourraient nourrir chaque numéro avec un éclairage sur chaque pays et…nourrir une rubrique régulière. L’exercice peut paraître facile mais ce n’est pas évident. Qu’en est-il de nos voisins comme la Belgique ou la Suisse ? Où en est le mouvement associatif et quelles sont leurs priorités ? La difficulté réside peut-être dans les capacités que nous avons à mettre en avant toutes les variantes de « pacifisme » dans un espace géographique. En France même, l’éventail est très large. Ne faisons pas de jaloux et refusons tout sectarisme. Il y a ceux qui sont mobilisés contre les armes nucléaires (que le lecteur de Planète Paix connaît bien, à force ! ) Mais pas que. Il y a matière à associer beaucoup de monde, beaucoup de mondes qui mériteraient tous d’avoir un tribune et des relais : ceux qui redoutent la militarisation au sein de l’école, de l’enseignement , depuis le nouveau protocole d’accord de mai 2016 entre les ministères de l’Education Nationale, de l’Agriculture et de la Défense ; ceux qui s’indignent des guerres inavouées menées contre l’environnement, dont la biodiversité, dont les associations locales minées par les manœuvres en tout genre, y compris demain au Larzac ; ceux qui voudraient instaurer à l’intention des jeunes un service civil qui se démarquerait 4
Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
de l’ancien service militaire, (et qui pourrait inspirer le personnel politique à court de programmes et en panne d’idées rénovantes; ceux qui brandissent les limites ou la faillite des interventions étrangères ; ceux qui voudraient abolir l’armée ou la Marseillaise ; ceux qui combattent la militarisation de l’économie, avec ou sans les forces syndicales ; ceux qui se concentrent sur les méfaits et l’anachronisme de l’OTAN dont son extension vers l’Est ou (plus récemment) vers la Colombie ; ceux qui estiment qu’il faudrait un jour ou l’autre se focaliser sur la militarisation rampante de la géo-ingéniérie par le biais des lanceurs d’alerte, quitte à titiller le milieu scientifique qui a probablement quelque chose à dire et dénoncer sur les potentialités de la guerre géophysique ; ou encore ceux qui se mobilisent pour remplacer l’ONU puisque cette institution ne remplit pas le rôle qui lui fut assigné en 1945…. Sans compter les associations féministes ou celles, regroupées souvent dans des réseaux internationaux, qui ciblent en priorité tel ou tel système d’armes… En dressant ce petit catalogue, qui est loin d’être exhaustif, on en déduira aisément que Planète Paix est très hétéroclite et que cette façon de décliner la paix arc-en-ciel a encore beaucoup de ressources et beaucoup de fronts à présenter. Ben Cramer Terrorisme En conclusion de son article « Tarir le lit du terrorisme », Planète Paix n°617, pages 12 et 13, Daniel Durand propose « la prévention par les droits humains ». Pourtant, en début d’article il juge illusoire et même dangereux de penser que « …le terrorisme est le simple résultat des crises et des guerres au MoyenOrient et des politiques menées par les occidentaux. ». Où serait aujourd’hui le danger d’une telle analyse que nos responsables poli-
Coopération Suite à la Journée internationale de la Paix, la municipalité de Laragne-Montéglin a souhaité donner un prolongement aux engagements des jeunes des écoles et de la MJC. Elle a utilisé un dessin d’enfant pour sa carte de vœux, et lors de la cérémonie des vœux, les candidats au concours de poème ont lu leur écrit. Nous vous envoyons celui-ci. Hubert Brunel (05)
Et si l’an nouveau Et si l’an nouveau était celui de la Paix Où les bombes au lointain cesseraient de tomber Sur des enfants et leurs mères Sur les peuples opprimés. Et si pour cette nouvelle année, Les maîtres du monde ensemble s’unissaient Pour offrir une terre plus belle A l’ensemble de leurs sujets. Et si l’an nouveau était celui du partage et de la tolérance Où chaque homme à son prochain pourrait donner sa chance Sans se soucier de sa couleur,sa religion,ses différences Et si l’année nouvelle était celle de l’amour et de la gaieté Où le soleil de mille éclats brillerait Pour réchauffer le cœur des hommes et ensemble les faire chanter. Et si l’an nouveau était celui de l’espoir... Sabine Pinet Giaime
tiques et les médias ignorent ? Le terrorisme n’est pas récent. Pour ne prendre que deux exemples qui concernent notre pays : de 1941 à 1944 les attentats contre les allemands qui occupaient la France et de 1954 à 1962 les attentats contre l’armée française qui occupait l’Algérie. Dans les 2 cas, c’est bien la politique des années d’occupation qui était le lit du terrorisme. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé, en particulier
les possibilités de déplacement, les facilités de communication, le perfectionnement des armes, le développement des intégrismes religieux…mais ce sont toujours les guerres contre les peuples qui alimentent le terrorisme. Et quand on veut tarir le terrorisme, n’oublions pas ces paroles du Chant des Partisans « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place ». Joël Frison (18)
Pour plus d’informations : www.traildelapaix.org
REPÈRES ... LIVRE
LIVRE
‘‘Pourquoi Trump ?’’ Comprendre les fractures de l’Amérique
‘‘La Chine conquérante’’ Enquête sur une étrange superpuissance
Livre collectif sous la direction d’Éric Fottorino. Éd. Philippe Rey
Jacques Gravereau Éd. Eyrolles, 284 pages, 19€
À travers l’œil avisé de plusieurs experts qui se sont intéressés au « phénomène Trump », ce livre fait l’état des lieux d’une Amérique divisée et fragilisée sur le plan politique, économique et social. Populiste, xénophobe, misogyne, homme de spectacle, milliardaire : Donald Trump est tout cela à la fois. C’est aussi la créature d’un système politique et médiatique qui l’a engendré et laissé prospérer, au point d’en faire le 45ème président des États-Unis. Comme l’écrit Mark Lilla, professeur de science politique à Columbia, « le fauve est lâché ». Avec ses excès verbaux, ses insultes et ses mensonges. Comment ce businessman arrogant, vulgaire et fraudeur du fisc, a-t-il pu s’imposer ? Que dit sa victoire de l’état de l’Amérique, du parti républicain, de la question raciale et migratoire outre-Atlantique ? Pourquoi les électeurs ont-ils préféré ce « monstrueusement riche », considérant qu’ils le comprenaient mieux et qu’ils pouvaient davantage s’identifier à lui qu’à Hilary Clinton ? Ce livre réunit les analyses des experts américains les plus avertis, croisés notamment avec les regards de deux anciens correspondants du Monde aux États-Unis, Robert Solé et Sylvain Cypel.
Faut-il craindre la Chine ? Après avoir réussi une émergence inouïe en moins de trente ans, ce géant de près d’un milliard et demi d’habitants se voit déjà en hyperpuissance mondiale et n’hésite plus à l’affirmer haut et fort. En faisant partout déferler ses exportations, en siphonnant les matières premières de la planète, la Chine peut-elle infléchir la marche du monde ? Ses gesticulations militaires tonitruantes en mer de Chine vont-elles mener à un conflit international majeur ? Quelle est la véritable nature de ce curieux régime, à la fois totalitaire et capitaliste, où un Parti communiste de 88 millions de membres règne sans contre-pouvoirs ? Jacques Gravereau décrypte avec beaucoup de finesse la Chine d’aujourd’hui et nous donne les clés pour comprendre de l’intérieur les modes de pensée de cette grande culture aux antipodes des standards occidentaux. Voici un portrait détonnant qui se lit comme un roman.
LIVRE
IMAGE DU MOIS
‘‘La géopolitique’’ Pascal Boniface
40 fiches comme autant de repères et clés pour se saisir de l’actualité du monde. Les défis : terrorisme, gouvernance mondiale, prolifération nucléaire, permanence de la guerre, réchauffement climatique, choc des civilisations, États faillis, guerres de l’espace et cyberguerres, migrations. Les principaux conflits et crises : Ukraine-Russie, État islamique, Israël-Palestine, Iran, Afghanistan, Inde et Pakistan, mer de Chine, Corée, Tibet, Boko Haram, Soudan, Syrie. Les tendances structurelles : fin du monopole occidental de la puissance, basculement des États-Unis vers le Pacifique, Chine, montée de l’opinion publique, redéfinition de la puissance, justice internationale, progrès de la démocratie. Des questionnements : fin des frontières, mondialisation universelle, impuissance de la puissance militaire, obsolescence des États, privatisation de la guerre, matières premières, compétitions sportives mondialisées, déclin de l’Europe (?)…
« Je n’accepte plus les choses que je ne peux pas changer. Je change les choses que je ne peux pas accepter» Angela Davis
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ LE MOUVEMENT DE LA PAIX
Un Tour de France pour la Paix Le Conseil national du Mouvement de la paix entend générer un débat citoyen en France sur les armes nucléaires, la Paix au Proche et au Moyen Orient, l’OTAN et la sécurité commune en Europe, autour d’un «Livre blanc pour la Paix » construit sur les valeurs d’une culture de la paix et de la non-violence.
EN SAVOIR PLUS • http://www.mvtpaix.org 6
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
Le jeunes de La Courneuve ont apporté leur contribution.
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n tenant son Conseil national de début d’année à la Courneuve, le Mouvement de la paix avait choisi une ville représentative des problématiques auxquelles des citoyens sont confrontés dans le cadre d’une mondialisation plus caractérisée par la domination les logiques ultralibérales de l’argent roi que par l’appel aux contributions des citoyens qui pourtant n’aspirent qu’à y prendre leur place. Le maire Gilles Poux accompagné de l’adjoint à la culture de la paix a rappelé dans ses mots d’accueil que « cette ville est le réceptacle de ce monde en bouleversement, de ce monde troublé par les guerres. Elle accueille des personnes de 103 nationalités qui ont été souvent poussées à l’exil par les guerres et une situation internationale ou les intérêts du monde occidental prennent souvent le dessus sur les intérêts des peuples » soulignant que les villes sont un des cadres obligés de l’action citoyenne pour la paix. La présence le samedi soir de Nabila une jeune Palestinienne, enseignante à Gaza où elle conduit un combat pour l’éducation dans et vers l’ouverture des enfants de ce territoire qui subit un blocus inhumain, montrait la nécessité de la solidarité internationale, de l’intervention des peuples dans la construction de la paix. La participation des jeunes de la ville à travers des scénettes qu’ils avaient écrites, l’accueil et la compréhension du centre culturel, et d’Éric son animateur, étaient bien à l’image de ces acteurs de paix qui malgré les difficultés, ont décidé, là où ils sont, de poser les fondements de la construction d’un monde de paix, de solidarité et de fraternité. En affirmant sa disponibilité pour les combats que nous menons, au nom d’une ville jumelée avec de nombreuses autres villes dans le monde Le Maire rejoi-
gnait les thématiques portées par les résolutions des Nations unies sur la culture de la paix qui affirment que la paix se construit du local au mondial en réunissant aussi bien les grandes institutions internationales, les Etats, les collectivités locales que les structures éducatives et bien sûr… les citoyens.
Des campagnes Ce conseil national se tenait à l’issue d’une période tragique avec la guerre en Syrie, le Moyen-Orient à feu et à sang, des attentats qui meurtrissent de nombreuses villes dans le monde ; mais aussi à la veille d’une période cruciale où les Français vont faire des choix décisifs pour l’avenir de leur pays. Les 80 participants en définissant pour les six mois à venir sous le nom de « Tour de France de la Paix » une action structurante, rassembleuse, diversifiée, décentralisée permettant des mobilisations locales et internationales ont ouvert le débat sur la question de la Paix, pour que cette question soit un des paramètres pris en compte par les citoyens dans leurs choix électoraux. Enfin en travaillant à la finalisation d’un livre blanc de la paix coécrit avec d’autres associations, il a ouvert la voie vers des campagnes ciblées pour un traité d’interdiction des armes nucléaires, pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine, pour la paix au Moyen et au Proche Orient, pour une sécurité commune en Europe, la sortie de la France de l’Otan, et pour l’émergence d’une culture de la paix et de la violence. Enfin rien de mieux que le magnifique concert de piano offert par Coraline Parmentier pour sceller l’union de l’art, de la culture, de la paix et de la citoyenneté et donner l’envie d’agir et de renforcer le Mouvement de la paix. Roland Nivet
ACTUALITÉ LIVRE BLANC POUR LA PAIX
Un enrichissement avec nos partenaires Initié depuis plusieurs mois, le Livre blanc pour la Paix entre dans sa phase finale de réalisation. Les contributions de nouveaux partenaires permettront de mettre dans le débat public des solutions alternatives pour la paix, enrichies par des analyses et des expériences concrètes nouvelles.
L
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élaboration du Livre blanc pour la Paix connaît une nouvelle dynamique que favorise en particulier la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies en faveur d’un Traité d’interdiction des armes nucléaires. Cet acquis constitue en effet un encouragement pour la société civile à mettre dans le débat public des solutions alternatives pour la paix. Il s’agit à la fois de dire non au projet de doublement des dépenses consacrées aux armes nucléaires en France (de 3,5 à 6 milliards par an) d’ici 2020 et d’obtenir un gel des programmes de modernisation. L’initiative entend également proposer des solutions alternatives impliquant une réorientation du budget de la défense dans le cadre d’une politique en faveur d’une construction de la paix s’inspirant de la Charte des Nations Unies et des huit domaines d’action de la culture de la paix définis par les Nations Unies.
Des partenaires engagés Pour Lilian Hallsfrench de l’Initiative Féministe Euro-Méditerranéenne « les questions de paix et de sécurité sont au cœur de l’activité de notre réseau car la sécurité humaine ne mérite ce nom que si elle est inclusive des deux composantes de l’Humanité. La démarche collective du Livre blanc pour la Paix est à cet égard une démarche salutaire qui sera un atout précieux face à l’ampleur sans précédent de la vague ultra réactionnaire qui menace nos droits, notre sécurité et nos libertés ». Pour Stéphane Jollant, coordinateur national des Pionniers de France « La construction d’un monde de paix nécessite d’appréhender la notion de paix dès le plus jeune âge. En effet il est
plus difficile de construire la paix, quand les adultes décisionnaires et citoyens se sont construits dans un monde en guerre, alors que les « gains » obtenus par la coopération sont moins visibles, moins explicites et plus diffus. C’est pourquoi la paix nécessite un apprentissage ». Michel Lafouasse, responsable de la commission non violente de Pax Christi, a fait parvenir un message dans lequel il rappelle que Le Pape François a déclaré en 2017 que « Nous sommes aux prises avec une terrible guerre mondiale par morceaux qui provoque d’énormes souffrances. La violence n’est pas le remède. D’importantes quantités de ressources sont destinées à des fins militaires et soustraites aux exigences quotidiennes de la grande majorité des habitants du monde ». Pour le Pape, dans son appel en faveur du désarmement et de l’abolition des armes nucléaires, « non seulement l’utilisation de ces armes, mais aussi leur possession est moralement inacceptable ». Quant à Philippe Hivert de la Mission Culture de paix de la Mairie de Grigny il insiste sur le rôle des collectivités locales qu’impulse l’AFCDRP (Association Française des Communes, départements, et Régions pour la Paix) car « au travers de l’élaboration et de la mise en place
d’un Plan Local pour la Culture de la Paix, il s’agit concrètement de sensibiliser la population à cet enjeu majeur en mettant en œuvre une démarche volontariste adossée au schéma désormais classique : « Agir local, penser global ». Cultiver la paix c’est par conséquent résister à l’air du temps en privilégiant, en toutes circonstances, le dialogue, la prévention des conflits, le respect de l’autre, le travail de mémoire, le lien social. » Dans ce contexte, Abraham Behar de l’AMFPGN (Association des Médecins Français pour la Prévention de la Guerre Nucléaire) après avoir montré tous les succès engrangés par la lutte (accords START 1, 2 et 3, interdiction des essais, Zone exemptes d’armes nucléaires, avis de la cour internationale de La Haye etc) estime que pour alerter l’opinion publique « il convient de choisir des objectifs intermédiaires, compréhensibles par tous, et immédiatement atteignables ». Bien d’autres contributions qui ne peuvent être mentionnées ici montrent que la rédaction collective de ce livre blanc est un facteur d’enrichissement mutuel et d’efficacité accrue. Il devrait être imprimé fin mars. Roland Nivet N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ SEMAINE DE LA PRESSE À L’ÉCOLE
Les réseaux sociaux, champ de bataille de l’info
L
es voies de communication font l’évolution. C’est en améliorant le passage en sentier, le sentier en chemin, le chemin en voie, la voie en route puis la route en autoroute que l’économie d’un pays se développe. Ce qui, avant, était une trace de l’activité humaine allant jusqu’à défigurer le paysage tend à devenir immatériel, virtuel. Les « autoroutes de l’information » permettent la distribution en quelques secondes d’un événement, d’une idée, d’une découverte, d’un fait divers.
La campagne
L’âge de l’informations
pouvoir est celui
La maîtrise et la diffusion de l’information sont une arme capitale dans les mains d’un groupe désireux de faire passer un message. Mais qu’estce qu’une information ? Qu’il lise, écrive, voie, entende ou dessine, un être humain est en permanence au contact d’informations. Sept jours sur set, 24 heures sur 24, consciemment ou non. Jamais, dans l’histoire de l’humanité, l’Homme n’a eu accès à autant d’informations qu’à notre époque ! De la grotte de Lascaux au fil Twitter, les informations laissées par des hommes et des femmes traversent le temps. Mais pas à la même vitesse. La « Révolution informative », est conceptualisée au milieu des années 70 par Zbigniew Brzezinski stratège du président américain d’alors, Jimmy Carter. En 1977, une publicité de l’Intelligent Business Machine (IBM) le proclame déjà : « L’histoire de l’humanité est habituellement décrite en termes d’âge... Aujourd’hui, il est généralement admis que nous avons entamé une nouvelle ère, une étape postindustrielle où la capacité d’utiliser l’information est devenue décisive... Ce nouvel âge est désormais nommé âge de l’information ».
d’Internet ?
« APARTNET »
présidentielle américaine a donné lieu à un résultat inattendu : le candidat le moins sérieux l’a emporté. Les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans ce fait historique. Quel
Deux données majeures sont au centre la guerre informative actuelle : Premièrement, la vitesse de circulation de l’information. Lorsque Samuel Finley Breese Morse réussit la première transmission électrique en 1838, il vient de dissocier transport humain et communication des messages. En 1858, le câble transatlantique est fini d’être posé et relie désormais l’Europe à l’Amérique. Les transactions 8
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
entre les différentes bourses d’échanges peuvent commencer… Lorsqu’en 1957, les officiels américains entendent le « Bip, bip » de Spoutnik 1, ils prennent conscience que l’ennemi soviétique possède la bombe atomique ET la capacité de la lancer sur le territoire américain depuis un lieu où les USA ne sont pas présents : l’espace. Pragmatique, le complexe militaro-industriel au cœur de la recherche américaine se pose alors cette question : « Comment, en cas d’attaque nucléaire, pouvoir faire communiquer par le président le feu vert à une frappe sur l’assaillant si les réseaux traditionnels sont hors service ? ». Universitaires, militaires et financiers vont tomber d’accord sur la nécessité de créer un réseau indépendant de l’extérieur et viable en raison de « nœuds » permettant de re-router une information au cas où l’une des branches du réseau est défaillante : l’Advanced Research Projects Agency Network, plus connu sous l’acronyme “Arpanet”, est né. Il est hébergé au DoD (Departement of Defense)… Le réseau va relier entre elles des universités à la pointe en matière de recherche grâce aux financements de l’US Air Force qui a en charge l’ogive nucléaire, et des postes de décision politique pour son utilisation. En 1972, la première démonstration publique officialisera l’évènement. Progrès mécanique, recherche informatique et évolutions technologiques font qu’en 45 ans un micro-processeur est passé d’une vitesse de 108 KhZ en 1971 à 4,2 GhZ en 2016 ! Comme si dans la même période les déplacements courants étaient passés de la charrette à bras à l’avion de chasse…
Timisoara Le premier exemple contemporain d’intoxication des masses par une information fausse date de décembre 1989 avec le « charnier de Timisoara » en Roumanie. Le 22 décembre, le couple Ceausescu qui dirige ce pays à la hauteur de sa folie a disparu. Timisoara, ville à l’ouest de la Roumanie, a été la première à se soulever contre le pouvoir central de Bucarest, six jours plus tôt. Lors des affrontements avec les forces de sécurité, 70 personnes sont tuées. La police politique, Securitate, tente de faire disparaître
o les corps mais les familles vont parcourir la région pour les retrouver. Les fosses communes du cimetière des indigents sont retournées… Interdits d’entrer, les journalistes occidentaux ne peuvent compter que sur les envoyés de l’agence de presse yougoslave Tanjung, agence officielle de la Yougoslavie communiste voisine de 50 kilomètres, qui couvre, filme et photographie ces exhumations. Le soir même sur TF1, ce commentaire : « Ceausescu, atteint de leucémie, aurait eu besoin de changer son sang tous les mois. Des jeunes gens vidés de leur sang auraient été découverts dans la forêt des Carpates. Ceausescu vampire ? Comment y croire ? La rumeur avait annoncé des charniers. On les a trouvés à Timisoara. Et ce ne sont pas les derniers ». Le lendemain dans Libération : « 4 630 cadavres. Timisoara libéré découvre un charnier. Des milliers de corps nus tout juste exhumés, terreux et mutilés, prix insupportable de son insurrection. » Du délire…
aient démontré que oui deux avions se sont bel et bien encastrés dans les Twin Towers et les ont fait s’effondrer, une théorie du complot toujours tenace s’est quand même diffusée sur la planète. Avec Internet chacun s’amuse à détourner des images, à leur donner une réalité à défaut d’une vérité. Les dernières élections américaines ont montré comment des flux d’informations fausses peuvent manipuler des votes. Même Donald Trump commence à l’admettre. Vladimir Poutine a lancé deux grands médias : la télé Russia Today et Sputnik, une agence de presse dirigée par Dmitri Kisselev, journaliste homophobe et antisémite nommé directement par Poutine, et présenté par Moscow Today comme « nouveau propagandiste en chef du Kremlin ». Réagissant à la démission du général Michael Flynn du poste de secrétaire américain à la sécurité nationale, Ilia Iachine, l’un des fondateurs du mouvement Solidarnost et un proche de l’opposant Boris Nemstov, tué au
pied du Kremlin en février 2015, déclarait notamment : « Le général Flynn est probablement le personnage le plus loyal à Poutine dans l’administration américaine. A Washington, il avait depuis longtemps la réputation d’un agent du Kremlin ». « Il coopérait avec la chaîne RT [Russia Today] généreusement financée par le budget russe », poursuit Ilia Iachine. L’éducation aux médias, au décryptage des informations est un enjeu majeur dans la formation citoyenne. L’éducation nationale vient d’en prendre conscience mais cela reste très timoré. Les réseaux électroniques sont aujourd’hui les médias d’une guerre presque invisible : la guerre de l’information. L’influence de Daesch sur les réseaux tend à démontrer qu’il est désormais plus facile de pirater des consciences que de pirater des serveurs…
Nicolas Lavallée
3,7 milliards de personnes connectées La deuxième donnée majeure au centre la guerre informative actuelle est que la récupération, la production et la diffusion d’information n’appartiennent désormais plus exclusivement à des structures indépendantes, ou à des professionnels de l’information mais peuvent être totalement individuelles et individualisées. Si tout le monde n’est pas journaliste, chacune des 3,7 milliards personnes connectées à internet peut devenir un média ! Et cette information peut même n’avoir aucune valeur dans les champs du réel et du possible. Vingt-huit ans après Timisoara la manipulation des images et des informations n’ont pas changées. La fausse information pullule et ses créateurs idéologiques vont même jusqu’à la nommer « faits alternatifs » ! De la série XFiles est reprise l’idée que « La vérité est ailleurs ». Après le 11 septembre 2001 et bien que des spécialistes en mécanique, en matériaux, en aéronautique, en matériel militaire N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ PROCHE-ORIENT
Monsieur le Président reconnaissez l’État de Palestine ! ’
en Janvier 2017 ouvrent sans doute
Une situation dramatique
L’adoption de la résolution 2334 par l’ONU, et la
conférence de Paris
essentielle à ce
2016 a été une année tragique pour le Moyen Orient. La situation parait bloquée, alors que perdurent la répression, les atteintes aux droits humains, la colonisation. Le blocus de Gaza rend la vie de la population insupportable. La reconstruction suite aux bombardements de 2014, n’avance pas, faute de matériaux. Cette absence de perspectives politiques et diplomatiques, pour une avancée vers une paix juste et durable au Proche-Orient, pousse au désespoir de jeunes palestiniens qui ne croient plus à une amélioration de leur sort. Pourtant la majorité de la population résiste et ne renonce pas à vivre dans ce pays sans frontières reconnues, et où les habitants ne peuvent même pas avoir un passeport. Cette oppression se passe dans l’indifférence générale, aussi bien de l’ONU que des grandes puissances qui laissent le premier Ministre israélien mener sa politique provocatrice, réduisant avec méthode le territoire palestinien. Cela remet en cause la perspective de l’existence d’un état palestinien viable, vivant pacifiquement aux côtés de l’état d’Israël.
processus.
Résolution de l’ONU
des opportunités nouvelles pour la Paix au ProcheOrient. La reconnaissance de l’Etat de Palestine par François Hollande avant la fin de son mandat serait une contribution
EN SAVOIR PLUS • www.assemblee-nationale.fr/14/ ta/ta0439.asp www.un.org/fr/sc/documents/resolutions/2016.shtml http://www.france-palestine.org http://www.mvtpaix.org 10
L
État de Palestine a été reconnu en France par l’Assemblée nationale le 11 décembre 2014. Vote confirmé par le Sénat. Quelques jours plus tard, Laurent Fabius déclarait « La France reconnaîtra la Palestine, ce n’est pas une faveur, pas un passe-droit, c’est un droit ». Pourtant en ce début 2017, ces décisions n’ont toujours pas été entérinées par le Président de la République. Laurent Fabius rappelait « c’est bien l’exécutif qui est « seul juge de l’opportunité politique » de reconnaître l’état palestinien ».
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
Malgré ce contexte désespérant, la diplomatie cheminait... Il y a eu la divine surprise de la fin d’année, la résolution 2334 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Barak Obama, à quelques jours de la fin de son mandat, n’a pas opposé le refus des USA. Ce vote historique intervient après
plus de 30 ans de blocage de tout acte remettant en cause la politique d’Israël, du fait du Veto des USA. La résolution affirme la nécessité de reprendre un processus de paix sur la base de la solution à deux états définie par les résolutions de l’ONU ; de respecter « le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est » ; elle condamne « la création des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est », et déclare que cette politique « constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ».
Pour un signal de fin de mandat En France François Hollande et son Ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, ont organisé une conférence internationale à Paris le 15 janvier 2017. Elle a rassemblé les représentants de 70 pays mais a provoqué la colère de Benjamin Netanyahou qui refuse de rencontrer Jean-Marc Ayrault pour discuter des résultats. Le texte final réaffirme le soutien à la solution à deux États mais n’apporte aucune nouveauté ni propositions politiques pour s’opposer à l’obstacle majeur de l’extension des colonies. Il préconise des partenariats avec les palestiniens et un « soutien aux mesures prises par les palestiniens pour renforcer leurs responsabilités étatiques ». Il juge légitime « le droit des palestiniens à un État et à la souveraineté ». Mais quelles responsabilités étatiques, quelle souveraineté, puisque, officiellement l’état palestinien n’a pas encore d’existence légale ? Dans ce contexte plus ouvert, la reconnaissance de l’État de Palestine par François Hollande, serait un signal fort pour initier un nouveau processus de paix et donner un message d’espoir aux palestiniens. La relance d’actions pour rappeler cette exigence est urgente, et en particulier la pétition du Mouvement de la Paix pour la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine (4). En y souscrivant, François Hollande terminerait son mandat par un acte d’éclat. Nicole Bouexel
MONDIALISONS LA PAIX
FEMMES/HOMMES : LA PAIX PAR L’ ÉGALITÉ
• FÉMINISME ET DÉMOCRATIE
Les femmes Kurdes engagées pour la paix • GENRE
Regard de la société selon que l’on est homme ou femme • REFUGIÉES
Pour une vie en paix en Europe • SURVIVANTE ET NON VICTIME
Entretien avec Danielle Michel-Chich
Planète Paix consacre depuis quelques années son numéro de février au domaine n°4 de la Culture de la Paix « l’égalité hommes/femmes ». Nous vous proposons quelques témoignages lumineux de femmes qui ont pris leur destin en main dans un esprit de solidarité. Elles ont décidé d’écrire, de parler pour faire reculer les discriminations et les préjugés toujours présents. D’autres témoignages d’associations partenaires du Mouvement de la Paix éclairent sur les difficultés que vivent au quotidien de nombreuses femmes et les actions de résistance qu’elles mènent faire avancer leurs droits. L’évolution de la société vers moins de dominations est sans contexte le chemin pour aller vers un monde plus apaisé pour les femmes et pour les hommes de notre planète.
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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DOSSIER
FEMMES/HOMMES :
FÉMINISME ET DÉMOCRATIE
Les femmes Kurdes engagées pour la paix était né. Toutes les femmes, au-delà de leurs différences sociales, se sont associées à ce mouvement qui se développait de jour en jour. Kurdistan terre de la résistance, la montée de la résistance est directement liée à la force de mobilisation des femmes. Sakine Cansiz fut une légende vivante par sa conviction et son attitude face aux geôliers de la prison de Diyarbakir. Malgré toutes les tortures et la répression durant son emprisonnement, son courage et sa force de caractère donnèrent la ligne à suivre à tous les autres détenus politiques. Elle fut la première femme politique à plaider devant les tribunaux en Turquie. Elle incarna le premier Manifeste du Mouvement des femmes kurdes.
Nursel Kilic est Représentante des femmes kurdes en Europe. Pour elle, féminisme et démocratie sont deux volets d’une même réalité. Elle témoigne de l’engagement des femmes sur le plan politique (élection de co-responsables mixtes) et social (lutte contre le patriarcat) dans la construction de la paix. 12
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
L
e Kurdistan terre des femmes, est terre de la révolution en attente d’une paix durable. L’histoire de ce pays, qui n’est toujours pas reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, ressemble à celle des femmes qui sont les premières opprimées face au système patriarcal. Colonisé avant même d’avoir une trace d’existence solide, le Kurdistan a toujours été occupé, envahi, témoin de toutes les formes de violences et d’injustices depuis des décennies. Les femmes qui furent et sont toujours les premières victimes et cibles de ces oppressions ont, malgré cette réalité, su protéger leurs valeurs qui font d’elles ce qu’elles sont aujourd’hui.
Une place centrale Leur principale valeur est celle de faire de la résistance face à l’ennemi par la transmission de la langue, de la culture et des chants. Des femmes artistes comme Ayse San et Meyrem Xan, toujours icones des nouvelles générations, sont, à travers leurs chants, les voix d’une histoire non écrite, celle du « Kurdistan ». Parallèlement à la vague de révolution des mouvements nationaux de libération dans le monde, les femmes kurdes ont elles aussi pris une place importante dans la lutte pour les droits du peuple kurde qui commençait à se construire dans les années 1970 en Turquie. Sakine Cansiz en fut l’une des figures emblématiques. À travers son parcours, du plus petit village aux métropoles, le noyau d’un mouvement qui est aujourd’hui connu à l’échelle internationale
Mixité Leurs luttes ont consisté à œuvrer à un nouveau contrat social, un nouveau modèle de société dont l’émancipation des femmes était le pilier principal contre le patriarcat. Révolution sociale et révolution féminine sont allées de pair. Le Rojava en est un exemple concret. Cette révolution sociale continue malgré l’ennemi, Daesh, toujours présent sur le territoire. Des centaines de femmes y combattent au prix de leur vie. La vie continue de se tisser sur cette ligne de résistance par des assemblées de femmes, des académies de femmes, des associations de femmes contre la violence et par le KONGRA STAR fédérateur de toutes les organisations de femmes sur place. Et par le système de co-présidences mixtes à tous les niveaux des instances décisionnelles. Une telle force de transformation sociale dans un tel contexte porte espoir à tous les peuples de la région mais aussi à l’humanité. La paix se construit, malgré toute la répression qui perdure sur notre terre. Les jeunes femmes et hommes, kurdes et issus des autres ethnies du Kurdistan, continuent à bâtir la paix. En Turquie, malgré toutes les attaques du gouvernement Erdogan, les femmes continuent de lutter contre toutes les régressions. Confrontées aux menaces et parfois à des actes inhumains, elles ne lâchent pas prise sachant que c’est seulement à travers leur engagement que le combat continuera jusqu’à la victoire. Nursel Kilic
: L A PA I X PA R L’ É G A L I T É GENRE
Regard de la société selon que l’on est homme ou femme Olivia milite pour faire connaître la situation des transgenres, pour dé-médicaliser et dé-psychiatriser le parcours de transition. Elle a participé à l’élaboration d’un amendement à la loi sur la procédure du changement de sexe à l’état civil.
N
ous avons rencontré Olivia, architecte et urbaniste, qui, née garçon, réalise très jeune, comme tous les transgenres, qu’il y a une contradiction entre le genre auquel il s’est senti appartenir et le corps que la nature lui a donné. Ce n’est pas un choix. L’appartenance à son genre ne changeant pas, c’est bien au corps de changer. On ne sait pas pourquoi on est transgenre, mais on le sait ! Et ce n’est pas une maladie mentale comme cela a été considéré jusqu’en 1982 en France! Aussi c’est à l’âge de 57 ans qu’il décide de suivre un traitement hormonal, de se faire opérer et de devenir Olivia.
Planète Paix : Les personnes transgenres dérangent, le sexe ne définissant pas le genre. Quelle est la différence entre genre et sexe ? Olivia Chaumont : Le concept de genre « gender » apparait aux USA dans les années 1950 mais il faut attendre les années 1970 pour abandonner la détermination du genre par la nature au profit d’une construction culturelle et sociale. C’est une avancée fondamentale dans la mesure où, si les genres ainsi que les rapports entre les hommes et les femmes ne relèvent plus de la nature-et par là même du Divinmais au contraire sont liés à l’histoire et à la société, il devient possible de les transformer. Les inégalités ne sont plus inéluctables pas plus que les rapports de pouvoirs entre homme et femme.
PP : Changement de corps mais pas de genre : Enfin, votre corps correspond à la femme que vous avez toujours été, comment percevez-vous le regard de la société selon que l’on apparait comme un homme ou comme une femme ?
EN SAVOIR PLUS • Livre : Olivia Chaumont ‘‘D’un corps à l’autre’’. Éd. Robert Lafont, 2013
OC : Déjà consciente des inégalités entre les sexes, tout à coup, je découvre les codes liés au genre, les clivages h/f. En tant que garçon, les portes s’ouvrent d’elles-mêmes, à partir du moment où mon corps est devenu celui d’une femme, de nombreuses portes réelles et symboliques se sont fermées, les femmes parlent bébé, les hommes affaires… Rester femme dans la conquête du pouvoir est loin d’être acquis. Les femmes qui exercent un pouvoir politique, ou dans les entreprises, ne remettent pas en cause, pour la plupart, les formes actuelles
du pouvoir en prenant à leur compte des éléments non féminins. Dans les luttes de pouvoir, on retrouve le côté animal : c’est la règle du mâle dominant, le vaincu est soumis au vainqueur. Au départ, le rôle de chacun étant déterminé par la force physique, c’est l’homme le plus fort qui gère la cité, sans la femme. Mais les rapports sociaux de pouvoir se sont construits petit à petit et le système de civilisation évoluant, les femmes ont pris de plus en plus de place. La construction du genre évolue : par exemple, les femmes peuvent lâcher des bombes et les hommes peuvent prendre soin d’eux-mêmes ! Des passerelles h/f deviennent fréquentes. À partir du moment où le genre est évolutif et ne dépend pas du sexe, le rapport de pouvoir entre homme et femme change. Les premiers mouvements féministes luttent pour l’acquisition et l’égalité des droits (le droit le plus spectaculaire au début de 20ème siècle est celui du vote des femmes) puis dans années 70 pour la liberté de leur corps (le droit le plus spectaculaire est celui de l’IVG) et aujourd’hui la 3ème étape concerne le rôle de la femme dans la société : à droit égal, à diplôme égal, pouvoir égal. Dans l’état actuel, si deux hommes se battent pour un poste, le vaincu se soumet mais si c’est une femme qui l’emporte, souvent, l’homme n’accepte pas son autorité. Ce n’est pas rationnel, cela va loin dans l’inconscient collectif. L’homme doit accepter de partager le pouvoir et la femme ne doit ni se soumettre ni reproduire le schéma machiste et accepter de jouer un rôle différent de celui des hommes. Abandon de la vision manichéenne du genre : pas de patriarcat ni de matriarcat. Ce combat n’est pas celui des femmes seules mais un combat mené ensemble hommes et femmes. La maturation de la société ne peut se faire qu’ensemble. Plus de rapport de domination, de soumission, appréhension du pouvoir politique par des médiations, des négociations : comme le pouvoir partagé n’a jamais existé, il peut se révéler très prometteur pour la société notamment pour l’appréhension de la Paix. Propos recueillis par Édith Boulanger et Yves-Jean Gallas
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DOSSIER
FEMMES/HOMMES :
REFUGIEES
Pour une vie en paix en Europe C’est à travers des histoires concrètes que l’on comprend la réalité des choses. On peut ainsi évoquer ces luttes de femmes déplacées, dans une Europe où elles espéraient la Paix après un voyage très long et parfois très dangereux. Gisèle Noublanche nous parle des familles dont elle s’occupe actuellement.
L
e thermomètre, ce matin, indique moins cinq. 900.000 personnes seraient sans abri. Dans la rue, on meurt en moyenne à 48 ans. Mais là, combien vont mourir ? Ils et elles sont là : des femmes, des enfants, dont certaines et certains viennent de loin, pour être à l’abri de la guerre, manger à leur faim, pouvoir faire un projet d’avenir possible, « avoir une vie meilleure ». Nous sommes à Paris, Place Clichy et Porte de la Chapelle, et ailleurs. Dans le métro aussi. Stalingrad a été grillagé pour empêcher les installations. Pendant ce temps, huit milliardaires se partagent les ressources de la moitié la plus pauvre de la population du monde.
La force de l’espoir Affronter tous les problèmes à la fois, vaincre la peur, survivre. Se reconstruire pour continuer à se tenir debout, espérer à nouveau une vie meilleure, normale, un projet de vie pour les enfants. Mais qu’est-ce qui donne aux femmes cette force et cet espoir ? On pense d’abord au besoin de survivre, avec les enfants, et que les besoins essentiels soient couverts. Cela les oblige à surmonter tous les obstacles, une fois qu’elles sont là. Ces histoires sont toutes « dures ». Aux permanences, on ne voit plus que des gens qui ont des histoires dures et des dossiers complexes. C’est aussi l’aspiration légitime à avoir une vie normale, pour toute la famille. Face au désespoir, c’est ce farouche entêtement à rêver d’un ordre social plus juste et en paix, et d’accéder à ce que sont tous les symboles de la culture pour que les enfants aient une vie meilleure que la leur.
Toutes ces épreuves ne sont pas sans conséquences, et sur les enfants, et sur leur vie de couple. Personne n’en sort réellement indemne. Celles qui s’en tirent le mieux, grâce à leur niveau culturel, ont néanmoins besoin de chercher conseil et d’avoir des amitiés autour d’elles, de se faire de nouveaux points de repère à travers notre société si complexe. Nous avons en ce moment une avocate qui s’appuie sur une militante institutrice à la retraite pour monter son dossier à présenter en Préfecture.
Pour une carte La Préfecture, çà reste le Croquemitaine. Toute la vie et la survie économique en dépendent. On peut y faire la queue devant, une nuit et une matinée, et ne pas avoir le droit d’y entrer. Même sans ressources, sans droit au travail, et alors qu’on exige d’elles des preuves de ressources suffisantes, il leur sera demandé, le jour où elles auront réussi à obtenir le droit de séjourner sur ce sol, 550 euros en timbres fiscaux pour pouvoir retirer cette carte « magique » qui fera qu’elles ne risqueront plus l’expulsion. Il y aurait à présent des cartes pluriannuelles, mais les conditions d’attribution et les nouvelles dispositions renforcent beaucoup les dispositifs de « surveillance ». Il devient ainsi facile de leur retirer cette carte. Elles ont compris que « la France ne veut pas d’elles ». Mais il y a les enfants qui feront leur vie ici, et cela vaut tous les sacrifices.
Vivre Il y a sans doute toujours une immigration d’artistes, comme au temps de Joséphine Baker. Il y a aussi encore un contingent d’immigration forcée par des réseaux de prostitution, comme depuis les traites diverses. Une calamité dans laquelle des femmes se font piéger, souvent pour aider la famille. Mais il est nécessaire de parler de cette immigration due aux désordres du monde, celle de ces femmes qui veulent vivre à tout prix et donner un avenir meilleur à leurs enfants. C’est celles-ci, en demande de régularisation au titre du séjour, que je connais le mieux. Avec leurs histoires particulières, elles ont parfois échappé à la mort. Giselle Noublanche
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N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
: L A PA I X PA R L’ É G A L I T É SURVIVANTE ET NON VICTIME
Entretien avec Danielle Michel-Chich Traductrice, essayiste - née en 1951, blessée (elle a perdu une jambe) en 1956 dans l’attentat du Milk Bar à Alger. Elle refusa toujours d’être considérée comme une victime et se sentit humiliée d’avoir été utilisée à l’époque, à son insu, en double page dans Paris-Match pour horrifier la France et l’unir contre les Algériens.
P
lanète Paix : Vous avez écrit « Lettre à Zohra D. » en 2011, cinquante-cinq ans après l’attentat dont vous avez été une des victimes, pourquoi avoir attendu si longtemps ? Danielle Michel-Chich : Si cette histoire a fait mon identité, je n’ai jamais voulu me laisser réduire à ce que cette histoire a fait de moi. Pourtant, en 1956, ma grand-mère qui m’avait emmenée manger une glace au Milk Bar fut tuée et je perdis une jambe. Ma famille vivait à Alger et nous ne sommes revenus en France qu’en 1962 où je suis entrée au collège. Je travaillais bien et lisais beaucoup avec un appétit de vivre immense. Après le bac, j’ai voulu vivre une vie d’étudiante « normale » en quittant ma famille toujours très éprouvée. Je me suis construite et j’ai toujours vécu en marge de cet événement. C’est mon frère, né deux ans après l’attentat, qui a repris à son compte le malheur et la colère de mes parents.
PP : Vous avez choisi la phrase de Jean-Paul Sartre « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nousmêmes de ce qu’on nous a fait » pour l’ouverture de votre livre. D.M-C : Oui car elle me correspond, le sentiment de haine ne me tentait déjà guère naturellement, puis mes choix politiques, ma culture humaniste m’en ont protégé. C’est sûrement ainsi que j’ai sauvé ma peau. Je n’ai jamais voulu être une victime. Je suis une survivante. Je suis effondrée de la victimisation faite actuellement des personnes ayant subi un attentat, c’est leur donner une nouvelle identité rendant leur reconstruction dans le temps plus difficile.
PP : Comment ce livre a-t-il été reçu ? D.M-C : Déjà il fallait, pour moi, que je l’écrive; j’ai pleuré en l’écrivant, des larmes d’étonnement et de paix mais aussi des larmes de déception car je me suis sentie frustrée de découvrir, ce qui, à mon avis, sont les vraies motivations de « Zohra ». Ce qui m’a plongée dans un terrible paradoxe car je suis une féministe convaincue et engagée. Tout est très
troublant : le livre s’adresse à cette femme qui a refusé de me parler alors que nous étions invitées toutes les deux à un colloque à Marseille pour les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie. Sans colère, ma seule demande était de réfléchir à la question morale de son acte car elle avait choisi de poser cette bombe. J’ai pu aussi renouer avec une femme qui perdit un bras lors du même attentat et avec qui je fus hospitalisée pendant 6 mois. Nous étions amies mais nos parcours divergèrent ensuite. Elle m’a écrit après la publication de mon livre, elle considère « Zohra » comme son bourreau et pour elle aucun pardon n’est donc possible.
PP : Pouvez-vous nous parler de Zohra et nous donner votre sentiment sur le terrorisme ?
D.M-C : Le paradoxe est que ces moudjahidates étaient des pionnières voulant passer à l’action urbaine. Les raisons de l’engagement de Zohra Drif sont peu claires pour moi. Étudiante en droit et issue d’une famille bourgeoise algérienne, elle a été la seule femme à rester au pouvoir de 1962 à nos jours. La question morale reste la même aujourd’hui mais nous avons affaire à des kamikazes et les très jeunes filles qui partent pour le djihad cherchent davantage le mythe du prince charmant, c’est le contraire de la guerrière libérée. Que faire contre la guerre ? La France a été vaincue en Algérie, c’est peut-être pourquoi elle a eu plus de mal à faire la paix avec les Algériens qu’avec les Allemands. Les femmes ont un grand rôle à jouer pour aller vers un monde de paix et elles doivent prendre la parole. C’est ce que font ces Israéliennes et ces Palestiniennes mères de victimes qui se battent ensemble pour la paix. Comme je l’ai exprimé à la fin de ma lettre à Zohra : « Je referai ce chemin. Celui de partager depuis l’enfance l’aventure de non-résignés. Je vous l’ai dit avec force : je ne veux pas mon nom parmi ceux des victimes ». Propos recueillis par Édith Boulanger et Yves-Jean Gallas
EN SAVOIR PLUS Bibliographie : • Déracinés (Calmann-Lévy, 1990) • Viens chez moi j’habite chez mes enfants (Bayard Éd., 1996) • Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs (Éd. des femmes, 2007) • Lettre à Zorha D. (Éd.Flammarion, 2012) N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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RÉFÉRENCES PARCOURS DE MILITANTES L’année 2016 a été le théâtre de nombreux évènements dramatiques ou d’attaques d’envergure contre les femmes et les hommes du peuple en France et des peuples du monde. Les plus marquants d’entre eux ont été la loi Travail imposée par le 49-3, les attentats terroristes, les bombardements de la Syrie et de l’Irak et les flux de migrants fuyant les guerres, la misère et la pauvreté ! En contrepartie, elle a vu descendre dans la rue des milliers de manifestantes et manifestants venus crier leur opposition à la loi El Khomri ! Et la contestation s’est prolongée dans de nombreux secteurs,…nous mettons en relief celle des travailleuses dans les « métiers féminisés », ceux qui sont exercés majoritairement par des femmes, qui ne désarment pas pour exiger la reconnaissance de leur travail et des conditions de travail correctes. Elles sont aussi très mobilisées contre les politiques d’austérité qui ont cassé les services publics, à commencer par l’hôpital public qui n’est plus en mesure de répondre aux besoins de santé de la population. Confrontées très souvent aux horaires fragmentés, aux temps par-
tiels et aux faibles rémunérations, au travail du dimanche, concentrées dans des secteurs où les abus sont monnaie courante, elles vivent dans leur propre chair le renforcement de la surexploitation. Trois « fausses couches à la caisse » ont été rendues visibles au cours des derniers mois, le droit des salariées à la maternité est mis en cause. Elles ont encaissé les lois du gouvernement les unes après les autres : Macron, El Khomri. Mais elles résistent, elles persistent et luttent dans l’hôtellerie, le commerce, le nettoyage, l’aide à la personne. Grèves, actions sont aussi à l’ordre du jour dans les hôpitaux, EHPAD, polycliniques, écoles,… Ces actes de résistance ne sont que le reflet d’une profonde colère et d’une révolte qui d’ores et déjà marquent les fondements de cette nouvelle année 2017 qui s’annonce grosse de contestations. Nous puisons nos forces dans ces résistances. Ce sont elles qui alimentent notre détermination pour affronter toutes les bagarres à mener, pour faire face aux enjeux à venir. C’est cette confiance et cette envie de nous battre que nous voulons partager avec vous. Femmes Égalité
Avocate pénaliste, Sylvie Boitel milite aussi dans de nombreuses associations de Paris 12ème. Elle a été présidente de la LDH Paris 12ème et de la Maison des Ensembles du 12ème, et organise, au sein du Collectif de Vigilance Paris 12e - RESF (Réseau des Éducateurs Sans Frontières) Paris 12e, des parrainages de sans-papiers avec l’aide des élus. Sylvie reconnait avoir profité des combats de ses ainées et de pouvoir ainsi en mener d’autres. Étudiante en droit, c’est en participant à un collectif de soutien à un jeune, accusé injustement dans un dossier criminel, qu’elle décide d’être avocate pénaliste. Elle admire le travail acharné des 4 avocats lors de ce procès difficile et émotionnellement très fort. Elle fait alors une rencontre déterminante en la personne d’Henri Leclerc, Président d’honneur de la LDH (Ligue des Droits de l’Homme). Elle prête serment en 1997, peu de femmes alors occupent cette fonction. Elle débute dans le cabinet de Jean-Jacques de Felice, avocat pénaliste se réclamant du pacifisme et de la non-violence. Et c’est ainsi qu’elle devient l’avocate de nombreux Kurdes. Elle se souvient encore avec émotion de la 1ère fois où elle a obtenu l’asile politique pour un Kurde ! Cette activité a été très prenante en 1999 lors de l’arrestation d’Öçalan, leader du PKK, puis de février 2007 à août 2012, où beaucoup de militants kurdes furent interpellés et emprisonnés. Le harcèlement politico-judiciaire a beaucoup diminué depuis 2012. Depuis 4 ans,elle représente les familles des 3 femmes kurdes assassinées à Paris le 9 janvier 2013. Sylvie Boitel connaissait bien Rojbin Dogan. Cette dernière se situait au cœur des 3 cultures française, kurde et turque, et militait au niveau européen pour porter la voix de tout le peuple kurde, pour l’égalité homme-femme, et contre le patriarcat. Pour la première fois en France, aurait pu se tenir le procès d’un assassinat politique sur notre territoire. Mais cette chance historique s’est évanouie avec la mort,des suites d’un cancer,del’assassin présumé, 1 mois avant l’ouverture du procès. Sylvie Boitel réfléchit actuellement,avec les autres avocats de ce dossier, sur la manière de poursuivre la recherche de la vérité et de la justice. Elle reconnait que dans son métier il y a une certaine inégalité dans les carrières des hommes et des femmes. De même, elle ressent fortement les effets de l’augmentation de la pauvreté en France dans les causes qu’elle doit plaider.
Revue : Manière de voir 150 (décembre 2016-janvier 2017) Le Monde diplomatique : FEMMES la guerre la plus longue.
Marlène Tuininga, ambassadrice de Paix nous parle de ses livres « Des femmes pour la paix ? Des femmes pacificatrices ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Les femmes ne sont-elles pas les égales des hommes, donc capables d’autant de violence qu’eux ? » Quand, il y a quelques années déjà, les Editions Charles-Léopold Mayer m’ont invitée à écrire un livre sur ce thème, j’avais réagi comme la plupart de mes compagnes féministes occidentales. Avec indignation. Puis je me suis mise à voyager. Et j’ai trouvé aux quatre coins du monde, dans des pays en guerre, sortant de la guerre ou vivant dans la misère ce qui se passe entre femmes quand leurs maris, leurs frères, leurs fils - partis se battre, en prison, morts ou exilés – ne sont plus là. S’organisant en groupes, en coopératives, en clubs, elles prennent l’ensemble de leur société en main 16
au service de la vie et de la survie. Selon des critères tout autres que ceux des hommes : la paix, la coopération, la non-violence. J’ai raconté ces histoires se déroulant dans 18 pays différents dans « Femmes contre les guerres – carnets d’une correspondante de paix » Dans un deuxième livre, « Journal d’une féministe décalée - adieu Saint-Germain-des-Prés » je cherche à comprendre ce qui dans ma vie mouvementée et aventureuse de femme, pas tout de suite féministe, m’a préparée à la découverte de ces groupes de femmes dont le vécu me semble ouvrir à la naissance d’une forme de féminisme nouvelle et prometteuse pour l’avenir de l’ensemble de l’humanité
On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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MONDIALISONS LA PAIX A BORD DU PEACE BOAT
La nouvelle approche du désarmement humanitaire
Le Peace Boat est un ancien bateau de guerre. Transformé par une association japonaise, il navigue sur les mers du monde entier en accueillant des jeunes de différents pays pour une culture pacifiste commune. Marie Orset, jeune enseignante ardéchoise est montée à bord cet automne. Elle raconte son aventure.
P
endant 2 semaines, avec 5 jeunes du monde
cohérente et inclusive pour le désarmement, objectifs de déve-
entier et des spécialistes japonais et américains,
loppement durable, témoignages d’hibakushas, sont autant de
j’ai embarqué sur le Peace Boat. 4 thèmes au
thèmes qui occupent nos réflexions.
programme : comprendre les conséquences
20 Octobre : Arrivés à New-York au petit matin, nous pré-
humaines des armes nucléaires / abolir les armes : réussites
sentons à l’ONU notre plan d’action sur le rôle que peut jouer
et leçons apprises / Droit international et système onusien /
la société civile pour faire en sorte que la conférence visant à
Développer l’action pour le désarmement humanitaire. Puis
mettre en place les normes juridiques nécessaires à l’interdic-
direction New York pour présenter un plan d’action à l’ONU
tion des armes nucléaires en 2017 soit un succès. Nous avons
à la Première Commission de l’Assemblée Générale où les
d’abord identifié 3 problèmes clés : les conséquences huma-
représentants des 193 Etats membres traitent des questions de
nitaires des armes nucléaires, les risques que représentent les
désarmement et de sécurité internationale.
16 000 armes nucléaires qui existent encore aujourd’hui et les
6 octobre : La première journée à bord est teintée de mal
inégalités créées par la possession de ces armes. Les solutions
de mer pour beaucoup, je me sens pour ma part à l’aise à bord
que nous avons proposées à l’ONU sont de plus faire entendre
de ce gros bateau. Conférences sur les aurores boréales, expo-
les témoignages des hibakushas pour montrer les consé-
sés sur les initiatives de désarmement dans nos pays respectifs
quences qu’ont eu les bombes nucléaires qui ont été utilisées,
(Japon, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Australie, Norvège et
changer de discours pour montrer que les risques d’utilisation
France), présentation du « Projet Hibakusha1 », réflexions sur
ou d’accident existent vraiment et promouvoir les objectifs
les femmes, la paix, le développement et la sécurité... Le voyage
de développement durable et le concept de sécurité humaine,
commence par un large aperçu de la situation et des enjeux du
c’est à dire sécurité physique, développement et justice pour
désarmement.
les peuples. C’est la responsabilité des Etats d’investir dans ces
11 octobre : Port de Reykjavic. Une journée libre pour la dé-
objectifs plutôt que dans une sécurité militarisée. Et en tant
couverte, et une journée de travail pour rencontrer les conseil-
que société civile c’est à nous d’appeler notre gouvernement
lers municipaux sur le thème : « Comment les citoyens et les
à le faire.
politiques peuvent-ils travailler ensemble pour construire une
21 Octobre : Ce beau voyage s’est conclu par une journée
culture de la paix ? » et visiter la maison Hofdi (en 1986 Rea-
très émouvante avec des lycéens new-yorkais, des artistes et
gan et Gorbatchev y décidèrent de l’élimination de leur arse-
des hibakushas sur le thème de l’art et la paix.
nal respectif de missiles intercontinentaux). Le bateau repart le soir pour échapper à la tempête qui approche. Direction
Epilogue :
l’Amérique. Le lendemain, nous continuons cette réflexion sur
27 octobre : ONU - vote de la résolution L41 « Faire avancer
le rôle des villes pour promouvoir le désarmement. Les 8 jours
les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire »
de traversée de l’Atlantique sont nourris par des échanges,
par 123 Etats pour, et 38 contre (dont la France)
réflexions et travaux sur le plan d’action que nous présente-
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N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
rons à l’ONU. Processus de construction des normes à l’ONU et
Marie Orset
conditions pour une norme internationale efficace, approche
1 - Victimes vivantes des conséquences des bombes atomiques
MONDIALISONS LA PAIX ENTRETIEN
Au-delà de la Méditerranée En décembre1, nous annoncions la traduction en arabe de l’exposition « Visages de Paix ». Nabila Kilani, responsable du centre culturel de Beit Lahya dans la bande de Gaza, partage aujourd’hui ce partenariat avec nos lecteurs. Quand internet favorise la construction de solidarités citoyennes.
P
lanète Paix : Qui es- tu ? Nabila Kilani : Je suis Nabila Kilani. Je vis au nord de la bande de Gaza dans le village Beit Lahya, à la frontière avec
les territoires occupées par Israël. Je suis Prof d’anglais et activiste humanitaire. Je travaille avec plusieurs associations françaises solidaires du peuple palestinien.
PP : Quelle est la situation dans la bande de Gaza ? NK : La bande de Gaza est sous blocus depuis presque 10 ans. Avec la dernière agression contre Gaza la situation s’est aggravée. Beaucoup de morts parmi lesquels des proches. La vie devient de plus en plus difficile et couteuse avec la pauvreté, le chômage, les nombreuses coupures d’électricité, le manque de gaz de ville et l’eau du robinet non potable PP : Quelles sont tes activités ? NK : Mon père m’a appris l’histoire de Palestine et ce que veut dire résister. J’ai décidé d’aider dans les hôpitaux, dans les écoles servant de refuge, malgré les bombardements et l’affolement général. J’aide aussi ceux qui sont abrités dans des containers. Je lance des
première partie d’une bibliothèque, équipement man-
PP : Comment trouves-tu l’accueil du peuple français ?
appels, je récolte de l’argent pour des réservoirs d’eau,
quant dans toute la région. Nous avons choisi la salle la
NK : La solidarité des citoyens est touchante. Mais je
pour des ventilateurs, pour l’hôpital Shifa, le parrainage
plus convenable, fait la peinture et mis la moquette et
trouve que vous ne riez pas assez, alors que vous vivez
des enfants. J’essaye de trouver des logements pour les
des armoires avec des couleurs gaies.
en Paix. Je suis très heureuse de la décision du Conseil
personnes âgées.
National du Mouvement de la paix votée à l’unanimité PP : Comment as-tu rencontré le Mouvement de la
afin de permettre de rémunérer un poste d’enseignant
PP : Quelles sont les activités du centre éducatif ?
Paix ?
pour le centre culturel de Beit Lahya. Au-delà du sou-
NK : J’ai fondé le centre culturel et éducatif de Beit
NK : Nous avons eu les premiers contacts via internet
tien matériel j’espère que ce partenariat nous permet-
Lahya avec l’aide d’amies. Notre village est souvent atta-
avec Isabelle Gadeau et l’atelier d’éducation à la paix de
tra de nouer des liens individuels source de fraternité
qué et les paysans voient petit à petit leurs terres dispa-
Rennes. On a fait une activité commune autour de la
dont nous avons tant besoin et dont les enfants ont
raître et les infrastructures détruites. J’ai pensé que la
réalisation par les enfants « d’arbres à souhaits ». En-
besoin pour grandir et rêver.
culture et l’éducation étaient des biens indispensables
suite lors d’un camp d’été nous avons échangé via une
et indestructibles. Nous avons décidé de nous investir
vidéo conférence. Puis en Novembre 2016 nous avons
dans cette voie afin de donner aux enfants la chance
participé à l’exposition « Visages de paix ». Nous avons
d’étudier, d’être soutenus matériellement et psycholo-
traduit des panneaux en Arabe. L’impact de cette expo-
giquement et aussi d’aider les femmes en particulier
sition sur la population de la bande de Gaza a été impor-
les veuves et les divorcées Nous avons commencé à
tante. Ici les gens espèrent la paix. En lisant les textes ils
équiper le centre avec les restes de mon appartement
ont senti la solidarité dont nous avons tant besoin pour
bombardé. Nous faisons des cours de soutien scolaire-
résister à l’injustice et casser le blocus. Beaucoup de
set psychique, des activités ludiques. On organise des
personnes sont venues voir l’exposition qui a fait l’objet
excursions. Récemment nous avons mis en place la
d’une émission sur TV Palestine.
Propos recueillis par Roland Nivet 1 Voir Planète PAIX N° 617
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
19
MONDIALISONS LA PAIX PAIX PERPÉTUELLE
Quand l’utopie devient la réalité
L
Une paix très durable ? Entre deux pays frontaliers ? Qui plus est, scellée par un « traité de paix perpétuelle » ? Un rêve de doux pacifistes, diront beaucoup. Pas forcément.
EN SAVOIR PLUS • « Suisse et France - Cinq cents ans de Paix perpétuelle 1516-2016 », Gérard Miege et Alain-Jacques Tornare, Éditions Cabédita, 152 pages. 20
N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
a France et la Suisse ont célébré, en novembre dernier, le 500ème anniversaire du Traité de Paix perpétuelle, signé le 29 novembre 1516 à Fribourg (Suisse) entre la France de François 1er et la Suisse des XIII cantons de l’époque, ce qui, par la même occasion, consacrait l’indépendance de la Confédération Helvétique face au Saint Empire Romain Germanique et aux Habsbourg en particulier. Ce traité faisait suite à la célébrissime bataille de Marignan (1515) qui opposa, comme on ne le sait pas toujours, les troupes françaises à une très rugueuse armée suisse, alors connue pour ne pas faire de quartier. Ce sont les Suisses qui avaient inventé la hallebarde. Et ils savaient s’en servir, les bougres. Le Duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, l’avait déjà appris à ses dépens quelque temps auparavant. Mais les dirigeants français et suisses estimèrent alors de l’intérêt de leurs pays respectifs (qui n’étaient pas vraiment frontaliers à l’époque) d’établir une relation de paix durable, sur la base de l’intangibilité des frontières et des droits souverains de chaque partie. La France, en particulier, s’engageait à « ne pas molester par les armes » cette Suisse à l’indépendance toute récente. Force est de constater, du moins si on n’y regarde pas de trop près, que ce traité de paix a perduré jusqu’à aujourd’hui, ce dont on peut se réjouir très fort, bien au-delà de la sphère pacifiste. Ce fait est assez rare, voire unique, pour qu’on s’y arrête un instant. La Suisse s’engageait, il est vrai, à fournir au roi de France des mercenaires (qui préfiguraient la Légion Etrangère), connus sous le nom de gardes suisses, lesquels, au reste, payèrent chèrement leur loyauté au roi lors des massacres de 1792. Toujours durant la Révolution Française, les troupes françaises n’hésitèrent pas, en 1797, à pénétrer sur le territoire de la Confédération, sans y avoir été invitées, ce qui, au passage, permit au Canton de Vaud de s’affranchir de la pesante tutelle bernoise. Pour autant, le Traité de Fribourg n’a jamais été dénoncé et continue à régir les rapports (plutôt sereins) qu’entretiennent les deux nations. L’annexion par la France de pro-
vinces qui devinrent frontalières (la Franche-Comté en 1678, la Principauté de Montbéliard en 1793, la Savoie en 1860) ne changea rien à la nature de ce traité. Les esprits grincheux regretteront toutefois que ces cérémonies commémoratives de Fribourg, destinées, en principe, à célébrer la paix, aient été présidées, du côté français, par le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, pas vraiment connu pour être un ardent pacifiste. On y aurait plutôt vu le ministre des affaires étrangères, qui aurait pu y trouver une occasion de célébrer les vertus de la diplomatie. Elles avaient été précédées en septembre par un important colloque dédié à « la paix perpétuelle » tenu au Sénat, en présence du Conseiller fédéral1 suisse Alain Berset2, lequel n’a, comme il se devait, pas manqué de souligner l’engagement diplomatique de son pays pour la paix. Le fastueux Palais du Luxembourg pouvait être un cadre approprié pour célébrer la paix. On y aurait, cela dit, volontiers associé l’Assemblée Nationale française, ne serait-ce que pour assurer la formation des parlementaires à la paix. Aucune raison de penser que ce traité de Paix perpétuelle ne vaudra pas encore pour les 500 prochaines années - et bien au-delà. Quant aux militants de la paix, ils retiendront de ce traité à la fois son exemplarité et sa pérennité par-delà les vicissitudes des siècles et les changements de régime. Il leur revient, à leur niveau, de le mieux faire connaître, dans une démarche très irénologique3. Les esprits curieux noteront avec intérêt que le concept d’ « utopie », que l’on doit au philosophe anglais Thomas More, date aussi de 1516, l’année de ce Traité de Paix perpétuelle. Jean-Paul Vienne 1
Le Conseil fédéral est l’organe exécutif de la Confédération
suisse. Il est formé de sept membres, élus pour un mandat de quatre ans renouvelable par l’Assemblée fédérale. 2
Vice-président du Conseil fédéral depuis le 7 décembre 2016.
3
L’irénologie est la science de la paix. Elle constitue un pendant
de la polémologie qui est l’étude des phénomènes conflictuels.
MONDIALISONS LA PAIX REFUGIÉS
De Kuri à Marseille Nous vous annoncé dans le numéro de janvier la publication de portraits de réfugiés accueillis en France dans des CADA, les Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile. Premier rendez-vous avec Yassine, un être humain avant toute chose
e suis Yassine du Darfour (Soudan). Je viens de Kuri, de la région de Al Facher non loin de Kutum. Je suis de l’ethnie des Tunjur. Né en 1990, j’ai étudié à l’école de Kutum jusqu’au lycée. Je vivais avec ma famille, mon père était éleveur-agriculteur.
Première attaque à 13 ans Le 5 août 2013, nous avons été attaqués par l’armée gouvernementale et ses milices alliées, les Junjwit. J’étais avec mon frère AbdelAzim et notre père sur les pâturages. Nous gardions nos moutons quand les militaires ont abattu notre père et la majorité de son troupeau. Mon frère et moi avons réussi à nous enfuir. Ce même jour, lors de l’attaque de notre village, les militaires ont assassiné 12 personnes et ont incendié des maisons, obligeant ainsi la population à fuir. Le 15 septembre de la même année, les forces gouvernementales attaquent à nouveau pour finir de détruire ou d’incendier les maisons et voler les troupeaux. Les villageois qui ont réussi à fuir ont, pour la majorité, rejoint les camps de réfugiés de Kassab. Mais un tiers d’entre eux ont été fait prisonniers. J’en faisais partie. Je n’avais que 13 ans. J’ai été relâché et j’ai retrouvé les survivants de ma famille dans le camp de Kassab où nous avons vécu durant 6 mois. Puis, nous avons choisi d’aller vivre à Kuri, dans un autre camp de réfugiés.
mois. Ce genre d’attaque était courant dans mon enfance. Le 1er septembre 2015 à Kutum, j’ai été à nouveau arrêté et emmené au poste des factions gouvernementales. J’ai été accusé d’espionnage contre le gouvernement alors que je me rendais, sur le dos de mon âne, dans les vergers et les potagers de l’exploitation agricole où je travaillais. Les militaires m’ont emprisonné, photographié et ont constitué un dossier sur moi. Et au bout d’un mois de torture et de mauvais traitement, j’ai réussi à m’enfuir et à me cacher pendant 3 jours. J’ai fini par retourner dans le camp de Kassab où les responsables du camp m’ont conseillé de partir car les miliciens me recherchaient.
désert, j’ai atteint la Lybie par la ville de Sapha. Nous étions le 29 octobre 2015. J’ai continué vers Tripoli. Quelques mois plus tard, je suis parti pour Sebrata, ville côtière en Lybie et j’ai cherché un moyen de quitter le pays pour aller vers l’Europe. Le 12 avril 2016, nous étions plus de cent personnes, hommes, femmes mais aussi des enfants, de différentes nationalités, et nous nous sommes embarqués dans un bateau en toile plastique. Nous avons dérivé presque 1 jour et un bateau italien nous a repérés. Les sauveteurs italiens nous ont récupérés en mer le 13 avril 2015. Ce bateau nous a ramenés en Sicile. Le 16 avril 2016, j’entrai en France, en train et j’arrivai à Marseille. Giselle El Raheb
Départ du Soudan J’ai quitté le Soudan le 20 octobre 2015 en passant par Tina. Après 9 jours de traversée du
Arrestations en série Presque 2 ans plus tard, le 15 juin 2005, durant la période du Ramadan, dans le camp de réfugiés de Kuri, il y a eu une attaque des forces gouvernementales avec leurs milices. Les militaires ont tué 15 personnes et fait prisonniers 23 hommes âgés de 15 à 30 ans. Après notre capture, nous avons été torturés, battus, insultés puis emprisonnés pendant plus d’un N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
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DOSSIER CULTURE
Voix de Hérodote a 40 ans femmes « LIVRES
L
a revue de géographie et de géopolitique Hérodote fête ses 40 ans et son 160ème numéro. Les articles d’Hérodote apportent essentiellement un raisonnement géopolitique qui repose sur l’analyse des rivalités de pouvoir sur les territoires. Ils confrontent les points de vue des différents protagonistes en accordant une attention précise à l’idée qu’ils se font chacun de leur propre nation et de son territoire. En outre la complexité grandissante des situations géopolitiques nécessite des années d’analyse transdisciplinaire ; c’est pourquoi, si parmi les auteurs les géographes restent les plus nombreux, Hérodote s’adresse plus régulièrement à d’autres spécialistes, historiens souvent spécialistes des relations internationales, sociologues, anthropologues, économistes politiques et juristes. La revue a toujours la volonté de faire comprendre ce qui est complexe en bannissant les jargons scientifiques qui servent le plus souvent à valoriser ceux qui les utilisent auprès de leurs pairs plutôt qu’à rendre intelligible au plus grand nombre de citoyens une situation compliquée. Le présent numéro publié en juin 2016 a comme titre : « Le monde arabe, regards géopolitiques ». Il répond à la question de savoir ce que représente aujourd’hui le monde arabe pour les Arabes, pour leurs grands voisins, les Turcs et les Iraniens, et pour les Israëliens. Ce numéro double présente les situations géopolitiques les plus conflictuelles : les guerres civiles syrienne, irakienne, aggravées par l’existence de Daesh, la guerre civile yéménite et l’intervention d’une coalition arabe sous l’égide de l’Arabie Saoudite. Toutes ces situations ne se caractérisent pas (ou pas encore) par des guerres ouvertes. Elles n’en sont pas moins menaçantes et préoccupantes à l’instar de la situation Libanaise. Hérodote met également en lumière le difficile combat des femmes tunisiennes pour résister aux tentatives islamistes d’imposer la charia, combat rendu encore plus difficile du fait des attentats islamistes qui cherche à déstabiliser la seule démocratie arabe. Roland Nivet
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N° 619 - Février 2017 - Planète PAIX
L
a es femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ; j’écris pourtant. » disait Marceline Desbordes-Valmore (17861859). Les Editions Turquoises ont décidé de publier ce magnifique ouvrage de résonnance des voix des femmes. On y retrouve 343 poétesses de Sappho à nos jours, 477 poèmes, 162 pays et peuples, 84 langues, 49 femmes photographes et 104 photographies de femmes du monde entier. Cette tension entre la chape de l’interdit et la germination entêtée d’une écriture est au cœur de Voix de femmes, authentique atlas d’une polyphonie immergée à travers les âges, les pays, les mers et la monotonie du quotidien. À la fois poétique et photographique, cette anthologie a tout du coquillage qu’on accole à l’oreille : elle bruisse de mille images, de mille mots s’entrelaçant et se dénouant au gré de rencontres, de chocs parfois, où se télescopent les époques, les langues, les cultures et les imaginaires. Fruit d’un travail inédit visant à recueillir, sur chaque continent, dans chaque langue ou civilisation, les voix féminines les plus fortes de la poésie, Voix de femmes est une formidable invitation au voyage qui nous emporte de l’Alaska en Tchoukotka (Sibérie) en passant par l’Afrique du Sud et nous projette dans la succession des siècles, depuis les vers de Sappho jusqu’à la poésie la plus contemporaine. Torrent de voix, d’échos et d’images où des femmes disent et photographient la vie, le monde, cette anthologie est un projet pionnier, inattendu, une promesse. Vous retrouvez dans cette anthologie de nombreuses poétesses et de nombreuses photographes. Pierre Villard
MONDIALISONS LA PAIX CULTURE EXPOSITIONS
La paix par les musées Si les musées de la guerre font souvent parler d’eux, il existe aussi de nombreux musées dédiés à la Paix. Jean-Paul Vienne nous ouvre quelques portes sur ces espaces plein d’humanité. Un choix bien entendu subjectif qui ne demande qu’à s’enrichir.
J
’
ai très récemment visité une exposition on ne peut plus passionnante dans l’église St Venceslas (protestante) de Naumbourg en Saxe-Anhalt (Allemagne), une très belle église dans une très jolie ville, sur l’orgue de laquelle aurait joué J.S. Bach. Cette exposition « S’échapper de la troupe » reprenait le titre d’un ouvrage éponyme de Heinrich Böll (1964), écrivain pacifiste s’il en est et Prix Nobel de littérature. Cette exposition était toute entière consacrée à ces déserteurs de la Wehrmacht, qui ont quitté l’armée allemande de leur propre chef par fidélité à leur idéal pacifiste. Pendant longtemps ces déserteurs n’ont bénéficié d’aucune reconnaissance publique en Allemagne. Mais les choses ont changé. Ils sont de plus en plus honorés par les pouvoirs publics comme par les églises. C’était là l’occasion de donner un visage à cinquante de ces héros de la paix et de retracer leurs parcours respectifs. Cette exposition avait, en réalité, été organisée et prêtée par la Bibliothèque de la Paix-Musée Anti-guerre de Berlin, logée dans la vaste Maison de la Démocratie et des Droits de l’Homme, laquelle est une institution respectée et imaginative, connue pour son engagement énergique en faveur de la paix. Ce musée berlinois de la paix, qui a de grandes ambitions, a déjà organisé 2264 expositions dans 561
lieux de 15 pays différents. Ce n’est pas rien. La bibliothèque, quant à elle, dispose de 11.000 ouvrages. L’Allemagne compte, sinon, quatre autres musées de la paix.
Des musées à foison C’est aussi l’occasion de revenir sur les musées de la paix dans le monde qui ont tous la volonté affichée d’éduquer le public le plus large à la paix. Il y en a de célèbres comme le Dôme de Genbaku d’Hiroshima (1955) ou celui de Gernica (2003) et de moins prestigieux, mais tout aussi utiles : on se contentera de citer parmi d’autres le Dayton International Peace Museum (USA), le Tehran Peace Museum (Iran) le Chusken Peace Museum (Japon). Beaucoup sont regroupés en un réseau, l’International Network of Museums for Peace (INMP), qui accueille également les jardins pour la paix, présidé par notre ami Peter Van den Dungen, qui enseigne l’histoire des mouvements pacifistes à l’Université de Bradford (G.B.). J’ai, pour ma part, un faible, pour le Musée de la Paix sis au château de Schlaining, dans le Burgenland (Autriche), très centré sur la construction de la paix en Europe. Il conviendrait, paradoxalement, de mentionner aussi les musées de la guerre, voire de la Résistance, qui, en règle générale, loin de faire le panégyrique de l’héroïsme guerrier, entendent dénoncer,
avec plus ou moins d’habileté, la violence des armes qu’ils illustrent. C’est, bien sûr, le cas de l’Historial de Péronne, du Mémorial de Caen, du Mémorial de Vassieux, du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère à Grenoble, etc. , de l’Imperial War Museum de Londres, tous régulièrement visités par des collégiens, qui viennent y apprendre l’horrible réalité de la guerre. Cela peut aussi valoir pour les expositions temporaires. On n’a pas oublié, en Allemagne, les deux expositions itinérantes « Les crimes de la Wehrmacht » (1995-99, puis 2001-2004), qui ont alors créé un véritable choc dans tout le pays et, sans doute, passablement contribué au rejet massif de la guerre qui habite désormais la très grande majorité des Allemands. Je m’en voudrais enfin de ne pas faire référence à la thèse défendue par une universitaire canadienne, Colette Dufresne-Tassé, professeur de muséologie à Montréal, pour laquelle tout musée, quel qu’il soit, a vocation à défendre la cause de la paix. Vecteurs de culture, de savoir et d’ouverture au monde, ne sontils pas, en effet, idéalement placés pour aider à construire la nécessaire concorde entre les humains ? Jean-Paul Vienne
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