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provinces et les territoires
from La santé des Autochtones dans les politiques et les systèmes de santé fédéraux, provinciaux et terri
by NCCIH-CCNSA
approche holistique et sécuritaire sur le plan culturel qui inclurait les déterminants de la santé des Autochtones; qu’elle aborde le racisme anti-autochtone et la discrimination afin de susciter la création d’environnements sécuritaires où chercher et obtenir des soins; que les Autochtones aient davantage de contrôle sur la santé et les structures de prestation de soins en vue de l’atteinte de l’autonomie gouvernementale et qu’un soutien accru soit offert aux communautés; et que des mesures gouvernementales de reddition de comptes soient mises en place (ISC, 2022a). Les répondants ont aussi insisté sur l’importance de relations constructives, du leadership autochtone et de la participation des communautés pour orienter le processus d’élaboration des lois sur la santé, notamment par la prise en compte de la voix des femmes, des enfants et des personnes 2ELGBTQQIA+7 (ISC, 2022a). D’autres événements sont également en cours (ISC, 2022d).
3.3 Compétence fédérale pour les soins de santé et conflits avec les provinces et les territoires
Malgré les interprétations de Cour suprême du Canada (Daniels v. Canada, 2016) et les responsabilités fiduciaires enchâssées dans la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement du Canada maintient sa position voulant que les services fédéraux offerts aux peuples autochtones soient offerts « pour des motifs humanitaires et en tant que politique uniquement » (p. 52), et refuse, par le fait même, de reconnaître ses obligations juridiques et les rejette (Boyer et al., 2021). En vertu de cette perspective, seuls les Premières Nations et les Inuits inscrits vivant sur les territoires traditionnels sont admissibles à recevoir (la plupart) des services de santé financés par le gouvernement fédéral, alors que les Métis, les Autochtones non inscrits, les Inuits et autres vivant en milieu urbain sont considérés comme relevant des compétences des gouvernements provinciaux et territoriaux (Boyer, 2014). Puisque cette responsabilité vient avec peu de directives ou de soutien offerts par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires en viennent rapidement à contester les responsabilités financières associées à ces soins et pour combler les lacunes à cet égard et, dans la plupart des cas, tiennent le gouvernement fédéral comme responsable des soins de santé des membres des Premières Nations en vertu de la Loi sur les Indiens (Boyer, 2014). Les différences juridiques et la faible reddition de compte émanant du gouvernement du Canada dans le cadre de son rôle pour la santé des Autochtones constituent un terreau fertile à la confusion en matière de compétences, aux ambiguïtés et aux conflits qui, à maintes reprises, ont grandement mis en péril l’accès équitable aux soins (Boyer, 2014; Boyer et al., 2021; Nguyen et al., 2020; Palmer et al., 2017; Sinha et al., 2022). Même si sa portée est limitée, le principe de Jordan constitue une réponse efficace aux ambiguïtés en matière de compétences qui affectent les enfants autochtones. Le principe de Jordan a été adopté en 2007 à la suite de la motion d’initiative parlementaire no 296. Il s’agit d’un principe de l’enfant d’abord, qui a pour but « d’empêcher que les enfants des Premières Nations se voient refuser des services publics disponibles pour tous les autres enfants en raison de différends liés au paiement de ces services » entre des gouvernements (Blackstock, 2012, p. 368). Ce principe a été adopté à la suite du décès de Jordan River Anderson, de la nation crie de Norway House. À l’âge de 2 ans, Jordan River Anderson a été hospitalisé inutilement pendant deux ans en attendant la résolution d’un conflit où les gouvernements se renvoyaient la balle quant à la responsabilité du financement de ses soins à domicile. Jordan est décédé pendant cette période d’attente et n’a jamais pu passer du temps dans sa communauté (Blackstock, 2012). Un programme similaire, l’initiative Les enfants inuits d’abord a aussi été mise sur pied pour soutenir les enfants inuits et répondre à leurs besoins en matière de santé, de services sociaux et d’éducation tels que définis par une organisation inuite de revendication territoriale (ISC, 2020). Aucun programme fédéral pour les enfants métis et des Premières Nations non inscrites n’a encore été mis sur pied.
On a tenté depuis d’enchâsser le principe de Jordan dans une loi afin de fournir une structure et de définir les responsabilités qui permettront de déployer pleinement ce principe à l’échelle nationale. Le projet de loi C-249
7 2ELGBTQQIA+ : se dit des personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement, intersexuelles ou asexuelles.
émanant d’un député, Loi sur la protection de la santé des enfants des Premières Nations (Loi visant à assurer la prestation de services de soins de santé appropriés dans les meilleurs délais aux enfants des Premières Nations), a été déposé à la Chambre des communes en 2009, mais ne s’est pas rendu jusqu’à la deuxième lecture. À l’échelle provinciale, au Manitoba, les projets de loi 203 et 233, émanant eux aussi de députés et intitulés Loi sur la mise en œuvre du principe de Jordan, ont été déposés en 2008; ni l’un ni l’autre n’ont toutefois franchi l’étape de la deuxième lecture à l’Assemblée législative (Nathanson, 2011). Bien qu’il soit fréquent que les projets de loi déposés par des députés ne deviennent pas des lois, les projets de loi C-249, 203 et 233 sont quand même parvenus à retenir l’attention à l’échelle nationale et à susciter l’intérêt du public sur cette question et ont ouvert la voie à des discussions intergouvernementales et à des accords sur les moyens d’appliquer efficacement le principe de Jordan8 (Nathanson, 2011). Depuis, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (SSEFPNC) et l’Assemblée des Premières Nations ont fait pression et travaillé pour améliorer les critères d’admissibilité pour l’utilisation et les types de services, et obtenir une répartition équitable des fonds et des ressources pour soutenir les enfants des Premières Nations par le biais d’une série d’ordonnances réparatoires du Tribunal canadien des droits de la personne (ISC, 2021d). Récemment, le Tribunal a estimé que « la définition du Canada et l’application du principe de Jordan sont inadéquates et excessivement étroites, ce qui entraîne des lacunes discriminatoires, des retards et des refus de services pour les enfants des Premières Nations » (FNCFCSC et al. c. Attorney General of Canada, 2020).
En janvier 2022, le gouvernement du Canada, la SSEFPNC, l’Assemblée des Premières Nations et d’autres organisations autochtones se seront réunis pour discuter d’une « résolution globale » et pour offrir une compensation aux personnes touchées par le sous-financement discriminatoire et par l’administration du principe de Jordan tel que l’applique le gouvernement fédéral (ISC, 2022c). Une compensation a été offerte aux personnes que l’on a retirées par erreur de leur domicile pour leur fournir des soins ou à qui on a refusé des soins ou on les a fournis en retard en raison de la définition étroite du principe de Jordan adoptée par le gouvernement. Au moment d’écrire ces lignes, d’autres efforts étaient déployés pour éliminer entièrement ces mesures discriminatoires (ISC, 2022c); il reste toutefois beaucoup de travail à faire. Un récent rapport sur la mise en application du principe de Jordan au Manitoba révèle que les retards dans la prestation de soins persistent et que le retrait des enfants de leur foyer et de leur famille dans le cadre d’ententes volontaires de placement est en train de devenir la norme pour l’accès aux services dont ces enfants ont besoin (Sinha et al., 2022). Cette pratique fait non seulement en sorte que ces jeunes doivent passer par le système de protection de l’enfance pour recevoir les soins dont ils ont besoin, mais a aussi des répercussions disproportionnées sur les enfants de diverses
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8 Le dépôt d’un projet de loi émanant d’un député est un mécanisme courant utilisé par les acteurs politiques pour affecter indirectement les résultats des politiques en attirant l’attention et en favorisant la discussion sur des enjeux particuliers (Blidook, 2010).