Le journal des expositions n°26 du Musée dauphinois

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LE JOURNAL DES EXPOSITIONS MAi 2017 Musée dauphinois • Grenoble Numéro 26 Actualité

Si on chantait !

la la la la… Cette invitation à chanter dans une exposition est inhabituelle, comment vous en est venue l’idée ? Franck Philippeaux* : « Je rappelle toujours à ceux qui m’interrogent sur ce choix, que la chanson n’est jamais oubliée dans nos expositions parce qu’elle est un témoin et un marqueur d’une époque, d’un fait social et d’une histoire commune. Ainsi la chanson « Les Allobroges » que l’on découvrait en 2002 dans l’exposition du même nom était annoncée comme un acte de résistance d’une population face à l’envahisseur. Dans l’exposition Français d’Isère et d’Algérie en 2003 « L’amour est un bouquet de violettes » renvoyait aux années cinquante lorsque Luis Mariano était apprécié de part et d’autre de la Méditerranée.

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La sélection d’une trentaine de chansons (que l’on avait appelée « La compil’ des Dessous ») à écouter en 2013 dans Les Dessous de l’Isère illustrait l’évolution de la représentation sociale de la femme à travers tout le XXe siècle ! Des frou-frous de Berthe Sylva au string de la chanson Ça m’énerve d’Helmut Fritz, l’histoire de la lingerie féminine a parcouru un long chemin… L’idée de dédier une exposition à « l’objet » chanson était en germe, nourrie par les nombreuses études réalisées sur la chanson traditionnelle par des ethnomusicologues dès le XIXe siècle et justifiée par une pratique contemporaine universelle. Elle est l’occasion

Édito La chanson rythme nos existences. Il était naturel que le Musée dauphinois lui consacre une exposition tout entière. Face à l’immensité d’un tel sujet, c’est le répertoire de la chanson populaire qui est exploré dans toute sa diversité. Un récital qui nous entraîne bien au-delà des Alpes même si notre région a la part belle, des compositions traditionnelles aux plus contemporaines. Le spectacle vivant est à l’honneur pour accompagner cette exposition avec cinq résidences d’artistes qui se produiront en Isère dans les mois qui viennent ; des résidences appelées à se répéter au-delà de ce projet et qui toucheront à toutes les disciplines artistiques. Les Alpes ne sont jamais loin au Musée dauphinois comme en témoigne l’exposition Alpes là ! C’est un regard croisé auquel le musée nous invite par les photographies d’Éric Bourret et d’Emmanuel Breteau : le premier sur les paysages enneigés de la montagne iséroise avec l’approche artistique qui le caractérise, le second sur le Trièves et ses habitants dont il saisit au plus près les modes de vie. Les expositions se renouvellent dans ce musée autour de thèmes des plus variés. Ainsi, à l’automne, une exposition dédiée à François de Bonne, duc et connétable de Lesdiguières, prendra place en ses murs dans le cadre d’une année culturelle que nous avons souhaitée consacrer à cet illustre Dauphinois quelque peu oublié de nos contemporains. Autant d’initiatives que nous vous proposons de découvrir dans le magnifique écrin de SainteMarie-d’en-haut. Bonne visite ! Jean-Pierre Barbier Président du Département Député de l’Isère

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Les tubes de l’année ! Voulez-vous connaître la véritable histoire du bandit Mandrin ? Ateliers pour enfants « Je chante soir et matin » animés par MUSTRADEM Partition « ça c’est de la bagnole » Coll. Musée Hector-Berlioz

Au cours de l’atelier Je chante soir et matin les enfants ont réinterprété l’histoire locale pour nous livrer leur version du Serpent et du dragon, d’Arnica la princesse coincée dans la tour Perret, de La ficelle aux œufs… Saviez-vous qu’ « Auguste Perret/Avait construit une tour/Une tour légendaire/ Pour protéger son amour/Des crues sans fin de l’Isère » ? Non, bien sûr ! Pour parfaire vos connaissances, écoutez les créations des enfants sur www.musee-dauphinois.fr/3717. Ces ateliers ont été proposés pendant les vacances scolaires par le label MusTraDem (Marie Mazille, violoniste-clarinettiste et Norbert Pignol, accordéoniste-pianiste) et Fabrice Vigne, écrivain.

de s’interroger sur la place qu’occupe la chanson dans notre quotidien, individuellement et collectivement. »

Comment avez-vous abordé ce thème très particulier ? « Nous n’avons pas souhaité enfermer la chanson populaire dans une seule définition ou même de la cloisonner dans des genres et sous-genres ! D’autant que les classifications des spécialistes diffèrent en fonction de critères souvent très pointus. L’exposition propose donc de découvrir l’immense répertoire de la chanson populaire, sans se restreindre au seul registre de la chanson traditionnelle alpine. Une chanson ne reste d’ailleurs pas longtemps “locale” puisqu’elle circule dès sa naissance et évolue au gré de ses pérégrinations de vallées en vallées, de la ville à la

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campagne, de la culture savante à la culture populaire, etc. On reconnaît quelquefois son aire de création mais diverses influences l’ont souvent profondément modifiée. Nous avons inscrit notre approche dans une longue chronologie pour souligner la permanence des histoires racontées par les chansons. Ne chante-t-on pas l’amour, les départs, le travail, la révolte, depuis des temps immémoriaux ? L’enjeu était donc de faire parler un objet malléable, impossible à emprisonner dans un corset géographique ou chronologique ! »

Peut-on tenter une définition de la chanson française ? « On a dressé une cartographie des genres à partir des classements établis par les ethnomusicologues. Leurs critères très divers concernent la nature des propos, le contexte de la chanson, etc. Chacun a créé son catalogue des genres, dont certains se recoupent en partie… Les frontières floues de la cartographie présentée en début d’exposition permettent malgré tout de visualiser un panorama cohérent de la chanson populaire depuis les origines. Les classifications “chansons d’amour”, “de corporation”, “engagées”, “d’exil”, etc. ne rendent pas suffisamment compte de la richesse de ce corpus. L’industrie du disque qui a donné naissance aux variétés, aux standards et autres chansons à succès,

brouillent encore les tentatives de classement ! Ce petit objet familier qu’est la chanson, appelée souvent « chansonnette », est bien plus complexe qu’il n’y paraît… Il est constitué d’une indéniable dimension artistique, par l’écriture des paroles et de la musique mais aussi par l’interprétation qui relève du registre théâtral, d’une forte dimension sociale car la chanson est un vecteur de rencontres et d’affirmation de soi autour du rock, du rap, de la musette. Elle est aussi messagère d’opinions et d’émotions, évoque le souvenir, la mémoire. Elle s’adresse aussi à notre inconscient… La chanson n’est pas populaire uniquement parce qu’elle est pratiquée par tous mais surtout parce qu’elle contient toutes ces dimensions. »

Gainsbourg avait donc une vision très restreinte et erronée de la chanson populaire en la considérant comme un art mineur ? ** « Les propos de Gainsbourg (ou plutôt de Gainsbarre !) ont vivement été critiqués par les professionnels. Selon lui, créer une chanson ne nécessite pas d’initiation, contrairement aux “vrais” arts ! Ce jugement est contestable, bien sûr ! Le patrimoine oral ne s’est-il pas transmis avec tous ses codes et ses pratiques de conteurs en conteurs, de poètes en poètes, de chanteurs en chanteurs ? Gainsbourg se contredit d’ailleurs à la fin de l’altercation lorsqu’il

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prétend écrire des chansons qui frôlent l’art majeur… »

Dans l’exposition, comment avez-vous illustré la diversité de ce patrimoine oral ? « Pour nous au Musée dauphinois, la chanson est avant tout un “fait social”, fédérateur des communautés humaines. Nous avons donc voulu montrer comment sont traités, à travers toutes les époques, les thèmes permanents de la chanson française. Nous avons cherché en quelque sorte à parcourir notre histoire commune à travers la chanson populaire. Lorsque nous avons présenté cette approche au scénographe PierreVincent Fortunier, il a très vite proposé de reconstituer les pièces d’une maison d’habitation ! Car chacune pouvait faire écho à l’un

des grands thèmes invariants de la chanson populaire. Ainsi, c’est dans la chambre des parents qu’est exprimé l’amour, de la rencontre jusqu’à la rupture douloureuse… car « Les histoires d’amour finissent mal, en général » n’est-ce pas ? Aujourd’hui, les jeunes flirtent alors qu’hier ils se fréquentaient. Michel Delpech aurait fait n’importe quoi « Pour un flirt avec toi » mais les amoureux d’antan déclamaient des aubades… À chaque époque sa façon de célébrer l’amour ! L’exil, le départ des individus provoqué par les guerres, les nécessités économique ou politique, inspirent des chansons engagées (à écouter dans le vestibule de la maison). Véritables feux de paille, elles gagnent le monde, portées par une seule voix, en trois minutes…

Ce format court se prête aussi à raconter les petits riens que l’on échange autour de la table de la cuisine… qui confinent souvent à la routine et à l’ennui ! En réponse à l’immense répertoire sur l’envie d’évasion, Anne Sylvestre défend ces bonheurs quotidiens qui nous structurent. Pourquoi certains faits divers sont-ils quelquefois mis en chanson ? Parce qu’ils dépassent l’information éphémère et locale et doivent être transmis à tous, à l’instar d’un objet patrimonial. « Un jour au mauvais endroit » interprétée par Calogero a imprimé à jamais l’image de deux jeunes hommes sauvagement assassinés à Grenoble et soulève de graves questions sociétales. Quelle pièce pouvait symboliser la révolte ? La chambre d’adolescents bien sûr ! S’opposer aux normes

Vue de l’exposition, couplet « Douce France » Conceptionréalisation : Le Muséophone

Le temps des berceuses / Installation sonore* La berceuse parle de notre attachement primitif à la chanson ** Qui s’intéresse aux répertoires de tradition orale sait bien que la berceuse en est la porte d’entrée royale. Chanson de l’instant feutré avant le sommeil, où voix et corps agissent ensemble pour aider à franchir le seuil

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du jour vers la nuit. La première chanson, celle de l’adulte à l’enfant, est un acte de présence et de tendresse, c’est une chanson-relation. Les effets de répétition et de cycle, le rythme et la pulsation, le jeu des onomatopées greffées sur le mouvement du corps, autant d’éléments qui témoignent de ce qui reste d’enfance dans la

forme chanson. Extrait des confidences d’artistes et de parents*** recueillies par Péroline Barbet : « Le chant et les mots, c’est comme un grand soin, un bain pour l’enfant. » « Il y a un bonheur fou à dire, à s’exprimer et ils vont adorer jouer avec les lallations, les gazouillis, les consonnes

et le redoublement des syllabes.» « Parfois on transmet par le chant beaucoup plus que par la parole au quotidien.» *Réalisation de Péroline Barbet, ethnologue-documentariste, Grenoble, octobre-novembre 2016. ** Louis-Jean Calvet, linguiste. ***Nelly Frenoux (La voix du Hérisson), Bertille Puissat (Compagnie du Duende), Vincent et Ruben Staub, Annick Magnin, Nassima Boulghens.

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Olivier Hussenet et Vladimir Médail

imposées par les adultes, résister à l’envahisseur (Les Allobroges), à la société (Antisocial de Trust ou Le parti d’en rire de Pierre Dac), à la loi (La complainte de Mandrin)… »

Ainsi, chaque pièce de la maison est dédiée à un grand thème de la chanson populaire. Comment avezvous évité la cacophonie ?

PUBLICATION

SI ON CHANTAIT ! LA LA LA LA... Ouvrage collectif sous la direction de Franck Philippeaux, conservateur du patrimoine et de Chantal Spillemaecker, conservateur en chef au Musée dauphinois. Éditions du Musée dauphinois, décembre 2016, illustré, couleur, 80 pages, 13 e

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« Nous nous sommes appuyés sur l’expertise d’un metteur en scène du son, Pierre-Vincent Fortunier (Le Muséophone, agence de muséographie et de scénographie). Il a permis de construire notre discours avec des dispositifs fermés pour une écoute individuelle et avec d’autres procédés adaptés à une diffusion collective maîtrisée. Par ailleurs, les cloisons des pièces de la maison font office d’écran sonore. Ainsi les visiteurs, individuellement ou en petits groupes, se répartissent dans les espaces de vie pour écouter à loisir environ 78 chansons du patrimoine francophone ! Et comme à la maison, un poste de radio trône dans la cuisine, un téléphone dans le vestibule, un autoradio dans une automobile. Et vous pouvez même chanter en karaoké sous la douche les succès des sept dernières décennies ! »

On entend souvent dire qu’on chante moins qu’avant, cette conclusion vous semble-t-elle pertinente ? « Pour répondre à cette question, nous avons demandé à Péroline Barbet, ethnologue-documentariste, de mener l’enquête. Elle est partie à la rencontre de chanteurs, amateurs et professionnels.

Les témoignages prouvent au contraire l’existence d’une population chantante ! À commencer par les 220 formations musicales réparties sur le territoire isérois qui démontrent la pratique collective de la chanson par les chorales. Mais on chante aussi avec ses amis, sa famille, ses voisins, comme les “habitants-chanteurs” du quartier de la Villeneuve de Grenoble*** interrogés par Péroline Barbet. Les auteurs-compositeurs-interprètes professionnels, Mike d’Inca de Sinsémilia, Delfino des Barbarins fourchus et Yoanna, nous font entrer dans les coulisses de la création et décrivent le plaisir de constater l’appropriation par le public de leurs chansons. Et la chanson devient populaire. »

Y aura-t-il une face B à cette histoire sur la chanson populaire française ? « J’espère pouvoir prolonger ce travail en sollicitant la création d’artistes en résidence au musée. L’idée serait de proposer une reprise dans l’air du temps d’un thème particulier qui a marqué le patrimoine de la chanson… comme le mariage, l’exil, la rébellion. Une autre piste de cette face B serait d’étudier plus en détail la scène locale et l’histoire de la musique amplifiée en Isère pour poursuivre la démarche engagée par Séverin Batfroi et Philippe Hernandez dans leurs anthologies de la musique ou à l’instar des travaux menés par le MUPOP, musée des musiques populaires de Montluçon, etc. »

On va chanter encore longtemps au musée !

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Des chanteurs et musiciens en résidence de création au Musée dauphinois ! Pour faire vivre et revivre la chanson, le Musée dauphinois initie une résidence en partenariat avec Le Hall de la chanson (Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles) à Paris. Dix artistes créeront de nouvelles interprétations de chansons du patrimoine francophone, au cours de cinq opus. Le premier, intitulé «Les eaux sauvages» s’est déroulé du 3 au 10 mai. Le comédienchanteur Olivier Hussenet et le guitariste Vladimir Médail ont travaillé quinze chansons sur le thème de l’eau du répertoire d’Anne Sylvestre. Une restitution publique de l’ensemble de ces reprises contemporaines est prévue en décembre prochain. Pour suivre l’actualité des résidences d’artistes au Musée dauphinois, rendez-vous sur le blog : residencesmuseedauphinois. blogspot.com

*Franck Philippeaux est conservateur au Musée dauphinois et commissaire de l’exposition. **Référence à la célèbre altercation entre Serge Gainsbourg et Guy Béart, tous deux auteurscompositeurs-interprètes, dans l’émission Apostrophes de Bernard Pivot en 1986, née de l’affirmation de Serge Gainsbourg : « La chanson est un art mineur ». *** Le label MusTraDem a initié et conduit le projet In-situ Villeneuve avec les habitantschanteurs de ce quartier de Grenoble, qui a produit un concert et un CD articulés autour de reprises et de créations de chansons. www.mustradem.com

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Expositions photographiques

Alpes là ! Depuis mars dernier, la montagne est une nouvelle fois à l’honneur au Musée dauphinois ! Deux photographes nous transportent dans leur univers singulier où culminent les massifs alpins. Emmanuel Breteau a établi depuis deux décennies une forte confiance avec les habitants du Trièves. Son reportage émouvant dépasse leur complicité et traduit l’évolution d’une communauté de montagne au tournant du siècle. Depuis deux saisons hivernales, Éric Bourret redécouvre les massifs de Belledonne, du Dévoluy, de l’Oisans et du Vercors. Le photographe marcheur expérimente un mouvement créateur de flou et transforme la montagne en paysages flottants et vibrants. Après quelques semaines d’exposition les deux artistes s’expriment sur cette expérience au Musée dauphinois.

Avez-vous fait le choix d’exposer au Musée dauphinois parce qu’il est un musée de société ? Emmanuel Breteau : « Oui, les expositions permanentes et les nombreuses expositions temporaires du musée ont marqué ma manière de photographier. Dans une démarche similaire, je pars à la rencontre des gens. J’aime partager un instant de leur activité professionnelle ou de leur quotidien et lorsqu’un lien de confiance est suffisamment solide, je parviens alors à saisir des moments privilégiés. Ces rencontres me comblent de bien-être et nourrissent mon travail d’enquête voire plus, car souvent elles se terminent autour d’un verre ou à table ! »

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Éric Bourret : « À travers un fond permanent et en écho aux expositions temporaires, le Musée​dauphinois ​offre une lecture plurielle qui enrichit la compréhension du territoire et des hommes qui l’habitent. Mon travail procède en quelque sorte d’une même démarche, car au-delà de la photographie de montagne, on peut aussi imaginer les hommes qui la vivent intensément. »

Quels sens prennent vos travaux, au cœur du Musée dauphinois ? Emmanuel Breteau : « Depuis plus de vingt ans, les conservateurs des musées départementaux ont encouragé et soutenu mes projets, par diverses commandes de reportages mais aussi à travers deux expositions au Musée de l’Ancien Évêché*. C’est une longue collaboration sur le territoire. Exposer mon « travail-tranche de vie » sur le Trièves en ce lieu prestigieux, quelle belle reconnaissance, j’en suis très fier ! » Éric Bourret : « Au départ, ma démarche est plutôt artistique et la commande du musée m’a encouragé à affirmer cet aspect. En effet, proposer de « l’art contemporain » dans un musée de société est inhabituel et fort excitant ​! Le regard que je porte sur les « territoires d’altitude » propose une lecture « plastique ». On perçoit un corps à corps avec le paysage, ​le rythme de l’arpentage, la tension des masses minérales, une chromie ténue... Au Musée dauphinois ce travail se charge de la culture du lieu et revêt une dimension documentaire. »

Les musées sont-ils pour vous des partenaires réguliers et privilégiés de partage avec le public ? Emmanuel Breteau : « Oui, mes collaborations avec les musées sont indispensables, elles me permettent tout d’abord d’achever des projets personnels menés de longue date, en l’occurrence Trièves. Tournant de siècle. 20 ans de photographie avec les habitants. Mais aussi en me passant commande de reportages. Lorsque vient le temps de la présentation au public, les échanges sont mutuellement enrichissants. » Éric Bourret : « Oui, depuis de nombreuses années je suis invité par des Centres d’art ou des musées. J’aime cette relation de travail avec les institutions qui s’inscrit dans le cadre de commandes muséales (Musée dauphinois, Grenoble - Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, Nice - Hôtel des Arts, Toulon -

Alpes là ! Éric Bourret Carnet de marche 2015•16 Belledonne, Dévoluy, Oisans, Vercors Jusqu’au 23 octobre 2017 Emmanuel Breteau Trièves. Tournant de siècle 20 ans de photographie avec les habitants Jusqu’au 4 septembre 2017

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Abbaye de Montmajour, Arles) et je sais que je touche là un large public. Par ailleurs, des galeries (Hazard Gallery, Johannesburg Galerie Esther Woerdehoff, Paris me proposent aussi d’exposer régulièrement mon travail en France et à l’étranger. »

Quelles réactions aimeriezvous susciter auprès du public ? Emmanuel Breteau : « J’aimerais montrer un Trièves qui a changé d’époque et partager l’image d’un territoire vivant à la population diverse. Je sais qu’une exposition laisse des traces…. Ainsi l’été dernier j’ai rencontré un randonneur sur un sentier de l’Oisans qui, sans me connaître, m’a confié :

“ J’ai vu il y a quelques années une exposition formidable sur les gravures rupestres des Alpes au Musée de l’Ancien Évêché”. Vous imaginez ma fierté ! » Éric Bourret : « Ce qui me tient à cœur est de proposer une lecture différente des paysages​ arpentés. Mes photographies donnent à voir l​a puissance​de la montagne, que reconnaît bien le marcheur aguerri. Il regarde des paysages connus et parcourus mais il y retrouve surtout les sensations que l’on ne vit habituellement que « là-haut ». Je rends visibles les frissons, le ravissement éprouvés dans les espaces d’altitude. Le public le ressent toujours ! » n

* Expositions au Musée de l’Ancien Évêché : Roches de mémoire, 5000 ans d’art rupestre dans l’arc alpin en 2011-2012 et Une année à Roissard en 2006.

Portrait

Fabienne Pluchart a le cœur à l’ouvrage Fabienne Pluchart a étudié l’histoire de l’art à l’école du Louvre puis à la Sorbonne, complétée en parallèle par une année en muséologie pour apprendre la gestion des collections d’un musée. À la Sorbonne, elle a découvert le travail d’enquête et s’est lancée, dans le cadre d’un DEA, sur les traces de collectionneurs du XIXe siècle. Guide conférencière pour financer ses études, elle a appris à partager avec le public sa passion pour l’art et le patrimoine. Titulaire du concours d’attaché de conservation du patrimoine, elle obtient un premier poste au musée municipal de Melun en Seineet-Marne, puis un second au Musée d’art contemporain de Lyon. Au musée d’Allevard où elle travaille ensuite pendant neuf ans, elle participe au programme scientifique et culturel de ce musée tout juste municipalisé. Une expérience forte, en lien avec les habitants d’un territoire chargé d’histoire.

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Fabienne Pluchart est responsable du service « Collections et ressources documentaires » au Musée dauphinois. Elle exerce cette fonction avec fierté depuis deux ans et si ses responsabilités sont multiples, c’est avec l’engagement du premier jour qu’elle participe au rayonnement du musée.

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es collections hétéroclites (ethnologiques, photographiques, iconographiques, archéologiques, etc.) du Musée dauphinois imposent une rigueur sans faille quant à leur gestion, leur conservation préventive et leur valorisation. Chaque jour apportant son lot de surprises, Fabienne Pluchart doit, souvent dans l’urgence, prendre les décisions les plus adaptées pour répondre à toutes ses missions. Elle est fort heureusement épaulée par une équipe de professionnels,

complémentaires et polyvalents, qui conjuguent leurs efforts et leurs compétences pour relever le défi. Éloïse Antzamidakis (bibliothèque et phonothèque), Aurélie Berre (photothèque), Jean-Max Denis (images animées et bibliothèque), Elvire Basse (iconothèque), Marie-Andrée Chambon (objets ethnographiques) et Pascal Chatelas (archéologie) composent l’équipe des collections. Première mission du service, la conservation préventive des collections exige la surveillance constante de l’hygrométrie et de la température ainsi que des insectes ravageurs ! Lorsqu’un diagnostic d’infestation est avéré, il faut agir vite pour traiter les objets et éradiquer l’invasion… Participer à la valorisation des collections à travers les expositions du Musée dauphinois mais aussi des autres musées qui demandent

fréquemment des prêts, est le second volet des missions du service. Cet esprit d’ouverture permet de soutenir une politique dynamique d’acquisition. Achat ou don, chaque proposition est étudiée pour compléter et enrichir quelque 80 000 objets et 100 000 photos sans faire doublon. Fabienne goûte ces instants toujours émouvants de rencontres avec les particuliers qui proposent des objets, photographies ou tableaux. « Souvent les documents proposés s’inscrivent dans une histoire familiale, sur plusieurs générations. Les échanges avec les propriétaires donnent vie à l’objet et lui apportent une valeur historique, documentaire et affective. » De l’étude des collections au commissariat d’exposition, il n’y a qu’un pas que Fabienne s’apprête à franchir… affaire à suivre ! n

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Chef-d’œuvre

Un mobilier Jean-François Hache à l’honneur Le Musée dauphinois expose pour la première fois et jusqu’au 18 juillet 2017 une table-bureau marquetée de Jean-François Hache, chef-d’œuvre de l’ébénisterie grenobloise de la fin du XVIIIe siècle. Ce legs exceptionnel provient d’une famille originaire de l’Isère, déjà donatrice en 1997 d’une commode estampillée de JeanFrançois Hache. Son acquisition permet d’approfondir la connaissance du patrimoine mobilier régional mais aussi de conserver la mémoire des savoir-faire de l’ébénisterie française au XVIIIe siècle.

La recherche de la perfection et le foisonnement des idées, stimulés par les commandes d’une clientèle riche, contribuent à la vitalité des métiers d’art au cours du XVIIIe siècle. Alors que Paris demeure la capitale du bon goût, la province connaît aussi ses heures de gloire. À Grenoble, une dynastie d’ébénistes de talent, les Hache, occupe durant tout le siècle une place éminente dans l’artisanat régional.

Pendant quatre générations, des années 1650 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, ces artisans se transmettent savoir-faire et secrets du métier, formant ainsi l’une des plus longues dynasties de l’histoire de l’ébénisterie française. Ils prospèrent en répondant autant à la demande locale plutôt modeste qu’en honorant les commandes de l’aristocratie et de la bourgeoisie dauphinoises. Jean-François Hache est le plus réputé d’entre eux. Il reçoit, comme son père, le titre « d’ébéniste ordinaire de notre maison » par le duc d’Orléans en 1770. Il fera émerger ses formes et ses idées marquantes. Il étendra le commerce à la quincaillerie, aux miroirs, à la passementerie… Cette table à écrire est une pièce maîtresse de la collection de meubles et d’objets provenant de l’atelier des Hache et conservés au Musée dauphinois. Une restauration réalisée en 2016 lui a rendu son état originel et la table révèle à nouveau la richesse des bois marquetés ou teintés et l’élégance de ses formes. n

Le Musée dauphinois possède la plus grande collection publique de meubles signés Hache et a consacré deux expositions sur la dynastie, Hache. Ébénistes à Grenoble, en 1974 et en 1997.

En bref Acquisitions • 1000 photographies, 12 affiches, 1 classeur de cartes postales, 8 caisses de verres archéologiques. • 124 paires de gants, quelques objets et deux affiches provenant du fonds de la ganterie Perrin. • Surfs, skis et fixations de l’entreprise dauphinoise Emery.

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• Une partition La gantière de Grenoble, parole de Gustave Rivet et illustration de Tancrède Bastet, 1893. • Une huile sur toile de Théodore Ravanat intitulé Vieux pont sur le Guâ.

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Prochaine exposition

Lesdiguières le prince oublié En Isère, Lesdiguières évoque une rue, un lycée hôtelier ou un stade de rugby. Qui se souvient de cet acteur majeur de l’histoire du Dauphiné et de France ? Reconnu en son temps, aux XVIe et XVIIe siècles, mis à l’honneur jusqu’au XIXe siècle, il est en effet aujourd’hui inconnu du public. Pourquoi est-il tombé dans l’anonymat ? L’exposition Lesdiguières, le prince oublié invite à redécouvrir ce personnage.

Issu de la petite noblesse du Champsaur, François de Bonne (1543-1626), duc de Lesdiguières, connaît une ascension fulgurante. Chef de guerre des protestants du

considérablement la physionomie urbaine de Grenoble à cette époque. Sensible aux arts et aux lettres, il fait appel à des artistes français et étrangers pour ses propriétés dauphinoises et son hôtel particulier à Paris. Au soir d’une longue existence, il obtient en 1622, contre sa conversion au catholicisme, la charge suprême des armées avec le titre de connétable de France, dont il sera le dernier titulaire. Il laisse un patrimoine considérable à sa descendance, dont les premiers héritiers mâles jouissent du titre de duc de Lesdiguières. Des collections exceptionnelles constituées de peintures, d’objets usuels, militaires et religieux, d’ouvrages seront autant de témoignages invoqués pour lui rendre vie. n Cette exposition s’inscrit dans L’année Lesdiguières 2017 initiée par le Département de l’Isère pour mettre à l’honneur l’homme, son temps et la marque laissée par sa dynastie.

Consultez le programme des festivités sur www.lesdiguieres2017.fr EXPOSITION PRÉSENTÉE À PARTIR DU 20 OCTOBRE 2017

François de Bonne (1543-1626), premier duc de Lesdiguières, connétable de France. Premier quart du XVIIe siècle, Huile sur toile Dépôt du musée de Grenoble. Inv. MRF D 1896-1. © Musée de la Révolution Française, Domaine de Vizille

Dauphiné au temps des guerres de religion, il contribue à la toute fin du XVIe siècle à la pacification de la province et à l’application de l’édit de Nantes. Militaire, fin politique, proche d’Henri IV, il concentre les pouvoirs au début du XVIIe siècle tel un « prince » dans la capitale dauphinoise. Bâtisseur, il modifie

Trois expositions : • La splendeur des Lesdiguières, le Domaine de Vizille au XVIe siècle au Musée de la Révolution française - Domaine de Vizille, à partir du 23 juin 2017 • Les Alpes de Jean de Beins Des cartes aux paysages (16041634) au Musée de l’Ancien Évêché, inaugurée conjointement avec • Lesdiguières, le prince oublié, le jeudi 19 octobre 2017.

Si on chantait ! La La La La

Jusqu’au 5 février 2018

Alpes là !

Éric Bourret / Carnet de marche 2015•16 / Belledonne, Dévoluy, Oisans, Vercors Jusqu’au 23 octobre 2017 Emmanuel Breteau / Trièves. Tournant de siècle / 20 ans de photographie avec les habitants Jusqu’au 4 septembre 2017

Gens de l’alpe La Grande histoire du ski LE JOURNAL DES EXPOSITIONS Numéro 26 • mai 2017 Directeur de la publication : Olivier Cogne Conception, coordination, rédaction : Agnès Jonquères et Chantal Spillemaecker Conception graphique : Hervé Frumy Réalisation graphique : Francis Richard Crédits photo : Denis Vinçon et Franck Philippeaux Impression : Imprimerie Grafi Tirage : 3 000 ex. Dépôt légal : 2e trimestre 2017 • ISSN en cours

Musée dauphinois Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h du 1er septembre au 31 mai et de 10h à 19h du 1er juin au 31 août. Fermetures exceptionnelles les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre. 30 rue Maurice Gignoux 38000 Grenoble Téléphone 04 57 58 89 01

www.musee-dauphinois.fr www.facebook.com/museedauphinois

L’entrée est gratuite dans les musées départementaux.

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