Mémoire du DNSEP - Extraits - 2018

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LUMIÈRE

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MÉMOIRE DNSEP

OPTION DESIGN Nesrine Merzougui 5


SOMMAIRE

POURQUOI LA LUMIÈRE A BESOIN DE L’OBSCURITÉ

LUMIÈRE ET SPIRITUALITÉ

Sensibilité personnelle

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12

éclairages d’ambiance

24

L’alchimie de la lumiere en islam

32

• Lumière, symbolique dans l’architecture de 34

• Architecture dans le sud de l’Algérie

44

Louis Kahn

46

48

« Focal glow », « Ambient luminescence » 12

• Une approche contemporaine des

l’Islam

Jun’ichiro Tanizaki

Lumière et architecture

• Temples anciens et usages de la lumière

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LUMIÈRE ET ARCHITECTURE

Lumière et ambiances dans les édifices sacrés

Kirstine Roepstorff

38

6

et « Play of the brilliants »

50

Activity needs et Biologicial needs

52


AMBIANCES LUMINEUSES

LUMIÈRE DANS LES ARTS

Brève histoire des ambiances lumineuses

94

60

Conception des ambiances lumineuses

95

G.R.A.V.

62

Le concepteur lumière

97

Gyorgy Kepes

64

Ann Veronica Janssens

65

James Turrell, couleurs et perception

68

Loie Fuller

58

Dan Flavin

59

Olafur Eliasson

LUMIÈRE NATURELLE ET ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL

PERCEPTION SENSORIELLE

Ambiances lumineuses et cultures

104

• Caractéristiques de la lumière naturelle 74

Lumière et couleurs

106

• Types d’éclairages naturels

77

Lumière artificielle

84

Influence de la lumière sur la santé

110

• Types d’éclairages artificiels

86

Lumière naturelle

72

• Gestion et contrôle de l’éclairage artificiel

89

Le passage de la lumière naturelle à la lumière artificielle

90

7


8


D

es lumières qui m’ont marquée, des notions de bases en éclairage, des œuvres et ambiances lumineuses qui m’ont influencée, des dimensions auxquelles je suis sensible, des aspects qui ont suscité mon intérêt… 5


POURQUOI LA LUMIERE ?

6


N

ombreux sont les souvenirs liés à

Lumière, éclairage, ambiances lumineuses, perception, spiritualité, lieux de culte...

une lumière captivante que je porte gravés dans ma mémoire depuis

ma tendre enfance, mais ce n’est qu’à travers le travail de recherche que j’ai mené durant mes études en architecture, et qui portait sur l’éclairage muséographique, que j’ai pris conscience des capacités de cette matière éthérée et éphémère à remodeler l’espace, et à en créer un autre, à créer une manifestation physique et un effet viscéral sans même avoir de propriétés physiques palpables. Une matière capable d’octroyer un esprit à toute architecture, à affecter biologiquement l’homme, à provoquer des émotions, etc.

Tout cela m’amène donc à vouloir

aborder la thématique de la lumière pour mon projet de diplôme. Désireuse de m’inscrire dans la continuité de mes travaux et recherches antérieures, j’ai entrepris d’appro-

J’ai depuis nourri un fort intérêt

pour la scénographie en raison de sa richesse et de son aspect pluridisciplinaire, mais plus particulièrement pour celui de la conception lumière, qui est devenue un domaine vers lequel je souhaiterais y orienter ma carrière future. Aborder la lumière et l’éclairage comme des éléments structurants du projet, appréhender la lumière comme une ressource, une matière première et apprendre à en maîtriser

fondir mon travail tout en lui offrant une orientation différente afin de pouvoir le nourrir davantage. Je cherche dans ce mémoire à dépeindre la lumière de façon à la fois sensible et sensorielle, mais aussi d’un point de vue technique, à travers une synthèse des bases de la conception lumière et des ambiances lumineuses de façon générale, et à travers une lecture sensible de ces derniers dans les lieux de cultes en particulier.

les effets de façon à mieux « servir » l’architecture, et à raconter des histoires de personnes et de choses en ayant recours aux jeux d’ombres et de lumières.

« Without light, there’s no space » Robert Wilson1

1 « Sans lumière, il n’y a pas d’espace ». LA FERLA RUTH. Robert Wilson Puts on a Show. 2017. The New York Times [en ligne]. 2017. Disponible sur : <https://www.nytimes.com/2017/11/03/style/robert-wilson-van-cleef-arpels.html>

7


LUMIÈRE ET SPIRITUALITÉ

8


« Le désir des moines et des mystiques n’est pas différent de celui des artistes: percevoir l’extraordinaire dans l’ordinaire en changeant non le monde mais les yeux qui le regardent ... Former l’intention d’une nouvelle conscience c’est déjà transformer et être transformé. » Jane Hirshfield2

2 Popova Maria. Poetry and the Revolution of Being: Jane Hirshfield on How Great Art Transforms Us. 2017. Brainpickings [en ligne] . Disponible sur : <https://www.brainpickings.org/2017/10/02/jane-hirshfield-ten-windows-poetry/.>

9


« Il y a des liens évidents entre la manière dont se manifeste à nous la lumière physique, celle à laquelle sont sensibles nos yeux, et la lumière cosmique, celle à laquelle est sensible notre âme. »

L

ES ÉTINCELLES d’un cierge ma-

etc. Elle aura permis aussi bien aux philo-

gique à la veillé du Mawlid, à Alger.

sophes, aux hommes religieux, aux savants,

La lumière éthérée d’une mosquée

ou aux artistes de tous bords d’illustrer une

au Maroc. La lueur vacillante d’un cierge

certaine vision (du monde), qu’il s’agisse de la

dans une cathédrale gothique à Paris. Les

lumière du soleil, de la lune, des étoiles, ou

faisceaux au travers d’un Jali en pierre de

des aurores.

taille dans un mausolée Soufie à Ahmedabad. Un soleil qui lorgne sur une cour à Tu-

« Les lieux saints ne sont pas relatifs aux

nis. L’éclat d’une lampe à huile dans un

hommes religieux. Même l’homme non reli-

temple bouddhiste, ou l’obscurité d’un

gieux a des lieux saints relatifs à ses souve-

sanctuaire Taoïste en Chine. Le sol d’une

nirs personnels. » Eliade3

basilique frappé de lumière teintée par des vitraux à Varsovie, ou les flemmes des bougies d’un Hannukah à Marseille…

Ce chapitre vise à introduire le lec-

teur à mes propres préoccupations, rattachées à la spiritualité et à la symbolique de la

lumière en Islam, mais également aux rela-

Étant moi-même croyante et sen-

tions passées ou actuelles entre les am-

sible à toute forme de spiritualité, j’ai désiré en

biances lumineuses, les édifices sacrés et les

faire mention dans mon mémoire, la lumière

pratiques religieuses de divers cultes, en of-

ayant une symbolique forte dans toutes les

frant une lecture sensible de certains bâti-

religions, et les ambiances lumineuses de-

ments, et cela, de manière volontairement

meurant aujourd’hui encore un élément fort de

simplifiée. J’ai également profité de mon ré-

la liturgie, avec un pouvoir symbolique et sug-

cent séjour à Alger pour alimenter mon travail,

gestif ayant très tôt été étroitement lié à la cé-

notamment en me rendant dans certains lieux

lébration des cultes, la lumière étant liée à la

importants de la capitale, et en m’entretenant

divinité et à la sainteté dans de nombreuses

avec des personnes susceptibles de nourrir

religions différentes. N’excluant pas le fait que

mon propos.

la lumière puisse parfaitement revêtir une dimension spirituelle dans un lieu ou contexte profane, à l’instar des œuvres d’un James Turrell, d’un Olafur Eliasson, ou d’une Loie Fuller,

3 BENFERHAT Mohamed Ladaoui. Symbolisme De La Lumière Naturelle Dans L’architecture Des Mosquées. Cas d ’étude : le Mzab [en ligne]. Thèse Master. Biskra: Université Mohamed Khider Biskra, 2010. Disponible sur : <http://thesis.univ-biskra.dz/1121/>

10


Sarkhej Roja, Ahmedabad, Inde, (Auteur) Temple Wuyou, Leshan, Chine, (Auteur)

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LUMIÈRE ET AMBIANCES DANS LES ÉDIFICES SACRÉS

C

omme cité précédemment, l’usage de la lumière permet de susciter des émotions diverses, et les religions ont utilisé ces expériences ou sensations afin de transmettre les aspects mystiques de leurs divinités respectives avec des édifices érigés dans ce sens,

à travers la matérialisation de cette lumière qui permet d’une certaine façon de faire exister le spirituel dans l’espace et de servir l’idée fondatrice du projet et d’en exprimer le sens.

TEMPLES ANCIENS ET USAGES DE LA LUMIERE

Dans le Christianisme, la Bible parle

Ces édifices sont souvent dotés de petites

de Dieu qui «est lumière» ou Christ comme «la

ouvertures latérales, offrant une lumière tami-

lumière du monde». Même si la lumière divine

sée. Les toiles enduites y créent une am-

et la lumière visible ne sont pas les mêmes, la

biance douce, de faible luminosité, animée et

lumière visible apparaît comme la plus proche

rehaussée par la flamme des cierges.

du céleste et relie ainsi les deux sphères. Chaque époque a formé un nouveau langage de la lumière: la lueur de l’abside romane, le miroitement d’or des mosaïques byzantines ou les murs lumineux du vitrail gothique. L’art Roman

Le culte des reliques et l’essor des

pèlerinages ayant débuté au XIe siècle a contribué à l’expansion de l’architecture Romane. Les églises gagnent en monumentalité afin d’accueillir les fidèles attirés par les reliques saintes qu’abritent ces lieux de culte.

Plafond de la chapelle Sixtine Fresque de Michel-Ange, 1508–1512 Basilique Notre-Dame de la Garde, Marseille, France (Auteur)

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Abbaye Cictercienne

L’architecture se caractérise par un dépouillement total, et c’est ici la lumière qui vient

jouer le rôle de l’ornementation. Pénétrant par des percées murales réduites, elle vient sculpter et rehausser l’espace et sa pierre, lui octroyant son dynamisme et sa vie. Cette lumière tranchante s’exalte au lever et au coucher du soleil, heures les plus importantes de l’office du jour.

Abbaye du Thoronet, France, 1157

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Sainte Chapelle, Paris, France. Pierre de Montreuil, 1248

Les églises Gothiques

Le mariage de la conception des volumes et de l’usage des voûtes d’ogives distingue

les églises gothiques des églises romanes. Ces nervures diagonales, ou croisées d’ogives, ont permis de dématérialiser les murs en les réduisant à une ossature ponctuelle. La particularité de ces églises résidait dans leur élévation et dans l’audace des flèches qui plongent dans le ciel. On fait entrer la lumière en grande quantité au travers des baies de larges dimensions, décorées de vitraux qui rythment la nef centrale. Les chapelles latérales, plus sombres, sont éclairées par des cierges, créant une lumière plus faible et localisée.

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Réforme Protestante

La réforme protestante de Martin Luther marqua le 15ème siècle. Celui-ci a traduit le

Nouveau testament en allemand, et aura permis à un plus large public de lire le texte, qui était souvent le seul livre que l’on possédait, et ayant souvent servi d’amorce pour l’apprentissage de la lecture aux enfants, et c’est l’avènement de l’imprimerie qui vint cristalliser cette réforme dans son ensemble. La réforme affecta l’art et l’architecture des églises protestantes, qui étaient désormais aniconiques. Cette réforme, ainsi que l’exhortation à la lecture des textes sacrés affecta considérablement l’architecture religieuse de l’époque. Les églises étaient devenues plus lumineuses et témoignèrent de la disparition des vitraux colorés, comme l’illustre La Frauenkirche (église Notre-Dame) de Dresde, construite entre 1726 et 1743, dotées des nouveaux concepts de l’architecture Baroque, à savoir une construction aniconique de type basilique, dépourvue de décors religieux, de statues et autres représentations figuratives. La Frauenkirche «église Notre-Dame», Dresde, Allemagne

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SynagogueOhr Torah, Djerba, Tunisie 1955

Les Synagogue

Il y a un mandat dans le Talmud de Jérusalem selon lequel « une synagogue devrait

avoir une grande lumière ». L’utilisation de la lumière comme expression symbolique de l’aspect positif de la réalité est si importante dans la tradition juive, que la rédemption, la justice, la vérité et la paix « rayonnent », et c’est à travers la révélation de la lumière, que celle-ci se dévoilent. Cette expression ne se limite pas qu’au langage, et est représentée de façon concrète à travers l’utilisation de la lumière et des lampes, venant refléter l’essence de la sainteté sous ses différentes formes. Dans la sainteté du lieu, le temple Menorah, dans le caractère sacré du temps, le jour du Sabbat et des festivals, ainsi que dans la sainteté des évènements et occasions spéciales. L’ambiance lumineuse des synagogues est douce, feutrée, dorée et chatoyante. La pénombre permet de faire dialoguer délicatement la décoration avec la flamme de la bougie, qui joue un rôle essentiel dans la tradition juive. Les fenêtres y sont privilégiées, en raison de l’importance de la lecture des textes. 16


Synagogue Dohรกny Street, Budapest, Hongrie 1859

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Monastère Wenshu, Chengdu, Chine, (Auteur)

Les temples Bouddhiques

Ceux-ci exploitent la lumière diffusée. Le soleil entre rarement dans l’édifice, il est filtré

par de petites ouvertures, comme en Inde ou au Népal, par des cloisons translucides, comme en Chine et au Japon, qui adoucissent l’espace et effacent les ombres portées. L’ambiance lumineuse intérieure y semble irréelle et intemporelle. « Dans les édifices religieux du Japon, les bâtiments sont écrasés par les énormes tuiles faîtières, et leur structure disparait toute entière dans l’ombre profonde et vaste que projettent les auvents. Vu du dehors, et cela est vrai non seulement pour les temples, mais aussi bien pour les palais et demeures du commun des mortels, ce qui d’abord frappe le regard, c’est le toit immense, qu’il soit couvert de tuiles ou de roseaux, et l’ombre épaisse qui règne sous l’auvent. » Jun’ichiro Tani4

zaki

4 TANIZAKI Junichirô. Eloge de l’ombre. Editions Verdier , 2011.

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Monastère Wenshu, Chengdu, Chine, (Auteur) Temple Wuhou, Chengdu, Chine, (Auteur)

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Les mosquées

La mosquée est un lieu de prière, mais

également un lieu d’étude, ou de repos et de recueillement pour les fidèles. Les typologies des mosquées varient en fonction de la période d’édification et de la situation géographique de celles-ci. Elles ont tout au long de l’expansion de l’Islam, intégré des éléments architectoniques propres aux différents territoires, avec des éléments qui leur sont caractéristiques dès l’aube de l’Islam. La lumière en fait partie, et représente un élément essentiel dans l’architecture des mosquées, avec les premières et dernières prières coïncidant avec le lever et le coucher du soleil.

Mosquée Jami Masjid, Ahmedabad, Inde, (Auteur)

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La Grande Mosquée de Damas, Syrie, 715 ap. J.-C. Plan classique (hypostyle)

La mosquée classique (hypostyle), à la configuration introvertie, et que l’on retrouve dans

tout le monde islamique, est dotée d’une salle de prière comportant peu d’ouvertures de grandes dimensions. Ces salles s’ouvrent sur des cours centrales fermées, qui viennent les approvisionner en lumière, alors que la forte luminosité de ces cours intérieurs est atténuée par des portiques et des colonnades. L’ambiance lumineuse y est généralement douce et diffuse. La lumière qui y pénètre par les fenêtres est filtrée par des grilles ouvragées qui permettent également de conditionner l’air extérieur, en raison des chaleurs excessives.

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Mosquée Ibn Tulun, Caire, Egypte, 879 ap. J.-C.

La mosquée classique est illustrée ici

par la grande mosquée de Damas, ainsi que la mosquée d’Ibn Touloun qui, en plus d’être dotée d’une cour à portiques, possède un dispositif similaire aux parcours urbains qui délimitent habituellement les mosquées. Elle possède notamment une cour périphérique qui entoure la salle de prière et la cour intérieure, permettant d’augmenter la quantité de lumière réfléchie vers la salle de prière.

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L’intérieur des mosquées est décoré de lanternes de verres colorés équipées de bougies

et de lampes à huile, ou plus récemment, de lampes électriques. Ces lampes, par centaines, étaient accrochées à l’intérieur et créaient un spectacle scintillant, avec une lumière douce émanant de chacune, mettant en valeur les calligraphies et autres décorations qui ornaient les lampes.

Mosquée Süleymaniye, Istanbul, Turquie , 1558 Exemple du plan Ottoman, qui offre une salle de prière surplombée d’une immense coupole ajourée, à laquelle s’ajoutent des demi-coupoles ou coupolettes.

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UNE APPROCHE CONTEMPORAINE DES ÉCLAIRAGES D'AMBIANCE

Les normes en matière d’éclairage

ont bien entendu évolué, et les éclairages présents dans les lieux de culte, souvent classés monuments historiques qui accueillent un nombre important de visiteurs, sont repensés de façon à répondre aux usages actuels, et au sens qui leur est donné en fonction de l’architecture. Les nouvelles technologies en matière d’éclairage et en lumière artificielle, et la pléthore de possibilités qui en découlent, ont trales, à l’instar du travail d’Armand Zadikian,

donc fini par remplacer les techniques ances-

concepteur lumière qui est intervenu à la cathédrale de Notre Dame de Paris. «L’objectif affiché est de faire des économies pour la maintenance lourde de l’éclairage difficilement compatible avec la forte fréquentation du lieu. Enfin, faire des économies d’énergie au temps de la transition énergétique…»5 Les diverses ambiances lumineuses ont été pensées de sorte à s’adapter aux différents moments et usages de l’édifices.

«Les lampes à incandescence classiques des lustres suspendus des collatéraux intérieurs ont tous été passés en sources à LED blanc chaud. L’époque où les ampoules étaient changées quatre fois par an est révolue.»5 5 Laganier Vincent. Notre-Dame de Paris à l’avant-garde de la conception lumière française [En ligne] Light ZOOM Lumière. 2017.

Disponible sur : < https://www.lightzoomlumiere.fr/realisation/notre-dame-de-paris-avant-garde-de-conception-lumiere-francaise/.>

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Les avancées techniques et technologiques ont également per-

mis d’ériger des édifices aux formes et structures audacieuses, souvent affranchis de limites physiques, comme en témoignent certains des exemples présentés ci-après. L’éclairage d’ambiance au service de la liturgie, réfléchi en amont de la conception, permet donc de s’intégrer à l’architecture, en offrant différentes émotions visuelles.

Murs et plafonds dissous de sorte à laisser passer la lumière divine. L’accès s’y faisant à travers un espace de transition, un tunnel qui permet d’intensifier l’expérience.

Cathédrale de Brasilia, Brésil. Architecte Oscar Niemeyer.

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Church of Light, Japon. Architecte Tadao Ando Une architecture de dualités, où les opposés coexistent. Plein /vide, lumière / obscurité, austérité / sérénité. Un espace dépouillé de toute fioriture, invitant au recueillement. Un espace où l’intersection de la lumière et du solide permet d’élever les consciences.

Chapelle Bruder Klaus Field, Allemagne. Peter Zumthor, 2007

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The Jewish Center à Munich, Allemagne. Architectes Wandel Hoefer Lorch + Hirsch.

Mosquée Al-Irsyad, Indonésie. Architectes PT. Urbane Indonesia.

Capilla del Retiro, Chili. Architecte Undurraga Devés Arquitectos.

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Église Saint-Pierre à Firminy, France. Architecte Le Corbusier

Henry Plummer, professeur d’archi-

tecture et photographe, fasciné par l’architecture de Le Corbusier, aura passé quatre décennies à étudier la lumière de ses différents bâtiments. L’église Saint-Pierre se caractérise par une scénographie en trois actes. Le premier crée, à travers les petites fenêtres « stellaires », des points lumineux sur le sol, qui se transforment plus tard en vagues lumineuses balayant les murs de haut en bas avec le cours du soleil. Des phénomènes générés de façon accidentelle les cylindres en polycarbonates, et qui auront permis d’améliorer le caractère du bâtiment, et donc l’un des aspects les plus surprenants de cet édifice. Viennent ensuite des faisceaux qui frappent les murs. Le temps couvert, quant à lui, offre des voiles lumineux plus doux, ou un halo doré qui apparait au coucher du soleil et qui embrasse le mur de l’autel. Les scènes cosmiques du jour et de la nuit y apparaissent mystérieusement ensemble.

«Au lieu de servir d’outil de persuasion religieuse, comme c’était le cas par le passé, la lumière est devenue une force silencieuse pour résister visuellement et éluder, éroder et éclipser, le mandat de l’Église. La lumière ronge et affaiblit la discipline institutionnelle, tout en exerçant ses propres pouvoirs éblouissants pour attirer l’attention sur le ciel et ses merveilles ordinaires - en utilisant la lumière pour consacrer l’univers naturel ». Henry Plummer6 6 Schielke Thomas. 2015. Light Matters: Le Corbusier and the Trinity of

Light [En ligne]. Archdaily. 2015. Disponible sur : <https://www.archdaily. com/597598/light-matters-le-corbusier-and-the-trinity-of-light.>

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«Je n’ai pas connu le miracle de la foi, mais j’ai souvent connu le miracle de l’espace ineffable.» Le Corbusier7 Couvent Sainte-Marie de La Tourette, France, 1956

7 Steve, DAGGERS Jenny, TOREVELL David. Sacred Space: Interdisciplinary Perspectives within Contemporary Contexts. s.l. :

Cambridge Scholars Publishing, 2009. p. 145

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Cathédrale du Sacré cœur d’Alger, Algérie. Architectes Paul Herbé et Jean Le Couteur

Cette cathédrale m’a frappée par sa structure, la pureté de ses lignes, sa

profondeur et sa distribution ingénieuse de la lumière. Construite en 1956 en plein coeur de la capitale Algérienne, celle-ci est devenue un des plus importants monuments et point de repère de la ville, ayant même donné son nom au quartier.

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31


L'ALCHIMIE DE LA LUMIERE EN ISLAM

É

tant musulmane, j’ai été amenée à travers ma quête, amorcée par les lectures que j’ai pu faire ces dernières

années, ainsi que les questionnements auxquels j’ai pu être confrontée, à me pencher

‫ أن ترى النور داخل قلبك‬, ‫ اإليمان‬ » ‫حتى لو كانت عيناك ال ترى إال‬ « . ‫الظالم‬ * ‫جالل الدين الرومي‬

sur le soufisme. C’est une voie spirituelle et mystique de l’Islam, quintessence de la tradition Islamique, et symbole de « al-ihsân » qui n’est autre que l’excellence de la foi et du comportement. Il nous invite au recueillement et à la maîtrise de l’âme et de son ego, et au détachement de ce monde matériel et éphémère. Considérant que toutes les sagesses

universelles sont comme les chaînons du

Comme

l’a

si

bien

décrite

Burckhardt, la nature de la lumière ne peut

même message Divin, d’une même « Fitra »,

être altérée, ni réduite par sa gradation en

ou nature originelle de l’homme.

clair-obscur, étant une et indivisible. Elle n’est en fait que réfractée en couleurs par les différents éléments avec lesquels elle entre en

La tradition islamique se distingue de

contact, sa réfraction symbolisant l’âme col-

par sa double dimension, ou double nature.

lective. L’obscurité n’est visible que par son

L’exotérique et l’ésotérique, l’aspect extérieur,

opposition à la lumière, de même que le néant

et l’aspect intérieur. Le religieux, théologique,

n’existe qu’à travers son illusoire opposition à

formel, et le spirituel, métaphysique, essentiel.

l’Être. La contemplation de la lumière étant

« L’intérieur se distingue de l’extérieur au même

synonyme de l’aboutissement d’une dé-

titre que la contemplation directe des réalités

marche spirituelle, qui n’est autre que la

spirituelles se distingue de l’observance des lois

connaissance de l’illumination, et de Dieu

qui les traduisent dans l’ordre individuel en rap-

(ma’rifa). Une lumière théophanique qui est le

port avec un certain cycle de l’humanité. »

reflet de la sagesse.

* « La foi, c’est voir la lumière avec votre cœur, lorsque vos yeux ne voient qu’obscurité. » Djalâl ad-Dîn Rûmî

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33


LUMIÈRE, SYMBOLIQUE DANS L'ARCHITECTURE DE L'ISLAM

L

’ARTISTE MUSULMAN dispose de

d’une cour centrale sur laquelle ils s’ouvrent,

trois moyens lui permettant d’expri-

et qui leur procure leur lumière, lumière qui ne

mer le principe de « l’unicité », ou de

pénètre que timidement à travers les petites

« l’unité de l’existence » (wahdat al-wujud),

ouvertures latérales donnant sur l’extérieur.

qui représente pour les soufis le seul et même souffle d’Allah ; le Vivant universel,

« L’architecture musulmane transforme la pierre en lumière, qui à son tour, se transforme en cristaux » Titus Burckhardt8

la Grande Vie ; qui anime l’univers entier. Cette unité de l’existence est matérialisée à travers la géométrie, qui la manifeste dans l’ordre spatial, le cercle en étant le symbole le plus évident, comme image d’un tout infini. Le rythme qui la traduit dans l’ordre temporel et spatial de façon indirecte, comme à travers l’arabesque. Et enfin la lumière qui est aux formes visibles ce que l’Être est aux existences limitées. La configuration des mosquées diffère de celle des églises, ou autres édifices sacrés, et présente une architecture souventintrovertie. Ses espaces s’organisent autour

Couloir de la Cour des Lions. Stucs et arabesques de l’art Nasride au palais de l’Alhambra, Grenade, Espagne

8 BURCKHARDT Titus. Le langage de l’art islamique. in: L’Art de l’Islam. Sindbad, 1999. p. 128

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Salle de prière de la mosquée Jami Masjid, vue à partir de la cour, Ahmedabad, Inde, (Auteur)

L’exemple de La Cour des Lions de l’Ahlhambra

reflète majestueusement la façon dont la pierre est savamment transformée en « vibrations de lumière ». « …la finesse des colonnes qui semblent nier la pesanteur, le scintillement des toits de faïence verte, jusqu’aux jets d’eau de la fontaine: tout contribue à cette impression. »8

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L’architecture Iranienne, et particulièrement ses mos-

quées édifiées sous l’emprise de la lumière, aura été de celles qui m’ont le plus séduite lors des cours d’histoire critique de l’architecture. J’étais fascinée par ses structures imposantes, la complexité de ses muqarnas, les entrelacs continus des arabesques et des calligraphies ornant ses façades et ses murs, l’étendu de son bleu qui vient nous rappeler l’immensité du ciel, ou sa lumière capable d’envoûter aussi bien croyants que profanes…

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Muqarnas du Mihrab de la mosquée du Sheikh Lotfollah à Isfahan, Iran. Image: David Stanley

Mosquée Nasir-ol-Molk, Chiraz, Iran. Architectes Muhammad Hasan-e-Memar et Muhammad Reza Kashi Paz-e-Shirazi. 1876 à 1888

Mosquée et mausolée Shah Cheragh, « Roi de la lumière », Chiraz, Iran

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ARCHITECTURE DANS LE SUD DE L’ALGÉRIE

L

E CHOIX PORTÉ SUR L’ARCHITEC-

« J’ai vu dans le M’Zab à la fois la rigueur que j’aimais chez Perret, dont j’étais l’élève, et les formes exaltantes que l’on trouve chez Le Corbusier, en moins rigoureux.»

TURE DU SUD DE L’ALGÉRIE se justifie de par l’importance de la dimen-

sion spirituelle en ses lieux. On y retrouve des lieux à la matérialité fragile, voire presque absente, comme à Djanet ou Timmimoun. Les lieux de culte mozabites sont

9

André Ravéreau

d’ailleurs souvent décrits comme riches sur le plan de la symbolique de la lumière, ce qui m’a été confirmé par mon amie Ikram, architecte spécialisée en architecture de terre, et avec laquelle j’ai pu m’entretenir sur le sujet. Les espaces sont souvent dotés de peu d’ouvertures et de vues sur l’extérieur, renforçant ainsi l’aspect contemplatif et le caractère d’introversion en leur sein. Un état atteint à travers le vide contemplatif, qui libère l’esprit de toute abstraction.

Richesse et simplicité dialoguent au

sein de l’architecture mozabite. Le traitement des ouvertures aura été, pendant des siècles, tributaire d’une luminosité intense qui caractérise ces latitudes, dans un contexte géographique marqué par l’aridité et d’importantes vagues de chaleurs. Un grand soin y est apporté aux ouvertures et embrasures qui permettent à la lumière de pénétrer dans ces espaces, mais également de répondre aux 9 Le M’Zab, une leçon d’architecture, Paris, Sindbad, 1981 (nvelle édition : Arles, Actes Sud / Sindbad, 2003)

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besoins en ventilation. Contrairement aux régions nordiques qui ne bénéficient que très peu de cette chaleur et de cette lumière, faisant des ouvertures l’une des préoccupations constructives majeures, comme en témoigne le gothique.

La rudesse de ce contexte a amené

les mozabites à ne produire que ce qui répond à leur besoins primaires, résumant leur architecture à des espaces dépouillés et dépourvus d’ornementation.

Les mosquées

Une cour à arcades entoure la mos-

quée. Les arcs, faits de la palme du palmier dattier, viennent rythmer l’intérieur de la salle de prière. Les angles des piliers s’arrondissent pour faciliter le passage de la lumière. Les formes organiques du sol soulignent comment ce dernier a épousé le dénivelé du site. Le revêtement à la chaux vient, quant à lui,

Mausolée de Sidi Brahim El Atteuf, Ghardaia, Algérie

réfléchir la lumière, qui ne pénètre que timidement dans l’espace.

Cette architecture vernaculaire aura

eu un fort impact sur certains architectes occidentaux, tel que André Ravéreau, qui s’appliquera à transcrire son ingéniosité dans le langage de l’architecture moderne.

Oasis Rouge, Timimoun, Adrar, Algérie. Photos : Ikram Hamdi Mansour

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POURQUOI LA LUMIÈRE A BESOIN DE L’OBSCURITÉ 40


« Nous trouvons la beauté non dans la chose elle-même, mais dans les motifs des ombres, la lumière et l’obscurité, qu’une chose contre une autre crée ... S’il n’y avait pas d’ombres, il n’y aurait pas de beauté. » Jun’ichiro Tanizaki

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KIRSTINE ROEPSTORFF

I

NFLUENZA. theatre of glowing darkness, une installation de l’artiste Danoise, Kirstine Roepstorff, présentée à la 57ème biennale

de Venise.

Je pourrais parler de lumière encore

une fois, mais je citerai cette fois-ci une expérience qui m’aura particulièrement transcendée par son absence. Une immersion dans l’obscurité totale qui se dissipait par moments. L’installation combinait pénombre, projections lumineuses, verres et sons, et offrait une nouvelle perspective en nous invitant, à travers un dialogue, à embrasser cette absence de lumière qui réside en nous et qui nous submerge parfois, à y voir une force de guérison, un catalyseur à notre renouveau, une mort nécessaire à notre renaissance. Cela faisait écho à mes propres doutes, à mon propre égarement… La lumière n’y était visible que ponctuellement, à travers de faibles lueurs ici et là, avant de finir par nous frapper de ses innombrables scintillements, signe d’une épiphanie, d’une délivrance tant espérée...

42


La notion d’ouverture est présente dans l’œuvre de

l’artiste à travers l’ouverture du pavillon, qui se retrouve affranchi de ses limites physiques, conjuguant intérieur et extérieur, culture et nature, national et étranger, l’art et la vie. (Ce geste d'ouverture éclaire tant la continuité entre de telles notions prétendument contrastées que les points de départ ouverts par la dissolution des limites de la forme par l'obscurité.)

“ There’s a crack in everything, that’s how the light gets in ” Leonard Cohen

43


JUN'ICHIRO TANIZAKI

Je me suis empressée de me plon-

ger dans les écrits de cet auteur, après qu’un ami m’ait vivement conseillé de lire L’éloge de l’ombre, en apprenant que ma recherche portait sur la lumière. Le registre métaphorique de l’ombre a depuis fort longtemps, tel que dans l’allégorie de la caverne de Platon, été employé de sorte à dépeindre les aspects négatifs ou sombres de la vie, en oubliant souvent que ces ténèbres nous permettent de révéler l’importance de la clarté de la lumière.

Cette volonté continue d’un occi-

dent industrialisé, de toujours vouloir repousser les limites de l’obscurité, vient contraster avec les normes esthétiques japonaises qui embrassent joliment et de façon saisissante cette pénombre tant réprouvée.

« Mais ce que l’on appelle le beau n’est d’ordinaire qu’une sublimation des réalités de la vie, et c’est ainsi que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré, mal gré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l’ombre. » Jun’ichiro Tanizaki4 4 TANIZAKI Junichirô. Eloge de l’ombre. Editions Verdier , 2011.

44


Tanizaki nous offre l’exemple des la-

ques, dont la beauté et la profondeur ne peut être révélée que par une lumière douce, comme celle de la lueur d’une lampe à huile ou d’une chandelle. Ces laques aux dorures abondantes étaient en réalité travaillés par des artisans qui les destinaient à une lumière faible, et qui viendrait délicatement détacher les détails de l’objet de l’obscurité ambiante.

Le toko no ma est une métaphore de l’esprit, ou de l’âme, abrité par l’architecture de la maison japonaise, qui symbolise quant à elle le corps

45


LOUIS KAHN « L'ombre n'est pas l'absence de lumière, mais le résultat de son interaction avec le matériau, l'ombre appartient

L

a réflexion portée sur l’ombre et la lumière dans l’architecture de Louis Kahn s’inscrit dans son cadre philo-

sophique. Il perçoit la lumière comme créa-

donc à la lumière »10

trice de matière, le but de la matière étant de projeter une ombre. Il considère égale-

ment que le plan d’un bâtiment doit être lu

Son architecture, même dans les

pays à l’exposition solaire extrêmement éle-

comme « une harmonie d’espaces dans la

vée, comme l’Inde ou le Pakistan, n’est pas

lumière »14. Il définit ses espaces par leur

conçue de sorte à protéger du soleil, mais da-

structure et le caractère de leur lumière na-

vantage à protéger le caractère sacré de

turelle, qui est parfois nécessaire à la révé-

l’ombre. Cette dernière lui inspire un profond

lation de l’étendue de l’obscurité d’un es-

mystère, étant associée à l’évocation du si-

pace, à l’aide d’une lumière indigente

lence. « L’extérieur appartient au soleil et à

pénétrant par une ouverture mystérieuse.

l’intérieur les gens vivent et travaillent. Afin

L’ombre est donc tributaire de la lumière.

d’éviter la protection contre le soleil, j’ai inventé l’idée d’un intrados profond qui protège l’ombre fraîche. » Particularité de l’institut indien de management et ses grandes portes et fenêtres, ne croyant pas à l’ombre artificielle, comme celle générée par les « brise-soleils ». Il serait donc du ressort de l’architecte d’évoquer ce silence et le mystère émanant de Institut indien de management, Ahmedabad. Photo: Laurian Ghinitoiu. Yale University Art Gallery, 1954. Photo: Lionel Feininger.

46


l’obscurité, même si celle-ci peut susciter un sentiment d’insécurité, ou d’incertitude.

« Toute la matière dans la na-

L’approche de Kahn relative à

ture, les montagnes et les ruis-

l’ombre a inspiré bon nombre d’adeptes, et

seaux et l’air et nous, sont faits

prend le contre-pied de l’architecture d’au-

de lumière qui a été dépensée,

jourd’hui, qui vise à concevoir des icônes dy-

et cette masse froissée appelée

namiques et lumineuses. J’ai également trou-

matière projette une ombre, et

vé cette approche porteurse d’autant de

l’ombre

sensibilité que les écrits de Tanizaki.

appartient

à

mière. »10

10 Stott Rory. 2018. Spotlight: Louis Kahn [en ligne]. Archdaily. 2018. Disponible sur : <https://www.archdaily.com/334095/

happy-112th-birthday-louis-kahn.>

47

la

lu-


« Architecture appears for the first time when the sunlight hits a wall. The sunlight did not know what it was before it hit a wall. » Louis Kahn*

La lumière

est

omni-

Au-delà de l’aspect quantitatif ou

présente

technologique de la lumière, devant répondre

dans notre vie, et ses répercussions sur cette

à certains critères ou normes, comme les ni-

dernière sont multiples, qu’il s’agisse de la

veaux d’éclairement requis à l’accomplisse-

perception de ce qui nous entoure, de notre

ment de certaines tâches, celle-ci revêt une

cycle circadien, de notre organisme ou même

dimension plus abstraite et s’en trouve per-

de notre bien-être psychologique, etc. Cette

çue et interprétée de façon personnelle et

lumière, qui peut être naturelle ou artificielle,

subjective. Diverses sont d’ailleurs les re-

est un élément autour duquel s’articule notre

cherches et réalisations qui se penchent sur

quotidien au fil des journées et des saisons.

l’impact biologique et émotionnel de la lu-

Elle nous accompagne dans nos tâches de

mière sur l’individu. Il est davantage question

tous les jours, au bureau, sur nos routes, par-

d’offrir un aperçu qualitatif des ambiances

ticipe à la signalétique, anime nos festivités

lumineuses et de leur perception, en se déta-

et loisirs, met en valeurs des œuvres dans les

chant des contraintes d’un éclairement uni-

musées en les protégeant, permet de doter

forme comme critère central des études

l’architecture d’un cachet et d’une âme parti-

d’éclairage. À noter que l’éclairage renvoie ici

culiers, etc.

aux diverses utilisations de la lumière.

* «L’architecture apparaît pour la première fois lorsque la lumière du soleil frappe un mur. La lumière du soleil ne savait pas ce que c’elle était avant de frapper un mur.»

48


LUMIÈRE ET ARCHITECTURE

49


LUMIÈRE DANS LES ARTS

50


L

A LUMIÈRE ne se limite pas qu’à l’architecture et envahit le monde artistique. James Turrell, Olafur Eliasson et autres pionniers

et « artistes de la lumière » qui en font leur principale matière, ont réussi à captiver l’attention du public à travers des œuvres qui incarnent une présence physique, des installations immersives invitant à la contemplation de l’espace et de la lumière. Ils manipulent cette dernière à la fois comme sujet et médium dans ses nombreuses formes changeantes, et réussissent à changer le paradigme de la perception et de l’appréhension d’une œuvre d’art.

51


LOIE FULLER

S

urnommée la « Fée Eléctricité », Loïe Fuller aura marqué son époque à travers ses innombrables innovations en matière d’éclairage et de dispositifs scéniques, ses expérimentations sur les effets de la lumière et des couleurs sur les tissus, ainsi que

la colorimétrie et les variations de couleurs. Elle est considérée de ce fait, par certains, comme la première éclairagiste scénique. Elle aura été indissociable du mythe de Paris « Ville Lumière » et de l’engouement pour le progrès scientifique et technologique ayant caractérisé cette époque.

(À gauche) Poster La Loie Fuller, Jules Chéret, 1893 Pied de lampe, F.R. Larche F.R. Larche, 1901

« En transcendant le corps pour atteindre une dimension spirituelle où le quotidien est transfiguré par la beauté de l’art, Loïe Fuller devient la muse de l’Art nouveau et des symbolistes »

52


DAN FLAVIN

«untitled (in honor of Harold Joachim) 3», 1977 Chiesa di Santa Maria Annunciata, Chiesa Rossa, Milan, Italie

D

an Flavin a réussi à extirper des tubes fluorescents à leur fonction utilitaire, et à les intégrer dans le monde

de l’art, à travers des installations minimalistes et peu bavardes, qui se renouvellent en fonction de l’espace dans lequel elles se déploient. Les couleurs se mélangent parfois pour venir caresser les différentes parois, créant un espace poétique, aux allures presque oniriques. J’ai trouvé le travail de cet artiste captivant en raison de la richesse qui réside dans sa simplicité.

53


OLAFUR ELIASSON « Comment configurons-nous la relation entre notre corps et l’espace ? »

P

installations

le reflet de l’espace en dessous. Ce qui

m’ayant interpellée il y a un certain

semble être un soleil n’est en réalité qu’une

nombre d’années de cela, je citerai

composition semi-circulaire comprenant des

The Weather Project d’Olafur Eliasson, qui

centaines de lampes mono-fréquences qui,

est l’une des innombrables installations im-

une fois reflétée, produit une sphère d’éclat

mersives de l’artiste. Une installation à

éblouissant reliant l’espace réel au reflet. La

l’échelle frappante. Donnant l’illusion de ce

particularité de ces lampes, généralement uti-

soleil ayant pénétré l’espace et dominant

lisées dans l’éclairage public, réside dans

toute l’étendue de ce dernier.

l’émission de la lumière qui se fait à une fré-

On peut y percevoir une brume qui s’accu-

quence si étroite que seules les couleurs

mule pour former un semblant de petits

jaunes et noires restent visibles, transformant

nuages, de dissipant dans l’espace. Il suffit

ainsi le champ visuel autour du soleil en un

de diriger son regard vers le plafond pour

vaste paysage bichromatique. Le but de l’ar-

s’apercevoir que celui-ci a été remplacé par

tiste ici était de rendre l’espace tangible.

armi

les

premières

Beauty, 1993 Contact, 2014 Colour space embracer, 2005

11 Exhibitions [en ligne]. olafureliasson. 2018. Disponible sur : < http://olafureliasson.net/current/192. >

54


« Mon exposition à la Fondation Louis Vuitton aborde ce qui se trouve à la limite de nos sens et de nos connaissances, de notre imagination et de nos attentes... Il s'agit de l'horizon qui divise, pour chacun de nous, le connu de l'inconnu. » Olafur Eliasson 11

The Weather Project - Tate Modern, 2003

55


JULIO LE PARC // G.R.A.V.

Les membres du Groupe de Re-

cherche d’Art Visuel se penchent, entre 1960 et 1968 sur la question de l’art construit et du cinétisme. Leurs œuvres engagent le spectateur, qui devient acteur de cet art interactif et ludique.

Julio Le Parc, co-fondateur du

centre, expérimente avec les différents effets de la lumière. Ses intallations comprennent des projections, des rayons de lumière en mouvement, de reflets d’objets translucides, etc. Il travaille notamment sur la polarisation chromatique de la lumière qui lui permet de donner forme aux premières boites lumineuses Polascopes. Lumière alternées- 1993 Lumière en mouvementInstallation- 1962-1999

56


Continuel-lumière-cylindre, 1962

57


GYORGE KEPES

C

e seront les photos d’Henry Plum-

« Mais c’est surtout György qui m’a ouvert les

mer, professeur d’architecture et

yeux sur la possibilité que la lumière du jour

photographe, qui m’auront menée

puisse être traitée comme un moyen créatif -

vers le travail de Gyory Kepes. La vision de

que son flux puisse être habilement capturé

ce dernier aura imprégné et inspiré Henry

du ciel puis projeté ou réfléchi, concentré ou

Plummer de sorte à laisser percevoir le rôle

diffusé, et sculpté à volonté avec des formes

de l’architecture comme modulateur de lu-

physiques pour créer des formes éphémères

mière, et de la possibilité de manier celle-ci

d’énergie visible. »

de bien des façons.

Untitled (Lens Abstraction)

58


Blobs 3’, György Kepes, c.1939-40 | Tate

L’art de la lumière dans l’œuvre de

tographique, créant des ombres, des nuances

Kepes est un bon exemple pour montrer com-

de lumière et de translucidité. Son travail

ment la révolution (opto-) électronique a fait

s’étend sur plusieurs décennies, allant de

de la lumière un médium artistique réel et

photographies, de photogrammes, de re-

unique au cours de ce dernier demi-siècle. Le

cherches et projets cinématographiques, à

choix de ses sujets pouvait se constituer

des projets d’éclairage environnemental.

d’objets banals du quotidien, comme des feuilles, des pierres, etc. avec l’accent mis, dans son travail, sur les effets inhabituels générés par la manipulation du processus pho-

59


ANN VERONICA JANSSENS

L

e travail d’Ann Verconica Janssens se

base sur la perception, et sur des

« super spaces » : « des extensions spatiales

Elle nomme ses premières œuvres

questions de sens qui vont au-delà

d’architectures existantes », « des endroits

de la perception, des questions de pictura-

pour capturer la lumière, le ciment et des

lité. Cette artiste développe depuis les an-

caisses en verre, des espaces conçus comme

nées 70 une œuvre expérimentale qui met

des tremplins vers le vide » (in Ann Veronica

en avant les installations in situ axées sur

Janssens, Musée d’art contemporain de Mar-

l’emploi de matériaux simples, voire imma-

seille, 2004). Son approche rejoint celle d’Ola-

tériels, comme la lumière, le son et le brouil-

fur Eliasson, ou de James Turrel, visant à faire

lard artificiel, Elle explore le même rapport

perdre le contrôle des sens au visiteur, le

que certains artistes cités précédemment,

poussant à franchir le seuil de la perception

à savoir celui du corps à l’espace, à travers

claire et maîtrisée, ayant pour objectif de dés-

des installations qui investissent l’espace

tabiliser les habitudes perceptives, en jouant

muséal et qui engagent la perception. Son

avec la matérialité.

travail suscite des réactions directes, sensorielles, physiques, voire viscérales. Elle vise également à mettre en mouvement le vide spatial, afin de luis conférer une sorte de temporalité.

blue-red-yellow, 2001

60


Sensory-Systems, 2015 yellowbluepink, 2015

61


JAMES TURRELL, COULEURS ET PERCEPTION

J

AMES TURRELL est un pionnier

La particularité des gens du do-

maine de l’éclairage, ou des concepteurs lu-

dans la transformation des espaces

mières, et leur besoin irrépressible de com-

avec la lumière, qu’il utilise comme

prendre le fonctionnement des œuvres de

matériau pour créer et dissoudre les fron-

l’artiste, ce qui représente en réalité un handi-

tières. Ses œuvres sont étonnantes - émo-

cap. « Quelle est la technologie utilisée, pour-

tives dans la mesure de l’engourdissement.

quoi les choses semblent-elles être ce qu’elles

Il est le maître de l’utilisation de la lumière

ne sont pas, et combien de ce que l’on voit est

comme une substance isolée et presque

réellement-là plutôt que d’être un produit de

tactile.

l’esprit ? » La quête de la certitude apparente

« Pour moi, il s’agit d’utiliser la lumière comme un matériau pour influencer ou affecter le médium de la

de la connaissance, vient altérer, voire annuler

perception »12

tions.

l’objectif central de Turrel, qui se base sur l’incertitude de l’expérience. Il est donc important d’effectuer la visite sur une base moins analytique et plus immersive, de ses installa-

Aten Reign, 2013

62


Raemar rose blanc, 1969

Afrum I, blanc, 1966

Raemar, cette œuvre fait flotter le

puissant pour dissoudre l'orientation de son

rectangle dans votre espace et oblige à l'im-

programme esthétique. « Il n'y a aucun objet

mersion. « Après quelques minutes, j'ai eu

dans mon travail. Il n'y a jamais eu. Il n'y a pas

l'impression que le rectangle fléchissait pour

d'image dedans. Je n’ai pas d'objet, pas

former une image légèrement concave. La

d'image, pas de point de focalisation. Mon in-

grande surprise était de venir au point de sor-

térêt est de plomber l'espace. »

tie quand, en entrant dans la galerie adjacente,

Third Breath, 2005

le monde est devenu vert vif à la suite de ma réponse rétinienne à l'image après d'être immergé dans un bain rose. » (Période Mendota, peintures monochromes contemporaines à grande échelle.)

La lumière bleue a un avantage per-

ceptuel fascinant pour Turrell, parce que l'œil humain perçoit un environnement dans le spectre de la lumière bleue comme moins focalisé. De plus, l'aberration chromatique provoque un effet de défocalisation de la lumière bleue lorsque le rouge et le vert sont au point. Par conséquent, les murs et les surfaces illuminés en bleu apparaissent plus diffus et immatériel par rapport aux autres couleurs. Avec la lumière bleue, Turrell dispose d'un outil 12 KAORU Irene. Exploring perception with James Turrell: Into the Light [en ligne]. http://irenekaoru.com. 2018. Disponible sur : <

http://irenekaoru.com/exploring-perception-james-turrell-light/>

63


LUMIÈRE NATURELLE ET ÉCLAIRAGE ARTIFICIEL 64


C

omment le dynamisme de la lumière du jour affecte-t-il toute conception. Alors que la lumière naturelle cède la place à

des sources ponctuelles artificiellement positionnées à la tombée de la nuit, l’espace se contorsionne-t-il aux spécificités de sa lumière ?

65


LUMIERE NATURELLE

L

En

perfectionnant

siècle

après

es avancées en matière d’éclairage

siècle l’art de bâtir, l’homme a réussi à se pro-

artificiel ont eu tendance à réduire

téger de la lumière solaire, puis à la maîtriser

l’importance de la lumière naturelle

et finalement à en faire son alliée dans de vé-

en architecture, mais l’amélioration de l’ex-

ritables scénarios spatiaux. Selon l’emplace-

périence architecturale, la connexion de

ment de l’édifice, et grâce à une large palette

l’individu avec l’extérieur, l’impact psycho-

d’outils lui permettant de façonner littérale-

logique positif, les besoins d’un meilleur

ment la lumière, l’architecte construit une am-

confort dans les lieux de travail, les préoc-

biance lumineuse particulière. Selon les

cupations pour la haute qualité environne-

époques, la lumière joue un rôle différent,

mentale et la réduction de la consommation

d’importance plus ou moins grande, mais elle

énergétiques sont des raisons qui encou-

reste toujours une préoccupation essentielle

ragent l’intégration de la lumière naturelle

en architecture.

dans le projet architectural, et lui redonnent

« Avant l’apparition de la lumière artificielle, la lumière naturelle était l’un des éléments structurants de la ville et de l’architecture. »

toute sa place. Il est donc important de connaitre ses caractéristiques, et de comprendre comment elle affecte notre vision et notre lecture de l’environnement afin d’en user de la meilleure façon.

Roger Narboni12

Le Panthéon de Rome , début du IIe siècle

66


« Par contraste et malgré sa nécessité, la lumière artificielle est inerte et en ce sens morte, car même lorsqu’elle est déplacée ou transformée électriquement, ces changements sont contrôlés et programmés à l’avance, et manquent ainsi de spontanéité et d’imprévisibilité de la lumière du jour. » Henry Plummer13

D.E. SHAW & CO. OFFICES - STEVEN HOLL, 1992 12 NARBONI Roger. Lumière et ambiances. Groupe Moniteur, 2006. 13 Schielke Thomas. Light Matters: Heightening The Perception Of Daylight With Henry Plummer (Part 1)

67


Caractéristiques de la lumière naturelle La modélisation de la lumière naturelle et l’orientation du bâtiment

La lumière interagit avec l’espace,

sa structure, ses textures, et lui procure un jeu d’ombres et de lumière qui fait sa particularité, et ce, à travers sa modélisation. Elle dépend de la configuration de l’espace architectural, de sa forme, de ses ouvertures et de son orientation qui influencent la distribution de l’éclairement, les ratios de luminance*, la perception de la lumière, etc. L’interaction de la lumière pénétrante avec la structure de l’espace intérieur et de ses différentes textures

Therme de Vals, Suisse. Architecte Peter Zumthor. Image: Henry Plummer 2000

détermine l’aspect de cet espace, et l’expérience de cet espace par l’individu, dont l’ap-

Le changement et la variété de la lumière

préhension dépend. L’espace peut paraître

naturelle

lumineux, spacieux, ou sombre et cela dé-

pend également du fait qu’il soit éclairé latéra-

Le soleil est pour la dynamique,

lement ou de façon zénithale. Tout ceci per-

pour les changements de couleur. Le soleil est

met en fait d’améliorer l’image de l’espace et

pour la beauté dans notre environnement. La

du lieu, et donc du bâtiment en lui octroyant

lumière naturelle est une source de change-

son propre cachet, ainsi qu’une valeur du-

ment constant, variant d’une heure à l’autre

rable.

de la journée, d’une saison à l’autre de l’année, et d’un état météorologique à l’autre. Elle varie en intensité* en flux lumineux* et en direction, et ceci au rythme de la rotation de la terre autour du soleil. Cette variation est loin de représenter un inconvénient vis-à-vis de l’espace, car c’est cette dernière qui lui octroie sa dynamique et son attrait. La lumière et l’obscurité interagissent avec l’individu de façon physiologique et psychologique.

Chapelle Avila, Santa Maria, Trastevere, Rome. Archiecte Antonio Gherardi. Image: Henry Plummer 2012

(*) Voir annexe

68


L’orientation du bâtiment

La couleur de la lumière naturelle

L’orientation du bâtiment revêt une

L’homme s’est développé dans un

importance cruciale lorsqu’il s’agit de l’inté-

environnement naturellement éclairé, ce qui

gration de la lumière naturelle à l’espace inté-

fait de l’appare nce des objets éclairés natu-

rieur. Ceci dépend de la relation du bâtiment

rellement une référence. Ceci est étroitement

avec son site et de la course du soleil. Une

lié à l’indice de rendu de couleur d’une source

orientation soigneusement réfléchie permettra

lumineuse, qui est défini comme étant la ca-

d’optimiser la pénétration de la lumière. En

pacité pour cette source de restituer huit cou-

plus de créer une sensation de bien-être et

leurs normalisées, et seul l’indice de la lumière

d’offrir un éclairage agréable, la lumière natu-

blanche naturelle qui possède un spectre

relle permet d’orienter l’individu spatialement

complet et continu correspond à l’indice

et temporellement, à l’aide de la relation créée

maximal qui est de 100 (Indice de Rendu de

entre l’intérieur et l’extérieur, il est conscient

Couleur). L’aspect original de toute chose dé-

du temps qui passe et de l’évolution de

pend donc de la quantité et de la qualité de la

l’heure, ainsi que du climat, répondant de ce

lumière. L’éclairage artificiel tente alors d’offrir

fait à un besoin biologique fondamental,

un résultat qui se rapproche au maximum de

comme nous l’avons vu précédemment.

celui qu’offre la lumière naturelle. La fidélité de l’aspect des œuvres, le rendu des couleurs et la particularité de la lumière naturelle n’ont notamment pas manqué de faire le succès de certains bâtiments.

Gallerie de Diana, Venaria Real, Turin. Filippo Juvarra. Image: Henry Plummer 2012

69


La relation espace / lumière naturelle

Problème de conception unique et

sente un bel exemple de l’intégration la lu-

complexe, elle reste un challenge surmon-

mière naturelle. Dans les espaces larges,

table qui doit être relevé dès les premières

hauts ou profonds, les systèmes destinés à

phases de la conception, car sa prise et son

canaliser la lumière ou à la diriger avec des

modelage dépendent entièrement des carac-

lentilles peuvent permettre une utilisation plus

téristiques structurelles, formelles, et spatiales

longue de la lumière du soleil et ainsi diminuer

du bâtiment. Ces dernières influent sur la dis-

la quantité de lumière artificielle nécessaire.

tribution de l’éclairement, les ratios de luminances, et la perception de la lumière. C’est pourquoi il est indispensable de comprendre l’impact de la conception et du dessin architectural sur l’intégration de la lumière du jour. Le High museum of art d’Atlanta, conu par l’architecte Renzo Piano, en 2005, nous pré-

70


Types d’éclairages naturels éclairage direct qui comporterait des rayons ultra-violet et infrarouges pouvant porter at

Prenons le cas des espaces d’ex-

teinte à certaines œuvres. Ceci peut paraitre

position, sujet que j’ai traité par le passé, et

comme étant un critère qui limite considéra-

qui présente des contraintes relatives à la

blement le champ de possibilités, alors que

mise en valeur et à la conservation des

les possibilités et techniques d’introduction

œuvres. Ce que les designers doivent y offrir,

de la lumière naturelle sont en fait bien nom-

c’est une lumière naturelle diffuse, dénuée de

breuses et diverses.

ses facteurs endommageants, en évitant tout

Eclairage latéral

Lanterneau

Eclairage zénithal central

Plafond diffusant

Plafond diffusant avec distribution restreinte

Puit de lumière en dent de scie

Eclairage mural

71


ÉCLAIRAGE LATÉRAL Les espaces éclairés latéralement conviennent particulièrement aux expositions sculptures. Les motifs d’ombrage générés par le flux lumineux latéral révèlent efficacement les formes et textures de l’œuvre. Le principal inconvénient reste tout même la réflexion causée par la lumière projetée sur les objets bidimensionnels, et plus particulièrement lorsque ces derniers se retrouvent face à l’ouverture. En plus du niveau d’éclairement qui peut être très élevé, même dans le cas où celui-ci est contrôlé, la vue extérieure oblige souvent l’œil à s’adapter Résolution du problème de réflexion à l’aide de l’inclinaison des œuvres.

à une luminance supérieure à celle de l’objet exposé. La solution de dernier recours reste ici l’utilisation des stores et filtres.

ÉCLAIRAGE ZÉNITHAL // LUCARNE CENTRALE La lucarne se décline sous différentes formes. Elle peut présenter certaines contraintes, dont la plus importante se situe au niveau des proportions (hauteur / largeur), qui peuvent notamment causer l’apparition de réflexion (veiling

reflection)

affectant

les

conditions

d’observation des œuvres. Quant à la surface de la lucarne, il est conseillé de la situer entre cinq et six pourcents de la surface totale du plafond.

Comparaison des proportions entre un plafond diffusant entièrement la lumière et une lucarne centrale

72


Comparaison entre un plafond avec voûte plate et incurvée L’éclairement diminue du point A au point C. Alors qu’une voûte incurvée permet à celui-ci d’être uniformément réparti sur les 3 points. Les voûtes incurvées représentent donc une meilleure alternative.

Photo de la galerie du musée kunsthistorisches, Vienne

PLAFOND DIFFUSANT Ce dispositif permet d’optimiser la pénétration de la lumière naturelle, mais peut présenter d’importants inconvénients lorsqu’il s’agit de l’exposition d’œuvre ne serait-ce qu’infimemement sensible à la lumière. Les exemples de ce genre de dispositif sont très rares, sinon remplacés par des ouvertures plus restreintes. Ombrager certains espaces pourrait satisfaire les conditions de conservation, mais créerait certains problèmes d’adaptation visuelle. Le problème de réflexion est ici très important, en plus de l’éclairement qui peut être relativement élevé. Ce dispositif est plus couramment utilisé dans les atriums et cours plutôt que dans les galeries d’exposition.

73

Court des sculptures au Louvre, Paris


Schéma représentant les problèmes résultants d’un plafond entièrement diffusant la lumière naturelle

PLAFOND LIMITANT LA PÉNÉTRATION DE LA LUMIÈRE Ce

dispositif

permet de réduire

efficace-

ment le flux de lumière projetée sur la surface centrale. On peut également remarquer qu’il y a une gradation significative de l’éclairage sur les murs, et que les œuvres montées au-dessus du niveau de l’œil sont sensiblement inclinées pour réduire la réflexion ,ou « veiling reflection ».

La zone centrale de cette galerie est éclairée par la lumière naturelle, combinée à un éclairage électrique dans la zone périphérique. Musée Simon Norton, Pasadena, Californie

74


PUITS DE LUMIÈRE EN DENT DE SCIE « SHED » Ce type de dispositif permet de distribuer la lumière de façon plus ou moins uniforme, et présente de meilleurs caractéristiques visuelles en diminuant de l’apparition de gêne visuelle pouvant être causée par la pénétration direct de la lumière.

LANTERNEAU Le lanterneau ou « monitor

laire ne permet pas d’avoirrecours à d’autres

skylight » permet d’avoir

configurations (en dent de scie par exemple)

une

naturelle

le lanterneau peut produire une lumière très

particulière-

équilibrée et confortable lorsque le choix du

lumière

abondante,

ment dans les bâtiments où l’orientation so-

vitrage et du porte à faux et approprié.

Musée d’art de Ringling

75


ÉCLAIRAGE MURAL La proximité de l’observateur

d’un

ta-

bleau est une question cruciale. La seconde coupe représentée ci-dessous est mieux adaptée aux petites œuvres. L’intensité maximale de la lumière est incidente à un angle plus raide, en l’occurrence 55 degrés au-dessus de l’horizontale (45 pour les œuvres de grand format), ce qui permet au visiteur de s’approcher. La proximité de la partie supérieure du mur et de la lucarne assure une gradation de l’éclairement de la partie supérieure de la paroi jusqu’au bas. Cet agencement produit une distribution d’éclairement qui atteint une valeur maximale autour de la mi-hau-

Coupes des espaces d’exposition de la galerie «Sergent»

teur du mur d’accrochage. La galerie Sergent, est la seule galerie dotée de ce dispositif d’éclairage.

Galerie sergent, Wanganui, Nouvelle-Zélande. Architect: Samuel Hurst Seager

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Plafond déflecteur. Musée du Louvre, Paris.

Réflexion de l’éclairage à l’aide d’un mur central. Nordjyllands Kunstmuseum, Aalborg, Danemark

L’adaptation architecturale du plafond en «Shed», ou en dents de scie. Kroller-Muller Museum, Otterlo, Pays-Bas.

Des lamelles motorisées permettent de contrôler l’éclairage naturel à partir d’une toiture de forme pyramidale, alors que les déflecteurs permettent un contrôle directionnel de l’éclairage.

77


LUMIÈRE ARTIFICIELLE

L

es particularités de l’éclairage artifi-

Les avancées technologiques per-

ciel, contrairement à l’éclairage natu-

mettent à présent d’obtenir une lumière repro-

rel, sont la précision dans le contrôle

duisant toutes les températures de couleur, al-

de la direction et de la quantité de lumière

lant de 3000 k à 6000 K, à l’aide d’un mélange

utilisée, ainsi que la constance ou régularité

de blanc chaud et blanc froid. Le Dynamic

de la lumière. Les espaces ne se retrouvent

White permet donc d’avoir une lumière s’adap-

donc pas soumis à des variations saison-

tant au rythme circadien, et pouvant assurer le

nières ou diurnes, contrairement à un éclai-

bien-être des usagers dans les environnements

rage naturel, mais caractérisés par un envi-

intérieurs, tels que les hôpitaux, les bureaux,

ronnement stable et dûment contrôlé. Il est

les aéroports, etc.

alors possible de définir les accentuations, les jeux d’ombres, ainsi que les contrastes de luminosité et de couleurs à notre guise.

Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, France (Auteur)

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Parvis de l‘opéra de Sydney, Australie

Maintenant, enfin, nous avons des

architectes, confrontés à un renouvellement

sources artificielles qui sont non seulement

rapide et extraordinaire des produits et à un

plus faciles à contrôler que la lumière du jour,

processus de conception et de construction

mais qui peuvent également éclairer les es-

rapide et fragmenté qui a pris racine dans

paces intérieurs beaucoup plus efficacement.

cette ère électronique, ont cédé le contrôle

Théoriquement, les possibilités d’éclairage

qu’ils exerçaient auparavant sur l’environne-

imaginatif sont illimitées. Et, théoriquement,

ment lumineux .

notre capacité à créer de grandes architectures aurait dû augmenter proportionnellement à la disponibilité de sources artificielles plus nombreuses et plus polyvalentes. Pourtant, nous avons à peine commencé à gratter la surface de ces possibilités « illimitées ». Les

79


Types d’éclairages artificiels Les principaux types de luminaires sont classés selon leur manière de distribuer la lumière, à savoir : Direct (orienté, diffus) ; Indirect ; direct-indirect. Ils sont brièvement introduits ici.

L’éclairage direct

Le premier type, qui est l’éclai-

rage direct est défini par la lumière émise vers le bas, et concerne généralement les types encastrés avec spots ou chemins lumineux. Il se distingue à son tour par deux sous-types : direct orienté, et direct diffus.

Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, France (Auteur)

80


L’éclairage indirect

Le deuxième type, qui est l’éclairage

indirect, est un éclairage qui emploie les différentes surfaces de l’espace comme réflecteur secondaire (plafond, murs, etc.) Ce type d’éclairage permet notamment de donner une impression d’ouverture à la pièce, qui peut paraitre plus claire et plus vaste.

cathédrale Sainte-Croix de Barcelone, Espagne (Auteur)

L’éclairage direct/indirect

Ce type qui désigne les sources

émettant la lumière vers le haut et le bas, sans le côté.

Musée national d’art de Catalogne, Barcelone, Espagne (Auteur)

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Éclairage d’ambiance

Éclairage d’accentuation

Éclairage d’orientation

Les sources de lumière artificielle, à

haute pression (HID), ainsi que les LEDs.

savoir les lampes, se présentent sous un large

L’éclairage indirect comprend généralement

éventail de types (fig) les lampes à incandes-

les lampes fluorescentes afin de diffuser la lu-

cence, les fluorescentes, halogène, la LED, la

mière ambiante. Alors que l’éclairage direct

fibre optique (qui est plus un moyen de trans-

d’accentuation comprend les lampes halo-

mission de la lumière), etc. Mais les plus

gènes à incandescence et le tungstène. (A

adaptées pour l’éclairage d’intérieur sont les

mettre à jour)

lampes fluorescentes compactes, halogènes, tungstène, lampe à décharge luminescente

82


Gestion et contrôle de l'éclairage artificiel sent au concepteur de contrôler à distance un luminaire capable d’émettre des centaines de milliers de lumens . Mais aussi de contrôler individuellement chaque luminaire, ainsi que l’ajustement de la température de certaines lampes sans changement de la couleur. Ces différents dispositifs permettent alors de commander

automatiquement

l’éclairage

d’une zone, ou même d’un objet individuellement suivant la lumière naturelle disponible ou l’heure de la journée.

Solo Show, Paul Cocksedge, 2013

Le contrôle de l’éclairage artificiel

peut se faire à deux niveaux, qui sont le contrôle de la direction du luminaire et le contrôle du système. La détérioration et la destruction de certaines œuvres dans les lieux d’exposition, est parfois dû au mauvais ajustement des luminaires, le concepteur doit donc procéder correctement et efficacement à la localisation, le ciblage et la focalisation de l’éclairage sur l’œuvre. Comme cité dans le chapitre traitant des caractéristiques de l’éclairage artificiel, le « power-track » ou « lighting-track » est un moyen qui offre une grande liberté aux concepteurs dans la localisation des luminaires, permettant ainsi d’optimiser la direction vers l’objet exposé. Les avancées technologiques permettent à pré83

Mångata, northern lights, Stockholm, Suède. Alexander Mordoudack, 2016


LE PASSAGE DE LA LUMIERE NATURELLE A LA LUMIERE ARTIFICIELLE

Comment prendre en compte et conjuguer agréablement lumières naturelle et artificielle lors de la composition des ambiances lumineuses ?

Cela peut se résumer à une com-

pensation, où le passage jour/nuit se fait graduellement, d’une manière indécelable, les sources artificielles relayant la lumière du jour tout en maintenant une ambiance constante. Nous trouvons également le cas du basculement, qui est un passage brusque et marqué, avec un changement total des paramètres et conditions d’éclairage (direction des flux, in-

Musée de l’Homme, Paris. Agence 8’18’’

tensité, température de couleurs, etc.). Ou

D

ans le cas de la coordination des

alors la substitution, qui se situe entre la com-

deux sources artificielle et natu-

pensation et le basculement, avec un change-

relle, le passage de l’une à l’autre

ment infime des paramètres d’éclairages. Tout

n’est pas une opération neutre sur le plan

cela en prenant bien évidemment en compte

de l’ambiance des lieux, et on distingue

les différences de couleurs lumière, le niveau

plusieurs options possibles. Le concepteur

d’éclairement des espaces adjacents, et

doit donc systématiquement anticiper la

l’angle d’incidence de la lumière, l’aspect de

juxtaposition des deux types d’éclairage,

l’espace des objets éclairés pouvant être

naturel et artificiel. Qu’il s’agisse d’éclairer

faussé dans le cas où ces deux types ne sont

l’espace de nuit, de combler le manque de

pas homogénéisés et harmonieusement coor-

lumière naturelle dans les espaces qui en

données.

sont privés, ou durant les périodes de transitions qui sont les périodes d’affaiblissement de la lumière naturelle, il y a plusieurs façons dont la lumière du jour peut être une partie intégrante de l’expérience de perception. Cela implique, entre autres, des études minutieuses des zones de faible luminosité diurne, afin de pouvoir évaluer l’éclairage artificiel nécessaire pour combler ou corriger ce manque. Silo d’Arenc, Marseille. Agence 8’18’’, 2006/2008

84


On peut voir comment le type d’éclairage affecte l’apparence de la sculpture. National Gallery of Art, Washington, Etas-Unis

MAMA, Musée d’Art Moderne d’Alger. Agence 8’18’’, 2006/2007

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