Cœurs d’ouvriers Un travail photographique de Bernard Ciancia Musée dauphinois
Cœurs d’ouvriers Un travail photographique de Bernard Ciancia
Ouvrage dirigé par Jean Guibal et Pascal Kober
Préface Trois ans après la riche exposition du Musée dauphinois consacrée à l’histoire ouvrière (Être ouvrier en Isère, XVIIIe -XXIe siècles), quelques mois après l’inauguration de la Maison Bergès – Musée de la Houille blanche à Villard-Bonnot, l’occasion nous est donnée de revenir sur le monde du travail. Et de confirmer ainsi le vif intérêt du Conseil général de l’Isère pour le développement d’un projet muséographique sur ce thème, généralement ignoré des politiques patrimoniales. Il s’agit cette fois d’un travail photographique contemporain, d’une œuvre de création qui est aussi un témoignage sur une catégorie particulière de travailleurs et sur un territoire donné. Car c’est bien du monde ouvrier isérois qu’il s’agit, observé dans sa diversité et dans l’exercice de ses compétences. De nombreuses filières industrielles sont représentées, en des lieux très divers, livrant tout à la fois des portraits d’individus – et l’on pressent que le photographe, Bernard Ciancia, nourrit une réelle estime pour ces hommes et ces femmes –, un panorama très large des métiers à l’œuvre aujourd’hui et un tableau de l’industrie iséroise au début des années 2010.
Ce tableau, on le sait, n’est pas des plus réjouissants : en Isère comme ailleurs, la production industrielle se réduit, heureusement compensée sur notre territoire par le développement des activités de service ou liées à la recherche. Les fermetures récentes dans la filière papetière en sont un éloquent témoignage ; ce qui rend évidemment les ouvriers plus rares. Le travail photographique de Bernard Ciancia n’est pas pour autant un relevé « pour mémoire » ! Tout au contraire, il présente des hommes et des femmes totalement engagés dans leur travail et manifestant souvent, par leur regard ou leur attitude, une vraie compétence, et surtout une rare fierté d’exercer leur métier et de susciter l’intérêt d’un artiste. André Vallini Président du Conseil général Sénateur de l’Isère
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Manifestation chez Caterpillar
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En 2009, le groupe américain de BTP Caterpillar annonce un plan de restructuration qui conduit à la destruction de 25 000 emplois dans le monde. À Grenoble et à Échirolles, 733 ouvriers sont concernés, qui se mobilisent et manifestent (ici, le 3 mars 2009, une passante devant le site en grève). Finalement, 600 postes (dont 415 licenciements secs) seront supprimés. Cette photo d’actualité symbolique sera publiée dans de nombreux quotidiens : L’Humanité, Le Monde, Libération, etc.
Avant-propos Il reste toujours des ouvriers ! Tel est le précepte autour duquel s’organise cette présentation des photographies de Bernard Ciancia ; tel aurait pu être le titre, s’il n’avait été quelque peu dévalorisant pour les individus concernés, ainsi approchés comme les vestiges d’une autre ère. Sonnant comme un rappel pour tous ceux qui l’auraient oublié, cette exclamation vaut pour ce début de XXIe siècle, alors que les effets de la délocalisation de la production industrielle sont largement connus et commentés ; alors que le progrès des machines, désormais « assistées par ordinateur », a tendance à remplacer (ou à simplement déguiser ?) l’ouvrier par le technicien ; et surtout alors que l’histoire et la mémoire ouvrières entrent au musée ! Ce contexte donne un sens particulier à l’invitation adressée par le Musée dauphinois à Bernard Ciancia. Sans attendre d’y être invité, ce dernier s’était déjà donné lui-même la mission d’approcher le monde du travail, après bien d’autres centres d’intérêt. Sur les grands chantiers (le stade de Grenoble, le quartier de Bonne, le couvent Sainte-Cécile, etc.) comme dans les usines, il s’est efforcé d’observer les corps et les êtres plus que les techniques et les savoir-faire. Il a su aussi se faire reporteur, ramenant de la lutte des Caterpillar des photographies qui ont contribué à sa notoriété. Le Musée dauphinois, pour sa part, a de longue date exploré l’histoire industrielle (Cathédrales électriques, Les Maîtres de l’acier, Papetiers des Alpes, etc.) sans jamais oublier que derrière ces machines et objets que se disputent les collectionneurs et les conservateurs, œuvraient des hommes et des femmes, autrefois même des
enfants. Plus récemment, il a ouvert la voie de la mémoire et de l’histoire ouvrières en Isère (en 2008), préfigurant un futur musée thématique promu par le Conseil général. Un beau livre [L’Isère au travail (1870-1970) ; à l’atelier, à l’usine, 2007] a par ailleurs présenté les collections photographiques anciennes relatives au monde du travail conservées dans les musées départementaux ; tandis qu’un Atlas du patrimoine industriel de l’Isère (2007) venait rassembler le savoir accumulé sur l’histoire industrielle et les vestiges qui nous sont demeurés. C’est dans le prolongement de ces opérations que l’équipe du Musée dauphinois a accompagné ce travail photographique, soutenant un regard original porté sur une population méconnue sinon cachée, et constituant ainsi des archives pour demain. Nul autre que Bernard Ciancia ne pouvait approcher ce monde et ces êtres ; lui seul disposait de cette sollicitude, de cette capacité à disparaître derrière son objectif et bien sûr de la technique si particulière qui fait l’originalité de son œuvre. Quelques fils d’ouvriers s’étant plu à se retrouver autour de ce projet, c’est naturellement à Pascal Kober, lui-même photographe et rédacteur en chef de la revue L’Alpe (Glénat et Musée dauphinois) qu’a été confié le soin de choisir, ordonner et commenter ces images ; avec la précieuse collaboration de Hervé Frumy, graphiste ; et sous la coordination de Franck Philippeaux, conservateur au Musée dauphinois. Jean Guibal Conservateur en chef du patrimoine Directeur du Musée dauphinois
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Plate-forme pétrochimique Pont-de-Claix. Novembre 2010.
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Ouvrier spécialisé Entreprise Payant. Domène. Mai 2009.
Peintre ! Entreprise Visio-Technic. Sassenage. Mai 2011. “ Il vient de finir de peindre une pièce en noir sur une chaine et il a enlevé son masque. ”
Les commentaires en légendes des images sont de Bernard Ciancia.
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Manœuvre " Aciérie Giraud. Pontcharra. Juin 2009.
Ouvrier papetier Papeterie du Domeynon. Domène. Mars 2009. “ Une photo très particulière. Il est d’origine algérienne et il a trente-six ans de carrière dans l’entreprise. Mais il lui manque des trimestres pour prendre sa retraite. La liquidation de l’entreprise a été prononcée. C’est le dernier jour. À midi, les derniers rouleaux de papier sortent de l’usine. En même temps que les derniers ouvriers. ”
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Peintre Entreprise Visio-Technic. Sassenage. Février 2011.
Ouvrière ! Dans l’atelier Berthier-Bessac, spécialiste des vitraux. Grenoble. Janvier 2009.
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Chaudronnier "
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Chantier de démontage de la conduite forcée d’EDF qui relie le lac Mort à la vallée de la Romanche, près de Séchilienne. Mai 2011.
Conducteur d’engins
Ouvrier de maintenance Chantier de nettoyage d’un réservoir d’eau sur le site de La Tronche. Avril 2011. “ Il a vingt-deux ans et vient tout juste de se faire embaucher au Syndicat intercommunal des eaux de la région grenobloise (SIERG). ”
Fonderie de silicium Ferropem. Livet-et-Gavet. Octobre 2010. “ L’une des rares photos que j’ai réalisées au téléobjectif. Si je m’approchais davantage, je prenais feu. Pour protéger le conducteur [dont on devine le visage à l'intérieur de la machine, en page de droite], le blindage de cet engin mesure plus de trente centimètres d’épaisseur. ”
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Maçon " 54
Chantier du nouveau quartier de la caserne de Bonne. Grenoble. Juin 2007.
Conducteur d’engins ! Chantier du nouveau quartier de la caserne de Bonne. Grenoble. Novembre 2008.
MERCIS Bernard Ciancia tient à remercier tous les ouvriers qui ont accepté d’être photographiés et les entreprises qui ont bien voulu lui ouvrir leurs portes ; ainsi que Claude Bertrand, ancien vice-président à la culture du Conseil général de l’Isère, pour son amitié et sa confiance. Dédicace spéciale aux équipes du Musée dauphinois qui ont réalisé l’accrochage de l’exposition, sous la cordination de Franck Philippeaux, conservateur du patrimoine.
Ci-dessus : Lamineur Fonderie de Rives. Février 2010.
L’exposition Cœurs d’ouvriers Un travail photographique de Bernard Ciancia au Musée dauphinois a bénéficié du partenariat de la société Visio-Technic
www.visio-technic.com
Conception graphique : Hervé Frumy assisté de Francis Richard Photogravure et étalonnage : Pierre-Jean Lecomte, Digimag Impression : Imprimerie moderne de l’Est à Baume-les-Dames © Patrimoine en Isère / Musée dauphinois ISBN 978-2-35567-059-6 Dépôt légal : décembre 2011
Dans un monde délocalisé et désindustrialisé, on aurait presque oublié que chaque jour (et souvent dès potron-minet), des millions de personnes œuvrent en bleu de travail, outil en main et casque vissé sur la tête. Ce sont ces gueules (de l’emploi), tantôt souriantes, tantôt tendues, parfois goguenardes, que le photographe Bernard Ciancia est allé croquer au fil de cinq années de rencontres dans plusieurs entreprises du département de l’Isère. Comme un hommage rendu à ces femmes et ces hommes de l’ombre qui, les doigts dans le cambouis, font tourner une grande partie de notre économie. Le résultat ? Une galerie de portraits forte et poignante qui dit les conditions de travail, l’environnement et l’humain, avec beaucoup de tendresse et la maestria de l’artiste. Un magnifique travail sur la mémoire ouvrière qui inaugure une nouvelle série d’expositions que le Musée dauphinois consacre à la photographie, alternant créateurs contemporains et fonds d’images patrimoniaux.
14 €
978-2-35567-059-6
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