LA CULTURE International
du 28.5 au 3.6.2015
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Van Gogh au pays des bruyères
Le (néerlandais) Kröller-Müller Museum détient une pleine manne de Van Gogh Le musée et son parc pour une promenade en terre apaisante. La Hollande peut se féliciter de détenir les plus beaux Van Gogh. Peut se réjouir de ses jardins fleuris, de ses musées rayonnants. Le Kröller-Müller est un cas à part: la résultante de l'heureuse complicité entre des époux qui s'y entendaient à faire fructifier leur patrimoine à coup d'audaces et de coups de cœur. C'est très vite après la mort de Vincent Van Gogh (1853-1890), que Madame Kröller-Müller fit l'acquisition de centaines de dessins et peintures de l'homme dont elle apprécia tant le talent qu'elle aura, en peu de temps, réuni la plus importante collection de Van Gogh après celle léguée, bien plus tard, par le neveu de Vincent à l'Etat hollandais, propriété du Van Gogh Museum d'Amsterdam. Visiter ces deux musées de pair, voilà qui vous assure d'une vue sélective, magistrale, sur le grand œuvre de l'artiste sans doute le plus prisé au monde. Sa vie, qui aura alimenté une légende aux répercussions sans fin, et ses travaux et ses jours, sources de tant d'émotions, sont au cœur d'un parcours entièrement repensé par l'actuelle direction du Kröller-Müller. Si le parc se visite à pied ou à vélo (gratuitement mis à votre disposition), la saison idéale pour s'y balader est celle d'alentours envahis par une bruyère généreuse. Et puis, autour du musée, il y a le parc de sculptures apaisant et riche en pièces d'exception, de Rodin à Moore ou Serra.
Van Gogh, «Le café la nuit (Place du Forum)», 1888
Parallèles choisis
Le Kröller-Müller n'est, en effet, pas seulement riche en Van Gogh. Son bâti, réalisation de l'architecte belge Henri Van de Velde, détient bien d'autres représentants des arts modernes et contemporains et c'est en puisant dans ses collections que le musée participe à l'Année Van Gogh.
En exergue, l'exposition Van Gogh & Co est une confrontation entre quelques chefsd'œuvre de Van Gogh – une cinquantaine de pièces – et des travaux de certains de ses prédécesseurs, compagnons d'armes ou adeptes. De Monticelli, Fantin-Latour ou
Israels à Signac ou Gauguin et puis Charley Toorop ou Bart van der Leck, le panorama s'agrémente de rapprochements intéressants. Un seul regret, mais d'importance: l'encadrement moderne des toiles de Van Gogh est loin d'être heureux! Il est lourd et enva-
hissant, un simple contour de bois naturel aurait suffi. Cette réserve faite, le parcours, pour classique, est heureux, fourmille de rencontres bien pensées. Toute l'aventure picturale de Van Gogh s'y profile au gré de parallèles choisis. Ainsi quand son Allée de peupliers de 1984 jouxte une vue de Soissons peinte par Corot en 1833, un Cézanne de 1880, La route vers l'étang, un Arc-en-ciel à Pontoise de Camille Pissaro de 1877, Le blé nouveau de Daubigny. Ou quand Gauguin et sa Lisière de la forêt peinte en 1885 s'accouple à un Paysage d'automne de Van Gogh peint la même année. Des autoportraits de Van Gogh (1887), Breitner (1895), Matthy Maris (1860), Isaac Israels ou Charley Toorop nous rappellent par leur diversité que Van Gogh s'est très souvent peint lui-même avec des fortunes diverses. La nature, largement présente dans l'œuvre écourtée (six, sept ans) de Van Gogh est ventilée entre périodes aux tonalités sourdes et périodes flamboyantes. La preuve quand il peignit, enfiévré par la lumière, ses Oliviers dans le soleil (1888). De nombreux dessins parsèment l'ensemble de cette manière bien à lui de traiter paysages et personnages. Une manière si personnelle, même quand il copiait et recopiait (pour se faire la main) Jean-François Millet, qu'il admirait autant pour la justesse de sa palette que pour son empathie pour les travailleurs. Plusieurs «semeurs» par Van Gogh, Millet, Jan Toorop, Bart van der Leck sont de cet ensemble, comme, bien sûr, de nombreuses figures humaines avec, point d'orgue, Les mangeurs de pommes de terre, peints en 1885 après une série d'études de têtes et de mains. Les natures mortes ne sont pas oubliées, pas plus que les fleurs ou, inoubliables, La Butte Montmartre ou Le café la nuit.
R OGER P IERRE T URINE
* Musée Kröller-Müller, Otterlo (près d'Arnhem). Jusqu'au 27 septembre. Infos: www.krollermuller.nl, par train: www.nmbs-europe.com
Tournez manèges
«Cabanes, un festival en Moselle» jusqu'au 18 octobre
Si sur le plan comptable Cabanes fut une réussite en 2014 (128 cabanes édifiées… loin des 57 imaginées au départ, plus de 300.000 spectateurs…), l'engouement fut relativisé par des réserves émises ici ou là. Liées en partie à la difficulté de communiquer sur autant de rendez-vous en quelques semaines (près de 1.500) et donc pour le public d'en avoir une vision claire. La manifestation couvrait certes tout le territoire (c'est sa qualité essentielle) mais, pour un peu, donnait l'impression de vouloir cannibaliser toutes celles existantes en imposant le label «Cabanes». Impression renforcée par l'effacement de festivals qui avaient fini
par créer une dynamique sur des territoires peu servis par une offre culturelle, doublée d'une dimension touristique (Mon Mouton est un lion, La Sarre à Contes…). Un sentiment qui occultait la singularité de ce qui animait le festival dès sa conception: la valorisation des pratiques artistiques bénévoles des Mosellans autour d'événements proposés par des artistes professionnels. Pour cette seconde édition inaugurée samedi dernier et qui arrive plus tôt qu'on ne l'imaginait (exit le rythme de la biennale, calendrier de la réforme territoriale oblige), les leçons semblent avoir été tirées: moins de propositions (autour de 900 tout de même) et davantage étalées dans le temps, axes thématiques plus flagrants… Surtout la notion de partenariat avec des manifestations existantes paraît plus équilibrée, tenant même, loin de la démonstration de force, de l'accompagnement (cf. la clôture de «Passages»).
De Metz à Bataville
Pivot de «Cabanes», la promotion de l'apprentissage artistique et des différentes pratiques mise en mouvement en 2014 est pérennisée. Et le festival s'inscrit là autour
de trois axes principaux: l'enfance et la jeunesse (ateliers et projets conduits par les collèges, journée «Moselle'Mouv» autour du sport scolaire…), mémoires ouvrières et sons du monde. Pour ce dernier, outre un concert de l'Orchestre national de Lorraine accompagné du collectif Paradigme pour une étonnante ouverture aux arts numériques (26 juin, place de la République à Metz) ou le festival Insolivres mis en musique (bals littéraires, balades sonores…), la grande nouveauté sera le Sentier des Cabanes Sonores qui ouvrira le 20 juin à Metz (île du Petit Saulcy) avec notamment un tunnel de bambous de 56 m conçu par l'artiste belge Georges Cuvelier et sonorisé par l'acousticien berlinois Tobias Bierbaum. La mémoire ouvrière sera mise à l'honneur à travers vingt actions et spectacles sur des sites emblématiques. On retiendra les cafés baroques du Concert Lorrain, le café électro de Chapelier Fou, le nouveau spectacle du cirque Inextremiste (les 2 à Meisenthal), le spectacle gratuit Songes à Sécofab par la Cie Roland Furieux (promenade visuelle et sonore clôturée par le spectacle Mevlido appelle Mevlido
d'après Volodine, le 27 juin) et tout un week-end orchestré par l'actrice/danseuse/metteure en scène italienne Daria Lippi et la Fabrique Autonome des Acteurs à Bataville-Moussey. Bata Town proposera concerts (Balanescu Quartet), bals, dîners, exposition,
parcours insolites, performances, stages et spectacles de danse et de théâtre (31 mai & 5 à 7 juin). Circulez, il y a tout à voir.
C HRISTOPHE P REVOST
* Infos: www.cabanes-festivaldemoselle.fr
© Stepahne Tasse-Fabrique Autonome des Acteurs
La manifestation initiée l'an passé par le Conseil départemental pour fédérer les initiatives artistiques du territoire revient en affinant sa démarche avec une programmation plus séquencée.
La mémoire ouvrière mise à l'honneur à Bata Town