L’info pacifiste : www.mvtpaix.org La paix en mouvement
3,20 euros / N° 586 / Novembre 2013
Loi de programmation militaire 2014/2019 de la France
L’incroyable gâchis
Syrie
Soutenir les projets de la société civile (P.20/21)
Pablo Neruda
Toujours présent ! (P.22/23)
Séminaire « Pour une Méditerranée pacifique, solidaire, sans armes nucléaires » - 18 au 20 octobre 2013
Les participants débarquent sur le port d’Ajaccio Conférence « Abolir les armes nucléaires », Marseille
Accueil à la mairie d’Ajaccio
Arrivée à la mairie d’Ajaccio
Conférence sur le bateau Daniel Casanova 2
N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
Avec Simon Renucci, le maire d’Ajaccio
Sommaire Planète Paix n° 586 - Novembre 2013
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Campagne
Armes nucléaires
P.6
Stigmatiser, interdire et éliminer
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l’Édito
Programmer la Paix
Actualité
Guerre 14-18, les fusillés pour l’exemple
L
P.7
Pour une réhabilitation collective Réfugiés
P.8
Eurosur : l’asile asocial Syrie
P.9
Genève 2, élargir le dialogue
11
dossier
loi de programmation militaire 2014/2019 de la France : L’incroyable gâchis La vision française de la défense
P.12/13
L’État fait fausse route Modernisation des forces nucléaires
P.14
Respecter l’équilibre du TNP Livre Blanc de la défense
P.15
Pensées alternatives ?
18
‘‘ L’Humanité a
Portrait
L’Abbé de Saint-Pierre
P.18
L’iréniste
19
les moyens de
répondre aux défis du XXIème siècle,
mondialiser la paix
Commémoration
à condition de P.19
La paix assassinée Syrie
P.20/21
Soutenir les projets de la société civile
22
Pierre Villard Membre du Bureau national du Mouvement de la Paix
ne pas gaspiller ses ressources
dans la guerre . ’’
culture
Pablo Neruda
P.22/23
Toujours présent !
Mensuel édité par le mouvement de la paix
9, rue Dulcie September, 93400 Saint-Ouen Tél. 01 40 12 09 12 Fax : 01 40 11 57 87 planete.paix@mvtpaix.org
Directeur de la publication : Guillaume du Souich Rédactrice en chef : Nadia Dorny-Bennad Conception maquette : Chérif Beldjoudi Graphiste - maquettiste : Laurence Leclert Comité de rédaction : Raoul Alonso, évelyne Aymard, Nicole Bouexel, Grégoire Desclaux, Nadia Dorny-Bennad, Annie Frison, Pierre Villard, Jean-Paul Vienne. Photos et illustrations : Tous droits réservés - Onu Ont participé à ce numéro : Pierre Villard, Patrick Kackzmarek, Nadia Dorny-Bennad, Nicole Bouexel, Roland Nivet, Monseigneur Yves Boivineau, Daniel Durand, Jean-Paul Vienne, Nicolas Pitsos, Raoul Alonso. Gestion des abonnements : Nassera Macrez, tél. 01 40 12 09 12 ISSN 1773-19241. Numéro de commission paritaire : 0317G85601 Imprimeur : Compédit Beauregard - 61600 La Ferté-Macé
e parlement est - de nouveau - appelé à se prononcer sur une Loi de programmation militaire dite LPM. L’implication sur les choix budgétaires à venir est évidente. Mais s’agit-il seulement de sacraliser 31,4 milliards par an jusqu’en 2019 ? Osons cette question : n’est-ce pas la difficulté d’argumenter sur le budget de la Défense et la crainte de devoir le diminuer dans un futur proche qui a précipité le vote de cette loi, non prévue dans le programme de François Hollande ? La LPM impactera fortement le rôle et l’attitude de la France sur la scène internationale pour les années à venir, voire au-delà. On peut dès lors s’insurger contre l’absence de tout débat public sur les choix que la Nation doit faire. Lors d’une rencontre des Rendez-vous de l’Histoire de Blois, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, expliquait qu’il était « de la mission suprême de la fonction présidentielle d’utiliser l’arme nucléaire ». Il rajoutait « c’est pour cela que le président de la République est élu au suffrage universel » en précisant « l’opinion n’y serait sans doute pas favorable mais c’est de la responsabilité du Président ». Voilà résumée toute la vision démocratique. Dès lors comment s’étonner que la LPM soit une apologie de la toute puissance militaire. Pourtant, le débat international sur la Syrie confirme une nouvelle fois que les options purement militaires sont des échecs. Le peuple syrien paye aujourd’hui lourdement le refus de la France, des USA et de la Grande-Bretagne, notamment de n’avoir pas voulu choisir la voie diplomatique en déclarant dès 2011 la Russie et l’Iran hors-jeu. Ces conceptions d’un autre-temps se retrouvent dans la vision de la Défense entretenue dans la Loi de programme qui ne prévoit que des réponses militaires, sans initiatives pour la Paix, et sans propositions face aux défis du XXIème siècle. Ces défis réclament des réponses communes. Ils réclament aussi des moyens. L’Humanité a les moyens d’y répondre, à condition de ne pas gaspiller ses ressources dans la guerre. C’est la Paix qu’il faut aujourd’hui programmer.
Bon d’abonnement à Planète Paix page 17 N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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Courrier des lecteurs
Lorsque les traumatismes remontent à la surface Je suis grand-père, arrière-grandpère. Je suis revenu vivre dans cette magnifique région, la Guyenne, dans Lot-et-Garonne. Quand je passe à Camiran, petite commune limitrophe située en Gironde, j’ai une boule à la gorge qui fait remonter des souvenirs ineffaçables, vieux de… 70 ans, j’avais 5 ans. Mon père, Louis Gérard, 33 ans, sous-lieutenant dans le réseau de résistance Hilaire Buck,
Opinions, Suggestions, Observations ! Envoyez-nous vos messages pour qu’ils soient diffusés dans le journal et sur le site Internet du Mouvement www.mvtpaix.org. écrire à : Mouvement de la Paix 9 rue, Dulcie September, 93400 Saint-Ouen. Courriel : planete.paix@mvtpaix.org Les réflexions suivantes sont destinées au débat et n’engagent donc que leurs auteurs.
passe la nuit, en 1944, avec un groupe de jeunes résistants dans la ferme des époux Petit située derrière le château de Camiran. A l’aube, grand branle-bas de combat, ils ont été dénoncés et les Allemands les « tabassent » et les arrêtent ainsi que les époux Petit. J’y étais, cette nuit-là, avec ma mère. Celle-ci enceinte, presqu’à terme, a dû s’interposer, elle est battue, laissée à terre, baignant dans son sang. L’enfant,, un garçon sera enterré au cimetière de La Réole où habitent mes grandsparents maternels, Élisabeth et Maurice Bouygues, eux aussi dans la résistance. J’assiste impuissant à ce drame. Je me retrouverai avec les deux filles Petit, plus âgées que moi, dans ma famille maternelle du Lot-et-Garonne. Je suis incapable de me souvenir de ce qui s’est passé entre ces faits et mon
arrivée dans ma famille. Les psychiatres disent que j’ai « refoulé la mort pour pouvoir vivre ». Mon père et les fermiers résistants. Ils seront déportés ainsi que le dénonciateur dans différents camps. […] Il sera libéré le 6 juin 1945. Il sera promu Officier de la légion d’honneur. Au vu de ce que je ressens encore 70 ans après, quels ont dû être les traumatismes subis ! […] Je n’ai eu la force de retourner à Camiran qu’il y a une dizaine d’années, derrière le château où se trouvait la porte par laquelle les Allemands étaient entrés, qu’après des années de thérapie avec un spécialiste des traumas de guerre. […] Cela a été tellement violent pour moi de revoir cet endroit que je me suis trouvé en état de sidération. Je souhaite y retourner mais je ne suis pas encore prêt. J’ai es-
Expoxition Pour son édition 2013, le Salon du Dessin et de la Peinture à l’eau est heureux de rendre hommage au créateur Bernard Lorjou, en lui dédiant un espace particulier où une sélection de ses œuvres sur papier sera présentée. Le Salon 2013 se tiendra au Grand Palais des Champs Élysées du 4 au 8 décembre. Le vernissage aura lieu le Mercredi 4 décembre 2013 à partir de 17 heures
sayé d’avoir des renseignements, savoir par exemple quels étaient les compagnons d’infortune de mon père mais il existe une chape de plomb qui empêche les gens de parler. La lecture du Patriote Résistant me renvoie toujours à ce qui s’est passé pendant ces années de guerre, moi qui suis né en 1939 ! Il faut transmettre et ne pas oublier pour que l’histoire ne se répète pas ! Continuer le devoir de mémoire. Maurice Gérard Note ajoutée en bas de la lettre par l’épouse de Maurice : « Mon mari est gravement malade depuis qu’il a écrit ce texte : maladie psychosomatique, zona interne facial gauche avec l’œil et l’oreille « abimés ». Il a tout vu, tout entendu ».
Viêt-nam - 1967
Le Cri de Hiroshima - 1968
La colombe assassinée
Clouée sur la porte de la paix Comme on y pend l’oiseau de malheur Du futur désastre annonciateur Des peines immenses messager Touchée en plein vol de liberté Comme on coupe l’aile au volatile De l’acte injuste ainsi soit-il L’atroce douleur de l’opprimé Frappée au seuil de la vérité Comme on saigne la bête sans foi Remise sur la croix de la loi Au mépris de toute humanité Et se vide la blanche colombe Du grand espoir d’un monde sans arme
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La fontaine tarie de ses larmes Charrie désormais un flot de sang Boucherie au pays sans défense Les anges de la libération Sont réduits à simples paillassons Tuerie au régime de l’offense Agonie figée dans l’atmosphère Nature morte sur triste terre Nicole Lierre (octobre 2013) Poème inspiré par l’œuvre de Bernard Lorjou « Colombe assassinée » au sein de l’exposition Lorjou s’en va-t’en guerre… pour les Rendez-vous de l’Histoire 2013 sur le thème de la guerre.
REPÈRES ... Film
BD
‘‘Omar’’ De Hany Abu-Assad
‘‘Demain, je reviendrai’’ De Karine Epenoy et Severine Blondel Salomon Éd. L’Atelier du poisson soluble
En partenariat avec le collectif RESF (Réseau Éducation sans Frontières). L’album raconte en quelques pages, le parcours d’un jeune homme fuyant son pays en guerre et où règne la misère. Aucun repère géographique ou temporel ne nous est donné ; cette histoire pourrait se dérouler n’importe où, n’importe quand. Sur quelques bouts de papiers déchirés puis recollés, cet homme écrit son voyage, son rêve d’une vie meilleure, son évasion et sa reconduction à la frontière : « Demain, je reviendrai ». Le papier griffonné, chiffonné, déchiré, puis recollé, atteint ici une dimension presque métaphorique : c’est un carnet de bord mais c’est aussi ce qui manque à ce réfugié « sanspapiers » pour pouvoir trouver un refuge. De ce jeune homme on ne voit que les mains, comme si nous adoptions son regard. Par ce point de vue l’album nous invite à nous mettre à la place de cet homme et à nous interroger sur le sort réservé à ces personnes, enfermées dans des centres de rétention puis renvoyées dans leur pays.
IMAGE DU MOIS
Huit ans après avoir mis en scène deux Palestiniens préparant un attentat-suicide dans le très remarqué « Paradise Now », Hany AbuAssad revient avec un thriller politique sur fond de conflit israélo-palestinien. « Omar » met aux prises trois amis d’enfance de Cisjordanie que la cause palestinienne va finir par déchirer. « Omar a été humilié et brutalisé par des soldats israéliens, mais cet incident ne nous préparent pas à la rapidité avec laquelle le trio tue un soldat israélien. Le lendemain, Omar est capturé après une poursuite à pied effrénée à travers le village et jeté en prison. Mais il est relâché contre la promesse d’une trahison. Lorsqu’il revient dans son groupe de résistants palestiniens, il apprend qu’il y un traitre parmi eux. Il décide de ne pas tenir la promesse faite sous la torture. Ce sont des scènes fortes prises avec éclairage violent qui rehausse le drame, mais même à ce stade, le spectateur est pris dans un feu croisé d’émotions contradictoires. La désinvolture de l’assassinat du soldat ressemble plus à une blague idiote qu’à un geste politique stratégique. D’autre part, les scènes de torture horribles, entreprises sans procès, rendent impossible la sympathie pour les militaires israéliens. Ce film à rebondissements décrit le déchaînement de la violence d’un conflit qui semble sans issue. Non sans que plusieurs notes d’espoir soient distillées ici ou là. À l’image de cette scène d’interrogatoire d’où naît un début de complicité entre le héros, palestinien, et un responsable israélien de la sécurité intérieure.
La liberté d’opinion, d’expression et d’information ainsi que la liberté des médias : un des fondements essentiels d’une société démocratique
Deux journalistes français de Radio France internationale, Ghislaine Dupont et Claude Verlon,ont été enlevés et tués au Mali. Nous ne pouvons que nous indigner d’un tel crime contre des journalistes revendiqué par Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Planète Paix assure sa solidarité à toute la profession et à la famille des deux journalistes morts dans l’exercice de leur métier, celui de la liberté d’informer, un des huit points de la culture de paix tels que définis par les Nations unies.
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campagne Armes nucléaires
Stigmatiser, interdire et éliminer
Conférence d’Oslo sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, 2013
L
a Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) s’est félicitée de l’importance croissante que donnent les États à l’impact humanitaire des armes nucléaires et à la nécessité d’interdire les armes nucléaires. Malgré la résistance des États possesseurs de l’arme nucléaire, de plus en plus d’acteurs, États et organisations internationales, se disent gravement préoccupés par le peu de progrès du désarmement nucléaire, compte tenu de l’évident impact catastrophique de ces armes et reconnaissent la nécessité de s’attaquer à cette menace humanitaire mondiale par des actions urgentes et courageuses vers leur prohibition. La conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires qui s’est tenue à Oslo en mars et la deuxième conférence sur ce thème qui se tiendra à Mexico en février 2014 ont été saluées dans de nombreuses déclarations. Le Président de l’Autriche, M. Heinz Fischer, dans sa déclaration à l’Assemblée générale décrit une voie claire vers l’abolition : stigmatiser, interdire et éliminer, en notant que l’interdiction des armes nucléaires pourrait venir avant leur élimination. Des déclarations similaires délivrées par un large éventail d’États non dotés d’armes nucléaires montrent qu’une mutation dans le débat sur les armes nucléaires est en cours, qui privilégie les arguments humanitaires au vieux débat sur les doctrines de sécurité et les politiques de puissance. Les États non dotés d’armes nucléaires ont également montré qu’ils gagnent en confiance pour se réapproprier ce débat qui a jusqu’alors été contrôlé par les pays possesseurs d’armes nucléaires. 6
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Le 26 septembre à New York, la première Réunion de haut niveau sur le désarmement nucléaire a conclu ses travaux aujourd’hui. La Réunion convoquée par l’Assemblée générale des Nations unies met à nouveau la
« Les points clés de ce débat ont été l’importance croissante du discours sur l’impact humanitaire et l’enthousiasme à propos de la conférence d’Oslo et la conférence de Mexico en Février prochain. Ce débat renforce notre confiance et notre conviction qu’il existe un processus crédible vers l’interdiction des armes nucléaires », explique Beatrice Fihn, membre du groupe de pilotage international d’ICAN. » Pour la première fois, les États non dotés d’armes nucléaires ont pris l’initiative, sans demander d’autorisation aux pays possesseurs d’armes nucléaires. Nous ne devons pas laisser les États qui possèdent des armes de destruction massive imposer au reste du monde l’idée que ces armes seraient quelque sorte acceptable pour quelques privilégiés. » Malgré ce nouvel élan, les pays nucléaires, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, dans une déclaration commune très défensive ont affirmé regretter que « l’énergie soit dirigée » vers des initiatives en dehors de leur cadre de prédilection, qui s’est avéré inefficace pour réaliser le désarmement nucléaire ou empêcher toute prolifération nucléaire au cours des 50 dernières années. La Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) qui était représentée à cette Réunion de haut niveau a prononcé un discours au nom de la société civile, saluant l’initiative des États non dotés d’armes nucléaires de s’appuyer sur la menace humanitaire mondiale posée par les armes nucléaires, une telle approche ne peut que conclure à la décision de rendre ces armes illégales, une fois pour toutes. La demande autour de laquelle un nombre croissant de gouvernements et d’ONG se retrouvent est une interdiction pure et simple des armes nucléaires, ainsi qu’il en a été pour interdire les armes chimiques et biologiques.
question des armes nucléaires en tête de l’agenda mondial.
EN SAVOIR PLUS • www.ican.org
ACTUALITÉ Guerre 14-18, les fusillés pour l’exemple
Pour une réhabilitation collective Le 5 juin 2013 s’est tenu un rassemblement de deux cents personnalités venues d’horizons divers à Paris pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple de la « Grande Guerre ». Ces dernières années, le 11 novembre est prétexte à des initiatives allant dans ce sens soutenues par dix-huit conseils généraux et de nombreux conseils municipaux.
R
éhabilitation collective et non juridique. Juridique, c’est du cas par cas voué à l’usure procédurière au fil des années, car plus de 20% des dossiers des conseils de Guerre ont été détruits, il n’y a plus aucun témoin de ces actes, car les dossiers qui restent ont tous été constitués à charge par les fusilleurs. Collective par ce qu’il est impossible de différencier les cas des fusillés. Il faut appliquer le principe qu’il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent condamné…. parce que ces assassinats ont été perpétrés par la France pour terroriser la conscience collective des troupes sur le front. Grâce aux campagnes menées après la guerre, des condamnations ont déjà été levées, comme celle des « caporaux de Souain » dont l’instituteur Théophile Maupas. Mais beaucoup d’autres cas sont restés dans l’ombre et nombre d’injustices n’ont pas été réparées. En 14-18, la vie d’un homme ne valait pas grand-chose. Les fusillés pour rien ne sont pas oubliés de leur famille, leurs blessures ne sont pas refermées, elles en font une question de justice. Entre septembre 1914 et 1918 les, conseils de Guerre de l’armée française auraient prononcé deux mille quatre cents condamnations dont six cent soixante quinze furent effectives, les autres commuées en
Monument pacifiste à Lezoux (63)
bagne. Sans oublier les fusillés sans comparution que l’on sélectionnait en prenant un sur dix après les avoir mis en rang : les sinistres « décimations ». Il est proposé que la réhabilitation soit politique et affirmée par une déclaration du président de la République. Le 1er octobre 2013, un comité d’historiens présidé par Antoine Prost a planché pour le gouvernement sur le sujet préconise « une déclaration solennelle éventuellement renforcée d’un projet pédagogique ». Si ce rapport est une bonne synthèse historique et évoque l’ensemble des possibilités en affirmant qu’il faut faire quelque chose, il semble écarter toute réhabilitation collective au nom de « la défense nationale » sans parler de la caricature qui consiste à identifier les soldats qui subirent les tranchées à Mata Hari. Il évoque une réhabilitation générale de tous les fusillés, même des condamnés de droit commun. Pour l’Union nationale des combattants, « c’est une solution inenvisageable », « Sur les monuments aux morts, les noms de violeurs seraient alors au côté des noms de soldats morts pour la France. « C’est impensable », indique son directeur, le général Schmitt, qui soutient une autre piste : la réhabilitation au cas par cas. Mais cette solution se heurte à l’état incomplet des archives militaires.
L’autre possibilité qui semble avoir la préférence du groupe d’historiens serait : « Déclarer que ces soldats sont, eux aussi, d’une certaine façon, morts pour la France ce qui constituerait une réhabilitation morale, civique ou citoyenne ». Or le Comité national d’entente est hostile à toute forme de réhabilitation, « ces 600 hommes ont fléchi ». « On peut le comprendre mais ne pas l’admettre. Ceux-là ne sont pas morts pour la France », assure son responsable, le général Delort. C’est tenter d’escamoter la problématique. Cent ans après, il faut taire l’absurdité de la guerre et protéger coûte que coûte la grande muette, la logique des conseils de Guerre et l’arbitraire militaire. Tout est fait pour brouiller le débat en osant même parler de réhabilitation de droit commun. Non ces fusillés n’étaient pas en quelque sorte ordinaires et auraient eu un moment de faiblesse ou de ras le bol comme le prétend le rapport. Exiger la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple est un devoir pacifiste. Leur nom doit figurer sur les monuments morts de nos communes. Nos députés doivent interpeller le Président. Ce combat n’est pas d’arrière garde ou passéiste. Il éclaire nos consciences sur les « Sentiers de la Gloire ». Patrick Kackzmarek N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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ACTUALITÉ Réfugiés
Eurosur : l’asile asocial Le 10 octobre dernier, le parlement européen a voté pour Eurosur, un programme de surveillance terremer, et pour le renforcement de Frontex, l’agence de l’Union européenne qui favorise la sécurité et la gestion des frontières, confirmant ainsi une politique d’immigration basée sur plus de contrôle.
L
’objectif déclaré du programme Eurosur est de réduire le nombre d’immigrants illégaux qui entrent clandestinement dans les frontières de l’espace Schengen. On avance que son but principal est de « sauver des vies humaines ». Mais les organisations des droits de l’Homme objectent que le système de surveillance a été principalement créé pour protéger l’UE des clandestins et pour ne pas accueillir les réfugiés. Il tend avant tout à rendre les frontières moins perméables et les routes vers l’Europe plus surveillées. Ce nouveau système est destiné à mettre en réseau les politiques de surveillance des frontières. Des satellites et autres systèmes enverront automatiquement un signal direct aux autorités locales ou aux forces de police de Frontex. La responsabilité des autorités serait d’empêcher les bateaux d’atteindre l’Europe. Ce n’est que lorsque le navire est en détresse qu’elles auront pour mission de sauver des vies. Selon le rapporteur, qui a présenté le texte du programme Eurosur, le libéral néerlandais Jan Mulder, « Seul un système pan-européen de surveillance des frontières, permettra d’éviter que la Méditerranée ne devienne un cimetière pour les réfugiés à la recherche d’une vie meilleure en Europe. Pour éviter qu’une tragédie comme celle de Lampedusa ne se reproduise, il y a besoin d’une réponse rapide ». « Donner une réponse sécuritaire aux questions migratoires n’est pas la bonne solution. Depuis la création de l’agence Frontex, les morts aux frontières ne cessent de progresser, on est autour de 2000 morts par an aux frontières de l’Europe »
constate Olivier Clochard, docteur en géographie au centre universitaire Migrinter. D’autres organisations humanitaires dont Human Rights Watch parlent des « mains sales de l’UE », expliquant que faire des contrôles plus stricts n’arrangeront rien sinon de rendre encore plus périlleuses les voies de la migration. Frontex coordonne la coopération entre les États membres dans la gestion et le contrôle des frontières extérieures des États membres de l’Union européenne. Elle a été créé en 2004 et a pour objectif principal d’aider les autorités frontalières de plusieurs pays européens à travailler ensemble, fournir une assistance à la formation des gardes en service, dans le domaine des contrôles, des patrouilles et de la surveillance, fournir des groupes d’intervention rapide dans des situations exceptionnelles et urgentes. Le programme Eurosur est arrivé au moment opportun ; Cecilia Malmström, commissaire européenne a déclaré : « le nouveau programme de surveillance de la frontière contribuera à sauver des vies » a-t-elle indiqué au Parlement européen le 10 octobre. Certains observateurs espèrent qu’Eurosur aidera à prévenir les tragédies des réfugiés, comme celle de Lampedusa. L’idée est que les navires en détresse en mer seront plus faciles à localiser et à secourir une fois que l’Union européenne aura mis en place ce système de surveillance. Mais à la base, le système européen de surveillance des frontières (Eurosur) n’a rien à voir avec la tragédie au large de la côte italienne - c’était une pure coïncidence que le vote parlementaire du programme Eurosur arrive maintenant. Eurosur est en planification depuis 2008, et devrait entrer en service en décembre. Ce système n’a très probablement pas l’intention d’aider les réfugiés. Eurosur va servir la lutte contre l’immigration clandestine. « Ce n’est pas du tout pour les opérations de sauvetage, comme il est dépeint actuellement. » a déclaré Ska Keller, membre du Parti Vert du Parlement européen. Nadia Dorny-Bennad
Les naufragés de Lampedusa
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N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
ACTUALITÉ Syrie
Genève 2, élargir le dialogue La résolution 2118 votée par l’Onu à l’unanimité suscite beaucoup d’espoir. Enfin l’Onu, la diplomatie ont repris la main et proposent un texte avec deux volets : un accord pour éliminer les armes chimiques de la Syrie et un processus politique de paix, prévoyant une conférence destinée à mettre au point les conditions de la transition.
S
ans nous bercer d’illusions et conscients qu’il va falloir être vigilants quant à la mise en œuvre pratique de cette résolution, ne boudons pas notre plaisir devant cette logique qui va dans le sens de la culture de paix pour laquelle nous agissons en permanence. Pour en arriver là, l’Onu et son secrétaire général, n’ont pas ménagé leur peine. Le poids de l’opinion publique, hostile à l’intervention militaire partout dans le monde, a été important. Les avancées rapides des opérations de contrôle et destruction des armes chimiques menées par l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) ouvrent l’espoir d’une élimination totale de ces armes de terreur en Syrie et dans le monde entier. Cependant l’horreur quotidienne continue en Syrie. La population a fui par millions, prise en otage dans les combats. L’instrumentalisation du conflit dénoncé depuis longtemps déjà, et la présence sur le terrain de combattants étrangers armés par des pays extérieurs1, accroissent la confusion et confortent l’exigence d’un embargo sur les armes et la cessation de toute ingérence extérieure tant des États que des groupes amés. Le processus politique prévu par la résolution est la seule solution crédible vers la paix, la justice et la démocratie en Syrie. Hélas, des blocages graves se font jour, mettant en péril la tenue même de la conférence de Genève 2 prévue en novembre. La Coalitions nationale syrienne, censée représenter toute l’opposition, seule reconnue pour le moment pour siéger à Genève, hésite quant à sa participation et des dissensions graves existent en son sein. Certaines de ses composantes exigent la mise à l’écart du président syrien. Garantie que ni les États-Unis, ni Lakhdar Brahimi ne
L’émissaire spécial de l’Onu Lakhdar Brahimi et Ban Ki Moon
sont en mesure d’apporter. Les groupes djihadistes étrangers sont dans une logique de guerre et refusent les négociations. Quant à Bachar Al assad, sa coopération positive soulignée par l’OAIC n’est pas sans arrière- pensées. Bien qu’il ait fait régner une dictature féroce sur son pays et que la répression s’abatte toujours sur la population2, il annonce avec cynisme que s’il y a des élections en 2014, il se représentera. L’émissaire spécial des Nations unies pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, multiplie les démarches auprès de l’opposition pour qu’elle participe à la conférence, afin que celle-ci se tienne comme prévu en novembre. Il est confronté également aux intérêts divergents des puissances étrangères et aux réticences de certaines puissances régionales. Le Gouvernement français et l’Union européenne doivent jouer un rôle actif pour sa préparation. Avec l’émissaire de l’Onu, ils pourraient dialoguer avec d’autres interlocuteurs dans la société syrienne que la seule
Coalition dominée par les islamistes. Il existe des organisations politiques, des ONG nonviolentes et laïques3 qui prennent en charge la vie courante et l’aide humanitaire en Syrie, notamment dans les zones libérées. Le gouvernement français devrait favoriser la concertation avec elles (et les organisations qui les soutiennent en France) et leur intervention dans le processus de transition. Notons enfin que notre soutien à ces organisations, l’intervention citoyenne pour la réussite de Genève 2 sera déterminante. Nicole Bouexel 1
Il existe actuellement de 18 à 20 000 combattants
étrangers financés notamment par les Qatar et l’Arabie saoudite en Syrie, selon le Collectif pour le changement 2
Il y a 200 000 prisonniers politiques en Syrie selon nos
interlocuteurs de l’organisation « Syrie non violente» 3
Par exemple le CODSSY (cf. planète n° 585).
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Au jour le jour Le congrès de l’Association Allemande de la Paix (DFG-VK) Nos amis allemands de la DFG-VK viennent de tenir leur congrès à Dortmund. Les 80 délégués ont reconduit, à cette occasion, son dirigeant Monty Schädel à une très grande majorité. Avec 3000 membres inscrits (chiffre comparable à notre Mouvement de la Paix), le DFG-VK est considérée comme la plus importante association pacifiste d’Allemagne. On y a notamment discuté des moyens de renforcer le mouvement pacifiste dans le pays. Une instance de l’associationsœur appelée « les porte-parole fédéraux », lesquels ont pour mission de porter la parole du mouvement dans les différentes régions d’Allemagne, a été étoffée à cet effet. Les débats, plutôt animés, ont porté sur la définition même de l’association : pacifiste ou antimilitariste ? Ainsi que sur l’actualisation du programme. Le caractère pacifiste de l’action de la DFG-VK a été confirmé. La destruction de matériel militaire ne fait donc pas partie de ses modes d’action, ainsi que l’avaient envisagé certains jeunes militants. Mais l’association continue à accueillir des antimilitaristes déclarés. Les objectifs de l’association demeurent donc politiques : opposition à toute intervention militaire de l’Allemagne hors de ses frontières, ainsi qu’à toute propagande politique en ce sens, refus de toute campagne de recrutement de la Bundeswehr dans les écoles et les universités. Un « ordre économique capitaliste mondial reposant sur l’exploitation » y a été défini comme la cause principale des guerres. Par ailleurs, les églises ont été appelées à ne plus nommer d’aumôniers militaires afin de ne plus ap10
N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
porter de caution morale à l’armée. Les (petites) différences culturelles que nous pouvons avoir avec nos amis allemands n’empêchent nullement de poursuivre des buts largement communs.
Désarmement
Le 30 octobre, une délégation a été reçue par le conseiller des Affaires stratégiques au Cabinet de François Hollande. Ont participé à ce rendez-vous : Arielle Denis (ICAN Europe, MoyenOrient, Afrique et l’Amérique latine), Sylvie Brigot (Campagne internationale pour interdire les mines Antipersonnel), Pierre Villard (Le Mouvement de la Paix), Patrice Bouveret (Observatoire des armements), Daniel Hoffnung (Attac), Abraham Behar (Association des Médecin français pour la prévention de la guerre nucléaire).
destruction des armes. Ce prix Nobel 2013 témoigne de l’importance que le désarmement concrétise la détermination de personnes et communautés pour pacifier le monde. 1
l’Angola, la Corée du Nord, l’Égypte,
la Somalie, la Syrie et le Sud-Soudan. 2
le Myanmar et Israël
Soirée hommage à Grigoris Lambrakis
Un Nobel pour le désarmement
Un guide de référence est édité par le bureau des Affaires de Désarmement des Nations unies, en collaboration avec les Comité d’ONG sur le désarmement, la paix et la sécurité, conformément aux objectifs du programme d’information des Nations Unies sur le désarmement (UNDIP). Le livre est destiné à informer, éduquer le public dans le but de sensibiliser à l’importance de l’action multilatérale dans le domaine de la limitation des armements et du désarmement. Il est destiné à l’ensemble des lecteurs, mais peut aussi être utile pour l’éducateur ou formateur en matière de désarmement. Le document de 135 pages est téléchargeable sur : www.un.org/disarmament/ publications
Agir pour l’interdiction des armes nucléaires Lors de réunion, dite de haut niveau, qui s’est tenue fin septembre à New York, ICAN-France avait interpellé le président de la République pour le rencontrer.
En attribuant le prix Nobel de la paix à l’Organisation pour l’interdiction des Armes Chimiques (OIAC), le comité norvégien met en résonance l’actualité de la guerre, la nature inhumaine des armes que le progrès technique a permis d’élaborer et l’âpreté de la tâche des membres de cette organisation qui a plus de 15 ans maintenant. En effet, malgré ces longues années de contrôle et d’interdiction, force est de constater qu’elle n’est pas encore arrivée à débarrasser le monde des armes chimiques. L’OIAC a été créée dans le cadre de la Convention d’interdiction des armes chimiques que 6 pays1 n’ont pas signée et 2 autres n’ont pas ratifiée 2 ; l’actualité et l’examen des États concernés soulignent la dangerosité de la logique de dissuasion que recouvrent les armes de destruction massive. Le Mouvement de la Paix se félicite de constater que l’aspiration à la paix partagée par tant d’hommes et de femmes passe immanquablement par la
Une initiative organisée par l’université populaire de la culture de paix et de la non-violence, conduite avec Nicola Pitsos, qui évoquera la mémoire de Grigoris Lambrakis, député grec qui assuma des positions explicitement pacifistes et s’opposa à la politique de l’Otan en Grèce, juste avant l’instauration de la dictature des colonels. Il a été assassiné il y a 50 ans… Vendredi 15 novembre 2013 de 19h à 22h - Bourse de Travail de Paris - Boulevard du Temple 75003 - Paris. Cette évocation sera accompagnée d’une table ronde/Débat, organisée par le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du Mouvement de la Paix, avec Fabien Perrier, correspondant actuel du journal L’Humanité en Grèce, Vikos, metteur en scène, Anastassia Politi, comédienne, membre de Syriza, Gérard Halie, membre du bureau national du Mouvement de la Paix. Modérateur : Nicolas Pistsos. Et théâtre, chansons et vidéo sur la vie de Grigoris Lambrakis, Apéro grec…
DOSSIER
Loi de programmation militaire 2014/2019 de la France
L’incroyable Gâchis
• La vision française de la défense
L’État fait fausse route • Modernisation des forces nucléaires
Respecter l’équilibre du TNP • Livre Blanc de la Défense
Pensées alternatives ?
Le projet de loi de programmation militaire (LPM), déjà adopté par le Sénat en octobre, sera débattu par l’Assemblée nationale le 26 novembre, et éventuellement le 27. Ce texte, qui fixe le cadre budgétaire de la défense pour les six années à venir, prévoit 183,9 milliards d’euros de crédits de 2014 à 2019, auxquels s’ajoutent 6,1 milliards de « ressources exceptionnelles ». Le texte, qui tente de concilier les ambitions stratégiques de la France et les difficultés financières du pays, prévoit une réduction du format des armées avec la suppression de 34.000 postes en six ans, dont 7.881 en 2014. Et, avec 23,3 milliards d’euros sur six ans, le budget sanctuarise la dissuasion nucléaire sans aucun débat public sur son maintien. C’est un choix désastreux. En quoi le vote par nos parlementaires de cette loi constitue une perspective d’avenir et un changement dans la conduite de l’État français ? La priorité n’est-elle pas à la lutte contre le chômage et la précarité ravageuse, pour les urgences sanitaires, sociales et environnementales des Français ? N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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DOSSIER
Loi de programmation militaire
La vision française de la défense
L’État fait fausse route La loi de programmation militaire (20142019), d’un montant de 190 milliards d’euros, constitue une apologie de la toute puissance militaire, mais n’ouvre aucune perspective vers la culture de paix et de la non-violence.
A
près son élection le président de la République considérant « que l’État du monde appelait de nouvelles évolutions stratégiques » a demandé qu’un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale soit établi. La commission chargée d’établir ce livre blanc était composée de 46 personnes dont seulement quatre parlementaires à savoir deux députés et deux sénateurs et les présidents de la commission de défense de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est donc une commission où les élus sont la portion congrue face aux représentants de la haute administration et de personnalités choisies Intuitu personae. Ses travaux se sont caractérisés par la totale absence d’une volonté d’instaurer un grand débat sur ces questions avec l’opinion publique française. Ce livre blanc est réputé tracer les grandes lignes stratégiques pour les 10 ou 20 années à venir, alors que la loi de programmation 2014-2019 en est la traduction financière. Les enjeux sont importants y compris financièrement puisque cette loi engage une programmation de 190 milliards d’euros sur la période 2009 2014 avec une priorité pour de nouveaux équipements (102,7 milliards d’euros dont 23, 3 milliards pour la modernisation de l’arsenal nucléaire de la France1. Nous relèverons quelques éléments majeurs qui illustrent certaines orientations. Ainsi elle réaffirme la primauté de la dissuasion dont la mission consiste « à protéger la France de
Élimination des armes nucléaires : c’est maintenant ou jamais
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N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme ». Pourtant, de plus en plus de voix y compris militaires s’accordent sur le fait que les armes nucléaires sont « illégales, coûteuses, dangereuses, inutiles militairement et éthiquement inadmissibles ». Au titre de cette définition infiniment dangereuse, la loi prévoit 23, 3 milliards d’Euros en vue « de la livraison du missile M51.2, la mise en service du laser Mégajoule, au lancement des travaux d’élaboration du futur SNLE de 3ème génération ou à l’effort dans le domaine du renseignement (notamment d’origine électromagnétique [satellite CERES] ») (page 16). Cette politique viole donc les engagements internationaux de la France tels qu’ils découlent de la charte des Nations unies et du TNP en particulier de son article 6. Au moment où des initiatives intéressantes sont prises au plan mondial en matière de désarmement nucléaire et qu’une large alliance se constitue pour des négociations multilatérales en vue d’un traité d’interdiction, (Onu, 150 États, réseaux de maires, de parlementaires, d’anciens chefs d’États, ensemble des syndicats au plan mondial, autorités religieuses, Croix rouge internationale), on est en droit d’attendre que le France s’inscrive dans cette dynamique au lieu d’engraisser le lobby militaro-industriel. En mettant l’Otan au centre de sa stratégie dans
2014/2019 de la France : l’incroyable gâchis
Festival ‘‘Debout tout le monde’’ L’Île longue - Juin 2013
ces termes « la France entend occuper toute sa place au sein de l’Alliance atlantique et de son organisation militaire, composante essentielle de la défense collective de ses membres (…), l’Otan et l’Union européenne jouent ainsi un rôle complémentaire dans la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France (page 8), la loi minore de manière gravissime le rôle des Nations unies qui n’est pas cité. Par ailleurs, elle prévoit une capacité autonome à « entrer en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux, terrestre, naval et aérien ». Enfin elle prévoit des moyens d’intervention à l’extérieur de nos frontières en cas de gestion de crise « dans la durée, sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur ; forces spéciales ; soutien ; 6 000 à 7 000 hommes des forces terrestres » exprimant ainsi une volonté agressive et dangereuse de de puissance militaire. Sur la dimension industrielle et d’exportation d’armes la loi indique que l’industrie de défense « est aussi un facteur de compétitivité pour l’ensemble de l’économie » (page 19) et poursuit page 21 « Le soutien aux exportations de défense constituera un volet majeur de la politique industrielle du Gouvernement, allant de pair avec une pratique exigeante du contrôle. Les exportations d’armement représentent en effet plus de 30% des 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur de l’industrie de défense dans l’économie française et sont donc à la fois un signe et un facteur de sa compétitivité ». Comment prétendre combattre le commerce
des armes avec de telles orientations, d’autant que les suppressions massives d’emplois prévues risquent de se traduire essentiellement par une minoration du rôle des arsenaux publics au bénéfice d’une privatisation accrue qui peut encore plus favoriser le commerce des armes ? Face à un monde déstabilisé par une crise économique grave, due à la domination des logiques financières, et source d’instabilité et de violences structurelles, on voit donc que les réponses proposées par la loi de programmation militaire sont inadaptées. Elles relèvent de schémas et conceptions dépassés et dangereux qui vont contribuer à accroitre la militarisation des relations internationales et favoriser les exportations et le commerce des armes.
Ce dont la France et le monde ont besoin ce sont des propositions alternatives pour la paix basée sur le développement, la démocratie, une meilleure répartition des richesses et une défense nationale n’incluant aucune volonté de projection des forces pour des opérations extérieures hors, éventuellement, des décisions prises par les Nations unies. Roland Nivet 1
Un milliard d’euros c’est le salaire net annuel de
50 000 instituteurs-trices ou infirmiers-es.
EN SAVOIR PLUS • www.mvtpaix.org
Les Mouvements pacifistes ont lancé le débat. Face à un pouvoir qui avait dit par exemple qu’il n’y avait rien à discuter sur la dissuasion, de nombreuses organisations réunies souvent à l’instigation des Mouvement pacifistes ont pris des initiatives pour favoriser le débat citoyen sur cette loi et fait des propositions alternatives. Septembre 2012 à Brest, 100 personnes participent pendant une journée à un séminaire ouvert à tous, face à l’« Université » de la défense. En juin 2013, 1000 personnes face à la base de sous-marins nucléaires de l’Ile longue, participent au « festival debout tout le monde pour l’élimination des armes nucléaires et pour une civilisation de justice et de paix ». Septembre 2013 à Pau une contre université de la défense développe de nombreuses actions. En octobre sur le bateau pour la paix entre Marseille et Ajaccio de nombreux débats autour du thème « Pour une Méditerranée pacifique, solidaire, sans armes nucléaires ». Le Mouvement de la Paix a transmis aux parlementaires un dossier d’analyses et de propositions argumentées pour un rejet de la présente loi de programmation militaire, pour une loi de programmation pour une sécurité humaine et pour la création d’une mission interministérielle pour la paix dotée de moyens conséquents. L’heure est à l’information, au débat, à l’action pour une politique de paix. N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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DOSSIER
Loi de programmation militaire
Modernisation des forces nucléaires
Photo : Stéphane Ouzounoff/Ciric
Respecter l’équilibre du TNP*
Monseigneur Yves Boivineau, évêque d’Annecy et président de Justice et Paix publie un appel aux parlementaires pour qu’ils examinent la possibilité d’un moratoire sur la modernisation des systèmes d’armes par exemple jusqu’à la prochaine conférence d’examen du TNP en 2015. EN SAVOIR PLUS • http://justice-paix.cef.fr 14 14
N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
L
e Parlement va prochainement examiner la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Les médias ont souligné à juste titre l’ampleur des réductions d’effectifs que devra assumer la défense, notamment l’armée de terre. Nul doute que les parlementaires dont les circonscriptions seront touchées s’inquièteront de leurs conséquences sociales et économiques. En revanche les décisions de modernisation de l’arsenal nucléaire ont peu retenu l’attention. Suite à l’effort budgétaire consenti depuis des dizaines d’années, la France dispose d’une capacité nucléaire maritime et aérienne récente, dont le déploiement s’achève à peine. Il est maintenant proposé de construire un nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engins de 3ème génération, de mettre au point une troisième version, plus puissante, du missile balistique embarqué sur ce sous-marin et d’accroître les capacités du missile aéroporté à tête nucléaire. Pour ceux qui ont admis que face à des régimes politiques totalitaires et surarmés l’horreur de la menace nucléaire pouvait dissuader l’agression, pour ceux qui ont espéré qu’après la fin du Pacte de Varsovie et la disparition de l’URSS une ère de désarmements conséquents ouvrirait une nouvelle période de construction d’une sécurité collective, les options de prolongation indéfinie des capacités nucléaires suscitent étonnement et tristesse. En échange du renoncement de la quasi-totalité des États à l’armement nucléaire, ceux qui le possédaient s’engageaient à le réduire progressivement jusqu’à son élimination. Le Traité de Non-prolifération (TNP) laborieusement pérennisé donne lieu tous les cinq ans, à une Conférence d’examen. La prochaine se tiendra en 2015. Si des coupes ont été faites dans des arsenaux surabondants, les interrogations se sont accrues. Les scénarios qui justifieraient la menace des armes nucléaires deviennent moins vraisemblables au fil des années. Dans le cadre d’une sécurité et d’une défense commune européenne que l’on dit vouloir établir, une option nucléaire maintenue pour un temps indéfini en application d’une stratégie pure-
ment nationale est-elle compatible avec les objectifs de nos amis, de nos alliés, de nos voisins ? Comment ne pas s’inquiéter des risques d’accidents dont la probabilité augmente avec le temps ? Le danger de la prolifération paraît d’une extrême gravité. L’accroissement du nombre des puissances nucléaires irait de pair avec l’accroissement de la probabilité d’un échange de tirs nucléaires, avec des conséquences humanitaires et même planétaires catastrophiques. La priorité n’est-elle pas de garantir la pleine application du TNP et à terme son universalisation ? Comment ne pas considérer que les modernisations d’armes nucléaires contredisent les engagements internationaux, notamment au titre du TNP, suscitent la réprobation des États non dotés, affaiblissent les négociations possibles avec l’Iran, et surtout découragent les peuples et les opinions qui aspirent à une sécurité que ces armes ne semblent plus fournir ? C’est un devoir citoyen de poser ces questions. Les parlementaires ne devraient - ils pas examiner la possibilité d’un moratoire sur la modernisation des systèmes d’armes nucléaires, par exemple jusqu’à la prochaine conférence d’examen du TNP en 2015 ? La France ne pourrait-elle pas, en annonçant ce moratoire, proposer aux États nucléaires d’examiner avec elle les moyens d’une limitation de la course à l’accroissement qualitatif des arsenaux ? L’objectif de long terme d’un désarmement nucléaire progressif, général et contrôlé est à présent inscrit dans de nombreux textes de l’Onu que la France a votés et dans de multiples déclarations des Églises telle celle de Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les relations avec les États à la Secrétairerie d’État du Vatican, devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2013 : « Il faut au plus tôt entreprendre les travaux préparatoires à une convention ou à un accord cadre d’élimination graduelle et effective » de ces armements nucléaires. La communauté internationale semble avoir pris conscience des risques démesurés que fait peser sur l’humanité et la planète elle-même l’accumulation de milliers de têtes nucléaires. Au moment où la dynamique du désarmement d’il y a quelques années semble s’affaiblir, de nouvelles initiatives sont indispensables et urgentes. La France s’honorerait d’y contribuer. *Traité de Non-Prolifération nucléaire
2014/2019 de la France : l’incroyable gâchis
Livre Blanc de la Défense
Pensées alternatives ? Le monde bouge, il porte des incertitudes au quotidien mais le droit international, le multilatéralisme et le poids des institutions internationales progressent, les opinions publiques accèdent plus à l’expression démocratique. Le monde ne se désagrège pas mais se construit même si c’est au travers de contradictions, d’avancées et de reculs.
D
ans ce cadre, les priorités de la politique étrangère et de la politique de défense de la France ne peuvent être dissociées. Trois objectifs paraissent fondamentaux : aider concrètement l’organisation des Nations unies à construire un monde multilatéral, de justice et de co-développement, la réussite de la démilitarisation des relations internationales en favorisant la réussite des processus de désarmement, le développement des interdépendances européennes et mondiales (aujourd’hui, la « souveraineté » - les vieilles fonctions « régaliennes » des États - est très largement « partagée » sur les plans politique, économique, social, juridique y compris l’emploi de la force par la Charte de l’Onu, et ce mouvement est irréversible). Ces objectifs sont inséparables du développement d’une vraie « diplomatie d’influence » politique, économique, culturelle s’appuyant sur la promotion des droits humains et de la culture de la paix œuvrant pour la résolution des conflits et pour le désarmement. Laurent Fabius l’avait évoqué1, déclarant : « Dans ce monde à la puissance éclatée, la France possède des atouts pour jouer un rôle majeur (…) Notre pays est une puissance d’influence (...) L’influence est un vecteur qui permet de faire valoir nos préoccupations et nos valeurs, dans notre intérêt et celui de la régulation mondiale ». Cette approche est intéressante car elle pose le principe du primat du politique sur le militaire. Malheureusement, des exemples récents (Libye, Syrie) contredisent ces propos. C’est en fonction de ces objectifs politiques que l’outil militaire devrait être adapté avec les différentes étapes, nécessitées par l’évolution de la situation et non l’inverse.
Si la France décidait de mener une diplomatie active pour l’élimination totale des armes nucléaires, elle pourrait supprimer certaines de ses armes nucléaires, et développer, sur ce terrain, une véritable « diplomatie d’influence » qui permettrait la ratification complète du Traité d’interdiction des essais nucléaires et la création d’une zone sans armes de destruction massive au MoyenOrient en s’appuyant sur la détente dans la crise iranienne. Dans le cadre d’un respect clair et affirmé du droit international et de la prééminence des Nations unies, les forces de projection françaises acquerraient une légitimité nouvelle pour des coopérations permettant de mettre en œuvre la mutualisation de projets plus économiques (avion gros porteur, 2ème porte-avions avec le Royaume-Uni). L’élimination mondiale des armes nucléaires, la démilitarisation progressive des relations internationales, le renforcement des traités multilatéraux et de leurs dispositifs de vérification et contrôle sont la seule réponse crédible, au maintien de la sécurité pour tous. C’est la seule perspective permettant d’envisager la disparition de l’Alliance atlantique (Otan) au profit du rôle sécuritaire global des Nations unies prévus dans leur Charte constitutive.
C’est la seule perspective permettant de réenclencher en France et dans le monde, une baisse des dépenses militaires mondiales en cette période de crise, alors que les financements manquent pour entamer la seconde phase des Objectifs du millénaire, pour l’éradication de la pauvreté dans le monde. Cela impose une volonté politique forte, un travail acharné, rien de devrait conduire à renoncer à de telles orientations et à maintenir l’état d’insécurité de fait du monde avec l’existence de plus de 15 000 bombes nucléaires et de dépenses militaires mondiales s’approchant des 1 500 Mds de dollars par an. En France, c’est une telle « vision » politique qui peut (re ?) construire un lien arméenation réel. Il ne suffit pas, comme l’a déclaré le président Hollande, de mieux connaître l’institution militaire ou de faire des évocations citoyennes pour que les jeunes sachent bien ce qu’est la guerre, pour mieux apprécier ce qu’est la paix » lors des commémorations de la Guerre de 14-18. Il ne s’agit pas d’évocation statique, de simple développement de la mémoire historique et civique, mais de mises en œuvre de programmes de culture de la paix, au sein des futurs programmes de morale civique évoqués par Vincent Peillon, avec des temps forts comme une « semaine de la culture de paix », comme il existe déjà une semaine de la solidarité internationale ou une semaine de l’antiracisme. Daniel Durand 1
Conférence inaugurale de l’École des Affaires inter-
nationales (Sciences-Po), le 6 septembre 2012.
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RÉFÉRENCE Ile Longue, Landivisiau, Ystres, Valduc … La violation du Traité de Non-prolifération nucléaire (TNP) entre 1995 et 2010 par la France, Traité qu’elle a signé comme 188 États. • Installation à Crozon à l’Ile Longue de : 4 sous-marins nucléaires de nouvelle génération (SNLE-NG) 80 nouveaux missiles nucléaires (M45) 386 nouvelles bombes atomiques de type TN 75 représentant 3000 fois la bombe atomique larguée sur Hiroshima qui a tué 140 000 personnes en quelques secondes.
DRONES Selon la Defense Security Cooperation Agency (DSCA), l’agence dédiée aux ventes d’armes à l’international, ce n’est pas 12 drones MALE Reaper pour un montant de 670 millions d’euros que la France veut acheter aux ÉtatsUnis, comme l’avait expliqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, mais finalement 16 Reaper MQ-9 et 8 stations sol mobile pour une enveloppe de 1,5 milliard de dollars (1,14 milliard d’euros), Bien loin donc des estimations du ministère de la Défense français. Cependant, ce type d’opération doit recevoir l’aval du Congrès avant de pouvoir être réalisée. Selon la DSCA, très favorable à cette vente, « la France est l’un des pays politiques et économiques majeurs en Europe et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (Otan). » Elle est également « un allié des États-Unis dans la poursuite de la paix et de la stabilité » dans le monde. En conséquence, la DSCA considère que cette vente de 16 drones Reaper « est essentielle à l’intérêt national américain d’aider la France à développer et maintenir une solide capacité d’autodéfense. Cette vente potentielle améliorera les capacités ISR (intelligence, surveillance et reconnaissance) de l’armée française » dans le cadre des opérations nationales, de l’Otan, des Nations unies (Onu) et dans d’autres opérations au sein d’une coalition.
33%
des Français, à la question* « Dans le contexte actuel, si l’on devait réduire les dépenses publique, dans quel secteur devrait-on d’abord les baisser ? (deux réponses possibles),pensent qu’il faut réduire le budget de la défense (première réponse du sondage).
*Sondage Ifop pour le JDD les 8 et 9 novembre 2013.
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N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
En 2010 : • remplacement des M45 par des missiles M51 • remplacement des TN 75 par des TNN Et en plus ... • À Landivisiau, les Rafale porteurs d’armes nucléaires ! 2014 la loi de programmation prévoit à nouveau 30 milliards pour « de la livraison du missile M51.2, la mise en service du laser Mégajoule, au lancement des travaux d’élaboration du futur SNLE de 3ème génération ou à l’effort dans le domaine du renseignement (notamment d’origine électromagnétique [satellite CERES]) et de nouveaux rafales.
Le texte de la loi de programmation militaire a été voté au Sénat par 163 voix pour et 140 contre. Les sénateurs socialistes, RDSE, et la majorité des centristes de l’UDI-UC ont voté pour, les élus UMP et écologistes contre. Les communistes se sont abstenus. Les crédits inscrits dans la LPM s’élèvent à 190 milliards d’euros sur la période. Le texte prévoit notamment la suppression de 34 000 nouveaux postes en six ans dans les armées, dont 7 881 en 2014.
Extrait de l’article « Pour en finir avec toutes les armes de destruction massive » de Paul Quilès, ancien ministre de la Défense. […] Parmi les négociations en cours en matière de désarmement nucléaire, celle de la Conférence d’examen de 2015 du Traité de nonprolifération (TNP) doit retenir tout particulièrement l’attention. Les pays non dotés de l’arme nucléaire y demanderont une nouvelle fois à ceux qui en sont dotés de respecter l’article VI de ce traité qui leur fait obligation de négocier de bonne foi des mesures de désarmement nucléaire. La France dispose d’un armement nucléaire moderne et puissant, même s’il est très inférieur quantitativement à celui des États-Unis et de la Russie. Elle a donc un rôle essentiel à jouer pour assurer la réussite de cette prochaine conférence d’examen du TNP. Un engagement déterminé en faveur du désarmement nucléaire serait en outre de nature à renforcer sa position dans les négociations internationales sur le programme nucléaire iranien. Il serait dès lors souhaitable, dans ce contexte, d’ouvrir le débat sur les programmes nucléaires futurs inscrits dans la loi de programmation militaire : sous-marins nucléaires lance engins (SNLE) de 3ème génération, nouvelle version du missile M51, accroissement des performances du missile aéroporté ASMP-A. Il me semble que le lancement de ces programmes n’est pas cohérent avec les indispensables initiatives fortes à prendre en matière de désarmement nucléaire. En savoir plus : http://paul.quiles.over-blog.com
Une nouvelle coalition internationale d’organisations non gouvernementales coordonnée par Human Rights Watch lance une Campagne pour l’interdiction des robots. Elle appelle à une interdiction préventive et totale des armes complètement autonomes. Cette interdiction devrait être concrétisée par un traité international, ainsi que par des lois nationales et d’autres mesures.
On peut agir sur les causes des guerres et des violences… … surtout si on les connaît
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Portrait L’Abbé de Saint-Pierre
L’iréniste
P
Il n’est pas fréquent d’avoir l’opportunité de célébrer les anniversaires d’événements datant de plus d’un siècle. Nous entendons pourtant rappeler ici la parution en 1713 d’un ouvrage : « Projet pour rendre la Paix perpétuelle en Europe », qui fit quelque bruit en son temps et, par là-même, rappeler la mémoire de son auteur, l’Abbé de Saint-Pierre, qui ne jouit pas, dans notre pays, de toute la considération qui devrait lui échoir. 18
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our ceux qui l’auraient oublié, 1713 est l’année du Traité d’Utrecht qui clôt la longue et épuisante Guerre de succession d’Espagne, laquelle eut pour théâtre l’Europe entière et qui aboutit – on ne le sait plus – à une sorte de crise de conscience à l’échelle européenne, voire à une vague de pacifisme qui influença toute la pensée. C’est sur ce fond diplomatico-militaire que l’Abbé de Saint Pierre rédigea son célèbre ouvrage (à l’époque), lequel peut être considéré comme le premier essai d’une réflexion structurée, suivie de propositions concrètes, pour instaurer une paix durable sur le continent. Charles-Irénée Castel de Saint Pierre (1658-1743), descendant d’une famille aristocratique du Cotentin n’était pas un inconnu : déjà membre de l’Académie Française (dont il fut par la suite exclu !), et très influencé par les idées « modernes » de son contemporain et ami Fontenelle (ainsi que celles de son correspondant Leibniz, grand connaisseur du « droit naturel » de Pufendorf), il fut un pionnier de l’esprit des Lumières en France (et en Europe) et reconnu comme tel. Il était un adversaire notoire de l’absolutisme, de l’arbitraire et des privilèges. Réputé pour ses idées novatrices (et souvent étonnantes) dans bien des domaines, il fit progresser partout la pensée, notamment sur le vivre-ensemble harmonieux et serein des individus et des nations. Ayant lui-même participé aux difficiles négociations d’Utrecht, il en tira là matière à réflexion et à propositions en faveur de la paix. Prenant la suite d’Erasme (Querela Pacis -1517), de Thomas More (Utopia – 1516) et même de Fénelon, il en livra ensuite une synthèse dans son (volumineux) Projet, lequel fut salué dans toute l’Europe. C’est la misère des sujets du roi, causée par les guerres, qui développa sa volonté de « proposer les moyens de rendre la paix perpétuelle entre tous les États chrétiens » (c’était déjà beaucoup pour l’époque), mu par le désir d’être « un bon citoyen ». Considérant qu’une paix durable ne pouvait être assurée par des traités, toujours re-
mis en question, il entendait mettre sur pied des structures interÉtatiques pérennes à l’échelle du continent européen, fondées sur le droit des gens, à même de garantir une paix « perpétuelle ». Considérant également que le principe d’ « équilibre » (à l’époque entre les Bourbon et les Habsbourg) n’était en rien garant de la paix, il proposait de former un « Corps européen », sorte de pouvoir confédéral qui serait l’émanation des 18 États alors souverains en Europe, régi par une Diète européenne permanente composée de députés de chacun de ces États. Pour régler les litiges, il était prévu un système d’arbitrage qui exclurait tout recours aux armes. Le Projet posait aussi le principe d’intangibilité des frontières de 1713, seul à même d’asseoir la paix. Il affirmait enfin avec force le principe de solidarité des États, soulignant à l’envi ses « avantages » pour la « félicité » de l’Europe. Leibniz vit dans cet ouvrage la promesse d’un nouvel « âge d’or ». Cette mauvaise langue de Voltaire ne manqua pas de rebaptiser son auteur Saint-Pierre d’Utopie. Mais J.J. Rousseau en fut notablement influencé, notamment lorsqu’il rédigea ses « Considérations sur le gouvernement de Pologne » (1771 - qu’il faudrait bien redécouvrir aussi), tout comme Kant avec son Projet de paix perpétuelle (1795). Il convient de saluer l’un des tout premiers penseurs (qu’on ne qualifiait pas encore de pacifiste, mais d’« iréniste ») ayant rejeté l’idée de la fatalité de la guerre. C’était là une nouveauté d’importance à une époque où elle était encore considérée comme un jeu de princes où les sujets n’avaient pas leur mot à dire.
Jean-Paul Vienne
Sources : Simone Goyard-Fabre : Présentation de l’édition de 1981 du Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe. Carole Dornier et Claudine Poulouin, « Les Projets de l’abbé Castel de Saint-Pierre (1658-1743) : Pour le plus grand bonheur du plus grand nombre »
MONDIALISER LA PAIX Commémoration
La paix assassinée En mai 1963. Grigoris Lambrakis, député grec de gauche et pacifiste, est assassiné. Les auteurs du crime, appartiennent à des groupes paramilitaires fascistes, qui foisonnent dans une Grèce où le nationalisme est érigé en quasi doctrine d’État. 50 ans plus tard, les tensions politiques et sociales qui ont conduit à son assassinat, sont de nouveau d’actualité.
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é en 1912, issu d’un milieu rural et pauvre du Péloponnèse, rien ne prédestinait ce martyr du pacifisme à devenir l’apôtre de la paix et de la démocratie. Lambrakis entame, moyennant sacrifices et privations, des études de médecine. Une fois diplômé, il soigne gratuitement les démunis dans son cabinet tous les mercredis après-midi. Par ailleurs, il avait déjà développé son action de militant pour la démocratie et contre le fascisme en intégrant les rangs de l’EAM, mouvement de résistance contre les occupants allemands nazis et leurs collaborateurs grecs. En 1961, lors d’élections se déroulant dans une ambiance d’intimidation des sympathisants de gauche, il est élu dans la circonscription du Pirée, avec la liste de la Gauche unie démocratique (EDA). En 1955, il a participé à la création du comité grec pour l’entente et la paix internationale (EEDYE) émanation du Conseil Mondial de la Paix. A côté de ses initiatives pour la paix et la démocratie, il œuvre également en faveur de la fraternisation des peuples dans les Balkans. Dans un pays, traumatisé par une guerre civile s’achevant par une persécution systématique de toute sensibilité de gauche et où les dépenses militaires pèsent lourdement sur le budget de l’état, ses actions associaient désir de démocratisation et efforts pour sa démilitarisation. D’autre part, dans une humanité en pleine guerre froide, avec le spectre de Hiroshima-Nagasaki planant sur la planète, les combats de Grigoris Lambrakis prennent place à côté de ceux de Martin Luther King pour les droits civils aux États-Unis, de Bertrand Russell pour le désarmement nucléaire ou de Patrice Lumumba pour la décolonisation en Afrique. En avril 1963, Lambrakis participe à Londres à la marche de la paix d’Aldermaston, où se trouvent des installations de recherche pour la fabrication d’armes nucléaires. De retour à Athènes, il prépare la première marche de la paix en Grèce, prévue le 21 avril. Le déroulement de cette manifestation est fortement entravé par le gouvernement grec, représenté par la droite conservatrice et pro-Otan de Constantinos
Karamanlis. Les manifestants sont arrêtés à l’instar de Grigoris Lambrakis lui aussi arrêté par la police. La détention arbitraire et les menaces de mort n’arrivent pas à décourager cet idéaliste. Il continue à mener sa lutte pour la libération des prisonniers politiques de la guerre civile, tout en diffusant les valeurs du mouvement pacifiste. C’est au sortir d’une réunion de ce mouvement où il a pris la parole qu’il est assassiné par des membres de groupes d’extrême-droite. Les communiqués de la police font état d’un simple accident routier. La nature criminelle de cette agression n’est établie que trois ans plus tard suite à un procès. Ce procès, qui inspira à Vassilis Vassilikos son roman Z, dont Costas Gavras fera un film, mit en évidence à quel point la justice était infiltrée par des fonctionnaires proches, voire même acquis aux idées des assassins et de leurs complices au sein de la police. Les menaces faites aux témoins et les peines légères prononcées ne pouvaient plus laisser de doute sur ces liens coupables. De surcroît, les condamnés ont été amnistiés l’année suivante au moment de la dictature des colonels. Christos Sartzetakis, le juge d’instruction dont la persévérance a permis la tenue du procès a été déporté en exil et déchu de ses fonctions. Cinquante ans plus tard, l’État de droit est de nouveau malmené en Grèce, tandis qu’en même temps des crimes racistes et fascistes se multiplient en toute impunité. D’autre part, la situation géopolitique dans la région de la Méditerranée orientale reprend des allures de guerre froide avec l’accroissement des tensions militaristes opposant des forces extrémistes locales à des puissances impérialistes plus ou moins lointaines. Désormais, commémorer des personnalités telles que Grigoris Lambrakis, n’est plus seulement leur rendre hommage. Il s’agit surtout et avant tout de prendre conscience de l’actualité de leurs engagements et de s’en inspirer. Nicolas Pitsos, chercheur au Centre d’Études Balkaniques, INALCO N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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MONDIALISER LA PAIX Syrie
Soutenir les projets de la so La situation en Syrie confirme qu’à chaque fois qu’un conflit éclate, tout est plus difficile. Les citoyens sont soudain sommés de choisir entre le Tyran ou les bombardements. Et si la solution ne passait ni par l’un, ni par l’autre ? Fidèle à sa tradition, Planète Paix donne à connaître des projets de la société civile, seule voie durable à l’établissement d’une société libre et démocratique, en Syrie comme ailleurs. 20
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n Syrie, tout le monde ne combat pas avec des armes. Et parmi les prisonniers du régime, on trouve nombre de militants de la non-violence que le pouvoir de Bachar El-Assad combat également avec acharnement. Si depuis plusieurs mois, le pouvoir a relâché un grand nombre de prisonniers djihadistes pour semer le trouble dans la population, il maintient en prison Yahia Shurbagi, un des leaders du mouvement non-violent. Le Docteur Oussama Baroudi, une autre de ces personnalités, est mort récemment sous la torture. Une réalité que le Mouvement Syrien de Non-Violence (MSNV) veut faire connaître. Ce que Talhia* appelle « la troisième voie démocratique ignorée par les médias ». Et, pour faire connaitre cette réalité le MSNV publie sur Internet une carte interactive
des actions non-violente sur le territoire Syrien. A l’occasion de la Journée internationale de la Paix, la coordination régionale Provence-Alpes Côte d’Azur du Mouvement de la Paix avait invité des témoins de cette action non-violente syrienne, à Marseille au Conseil régional et à Veynes au Café du Peuple. Après des témoignages troublants sur la vie sans eau, sans électricité, c’est également sur la remise en cause du droit à l’éducation que le débat a porté, y compris dans les zones hors du contrôle du pouvoir syrien. Nombre d’établissements scolaires sont utilisés pour faire face à l’afflux de réfugiés, ce qui empêche tout processus de scolarisation. Dans son rapport du 13 septembre 2013, l’UNICEF évalue à 900 le nombre d’écoles occupées par des familles qui ont fui les violences, et à 3000 le nombre d’écoles détruites. Une situa-
ociété civile
tion alarmante qui aboutit à ce que 40% des élèves de 6 à 15 ans soient purement et simplement privés d’écoles. C’est ce constat et la certitude que l’éducation est un moyen d’échapper à la violence, qui a conduit à la création du projet « Gardiens : Réseau de protection de l’enfance en Syrie » que des comités du Mouvement de la Paix ont décidé de soutenir. L’objectif du projet est de créer un réseau de spécialistes en protection de l’enfance dans toutes les régions de Syrie, à travers une collaboration avec les partenaires, les volontaires et les militants. Il s’agit d’établir un système capable de réagir face aux difficultés et de trouver les solutions de protection les plus appropriées. Par exemple, en développant
des outils éducatifs et didactiques. Ou encore en assurant un soutien psychologique. Le réseau se fixe comme axe de travail la formation d’équipes et d’individus, et la création de centres de soutien psycho-social, afin de prendre en charge les enfants les plus vulnérables. Lancé en décembre 2012, le réseau comptait 19 gardiens en septembre dernier. Leur rôle est d’identifier les enfants les plus vulnérables et de veiller au respect de la Charte dans les centres du réseau. Un autre projet attire particulièrement l’attention, celui de l’édition d’un magazine « Cerf-Volant » destiné aux enfants, visant à diffuser les valeurs de la paix, de la fraternité, de la compréhension et de la tolérance, autant de constituants fondamentaux de la culture de la Paix. La revue cherche à développer les compétences sociales et à aider les enfants pour diminuer l’impact du conflit. « Cerf-Volant » informe les enfants sur leurs droits et leurs devoirs dans la société. Thalia explique « Beaucoup d’enfants viennent chercher directement la revue dans les centres d’impression, c’est la preuve de son utilité sociale ». 14 numéros de la revue bimensuelle ont déjà vu le jour depuis mars 2012. Actuellement tiré à 3000 exemplaires, le projet vise les 10 000 exemplaires pour avril 2014. Mille exemplaires coûtent 600 dollars. C’est sans doute cette dimension concrète qui a amené les comités du Mouvement de la Paix à prendre l’engagement de collecter pour que « CerfVolant » apporte aux enfants syriens, la concrétisation du soutien actif de la société civile française. A ceux qui pensent que dans une situation de guerre, seules les armes sont habilitées à parler, les initiateurs du projet « Gardiens » viennent démontrer que la construction du futur est sans aucun doute une des meilleures manières de donner de l’espoir qu’un autre avenir est possible. Cet avenir se construit quotidiennement, même sous les bombes. Pierre Villard *Le prénom a été changé
EN SAVOIR PLUS • http://syrie.blog.lemonde.fr/2012/09/07/yahyachurbaji-embleme-de-la-contestation-nonviolente-du-regime-en-syrie/ • http://forusa.org/blogs/for/nonviolent-syrianpolitical-prisoners-need-your-help/12060 • Carte interactive de la résistance non-violente : www.jolpress.com/syrie-carte-interactiveresistance-non-violente-article-820675.html N° 586 - Novembre 2013 - Planète PAIX
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CULTURE Pablo Neruda
Toujours présent !
S
alvador Allende, président démocratiquement élu, résiste au bombardement du siège de la présidence et finit par se suicider pour ne pas tomber aux mains des militaires félons. Le chanteur populaire Victor Jara, emprisonné dans le stade Nacional avec des milliers de démocrates est atrocement torturé puis exécuté. Le poète écrivain Pablo Neruda, voit sa maison Pablo Neruda reçoit le prix Nobel de littérature en 1971 à Stockholm saccagée, pillée, ses livres brûlés en bûcher, sa santé mise à mal. Son médeParmi tant de cin personnel arrêté, il est hospitalisé à Santiago le 19 Septembre à la clinique Santa Maria, après victimes de la que l’ambulance ait été arrêtée et fouillée. Il y décède dans la nuit du 23 au 24. L’énigme des causes sanglante dictature de sa mort fait encore l’objet d’investigations et d’analyses (détérioration de son état de santé ou chilienne dès le piqûre létale criminelle par un médecin). Les obsèques de Neruda le 26 septembre, sont coup d’État du 11 marquées par la première manifestation publique contre la dictature et la terreur militaires. MalSeptembre 1973 gré les forces policières, un cortège de milliers de personnes accompagnera au cimetière central de fomenté par le Santiago, le cercueil en citant des vers de Neruda, en chantant l’Internationale et en criant: « Pablo général Pinochet Neruda ! », « Tous Présents ! ». Et il est toujours présent dans la mémoire poet la CIA des Étatspulaire, comme le sont demeurés Salvador Allende et Victor Jara. Les luttes étudiantes, les maUnis, trois figures nifestations de la jeunesse de ces derniers mois au Chili montrent les aspirations, les revendications ont marqué le refus populaires, réactualisent et prolongent les luttes de l’Unité Populaire d’Allende. de se soumettre. Le L’engagement politique de Neruda, sa carrière de diplomate à travers le monde, avec une prédiprésident Salvador lection pour la France l’Espagne, ont accompagné sa création littéraire et l’émergence des multiples Allende, le chanteur et riches facettes de sa personnalité, chantre tellurique et chantre de l’amour. Victor Jara et le Ricardo Reyes est né le 12 juillet 1904 à Parral (province de Linares), fils de Rosa Basoalto, inspoète Pablo Neruda. titutrice, qui meurt deux mois après, et de José Reyes Morales, cheminot. 22 22
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Celui qui va devenir en 1920, Pablo Neruda en littérature et en vie publique, a commencé à écrire prose et vers dès l’âge de 13 ans. Il veut être professeur de français et étudie à Santiago. A 19 ans, son premier livre « Crépusculaire » est bientôt suivi de « 20 poèmes d’amour et un chant désespéré ». Il n’arrêtera plus d’écrire. A 23 ans, il débute une carrière diplomatique comme Consul, dans des capitales asiatiques, puis à Buenos Aires. Rentré au Chili, il publie en 1933 « Résidence sur la Terre ». Consul général en Espagne en 1935, il se lie d’amitié avec Federico Garcia Lorca et Rafael Alberti. Le putsch franquiste du 18 Juillet 1936 contre la République espagnole amène Neruda à s’engager contre le fascisme. Il est révoqué et publie alors « L’Espagne au cœur ». Il anime la solidarité hispano-américaine et il fonde l’Alliance des intellectuels du Chili pour la défense de la Culture. En 1939, consul à Paris, il contribue au transport de 2500 réfugiés espagnols, de France vers le Chili en affrétant le bateau « Winnipeg ». En 1940, consul général à Mexico, il écrit de nombreux poèmes du futur « Chant général ». Il est fait Docteur honoris causa de l’Université de Michoacan au Mexique. Invité en Colombie et au Pérou, il visite Cuzco et le Machu Pichu qu’il célèbrera. Rentré au Chili, il rencontre Matilda Urrutia à laquelle il dédie des poèmes, la nommant Rosario. Élu en 1945, sénateur communiste, il est amené à faire en 1948 un célèbre discours au Sénat chilien, un « J’accuse » contre la dérive dictatoriale du président Gonzalez Videla, pourtant élu en 1946 sur des promesses démocratiques. Échappant à l’arrestation, il entre en clandestinité puis part à l’étranger : Europe, Inde, Mexique où il publie en 1950 le « Chant général », interdit au Chili mais mis en musique par Mikis Théodorakis et qui devient célèbre dans le monde entier. Membre depuis 1949 du Conseil Mondial de la Paix, il reçoit en 1950 le Prix international de la Paix. Matilda Urrutia devient sa troisième femme, elle lui inspire « La Centaine d’amour ». Il devient en 1957, le président de l’Union des Écrivains Chiliens ». Il soutient la candidature présidentielle de Salvador Allende et le refait en 1964, année de la publication du « Memorial de Isla Negra »,
évocation des années passées et de son rêve de fraternité humaine. Il devient Docteur Honoris Causa en 1965 de l’Université d’Oxford et publie en 1967 sa seule pièce de théâtre « Splendeur et mort de Joaquin Murieta ». En 1969, choisi par le PC chilien comme candidat pour l’élection présidentielle, il se désiste dès le 10 janvier1970, pour la candidature renouvelée de Salvador Allende qui remportera la présidence. Neruda est nommé ambassadeur à Paris. Il publie « Les pierres du ciel » et « L’épée en flammes ». En 1971, il reçoit la distinction du prix Nobel de littérature. C’est la reconnaissance de sa contribution artistique, intellectuelle et humaine au patrimoine universel. En 1972, il publie « Géographie infructueuse » qui comprend certains poèmes écrits en France. Son autobiographie posthume sera publiée en 1974, « J’avoue que j’ai vécu ». A la fin de la dictature, il a pu être inhumé, selon ses vœux, auprès de Matilda, aux abords de leur maison de la Isla Negra. Raoul Alonso
Paysage après une bataille (dans « L’Espagne au cœur » de Pablo Neruda) Éditions Denoël édité en 1938, réédité en 1978 - Traduction Louis Parrot Préface de Louis Aragon Espace mordu, troupe refoulée Contre les céréales, fers à cheval Rompus, glacés entre le givre et les pierres, Apre lune. Lune de jument blessée, calcinée, Ceinte d’épines épuisées, menaçantes, Métaux, ossements enfouis, absence, linge amer, Fumée de fossoyeurs. Derrière le nimbe aigre des nitrates, De substance en substance, d’eau en eau, Rapides comme le blé qu’on égraine, Dévorés et brûlés. Ecorce de circonstance à la suavité suave, Cendre noire, absente, éparpillée, Qui ne sont plus que froid sonore, abominables Matériaux de pluie. Plus que ce territoire, Que mes genoux veillent en terre tout ceci, Que mes paupières touchent tout ceci à le connaître, à s’en blesser, Que mon sang en retienne une saveur de l’ombre Qui ne peut permettre l’oubli.
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L’agenda 2014 du Mouvement de la Paix
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’année 2014 commémorera les 100 ans de l’assassinat de Jean Jaurès, homme politique français, qui s'est notamment illustré par son pacifisme et son opposition au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le Mouvement de la Paix a décidé de lui consacrer son agenda 2014. Jaurès l’historien, Jaurès le député, Jaurès le rédacteur, Jaurès le dénonciateur du nationalisme, le défenseur de la paix mondiale, de la laïcité, des droits individuels… L’agenda 2014 nous fait découvrir ou redécouvrir chaque semaine du calendrier les différentes facettes de ce grand homme. L’agenda 2014 rend également hommage aux grands pacifistes d’avant 1914 connus ou à découvrir tels que Clara Zetkin, Henri Barbusse, Théodore Ruyssen, Anatole France, Louis Lecoin,… Format : 21 cm x 15 cm, 176 pages couleurs
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