DOSSIER ENSEIGNANT
Mémoires de verre De l’archéologie à l’art contemporain
Exposition au
Musée départemental des Antiquités Du 2 février 2010 au 26 mai 2010
Le Musée départemental des Antiquités à Rouen accueille à partir du 2 février prochain, l’exposition « Mémoires de verre : de l’archéologie à l’art contemporain»
Pour « servir à l’histoire de l’art et à l’illustration du pays », le Département de la Seine-Maritime crée dès 1831 le musée des Antiquités afin d’y présenter au public les objets remarquables du patrimoine régional issus des fouilles et de monuments. Depuis près de deux siècles, il a poursuivi sa politique culturelle ambitieuse en créant plusieurs musées thématiques dont le musée des Traditions et Arts Normands, dans le château de Martainville, associé à cette exposition par le prêt de quelques très belles verreries de la vallée de la Bresle. Le matériau « verre » a toujours exercé un grand pouvoir de séduction par sa luminosité, sa transparence ou son apparente fragilité. Créée par le musée archéologique du Val-d’Oise en partenariat avec le musée départemental des Antiquités de la Seine-Maritime, cette exposition « Mémoires de verre, de l’archéologie au verre contemporain » est l’occasion de faire découvrir plus de trente-cinq siècles de savoir faire et d’évolution technique, de l’antiquité jusqu’aux créations contemporaines. Malgré sa fragilité, le verre réussit, dans certaines conditions de conservation, à traverser les siècles sans la moindre altération. Il constitue dès l’Antiquité un matériau d’artisanat pour les objets usuels ; malléable et lumineux, il devient une matière noble dans les mains des artistes. L’exposition regroupera une sélection de quelque 600 pièces, de l’Antiquité à nos jours, qui témoignent de ce constat.
PRESENTATION
La première partie de l’exposition traitera donc des premiers verres aux verres soufflés avec des exemples provenant du pourtour méditerranéen aux alentours de 1500 av. J.-C.
L’exposition s’attarde ensuite sur les verres moulés, les verres taillés et mosaïqués de cette région. Elle développe les productions découvertes en Europe Centrale datant de la Tène et met en valeur les bracelets et les bijoux de cette région et de cette période ainsi que la technique du verre soufflé et à la volée, indiquant les débuts de l’industrialisation du verre.
L’archéologie antique restitue de nombreux objets qui témoignent de toute la richesse de ces verres, bouteilles et flacons et de leurs rôles dans les échanges commerciaux, notamment dans le nord de la Gaule et en Haute-Normandie où l’on trouve de nombreuses importations provenant d’Italie, de Suisse, de la vallée du Rhône et de Rhénanie. Quelques spécificités locales sont présentées, comme les cruches portant le Médaillon Amarentus ainsi que les célèbres barillets frontiniens. De l’Antiquité seront abordés quelques exemples de sépultures ainsi que l’usage du verre dans la vie quotidienne (stockage, vaisselle, toilette, bijoux). En suivant la chronologie, l’exposition emmène le visiteur aux époques mérovingienne et carolingienne, pour lesquelles l’archéologie a révélé de nombreux objets issus de la vie quotidienne ainsi que de très beaux bijoux. Le goût des contemporains du Moyen Âge pour les verres très fins a rendu difficilement possible leur conservation dans le temps. Un changement dans la composition du verre est à noter à partir du IXe siècle. S’effeuillant, le verre devient opaque et fragile. Les quelques objets qui proviennent de cette période sont donc les rares témoins de la qualité, de la finesse et de la maîtrise de l’art du verre de cette époque. Enfin l’exposition évoque les magnifiques verres, tasses et gobelets de la période moderne. Ces objets témoignent de la forte influence de l’art verrier vénitien ainsi que de celui de Bohème et son fameux « cristal ».
Historique : « De l’archéologie à l’art contemporain » 1. INTRODUCTION Définition Le verre est un matériau dur, cassant, le plus souvent transparent. Il est obtenu par la fusion de silice (sable) à laquelle on ajoute un fondant pour abaisser la température de fusion : de la soude (du natron, d’origine minérale provenant d’Egypte, ou des cendres de plantes marines) ou de la potasse (cendres de fougères) et des oxydes de calcium ou de magnésium. Origine et histoire Dès la Préhistoire, les hommes utilisent un verre naturel, l’obsidienne (variété de lave), en le taillant comme le silex pour obtenir des outils à bords tranchants. Le cristal de roche est depuis toujours une matière très prisée et, avec le verre, on a cherché à imiter sa transparence et sa pureté. Pline l’Ancien, au Ier siècle après J.-C., raconte1 que des marchands phéniciens qui avaient installé un foyer pour cuire leurs aliments sur des sacs de natron reposant sur du sable, auraient vu couler un liquide visqueux. Ils l’auraient aussitôt appelé « verre ». Les Egyptiens auraient ensuite reproduit l’expérience dans des fours. Toutefois, la fusion du sable et du natron nécessitant une température d’environ 1300°C, cette anecdote tient plus de la légende que de la vérité historique !
2. Des premiers verres au verre soufflé C’est dans les civilisations du Bassin Méditerranéen que se développent, à l’origine, l’usage et la fabrication du verre. Les premiers objets en verre sont des perles, opaques, de couleur généralement verte ou bleue, qui apparaissent en Mésopotamie ou en Syrie au cours du IIIe millénaire avant notre ère. (Vitrines n° 1 et 2) A partir de 1500 avant J.-C., en Egypte ou en Mésopotamie, se développent plusieurs techniques de fabrication : - le verre sur noyau permet d’obtenir de petits vases à parfum ou à fard : le verre est façonné à chaud autour d’un noyau en argile que l’on pulvérise à la fin de l’opération2. (Vitrine n° 3) - la technique du verre moulé consiste à verser le verre en fusion dans un moule. Elle est surtout utilisée pour les petits objets (perles, éléments de décoration…). Celle du verre moulé-pressé consiste à presser à chaud un disque de verre dans un moule ; elle est utilisée pour les formes ouvertes (bols) et permet « d’imprimer » sur le verre les décors du moule. (Vitrine n° 4) - le verre mosaïqué (aussi appelé « millefiori ») est constitué de fragments de verre de couleurs, disposés harmonieusement sur un support. L’ensemble est enfourné pour fusionner le décor, puis thermoformé. (Vitrine n° 4). A l’époque de la Tène finale (IIe-Ier siècle avant J.-C.), un grand nombre de perles et de bracelets colorés relèvent d’une production caractéristique d’Europe centrale. Apparition du verre soufflé L’invention de la canne à souffler dans la première moitié du Ier siècle avant J.-C., probablement en Palestine, centre important de fabrication du verre, révolutionne les techniques de fabrication, en permettant une production plus rapide et des formes plus variées. Dès le début, cette technique est couplée à celle du verre moulé : la boule de verre est soufflée dans un moule pour obtenir des décors en relief. (vitrine n°5)
1
Pline, Histoire naturelle , XXXVI, 193, 194 L’artisan façonne avec de l’argile et de la paille un noyau donnant la forme intérieure du vase. Ce noyau est immergé dans un creuset contenant du verre en fusion. Col et anses du vase sont étirés à la pince et appliqués à chaud. La décoration est obtenue par l’application à chaud de filets de verre de couleurs différentes, parfois peignés avant refroidissement pour donner l’aspect de vaguelettes. 2
La technique du verre soufflé A l’aide d’une canne creuse, le verrier prélève une paraison, boule de verre en fusion de 800°c environ : c’est le cueillage. Puis, il roule cette boule sur le marbre afin de la centrer parfaitement sur la canne. En soufflant par l’autre extrémité de la canne, il introduit une bulle d’air dans la masse de verre chaud, opération renouvelée autant de fois que nécessaire, en réchauffant de temps en temps le verre à la bouche du four pour le ramollir.
3. Aspects techniques (Vitrine n°5) Le verre à l’état naturel est légèrement bleu-vert à cause des impuretés contenues dans les matières premières. Très vite, les verriers réussissent à obtenir du verre incolore par addition de manganèse. Ils savent aussi rapidement utiliser les apports d’oxydes métalliques dans la masse vitreuse pour obtenir des couleurs vives et variées (cuivre, manganèse, cobalt …). Dès le Ier siècle après notre ère, les verriers romains maîtrisent presque toutes les techniques des décors à chaud et à froid, faisant preuve d’une très grande virtuosité technique dans l’art du décor : décor à la pince, pour tirer le verre encore chaud et malléable ; fils de verre rapportés à chaud ; cabochons de couleur, fusionnés sur les panse des gobelets ; dépressions et festons réalisés dans un verre chaud, inclusion d’or entre deux verres ou émaux peints et recuits…, l’inventivité des artisans semble infinie. Lorsque le verre est refroidi, le décor peut être soit taillé, soit gravé. Plus rares sont les verres à deux couches imitant les camées.
4. Commerce et marques dans l’Antiquité (vitrine n°5) Partie du Proche Orient, la technique du verre soufflé gagne rapidement tout l’empire romain. La pax romana favorise la circulation des artisans et la diffusion des techniques. Dès la fin du Ier siècle après J.-C., la production de verre est importante dans toute la partie occidentale de l’Empire. Pourtant, les centres de production restent mal connus car ils ont laissé peu de traces archéologiques. Ils sont petits et plus ou moins itinérants. Ces ateliers ne produisent pas la matière première qu’ils doivent importer d’Egypte, sous forme de lingots. Des productions caractéristiques de chaque région permettent d’identifier des courants commerciaux et mettent en évidence le dynamisme des échanges. Les bouteilles à panses prismatiques ou cylindriques et les barillets sont caractéristiques des productions de Haute-Normandie. Les cruches aux formes élancées et les gobelets aux décors de filets et cabochons de couleurs relèvent de la Gaule du Nord. Les productions des régions de culture méditerranéennes (Italie, Suisse, vallée du Rhône) sont caractérisées par des verres aux couleurs vives, des formes souvent recherchées. Les productions rhénanes, comme celles du nord de la Gaule, se distinguent par des décors de filets, parfois colorés. Les objets en verre portent rarement une marque d’atelier ou d’artisan, contrairement à la céramique sigillée à l’époque romaine. Deux exceptions notables sont représentées sur des productions gallo-romaines retrouvées dans notre région : la marque « Amarantus »3 apposée sur des cruches, au point d’appui de l’anse ; la marque « Frontinus » apposée sur le fond des bouteilles hautes et cannelées, dites « barillets frontiniens ».
5. La richesse des sépultures (vitrines 6 à 13) Comme tous les objets de la vie quotidienne, les récipients en verre font partie des offrandes déposées dans les sépultures auprès des défunts. Certaines bouteilles à grande panse servent même d’urnes funéraires à l’époque gallo-romaine. La tradition d’enterrer avec des offrandes disparaît complètement vers la fin du VIIe siècle. L’intérêt des sépultures est d‘avoir conservé la plupart des objets intacts, au contraire des sites d’habitats où ils sont retrouvés brisés et fragmentaires. 3
un verrier apparemment installé en Bourgogne
6. Les verres antiques, pour quel usage ? (vitrine 14) Les bouteilles et pots servent à stocker les aliments, liquides ou semi-solides, avec l’avantage que le verre est étanche et se lave facilement, au contraire de la céramique. Gobelets, bols, coupes, assiettes, cruches et carafes sont liés aux repas ; il s’agit de vaisselle de table servant à la présentation et au service. Fioles, balsamaires, petits flacons, aryballes ont trait à la toilette et sont destinés à contenir parfums, onguents et autres crèmes. Le caractère luxueux des contenus peut expliquer leur petite taille. On trouve également des épingles à cheveux, des bracelets, des bagues et bien entendu de nombreuses perles en verre, des jetons de jeux, etc…
7. Les verres à l’époque mérovingienne (VIe-VIIIe ) (vitrine 14) Ils ont été pour l’essentiel trouvés dans les nécropoles, mais en quantité bien moindre qu’à l’époque gallo-romaine. Ils sont moins variés et de moins bonne qualité, souvent d’une seule couleur, mais restent dans la tradition de la verrerie romaine. Les décors sont réalisés à chaud (filets, décors à la pince, dépressions). Les gobelets et cornets apodes (sans pied) sont produits en abondance. Ces verres à boire qui n’étaient pas destinés à être posés reflètent les habitudes à la table des Francs. Les bijoux sont principalement des colliers, formés de perles opaques multicolores dont les variations paraissent infinies.
8. Les verres carolingiens et capétiens (vitrine 14) Très peu de verres des VIII-Xe siècles nous sont parvenus. Les sépultures ne contiennent plus d’offrandes et rares sont les habitats à avoir livré aux archéologues des débris de verre. De tout temps, les verres cassés ont été recyclés. Les formes des objets retrouvés à l’état fragmentaire correspondent à des vases globulaires, des coupes et des gobelets étroits et hauts. Il a aussi été retrouvé, à plusieurs reprises en milieu urbain, des lissoirs peut-être destinés au repassage des textiles. C’est vers le IXe siècle que l’on situe un changement technique majeur dans la fabrication du verre : la soude, utilisée pour faire baisser la température de fusion du verre dans les fours, est remplacée par de la potasse (cendre de hêtres et de fougères), plus facile à trouver.
9. Le verre au Moyen Age (vitrine 14) Au Moyen Age, la technique du verre potassique se généralise dans la France du Nord. Mais l’utilisation de la potasse rend la matière plus instable : les altérations des verres archéologiques restés enfouis dans de mauvaises conditions sont souvent importantes (aspect feuilleté et irisé). Les productions, de plus en plus fines, les rendent encore plus fragiles. L’art de la table change : les verres à boire sont maintenant à la disposition des convives, posés sur la table, leurs formes s’adaptent ; ils sont dotés d’un pied stabilisateur qui devient de plus en plus élancé. Les verres à tige prennent une place prépondérante à partir du XIVe siècle.
10. Le verre domestique à l’époque moderne (vitrine 14) Jusqu’à une date récente, l’intérêt pour les objets d’époque moderne ne concernait que des œuvres d’art précieuses. Les productions usuelles étaient mal connues. Deux chantiers archéologiques majeurs ont fait une large part à l’étude des restes en verre de la fin du Moyen Age et de l’époque moderne : les fouilles réalisées à Saint-Denis, dans le quartier de la basilique, et celles de Paris, dans la cour Napoléon du Louvre. La technique de fabrication et la composition des verres se diversifie à l’époque moderne, les formes évoluent. A Saint-Denis et à Paris, les fouilles des niveaux des XVIe au XVIIIe siècles ont livré des productions usuelles d’une grande variété (arts de la table, médecine et pharmacologie, parfumerie…) mettant en évidence l’évolution de cette verrerie.
11. L’esprit de Venise (vitrine 15) A partir du XVe siècle Venise, dont l’industrie verrière se concentre sur l’île de Murano, restée fidèle aux verres à la soude, devient le lieu d’innovations extraordinaires. L’invention majeure est le cristallo, verre dont la matière si pure fait penser au cristal de roche. Les verriers développent aussi l’utilisation des émaux, le décor de filigrane, les verres imitant la calcédoine. Un engouement général pour les productions de verre « à la façon de Venise » se manifeste alors dans toute l’Europe malgré des mesures protectionnistes, prises autant pour éviter que des verriers ne quittent l’Italie que pour protéger les verreries des autres régions et leurs ouvriers. Dans la mouvance italienne sont fondés des ateliers dirigés par des Italiens qui importent leur savoir-faire, à Orléans (Bernardo Perrotto), Nantes, Nevers, Rouen, Paris… L’atelier de Rouen, voulu par le roi Henri IV et qui jouit de nombreux privilèges, est installé à St-Sever. Les textes nous apprennent que sa production égale en qualité les verres de Venise. Il est, jusqu’à sa fermeture, en conflit avec la corporation des orfèvres et joailliers de Rouen. Deux petits ateliers de « patenôtriers » ou « émailleurs sur verre » ont été mis au jour lors de travaux d’urbanisme. Les productions de la Bresle, en Seine-Maritime, ont perpétué la tradition verrière, au moins depuis le XVIIe siècle. Aujourd’hui encore, la GLASS Vallée fournit près de 75% de la production mondiale du flaconnage de luxe.
12. Le souffle de Bohême (XVIIe-XIXe s) (vitrine 16) La taille et la gravure sont deux techniques de décoration qui s’épanouissent pleinement à cette époque, et font la renommée des verriers de Bohême : les formes pleines, soufflées en Bavière, sont amenées en Bohême où elles sont taillées et gravées. Les verres émaillés sont également une part importante de la production de cette région. Le cristal au plomb tel que nous le connaissons aujourd’hui est inventé en Angleterre à la fin du XVIIe siècle, mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que cette découverte soit exploitée en Lorraine par les cristalleries St-Louis, puis Baccarat…
13 Du sentiment religieux à l’expression contemporaine (vitrines 17 à 19) La transparence du verre est très tôt utilisée pour permettre de montrer, tout en protégeant et en sacralisant. Cette fonction de monstration peut être liée aux pratiques religieuses et la protection du sacré dans des reliquaires, comme aux usages profanes, boîtes et flaconnages au contenu précieux, ou expression de l’image, de la mémoire, de l’évolution...
Artistes contemporains Cinq artistes, présents à Guiry en Vexin, ont donné leur accord pour participer à ’exposition du musée départemental des Antiquités, à Rouen : Joan Crous, Jacki et Martine Perrin (Perrin et Perrin), Antoine Leperlier, Jean-Pierre Umbdenstock, Vladimir Zbynovsky.
JOAN CROUS Né en 1962 à Banyoles, en Espagne, Joan Crous fit ses études supérieures à l’Académie d’Art Massana, à Barcelone, avant l’obtention d’une licence en histoire médiévale à l’Université d’Histoire et de Géographie de Barcelone et une période d’enseignement sur l’histoire médiévale. Il s’intéresse alors au verre qu’il pratique à Barcelone, Strasbourg, Montréal et Praque. Après plusieurs expositions collectives et individuelles, il s’attache dès 1997 au thème de « Cenae », avec des performance autour du repas. Une dernière installation de « Cenae » en 2008 le met en contact avec le Musée archéologique du Val d’Oise, à Guiry en Vexin. L’archéologie lui apparaît alors comme la suite logique de son travail de « Cenae ». Au musée départemental des Antiquités, l’artiste propose la reconstitution d’une table de festin gallo‐romain qui sera installée sur la mosaïque de Lillebonne laquelle constituait le sol du triclinium de la villa gallo‐romaine découverte au 19e siècle.
PERRIN ET PERRIN
Martine et Jacky Perrin ont d’abord travaillé la céramique ensemble pendant une quinzaine d’années, suite à leur rencontre dans les années 70, puis étudié la calligraphie chinoise avec le maître coréen Ung No Lee, enseignement qui les a convaincu de l’importance de la maîtrise du geste pour obtenir la liberté de création. En 1995, ils commencent à s’intéresser au verre. Après un stage au Musée – atelier de Sars-Poteries (Aisne) en 2001, ils mettent au point la technique du « build in glass » : ils assemblent de petits blocs de verre à vitre, comme une architecture, et c’est le contrôle de la fusion qui permet cet assemblage incroyable, dont l’organisation interne est visible par transparence. Cette technique, utilisée depuis 1500 avant J.C. en Mésopotamie et en Egypte, est généralement limitée à des pièces de petites tailles, mais Perrin et Perrin ont réalisé des œuvres monumentales, et travaillent régulièrement pour des architectes et des designers. Perrin et Perrin utilisent également la technique du thermoformage, consistant à poser à froid une ou des feuilles de verre, éventuellement coloré, sur une forme réfractaire dont elles épouseront le relief à la cuisson. Ils animent également des stages à SarsPoteries. Les œuvres présentées dans le cadre de cette exposition nous attirent irrésistiblement vers l’univers de la géologie, des strates en formation, des couches d’histoire qui se superposent. Formes brutes naturelles ou façonnées par l’homme ? C’est cette interrogation qui prédomine dans la découverte de l’œuvre de Perrin et Perrin. A l’intérieur de ces blocs aux formes massives, nous croyons voir des volutes d’encre, de fumée, des nuages, figés à tout jamais en un instant d’éternité.
Antoine LEPERLIER Né en 1953, à Evreux, Antoine Leperlier a très tôt partagé, avec son frère Etienne, la passion du verre de leur grand-père, François Décorchemont, lui-même originaire de Conches. Ses études de philosophie et d’arts plastiques, couplées à des recherches sur les techniques du verre, imprègnent toute son œuvre. Antoine Leperlier travaille essentiellement la pâte de verre, technique qu’il a appris de son grand-père, François Décorchemont (1880-1971) de 1968 à 1971. C’est en 1982 qu’il participe aux premières expositions internationales. Mondialement connu comme artiste verrier, il est présent dans une trentaine de collections publiques de tout pays. Sa démarche est essentiellement fondée sur la notion d’antagonisme, autrement dit l’opposition, le contraire : le fragment et la totalité, l’instant et l’éternité, le cosmos et le chaos, le flux et le fixe. Antoine Leperlier s’inspire du répertoire classique dans lequel nous retrouvons les formes liées à l’idée de permanence, voire d’éternité : la pyramide, le temple, le tombeau, la stèle… Son œuvre témoigne de la réalité du temps qui passe, qui est passé, il cherche à capter un instant de la vie pour mieux le figer dans la matière et en conserver ainsi sa mémoire.
Jean Pierre UMBDENSTOCK Jean-Pierre Umbdenstock est un souffleur et sculpteur sur verre né à Paris en 1950. Autodidacte, il commence à travailler le verre en 1979, après un passage de 4 années dans un atelier de vitrail. Lauréat d’une bourse, il part aux Etats-Unis en 1983 pour étudier à la California College of Arts & Crafts. De retour en 1984, il travaille à Sars- Poteries pendant trois ans. Puis, au début des années 90, il propose un système de recyclage non conventionnel des déchets verriers et de créations d’objets d’art, dans les îles durement touchées par le problème de la pollution et du stockage des détritus. Il se dit lui-même « chercheur en verre ». Son travail, tout en restant profondément verrier, s'éloigne rapidement d'une pratique purement artisanale pour s'orienter vers la production de "Conteneurs de sens" qui tentent de répondre à la délicate question de la représentation du verre, de la transparence, de l'absence. Les inscriptions présentes sur ses œuvres sont des sémaphores, des porteurs de sens. Il s’agit soit de symboles imitant la calligraphie par le geste qui permet de les réaliser, soit au contraire de mots n’existant pas. Une autre source d’inspiration de Jean-Pierre Umbdenstock réside dans les civilisations anciennes, essentiellement celles du pourtour méditerranéen et les cultures préhistoriques. Ses œuvres reprenant des formes d’objets antiques sont elles aussi une tentative d’explication du matériau verre.
L’œuvre réalisée pour le Musée départemental des Antiquités est en quelque sorte un condensé du travail de l’artiste : élaborée à partir d’un manchon de verre (ces grandes bouteilles soufflées que les maîtres verriers découpent à chaud pour les ouvrir, et obtenir de grandes feuilles de verre dans lesquelles sont réalisées les pièces des vitraux), l’amphore d’inspiration grecque est couverte d’inscriptions, pour certaines en alphabet grec, et de motifs empruntés au répertoire décoratif antique. Elle trouve donc tout à fait sa place au Musée, lequel possède de magnifiques collections archéologiques, notamment grecques. L’illusion est renforcée par le support de l’œuvre de JeanPierre Umbdenstock, semblable aux trépieds utilisés dans les musées pour présenter verticalement les amphores qui ne tiendraient pas sur leur pied pointu.
Vladimir ZBYNOVSKY Né à Bratislava (Slovaquie) le 28 novembre 1964. Après des études secondaires menées aux Arts Décoratifs de Bratislava et centrées sur l’art de la pierre, il poursuit, au sein de l’école Supérieure des Beaux Arts de Bratislava sa formation de sculpteur. Son matériau de prédilection devient alors le verre. Après l’obtention de son diplôme de sculpteur en 1991, il s’installe en France et participe dès lors à un certain nombre d’expositions, collaborant régulièrement avec des galeries européennes et internationales représentatives, prenant part à des salons d’art (Kunstrai, Pan Amsterdam, St’art, SOFA NY et Chicago…). Tourné vers un travail complet du verre mêlant techniques chaudes et froides – moulage, fusion, thermoformage, taille directe, taille optique, polissage, bouchardage – l’artiste tente d’explorer le champ immense des possibilités qu’offrent les matériaux verre et pierre. Le thème de son diplôme d’Etat, intitulé « Naissance de la lumière », ainsi que les cycles de création qui se succèdent désormais : « lumière de la pierre sidérale, aura de la pierre, esprit de la pierre, pierres, présences », évoquent le désir d’allier de manière sculpturale, pierre et verre, gravité et transparence, opacité et signes lumineux. Les créations récentes, intitulées « Capteurs » (blocs de verre optique adaptés sur des stèles de granite) s’installent à l’extérieur, se fondent dans la nature et la métamorphosent.
Chronologie
Changements et Innovations dans le travail du verre.
Depuis origines - 3000 - 2000
Travail du verre naturel en particulier l’obsidienne. On utilise un enduit vitreux sur les poteries. Les perles de verres et les ornements sur les objets en verres apparaissent.
- 1500
Les récipients créés sont très colorés. La technique du moulage sur noyau d’argile est découverte.
- 400 à - 300 -300 à – 200
Découverte de l’affinage. Vases et coupes verdâtres commencent à apparaitre. Le verre est transparent et plus clair.
- 50
Découverte du soufflage. Une masse de verre est prélevée dans le creuset de fusion au bout d’une canne pour fabriquer des objets creux. Récipients soufflés et première feuille de verre pour vitrage.
Jusqu’au 9ème siècle
La technique du soufflage est perfectionnée et fournit des vases et des récipients à parois minces et surfaces polies. Le soufflage est soit libre, soit effectué dans des moules de forme ronde, carrée, hexagonale, avec motifs en relief. La propriété du manganèse de décolorer le verre est connue. Le verre est utilisé pour fermer les fenêtres (Pompéi et Saint Rémy de Provence).
10ème et 11ème siècles
Concile de TRIBUR : interdiction de mettre des objets dans les tombes, disparition du mobilier funéraire. Conséquence, il ne subsiste presque rien de cette époque. Addition de la chaux à la composition du verre qui devient plus stable, moins altérable, notamment par l’eau, que les verres antérieurs. Début de l’art du vitrail (verre plat coloré).
13ème siècle
Fabrication des premières lunettes pour la correction de la vision. Fabrication par soufflage suivant 2 techniques : - Technique bohémienne ou lorraine : soufflage de cylindre (manchon) fendu pour être aplati (étenderie). Technique utilisée jusqu’au début du XXème siècle, aujourd’hui utilisée pour le vitrail (verrerie de Saint Just).
Vers 1500 16ème siècle
- Technique normande (Cive) : soufflage d’une paraison que l’on perce et fait tourner sur elle-même. La force centrifuge transforme cette paraison en un plateau circulaire. Procédé utilisé jusqu’au XIXe siècle en Angleterre. Invention du verre claire de Venise (Cristallo), glaces de Venise. Apparition de la bouteille : -Maillochage de la paraison prélevée au bout de la canne -Soufflage de la paraison dans un moule -Enfoncement du fond de la bouteille pour former la piqûre -Reprise de la bouteille au centre du fond par une tige pleine -Roulage du corps de la bouteille sur un marbre -Formage de la bague Les verriers d’Altare et de Venise essaiment en Europe. Peu à peu le verre remplace, sur les fenêtres, le papier huilé, les toiles cirées ou les plaques minces d’albâtre.
17ème siècle
Cueillage au «féret» (tige pleine) ou à la «poche» (louche). Naissance de la gravure au diamant et développement de la gravure à la roue. Découverte en Angleterre, par Ravenscroft, du verre au plomb appelé «cristal». La trempe du verre est connue par les larmes bataviques (qui cassent en produisant une poudre de particules de verre). Invention de la coulée du verre sur table métallique (B. Perrot) qui permet de faire des glaces de plus grandes dimensions. Invention du laminage sur table (Lucas de Nehou), utilisé en France jusqu'en 1979. Doucissage et polissage manuels. Création de la Manufacture Royale de Saint-Gobain par Colbert.
18ème siècle
Fabrication du cristal en France. Développement de la gravure et de l’émaillage des gobelets. Développement de la verrerie de table, des fioles et bouteilles. Verres pour ustensiles de laboratoire. Les miroirs remplacent les tableaux qui étaient traditionnellement au dessus des cheminées.
1800 1830
Début d’usage de la soude artificielle. Doucissage et polissage mécaniques sur plate-forme circulaire. Table ronde de Delloye de 10 mètres de diamètre.
Vers 1850
Usage de la presse mécanique. Création des opalines. Mécanisation des glaceries.
1850 – 1875
Chauffage des fours au gaz. Four continu avec récupérateurs puis régénérateurs de Siemens. Laminage entre rouleaux.
1850 – 1900
Machine semi-automatique (Angleterre, Etats-Unis), cueillage manuel, soufflage par air comprimé. Moules de bague, ébaucheur, finisseur. Les verreries se localisent près des sites riches en charbon (Charleroi, en Belgique, Aniche en France, la Ruhr en Allemagne et Pittsburgh aux USA). Découverte du verre borosilicaté. Etirage de canons. Procédé exploité par American Window Glass, introduit en 1914 en France (à Chalon-sur-Saône jusqu'en 1929) C'est une amplification du procédé de soufflage en manchons. L’école d’architecture de Chicago fait une place importante au verre.
1900 à 1920
Début de la fabrication par pressé-soufflé (pots à larges ouvertures). Pressage dans l'ébaucheur, soufflage dans le finisseur. Développement des connaissances scientifiques sur le verre. Verre Pyrex (1915). Mécanisation de la production de verre à vitres.
1920 à 1940
Découverte
- de la fibre de verre - de la brique de verre
Réalisation du miroir du télescope du mont Palomar. Premier tube de télévision en 1936. Introduction en France du Procédé Pittsburgh. Douci poli continu puis procédé Twin, pour découverte du verre trempé. Début du verre dans l’ameublement .
la
glace
Bibliographie. Beauvais 1996 : Les verres Antiques, Musée départemental de l’Oise, Beauvais, Les Presses artistiques, Paris, 1996. Abbé Cochet : Catalogue du Musée des Antiquités de Rouen, Rouen, 1875. J.-Y. Feyeux : Le Verre mérovingien du quart nord-est de la France, De Boccard, 2003. A Deville : Histoire de la Verrerrie dans l’Antiquité, Paris, 1873. Antoine Leperlier : Antoine Leperlier, La Métaphysique du verre, catalogue de l’exposition du Musée national de Céramique à Sèvres, RMN, Paris, 2007. Morin-Jean : La Verrerie en Gaule sous l’Empire romain, Paris, 1913, rééd. 1977. Isings : Roman Glass from dates Finds, Groningen, Djakarta, 1957. Rütti : Die römischen Gläser aus August und Kaiseraugst, 2 tomes, Augst, 1991. De l’Egypte ancienne à la Renaissance rouennaise, ouvrage collectif, Collections du Musée des Antiquités, Rouen, 1992. A travers le Verre, Du Moyen Age à la Renaissance, catalogue d’exposition, Musée des Antiquités de Seine Maritime, Nancy-Maxéville, 1989. A. Sauzay : La Verrerie, Depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Hachette, Paris, 1869. Verrerie d’époque romaine, Collections des Musées départementaux de Seine-Maritime, Rouen, 1985. Guiry-1993 : Verres et merveilles, catalogue d’exposition, 1993.
Sites Internet www.verreonline.fr www.aihv.org www.afaverre.fr www.idverre.net www.infovitrail.com http://www.verre-histoire.org
Animations public individuel Le service des publics des musées et sites départementaux propose dans le cadre de cette exposition de nombreuses animations pour le public familiale.
Visites commentées : par une conférencière des musées départementaux, à 15h30 les dimanches : 7 février 2010 14 mars 2010 28 mars 2010 18 avril 2010 23 mai 2010 30 mai 2010
Midi au musée : Découvrez l’exposition en 45 minutes ! 20 avril à 12h30
Jeux vacances : Informations et inscriptions au 02 35 15 69 22 Mercredi 17 février. : « décor de verre » pour les 6/11 ans (en lien avec l’exposition mémoire de verre) Jeudi 8 avril : « thème à définir » Mercredi 14 avril : « thème à définir »
Aide à la visite : Un guide de visite est proposé au visiteur pour mieux comprendre l’exposition. Un parcours jeu est également proposé aux enfants (gratuit).
Tarifs : Visites commentées :
droit d’entrée 3€ + visite guidée 3€
Midi au musée :
5€
Jeux vacances :
3€
Pour tous renseignements et réservation : Individuels au 02 35 15 69 22 Mail : musees.departementaux@cg76.fr
Animations pour les scolaires Dans le cadre de cette exposition, le service des publics des sites et musées départementaux vous propose :
Pour les maternelles et cycles 1 Visites commentée (durée 1 heure) Présentation de l’exposition « Mémoire de verre » Ateliers ( durée 1h30 ) « Perles de verre » : réalisation de perles (en pâte fimo translucide) semblables à celles des bijoux présentés dans l’exposition, initiation à la technique de la marbrure.
Pour les cycles 2 et 3 Visites commentée (durée 1 heure) Présentation de l’exposition « Mémoire de verre » Ateliers ( durée 1h30 ) « Millefiori » : réaliser un objet (selon la technique du millefiori) en pâte fimo
Pour les collèges et lycées Visites commentée (durée 1 heure) Présentation de l’exposition « Mémoire de verre » Ateliers ( durée 1h30 ) « Fusing » : initiation d’une technique utilisée depuis l’Antiquité. (! Les objets réalisés lors de l’atelier « Fusing » nécessitent une cuisson, ils devront être récupérés par l’enseignant à l’issue de celle-ci !)
La visite peut éventuellement être couplée à une visite des collections permanentes gallo-romaines ou médiévales.
Tarifs : Visite commentée :
17€ pour les écoles maternelles, les écoles primaires et les centres de loisirs. 25€ pour les collèges et lycées
Ateliers :
25€ pour les écoles maternelles, les écoles primaires et les centres de loisirs 33€ pour les collèges et lycées.
Pour tous renseignements et réservation : Groupes au 02 35 15 69 11 (ateliers, animations et visites sur réservation pour scolaires, centre de loisirs et association) Mail : musees.departementaux@cg76.fr