Connaissance des Arts

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OPHOIO RMN).

natale de lârtiste, par une copie ancienne. Ce titre se rapporte au célébrissime Panneau central du triptyque, otr lbn voit, au sein d'une nature infinie aux formes aberrantes et exquises, des hordes d'humains se livrer à mille jeux érotiques, tout en se délectant de baies et de fraises géantes, au milieu dbiseaux géants eux aussi... Tout cela, empreint d'une grâce indiescriptible, dans la fraîcheur d un premier matin, sans une ombre de culpabilité. Un climat d'innocence, et un thème, totalernent inédits.

Voilà que les grands mots sont lâchés, culpabilité, innocence, et nous plongent au cæur du débat.

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inq siècles après sa mort, son æuvre reste énigmatique, voire, en partie, -/ incompréhensible. Et d'autant plus :ant. Sidérant. La création formelle et rque semble chez lui inépuisable, se dé-

rnt en une infinité d'inventions extra'-ares, follement séduisantes. Le

triomphe l'imagination, en somme. On a vu -: un surréaliste avant la lettre, tant ses .,r de

.:ons semblent en prise directe avec

I'in-

:rent et tant elles semblent librement, :ellement surgir, comme par automa-

tisme... Cette conception de làrtiste inspiré et entièrement libre dans sa création est tout à fait moderne, inadaptée s'agissant d'un peintre du xv" siècle. Mais il n'empêche: Ia puissance imaginative de |érôme Bosch est irréductible et son æuvre demeure un défi pour les historiens qui multiplient les interprétations, sans entamer son mystère. Au cæur de cet æuvre rayonne un triptyque de légende, Le lardin des délices. Fleuron du musée du Prado, il est représenté dans lèxposition de Bois-le-Duc, ville

Allégories morales Nous sommes dans le duché de Brabant, en Flandres, dans la ville alors flr:rissante de 's-Hertogenbosch, Bois-le-Duc en français, à la fin du xv" siècle. Hieron).mus Bosch est un peintre réputé, suffisamment pour quèn 1504 Philippe le Beau, fils de lèmpereur Maximilien, lui passe commande d'un grand lugement dernier (disparu), et il est un citoyen au-dessus de tout soupçon. Membre de Ia confrérie de Notre-Dame, vor"rée, comme son nom I'indique, à la célébration du culte CONNAISSATCE DES ARTS MARS 2OI 6


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Ci-dessus: triptyque Le Choriot de foin, vers I 5 I 0- I 5 I 6, huile sur bois, ponneou

x 100 cm,volets 136,1 x 47,6 cmchocun (MADRtD,t4usÉEDU Poge de gouche : le triptyque du Choriot de f oin,lermé. I 33

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un clerc, il connaît le latin, pos-ne certaine culture et jouit dune par:spectabilité; il est donc irréprochable ,r.rt de vue des pratiques et de la morale :uses. Il est même probablement un .e de cette < devotio moderna > qui - rse aux Pays-Bas, fondée sur une pié.,ns dogmatique, plus affective, requé:.r fidèle un engagement véritablement rnei, profond et sincère, fondé sur la ..,. c'est

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futable; et avec une qualité, une finesse du pinceau, qui émerveille. Diable de peintre ! Dans ses grandes lignes, son æuvre (mince corpus réductible à une quarantaine de numéros, dont peu sont des attributions certaines) est le reflet de cette conception d'un monde irrémédiablement ruiné par Ie péché, lbriginel dàbord, puis celui, quotidien, d'une humanité qui se vautre dans le Mal, avide de possessions terrestres et de plaisirs charnels.

méditation. Ce climat de religio-

C'est l'æuvre d'un moraliste chrétien, qui

-.rue se reflète dans l'æuvre de Bosch, .:née de la notion de péché, traversée , ons exaltées. Lon peut même avancer .:nais la culpabilité chrétienne nâ paru

assène ses visions pessimistes avec une sévé-

et la

.ryssale que chez ce peintre de l'Enfer,

- dès son vivant pour être un o faiseur : ies >. Un vrai spécialiste ! Inoubliables ,:s pâysages de ténèbres et de four., ou des créatures de folle complexion :rnie cruauté soumettent les damnés à =:rsables supplices, cela peint avec une ,. -rn d'horloger, qui rend la chose irré-

rité n'ayant dégale que saverve imaginative. Le Chariot defoin montre une humanité Iancée à la poursuite des biens terrestres représentés par lénorme charretée de foin

(symbole dèxistence éphémère et vaine), foin dont chacun, qu'il soit puissant comme lèmpereur et le pape chevauchant sur Ia gauche, ou misérable comme le charlatan, le moine glouton ou Ie mendiant, veut sa part, quitte à voler, tricher, tuer son prochain. Le chariot et sa Deccamineuse escorte

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CONNAJSSANCE

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20I6


Ci-dessus: La Débouche

et le ploisir (portie d'un retoble démembré, Le triptyque du Vogobond), vers i 500-

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10. huile sur bois.

34,9 x 30,6 cm iit:,,. -i\'[N. YALE UNIVERSITY

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Ci-contre : Saint Jérôme en prière. vers 1485-'l 495, huile sur bois, B0 x 60,7 cm (GAND, IYUSÉE DES BEAJX-ÀRTS).

sont traînés par des monstres représentant les Péchés capitaux, droit vers I'Enfer oir chacun trouve son châtiment adéquat, dans une nuit éternellement ardente. Allégorie morale, encore: la fameuse Nef des fous, unique Bosch du musée du Louvre, qui n'est en fait qu'un morceau d'un des volets d'un triptyque démembré. Restauré spécialement pour lèxposition, le ( morceau > a sensiblement changé d'aspect: la montagne et làrbre qui obstruaient l'horizon ont disparu avec les lourds repeints; en contrepartie, toute la finesse du pinceau, jusqu'aux plus délicats détails, est réapparue. Pour lbccasion, la Nef des fous va retrouver son morceau manquant représentant la débauche et le plaisir (musée de New Haven), ainsi que La Mort et layare, probable second volet du supposé triptyque au panneau central disparu, mais dont Ia thématique devait être celle des Sept Péchés capitaux. Cette Nef des et se goin-

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fre, fait certainement écho au < best-seller , de même titre de Sébastien Brant paru dès 1494, et exprime l'idée d'un voyage (la vie humaine) gouverné, non par la raison, mais par la folie: fous sont ceux qui, négligeant le salut de leur âme, poursuivent les plaisirs éphémères qui leur vaudront un châtiment

éternel.

Utopique Eden Mais revenons à notre lardin, principale pomme de discorde entre les spécialistes. Puisque, entre les volets latéraux,le Paradis terrestre avec Adam uni à Ève, à gauche, et I'Enfer, à droite, le seul lien est le Péché, certains en ont déduit quele lardin, au milieu, était une sorte de triomphe du Péché, une apothéose de la luxure, se concluant en Enfer, déroulement logique dans la perspective chrétienne. Et que la fonction de tout triptyque, en ce temps, étant dbrner un autel, celui-ci ne faisait pas exception.

Mais comment imaginer une tell. dans une église ? La fraîcheur de son imagerie érc caractère paradisiaque de I'image, c mal avec cette lecture, comme ave

simisme global de l'æuvre de Bo. d'autres auteurs ont émis les hyp' les plus téméraires. À commencer

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helm Fraenger, dont Ie pavé dans qu'il lança dans les années 1960 fa des vagues. Selon lui, le peintre fâi tie d'une secte hérétique, les Frèr Sæurs du Libre Esprit, dont la qut tuelle sâccompagnait de pratiques t le nudisme, I'amour libre... Dbr) tère adamique et les candides jo' du fascinant lardin. Huée par la c. talité de la profession pour son mi,

fondement historique, sa thèse pa: très érudite a le mérite de rivaliser

ration avec I'époustouflant chef , D'autres auteurs ont vu dans l'<r


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Ci-contre: La Nef des fous,

vers 1500-1510, huile sur bois,

58,1 x 32,8 cm (PARIS, I"]USEE

DU LOUVRT).

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vers 1505- 1515, huite sur bois. e8,ol

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Poge de Soint lea en médit vers 149 huile sur 48,5 x 4 (MADRID

FUNDAC: GALDIA[].

Bosch une somme ésotérique, interprétant systématiquement chaque détail sous I'angle de la connaissance alchimique. Il est vrai que làrtiste s'exprime par le truchement de figures cryptées. Les innombrables motifs pillulant dans ses æuvres sont conçus à la ?açon d'emblèmes porteurs de sens caché, mais des emblèmes qui auraient pris vie" ' Bien sûr, ie rapport au langage, littéraire ou oral (proverbes, dictons, devises, locutions)' est une des sources essentielles pour liinterprétation; le foin cité plus haut en est un

dence bruxelloise, préfiguraient les futurs cabinets de curiosité. Le fantasque triptyque y occupait une place de choix. Bosch est ainsi rapproché des milieux humanistes, de la pensée d Érasme et de Thomas More' fe Iaidin des délices serait, comme LUtopie de More, une vision de ce que le monde pourrait être, s'il navait été corrompu par ie MaL Récusant fidée d'une < collection de devinettes > chez Bosch, lâuteur focalise sur la pratique artistique elle-même, ou se font

Puis ou musée du Prodo, ù Modr' de juin ù sePtembre. Elle foit Pot des nombreuses monif estotions sous le Iobel ( JHERONIMUS 805

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Lidée d'un Bosch hérétique n'est pas soutenable. Et I'interprétation négative' classiquement chrétienne, du délicieux

du contenu et ouvre à la peinture ce nouvel espace de liberté où elle devient un art au même titre que Ia Poésie >'

2015 (276 pp.,74 O. - eosÈx. dianotu DEs DÉLlcEs, P Belting, éd. Gqllimord' 2005 (125 P

lardin,pas davantage. Alors? Ces dernières décennies, d'autres directions ont été pro-

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exemple, entre mille.

posées. Celle de Hans Belting, notamment,

èst passionnante. D'abord, le commanditairè est identifié à Henri III comte de Nassau-Breda, dont les collections, dans sa résiMARS

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de nouveaux enjeux: o tambivalence langage pictural surpasse ici l'énigme-

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CONNAISSANCE DES ARTS MARS 2016

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