Le journal des expositions. Numéro 27. Octobre 2017 - Musée dauphinois

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LE JOURNAL DES EXPOSITIONS OCTOBRE 2017 Musée dauphinois • Grenoble Numéro 27 Actualité

Lesdiguières,

le prince oublié Attendue de longue date par les érudits autant que par les amateurs d’histoire, surprenante et nouvelle pour les autres, l’exposition au Musée dauphinois sur le connétable François de Bonne, duc de Lesdiguières, participe à la mise en lumière de son époque en Isère. Fruit d’un partenariat entre le Service du Département et le musée, elle cerne au plus près les complexités d’un héros oublié et lui redonne sa place dans l’histoire de France.

Comment est né le projet de l’année Lesdiguières 2017 et par conséquent l’exposition au Musée dauphinois ? Anne Cayol-Gerin* : Il y a quelques années, quand plusieurs volontés se sont manifestées

pour revaloriser l’importance du XVIIe siècle autour du personnage de Lesdiguières, Jean Guibal, alors directeur du Musée dauphinois, a spontanément approuvé : « Je rêve depuis longtemps d’un tel projet en Isère et il serait légitime de présenter cet homme et sa mémoire au Musée dauphinois ». J’ai moi-même été très enthousiaste, d’autant qu’en 2012 j’avais contribué à créer le Comité Lesdiguières avec Alain Chevalier** et Stéphane Gal***. Comme eux, je trouvais que l’histoire de cette période était négligée en Isère et que l’empreinte de Lesdiguières, pourtant très forte, était méconnue. Le Comité a pris de l’ampleur, les propositions se sont agrégées et, sur les bases d’une biographie passionnante que venait de publier

Édito L’histoire de l’Isère ne cesse d’être écrite. Notre territoire qui dépendait jusqu’en 1790 de l’ancienne province du Dauphiné, a généré un nombre impressionnant d’ouvrages. Malgré tout, de multiples aspects de son riche passé sont régulièrement mis en lumière à la faveur de nouveaux travaux historiques. Parmi les acteurs isérois, l’Université Grenoble-Alpes est au premier plan pour approfondir cette connaissance tandis que nos musées départementaux sont dans leur rôle pour la valoriser auprès du plus grand nombre. Cette relation étroite avec le monde de la recherche est à l’origine de l’Année Lesdiguières lancée par le Département au début de l’année 2017. Elle repose sur un travail remarquable que nous devons à Stéphane Gal, concrétisé sous la forme d’un livre paru il y a dix ans. Avec l’analyse critique nécessaire et sur la base d’archives anciennes, l’historien est parvenu à écrire la biographie qui manquait véritablement pour raconter l’existence incroyable de François de Bonne, duc de Lesdiguières et dernier connétable de France. C’est au Musée dauphinois qu’il appartenait de restituer par une exposition le destin de cet homme qui a marqué de son empreinte notre territoire et a été l’un des principaux personnages de son temps. Avec ce travail, notre musée départemental fait également œuvre de mémoire, car bien peu de nos contemporains connaissent la vie de Lesdiguières au-delà d’un nom qui résonne encore à Grenoble à l’évocation d’une rue ou d’un stade célèbre pour l’Ovalie. Le Musée de la Révolution française à Vizille, abrité au sein du château que Lesdiguières a fait construire, et le Musée de l’Ancien Évêché ont également pris part à cette Année par deux expositions. Un riche programme d’animations se poursuivra jusqu’en 2018 à l’initiative de nos musées et d’autres acteurs sensibles au sujet. Autant d’actions que tous les Isérois auront le loisir de découvrir sur l’ensemble de notre territoire.

Jean-Pierre Barbier Président du Département de l’Isère


Prinse [prise] du fort de Barraulx 1598, vers 1620 Bas-relief en albâtre du mausolée de Lesdiguières, Jacob Richier. Photo Arthur Akopy, Coll. Musée muséum départemental de Gap

Face à la provocation de cette construction, Lesdiguières promet au roi de la prendre sitôt faite pour en avoir l’usage… sans la dépense ! L’attaquesurprise agrémentée de diversions escalade les murailles par des échelles judicieusement placées. Le fort pris d’assaut devient français et surveille la frontière.

Stéphane Gal, un travail s’est engagé pour mettre en lumière la complexité et la mémoire de ce personnage. Avec le Comité scientifique formé autour de l’exposition du Musée dauphinois, nous avons

longuement réfléchi sur la manière d’aborder cette personnalité, sans la glorifier ou la dénigrer. Premièrement, il importait de retracer les grandes lignes de sa biographie car Lesdiguières n’est (au mieux) connu du public que par un stade sportif, une rue et une école hôtelière qui portent son nom ! Dans une seconde partie, nous avons voulu rendre compte d’un impressionnant héritage, tant matériel qu’historique. Dans une troisième partie enfin, nous nous sommes interrogés sur la versatilité de la mémoire et de la transmission historique.

Tout au long de l’exposition, nous abordons différents aspects de la longue carrière de Lesdiguières au-travers de ses talents multiples de guerrier, de gestionnaire, de constructeur et d’aménageur du territoire. En cela, les deux expositions «Les Alpes de Jean de Beins, des cartes aux paysages (1604 - 1634) » au Musée de l’ancien Évêché et « La splendeur des Lesdiguières, le Domaine de Vizille au XVIIe siècle » au Musée de Vizille, complètent et enrichissent notre propos. Quelles finalités politiques poursuit Lesdiguières, dans une France alors

Lesdiguières prend ses quartiers au Musée dauphinois Rares sont les expositions biographiques au Musée dauphinois, adepte du récit collectif. Pourquoi dès lors avoir choisi de consacrer un travail tout entier à un seul et même personnage, Lesdiguières ? D’autant que le musée n’est pas spécialement versé dans le régionalisme, mais vise plutôt à sa modeste mesure un propos qui touche à l’universel.

Les raisons sont multiples. La première est l’exceptionnel parcours

d’un Dauphinois de naissance dont le récit de vie permet d’aborder les faits majeurs de son époque. Et quelle période ! Celle de la naissance de la Réforme en Europe, des guerres entre protestants et catholiques, puis de la paix religieuse fragile en France fondée sur l’édit de Nantes. Lesdiguières est au centre des enjeux de son temps et un acteur incontournable de la monarchie à la fin du XVIe siècle et au début du

siècle suivant. La deuxième repose sur un travail historique, celui d’un universitaire, Stéphane Gal, qui constitue le socle scientifique de l’exposition. La troisième sur l’existence d’objets et de documents, issus de collections publiques et privées, réunis pour la première fois, pour donner à voir, au-delà du discours, cette histoire. La quatrième réside enfin sur la relation entre

histoire et mémoire que le Musée dauphinois aime depuis longtemps à interroger. Ou comment un personnage illustre tel que Lesdiguières a pu progressivement tomber dans un quasi oubli ? L’idée n’est pas de glorifier ou de mythifier un récit ou un homme, mais bien de faire la part entre l’histoire et ses représentations. Olivier Cogne Directeur du Musée dauphinois


Exposition présentée du 22 octobre 2017 au 16 juillet 2018

en pleine mutation, encore héritière du Moyen Age et meurtrie par les guerres de Religion ? Comment compose-t-il avec la monarchie absolue qui s’esquisse sous Henri IV et culmine sous Louis XIV ? Au-delà de l’héritage d’un important patrimoine bâti, Lesdiguières relance l’économie locale. Un personnage qui fréquente les hautes sphères doit porter de riches vêtements et offrir des cadeaux de qualité ! Il fait donc travailler des joailliers, des peintres, etc. En maintenant la paix en Dauphiné, il permet au commerce et à l’économie de trouver un nouvel essor. Mais qui sait aujourd’hui que son temps fut l’apogée de l’orfèvrerie grenobloise et que des artisans de toute l’Europe travaillaient en Dauphiné ?

Comment expliquez-vous la disparition de Lesdiguières de notre mémoire ? On s’est bien sûr beaucoup questionné sur les raisons de la disparition de Lesdiguières de la mémoire historique officielle. Phénomène habituel d’oubli, volontés délibérées ? La réflexion menée dans la dernière partie de l’exposition est ouverte, les conclusions ne sont pas définitives. Lesdiguières revient brièvement sur

le devant de la scène au XIXe siècle, au moment où nombre d’érudits et de sociétés savantes veulent conserver une forme d’identité régionale face à l’uniformisation du pays et de la mémoire nationale. On cherche alors à montrer des diversités, des spécificités locales. Mais le personnage n’entre pas bien dans l’image du héros « zéro défaut » : de catholique il devient protestant puis catholique à nouveau. Il n’est pas non plus le glorieux vainqueur d’affrontements colossaux où se joue le destin du pays sur un coup de dés. Il n’a fait « que » défendre nos frontières, un travail d’escarmouches au quotidien... Par ailleurs, la concurrence locale avec Bayard lui nuit ! Lorsque l’Empire tombe, les Bourbons reviennent sur le trône et cherchent à reconquérir une légitimité. Les modèles à trouver ne doivent pas faire polémique mais au contraire être lisses et faciles à suivre. On donne alors une mémoire publique à Bayard, dont les restes sont déplacés au Panthéon local qu’est l’église Saint-André à Grenoble, alors que les ossements de Lesdiguières sont rassemblés dans la chapelle familiale...

Il est pourtant très honoré en son temps ? Sa carrière militaire est récompensée tardivement, par les titres de duc, pair de France et de Maréchal. Il ne devient connétable qu’à presque 80 ans ! Et au-delà des honneurs, c’est sa loyauté envers le roi qui est récompensée car elle dépasse ses convictions religieuses personnelles. L’époque est troublée. Henri IV est assassiné, la régente Marie de Médicis et son fils, le futur roi, se déchirent. Lesdiguières reste indéfectiblement fidèle à celui qui détient la légitimité, sans excès partisan. Il sera ainsi récompensé à la fois par Henri IV par Marie de Médicis puis par Louis XIII ! À ce moment-là, il est le bon modèle ! Dans ces temps de fortes oppositions, Lesdiguières protège les frontières de l’invasion des Savoyards et des Habsbourg installés en Espagne, dans le Nord de l’Italie et dans tout le Nord de l’Europe. Il parvient non seulement à limiter leurs volontés d’expansion, mais aussi à favoriser l’alliance avec la Savoie pour conforter la position française. Il est autant sur le terrain pour défendre les intérêts nationaux l’épée à la main que dans les négociations !

François de Bonne, duc de Lesdiguières, miniature du manuscrit de Loys Papon, 1597 © Coll. British Library

Vue du château de Vizille Lithographie, Alexandre Debelle et Deroy Coll. Musée de la Révolution française, Vizille

Sur cette vue, le château n’est pas encore amputé comme il l’est aujourd’hui. En revanche, le jardin à la française, ses bassins et ses buis, a cédé place à un parc à l’anglaise. Lesdiguières a créé dès le départ dans son domaine des ateliers utilisant la force hydraulique, une posture d’entrepreneur inhabituelle dans son temps et dans sa position.


Caricature de Lesdiguières maîtrisant le Drac, 1889-1900, anonyme. Coll. Musée dauphinois

En tenue de chevalier bardé d’acier aux poulaines démesurées mais coiffé d’une visière d’employé de bureau, le Connétable a pêché un dragoncrocodile qu’il écarte de la ville.

Ni une hagiographie ni un portrait à charge, disiez-vous, alors comment avez-vous traité la légende qui l’entoure ? On s’est fait plaisir avec un « légendarium » à la fin de l’exposition ! Toutes les célébrités

à vos agendas

sont les protagonistes de légendes qui se perpétuent. Lesdiguières en fait aussi les frais, en partageant quelquefois avec d’autres « héros » les mêmes rumeurs sombres ou romancées ! La mémoire de Lesdiguières aujourd’hui est essentiellement liée au tourisme, des lieux, des places des rues, des animations. Mais aussi à la cuisine ! Le lycée hôtelier à Grenoble (centenaire cette année) en est un bel exemple, il existe aussi plusieurs recettes pour des commémorations qui portent son nom. Des cartes dynamiques dans l’exposition montrent aujourd’hui le nom de Lesdiguières dans l’espace public. Édifiant ! La cartographie nous permet de montrer énormément de bâtiments, de ponts, de fortifications qui restent de son époque, sans parler

de tout ce qui a disparu ou qui a été transformé. Cela viendra peut-être, mais je ne m’explique pas pourquoi Lesdiguières n’a pas encore intéressé le cinéma à l’instar d’autres personnages historiques ! Dans la tourmente de son époque, il s’est fait un nom par des moyens parfois douteux, en œuvrant pour la paix et la tolérance. Ces préoccupations de buts et de moyens ne restent-elles pas très actuelles ? n * Anne Cayol-Gerin, commissaire de l’exposition, est responsable du Service du patrimoine culturel du Département de l’Isère. ** Stéphane Gal est enseignant-chercheur à l’université de Grenoble-Alpes et membre du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA-CNRS). *** Alain Chevalier est directeur du Musée de la Révolution française à Vizille.

Au Musée dauphinois, toute exposition est accompagnée d’activités culturelles variées pour intéresser le plus large public.

Ateliers pour enfants

Visite commentée

Danse

Inscription obligatoire au 04 57 58 89 01

Déambulation historique dans le Grenoble protestant

• Dimanche 7 janvier 2018 à 16h30

Design ton cadre baroque • Mercredi 25 + jeudi 26 octobre • Mercr. 27 + jeudi 28 décembre 2017 de 14h à 16h Pour les 10 -14 ans. Présence obligatoire aux deux séances. Tarif : 10 €

• Jeudi 19 avril 2018 de 14h à 18h Atelier en famille. Tarif : 10 €

Mobile baroque • Mercredi 3 et jeudi 4 janvier • Mercredi 11 et jeudi 12 avril 2018 de 14h à 17h.

Pour les 12 -14 ans. Présence obligatoire aux deux séances. Tarif : 15 €

Colloque Quelle mémoire pour Lesdiguières ? • 25, 26 et 27 octobre 2017

Dans le cadre du colloque international Le Siècle des Lesdiguières : territoires, arts et rayonnement nobiliaire au XVIIe siècle organisé le 25 octobre à l’Université Grenoble Alpes-MSH-Alpes, le 26 octobre au Musée de la Révolution française et le 27 octobre au Musée dauphinois.

• Mardi 31 octobre 2017 à 14h30

La Renaissance en musique et en danses

Départ du Musée dauphinois.

Inscription obligatoire au 04 57 58 89 01

Visites guidées de l’exposition

Musique

• Dimanche 5 novembre 2017 à 11h • Dimanche 7 janvier 2018 à 15h

Par un guide de l’Office de tourisme de Grenoble-Alpes Métropole. Tarif : 3,80 €. Gratuit pour les moins de 12 ans.

Visite guidée thématique • Samedi 25 novembre 2017 à 17h • Dimanche 3 décembre 2017 à 15h

Réforme protestante et contre-réforme catholique en Dauphiné

Par Olivier Cogne, directeur du Musée dauphinois.

• Dimanche 14 janvier 2018 à 11h

Un homme de pierres

Par Anne Cayol-Gerin, commissaire de l’exposition.

• Dimanche 4 février 2018 à 11h

Lesdiguières, un prince à ne pas oublier ?

Par Stéphane Gal, maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes.

Violon, viola, viola d’amore au XVIIe siècle Samedi 27 janvier 2017 à 20h

Concert donné par les Musiciens du Louvre. Inscription obligatoire au 04 57 58 89 01


Événement Sur le site www.archives-isere.fr des Archives départementales de l’Isère

D’encre et de papiers Quelques archives du siècle des Lesdiguières

Année Lesdiguières Constatant combien le XVIIe siècle a laissé une empreinte majeure et méconnue sur l’Isère et le Dauphiné, le projet « 2017 Année Lesdiguières » est né d’une volonté commune de plusieurs services départementaux (patrimoine culturel, Musée de la Révolution française, Musée de l’Ancien Évêché, Musée dauphinois, Archives) et de l’Université Grenoble-Alpes, de redonner au temps des Lesdiguières comme à leur héritage la place historique qu’ils méritent.

E

n Isère évidemment, mais aussi en collaboration avec le Département des HautesAlpes sur son territoire, lieu de naissance du duc, tout comme en Provence ou encore en Saône-etLoire, lieux de passages et/ou de résidence, le Service du patrimoine culturel du Département de l’Isère a fédéré une multitude d’acteurs culturels (communes, offices de tourisme, propriétaires, associations e patrimoniales, conservatoires, compagnies …) pour offrir à un large public de quoi piquer et satisfaire sa curiosité.

la British Library à Londres et la Bibliothèque nationale de France à Paris ou, plus près de nous, la Bibliothèque municipale de Grenoble et les Archives départementales de l’Isère, témoignent de l’extraordinaire diversité du travail produit par Jean de Beins, l’un des pionniers de la cartographie moderne.

Au Musée de l’Ancien Évêché à Grenoble, du 21 octobre 2017 au 28 février 2018

La splendeur des Lesdiguières

feux sur le XVII

Les Alpes de Jean de Beins

Des cartes aux paysages (1604-1634) Présentation de l’œuvre de Jean de Beins, ingénieur du roi, qui dressa entre 1604 et 1634 une cartographie détaillée du Dauphiné. Plus de cinquante cartes et documents souvent inédits, provenant de grandes institutions telles que

www.ancien-eveche-isere.fr Exposition présentée dans le cadre de PAYSAGE➔PAYSAGES. Au Domaine de Vizille/ Musée de la Révolution française, jusqu’au 12 mars 2018

Le Domaine de Vizille au XVIIe siècle

Comprendre ce patrimoine exceptionnel qu’est le Domaine de Vizille, au-delà de son apparence et de ses fonctions contemporaines, à la lumière des archives, de l’iconographie, de la cartographie, des traces archéologiques, de l’existant, des objets d’arts, telle est l’ambition de cette exposition. www.domaine-vizille.fr

La dynastie des Lesdiguières, fondée par le connétable François de Bonne à la fin du XVIe siècle, s’est prolongée, avec les CréquiLesdiguières, tout au long du Grand Siècle. La fortune exceptionnelle de cette famille dauphinoise a laissé de nombreuses traces dans les archives. Le fonds se trouve alors à Grenoble, en l’hôtel Lesdiguières, où il demeure après l’extinction de la dynastie et la vente de cette résidence aux consuls de Grenoble (1719). Il contient surtout des archives domaniales et seigneuriales. Il regagne ensuite Vizille : les archives sont mentionnées dans l’acte de vente du château à Claude Perier en 1780. Une partie est brûlée en 1793. La majorité périt dans les deux incendies qui ravagent le château, en 1825 et 1865. Leur reliquat est aujourd’hui conservé aux Archives départementales de l’Isère. n

Publications

Lesdiguières. Un prince pour les Alpes Par Stéphane Gal. Éditions Le Dauphiné Libéré, collection Les Patrimoines, janvier 2017, 50 pages, 7,90 €

Lesdiguières : prince des Alpes et connétable de France Par Stéphane Gal. Éditions Les Presse Universitaires de Grenoble, collection La pierre et l’écrit, novembre 2007, 429 pages, 35 €

Les Alpes de Jean de Beins. Des cartes aux paysages (1604-1634) Par Perrine Camus, sous la direction de Stéphane Gal et d’Isabelle Lazier. Éditions Musée de l’Ancien Evêché – Département de l’Isère, octobre 2017, 120 pages, 29 €

La splendeur des Lesdiguières, le domaine de Vizille au XVIIe siècle Par Anne Cayol-Gerin. Éditions Département de l’IsèrePatrimoine en Isère-Domaine de Vizille, juin 2017, 96 pages, 10 €


Histoire de tableau

Recherche en paternité D’où provient ce portrait monumental de Lesdiguières, en costume de chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, présenté dans l’exposition ? Et qui en est l’auteur ? Yves Jocteur Montrozier* a endossé l’habit de détective et nous livre aujourd’hui l’histoire mouvementée d’un tableau de maître du XVIIe siècle, non signé, sorti de l’anonymat presque par hasard. Le connétable de Lesdiguières, XVIIe siècle. Huile sur toile, école française Coll. particulière

T

out commence lorsqu’un châtelain du Cher demande à l’historien et conservateur d’examiner e le portrait du connétable Lesdiguières qu’il vient de faire restaurer et qui daterait du XVIIe siècle. Frappé par la qualité et les dimensions de la toile, Yves Jocteur Montrozier songe à la fameuse Galerie des hommes illustres du Palais-Cardinal réalisée par Richelieu. Située dans une aile de l’actuel Palais Royal, cette galerie de vingtcinq portraits d’hommes d’Église mais surtout de guerriers, exaltait les qualités de Richelieu et de sa politique, notamment contre les Habsbourg. « Cette propagande par l’art était fréquemment pratiquée au XVIIe siècle. Lesdiguières en a d’ailleurs repris le principe pour son château de Vizille en créant une galerie pour vanter ses hauts faits ainsi que la grandeur d’Henri IV. »

les tableaux de la Galerie étaient encastrés dans des panneaux de grandes tailles. Les dimensions et l’absence de cadre du portrait de Lesdiguières valideraient l’hypothèse que ce tableau provient en effet de cette Galerie. D’autre part, à cette époque, on conservait le souvenir d’un tableau en en faisant une gravure ! Et savez-vous quoi ? La gravure du tableau de Lesdiguières

ns feux sur le XVII

« Il n’existe aucune représentation de la Galerie de Richelieu, qui fut par ailleurs détruite en 1727. Fort heureusement, quelques ouvrages de l’époque qui la décrivent m’ont livré plusieurs indices. Par exemple, tous

se trouve dans l’ouvrage de Marc Vulson de La Colombière publié en 1650, avec les vingt-quatre autres gravures des Illustres de la Galerie de Richelieu ! ». Une belle preuve de sa provenance, mais qui ne dit pas encore son auteur. « Enfin, outre les dimensions, les citations en latin sur la copie gravée sont identiques à celles peintes au bas du tableau. » L’étau se resserre pourtant sur les deux portraitistes de la

Galerie, Philippe de Champaigne et Simon Vouet. Avec de grandes présomptions pour Simon Vouet et son atelier, mais l’enquête ne peut aboutir sans l’expertise d’historiens d’art qu’Yves Jocteur Montrozier appelle de ses vœux... En attendant, et pour tenter d’en savoir plus sur les pérégrinations du tableau exposé à Paris et retrouvé dans le Cher, Yves Jocteur Montrozier s’est rendu aux Archives nationales pour consulter les registres des saisies de la Révolution. Si les portraits de Louis XIII, de Richelieu et de Gaston de Foix sont aujourd’hui au Louvre, les autres tableaux ont probablement été vendus aux enchères à des collectionneurs. Il est plausible que le tableau de Lesdiguières ait été acheté par une grande famille dauphinoise (Lesdiguières étant Dauphinois) pour ensuite passer par héritage dans le Cher. Actuellement, seules huit toiles de la Galerie sur les vingt-cinq sont répertoriées et conservées dans des musées. La découverte du tableau de Lesdiguières aurait une importance majeure si son origine se confirmait ! n *Ancien conservateur en chef des Bibliothèques, ancien conservateur à la Bibliothèque de Grenoble, ancien conservateur du Musée Stendhal. Spécialiste d’histoire du livre et d’histoire régionale. Prépare une biographie dauphinoise : les deux visages de Sébastien Falquet de Planta, soldat et philosophe (1770-1839) à paraître en 2018 aux Presses universitaires de Grenoble. Ainsi que le Catalogue des incunables des bibliothèques de l’Isère, la Drôme, la Savoie et la Haute-Savoie (Mission de la Direction du livre au ministère de la Culture).


Portrait

Lesdiguières dans les arcanes du pouvoir et de la religion Oublié, Lesdiguières ? Pas par tout le monde… L’historien Stéphane Gal* est fasciné par François de Bonne, au point de lui consacrer plusieurs ouvrages auxquels se réfèrent les érudits et les amateurs d’histoire. Il nous invite à tirer le fil du parcours singulier d’un personnage régional et national.

P

ourquoi Lesdiguières retient-il autant votre attention d’historien ?

car il est protestant. Il ne devient fervent loyaliste que sous Henri IV… et le restera toute sa vie ! En gage d’obéissance, il offre son abjuration à Louis XIII, alors jeune roi contesté de toutes parts. La noblesse est impressionnée par le renoncement de Lesdiguières à sa foi pour laquelle il s’est battu toute esa vie. Elle l’interprète comme un miracle accompli par le roi, capable de convertir ce « vieil huguenot de guerre » ! Évidemment, l’acte est opportuniste car Lesdiguières devient connétable en échange de sa fidélité. Il a passé sa vie à combattre pour une cause, pour un roi, mais sans jamais oublier ses intérêts personnels. Après tout, son engagement est total et mérite salaire… Personnage envié de tous, le connétable est le personnage le plus prestigieux du royaume après le roi. Il est celui qui tient l’épée du monarque au moment du sacre. Super ministre de la défense, il intervient sur la scène internationale.

Pleins feux sur le XVII

Je m’intéresse à une période de l’histoire française qui court du XVIe siècle à la première moitié du XVIIe siècle, au moment où les guerres de religion ravagent le pays tandis que se prolonge la Renaissance. Dans la tourmente qu’ils traversent les hommes se cherchent, un peu comme aujourd’hui d’ailleurs. Je me sens à la fois concerné par leurs questionnements et attiré par leurs références si différentes des nôtres. Lesdiguières naît sous François 1er en 1543, en pleine période de la Renaissance, il traverse toutes les guerres de religion jusqu’en 1598 et se retrouve au siècle suivant sous le règne de Louis XIII ! La France se reconstruit, l’État se modernise… À travers le petit gentilhomme du Champsaur au parcours exceptionnel se dessine une société qu’il nous permet de mieux connaître.

Comment parvient-il à la charge suprême de connétable ? Il faut savoir que Lesdiguières s’oppose au roi jusqu’en 1589

L’abjuration de Lesdiguières n’est-elle pas un peu choquante ? Lesdiguières est à la fin de sa vie, l’important pour lui est d’éviter la guerre et s’il faut se convertir au catholicisme pour y parvenir, pourquoi pas ? Le contexte des guerres de religion des années antérieures n’est plus le même. La confession n’est peut-être

plus aussi importante pour lui, au terme de guerres atroces qui l’ont forcément changé. Il avait trouvé son compte dans une religion relativement épurée, mais il s’accommode très bien des rites catholiques, un peu comme Henri IV.

Peut-on prétendre que Lesdiguières a participé à l’unité nationale ? D’homme de guerre redoutable, il devient un très efficace pacificateur, en convertissant ses réseaux de guerre en réseaux de paix… En 1598, l’édit de Nantes propose la trêve, mais il serait mort-né sans des faiseurs de paix sur le terrain comme Lesdiguières. Il a aussi probablement compris qu’on ne s’enrichit plus par la guerre. La paix va l’aider à prospérer et va aider la province à se développer. Il y a convergence entre l’intérêt commun et l’intérêt particulier. La guerre sévit depuis 1562 en Dauphiné et pacifier cette


LE JOURNAL DES EXPOSITIONS

Deffaite [défaite] de Pontcharra 1591. Vers 1620 Bas-relief en albâtre du mausolée de Lesdiguières, Jacob Richier. Photo Arthur Akopy, Coll. Musée muséum départemental de Gap

L’écrasement des troupes hispanosavoyardes pourtant deux fois plus nombreuses démontre la maîtrise de la vitesse et du terrain. Au pied du Château-Bayard, Lesdiguières héros moderne armé d’une épée et d’un pistolet défait un ennemi à la lance archaïque… et n’a rien à envier aux preux de jadis !

province participe à apaiser tout le royaume. Henri IV et Louis XIII après lui, savent qu’ils peuvent s’appuyer sur celui qui est lieutenant général sur place. Lesdiguières appartient à la vieille génération qui a la nausée des guerres de religion. Lorsque les guerres civiles se rallument au XVIIe siècle sous l’impulsion de protestants convaincus de devoir s’imposer par la force, il fera tout pour promouvoir la paix intérieure. Pour lui, protestants et catholiques ont tout à perdre dans des luttes fratricides. Sur l’échiquier international, la France s’affaiblit face à l’Espagne des Habsbourgs, la grande puissance ennemie de l’époque. Sous le règne de Louis XIII, Lesdiguières cherche à instaurer la paix intérieure et à combattre l’Espagne. En filigrane,

on distingue comme une promesse faite à Henri IV de défendre coûte que coûte le royaume et d’imposer sur le trône ce jeune Louis XIII.

Pourquoi l’un de vos ouvrages est-il intitulé « Lesdiguières, le prince des Alpes » ? Lesdiguières est un homme profondément lié à l’espace alpin, qu’il a chevauché du Dauphiné à la Provence. À sa façon de se déplacer, à travers son rapport aux arts (les tableaux qu’il fait peindre pour sa galerie de Vizille), à travers les cartes qu’il fait dresser par son ingénieur Jean de Beins, il occupe tout l’espace alpin. Pour moi, il est le Prince des Alpes. n *Enseignant-chercheur à l’université de Grenoble-Alpes et membre du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA-CNRS).

Numéro 27 • octobre 2017 Directeur de la publication : Olivier Cogne Conception, coordination : Agnès Jonquères Rédaction : Agnès Jonquères Conception graphique : Hervé Frumy Réalisation graphique : Francis Richard Crédits photo : Denis Vinçon Impression : Imprimerie Cusin Tirage : 2 000 ex. Dépôt légal : 4e trimestre 2017 • ISSN en cours

Musée dauphinois Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h du 1er septembre au 31 mai et de 10h à 19h du 1er juin au 31 août. Fermetures exceptionnelles les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre. 30 rue Maurice Gignoux 38000 Grenoble Téléphone 04 57 58 89 01

www.musee-dauphinois.fr www.facebook.com/museedauphinois

L’entrée est gratuite dans les musées départementaux.


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