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Au Mauritshuis de La Haye,
une magistrale leçon de peinture hollandaise MOINS CONNU QUE LE RIJKSMUSEUM. SON VOISIN D'AMSTERDAM, LE PETIT MAURITSHUIS DE LA HAYE CONSERVE LES DE TOUS LES GRANDS DE LA PEINTURE DU XVIIe INTIMISTE AU DELA VILLE, QUI VIENTDE FAIRE PEAU NEUVE, EST VISITER D'URGENCE. CHEFS-D'ŒUVRE
CETÉCRIN
CŒUR
MAÎTRES
SIÈCLE.
À
PARSOPHIEFLOUQUET
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ls sont tous de nouveau visibles, ces tableaux iconiques de la peinture dite du siècle d'or hollandais : la (magis trale) Leçond'anatomie du Dr Nicolaes Tulp, signée Rembrandt, le (très précieux) ChardoTtneretde Carel Fabritius, la (trou blante) Jeune Fille à la perle de Johannes Vermeer. Et tant d'autres. Tous raccro chés dans l'ancien hôtel particulier de Johan Maurits, l'un des premiers gou verneurs des colonies hollandaises au Brésil au XVIIe siècle ce nom de Mauritshuis, la maison de Maurits en néerlandais , élevé en plein de la ville de La Haye. Après deux années de travaux, l'un des plus beaux musées des Pays-Bas rouvre ainsi au public après avoir été agrandi et surtout modernisé [lire p. 102]. Une nouvelle aile, annexée d'où
cœur
sur un bâtiment voisin, permettra d'ac cueillir des expositions temporaires, alors qu'un espace de réception, creusé en sous-sol, fluidifiera la circulation dans ce petit bijou d'architecture classique. Car ce que permet une visite au Mauritshuis, se sont pressées des générations d'historiens de l'art, c'est d'approcher au plus près l'essence de la peinture hollan daise. Plus qu'au sein du grand voisin d'Amsterdam, le Rijksmuseum, lui aussi rénové récemment en musée d'histoire nationale et sont conservés de nom breux Rembrandt et Vermeer, les espaces intimistes du Mauritshuis permettent de mesurer la singularité de cet ensemble magistral de tableaux hollandais du siècle d'or. Singidiers et pourtant restés long temps relativement méconnus. où
où
Paisiblevilledesbordsde mersituéeà l'ouestdupays, si' LaHayeabritele pénaleinternationale maibdu^^i1unut?5piubutau* m d'Europe,Le Mauritshuis, construitenplein dela ville, aubordd'unlac, estaujourd'huiagrandid'unenouvelleaile et d'unespaced'accueil,souterrainmaisbaignédelumière naturelle.Unmustpourles amateursde peinturehollandaise. cœur
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f LE MAURITSHUIS DE LA HAYE
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PAULUSPOTTER le Taureau Parson naturalismeexacerbé,ce tableaumonumental, qui a toujoursattiré les foules, incarnaità lui seul le «génie hollandais».Il fut mêmeaccrochépendantvingt ans danslesgaleriesduLouvre,entre un Raphaëlet un Titien, eux aussisaisispar les arméesrévolutionnairesfrançaises. Il revintchezlui aprèsWaterloo. 1 B47, huile sur toile, 339 x 235,5 cm. PAGEDE DROITE
ADRIAENCOORTE Nature morte aux fraises Unetoute petitenature morte,peintesur un modestepapiercollé sur uneplanchettede bois.De son peintre,onne connaît qu'unnomet une périoded'activité (1683-1707),maispourtant unecentaine de peintures. se damner,mêmesanschantilly. À
1705, huile sur panneau, 16,5 x 14 cm.
LA PEINTUREHOLLANDAISE? «UNART D'HOMMES LIBRES » C'est en effet en grande partie grâce au travail de titan mené par un historien de l'art français que cette peinture a été remise au du jour,après des années d'oubli face à la supré matie de l'art italien. Avocat de formation, très engagé politi quement auprès des radicaux - il était proche de l'anarchiste Pierre-Joseph Proudhon -, Théophile Thoré (1807-1869), alias (son pseudonyme), signa un ouvrage manifeste sur le sujet qui révéla au public maints noms oubliés de l'his toire de l'art. Parmi lesquels Carel Fabritius, l'auteur du Chardonneret,l'un des brillants élèves de Rembrandt à la car rière trop courte, mais aussi le grand Vermeer, son «inconnu de génie», son «sphinx siprovocant». Son Muséesde la Hollande (1858-1860)sonna alors comme une révélation pour de nom breux amateurs. Thoré fut aussi le premier à établir une lec ture politique de la peinture des provinces du Nord. Hardie mais pertinente, même si certains partis pris ont depuis été revus.Car indubitablement, c'est bien aucours duX VIP siècle que cette peinture va acquérir son caractère propre. Pour quoi ?En 1648,après 80 années de conflit avec les Habsbourg espagnols catholiques qui continueront àtenir le Sud, les sept provinces flamandes du Nord, calvinistes, parviennent à faire reconnaître leur indépendance. Dès lors, une iconographie protestante s'impose. Celle-ci privilégie les sujets du quoti dien, exaltant la virtuosité de l'artiste, laissant les scènes de dévotion de l'iconographie catholique aux Flamands du Sud (tel Rubens). C'est donc un art profane qui se développe, mais un art profane à dimension presque religieuse, quasi mys tique, exaltant la nature et l'homme plutôt que les puissants commanditaires. PourThoré, le radical engagé, l'apparition de cette école originale est forcément liée à cette liberté politique et rehgieuse conquise dans le sang. «La Hollande, qui avait eu le courage de secouer tout joug religieux et politique (...) enfanta l'école la plus libérée, la plus originale, laplus variée, laplusrévolutionn aire, laplus naturelle et la plus humaine à la fois»,écrit-ilalors. Ce «génienational» hollandais est aussi à l'origine d'un art neuf: le naturalisme, dans lequel Thoré décèle, en homme du XIXe siècle, les ferments d'une modernité picturale. «Un art d'hommes libres», un «art pour l'homme», tonne-t-il, dégagé des références au passé et de l'obsession sclérosante de l'imitation de l'art italien. goût
Bùrger
CARELFABRITIUS LeChardonneret 1654,huilesurpanneau, 33,5x 22,8cm.
98 Beaux Arts
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~.-.^?*ife JOHANNES VERMEER VuedeDelft Pourqui douterait dela possibilitédu génie, il faut illico prestoaller scruterce somptueux paysage.Enmêlant lestouches,précises ou libres- parfoismême pointillistes-, et les effets dematière,Vermeer agitenvirtuose. Lavue de sa ville natales'éclaire exactementlà où
il le souhaite.Proust nese remitjamais dudétail d'un «petit pan demurjaune». Vers1660-1661,huile surtoile,115,7x96,5cm.
100
L'AUTREPAYS DE LA DESGENRES THÉORIE
Thoré ne met pourtant guère l'accent sur l'une des données majeures qui concourt aussi à l'apparition de cette nouvelle peinture : la prospérité économique sans précédent que connaissent alors les comptoirs maritimes des ProvincesUnies.Celle-ci provoque un boom du marché de l'art, la carte se déplaçant d'Anvers, glorieuse au siècle précédent, vers Amsterdam, où la Bourse régule une économie spéculative. C'est un fait : la peinture hollandaise est avant tout un art bourgeois. Les peintres vivent de leurs ventes, les nouveaux notables affirmant par ce biais leur statut social en décorant leurs opulentes demeures, achetant des œuvres à l'occasion de foires ou directement auprès de peintres qui constituent des stocks. Mais il s'agit également d'un art provincial, plu sieurs villes s'aflfirmantalors comme des foyers de premier plan : outre Amsterdam, la capitale économique, c'est aussi à Leyde, où commença Rembrandt, Delft ou LItrecht que viventet travaillent les artistes... Ce terreau favorablefacilite l'émergence de genres spécifiques. Et tous ne trouvent pas grâce auxyeux de Thoré !Ainsi de ceux quipropagent encore le goût italien. Si le maniérisme, que de nombreux artistes ayant fait le séjour transalpin ont eu l'occasion de découvrir,
est un temps perpétué par Pieter Lastman, il est toutefois rejeté au profit d'une peinture d'une veine caravagesque bien particulière. À Utrecht, dans les années 1620, cette école s'impose autour de Gerrit van Honthorst, surnommé Gherardo délie notti pour son goût des clairs-obscurs. Honthorst multiplie les portraits pittoresques de musiciens - sujet caravagesque par excellence -, tout comme Dirck van Baburen et Hendrick ter Brugghen, dans une voie qui mène logiquement vers lascène de genre, tendance paillarde, dans laquelle s'illustrent Adriaen van Ostade ou Adriaen Brouwer.Thoré fait assez peu de cas de cette peinture, tout comme de son extrême opposé :les scènes de la vie quoti dienne dépeintes avec une extraordinaire minutie par des peintres de Leyde comme Gerrit Dou, Gabriel Metsu ou Frans van Mieris [lire p. 102] qui, malgré un certain goût du pittoresque, exaltent des valeurs moralisatrices. Pourquoi Thoré ne les aimait-il guère ?Pas assez de spontanéité à ses yeux, ce qui les aurait éloignés de la sincérité de l'art véritable. Il faudra attendre les années i960 pour que leurs tableaux soient ressortis des réserves des musées. La réalité de la pra tique de ces peintres ne pouvait aussi que déplaire à Thoré : on sait que Dou et Mieris travaillaient au service de riches commanditaires. Pas vraiment en hommes libres.
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REMBRANDTLa Leçond'anatomie du DrNicolaes Tulp
1632,huilesurtoile,169,5x216,5cm.
REMBRANDT ETVERMEER EN MAÎTRES DE LA SYNTHÈSE Les Provinces-Unies sont également la terre du portrait, magnifié d'abord par Frans Hais, dans une veine volontiers triviale. Le peintre, longtemps jugé alcoolique et sans talent, fut l'une des grandes redécouvertes de Thoré qui admirait justement sa spontanéité. Rembrandt - qui excellait dans tous les genres - s'illustre aussi dans le domaine du portrait. Apprécié des princes d'Orange, il est bien représenté dans les collections du Mauritshuis, même siplusieurs de ses tableaux ont été vendus au cours du XVIIIe siècle. En 1632,il achève pour la guilde des chirurgiens d'Amsterdam la monumentale Leçond'anatomiedu DrNicolaes Ttdp, dans la grande tradition des portraits de groupe hollandais.Tulp, l'homme au chapeau noir, domine toute la scène, s'agitant au-dessus du corps froid et blafard du mort, devenu simple objet d'étude. Le musée conserve également le dernier autoportrait de Rembrandt, à l'âge de 63 ans, montrant l'image sans fard d'un homme âgé. Dans toute sa vérité, comme un rappel permanent du carac tère vain de l'existence. C'est toutefois dans la nature morte que les peintres hollandais portent à son acmé cette idée de vanité, viscéralement protestante. Au Mauritshuis, Adriaen Coorte tient la vedette sur le sujet. Ce peintre encore mal documenté a laissé des très atypiques : formats très réduits, dépouillement extrême du sujet, ici des fraises [ill. p. 99]. Cette concentration sur lemotif se manifeste aussi avec brio dans le domaine du paysage. SiAlbert Cuyp explore une veine rustique bien connue, avec ses portraits de bovidés, des peintres tels quejan van Goyen et surtout Jacob van Ruisdael, le plus grand d'entre tous, et son élève Meindert Hobbema, nous livrent une vision grandiose de la nature. C'est à Ia I lave qu'éclôt alors cette grande école de paysagisme, dans un cou rant qualifié de «monochrome» : palette réduite, composition simplifiée, exaltation des valeurs lumineuses, atmosphère aqueuse propre à ces terres hollandaises noyées d'eau. Mais une autre figure s'impose en matière de paysage :Johannes Vermeer le grand, génial touche-à-tout de Delft , dont la vue de la villeconstituera un choc pour Thoré, quien livrela toute première étude, comme pour Proust, qui y vit «le plus beau tableau du monde». La peinture de Vermeer réunit en effet tous les caractères de ce génie hollandais sicher àThoré - et
HENDRICK TERBRUGGHEN La Délivrance desaint Pierre Chefde file d'une écolefortement marquéepar Caravage,TerBrugghenétait protestantmaisa pourtantcontinuéà peindredes sujetscatholiques.Laterreur du vieil apôtrenoussaisit d'effroi. 1624,huilesur toile,105x 85cm.
œuvres
JOHANNLSVLRMLLRLa JeuneFille à la perle vers1665,huilesurtoiie.44,5 x39 cm.
cela même alors que Vermeer était catholique : simplicité extrême, vérité optique, narration silencieuse, temps sus pendu. Le Mauritshuis conserve trois tableaux du maître de Delft, don tla célébrissime JeuneFilleà laperle,vérit3b\eJoconde néerlandaise. Son visage au teint de porcelaine, cadré par un bandeau d'un bleu lapis éblouissant, s'offre au spectateur, lèvres entrouvertes, regard pénétrant. Effrontément. Librement. »
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