Spécial Semaine de la presse à l’école Partenaire de la
L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 570 / Mars 2012
France/Algérie, pour un traité de paix
Dossier (P.13-24)
Les droits de l'enfant
La pauvreté, cause du trafic des enfants (P.28)
Poster
Dessin de Tignous (P.16-17)
REGARD SUR... Manifestation de soutien à la lutte pacifique du peuple syrien, 11 février 2012 à Paris
Séance de dédicace du livre de Pierre Villard "Pour en finir avec l' arme nucléaire", février 2012 à la librairie Folie d'encre, Saint-Denis, Ile de France.
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N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
Sommaire
l’Édito
Planète Paix n° 570 - Mars 2012
6
Campagne
jOURNéEs D'ACTION
P.5
ôtons-leur la bombe du crâne P.6-9
présidentielle
Parlons vrai
Le NPA et le désarmement Eva Joly, le pacifisme vert
10
Actualité
technologie de pointe
L
P.10
Les drones à l’offensive Commerce des armes
P.11
Rafale : L’Inde a tout gagné
13
dossier
France/Algérie, pour un traité de paix france/algerie P. 1 4 / 1 5
La réconciliation en panne Le port de Marseille
P.18
Le refus des dockers Actions citoyennes
P.20
Pour un espace de paix euro-méditerranéen Culture de paix
Chronologie d’un rapprochement Souvenirs d’Algérie
P.22
Patrouilleur en danger Le Monde arabe
P.23
Les intellectuels et la guerre Livre
P.24
Albert Nallet, un témoin engagé
26
P.26//27
La pauvreté, cause du trafic des enfants Ambassadeurs de paix
P.28
Voyager avec Servas Témoignage
‘‘ La construction européenne nous a été présentée comme basée sur la paix et la
mondialiser la paix
Droits de l’enfant
P.29
Le tourisme autrement
30
Ben Cramer
P.21
réconciliation, alors que ce fut une machine de guerre otanesque contre le pacte
culture
d'en face.
Cinéma
P.30
’’
‘‘La valise ou le cercueil’’ à Zinga Zanga Livre
P.31
La planète bleue
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
Directeur de publication : Pierre Villard Rédacteur en chef : Ben Cramer Secrétaire de rédaction : Nadia Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert. Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Roger Billé, Nadia Bennad, Nicole Bouexel, Jacques Le Dauphin, Annie Frison, Roland Nivet, Claude Ruelland, Jean-Paul Vienne, Pierre Villard. Photos et illustrations : Tous droits réservés. Onu Ont participé à ce numéro : Ben Cramer, Jean-Paul Vienne, Jean-Marie Collin, Daniel Dayot, Renée Aillaud, Roland Nivet, Roger Billé, Michèle Montezin, Dany Bosom, Danielle Serres, Jacques Cros, Hélène Robineau Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12. ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0709G85601. Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
Bon d’abonnement à Planète Paix page 23
es accusations de menteur alimentent la chronique présidentielle. Très révélateur d'une époque truquée qui vit et survit dans le bluff et l'apparence. Le mensonge est une constante du paysage politique. L'histoire de la colonisation et de la décolonisation n'ont pas échappé à ces travers, en présentant leurs conquêtes sous les meilleures intentions. Pacifiques, bien sûr. La construction européenne nous a été présentée comme basée sur la paix et la réconciliation, alors que ce fut une machine de guerre otanesque contre le pacte d'en face. La décolonisation a trimbalé son lot d'insultes à la vérité. Là encore, les âmes bien/pensantes ont préféré le déni. Le terme de guerre fut proscrit et, à l'image de ce que firent et font d'autres empires, le ratissage et la pacification furent qualifiés de simples opérations de maintien de l'ordre. Ceux qui veulent s'arroger le droit de détruire ont inventé le nucléaire inoffensif (sic), et nie les retombées des essais qu'ils pratiquaient avec la complicité de la Grande Muette. Les mêmes ont fabriqué le spectre d’une arme de destruction massive entre les mains d'un Saddam Hussein et de sa quatrième armée du monde. Ce scénario de guerre psychologique et médiatique avec omission sur Israël se profile avec l'Iran en toile de fond, accusée, elle, de tronquer les vérités de l'AIEA. L'arrogance est inversement proportionnelle à la justesse de leur cause. Les maîtres de la falsification nous mystifient en louant un désarmement qu'ils renvoient aux calendes grecques. Toujours en trichant. Ils nous expliqueront demain que le sursaut économique de notre petite Europe dépend de nouveaux investissements dans la défense / une défense qui défend leurs intérêts.
N° 569 - Février 2012 - Planète PAIX
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REPÈRES ... livre
Areva en Afrique une face cachée du nucléaire français De Raphaël Granvaud Collection des Dossiers Noirs Éd. Agone
Après le mythe du nucléaire pas cher démonté par la Cour des comptes, l'association Survie et le Réseau "Sortir du nucléaire" s'attaquent aux autres mensonges de cette industrie : l'indépendance énergétique et la soi-disant énergie propre. « Areva en Afrique, une face cachée du nucléaire français » met en lumière l'amont de cette filière, le lien entre deux pans secrets et majeurs de la politique française : la Françafrique et le nucléaire. Sont détaillées l’opacité, les ingérences politiques liées à la production d’uranium en Afrique, et la logique étonnante de comptage des importations énergétiques. Les externalités négatives de cette exploitation minière en matière environnementale, sanitaire, sociale et en termes de non respect des droits humains ne sont pas laissées de côté. Révélations sur les dessous des opérations récentes d’Areva en Afrique, de l’affaire Uramin aux contrats d’exploration obtenus par la France en République Démocratique du Congo en 2009.
Guignols du désarmement Guignols de l’info Quelques mois avant la guerre d’Afghanistan, en avril 2001, le Premier ministre belge Guy Verhofstadt (VLD) déclarait : « Le vicePremier ministre Louis Michel, le ministre de la Défense André Flahaut et moi-même sommes prêts à débattre au Parlement de la politique menée en matière d’armement nucléaire. (…) Un certain nombre de propositions sont actuellement sur la table au sein de l’Otan pour poursuivre le désarmement. »
Grand merci
Planète Paix publie en pages centrales un dessin offert par Tignous, dessinateur de presse, et collborateur aux journaux Charlie Hébdo et Marianne. Nous le remercions très chaleureusement de cette contribution à l'occasion de la Semaine de la presse à l'école.
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N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
EN EXPRESS ...
Givors bientôt ville de paix Le 18 mai 1992, Camille Vallin, alors maire de cette ville ouvrière de 20.000 Givordiens, met en place le premer comité de paix. Il compte alors une vingtaine d'adherents. En 2009, l’élu Raymond Combaz va représenter la ville lorsqu’une délégation se constitue pour visiter la Palestine. Cette sensibilité pro-palestinienne se découvre aussi, ailleurs, dans la ville voisine de Grigny. Grigny, officiellement « ville de paix », a fait de Salah Hamouri un citoyen d"honneur, tandis que le maire René Balme a présidé le collectif départemental mobilisé pour sa libération. Les pacifistes de Givors ont été boostés par le périple de certains à New York, qui ont compris les enjeux du du Traité de
non-prolifération (TNP) en mai 2010. en faisant partie d’une délégation du Mouvement de la Paix. Tel est le cas de Claude Miachon. Quant à Judith Passi, qui préside aux destinées du Comité de paix, elle vient d’effectuer la demande officielle auprès du maire Martial Passi pour que Givors se voit décerné ce nouveau statut de ‘ville de paix’ Si l’on pense aux premiers pas d’il y a vingt ans, ce devrait être pour bientôt. Michele Montezin En savoir plus : • /www.afcdrp.com/ • www.mayorsforpeace.org/english/link/index.html
campagne jOURNéEs D'ACTION
ôtons-leur la bombe du crâne Les 24 et 25 mars, à un mois du premier tour de l'élection présidentielle, les pacifistes organisent deux journées d’actions pour la réduction des dépenses militaires et l’abolition de l’arme nucléaire.
L
iste des initiatives* Serres (05)
Samedi 24 mars à Serres : de 10h à 12h, place du Marché : - déambulation costumée avec une marionnette 'rappeur de la paix'. - collecte de signatures sur la pétition, - stand avec dépliants et pétition, - affiches à l'entrée du village et personnes en noir et masque blanc. Laragne (05) Samedi 24 mars à Laragne de 16h à 18h, Place de la Fontaine : - collecte de signatures pétition, - atelier de création de patchwork avec des morceaux de tissu sur lesquels chacun pourra exprimer un message, un dessin de Paix, en attendant l'assemblage, les morceaux de tissu seront exposés sur la place accrochés à des fils tendus entre les arbres. Landes (40) Samedi 24 mars, Place St Roch à Mont de Marsan : - distribution de tracts et table de signatures de pétition au marché. Pyrénées Orientales (66) Samedi 24 mars, à partir de 17h, au pied du Castillet de Perpignan : - rassemblement (à confirmer). Rennes (35) Mercredi 21 mars à 19h, Maison des associations : - rencontre-débat : « la paix et les échéances électorales ». En partenariat avec Pax Christi, Man,
Artistes pour la paix, Éducateurs à la paix. Cher (18) Samedi 24 mars à 14 h 30, base militaire nucléaire d'Avord - rassemblement et interpellations (slogans, chants, scénettes...) sur les enjeux devant la base. Dimanche 25 mars, à 15h00, devant la base 125 - manifestation régionale PACA à Istres pour l’abolition des armes nucléaires et la diminution des dépenses d’armement. Comité de Boissy St Léger (94) Samedi 17 mars : rencontre-citoyenne où sont invités tous les candidats à la présidentielle. Paris (75) Samedi 24 mars, Place de la Bastille : rassemblement en costume de missiles. Blanc-Mesnil (93) Les 24 et 25 mars, sur les marchés : diffusion d’un journal, les 24 et 25 mars, réalisé par le comité sur la situation en France et dans le monde soulignant l’importance des actions contre les ventes d’armes et celles pour l’abolition des armes nucléaires - Signature de pétitions. Tournon (07) 24 et 25 mars, exposition des documents et du matériel de campagne Ican, à l'occasion des journées d'accueil du public à l'exposition "Le sentier de la guerre ou comment l'éviter", installée dans la Chapelle du Lycée du 18 au 30 mars. * Liste non exshaustive
EN SAVOIR PLUS Pour connaître les rendez-vous : • www.mvtpaix.org • www.icanfrance.org . Pour organiser vous-même une action, contacter le Mouvement de la Paix au 01 40 12 09 12. Commandez du matériel sur • www.mvtpaix.org/boutique N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
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campagne présidentielle
Le Nouveau Parti Anticapita et le désarmement Dans la rubrique présidentielle, Planète Paix a présenté le programme de certains prétendants. (PP 569). Depuis, certains candidats ont accepté de répondre de façon plus précise à notre questionnaire. Dans ce numéro, les idées des responsables du NPA et d'Europe Écologie les Verts.
EN SAVOIR PLUS • www.npa2009.org 6
N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
F
orces Nucléaires et dissuasion
Planète Paix : Pour ou contre le maintien à une posture de « stricte suffisance » de la dissuasion nucléaire ? Si oui, à combien de têtes nucléaires opérationnelles devrait se chiffrer cette « suffisance » ? Philippe Poutou : Le NPA est contre toutes les armes nucléaires et défend la sortie du nucléaire le plus vite possible : la suffisance nucléaire est le nucléaire zéro !
PP : Pour désarmer, faut-il tendre vers un désarmement nucléaire unilatéral à l’instar de la Suède ou de l’Afrique du Sud, ou dans le cadre d’une négociation bilatérale comme le Brésil et l’Argentine ? F.P. : Nous prônons un désarmement nucléaire unilatéral, et la disparition de tous les accords militaires liés au nucléaire, de toutes les alliances basées sur la dissuasion nucléaire, et nous proposons de mettre au défi toutes les puissances nucléaires de procéder à un désarmement atomique immédiat et généralisé.
PP : Est-il nécessaire ou souhaitable de convertir des tonnes d’uranium hautement enrichi provenant des ogives en uranium faiblement enrichi pour faire fonctionner des réacteurs commerciaux, à l’instar du programme russo-américain « Des mégatonnes aux mégawatts » ? F.P. : Cette suppression fera disparaître les risques des sites, et comme nous défendons la sortie du nucléaire civil en 10 ans, nous ne préconisons pas la conversion du nucléaire militaire en nucléaire civil.
F.P. : Les victimes des essais nucléaires doivent être reconnues et indemnisées sur la base de critères simples : leur présence à proximité des essais nucléaires français, en tenant compte de la surface et du déplacement des nuages radioactifs.
PP. : Au vu des échéances fixées par la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques, de leur mise au point, de la fabrication, du stockage et sur leur destruction, quelle priorité accordée au programme de destruction des stocks d’armes ? F.P. : La priorité est de rendre largement public les retards pris dans la destruction des stocks en Russie et aux États Unis qui sont actuellement les plus gros détenteurs d’armes chimiques connues, pour accélérer cette destruction.
PP : Pour ou contre une taxation sur les ventes d'armes ? F.P. : Une taxe à elle seule ne règlera pas les multiples problèmes des ventes d’armes : il s’agit pour nous de favoriser le développement d’une production utile à l’humanité, pas pour la détruire.
PP : Êtes-vous pour ou contre la poursuite du programme de simulation au Barp ? Soutenezvous ou non l’objectif de ‘zéro munitions à uranium appauvri’ ? F.P. : Compte tenu de notre volonté de dénucléarisation, nous proposons l’arrêt des simulations au Barp et de l’absence de toutes munitions à uranium
Définition ou redéfinition des menaces
Budget et dépenses d’équipement
PP : Comment « dealer » avec un Moyen-Orient qui compte aujourd’hui une puissance nucléaire, Israël, et bientôt d’autres dont l’Iran ? Quelle politique prôner pour faire face à la montée en puissance de la Chine ? Le M51 suffit-il ?
P.P. : Sachant que les 210 essais dans le désert algérien et dans le Pacifique Sud, ce fut presque 5 fois plus que les essais britanniques ou chinois, quelle indemnisation des victimes ? Sur quels critères ?
F.P. : Nous pensons que seul le désarmement nucléaire généralisé est une solution : pas de bombes pour l'Iran mais pas de bombes non plus pour Israël... et pour la Chine … La France doit donner l'exemple en décidant un désarment nucléaire unilatéral.
aliste PP : Quelles mesures envisager face à la piraterie maritime, notamment au large des côtes africaines ? F.P. : La piraterie sur les côtes d’Afrique est le produit de la misère. Les accords de pêche imposés notamment par l’Union européenne ravagent jusqu’aux eaux territoriales, et ruinent la vie de dizaines de milliers de familles de pêcheurs de Somalie. Au Nigeria, les populations locales vivent dans une misère dramatique alors que le pétrole du Delta est exploité par une dizaine de sociétés étrangères. La réponse n’est pas militaire, elle est politique et économique : les grands pays capitalistes doivent rendre aux Africains leurs richesses, et leur donner les moyens de vivre, la piraterie disparaîtra alors.
PP : Face aux progrès de la géo-ingénierie, aux menaces climatiques, êtes-vous pour une adhésion à la Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles ou pour la Convention ENMOD entrée en vigueur en 1978, que la France est le seul État européen à ne pas avoir signée ? F.P. : Il y a pas de bonnes raisons pour signer une convention qui interdise d’utiliser à des fins militaires ou autres fins hostiles des techniques de modification de l'environnement ayant des effets étendus, durables ou graves, visant à causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout autre État .
Relations internationales PP : Quel rapport entretenir avec l’Otan ou quelle rupture ? Quitter (à nouveau) le commandement militaire intégré ? Se retirer totalement ? F.P. : Le NPA propose le retrait immédiat de l’Otan.
PP : Quel délai pour le retrait des troupes d’Afghanistan ? Attendre l’échéance de 2014 ?
présence de l’armée française ne règlera aucun des problèmes de ce pays.
PP : Faut-il supprimer ou non les bases permanentes à l’étranger et en cas de maintien, lesquelles ? Abou Dhabi ? Djibouti ? F.P. : Ces bases sont les dernières balises du colonialisme français, elles doivent être démantelées.
PP : Êtes-vous pour ou contre le maintien d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu ? F.P. : Les sièges permanents au conseil de sécurité de l’Onu sont des moyens pour les grandes puissances de faire régner l’ordre capitaliste, de sauver les privilèges du 1 % de la population mondiale qui se gave sous la protection de militaires, de flics et de mercenaires politiciens et intellectuels, spécialistes des mensonges et des diversions égarant les esprits.
Quelques données sur le coût du nucléaire militaire en France : • Budget nucléaire militaire en 2011 ………………..3,4 milliards d’euros • Coût du programme de missiles M51……………..8,5 milliards d’euros • Coût de construction du laser Mégajoule ………..3,0 milliards d’euros • Prix d’un sous-marin nucléaire (SNLE) ……………2,5 milliards d’euros Il s’agit bien sûr, d’estimations, tant l’opacité est grande. Notamment le montant du démantèlement des armes nucléaires, par exemple, ou le coût de la gestion des déchets nucléaires militaires ne sont pas pris en compte dans les chiffres ci-dessus issus de documents officiels.
Quelques éléments de comparaison
• Avec le budget consacré chaque année à la force nucléaire, nous pourrions construire : 17 CHU ou 170 lycées ou des éoliennes qui remplaceraient 3 réacteurs nucléaires… • Avec 3,4 milliards d’euros par an, il est possible de payer 85 000 instituteurs. Or, à la rentrée 2012, 16 000 postes n’ont pas été renouvelés dans l’éducation.
F.P. : Le retrait doit également être immédiat. La N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
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Campagne présidentielle
Eva Joly, le pacifisme vert
F
orces Nucléaires et dissuasion
Planète Paix : Pour ou contre le maintien à une posture de « stricte suffisance » de la dissuasion nucléaire ? Si oui, à combien de têtes nucléaires opérationnelles devrait se chiffrer cette « suffisance » ? Eva Joly : Pour les écologistes, il a toujours été clair que nous sommes opposés à la "Force de frappe". Il reste actuellement plus de 20.000 bombes nucléaires en service dans le monde, dont 2.000 en état d'alerte. La dissuasion nucléaire correspond à une menace de suicide de l'Humanité. En aucun cas l'arme nucléaire ne peut garantir la sécurité d'un pays car cette supposée sécurité repose sur l'insécurité de tous les autres. Il n'y a pas de "suffisance" d'armes nucléaires. L'option claire doit être une totale élimination. La France doit arrêter les programmes de modernisation de son armement nucléaire et de ses vecteurs, pour enclencher une dynamique d'élimination généralisée. Ainsi il serait possible dans une première étape de créer en Europe une zone exempte d'armes nucléaires comme il en existe déjà sur plus de la moitié de la surface de la planète. Cela correspondrait à un retrait des armes américaines d'Europe et à un abandon des forces nucléaires britanniques et françaises. La France devrait soutenir une Convention d'élimination comme cela est souhaité par les ¾ des pays et voté en Assemblée générale de l'Onu, et avoir une politique de désarmement cohérente avec cet objectif. La question fondamentale est de créer les conditions d'élimination des armes nucléaires et d'engager le processus.
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tuellement abordée dans le contexte d'une frappe nucléaire. Elle est volontairement floue pour créer une incertitude de frappe chez un agresseur. Pour nous, ce cadre militaire est une grave erreur. Les crises doivent être appréhendées dans une autre optique. La "sécurité" à laquelle a droit chaque peuple ne peut pas reposer sur une menace de type terroriste. Notre "sécurité" en Europe doit reposer sur la gestion des conflits dans le cadre de structures internationales créées dans ce but comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Actuellement, l'OSCE ne dispose que d'un budget correspondant au dixième de celui de l'Otan.
P.P. : - Pour ou contre un abandon de la composante aérienne comme le Royaume-Uni) ? Pour ou contre la poursuite du programme de simulation au Barp ? E.J. : Nous sommes absolument pour l'abandon de la composante aéroportée comme l'ont fait les Britanniques. Et nous sommes opposés à la poursuite des recherches pour la modernisation des armes nucléaires (le Mégajoule au Barp mais également les accélérateurs comme AIRIX à Valduc, prochainement mis à disposition des Britanniques pour les aider à moderniser). La modernisation des armes nucléaires d'un pays comme la France est un signal fort aux autres pays que l'arme nucléaire est pérennisée et donc une incitation à la prolifération.
Relations internationales
P.P. : - Est-il prévu de revoir la définition des « intérêts vitaux » de la France ?
P.P. : Quelle politique prôner pour faire face à la montée en puissance de nouvelles puissances ? Comment « dealer » avec un Moyen-Orient qui compte une puissance nucléaire, Israël, et bientôt d’autres dont l’Iran ?
E.J : La notion "d'intérêts vitaux" est ac-
E.J. : Face à la montée de nouvelles puis-
N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
sances, la prolifération de l'arme nucléaire est un véritable danger. La multiplication des possesseurs d'une telle arme ne rend que plus instable la situation internationale. Mais pour œuvrer à l'élimination des armes de destruction massive dans une région comme le Moyen Orient (comme cela est prévu dans le cadre d'une conférence qui doit être convoquée en 2012), il faut être crédible. Si l'arme nucléaire est tolérée pour certains, il n'est pas possible d'en demander l'élimination à d'autres. La France a aidé Israël à s'équiper de l'arme nucléaire. La France dit avoir besoin de l'arme nucléaire pour sa "sécurité". La France perd donc toute crédibilité pour demander à l'Iran de ne pas envisager la possession d'arme nucléaire.
P.P. : Le M51 suffit-il ? E.J. : Le nouveau missile M51 a été mis au point pour satisfaire un nouvel objectif, celui d'avoir la possibilité de tirer sur Pékin. Donner de nouvelles missions à des armes nucléaires ne peut qu'inciter à une course aux armements. La course à de nouveaux missiles doit être dénoncée. Le programme M51 doit être abandonné au plus vite.
P.P. : Pour ou contre un 2ème porte-avions à propulsion nucléaire comme le Charles de Gaulle ? E.J. : Nous sommes opposés bien entendu à un 2ème porte-avions à propulsion nucléaire français, alors que le Charles de Gaulle avait déjà coûté 3 milliards d'euros et avait connu de nombreuses avaries entre 1999 et 2001 avant sa mise en service officielle. Les comptes publics sont suffisamment dans le rouge, et la technologie nucléaire fait courir trop de risques à l'homme et à son environnement pour continuer à être développée. Quid du démantèlement de ce porte-avions dans quelques décennies ? Le Charles de Gaulle devrait à l'avenir être mis au pot de
l'UE pour aller vers une défense européenne commune. La France devrait bien plutôt miser sur son "soft power", sur une image réaffirmée de "pays des droits de l'homme" pour continuer à avoir de l'influence dans le monde plutôt que sur d'autres porte-avions énormes de ce type, de plus pas adaptés aux nouvelles menaces terroristes ou à des opérations de maintien de la paix.
P.P : Faut-il supprimer ou non les bases permanentes à l’étranger et en cas de maintien, lesquelles ? Abou Dhabi ? Djibouti ? E.J. : Les bases permanentes françaises à l'étranger restent un instrument au service de la Françafrique qu'il faut revoir du sol au plafond. On se souvient de la mort suspecte du juge Borrel à Djibouti, dont le dossier qui est toujours en cours d'instruction risque de mettre à jour les agissements douteux de l'administration française, ainsi que de diverses autres opérations barbouzardes. L’objectif à moyen terme est la fermeture de ces bases. En attendant, le parlement doit reprendre le contrôle sur ces bases et leur rôle précis, et de façon plus large là encore, ce doit être sous égide de l'UE et en dernier ressort de l'Onu dans la seule optique de maintien de la paix. Les pirates qui sévissent par exemple au large du Yémen sont pour nombre d'entre eux des pêcheurs somaliens ou éthiopiens poussés par la faim à attaquer les bateaux qui passent au large, gavés de richesses. La base de Djibouti est en service depuis 1932, à l'époque où la France était un empire colonial. Aujourd'hui, elle devrait avoir une vocation autant civile que militaire pour aider la population locale. Nous avons actuellement 2162 militaires français qui regardent le président corrompu Ismaël Omar Guelleh réprimer son peuple qui se soulève pour réclamer plus de liberté. Djibouti est depuis le 11 septembre 2001 une pièce maîtresse des États occidentaux dans la "lutte contre le terrorisme".
Si elle pouvait devenir une pièce maîtresse dans la "promotion de la démocratie et du développement" dans la Corne de l'Afrique, ce serait nettement mieux.
P.P. : Pour ou contre le maintien d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu ? E.J. : Le monde de 2012, avec la montée en puissance des BRIC (Brésil, Inde, Russie, Chine), avec sa nouvelle donne géopolitique, etc. n'est plus du tout celui de 1945. Le conseil de sécurité de l'Onu doit être réformé pour prendre cela en compte, et pour être représentatif de l’ensemble des peuples. Ainsi, les écologistes proposent depuis longtemps de remplacer le siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l'Onu, tout comme celui de la Grande Bretagne, par un siège européen. Le droit de véto, quant à lui, est un droit suranné posant des soucis de blocage très problématique, comme on le voit en Syrie. L'abandon du droit de véto, pour tous les pays, doit être un objectif.
P.P. : Quel rapport entretenir avec l’Otan ou quelle rupture ? Quitter (à nouveau) le commandement militaire intégré ? Se retirer totalement ? E.J. : La communauté d'intérêts avec nos partenaires européens constitue la base du développement incontournable d'une politique commune de défense indépendante de l'Otan. Cette structure créée à l'époque de la Guerre Froide se justifiait pour défendre les pays d'Europe de l'Ouest face à la menace soviétique. Aujourd'hui, ses prérogatives ont été élargies de façon ad hoc en dehors de toute légitimité juridique internationale. L'Otan n'a pas vocation à agir partout sur la planète. Nous prônons donc le retrait de la France du commandement (militaire) intégré de l'Otan et la priorisation d'une vraie PESD (politique européenne de défense), avec
mutualisation des forces armées des États membres de l'UE, ce qui de plus ne serait vraiment pas un luxe en ces temps de disette budgétaire.
P.P. : Faut-il selon vous soutenir, comme la plupart des Européens, le retrait des B-61 sur le sol européen ou s’y opposer ? E.J. : Nous soutenons bien entendu le retrait des B-61 du sol européen dans une optique plus globale de désarmement nucléaire mondial.
EN SAVOIR PLUS • http://eelv.fr/ N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Technologie de pointe
Les drones à l’offensive A l’heure où le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, passe commande de drones israéliens pour quelques centaines de millions d’euros, il est bon de rappeler la nature particulière de ce nouveau type d’armes et des bouleversements stratégiques qu’elles induisent ou vont induire.
dans sa guerre contre les Talibans. C’est que, armés du missile de précision « Hellfire », ils sont devenus irremplaçables pour les attaques ciblées : 2300 ennemis exécutés à ce jour, plus quelques victimes civiles colatérales non recensées. Les Américains mettent actuellement de nouveaux modèles en service, dont le « RQ-170-Sentinel » qui a Osama Ben Laden à son tableau de chasse et « Global Hawk », que l’Allemagne fabriquera sous licence sous le nom de « Euro Hawk »; ils en préparent un autre, l’« Avenger », bien mieux armé.
D
ans leur principe, les drones sont des avions sans pilote, donc télécommandés, de très, très loin grâce au GPS, C’est ainsi que les drones américains actuellement en service en Afghanistan ou au Pakistan sont télécommandés depuis une base de Floride par des « pilotes » au moyen d’un simple joy stick et d’un écran d’ordinateur. Les drones disposent également, du fait de ne pas subir les contraintes entraînées par une présence humaine et aussi de ne pas voler très vite, d’un vaste rayon d’action, pouvant aller jusqu’à 3000 km (et 36 heures de vol). Et comme ils sont capables de voler très bas (ou, au besoin, très haut), ils échappent aux radars. Ils sont, en outre, relativement silencieux, donc, au final, peu détectables. Autre avantage par rapport aux aéronefs conventionnels : ils sont bien meilleur marché, dans un rapport de 1 à 14 en moyenne.
Les maîtres de cette technologie Deux pays maîtrisent actuellement la technologie et dominent la fabrication des drones : 10
N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
Le Heron TP d’AIA les États-Unis d’Amérique et Israël. Leurs investissements ne cessent d’augmenter : pour les États-Unis : 550 millions de dollars en 2002, 5 milliards en 2011. Le Département pour les Affaires de Désarmement de l’Onu estime à 40 le nombre de pays déjà équipés de drones. Le marché global est estimé à 94 milliards de dollars pour la décennie à venir. Au départ -comme jadis avec les avions et même, bien avant, les ballons- les drones, équipés de caméras performantes, n’avaient été conçus que pour l’observation de l’ennemi. Mais ils se sont bien vite révélés comme des armes incomparables, une fois pourvus de munitions, au point que les Américains forment actuellement davantage de pilotes de drones que d’avions conventionnels. Leurs constructeurs Northrop Grumann et General Atomics produisent actuellement deux types de drones, le modèle déjà ancien « Predator » (200 exemplaires) et le plus récent « MQ-9 Reaper » (30 exemplaires -20 mètres d’envergure- 10,5 millions de dollars pièce, une misère) que l’actuel président des États-Unis (Prix Nobel de la Paix) pare de toutes les vertus
Avec sa firme Israel Aerospace Industrie (I.A.I). à Tel Aviv, Israël est aujourd’hui le deuxième pays constructeur de drones du monde. Les 17.000 salariés d’I.A.I. produisent le Héron TP commandé par la France. C’est un vrai succès de vente qui, aux mains des Français, a déjà servi en Libye. Pour combler son retard, le gouvernement français a prévu (sans appel d’offres) que Dassault construise prochainement le modèle israélien sous licence, puis développe ses propres modèles. Le Heron aussi été mis au service de l’armée indienne qui l’utilise pour surveiller la frontière himalayenne avec le Pakistan. Conçu pour attaquer les installations nucléaires de l’Iran, l’Allemagne s’en est équipée -en leasing !- pour ses missions en Afghanistan. IAI produit aussi le « Panther » spécialement conçu pour équiper les blindés et le « Moskito », un drone d’observation de 250 gr (une tablette de beurre !), destiné à être porté dans le sac à dos des fantassins, d’un rayon d’action de 60 km. Jean-Paul Vienne
ACTUALITÉ Commerce des armes
L’Inde rafle la mise Jean-Marie Collin commente ici les dessous du succès à l’export des avions Rafale de Dassault. Sans oublier que ce Rafale sera aussi capable de délivrer des munitions nucléaires (cf. Planète Paix n° 569)
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i nous étions en 1960, le Général de Gaulle aurait crié son fameux « Hourra pour la France », qui suivit la réussite du premier essai nucléaire français le 13 février 1962, avec l’annonce de la décision indienne de choisir le constructeur Dassault et son avion polyvalent le Rafale.
Quelle politique commerciale ? Derrière la parade de satisfaction généralisée des présidentiables, revenons à la réalité, celle du terrain : seules 18 appareils seront construits en France sur les 126. Les emplois créés sont donc nuls ; il vaudrait certainement mieux parler de sauvegarde d’emploi. En réalité, c’est l’image de la France qui apparaît gagnante et grandie ; un prestige publicitaire plus qu’un réel gain économique. La loi indienne oblige le gagnant d’un contrat si important (+/- 10 milliards d’euros), à réinvestir la moitié du montant du contrat auprès des industriels indiens de la défense. Alors, entre le gain technologique que Dassault vend avec autorisation de l’État et le peu d’investissement économique en France (moins de la moitié), on peut se demander si ce n’est pas une politique commerciale sans lendemain pour la France ? La facture du Ra fale pour la France ne baissera pas. L’appareil restera à un coût proche des 150 millions d’euros. Mais la facture du Rafale pour les forces armées françaises sera étalée dans le temps, puisque la prochaine année de production de Rafale sera intégralement destinée à l’Inde.
gues indiens… L’inde pourra ainsi adapter son missile Brahmos à capacité nucléaire. Alors toujours satisfait ? Nous le verrons définitivement dans les prochains mois et les prochaines années : si le Rafale délivre une charge nucléaire sur le Pakistan, alors la France sera sans doute montrée du doigt. Mais bon, il sera alors trop tard ! Jean-Marie Collin Consultant Défense
Pourquoi Delhi a dit oui ?
EN SAVOIR PLUS • Blog Défense et géopolitique http://alternatives-economiques.fr/ blogs/collin/2012/02/06/rafale-retour-sur-information/#more-224
Si l’Inde a choisi la France et son Rafale, c’est parce que celui-ci peut embarquer différents types d’armes, comme le Scalp (Storm Shadow chez les Britanniques ou Black Shaheen pour le Qatar), un missile destiné à des « missions stratégiques » c’est-à-dire pour détruire des infrastructures durcies) ou encore le missile de croisière nucléaire de type ASMP-A. Ce fut d’ailleurs l’un des arguments donnés par le Général Palomeros à ses homoloN° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
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Au jour le jour Le charme discret de l’OSCE Eamon Gilmore, qui préside aux destinées de l’OSCE, la plus importante des organisations de sécurité régionale regroupant 56 Etats situés en Europe, en Asie centrale et en Amérique, a indiqué devant le conseil de sécurité de l’Onu que l’OSCE continue de s’intéresser aux conflits dans la région, notamment les conflits en Moldavie concernant le territoire de la Transnistrie ; en Géorgie concernant les territoires d’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ; et le conflit du NagornoKarabakh. » L’OSCE a l’intention d’organiser une conférence à Dublin en juin 2012 pour les Etats membres de l’OSCE afin d’établir une position commune sur la liberté d’expression sur l’Internet.
Russie : arnaque sur la sécurité des sous-marins Il n’y a pas qu’en France où l’on cherche à prolonger la durée de vie de réacteurs. Par la voix du vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, Moscou vient de décider de renoncer provisoirement au démantèlement des sous-marins nucléaires lanceurs d'en-
gins (SNLE) actuellement en service. La durée de vie de ces submersibles prévus pour silloner les mers pendant une génération, sera prolongée jusqu’à 30-35 ans. Elle était fixée pour des raisons de sécurité à 25 ans.
France : Les militaires ont des convictions
moitié de son contingent (614 personnes) d'Afghanistan à l'été 2012. La date est fixée au 30 juillet 2012. Environ 300 militaires participant au détachement de protection et force de réaction rapide présents à Kaia - l'aéroport international de Kaboul - seront retirés autour du 30 juillet 2012.
les militaires ont la sensation d’avoir été caressés à rebrousse poil, et, s’ils ne s’expriment qu’à mi-mots, certains gendarmes n’en pensent pas moins. La gendarmerie a été la première « bénéficiaire » de la disgrâce présidentielle. En tout cas, l’idée, parmi les cadres, d’une alternance, n’est pas vécue comme une tragédie. La Grande Muette fulminerait-elle en silence ? En tout cas, elle votera majoritairement à droite, si l’on en croit une enquête récente du Cevipof , mais pas forcément Sarkozy. Selon cette enquête, les militaires et policiers seraient, à 37%, des sympathisants de Marine Le Pen.
En Grande-Bretagne : les profs bientôt en uniforme
Le Plat pays n’aime pas l’Afghanistan
La candidature de l’association Control Arms a été déposée par le Bureau International de la Paix (BIP) auprès du comité No-
L'armée belge devrait retirer la
Le gouvernement britannique lance un nouveau programme intitulé « Troops to Teachers ». II encourage les militaires à se reconvertir dans l’enseignement, surtout parce que l’armée subit un dégraissage conséquent au nom des restrictions budgétaires (17000 postes en moins d’ici 2015). Des établissements scolaires seront donc bientôt gérés par d’anciens militaires et les professeurs vont marcher au pas.
Control Arms drague le Nobel
bel norvégien. Pour une récompense en 2012. Étant lui-même lauréat, le BIP basé à Genève est habilité à faire ce genre des propositions. C’est d’ailleurs lui qui avait présenté la candidature de l’association Pugwash et d’un de ses chefs de file Josef Rotblat, nobélisés » en 1985. Alors pourquoi ce soutien à Control Arms ? Selon le secrétaire général du BIP, interrogé par téléphone, cela s’explique aisément. Primo, c’est un collectif et en tant que tel, si jamais ce nom est retenu, la gloire sera répandue entre beaucoup d’organisations. Secundo, il s’agit d’envoyer un message aux acteurs de cette conférence -d’une durée de 4 semaines- qui doit déboucher sur un traité sur le commerce des armes. Enfin, la structure de cette coalition est intéressante dans la mesure où elle dépasse le cadre strict du désarmement. Si l’on se réfère aux 3 piliers qui ont constitué la coalition d’origine dès 2003 , on remarque Amnesty qui symbolise les droits de l’homme, Oxfam, plutôt axé sur le front du développement et IANSA le désarmement. En savoir plus : http://speakout.controlarms.org
à vos agendas • 14-15 mars : l’association Française pour le Mouvement Pugwash ou Pugwash France organise un séminaire/atelier à l’Unesco sur le thème “science et responsabilité sociale”.
• 28 avril – 5 mai : la première commission de préparation de la révision du TNP aura lieu à Vienne, en Autriche. Le Mouvement de la paix prévoit l’envoi d’une délégation
• 1er avril : fermeture du Quartier Général de l’Otan à Bruxelles. Pour faire de NATO GAME OVER un réel succès, une vingtaine de formations sont organisées dans toute la Belgique. Toutes les informations sur les lieux et heures de rendez-vous des briefings avant l’action, sur le déroulement de la journée : • www.actionpourlapaix.be • www.desobeir.net Le clip : www.youtube.com/watch?v=4pAWdWxEEwY&feature=pl cp&context=C39df25fUDOEgsToPDskLFc5reVoE08jse_KQSA5DM>
• 25 et 27 mai : forum des comités du Mouvement de la paix à Chambéry.
• 23 avril : « Journée Internationale des ONG Unesco - Salle IV. « Petite enfance, grands enjeux : l’EPPE clé de voûte de l’éducation tout au long de la vie ». Journée organisée par le Groupe de Travail des ONG-Unesco sur l’Éducation Pour Tous (Gr.EPT) et le groupe ad-hoc « Petite enfance ». 12
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• 16 au 17 mars, Marseille : « Forum Alternatif Mondial de l'Eau ». Le Mouvement de la Paix des Bouches du Rhône y participera avec le Collectif 13 Droit des Femmes qui développera le thème "Femmes et Eau". Rassemblement de la Caravane des Porteuses d'Eau le 17 mars, 14H30 devant le Palais Longchamp à Marseille (4ème art. - métro Cinq avenues - Longchamp), château d'eau qui fut édifié pour la commémoration de l'arrivée à Marseille le 15 août 1869 des eaux de la Durance. Ensuite manifestation avec l'ensemble des participants du Forum Alternatif Mondial de l’Eau (FAME). Contact : Régine Minetti - 06 88 43 79 93
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France/Algérie, pour un traité de paix
• France/Algérie la réconciliation en panne • Le port de Marseille Le refus des dockers • Actions citoyennes Pour un espace de paix euro-méditerranéen • Culture de paix Chronologie d’un rapprochement • Souvenirs d’Algérie Patrouilleur en danger • Le Monde arabe Les intellectuels et la guerre • Livre Albert Nallet, un témoin engagé
Parmi les dates récentes qui comptent, les accords d’Evian. En mars 1962 ils ont mis un terme à la guerre d’Algérie. Une guerre que les autorités françaises n’ont pas reconnue comme telle. Ils ont marqué la fin d’un cauchemar pour les peuples de France et d’Algérie. Mais sans mettre fin aux malentendus, sans reconnaissance des torts, avec des entorses au principe de la souveraineté, et sans traité de paix. Planète Paix ouvre le dossier avec les témoignages des militants du Mouvement de la Paix. L’esprit pacifiste a grandi dans ce combat.
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France/Algérie
La réconciliation en panne Persistance de l'empreinte coloniale et responsabilité des politiques
‘‘ Jamais la co-
Ici, en France, après les indépendances, on a organisé l'amnésie sur la période coloniale ; mais les peuples anciennement colonisés, comme n'importe quelles autres victimes, n'ont pas oublié. La société postcoloniale (terme hérité des États-Unis) - celle des colonisateurs comme celle des colonisés continue de porter les stigmates de la colonisation. Les tentatives pour tourner la page en se bornant à solder le passé d'une formule2 sont vouées à l'échec. Dans une démarche de réconciliation, c'est de l'auteur du crime qu'on attend le geste par lequel il reconnaît sa responsabilité et sollicite le pardon de sa victime. C'est ce que fit le Président Chirac en 1995, reconnaissant la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs en 42/44. Le même qui, en juin 1999, officialisa le terme « guerre » pour la guerre d'Algérie, perdit là une occasion d'aller plus loin et d'exprimer son repentir pour les atrocités commises au nom de la France pendant cette guerre et plus généralement la période coloniale en Algérie et ailleurs. C'est cette mission dont il faut souhaiter voir les dirigeants politiques français s'emparer et singulièrement le futur président de la République.
lonisation, un demi-siècle après les guerres d'Indochine et d'Algérie, jamais l'esclavage, cent cinquante ans après la deuxième abolition, n'ont occupé une telle place dans la vie publique. ’’ Claude Liauzu1
La réconciliation, ce n'est pas pour aujourd'hui Scène de liesse pour l'indépendance de l'Algérie
I EN SAVOIR PLUS • www.acca.free.fr/. 14 14
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l y a 50 ans, les accords d'Évian
Signés le 18 février 1962 par la France et le FLN pour l'Algérie, les accords d'Évian mirent fin à presque huit années de guerre. Ils s'accompagnaient d'une amnistie générale pour tous les actes commis « pendant les événements » (sic) antérieurement à la signature. Juridiquement, les choses étaient classées. Et depuis, la France a reconnu la guerre mais pas le caractère organisé de la répression des Algériens (tortures, …) par les militaires au nom de l'État français. La responsabilité collective, individuelle, l'impunité, les notions de réparation, reconnaissance... constituent encore autant d'obstacles à surmonter pour établir des rapports humains apaisés après des situations de grande violence ayant donné lieu à des crimes.
C'est de France que l'initiative de réconciliation doit venir. Dans son discours du 26 juillet 2007 à l'Université de Dakar – véritable profession de foi en la matière – le Président Sarkozy, après avoir reconnu le « crime » de l'esclavage et de la traite négrière et au terme d'une déclaration à tonalité paternaliste, émit ce condensé indigne et humiliant de stéréotypes, inoubliable pour tous les anciens colonisés et les autres : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain (…) ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. » Voilà réactivée la mission civilisatrice de la France auprès d'humains de seconde catégorie et légitimée, a posteriori, la colonisation. En toute
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logique « nul ne peut demander aux générations d’aujourd’hui d’expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères. » On l'a compris : la réconciliation se fera sans reconnaissance de ses crimes par la France ; donc elle ne se fera pas.
Une avalanche de mauvais signaux Et puis le monde, affligé ou scandalisé, a pu suivre toutes ces péripéties de la politique française qui tentent de refouler par l'amnésie le traumatisme que constituèrent la colonisation et la guerre d'indépendance : • la loi du 23 février 2005 qui dans son article 4 entendait officialiser dans l'enseignement de l'histoire le « rôle positif de la présence française outre-mer » lequel fut finalement abrogé ; l'article 3 créant une Fondation extra-universitaire pour la mémoire de la guerre d'Algérie, appel d'air pour tous les nostalgiques souhaitant écrire « leur » histoire de la guerre d'Algérie ; • les déclarations du candidat Sarkozy à l'élection de 2007 repoussant toute idée de repentance sur le passé colonial ou esclavagiste de la France ; • la création du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale ; • les apparitions, décorations, commémorations, réhabilitations d'anciens factieux qui se multiplient avec la neutralité bienveillante voire la bénédiction des autorités ; • les pratiques discriminatoires de tous ordres à l'égard de l'Autre : immigré, étranger, jeune, Rom, pauvre.
Les relations Algérie / France aujourd'hui A la question de la mémoire se sont ajoutées cette année celles concernant les soubresauts au Maghreb. (...) En juin dernier, on se crispait moins au niveau officiel algérien sur les questions liées à l'histoire ; mais des partis politiques et des associations ne renoncent pas à les soulever. Dans sa conférence de presse déjà évoquée, Alain Juppé, après avoir rappelé mot pour mot la déclaration du président de la République du 3 décembre 20103, ajouta
Attentat de l'oas
« nous n'allons pas ressasser indéfiniment » cette période de l'histoire … « Nous sommes des hommes tournés vers l'avenir »4. Le quotidien algérien Liberté a peu goûté cette esquive : « Alain Juppé est un excellent ministre des Affaires étrangères... Mais face à l'histoire, le poids de la mémoire écrase les hommes... Aucun homme politique, (…) ne peut, ne doit mettre l'histoire des peuples au placard. »
la responsabilité de la France dans les crimes ayant accompagné la colonisation, de s'en repentir officiellement. Alors, la réconciliation sera engagée. Daniel Dayot 1
Introduction au Dictionnaire de la colonisation
française, dont il a assuré la direction Larousse « A présent » 2007
Et demain ? Quelle chance de réconciliation ? (...) Et les sans-grade ? Sur le terrain, loin de l'agitation officielle, dans l'anonymat de petites structures, certains œuvrent sans faiblesse depuis longtemps à maintenir vivante la flamme de l'espérance. Avec des moyens dérisoires, ils s'ingénient, en dépit de la mauvaise volonté en haut lieu, à tisser des liens entre nos deux pays, fondés sur la reconnaissance mutuelle, le dialogue. Leurs efforts prendront tout leur sens et une autre dimension le jour où les politiques auront le courage de mettre les archives à disposition des historiens tout en supprimant cette Fondation extra-universitaire pour la mémoire de la guerre d'Algérie et, une fois reconnue
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« Ces débats ne sont engagés que chez vous ! » ré-
pondait Alain Juppé (mi-juin 2011) aux journalistes algériens qui l'interrogeaient sur l'attitude qu'entendait adopter la France pour les crimes commis contre le peuple algérien durant la période coloniale. 3
« le caractère injuste de la colonisation, mais il n'est
pas question que la France se lance dans la voie de la repentance » 4
Cité par El Watan
Extrait du n° 161 de la revue Alternatives nonviolentes consacré au cinquantenaire de la fin de la guerre d'Algérie et intitulé "Algérie, les violences d'une guerre, les chances d'une guérison". Revue disponible chez ANV Centre 308 82, rue Jeanne D'arc 76000 Rouen.
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Le port de Marseille
Le refus des dockers Renée Aillaud, ancienne dirigeante du Mouvement de la Paix, a participé activement aux manifestations de Marseille en 1962 pour entraver l'embarquement des armes vers l'Algérie. Rues d'Alger à l'indépendance
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n de nos amis avait été tué en Algérie (soldat du contingent) et était revenu tout simplement au Port de Marseille dans un sac en plastique. Révoltée par cet état de chose, je me renseigne et apprends qu’une manifestation est prévue le soir même par les travailleurs du port de Marseille C.G.T. en réaction à cet état de fait. Je me pointe chez les Dockers qui me confirment et m’expliquent comment cela devait se dérouler. La manifestation était entourée de cars de police, d’agents de police de toutes sortes, de milices O.A.S. qui s’infiltraient mais qui étaient vite repérées par les manifestants et mis hors manifestation pas toujours élégamment. Nous n’étions pas des milliers, peu de femmes, et les heurts étaient inévitables, c’est vrai, mais la force de conviction de tout ce peuple m’a fait mesurer ce qu’était l’action collective. Les organisations, syndicats, partis, étaient tous d'accord pour donner une sépulture décente à nos soldats qui rentraient d’Algérie. La guerre d’Algérie ne s’est pas arrêtée là, il y avait ceux qui s’opposaient au départ là-bas et que l’on emprisonnait, ceux qui se sont heurtés aux propos des milices O.A.S. et qui ont été battus. Dans le comité de Paix du 5ème arrondissement 18 18
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de Marseille, nous avons même eu une bombe devant notre local, c’était la fin de la guerre et certains O.A.S. du quartier ne supportaient pas notre présence, surtout ce qui était dit d’eux et du gouvernement de l’époque. J’ai gardé depuis cette date un attachement à tous ces travailleurs du port de Marseille qui, par leur regard juste sur les situations présentes, savent faire face. Ils ont empêché l’embarquement des armes en partance pour l’Algérie à cette époque et ont continué lorsqu’il s’est agi du Vietnam. Il faut que les générations suivantes sachent que jamais il ne faut accepter la guerre quelle qu’elle soit. Qui en souffre ? Tous ceux qui ne la veulent pas : les plus pauvres, Les femmes et les enfants qui sont les premières victimes. Qui en profite ? Les vendeurs d’armes de toutes sortes, les trafiquants internationaux et les « égo » de certains gouvernements. C’est la raison pour laquelle je milite au Mouvement de la Paix depuis plus de 50 ans. Renée Aillaud
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L'implication du journal Combat pour la Paix et du Mouvement de la Paix pour l'indépendance de l'Algérie
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actions citoyennes
Pour un espace de paix euro-méditerranéen Dans les années 90, lorsque l’Algérie s’est trouvée dans la tourmente du terrorisme islamiste, le Mouvement de la Paix s’est investi dans les collectifs de solidarité avec les démocrates algériens alors mis sur pied en France. Un des fondements de l'identité du Mouvement de la Paix est son engagement anticolonialiste en particulier contre la guerre d'Algérie.
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es médias dominants ne donnant alors qu’une vision tronquée de la société algérienne (à travers les attentats, les morts les assassinats, nous avons décidé d'aller en Algérie à la rencontre de cette société pour écouter, échanger afin de mieux comprendre pour être plus et mieux solidaires. Grâce à l'aide de militants syndicaux et de militantes féministes en Algérie nous avons rencontré pendant 10 jours un peuple debout luttant contre le terrorisme islamiste pour garder les acquis de la révolution de 1988. Par cette révolution, la première dans la Magrheb-Machreck, le peuple algérien, malgré une répression ayant fait environ 500 morts, avait en effet gagné la liberté de la presse, le pluralisme politique et la liberté associative. Les démocrates algériens avaient eu la même idée que nous en mettant en place une caravane d’associations algériennes qui viendra en France en octobre 1998 expliquer leur lutte dans plusieurs villes françaises par un contact direct entre citoyens et associations de nos pays respectifs. C'est dans cette dynamique d'échanges réciproques entre les deux peuples que s’est construite une collaboration ininterrompue pendant 10 ans. Ce partenariat visait aussi à lutter coude à coude contre l'idéologie rétrograde de la guerre des civilisations si propice à diviser et opposer les peuples afin de mieux les dominer et les exploiter, tout en développant racisme, violences et guerres. Les résultats de 10 ans de travail en commun ont été importants en termes d’éducation populaire pour promouvoir les valeurs de la culture de la paix. L’exemple de cette femme qui quitte le voile, s’engage dans des responsabilités associatives, dans la construction de la coopérative et de la bibliothèque, part en formation à l’étranger, s’engage dans des associations de défense des droits de l’homme, participe à des actions d’éducation à la paix et à la non-violence dans les écoles de sa willaya, montre l’impact de notre démarche commune. Nous avons ainsi démontré que les coopérations de peuple à peuple peuvent, comme le rêvait Kateb Yacine (dans une interview réalisée par René Vautier pour l’hebdomadaire Révolution) contribuer à prévenir les violences et à construire un monde de paix et de justice. A
cet égard, il convient de souligner combien les apports des Algériennes et Algériens nous ont permis de mieux comprendre les dynamiques sociales, culturelles idéologiques en cours dans les sociétés du Maghreb-Machreck et plus largement du monde arabe. Ainsi nous avons mieux appréhendé l’influence néfaste de l’Arabie Saoudite qui favorise l’expansion du Whahhabisme afin de diffuser encore aujourd’hui un intégrisme religieux rétrograde utilisé à des fins politiques pour empêcher les peuples d’aller vers plus de justice et de démocratie. L’Arabie Saoudite avec le soutien des USA (et de ses alliés) favorise cela pour conserver des régimes totalitaires qui ne remettent surtout pas en cause les dominations financières qui s’exercent sur le monde et sont si contraires au développement d’une culture de la paix. Si l'anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, doit donner lieu bien évidemment à un retour sur l'histoire ainsi qu’à une condamnation sans équivoque du colonialisme, il doit aussi être orienté vers l'avenir. C'est la raison pour laquelle, sur la base des résultats acquis par 10 ans d’actions communes le Réseau algérien « Paix et Développement » et le Mouvement de la Paix français ont décidé de proposer conjointement la signature d’un appel pour un traité d'amitié entre la France et l'Algérie et envisagent de nouvelles initiatives comme dont un colloque sur l'éducation à la paix et à la non-violence durant le Forum Social Maghreb-Machreck qui aura lieu en Tunisie en juillet 2012 et l’organisation en Algérie d’un colloque franco-algérien d'éducation à la paix et à la nonviolence . Face aux initiatives de l’Otan pour dominer et militariser encore plus l’espace euro-méditerranéen, la France et l’Algérie devraient s’inspirer de ce type d’actions mises en œuvre par leurs citoyens pour mettre en application des politiques de nature à construire un espace euro méditerranéen de paix et de fraternité. Roland Nivet
o ur un t ra i t é de pa i x Culture de paix
Chronologie d’un rapprochement Dès 2001, la question de la culture de paix est posée comme un concept opérant dans cet espace. Démonstration d'un travail commun.
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ix ans d’actions croisées entre l e M o u v e ment de la Paix (France), le réseau Paix et Développement (Algérie) et d’autres associations dont Djazairouna. Avril 1998 : délégation du Mouvement de la Paix en Algérie durant les années noires du terrorisme.
débats dans plusieurs villes dont Rachid Boudjedra, Ahmed Djebbar ancien ministre de l'Éducation du président Boudiaf, Jean Pierre Lledo, cinéaste. 2001 : participation à une action humanitaire pour l'accueil dans des hôpitaux français de personnes blessées suite aux événements de Kabylie.
Octobre 1998 : accueil en France de la caravane des associations algériennes. 1999 : délégation du Mouvement Paix et Développement au congrès du Mouvement de la Paix, accueil de cette délégation pendant une semaine en Bretagne. 2000 : participation de cinq enseignantes algériennes au colloque mondial des éducateurs la paix à l'Unesco, à l’invitation du Mouvement de la Paix. Création d'une bibliothèque associative en Algérie..
2000 : dans le cadre de la Marche Mondiale des Femmes, des Algériennes ont participé à la marche des femmes devant la base de sous-marins nucléaires de L’Ile Longue sur le thème « pour mondialiser la paix, non aux armes nucléaires ». Janvier 2001 : adoption par le Conseil national du Mouvement de la Paix d’une convention de partenariat entre le Mouvement de la Paix et le Mouvement Paix et Développement. 2001 : stage de formation au montage de projets à Rennes pour 10 algériennes ayant des responsabilités associatives en Algérie. Participation de personnalités algériennes à des rencontres avec des lycéens et à des
2002 : participation d’un responsable du Mouvement de la Paix au Colloque international contre le terrorisme à Alger à l’invitation de Djazairouna. 2003 : participation de cinq lycées algériens au Goncourt des lycéens en partenariat avec la Fnac dans le cadre de l'année de l'Algérie sous le label « l'Algérie, un autre regard ».
partenariat Algérie de Lamballe, du conseil général des Côtes d'Armor et de la Région Bretagne. Le Mouvement de la Paix contribua à cette dynamique à travers l'acheminement de livres en liaison avec la Fnac et le consulat de France en Algérie favorisant la création d’une bibliothèque associative à Si Mustapha au sein de l’association AFAK. L’association AFAK à laquelle est adossée la coopérative, emploie plusieurs psychologues qui enseignent l’éducation à la paix et la non-violence dans des écoles de la wilaya. 2006 : pendant 15 jours à Crozon, camp mixte de vacances réunissant une quinzaine de jeunes algériennes et algériens de Blida et une quinzaine de jeunes de Rennes. Les jeunes algériens, issus de familles victimes du terrorisme, sont accueillien France dans le cadre d'un réseau concerté de solidarité auquel participèrent les comités de paix de Marseille, Bagneux, Paris et de Rennes ainsi que les Scouts de France. Juillet 2011 : participation de trois jeunes algériens aux rencontres internationales de jeunes (RIJ). Décembre 2011 : une militante algérienne est invitée par la Région Bretagne à la biennale de l'égalité hommes-femmes. Roland Nivet
2003 : l'action de solidarité avec les victimes du séisme de Boumerdes aboutit à la création d’une coopérative d'apicultrices. Cette coopérative dénommée Farhwa Fatma Nsoumeur emploie actuellement 15 salariés. Cette action a été menée grâce à l'aide du
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Souvenirs d’Algérie
Patrouilleur en danger Roger Billé, ancien appelé, évoque son expérience en Algérie. Un récit qui, avec ses anecdotes, nous rappelle que la guerre n’est pas une partie de gala...
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é en 1937, en juin, j’ai été appelé à effectuer mon service militaire en juillet 1957 dans la marine nationale, « la Royale » comme on dit en langage maritime. Fin octobre, les 600 appelés de cette bordée sont désignés pour êtres versés, tous, dans les Fusiliers Marins, en Algérie. Certes, être « sakho »1 est effectivement plus glorieux ; passage par le centre Sirocco, l’école des Fusiliers marins, mais la demi-brigade est un régiment implanté dans l’ouest de l’Algérie, plusieurs de ses sections contrôlent la frontière avec le Maroc, ce qui n’est pas de tout repos. Je suis affecté dans un poste isolé dans le district de Nédroma, (le poste « Le Troadec ») qui va nous apparaître très vite, sinon reposant, mais très sympa et où règne une très bonne ambiance. Dès le début de 1958, le bruit courait dans les mechtas de l’oranais que le nouveau chef de la willaya du FLN était un homme très dynamique et particulièrement intelligent. Nous allions vite nous rendre compte de la véracité de ces assertions ! Notre région, assez tranquille jusqu’alors, était devenue, bien plus qu’agitée. La compagnie (120 hommes environ) qui occupait ce poste s’était fait une spécialité de patrouille de nuit, en coopération avec les commandos Marines et des troupes très spéciales composées de supplétifs algériens surentraînés, natifs de la région et qui connaissaient très bien le terrain. Pour notre seule compagnie, nous avions à déplorer de nombreux accrochages et la perte de 2 de nos camarades. En juillet, un de mes copains, Léon Ramet, marin pêcheur à Étaples, et moi-même avions du être exemptés de patrouilles de nuit, car enrhumés, compter dans ses rangs, la nuit, des gens qui toussent n’est pas une garantie de discrétion absolue ! Quelques jours après, notre section est désignée pour assurer un ravitaillement 22 22
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d’une autre section implantée dans un village en ’’pacification’’. C’était le 28 juillet 1958. Nous voici donc dans un GMC, quatre hommes formant l’escorte de cette expédition, plus le conducteur, et deux autres dont Léon Ramet, et moi-même ; il y a aussi un commando marine, et un de mes très bons copains Yvon Torzec, marin pêcheur breton. Yvon est le mitrailleur, il est au milieu de la caisse, prêt à utiliser son engin si besoin est. Je suis a côté de lui. Je suis voltigeur, donc armé d’une mitraillette mat. vSur ma poitrine sont accrochées aux bretelles deux grenades offensives et au milieu de la chasuble une grenade défensive quadrillée. Une jeep roule devant nous où se trouvent le conducteur, le second-maître chef de patrouille et un radio, et nous abordons un lieu-dit « le gué de Nédroma ». Tout va bien, la jeep devant s’engage dans le gué, et tout à coup plus de son, plus d’image. Une très forte odeur de poudre m’envahit et j’ai le sentiment de tournoyer en l’air. Les roues arrière du GMC ont accroché la mine. Après quelques instants d’évanouissement, je refais surface, je veux me lever, mais je retombe immédiatement, mes deux jambes brisées, ce que je ne le sais pas encore. Le camion est déchiqueté, l’odeur de poudre est insupportable. Il règne un silence angoissant seulement troublé par 2 de nos camarades, Chaffurin, le commando, qui mourra une heure plus tard et mon copain Yvon qui nous quittera le lendemain matin. Léon Ramet est blessé, son fémur droit brisé fait une saillie sur la jambe de son pantalon ; je vais en rampant aider Chaffurin, qui est le plus grièvement touché ; j’essaie de lui poser des garrots au dessus du genou et du coude qui sont devenus des masses infâmes de sang, de chairs, et d’os. Il décède une heure après, il a 19 ans ! Puis une demi-heure s’écoule avant l’arri-
vée de deux hélicoptères qui vont nous évacuer sur l’hôpital militaire de Tlemcen. Je vais être transporté dans le même appareil que Chaffurin déjà décédé. Dans la salle de tri de l’hôpital, une infirmière vient vers moi et me demande de quoi je souffres : « je ne sais pas trop, mais mes jambes semblent un peu Atteintes. » Puis elle voit mes grenades, toujours accrochées à la chasuble, dont une s’est complètement défaite, il ne reste que le bouchon allumeur tout seul. Alors mademoiselle Dubois, c’est son nom, fait preuve de sagesse, et me dit : « ne bougez pas, ne touchez à rien, je préviens les artificiers qui vont vous débarrasser de vos encombrantes décorations ». Une fois les grenades enlevées, l’infirmière voit mon pantalon plein de sang, un éclat de la mine m’avait arraché un morceau de la fesse me laissant une grosse cicatrice. En prime, l’explosion m’avait projeté en l’air et la chute m’a assommé, ce qui a aggravé mon diagnostic final ; les deux jambes brisées au niveau des chevilles, le morceau arraché à la fesse et un traumatisme crânien. Je suis resté 4 semaines dans les hôpitaux en Algérie et j’ai été rapatrié à Paris en avion militaire, puis 5 mois entre l’hôpital Bégin, à Vincennes et l’hôpital Maritime de Cherbourg. Janvier 59, je suis réformé, pensionné et rendu à la vie civile avec des chaussures orthopédiques, ce qui n’est pas très rigolo à 21 ans. J’ai pu reprendre mon métier de mécanicien de la marine marchande, passer un CAP d’ajusteur et devenir ouvrier très qualifié. Quelques années plus tard, je suis devenu le délégué central du paquebot et, à 18 ans, secrétaire du syndicat CGT des Marins de Marseille. Roger Billé
o ur un t ra i t é de pa i x Le monde arabe
Les intellectuels et la guerre Rachid Boudje(La Libye) et l'installation de pouvoirs militaro-islamistes en Tunisie et en Egypte. Bien sûr que j'aurais voulu que ces dictatures arabes disparaissent mais pas pour les remplacer par des systèmes féodaux, réactionnaires et misogynes complètement soumis aux Etats-Unis et à l'Arabie Saoudite. Maintenant ces peuples ont besoin de notre solidarité et en particulier les femmes !
dra se consacre depuis 1972 à la littérature. Auteur de 23 romans, il a obtenu, en France, le Prix du meilleur roman étranger en 1979, pour son roman "Les 1001 années de la nostalgie". Le film "Chronique des années de braises" dont il a écrit le scénario a obtenu la Palme d'or du festival de Cannes en 1975. Il vit en Algérie. Interview.
EN SAVOIR PLUS • Hôtel Saint-Georges (2011) et Les figuiers de Barbarie (2010), Éd. Grasset
P
lanète Paix : Il y a 40 ans s'achevait la guerre d'Algérie. Comment ressentez-vous cet anniversaire ?
Rachid Boudjedra. : Je ressens ce cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie avec beaucoup de joie et aussi beaucoup d'amertume. Je suis heureux parce que l'Algérie est indépendante et qu'elle a réalisé d'énormes avancées. Je suis malheureux parce que l'Algérie a raté -quand même- sa révolution. Dans la mesure où elle est devenue un pays riche avec beaucoup de pauvres.
PP. : Un appel pour un traité d'amitié entre la France et l'Algérie a été lancé par des associations et des personnalités françaises et algériennes, qu'en pensez-vous ? R.B. : L'appel à un traité de paix* entre nos deux pays est une bonne chose en soi mais il faut que la France reconnaisse, d'abord, ses crimes et ses horreurs commis contre le peuple algérien pendant 130 ans d'un colonialisme atroce.
PP. : Quel regard portez-vous sur les évolutions du "monde arabe" aujourd'hui ? Quelles conséquences pour les relations internationales et la Paix ? Quelles solidarités tisser entre les peuples ? R.B. : Je crois que ce que l'Occident a qualifié de "Révolutions arabes" a eu des conséquences désastreuses pour les peuples concernés. C'est une véritable régression qui s'en est suivi, avec un pays complètement détruit par les forces de l'Otan
PP. : Quelle est pour vous la responsabilité des intellectuels face aux évènements qui secouent le monde aujourd'hui (crise, révoltes, guerres, révolutions, mouvements d'indignation etc.) ? R.B. : La responsabilité des intellectuels du monde entier est aujourd'hui engagée, dans la mesure où ils ont été sensibles aux sirènes de la guerre et qu'ils n'ont pas réagi à temps. Car quelle que soit la guerre, il faut la refuser. Ce qui n'a pas été le cas.
PP. : En tenant compte des questions précédentes quel message auriez-vous envie de transmettre à de jeunes français de 15- 17 ans ? R.B. : Un message simple : être contre la guerre et pour la paix ! Toujours et partout. Propos recueillis par Roland Nivet
Appel pour un traité d’amitié entre la France et l’Algérie À l'occasion du 50ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, des personnalités et des organisations d’Algérie et de France, Appel initié par le Mouvement de la Paix français et le réseau Paix et Développement algérien, demandent à leurs gouvernements respectifs de conclure dans les meilleurs délais un traité d'amitié entre la France et l'Algérie. Pour connaître les signataires et signer l’appel : www.mvtpaix.org
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DOSSIER
France/ Algérie,pour un traité de paix
Livre
Albert Nallet, un témoin engagé Jeune appelé de 20 ans dans la guerre d’Algérie, Albert Nallet témoigne dans son livre « On n’efface pas la vérité » de cette guerre qu'il ne voulait pas faire et qu'il a subie.
EN SAVOIR PLUS
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Albert Nallet et Djoudi Attoumi*, ancien combattant de l’ALN en Kabylie
A
vant de partir en Algérie, Albert Nal- française devait protéger : "tous les habitants sont let était déjà engagé pour la paix. En fellaghas, il faudrait donc tuer tout le monde" 1950, il a assisté avec son père au 2ème écrit-il. congrès des partisans de la paix, en préLorsqu’il débarque à Alger, il est saisi par la sence d'Aragon, de Frédéric Joliot-Curie et d'Astier beauté de cette ville toute blanche aux belles maide la Vigerie. Le délégué algérien Abderrahmane sons dans les riches quartiers européens, au bord Bouchama déclarait : « voila 120 ans que notre de la mer, mais choqué par des baraques de la peuple subit le joug odieux du colonialisme stu- Casbah où s'entassent la population musulmane pide et féroce. A toutes les souffrances physiques, pauvre. s'ajoutent pour le « Je fais l'amer peuple algérien le ‘‘Depuis qu’on s’est trouvé nous œuvrons constat que l'armépris sadique de pour rapprocher nos peuples : on ne peut mée française est effacer les malheurs de l’Histoire qu’en té- présente ici pour racisme exacerbé. » P a r s e s t é m o i - moignant de la vérité, pas en la cachant... défen d r e l e s y sgnages et les 300 Cette histoire est encore à écrire.’’ tème colonial ». Albert Nallet et Djoudi Attoumi lettres adressés à ses Le titre « On parents, Nallet tente n’efface pas la véde restituer la vie des soldats/résistants (Fella- rité » renvoie à une réponse que Nallet fait à ghas) face aux embuscades, assassinats, tortures, l’officier, celui qui l’ordonne d’effacer l’insvols et viols. Il décrit sa peur d'être tué et la peur cription « Algérie vivra libre ». L’ouvrage s’achève d'avoir à tuer. par un hommage, rendu par son ami Michel Bret, Il a vécu un véritable cauchemar, a vu mourir ses au chanteur Lounes Matoub, assassiné le 25 juin copains, les habitants, les résistants algériens, il as- 1998 à Tizi-Ouzou . siste impuissant à des scènes de terreur et découvre la population très pauvre, privée de sa terre... Michèle Montezin Il dénonce l'absurdité de cette guerre quand les * Auteur du livre ‘‘Avoir 20 ans dans les maquis’’, chefs militaires ordonnent de supprimer tout les Éd Édilivre.com Fellaghas, les enfants, des habitants que l'armée
On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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MONDIALISER LA PAIX les Droits de l’enfant
La pauvreté, cause du trafic des enfants Dans toute l'Afrique, on estime qu'environ 80 millions d'enfants travaillent, chiffre qui pourrait atteindre 100 millions en 2015. La pauvreté est le premier facteur d’incitation au trafic des enfants. La difficulté est de sensibiliser l'opinion aux dangers que présente pour les enfants le travail sous ses formes les plus abusives et à mobiliser les gouvernements et la société civile.
L
e Bénin est un petit pays, tout en longueur, de l’Afrique de l’Ouest, situé dans la zone intertropicale entre l’Équateur et le Tropique du Cancer. Du Nord au Sud il s’étend sur 700 km, et sur 325 km dans sa plus grande largeur. Limitrophe du Niger, du Burkina Faso, du Nigéria et du Togo, il est baigné au Sud par l’Océan Atlantique, le long de 125 km de magnifiques plages de sable, dans l’ensemble, plutôt dangereuses, parfois jalonnées de superbes mangroves. Plus connu dans nos livres d’histoire sous le nom de Dahomey, le Bénin, indépendant depuis le 1er août 1960, a été longtemps considéré comme le Quartier Latin de l’Afrique. Sur une superficie de 114.763 km2 il abrite 6.752.569 habitants parmi lesquels on compte 51,4% de femmes. En se basant sur les chiffres de 2002, il y a 3 400 000 enfants de moins de 18 ans. 3% d’entre eux sont préscolarisés, en ville exclusivement. Le taux d’inscription ou de fréquentation scolaire en primaire est de 86% pour les garçons et de 64% pour les filles. Si 1/3 de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, ce taux n’a cessé de s’accroître en milieu rural puisqu’il est passé de 25% entre 1994-1995 à 33% entre 1999-2000. 1/3 des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition protéinoénergétique et l’on compte 89 décès pour 1000 naissances vivantes de moins d’un an. Les enfants qui travaillent entre 6 ans et 14 ans sont au nombre de 480 000 dont beaucoup sont des « enfants placés », et/ou sujets de trafics. 50 000 enfants de 6 à 16 ans
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Des enfants travaillent le manioc pour en faire de la farine
travaillent ainsi à l’étranger, en majorité des garçons, « petits esclaves » utilisés, jusqu’à 13 heures par jour dans des plantations agricoles. A ce travail s’ajoutent bien souvent des violences, châtiments et sévices corporels mais aussi des viols. Les enfants placés, ceux que l’on nomme des « vilamégbo » en mina, ou des « vidmégon » en fon sont astreints à de durs travaux domestiques, en particulier pour les filles qui peuvent se retrouver dans d’honnêtes familles qui les traitent bien, mais qui peuvent être également transformées en esclaves.
D’après les associations et les ONG qui se penchent sur ce problème 200 000 enfants seraient soumis à ce traitement en Afrique de l’Ouest. Les pouvoirs publics, dans l’ensemble, ne prennent pas la pleine mesure de ce problème qui prend racine dans une pratique ancestrale bien actuelle encore. Dans la culture traditionnelle où prévaut encore bien souvent une réelle solidarité entre les membres de la famille élargie, un enfant peut aller d’un parent à l’autre, d’un village à un autre ou du village à la ville. Là, il est accueilli par un membre de la famille, en
échange d’une participation aux tâches quotidiennes. En même temps il est placé comme apprenti chez une personne de connaissance, souvent sans aucune réelle rémunération. Les familles en brousse considèrent toujours cette pratique comme un moyen d’offrir à leurs enfants une formation qu’ils ne pourraient acquérir autrement. Enfin, disons-le aussi, ce placement d’enfant est une solution pour avoir moins de bouches à nourrir, dans des villages où la possibilité de trouver du travail est toujours bien hypothétique. Dans le contexte socio-économique du Bénin, les familles les plus démunies sont une cible de choix pour ceux qui vivent du trafic d’enfants. Abuser de la naïveté et de la pauvreté des populations bien souvent analphabètes est d’une grande facilité. Aussi la pratique ancestrale s’est-elle dévoyée. Certains trafiquants paient les parents pour emmener les enfants en « apprentissage » ou pour les placer dans des familles plus ou moins aisées. C’est du moins ce qui est dit aux parents auxquels on fait également miroiter des rémunérations aussi fabuleuses qu’illusoires. Depuis peu, apparaissent, à Cotonou par exemple, ce que l’on pourrait appeler des bureaux de placement qui ont pignon sur rue. Généralement dirigés par des femmes, ces bureaux proposent un personnel varié, allant du chauffeur au cuisinier, ce qui leur donne une apparence de respectabilité, d’autant plus que des contrats sont signés. Signés, oui, mais par les personnes réellement concernées, bien souvent analphabètes et qui ne comprennent pas toujours les termes du contrat, en particulier lorsqu’il s’agit des petites jeunes filles destinées à être des employées de maison. Ce contrat comprend une clause qui pose un réel problème : en effet la rémunération ne peut être versée directement à la personne qui est employée mais au bureau qui se charge de la payer ensuite, ce qui permet un nombre non négligeable de détournements de salaire. Les autorités béninoises ne semblent pas s’émouvoir de la prolifération de ces bureaux de placement. Cependant des comités villageois, dont le 1er a été créé en 1999, tentent de lutter contre le trafic des enfants. Il en existe actuellement plus de 170 et ils sont un système d’alerte assez efficace là où ils existent. Dans d’autres pays, comme au Togo par exemple où un jeune togolais sur sept serait concerné, le ministère des Affaires sociales et de la Promotion féminine semble vouloir lutter contre les dérives de cette tradition, et, depuis le 16 février 2006, a décidé de prendre des mesures, telles que des poursuites judiciaires. En août 2005, le parlement togolais a même voté une loi pour tenter de réprimer toute forme d’exploitation des enfants. Les contrevenants encourent des peines de
Les enfants au travail dans les plantations
prison allant de deux ans à dix ans et une amende qui peut atteindre 10 millions de francs CFA. Ajoutons qu’actuellement les parents des enfants victimes sont considérés comme complices, les exemples sont trop nombreux pour être ignorés, même en brousse. L’Egypte, autre exemple médiatisé, a lancé une campagne intitulée « Carton rouge au travail des enfants », pendant la dernière Coupe d’Afrique des nations. Il est vrai que 6% des jeunes égyptiens de 5 à 14 ans travaillent. En se référant aux chiffres de l’OIT, il y a dans le monde 246 millions d’enfants qui travaillent, dont 8,4 millions sont soumis à des conditions épouvantables. Pour lutter efficacement contre le trafic d’enfants il serait primordial de lutter d’abord contre la pauvreté, car elle en est une des principales causes. Il est également in-
dispensable de faire une véritable formation auprès des familles sur les dangers qu’encourent leurs enfants et de se poser un certain nombre de questions, comme : « Qu’est-ce qu’un enfant ? » et « Quels sont ses droits ? », tels que les définit la convention internationale des droits de l’enfant. Convention signée par le Bénin la même année que la France, comme par la majorité des pays, mais qui a bien des difficultés à être appliquée.
Danièle Bosom Psychopédagogue
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MONDIALISER LA PAIX Ambassadeurs de paix
Voyager avec Servas Et si l’on donnait
Servas par l’intermédiaire de sa
Naissance de Servas
un sens pacifique à nos voyages ? C’est ce que propose le réseau
représentante en France
EN SAVOIR PLUS • http://www.servas-france.org 28
R
éseau international d'adhérents, Servas permet des rencontres directes entre personnes de différents pays, et compte aujourd’hui 16 000 hôtes accueillant gracieusement 15 000 voyageurs chaque année dans plus de 120 pays. Servas International est une ONG reconnue par les Nations unies depuis les années 1970 et siège parmi les ONG observatrices qui bénéficient d’un statut consultatif au Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC).
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l’exposition « Culture de paix » empruntée au Mouvement de la Paix. Des adhérents ont présenté des témoignages d’initiatives personnelles. La Commission paix alimente une rubrique sur le site de Servas France, répercutant les activités de la commission et relayant des informations sur l’actualité de la paix dans le monde et les initiatives de diverses associations (Amnesty, Mouvement de la Paix, Centre de ressources sur la non-violence, …).
Le voyageur Servas
L’idéal fondateur de Servas s’inscrit dans le mouvement de réconciliation des peuples et met À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un vaste en avant une certaine idée du voyage, dans un esmouvement de réconciliation des peuples se déve- prit d’ouverture, de tolérance et de partage. À traloppa en Europe afin que plus jamais vers la rencontre, nous construide telles atrocités ne se reproduisent. sons la paix. Il regroupait des pacifistes de tous Selon l’Unesco, « Faire avancer horizons et s’exprima par le biais de les notions de tolérance, de comstructures telles que le Service Civil préhension et de solidarité en International, les Folk High Schools, promouvant un dialogue entre les les Quakers,… Bob Luitweiler, un civilisations » est un des 8 piliers Américain objecteur de conscience de la Culture de la Paix (1999). qui séjournait au Danemark, eut Le voyageur Servas n’est pas l’idée de créer avec un groupe d’amis un touriste ordinaire, indifféles « Bâtisseurs de la paix », qui perrent à ce qui se passe dans le mettait aux gens de différents pays de pays visité, puisqu’il rencontre pouvoir se rencontrer, se comprendre directement des habitants dont et s’accepter. C’est ainsi qu’est né en il partage le quotidien. Il n’est 1948 Servas, mot dont la signification ni un touriste en quête de sensaBob Luitweiler en espéranto, langue universelle, signitions, ni un boulimique de mofie « Je sers » ou « Nous servons » (la paix). numents, ni un pique-assiette. Servas n’est ni une agence d’hébergement de transit ni un moyen de Servas en France voyager à bon compte mais un accueil, un partage, Déclarée comme association « loi 1901 » en 1983, une chance de rencontre qui ne peuvent se réaliServas France regroupe plus de 1550 membres et ser que si l’hôte et le voyageur sont disponibles. fonctionne grâce à l’activité entièrement bénévole Voyager « en Servas » est avant toute chose école de quelques dizaines de personnes. d’ouverture, d'échange, d'accueil ; non seulement accepter l'autre en tant qu'étranger, mais plutôt La Commission paix le vivre comme très proche, son semblable... se Au sein de Servas France, la Commission paix pénétrer mutuellement de ces petits riens qui anime des ateliers lors des différentes rencontres font le sel de la vie, comme de ces grands idéaux de l’association, au niveau local, régional et na- qui en sont le piment. tional. Par exemple, dans le cadre de l’Assemblée générale 2011 qui s’est déroulée à Caen, la commission paix a animé un atelier sur le thème Danielle Serres « Comment le voyage et l’accueil de voyageurs Coordinatrice de la commission Paix peuvent-ils contribuer à la Paix ? » et présenté de Servas-France
MONDIALISER LA PAIX Témoignage
Le tourisme autrement Du 16 juin au 10 juillet 2011, Danielle Serres a participé à un voyage Servas sur la côte Nord-ouest des Etats Unis. Rencontre des hôtes de Servas durant trois semaines, de San Francisco à Seattle.
Gabriela et Danielle (à droite) devant le stand ONG "1000 femmes pour la paix"
T
émoignage
A San Francisco, ville de tolérance et d’émancipation des minorités, je suis accueillie par Nancy, qui dès le deuxième soir organise un « potluck dinner » avec des amies, Servas et autres, engagées pour la plupart dans l’action sociale. Le dimanche, nous allons avec Nancy et Pat jusqu’à Muir Woods, à deux pas de la grande ville et de l’Océan Pacifique où en 1945 des délégués du monde entier réunis à San Francisco pour créer les Nations unies sont venus honorer la mémoire du président Roosevelt, qui « croyait en la valeur des parcs nationaux comme sources d’inspiration. » Les habitants de San Francisco se considèrent comme les plus libéraux des démocrates américains, plus tolérants et progressistes. Par exemple, en 1989, la municipalité a voté
une ordonnance dite « sanctuaire » qui implique la non-coopération avec les autorités de contrôle de l'immigration. En 2007, elle a décidé d'octroyer des papiers d'identité à toute personne pouvant prouver un lieu de résidence, y compris aux immigrés clandestins. Au printemps 2008, la ville a lancé une campagne d'information pour les immigrés clandestins, diffusée sur des brochures et à la radio en plusieurs langues, afin de leur faire savoir qu'ils ne seront pas dénoncés par les services municipaux (hôpitaux, écoles, police) aux services fédéraux de l'immigration. J’ai aussi visité le Mémorial Martin Luther King, dans les jardins de Yerba Buena, juste en face du Musée d’art moderne. Une exposition de photos présente les militants de San Francisco pour les droits civiques célébrant le 20ème anniversaire de la Marche de 1963 vers Washington : « I have a dream … »
Plus au nord en suivant la côte, et en compagnie d’une autre adhérente locale de Servas, nous avons rencontré à Mendocino, un Indien pacifiste Puis dans la petite ville de Sebastopol, j’ai été accueillie par une adhérente qui m’a fait visiter un projet d’habitat groupé (Co-housing) qui regroupe 15 propriétaires depuis une dizaine d’années. Puis Mary Jane m’a emmenée à Berkeley voir « International House » En dépit des protestations, I-House a ouvert ses portes en 1930. C’était le premier centre d’accueil coéducationnel et interracial à l’ouest de New York. Dédié à l’amitié interculturelle et à la paix, IHouse est la deuxième des quatre maisons fondées par John D. Rockefeller à une époque où les fraternités étudiantes excluaient les étudiants étrangers et les personnes de couleur. Pour moi ce voyage a été une expérience extraordinaire, au contact de personnes qui m’ont ouvert non seulement leurs portes, mais aussi leur environnement amical, social, culturel, environnemental et m’ont ainsi permis d’élargir et d’enrichir mon univers. Elles m’ont offert leur hospitalité en toute simplicité, avec bonté et générosité. Ce n'est pas ce que tu vois, mais qui tu rencontres !
Danielle Serres
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CULTURE cinéma
‘‘La valise ou le cercueil’’ à Zinga Zanga Jacques Cros a assisté la projection du film de Charly Cassan et Marie Havenel. Un film historique mais un film de propagande. Il se fait donc tout petit en ayant l’impression de ne pas être au milieu d’amis.
L
e film entend réécrire la saga de l’Algérie en gommant de larges pans de ce qu’elle a vécu. Le plus patent sans doute, c’est l’absence dans les images des appelés du contingent qu’on avait pourtant envoyés par centaines de milliers dans les opérations de maintien de l’ordre. De l’ordre colonial bien entendu ! Mais le colonialisme non plus, on n’en parle pas. Le débarquement à Sidi Ferruch le 14 juin 1830 ? Certes l’affaire du coup d’éventail reçu par le consul Duval est reconnue pour ce qu’elle est, un prétexte ! Non, Alger est un repaire de Barbaresques qui se livrent au
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N° 570 - Mars 2012 - Planète PAIX
commerce des esclaves et, condamnation sans appel, d’esclaves blancs. Parce que quand il s’agit de noirs on est moins regardant et la Traite des Nègres à laquelle s’est livrée la France pendant des siècles est une peccadille ! Les Européens viennent mettre en valeur un pays laissé à l’abandon par les autochtones qu’au demeurant l’armée française a libéré des Ottomans et de leurs janissaires. Ils sont très bien les colons, respectueux des premiers occupants, de leur religion, de leur mode de vie, de leur identité… Ils ne sont quand même pas accueillis à bras ouverts et il faudra attendre 1847 pour obtenir la reddition d’Abdel Kader. Les événements de Sétif et de Guelma le 8 mai 1945 ? Ce n’est pas si dramatique qu’on l’a dit. Européens et Maghrébins auraient dû fêter en communion la victoire sur le nazisme. Quelle idée de poser alors la question de l’indépendance de l’Algérie ? Oui, pourquoi les arabes et les kabyles voulaient-ils cette indépendance ? Ils n’étaient pas bien avec tout ce que la France leur apportait en matière de civilisation ? Il faut croire que ces populations sont masochistes ! Ah, la Légion qui défile à Sidi Bel-Abbès ! Elle le fait dans un ordre parfait qui inspire la confiance. C’est que dans ce pays on a quand même besoin en permanence de la force armée et ça date de la conquête de l’Algérie ! L’histoire va s’accélérer en 1954. Oui, le terrorisme aveugle, c’est atroce mais pour-
quoi ne s’est-on pas interrogé sur ce qui l’engendrait ? Du coup d’État ramenant De Gaulle au pouvoir en 1958 aux journées des barricades à Alger en 1960 jusqu’au putsch manqué d’avril 1961, on assiste aux soubresauts d’une guerre qui n’en finit pas. Pourtant le 19 mars 1962 c’est le cessez-le-feu, quelque chose d’insupportable pour la majorité des Pieds Noirs qui le 26 mars répondent à un mot d’ordre de l’OAS et se font massacrer dans la rue d’Isly. Ce jour là, j’étais à Géryville, j’ai été témoin de violences faites aux Algériens qui manifestaient leur joie par des militaires d’origine Pied Noir qui n’acceptaient pas cette évolution des choses. L’exode ? Oui c’était sûrement douloureux mais pouvait-on s’empêcher de penser qu’il aurait fallu d’autres rapports entre les communautés que celles qui avaient prévalu pendant cent trente deux ans de colonialisme dont huit d’une guerre atroce et quelques mois d’une politique de terre brûlée pratiquée par l’OAS, à Oran notamment ? Les harkis ? On ne gagne jamais rien à se soumettre à celui qui vous domine ! Je ne suis pas de ceux qui ont porté De Gaulle sur les fonts baptismaux et je rappelle que sous son autorité la guerre a duré plus de temps que sous tous les autres dirigeants de la République. Que voulait-on encore ? Continuer la guerre ? Je crois sincèrement qu’il n’y a pas de dialogue possible avec des gens qui n’ont rien appris et rien oublié ! Jacques Cros
CULTURE livre
La planète bleue Comment ça va sur la Terre ? Quelles nouvelles de la grande forêt mondiale, de l'océan, de la vie des familles en Afrique, en Amérique, en Asie ou ici ? Voici des informations claires et précises, 100 chiffres clés qui donnent envie de penser autrement notre planète. Envie d'en parler ensemble. D'agir.
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Ce sont ces rêves qui dessinent les chemins qu'un jour les humains finissent par emprunter ». Cette citation de l'auteure Elen Riot, extraite de son album joliment géant, édité chez « Rue du Monde », pourrait à elle seule en résumer l'intérêt. Il s'agit d'un vrai document scientifique pour la scolarité des enfants. De plus, il les fait voyager, rêver, imaginer d'autres contrées sans efforts. J'ai offert cet ouvrage à mes petits enfants. Comme on embarque pour un périlleux voyage. Bien sûr, je les ai accompagnés en lecture, comme ça , l'air de rien, après la classe... pour se détendre. Les textes sont courts, aérés comme des bulles de poésie. Vous pouvez, sans craindre les niaiseries habituelles dispensées par les médias sur l'écologie, aborder avec vos ados des sujets graves qui font réfléchir. C'est un grand livre, par sa taille certes, mais aussi parce qu'il est grand ouvert sur la vie d'aujourd'hui avec ses conflits, ses contradictions, ses injustices. Les interrogations suscitées conduisent naturellement vers l'éducation à la culture de paix. Dès les deux premières pages feuilletées, l'émotion surgit. On la doit à Zaü dont les illustrations merveilleuses initient l'enfant à l'art du graphisme pictural, et par la même, rend immédiatement accessible le message citoyen. La douceur nuageuse du coloris des images vous font survoler toute la diversité du monde et puis, soudain, un choc : une photo en noir et blanc. Elle vous annonce que ce monde est menacé. Le lecteur croise la tendresse d'un regard d'enfant ou sa douleur. En tout cas son étrange beauté. Les photos sont superbes. Elles permettent à l'enfant de passer du songe coloré à la réalité d'un monde à transformer : connaître les océans, défendre la biodiversité, imaginer « une grande table commune » où l'eau est partagée... et puis il y a la magie des infiniment grands . Alors on compte, on se parle... on se dispute, on discute quoi ! Si j'en juge par leurs commentaires sur « la petite planète bleue » maltraitée, ils seront avec moi dans la prochaine manif pour la paix. C'est un livre qui vaut le coût ! Hélène Robineau
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