978-2-35567-085-5
4066
Conficences d’outre-tombe Squelettes en question
15 e
Musée dauphinois
Que peuvent nous apprendre les morts de leur vie ? Que recherchent les archéologues en exhumant les défunts des siècles passés ? Exemple remarquable, la nécropole Saint-Laurent de Grenoble avec ses 1500 squelettes fouillés autour de l’église, offre un champ d’étude rare dont les interprétations scientifiques renseignent sur l’évolution de la population de la ville entre les IVe et XVIIIe siècles. L’ouvrage comme l’exposition qu’il complète évoque les recherches anthropologiques dans le domaine alpin, depuis la préhistoire récente – la plus ancienne tombe, celle d’ « Alexandre », ayant moins de 12 000 ans. Aujourd’hui, les techniques d’investigation des chercheurs permettent de « faire parler » les ossements sur l’âge, le sexe et l’état de santé des individus ainsi « auscultés ». Mais mieux encore, des disciplines innovantes, comme la bio-anthropologie, reconstituent le mode d’alimentation des hommes dans leur environnement. Toutes ces données nouvelles sont à comparer avec le contexte funéraire qui informe sur l’évolution des rites, croyances et pratiques (inhumation ou crémation) à travers les âges. De tout temps, l’image du squelette a été utilisée, autant pour décrire notre destinée que pour jouer avec la représentation ultime de la mort. Ces images, des vanités aux danses macabres, sont aujourd’hui reprises par l’industrie du loisir. Autant de confidences livrées par les restes humains que cet ouvrage tente de rassembler.
Confidences d’outre-tombe Squelettes en question Musée dauphinois
Confidences d’outre-tombe Squelettes en question
1
2
Confidences d’outre-tombe Squelettes en question Ouvrage dirigé par Jean-Pascal Jospin avec la collaboration de Cyrielle Brunot et Marion Radwan
Exposition coordonnée par le Musée dauphinois (Jean Guibal et Franck Philippeaux), le Musée archéologique Grenoble/Saint-Laurent (Jean-Pascal Jospin) et la Casemate (Laurent Chicoineau, Ludovic Maggioni) Avec le partenariat de l’Institut national de recherches archéologiques préventives et des Pompes funèbres intercommunales de la région grenobloise
GRENOBLE SAINT-LAURENT
3
GRENOBLE SAINT-LAURENT
GRENOBLE SAINT-LAURENT
Sommaire 6
Préface Alain Cottalorda
35
Saint-Laurent de Grenoble, des premiers mausolées au cimetière paroissial Renée Colardelle
7
Avant-propos Jean Guibal, Laurent Chicoineau et Jean-Pascal Jospin
40
La population de Larina du IVe au VIIe siècle d’après ses cimetières
Jean-Pascal Jospin
42 Le « cavalier noir » • Jean-Pascal Jospin
10
et Cyrielle Brunot
Anthropologie préhistorique alpine Jean-Jacques Millet
16 La grotte Joëlle : la plus ancienne sépulture régionale d’un chasseur du Paléolithique • Pierre Bintz
46
Comment faire parler les os humains ? Estelle Herrscher, Hélène Coqueugniot, Olivier Dutour et Stephan Naji
18 La sépulture de la Balme de Glos • Jean-Jacques Millet 20 La sépulture de la « dame assise », grotte des Sarrasins • Jean-Jacques Millet
22
Inhumations et crémations dans les Alpes romaines du Ier au IVe siècle après J.-C. Franck Gabayet
26 L’archéo-anthropologie • Franck Gabayet
4
52
Les habitants du quartier Saint-Laurent de Grenoble, leur mode de vie, leur état sanitaire Estelle Herrscher, Patrick Hervieu et Stephan Naji
26 Les sépultures d’enfants • Franck Gabayet
56 Un traumatisme crânien daté du XVIIIe siècle • Estelle Herrscher et alii
32 Une sépulture antique de Moirans • Franck Gabayet
57 Un cas de rachitisme sévère découvert dans un caveau • Estelle Herrscher et alii
58 Les mineurs de Brandes racontent leur histoire (XIIe-XIVe siècles) • Marie-Christine Bailly-Maître 62 Têtes en terre cuite d’Aoste : masques reliquaires ? • Jean-Pascal Jospin
64
Les rituels funéraires chrétiens au Moyen Âge Marion Radwan et Cyrielle Brunot
68
Les reliques à l’époque moderne en Dauphiné
Sophie Dupisson et Stéphane Poisson
94 95 98 102
Chronologie
Glossaire et annexe (squelette humain) Bibliographie Contributions et remerciements
74
L’art de la mort : le squelette et ses représentations Marion Radwan
82
Les professionnels de la mort, entre évolution des pratiques et rituels funéraires, et adaptation du rôle des cimetières Corinne Loiodice
86
Quand un squelette rencontre un autre squelette Franck Philippeaux
92 Une exp-Os-ition !
• Ludovic Maggioni
5
Préface
D
ans les larges missions confiées au Musée dauphinois par notre Assemblée départementale, figure au premier chef l’exploration de toutes les formes que peut prendre notre patrimoine collectif, mais surtout l’organisation de sa permanente confrontation à nos préoccupations contemporaines. Les témoignages du passé qui sont parvenus jusqu’à nous ne valent d’être conservés, restaurés et offerts au public que s’ils transmettent des valeurs, donnent un sens à notre propre expérience. Et l’on sait que cette institution est reconnue, de longue date, pour son implication dans les débats qui animent notre temps, jouant véritablement son rôle de « musée de société ». On ne s’étonnera donc pas du chemin que nous fait parcourir le présent ouvrage comme l’exposition qu’il accompagne, depuis les squelettes mis au jour par les archéologues sur notre domaine régional jusqu’aux figurations de crânes et autres ossements humains qu’arborent sur leurs vêtements et dans leurs jeux les jeunes générations de notre début de XXIe siècle. La confrontation peut paraître osée, mais les images de la mort sont éternelles et se prêtent à tous les usages et tous les détournements.
6
Cet exercice est d’autant plus intéressant qu’il est le résultat de l’étroite collaboration de deux établissements départementaux, le Musée dauphinois et le Musée archéologique Saint-Laurent de Grenoble, avec cette institution originale qu’est le Centre de Culture scientifique et technique (la Casemate), que soutient, avec d’autres partenaires publics et privés, le Conseil général. La dimension patrimoniale et sociétale est donc ici au contact direct des meilleures techniques de médiation numérique. Il n’en fallait pas moins pour tenter d’approcher ces « confidences », transmises par-delà les siècles par ces vestiges patrimoniaux si particuliers que constituent les squelettes de nos propres ancêtres. Alain Cottalorda Président du Conseil général de l’Isère
Avant-propos
L
es trois institutions culturelles installées si près les unes de l’autre sur la rive droite de l’Isère à Grenoble n’ont pas, autant l’avouer, de véritable tradition de travail collectif. Certes les deux musées sont très proches, mais le cloisonnement des disciplines et des catégories institutionnelles dans le champ culturel français est tel qu’il faut quelques efforts et un peu d’obstination pour rapprocher les projets et les méthodes. L’occasion est fournie avec cette opération originale construite autour de l’idée de « faire parler les morts » à travers les résultats de l’archéologie funéraire et le recours aux techniques les plus avancées de l’anthropologie biologique. Au terme de la longue fouille du prestigieux site de l’église Saint-Laurent conduite par Renée Colardelle, et au-delà des découvertes architecturales, ce sont en effet près de 1500 squelettes qui ont été mis au jour, issus de cette nécropole qui a été utilisée durant quelques quatorze siècles. En élargissant, pour les périodes plus anciennes, aux vestiges humains découverts par les préhistoriens sur le domaine régional le plus proche, apparaît un portrait révélateur de la population locale sur la longue durée qui, s’il ne peut prétendre se prêter à une large généralisation, n’en fournit pas moins des éléments d’information précieux sur la vie de nos ancêtres. Les études conduites par les anthropologues biologistes autour d’Estelle Herrscher, sur la population inhumée dans cette nécropole, comme celles de Jean-Jacques Millet sur divers sites régionaux, constituent le fondement de ce projet. Mais l’idée force de ce projet réside plus dans la présentation des méthodes et des acquis de l’archéologie funéraire prolongée par l’étude des vestiges humains que dans la caractérisation des
populations concernées. Et c’est en cela que la collaboration des trois institutions est féconde. À Saint-Laurent de fournir à la fois les « sujets » offerts à l’étude et les données de contexte qui permettent d’éclairer les périodes durant lesquelles ils ont vécu et... succombé ; tout en décrivant ce qu’est aujourd’hui la science archéologique – le partenariat accordé à ce projet par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) étant à cet égard déterminant. Au Musée dauphinois de rappeler qu’il n’est d’approche qui puisse se soustraire de données culturelles, que les rites funéraires, les modes d’inhumation et jusqu’aux caractérisations sociales des individus étudiés ont une valeur éminente pour la connaissance des sociétés auxquelles ils appartenaient. Enfin à la Casemate (CCSTI) de permettre au public d’aborder et comprendre les sciences et techniques mises en œuvre pour produire ce savoir sur cette population. Le précepte qui veut que « les morts nous parlent de la vie » requiert, on le voit, des démarches complexes et singulières. Ainsi fallait-il que ces squelettes ne soient pas séparés de leur environnement culturel. La position du corps, les rares objets qui ont été déposés auprès de la dépouille, les rites mis en œuvre (pour autant qu’ils aient laissé des traces !), les remaniements de la tombe qui ont pu intervenir après l’inhumation, etc., tout concourt à caractériser le sujet étudié et notamment à livrer des indices sur sa position sociale, son rôle dans la communauté, sa place dans la famille, etc. De la même manière, les techniques employées par les chercheurs doivent être présentées dans leur complexité et la relativité de leurs résultats. Le savoir-faire de l’équipe de la Casemate est en la matière irremplaçable et la médiation – ici
7
8
essentiellement avec des outils numériques – a tous les atouts d’une parfaite efficacité, d’une réelle rencontre avec les publics. Ces regards portés sur la mort – loin du voyeurisme morbide – ont naturellement conduit à un examen, fut-il rapide, de l’histoire des cimetières de Grenoble, venus compléter ou remplacer celui de Saint-Laurent. Et de rappeler, comme une première confrontation avec le présent, que les nécropoles contemporaines manquent de place, que la crémation devient une pratique aussi répandue qu’elle le fut durant la période romaine de notre histoire, et surtout que le recul de la pratique religieuse rend indispensable une nouvelle forme de ritualisation des obsèques, sans laquelle le « travail de deuil » ne peut s’accomplir. Sur ces thèmes, le partenariat engagé pour ce projet avec les Pompes funèbres intercommunales de Grenoble a été particulièrement précieux. Par ailleurs, la connaissance des vivants par l’étude du squelette humain ne pouvait que nous conduire à interroger l’histoire même de l’anthropologie physique (aujourd’hui dite biologique). Et de rappeler ainsi que la naissance de la médecine moderne passe par l’étude des corps morts, leur dissection notamment, même si elle a longtemps été interdite par l’Église. Mais que tout autant, au XIXe siècle notamment, cette science a développé des spécialités qui nous semblent curieuses aujourd’hui (la phrénologie par exemple), selon lesquelles le squelette pouvait receler les explications de certains caractères et comportements : ainsi a-t-on pu légitimer le racisme ou du moins établir une hiérarchie des races par la forme des crânes, tenter de repérer les individus potentiellement criminels, voire dénoter chez certains... la bosse des maths ! Enfin, le rapport entretenu par les vivants avec les squelettes – et plus généralement avec la mort ! – est si chargé de symboles qu’il a envahi le monde
des croyances populaires et quasiment toutes les formes d’expression artistique. De danses macabres en vanités, une riche iconographie témoigne du rôle et de la place que tiennent les ossements dans notre imaginaire collectif. Il était utile de le rappeler, ne serait-ce que pour tenter de comprendre les comportements contemporains, qui voient se répandre de telles figurations, dans une proportion qui ne semble jamais avoir été égalée dans l’histoire, sur les vêtements, les accessoires, les jeux, etc., que proposent les jeunes gens manipulant des symboles quelquefois anciens, mais souvent largement modernisés. Ultime concession au présent, et selon un usage fréquent sinon systématique au Musée dauphinois, des artistes contemporains (quarante-deux) ont été invités à produire une création originale sur un moulage de crâne humain. Une publication spécifique en rend compte, laissant au visiteur une large liberté de réflexion et d’interprétation. Ainsi est-il proposé au lecteur, comme au visiteur de l’exposition, en une période où la mort semble plus que jamais occultée, où le monde des vivants paraît si distant de celui des défunts, de parcourir un chemin qui, de l’archéo-anthropologie à la sociologie du présent, tente de poser un regard nouveau sur le squelette comme reflet du vivant. Tout en se questionnant sur ce patrimoine au statut pour le moins ambigu que constituent les restes humains… Jean Guibal, directeur du Musée dauphinois Laurent Chicoineau, directeur de la Casemate – Centre culturel scientifique et technique de Grenoble Jean-Pascal Jospin, directeur du Musée archéologique Saint-Laurent de Grenoble
Bernard Joisten Hors-piste, 2014 Michel Barjol Paysages dépaysés, 2014
Marie-Noëlle Pécarrère Heaven Lies, 2014 Didier RA// N° 25, 2014
[K]RÂNES42. Catacombe artistique au Musée dauphinois Le Musée dauphinois a demandé à des peintres, graphistes, tatoueurs, sculpteurs, dessinateurs de toutes tendances, de poursuivre et de renouveler la tradition des memento mori. Quarante-deux œuvres ont ainsi été créées pour l’exposition, à partir d’un modèle unique, la réplique d’un crâne humain de plâtre blanc. Une publication accompagne l’installation : [K]RÂNES42. Catacombe artistique au Musée dauphinois – Éditions Musée dauphinois, 2014
9
10
Anthropologie préhistorique alpine Jean-Jacques Millet de Cro-Magnon ou Hommes L’histoire de l’occupation des Alpes du Paléo-anthropologue modernes (220 000 à aujourd’hui). Nord par les hommes préhistoriques Pour autant, des restes humains est entrecoupée de nombreuses fossiles de ces âges anciens n’ont pages blanches. Cela ne veut pas dire pas été retrouvés exceptés le maxilque les hommes n’ont pas vécu dans laire néandertalien de la grotte de Cottencher les montagnes en ces périodes reculées, bien au dans le Jura suisse et les multiples restes contraire.
d
Cette constatation est le fait d’au moins quatre raisons, dont la première est la conservation des traces fossiles malgré l’englacement du massif. En effet, de longues périodes froides et glaciales dues aux variations climatiques entrecoupent la chronologie de la préhistoire. Durant ces périodes les hommes ont, d’une part déserté les reliefs, d’autre part les vallées sont rabotées par les langues glaciaires, détruisant tous les dépôts archéologiques de surface. Dans les karsts*, l’eau sous pression vidange les grottes de leur contenu sédimentaire. Des traces et des outils demeurent néanmoins et laissent supposer que leurs auteurs étaient présents, il y a plus de 300 000 ans, pour les plus anciennes. Le peuplement des Alpes n’est pas le fait d’une seule population, ni d’un seul type d’homme. L’évolution étant passée par là, les Homo erectus européens, autrement nommés Hommes d’Heidelberg (700 000 - 250 000 av. J.-C.), se sont succédé au pied du Vercors. À leur suite, ce fut le tour de leurs descendants, les Hommes de Néandertal (250 000 - 26 000 av. J.-C.), qui furent remplacés par les Hommes
humains de Soyons en Ardèche. En outre, les fossiles d’hommes de Cro-Magnon de culture aurignacienne (45 000 - 30 000 av. J.-C.) sont si rares sur le plan national qu’il est impossible, actuellement, de se faire une idée précise de leur allure. La conservation des os reste un fait rarissime, liée à un ensevelissement rapide, ce qui amène à la deuxième raison expliquant l’absence de fossiles : la rareté du recouvrement rapide des défunts, qu’il soit accidentel ou volontaire. Si les Néandertaliens enterraient leur morts bien plus que leurs ancêtres, cela n’était pas une généralité. La sépulture reste d’ailleurs un geste exceptionnel durant tout le Paléolithique. Cette constatation est valable pour les chasseurs-cueilleurs nomades que sont les Cro-Magnon, signalés en Vercors vers 35 000 avant notre ère. La troisième raison pour laquelle ces restes encore partiels n’offrent qu’une image tronquée de l’humanité qui a conduit à les mettre en fosse, est que la sépulture demeure une pratique funéraire rare, réalisée pour des gens « d’exception ». Il s’agit ici d’une conséquence sociale sur le choix du rite funéraire à effectuer
Fouilles de l’abri de Barne-Bigou, Fontaine, 1904. Musée dauphinois, © Hippolyte Müller.
“Croissant de Jade”, grotte sépulcrale de Fontabert, La Buisse, roche verte. Néolithique final, vers 2500 ans av. J.-C. Longtemps considéré comme un “bijou” porté en pendentif, une étude récente a démontré que le “croissant” surmontait une canne, sorte d’objet de prestige ou de pouvoir. Musée dauphinois, fonds Bibliothèque municipale de Grenoble, présenté au Musée de l’Ancien évêché, © Denis Vinçon.
11
Cavités sépulcrales n° 1 et 4, Les Râcles, Saint-Paul-deVarces. Fouilles Aimé Bocquet. © Aimé Bocquet
12
en cas de décès. Les critères sociaux sont donc prépondérants et invitent à penser que seules les personnes importantes aux yeux de la société d’alors étaient inhumées. La quatrième raison est plutôt d’ordre historique : elle concerne les méthodes de fouilles utilisées au moment de la découverte. En Isère, les découvertes les plus importantes ont été réalisées il y a presque 160 ans. Ernest Chantre et Hyppolite Müller (dont les méthodes de fouilles étaient les plus avancées de l’époque) sont à l’origine de la mise au jour des grottes de Bethenas (Crémieux, 1864), de Fontabert (la Buisse, 1894), de Barne-Bigou (1881) et de la Balme de Glos (1904) à Fontaine. Ce n’est que bien plus tard que quelques sites sépulcraux viendront allonger la liste, comme le Scialet* des Vouillants (Fontaine, 1957), les Râcles (Saint-Paul-de-Varces, 1960) et la grotte de Comboire (Claix, 1978). Aujourd’hui, sur les 78 sites funéraires signalés en Dauphiné, tous ou presque sont encore méconnus. De fait, il pourrait paraître difficile de dresser un portait unique et fidèle de ces premiers montagnards, le peuplement des Alpes s’avérant complexe comme l’a décrit Aimé Bocquet, puis Pierre Bintz. Géographiquement, les saillies du Haut Rhône au niveau de la cluse de Yenne (Savoie) et celle de l’Isère à Moirans
dans la vallée du Rhône, rendent accessible l’intérieur des Alpes. Il en va de même pour la Durance et le Buech. Ainsi l’Isère, l’Ain, la Savoie, la Drôme et les Hautes-Alpes se côtoient autour de carrefours de circulation traversés de multiples influences culturelles. Pourtant, les sépultures parlent généralement bien plus des vivants que des morts. L’évolution des rites funéraires au cours de la préhistoire en dit long sur les groupes sociaux, les relations humaines et l’émergence des inégalités. À travers leur lecture, c’est tout un pan de leur mode de vie qu’il est dorénavant possible d’esquisser. Du Magdalénien au Sauveterrien et Castelnovien (du Paléolithique au Mésolithique, soit de 18 000 à 6500 av. J.-C.), les premiers restes humains fossiles de la région sont à associer à ces hommes chasseurs-cueilleurs de la fin des temps glaciaires. Ils ont été découverts, pour la plupart, en contexte funéraire. Ces sépultures sont simples ou doubles (un ou deux corps) en Bugey (Les Hoteaux, Sous-Balme), dans la cluse de Yenne (la Grotte des Romains et la Grande Gave) et en Vercors (la Grotte Joëlle). En Chartreuse, les quelques restes exhumés à la Grotte Jean-Pierre 1 et sur le site de la Fru ne sortent pas de contextes sépulcraux avérés. Dans notre région, les sépultures multiples (avec plusieurs corps) sont relativement rares
mis à part l’aven des Iboussières dans la Drôme. Elles n’apparaissent d’ailleurs clairement qu’au Néolithique moyen (vers 4 500 ans av. J.-C.). Ces premières sépultures sont donc simples, parfois doubles. Elles sont fort rares : il a en effet été estimé que tout au plus 6 % des restes humains découverts au Magdalénien sont issus d’un contexte sépulcral. Chemin faisant, les sépultures se complexifient. Des présents, des parures et de l’ocre y sont ajoutés, ainsi qu’une mise en scène. Le geste funéraire souligne désormais l’importance sociale du défunt. C’est le cas de la sépulture de la grotte Joëlle, à Saint-Agnan-en-Vercors : le corps d’un homme robuste, âgé d’une cinquantaine d’années, y était déposé sur le flanc dans une simple fissure de la roche. C’est la plus ancienne sépulture du Vercors, datée aux environs de 10 000 av. J.-C. Bien qu’aucune datation ne soit venue le confirmer, cette sépulture épipaléolithique pourrait être rapprochée de celle de l’abri de Bobache, toujours dans le Vercors, où une petite fosse abritait les restes réunis d’une femme adulte. Ce denier cas est intéressant, il permet en effet d’attester que des manipulations de restes osseux pouvaient être opérées après un premier dépôt temporaire en vue d’une véritable sépulture, dite secondaire et définitive. Au Mésolithique, dans l’abri de
Vionnaz situé dans les Alpes valaisannes, une fosse remplie d’ossements calcinés a été trouvée. Il s’agit également d’un dépôt secondaire intentionnel plutôt que d’une combustion accidentelle. La rareté des cas et la richesse, parfois, des présents, montrent l’émergence de chefs de clan ou de lignages et le fait qu’une petite partie de la population possède une grande partie des richesses. La sépulture serait ainsi liée au prestige social. L’aven des Iboussières, près de Malataverne, en est un bon exemple puisqu’ont été découverts les restes de neuf individus et une impressionnante série d’objets de parures. Les chasseurs-cueilleurs des steppes ou des bois de toutes ces époques ont conservé, durant des millénaires, les mêmes pratiques, bien que celles-ci présentent parfois des variantes. Elles reviennent encore et toujours souligner la présence d’une élite. Le grand Alexandre, nom donné à l’homme de la grotte Joëlle, était de toute évidence l’un de ces personnages importants, un grand chasseur et un homme de type moderne. Au Néolithique (6500 – 2200 av. J.-C.), les sépultures sont plus fréquentes et deviennent multiples (avec plusieurs corps). Des nécropoles sont ainsi signalées un peu partout : des grottes deviennent des sépulcres, des trous sont creusés aux flancs des collines (hypogées*), des
Détail de l’os coxal droit du squelette dit du « jeune », avec une extrémité de pointe de flèche en silex fichée dans l’os et qui serait à l’origine de sa mort. Ce jeune, âgé de 17 à 19 ans a été inhumé avec six autres individus dans un puits funéraire de la Balmeles-Grottes (Isère). Néolithique moyen, 4300 av. J.-C. Musée dauphinois, © Denis Vinçon
13
Ensemble de céramiques d’accompagnement de sépultures (grande jarre de stockage, vases, coupe) retrouvé dans une fissure funéraire. Scialet-desVouillants, Fontaine (Isère). Âge du Bronze final, 1100-900 av. J.-C. Fouilles Aimé Bocquet. Musée dauphinois, fonds centre de Documentation de Préhistoire alpine, © Denis Vinçon
14
tumulus* sont élevés... Dans certains mégalithes, peu de sépultures sont présentes alors qu’il fallait être des dizaines d’hommes, voire des centaines, pour ériger de tels monuments. Les différences hiérarchiques n’ont pas disparu, bien au contraire. Une petite partie de la population gît dans ces lieux funéraires, parfois seulement les hommes ou les membres masculins d’une même famille. Cela pourrait-être le cas des sépultures chasséennes du puits funéraire de la Balme-les-Grottes, en Isère, dont les restes sont datés de plus de 4300 ans av. J.-C. C’est l’une des plus anciennes sépultures du Néolithique dauphinois, à laquelle s’ajoutent la grotte de Comboire à Claix et une sépulture simple de la Balme de Glos à Fontaine. Là, un homme a été enseveli, allongé sur le flanc, avec plusieurs présents dont la défense d’un énorme sanglier. Vers la fin du Néolithique, les temps et les mœurs changent, comme en témoignent les sépultures de ces périodes à la grotte de Comboire (Claix), La Pierre-Millet (SaintQuentin-Fallavier), à la grotte du Chatelard, des Sarradins et de la Barme de Savigny en Savoie. Les sépultures deviennent plus collectives et le recrutement exclusivement masculin fait place à un choix plus communautaire. Les rites et les aménagements deviennent variés
et les crémations plus importantes comme à Barne-Bigou (Fontaine) ou dans l’hypogée de Mours-Saint-Eusèbe près de Romans. Dans l’ensemble, les femmes et surtout les enfants ont un statut variable. Ces derniers sont fréquemment absents des ensembles funéraires et probablement déposés dans un lieu différent de celui des adultes. Parfois, il arrive même qu’un seul élément de leur squelette soit intégré postérieurement au lieu de sépulture de la communauté, comme c’est le cas de la grotte funéraire du Trou du Renard à Ribiers dans les Hautes-Alpes. À première vue, ces rites funéraires peuvent être très variables de part et d’autre d’un fleuve : c’est le cas au Néolithique moyen de la grotte de la Balme en Isère et de la grotte de Souhaits dans l’Ain. Au contraire, ils peuvent tout aussi bien être d’une grande homogénéité au sein d’un grand espace géographique. Bien que les hommes se soient sédentarisés, les populations bougent encore fréquemment. Les ancêtres, eux, sont associés à la terre. Par sa particularité, son aménagement ou son architecture, la tombe marque le lien des ancêtres au territoire et le symbole de leur pouvoir (monuments mégalithiques). Autre changement, si ce n’est une révolution, l’Âge du Bronze inaugure d’autres modes de pensées. La démocratisation
précédente est abandonnée brutalement et de nouveaux rites apparaissent. Ces populations n’hésitent pas à reprendre à leur compte des lieux funéraires après un nettoyage et une dispersion des sépultures plus anciennes, des pratiques qui sont aujourd’hui loin de faciliter la tâche des archéologues. Dans ces nouvelles sépultures, les corps sont préservés. Un mobilier beaucoup plus riche, associant bracelets et autres éléments de parure, mais aussi céramiques, est présent comme aux Râcles à Saint-Paul-de-Varces, au Scialet des Vouillants à Fontaine ou encore à la grotte des Sarrasins (Seyssinet-Pariset) pour la « dame assise ». Dans le cas de crémation, les restes sont introduits dans une urne funéraire et déposés dans une grotte : c’est l’exemple des fameux champs d’urnes de la grotte de la Balme en Isère. Ainsi, une nouvelle forme de société se met en place avec d’autres modes de représentation entre les hommes et les femmes. La conclusion de cette promenade à travers le temps pourrait être assez inattendue. De toute évidence, l’évolution des pratiques funéraires au fil des millénaires ne va pas dans le sens de la simplification, mais plutôt vers une diversification des pratiques avec l’émergence de modes et de cultures, qui créent une mosaïque de groupes et de populations qui se côtoient ou se
succèdent avec des organisations sociales différentes. Des sociétés très hiérarchisées sous les ordres d’un chef et/ou de lignages (noblesse) cohabitent avec des groupes beaucoup plus collectivistes. À l’intérieur de ces groupes, les rapports de pouvoir entre hommes et femmes changent selon le niveau social ou culturel. Cet équilibre aussi bien naturel que culturel n’a donc rien d’écrit, ni de définitif : il est le fruit d’une construction « politique ». D’un point de vue anatomique, s’il y a bien des modifications quant à la morphologie des crânes, les hommes sont plus petits ou plus grands suivant les époques sans que l’on puisse en tirer de véritables lois d’évolution. La révolution néolithique et la sédentarisation favorisèrent bien évidemment les progrès techniques mais également l’émergence de parasites, de caries dentaires, de maux de dos et de maladies comme la tuberculose... À tel point que nous pouvons nous demander, comme Jean Guilaine, où se situe le véritable progrès. n
Entrée de la grotte du Scialet-des-Vouillants, Fontaine (Isère). © Jean-Jacques Millet
Boîte crânienne (crâne haut et brachycéphale). Scialet-des-Vouillants, Fontaine (Isère). Âge du Bronze final, 1100-900 av. J.-C. Fouilles Aimé Bocquet. Musée dauphinois, fonds Centre de Documentation de Préhistoire alpine. © Denis Vinçon
15
16
La grotte Joëlle : la plus ancienne sépulture régionale d’un chasseur du Paléolithique (Saint-Agnan-en-Vercors, Drôme) Pierre Bintz Préhistorien
C’est au pied du Vercors, sur le site de Balme de Glos à Fontaine (Isère) qu’Hippolyte Müller, lors d’une fouille en 1904, atteint à la base d’une stratigraphie un horizon culturel magdalénien caractérisé par des burins et des lamelles à dos, « si étrange que cela puisse paraître dans les Alpes ». Il fait confirmer ce diagnostic par de meilleures autorités que lui. En effet, à l’époque, l’unique site du Paléolithique connu des Alpes du Nord est celui des gisements dits de Veyrier à Étrembières (Haute-Savoie) au pied du Salève, explorés depuis les années 1833. En 1912, la fouille de Bobache à La Chapelle-en-Vercors fournit à Müller une stratigraphie permettant la mise en évidence de la succession de l’époque azilienne (12 000 à 9 500 av. J.-C.) puis magdalénienne (15 000 à 12 000 av. J.-C). Ces découvertes sensibilisent à ses travaux de nombreux paléolithiciens* de l’époque, parmi lesquels l’abbé Breuil et Marcellin Boule. Depuis, des fouilles et des recherches récentes, notamment la découverte d’une sépulture, ont confirmé que le
Vercors était un haut lieu des occupations humaines au Paléolithique supérieur. À 1000 m d’altitude, la sépulture de la grotte Joëlle à Saint-Agnanen-Vercors (Drôme) est une étroite anfractuosité rocheuse située dans la haute vallée de la Vernaison, au pied du col de Rousset. Il s’agit d’un aven obstrué s’ouvrant à un mètre du bord de la route, dans le calcaire urgonien. En 1983, lors du dégagement de la cavité par des spéléologues, le squelette incomplet d’un homme comprenant la boîte crânienne, les côtes et les os des membres, a été prélevé en compagnie de quelques silex. En raison de l’intérêt de cette découverte, une fouille de sauvetage fut menée par le Centre de recherches préhistoriques du Vercors, non seulement pour compléter le squelette et le dater, mais aussi pour observer la stratigraphie du site. Le corps, inhumé en position contractée, assis ou couché sur le flanc, fut ainsi rapporté à la fin du Paléolithique supérieur, soit aux alentours de 10 000 avant J.-C. Le mobilier funéraire qui l’accompagnait était composé de six lames attribuées aux cultures de cette période d’après la méthode de taille. Le silex utilisé pour les fabriquer provient du
plateau de Vassieux-en-Vercors. L’âge de cet individu (qui mesurait environ 1,60 m) est estimé à une cinquantaine d’années. Il souffrait d’arthrose et d’une pathologie ankylosante au niveau des vertèbres cervicales et lombaires. Même si la cause du décès n’est pas déterminée, cet homme avait de toute évidence atteint le stade de la vieillesse pour son époque. Par la technique de taille des outils en silex trouvés dans sa sépulture, cet homme relève de la culture magdalénienne, rarement représentée dans les Alpes du Nord. Le musée de la Préhistoire du Vercors à Vassieux présente une reconstitution de la sépulture, la boîte crânienne étant exposée au musée de l’Ancien Évêché de Grenoble. n
Inhumation d’“Alexandre”. Dessin Yves Juvin
Reconstitution de la grotte. © Régis Picavet
Six lames de silex retrouvées avec la sépulture d’“Alexandre”, Saint-Agnanen-Vercors (Drôme). Vers 10 000 av. J.-C. (Magdalénien). © Pierre Bintz. Musée dauphinois, dépôt au Musée de la préhistoire du Vercors, Vassieux-en-Vercors (Drôme)
17
82
Les professionnels de la mort Entre évolution des pratiques et rituels funéraires, et adaptation du rôle des cimetières Depuis la seconde moitié du XXe Corinne Loiodice siècle, le comportement de notre Directrice des Pompes funèbres société face à la mort s’est profon- intercommunales de la région grenobloise dément modifié. La mort, qui faisait jusque-là partie intégrante de la vie dont elle est la dernière La solidarité de étape, a été occultée pour devenir un sujet tabou.
croyances et rituels religieux se sont perdus en raison du net recul de la pratique religieuse de notre société, en particulier de la confession dominante, le catholicisme. la famille, des amis et des voisins, comme la prise en charge des pratiques funéraires par l’entourage et la communauté (toilettes mortuaires, veillées, funérailles, etc.) ont ainsi peu à peu été remplacées par une prise en charge des défunts par des professionnels funéraires. Alors qu’autrefois on mourrait principalement à son domicile entouré des siens, depuis les années 1960 les décès se produisent de plus en plus à « l’hôpital », pour atteindre 75 à 80 % des décès, ce pourcentage est encore plus important en milieu urbain en raison de la proximité des établissements de soins et du placement de plus en plus fréquent des personnes âgées « en résidence ».
d
Ce changement des mentalités est dû à plusieurs facteurs qui se sont cumulés : l’exode rural qui a « urbanisé » les comportements, le développement des établissements de soins où se produisent désormais la plupart des décès, le désengagement religieux de la société qui l’a éloignée des pratiques et rituels confessionnels, ainsi que la désaffection des cimetières qui ont perdu leur caractère sacré de lieu du dernier repos avec, en corolaire, la forte progression de la pratique de la crémation. Ces différents facteurs ont amené notre société à adapter ses pratiques et ses rituels funéraires, ainsi qu’à adopter un autre regard sur les cimetières dont le rôle doit être mis en adéquation avec les comportements sociétaux.
Les demandes des familles ne sont plus les mêmes qu’autrefois. Laïcisation des pratiques Lors d’un décès, les familles ont besoin désoret rituels funéraires mais d’une prise en charge complète par l’opérateur funéraire : Les modes de vie ont changé, le décès ne se produit plus au domicile. - Le défunt : l’admission des défunts se fait dans La vie en milieu urbain, la dispersion et l’écla- des chambres funéraires, en raison de l’inatement des familles, l’accroissement de l’espé- daptation des chambres mortuaires des étarance de vie et l’isolement des personnes âgées blissements de soins, ou du domicile. Toutes sont les facteurs essentiels du changement des ces contraintes nécessitent la prise de dispositions pour conserver le défunt dans des bonnes comportements de la société lors d’un décès. Les rites funéraires traditionnels liés aux conditions : soins et toilette mortuaires, soins
Salle de cérémonie et cimetière intercommunal. © PFI
83
de thanatopraxie ou de conservation pour la présentation du défunt dans les meilleures conditions d’hygiène et de dignité également. Enfin, elle permet le recueillement de la famille et des amis souvent géographiquement dispersés, en un même lieu. - L’organisation des obsèques : l’opérateur organise le déroulement des obsèques et coordonne les différentes étapes des intervenants, depuis le décès jusqu’à l’inhumation ou la crémation. - La célébration : si le rituel reste encore très traditionnel chez les israélites, les musulmans, les bouddhistes…, le recul de la pratique religieuse chez les catholiques se traduit par le délaissement des traditionnelles messes de funérailles remplacées par de courtes cérémonies célébrées par des équipes paroissiales. Pour cette même raison, la demande de cérémonie civile se développe et les professionnels funéraires apportent une réponse par un personnel formé à la conception et à la célébration des cérémonies avec un rituel civil, où la spiritualité est néanmoins fortement présente. - Les démarches post-obsèques : il existe différents services d’assistance tels que les informations juridiques et administratives, le soutien psychologique, l’aide à domicile…
La crémation rattrape l‘inhumation 84
La crémation est devenue une pratique courante de notre société, passant de 1 % des obsèques en 1980 à 35 % en 2014. Ce développement est en grande partie dû à la baisse importante de la fréquentation des cimetières et à l’éclatement géographique des familles, ainsi qu’au développement de nouvelles pratiques : rituels de recueillement et d’adieux propres à la crémation, rituels de dispersion des cendres.
La multiplication des sites cinéraires dans les cimetières comme dans l’enceinte des crématoriums (columbariums, places cinéraires, …) a également contribué au développement de la crémation et a participé à son évolution en instituant un lieu de souvenir.
L’adaptation du rôle du cimetière La création et la gestion des cimetières ont été transférées aux communes par les lois de 1804 et de 1884, chaque commune devant disposer d’un lieu de sépultures pour l’inhumation des personnes décédées sur son territoire. Ce lieu de sépultures placé jusqu’alors sous l’autorité de l’Église relève depuis de la responsabilité des communes où les maires ont obligation de veiller à ce que toute personne décédée soit inhumée avec décence et dignité, sans distinction de croyance et de culte. Pour les communes, la gestion des cimetières s’est longtemps limitée à celle d’un lieu d’inhumation avec la délivrance de concessions (mais elles n’ont pas l’obligation absolue de concéder des emplacements). La seule obligation légale des communes est en fait de disposer des places nécessaires dans les cimetières pour procéder à l’inhumation des personnes décédées sur le territoire, de délivrer les autorisations d’inhumation et d’exhumation, d’assurer la police des cimetières. La fréquentation des cimetières a beaucoup régressé pendant ces cinquante dernières années, mais les usagers, moins nombreux, sont devenus plus exigeants, non seulement en termes d’esthétique et de décence des lieux, mais également en matière environnementale ce qui a amené les collectivités à se montrer désormais plus attentives à la gestion de cet équipement
public qui a la double caractéristique d’être un lieu de mémoire et un « site technique » pour l’inhumation ou pour le dépôt des cendres. Aussi, elles ont mis en œuvre des politiques d’embellissement des cimetières par divers travaux de réaménagement, de plantations, d’entretien des espaces communs, et par la mise en valeur du patrimoine architectural et artistique des monuments « remarquables » des cimetières. Ces politiques se traduisent également par la réalisation régulière d’opérations de reprises des concessions abandonnées, dont les monuments non significatifs et parmi les plus anciens du cimetière sont souvent en mauvais état, ce qui confère aux lieux un aspect d’abandon et peut de surcroît constituer un risque d’insécurité pour les usagers. Les collectivités procèdent alors à des reprises de concessions par le démontage des monuments et l’exhumation des restes mortels des personnes inhumées. Ceux-ci sont ensuite déposés dans l’ossuaire communal, ou peuvent faire l’objet d’une crémation lorsque ces ossuaires sont saturés ou en nombre insuffisant. Les emplacements repris sont ensuite remis en service pour répondre aux besoins des populations, ce qui évite aux communes de créer de nouveaux cimetières. Ces nouveaux cimetières, le plus souvent implantés en périphérie des villes, sont très différents des cimetières urbains. Ils se caractérisent par un traitement paysager de l’espace, favorisant leur intégration dans l’environnement avec des haies végétales en remplacement des murs d’enceinte et des espaces verts, des espaces d’inhumation sous gazon, des hauteurs limitées pour les monuments. Ils nécessitent une étendue plus importante pour leur
implantation, car leur densité est moindre par rapport à un cimetière traditionnel, à raison de 15 à 20 m2 par emplacement au lieu de 5 m2, mais ils s’intègrent bien dans un site non urbain, pouvant même être traités comme des lieux de promenade, à l’instar des cimetières des pays scandinaves ou anglo-saxons. Enfin, pour répondre à la forte évolution de la crémation, les cimetières disposent également d’un site cinéraire destiné à l’inhumation ou au dépôt d’urnes, tels que les columbariums, places cinéraires ou cavurnes, ou encore à la dispersion des cendres comme le jardin du souvenir, offrant ainsi un large choix pour la destination des cendres après une crémation. L’évolution de la société a transformé les pratiques funéraires. Fait notable, les professionnels funéraires se sont substitués à la communauté dans la prise en charge et l’accompagnement des familles. C’est justement la prestation d’obsèques qui fait désormais évoluer les pratiques vers une professionnalisation du traitement des défunts et de l’accompagnement des familles, et vers une ritualisation laïcisée des hommages et des cérémonies funéraires. Même si la fréquentation des cimetières accuse une forte baisse, à l’exception des fêtes de la Toussaint – qui reste importante mais enregistre également une baisse de fréquentation en raison du désintérêt croissant de la société pour les traditions religieuses et le culte des morts – ils n’en demeurent pas moins un lieu intemporel de mémoire et de recueillement nécessitant un traitement humain et digne. Les services funéraires publics contribuent pour une large part à cette indispensable veille éthique au seul service des familles en deuil. n
85
Une exp-Os-ition ! Ludovic Maggioni Responsable des expositions à La Casemate Les participants du workshop : muséographie créative © Pierre Borghi
92
Le musée est un espace toujours plus ouvert sur la société. À la manière des médias numériques, il souhaite intégrer la participation au cœur de ses projets, dialoguer d’une manière différente avec son audience en donnant la parole. La prise de parole dans les musées n’a en soi rien de nouveau : de nombreux exemples, en particulier au Musée dauphinois, pourraient être cités1. Ce qui change aujourd’hui, à l’ère du numérique, ce sont les modes de participation ! Dans la veine de Museomix2, un évènement qui rassemble sur deux jours des passionnés de musée et de technologie (ils se nomment les muséogeek) pour inventer des dispositifs inédits de partage des savoirs, La Casemate, en partenariat avec le Musée archéologique Grenoble - Saint-Laurent et le
Musée dauphinois, a tenté une expérience originale : donner une parole scénographique à des visiteurs !
Retour sur une expérience originale Tout a commencé les 3 et 4 avril 2013. Vingt-deux personnes se sont présentées à Ideas Lab sur le site du CEA pour imaginer la future exposition. Pendant deux jours, ces personnes en formation, ces étudiants, ces passionnés de techniques et ces archéologues ont développé quatre scénarios originaux au sein de quatre équipes aux noms très évocateurs d’une ambiance improbable : Os’mose, Squelette academy, Squelette ville et Squelettes antiques enquêtes en kit ! De ces deux journées sont issues beaucoup d’idées, de projections en vrac : des brouillons, des schémas, des dessins plus ou moins aboutis permettant d’appréhender les représentations des futurs usagers de l’exposition.
Une démarche d’innovation ouverte Ce projet s’inscrit dans le cadre d’expérimentations menées par La Casemate où l’usager du musée, le visiteur, est considéré comme un potentiel contributeur des contenus de l’exposition. Pourquoi ne donner la parole qu’aux experts ? C’est un laboratoire vivant (Living Lab3) qui se matérialise sur une durée courte pour évaluer des concepts et se nourrir de la pensée des visiteurs. Le résultat, ce sont des dispositifs imaginés de transmission des savoirs plus ou moins aboutis et plus ou moins réalistes qui sont ensuite repensés par l’équipe muséographique et intégrés, pour certains, dans le scénario final de l’exposition. Ce processus nommé « innovation ouverte » permet à l’usager d’être replacé au cœur de la démarche d’innovation.
Deux exemples de dispositifs Os’can par l’équipe Squelette academy L’idée : un scanner de squelette à même de révéler un diagnostic. Ce dispositif a été réalisé pour parler des maladies qu’il est possible d’identifier grâce aux traces qu’elles laissent sur les os, par exemple la syphilis et la tuberculose. C’est Olivier Dutour et son équipe d’anthropologues de l’équipe P.A.C.E.A. (de la Préhistoire à l’Actuel, Culture, Environnement, Anthropologie) de Bordeaux qui se sont prêtés au jeu et qui ont fourni le contenu scientifique de ce dispositif : film 3D, où les os sont observés quand le scanner virtuel passe sur un squelette témoin. Mir’os par l’équipe Os’mose L’idée : La danse macabre, danser avec son squelette. Cette installation se trouve dans la partie de l’exposition consacrée à la force symbolique du squelette. Le
développement des technologies de captation de mouvements issus du monde du jeu vidéo (kinect 4) permettent de le réaliser. Ce dispositif permet au public de mieux percevoir son squelette et d’interagir avec lui. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette démarche, un blog « digital bones5 » permet de retracer en détail les résultats de ces travaux.
de travail tant du côté des participants que de celui des concepteurs de l’exposition ! n
L’équipe squelette academy en light painting © Jadikan
Le film de cette expérience
Réel / Virtuel Le fil conducteur des choix muséographiques pour le développement de ces dispositifs s’est intéressé à la place du numérique dans les expositions. Le numérique permet de développer des outils qui dialoguent avec les collections présentées dans le musée, le réel. Les dispositifs permettent de renforcer l’expérience de l’utilisateur par l’immersion.
DUCLOS Jean-Claude. La co-écriture dans les musées, La Documentation française, 2011, Collection Musées-Mondes, Paris, pp. 111-118. 1
2
http://www.museomix.org/
3 http://en.wikipedia.org/wiki/Living_lab 4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Kinect
Pour conclure, grâce aux séances de créativité et aux réflexions collectives, cette démarche perfectible a permis de bousculer et enrichir des habitudes
5 http://www.echosciences-grenoble.fr/
sites/digital-bones
93
97
Contributions et remerciements L’exposition Confidences d’outretombe - Squelettes en question, dont cet ouvrage est le prolongement, présentée au Musée dauphinois (à partir du 19 décembre 2014), en partenariat avec le Musée archéologique Grenoble Saint-Laurent (MAG), et La Casemate, (Centre de Culture scientifique, Technique et Industrielle de Grenoble), a été réalisée sous la direction de Jean Guibal, directeur du Musée dauphinois, conservateur en chef du patrimoine, de Laurent Chicoineau, directeur de La Casemate (CCSTI-Grenoble), de Jean-Pascal Jospin, directeur du Musée Archéologique Grenoble SaintLaurent, conservateur en chef du patrimoine, de Franck Philippeaux, conservateur du patrimoine au Musée dauphinois, et de Ludovic Maggioni, responsable du service des expositions à La Casemate.
102
Ce travail a bénéficié de la collaboration de Cyrielle Brunot et Marion Radwan, stagiaires, étudiantes en master d’Histoire de l’Art à l’Université de Grenoble, Héloïse Bouillard, assistante de conception d’exposition à La Casemate et Anaïs Chery, stagiaire, assistante de conception d’exposition à La Casemate, et de Jonathan Borel, stagiaire, étudiant en master d’Histoire à l’Université de Grenoble. L’ensemble du projet a bénéficié de l’active collaboration et du soutien financier de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (Inrap) et des Pompes funèbres Intercommunales de la région grenobloise (PFI). Il s’inscrit aussi dans le programme INMEDIATS (Innovations, Médiations, Territoires), lauréat des Investissements d’Avenir.
Un comité de pilotage a contribué à l’élaboration du contenu de l’exposition et participé à la rédaction de l’ouvrage : Marie-Christine BaillyMaître, directeur de recherche émérite au CNRS, Pierre Bintz, préhistorien, Aimé Bocquet, préhistorien, Hélène Coqueugniot, anthropologue, directeur de recherche au CNRS, UMR 5199, Université de Bordeaux, Renée Colardelle, conservateur en chef honoraire du patrimoine, Sophie Dupisson, attachée de conservation du patrimoine au service du Patrimoine culturel du Conseil général de l’Isère, Bruno Dutailly, Ingénieur de recherche responsable de l’imagerie 3D Laboratoire PACEA Bordeaux, Olivier Dutour, paléopathologiste, directeur d’Étude EPHE, Laboratoire Paul Broca, UMR 5199, Franck Gabayet, archéologue, ingénieur de recherche Inrap/Arar UMR 5138, Estelle Herrscher, anthropologue, chargée de recherche au CNRS, UMR 7269, Aix-Marseille Université, Patrick Hervieu, anthropologue, Inrap UMR 7268 ADES, Jean-Pascal Jospin, conservateur en chef, Corinne Loiodice, directrice des PFI, Ludovic Maggioni, responsable du service des expositions à La Casemate, JeanJacques Millet, paléoanthropologue, Stephan Naji, anthropologue, chercheur post-doctorant, Fabrice Nesta, artiste plasticien, Franck Philippeaux, conservateur du patrimoine, et Stéphane Poisson, assistant qualifié de conservation du patrimoine au Service du Patrimoine culturel.
La matière de l’exposition est constituée de prêts, des témoignages et contributions diverses de : Éloïse Antzamidakis, Claire Aranega, Catherine Barra, Ophélie Battaglia, Samir Benete, Richard Bokhobza, Alessia Bonannimi, Éric Boniface, Abdelmadjid Boubaaya, Cyrielle Brunot, Luc Buchet, Pauline Buttin, Victor-Emmanuel Campillo, Anna Julia Celli, Lou Andréa Celli, Charly (Rockabilly Tatouage, R-Shop), Antoine Ciceron, Fabienne Clerc, Magali Cros, Françoise Cuzac, Nicolas Darnault, Pascal Decorps, Delphino, Laureline Denis-Venuat, Pierre Dezarnaud, José Dias, Mélissa Dubois, Jean-Noël Duru, Mauricio Dwek, Delphine Fabbri Lawson, Jonathan Favre-Lamarine, Florence Gautier, Françoise Gautier, Catherine Gauthier, Frédéric Gelabert, Ghyslaine Girard, Thierry Guigard Marigny, Jean-Louis Hodeau, Mélanie Hoffmann (Collectif Point Barre), Jean-François Hugues, Jacques Ibanez Bueno, Laurent Jamet, Jub (Dame de pique tatouage), Agnieszka Kawska, Ève-Marie Lachenale, Noël Lantz Gaudichon, Ghislain Leblanc, Olivier Lossi, Maxime Lintignat, Christopher Miranda, Olivier Ménard, Jean Miellet, Géraldine Mocellin (Musée de SaintAntoine-l’Abbaye), Benoît Montessuit, Jeremy Normant, Pierre-Emmanuel Paillard, Laure Pasian, Marion Pastori, Léna Perrière, Bernard Philippeaux, Franck Philippeaux, Mathieu Plancot, Stéphane Poisson, Stéphane Poste, Philippe Pupier, Marion Radwan, Fabien Raimondo, Jade Raimondo, Léa Raimondo, Valérie Raimondo, Mathieu Razafimahazo, Guillaume Reymond, David Reynal, Blandine Reynard, Jean Rey-Regazzi, Axel Rock, Marion Sabourdy, Élodie SaintAndré, Margaux Salmi, Paul Tafforeau, Mélanie Thomas, Jean Valette, Olivier Veaux (Joute et jeux), Maria Vitale, Dominique Vulliamy.
Et des associations, institutions et collectivités suivantes : Archives départementales de l’Isère (Hélène Viallet), Arc-Nucléart CEA Grenoble (Magdeleine ClermontJoly), Association de Valorisation et de Développement de la Préhistoire Alpine (Pierre Bintz), Bibliothèque des Arts décoratifs (Laure Haberschill), Bibliothèque nationale de France (Franck Bougamont), Bibliothèques municipales de Grenoble (MarieFrançoise Bois-Delatte et Sandrine Lombard), Click and web (Ivan Dinh), Drak’Art (Amine Larabi), Inrap Paris et Bron (Marine Dubois, Christel Fraisse, Bénédicte HénonRaoul, Anne Stéphan), Laboratoire de géologie de la Faculté des sciences de Lyon Université Lyon 1 (Emmanuel Robert), Les Barbarins fourchus (Delphino et Alice Mellul), Lythos (Lionel Baboulin), Mairie d’Aoste (Jean André, Roger Marcel), Mairie de La Tronche (Céline Fernandez et Bertrand Spindeler), Mairie de Montcarra (David Émeraud), Mairie de Pont-deBeauvoisin (Michel Serrano), Musée Testut Latarjet d’anatomie et d’histoire naturelle médicale (Jean-Christophe Neidhardt), Musée d’Aoste (Sylvie Perrin-Toinin), Musée de la préhistoire du Vercors (Chrystèle Burgard et Karine Marande), Musée de l’ancien évêché (Isabelle Lazier), Musée d’Huez et de l’Oisans (MarieChristine Bailly-Maître), Musée national de la Renaissance (Chantal Bor et Thierry Crépin-Leblond), Musée du Prado, Musée de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg (Catherine Paulus), Musée d’Huez et de l’Oisans (Marie-Christine Bailly-Maître), Musée national de la Renaissance (Chantal Bor et Thierry Crépin-Leblond),
Museum d’Histoire naturelle de Grenoble (Philippe Candegabe et Catherine Gauthier), Pompes Funèbres Intercommunales de la région grenobloise (Corinne Loiodice et Jérôme Maniaque), Repérages (Michel Szempruch), Réunion des Musées Nationaux (Tiphaine Leroux et Véronique Mamelli), Service du Patrimoine culturel du Conseil général de l’Isère (Anne Cayol-Gerin), SIP Conseils. Contributions des équipes du Musée dauphinois : Réalisation technique : Véronique Barale, Pierre-Alain Briol, Jean-Louis Faure, Frédéric Gamblin, Armand Grillo, Dorian Jodin, Marius Mercier, Benoît Montessuit, Daniel Pelloux / Transport : Félix Isolda / Collections, documentation : Éloïse Antzamidakis, Elvire Bassé, Jonathan Borel, Cyrielle Brunot, Pascal Chatelas, Valérie Huss, Caroline Lenoir, Aurélie Nougier, Marion Radwan, Mégane Revil Baudard / Photographie, numérisation : Jean-Max Denis, Denis Vinçon / Communication et médiation : Agnès Jonquères, Patricia Kyriakidès / Gestion administrative et financière : Frédéric Gelabert, Nora Grama, Agnès Martin / Vente et diffusion de l’ouvrage : Christine Julien.
Contributions des équipes du Musée archéologique Grenoble Saint-Laurent (MAG) : Claire Élie, assistante de conservation, Coralie Estrabols, stagiaire, Valeria Fiorenzano, stagiaire. Contributions des équipes de La Casemate Grenoble : Delphine Bellon, assistante de communication, Dorothée Bono , assistante de direction, Héloïse Bouillard, assistante de conception d’exposition, Anaïs Chery, assistante de conception d’exposition, Thibaut Courtois, technicien d’exposition, Catherine Demarcq, responsable de la médiation, Alexandre Foray, responsable de la communication, Lise Marcel, chef de projet web, Guillaume Papet, directeur administratif et financier, Marion Sabourdy, journaliste scientifique, Diego Scharager, médiateur scientifique. Scénographie : Jean-Jacques Hernandez et Clarice Celli Visuel de l’exposition et communication graphique : Atelier Hervé Frumy Relecture de l’ouvrage : Mégane Revil Baudard. Impressions pour l’exposition : Médiamax
103
104 Conception graphique : Hervé Frumy assisté de Francis Richard Impression : Imprimerie Moderne de l’Est - 25 110 Baume-les-Dames © Patrimoine en Isère / Musée dauphinois ISBN 978-2-35567-094-7 Dépôt légal : décembre 2014
978-2-35567-085-5
4066
Conficences d’outre-tombe Squelettes en question
15 e
Musée dauphinois
Que peuvent nous apprendre les morts de leur vie ? Que recherchent les archéologues en exhumant les défunts des siècles passés ? Exemple remarquable, la nécropole Saint-Laurent de Grenoble avec ses 1500 squelettes fouillés autour de l’église, offre un champ d’étude rare dont les interprétations scientifiques renseignent sur l’évolution de la population de la ville entre les IVe et XVIIIe siècles. L’ouvrage comme l’exposition qu’il complète évoque les recherches anthropologiques dans le domaine alpin, depuis la préhistoire récente – la plus ancienne tombe, celle d’ « Alexandre », ayant moins de 12 000 ans. Aujourd’hui, les techniques d’investigation des chercheurs permettent de « faire parler » les ossements sur l’âge, le sexe et l’état de santé des individus ainsi « auscultés ». Mais mieux encore, des disciplines innovantes, comme la bio-anthropologie, reconstituent le mode d’alimentation des hommes dans leur environnement. Toutes ces données nouvelles sont à comparer avec le contexte funéraire qui informe sur l’évolution des rites, croyances et pratiques (inhumation ou crémation) à travers les âges. De tout temps, l’image du squelette a été utilisée, autant pour décrire notre destinée que pour jouer avec la représentation ultime de la mort. Ces images, des vanités aux danses macabres, sont aujourd’hui reprises par l’industrie du loisir. Autant de confidences livrées par les restes humains que cet ouvrage tente de rassembler.
Confidences d’outre-tombe Squelettes en question Musée dauphinois