Nez, the olfactory magazine - China edition #1 - 2019 (French)

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NEZ CHINE #1 / I

| l a r e v u e o l fa c t i v e | s o c i é t é | s c i e n c e | a r t | c u l t u r e | p a r f u m |

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NEZ CHINE #1 / 3

ÉDITORIAL

Pour une culture olfactive Les odeurs sont présentes partout autour de nous et dans chaque instant de nos vies. Si nous ne pouvons que rarement contrôler leur présence à nos côtés, les parfums font cependant figure d’exception, car nous pouvons les choisir pour les porter et pour nous accompagner au quotidien. Au-delà des égéries et des grandes campagnes publicitaires internationales qui en font un produit d’excellence et de luxe, que connaît-on réellement du parfum ? Depuis près de quatre ans, Nez, la revue olfactive s’est engagée à décrypter le monde immatériel et invisible des odeurs, pour faire découvrir le parfum à tous ceux qui veulent en savoir davantage : quelle est l’Histoire de la parfumerie, comment travaillent les parfumeurs, de quoi est constituée une fragrance ? Éditée en anglais, français, italien et diffusée dans plus de 25 pays, Nez lance enfin une version en chinois, qui paraîtra tous les six mois. Ainsi, à travers les articles et reportages rédigés par des journalistes, parfumeurs, historiens ou scientifiques, Nez a pour ambition d’aider tous les curieux et passionnés de parfums à développer une solide culture olfactive. Par Mathieu Chévara


Cosmoprof Asia et Nez, le mouvement culturel olfactif présentent

Avec le concours de nos partenaires

�E� in HONG KONG LIBRAIRIE

CONFÉRENCE

LANCEMENT

EXPOSITION

Retrouvez les ouvrages et les revues de Nez éditions sur notre stand Cosmoprof Asia

�ez Chine, la revue olfactive. Le premier média dédié à la culture olfactive en Chine Cosmoprof Asia

PARFUM

1+1, une nouvelle collection de parfums proposée par �ez Cosmoprof Asia

Maurice Roucel, parfumeur (Paris) & Alan Chan, designer (Hongkong) Cosmoprof Asia

Scented Characters of China Découverte de la mémoire olfactive chinoise, à travers des parfums et des personnages

+

Chán by Alan Chan Space 27

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Les 30 parfums de niche qu’il faut sentir avant de mourir par Nez, la revue olfactive Cosmoprof Asia


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É DITORIAL

PORTRAIT

Pour une culture olfactive

La voix du parfum Rencontre avec Alex Lee

Par Mathieu Chévara

Par Sarah Bouasse

P.3

P.20-22

G ESTUELLE

Les zones parfumables : comment se parfumer ?

FLASHBACK

Par Yohan Cervi

François Coty : l’histoire d’un empire olfactif

P.6-7

Par Yohan Cervi P.24-27

L ’ OSMANTHUS

Il était une fleur fruitée

ALAN CHAN

Par Delphine de Swardt

Variations autour du thé

P.8-11

Par Aurélie Dematons P.28-32

R ENCONTRE

Jean-Christophe Hérault

I-EYE

Par Delphine de Swardt

Carte blanche à Alan Chan

P.12

P.33

INTERVIEW

Frédéric Malle Par Anne-Sophie Hojlo P.13-14

YU HUI TSENG

Le maître de thé Par Béatrice Boisserie et Tristan Baldi P.34

ODORAMA

La molécule : L’Hedione Par Olivier R. P. David P.16-19

NEWS

Chine : du patrimoine olfactif à l’innovation Par centdegrés P.36-37


LES ZONES PARFUMABLES


NEZ CHINE #1 / 7

COMMENT SE PARFUMER ? Par Yohan Cervi

Chaque parfum exige sa gestuelle. Pour les vaporisateurs, la dose à appliquer dépend naturellement de l’intensité du parfum, de vos goûts, de l’instant, de votre humeur et de l’effet souhai­té. On remarque que les sprays actuels sont souvent très généreux et diffusent à chaque poussée une dose importante de parfum, dans le but de vous faire consommer votre flacon le plus rapidement possible. Concernant l’application, peau ou vêtement, pourquoi choisir ? Au contact de la peau, le parfum va évoluer de façon plus personnelle. Attention cependant si vous avez tendance à transpirer, l’humidité pourra altérer fortement l’odeur et la tenue

de la fragrance. Les vêtements sont d’excellents supports, mais préférez les lainages, le coton, le cachemire ou la soie, et évitez de parfumer les synthétiques, qui développent une odeur peu heureuse. Si les flacons non vaporisateurs ont quasiment disparu depuis le milieu des années 2000, ils continuent d’être proposés pour la version extrait. Dans ce cas, il est d’usage d’appliquer le parfum au doigt ou avec le bouchon. Néanmoins, à terme, les impuretés de la peau et la poussière peuvent s’accumuler dans le flacon, ce qui est inesthétique, mais surtout accélère le processus de vieillissement du parfum. Il est donc conseillé d’utiliser une pipette en plastique

à usage unique pour prélever le jus, ou de le transvaser au fur et à mesure dans un petit tube échantillon ou un vaporisateur de voyage. Une fois encore, moins le parfum sera en contact avec l’air, plus il se conservera longtemps… L’amateur, le passionné, p ­ arcourt l’univers du parfum, parfois semé d’embûches, à son propre rythme, selon ses sensibilités, ses goûts, son humeur du moment. Ces quelques conseils n’ont qu’un seul objectif : vous encourager à conserver et chérir cet espace de plaisir que repré­sente le parfum, loin de toute influence, de tout dictat. Rêver, voguer, en toute liberté, ne serait-ce pas là le luxe ultime ?



NEZ CHINE #1 / 9

L’osmanthus Il était une fleur fruitée La fleur est petite, mais comme souvent, son parfum est grand. Son nom occidental, « osmanthus », vient du grec et signifie « fleur odorante ». La variété utilisée en parfumerie se nomme Osmanthus fragrans Lour. Si l’on excepte l’abréviation issue du nom du botaniste portugais João de Loureiro, parti inventorier la flore de Cochinchine, son appellation veut dire « fleur odorante parfumée ». Nous sommes, à n’en point douter, dans le domaine de l’expansion olfactive au carré. Par Delphine de Swardt Photos du reportage : Olivier Löser Portrait de Jean-Christophe Hérault : Michael Avedon


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Originaire d’Asie, l’arbuste de la famille des Oléacées est aussi pour cette raison appelé « olivier de Chine ». Sa taille est généralement comprise entre 5 et 12 mètres et son envergure avoisine les 2 mètres. L’arbre connaît une double floraison en septembre et octobre, à quinze jours d’intervalle. Plusieurs cultivars produisent les fleurs odorantes dont les couleurs varient du jaune pâle au rouge-orangé : parmi leurs qualités – dites gold, silver ou reddish –, c’est la gold qui est la plus prisée en parfumerie. Initialement, la fleur d’osmanthus, principalement cultivée en Chine autour de la ville de Guilin (qui signifie littéralement en chinois « forêt d’osmanthus »), est réservée à des usages culinaires. Elle entre dans des recettes de biscuits, de boissons et pour la majorité de la production, dans des mélanges pour le thé.

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Si quelques rares monuments de la parfumerie mentionnaient déjà cet ingrédient, dont 1000 de Patou (1972), c’est au tournant des années 1990 que l’osmanthus a intégré pleinement la palette du parfumeur, et ce, grâce à l’intervention de Monique Rémy, à l’origine des Laboratoires Monique Rémy (LMR) depuis rachetés par IFF (leader mondial de la création de parfums). Lors d’un voyage en Chine au début des années 1990, Monique Rémy rencontre des producteurs et transformateurs d’osmanthus. Elle tombe amoureuse de la fleur et encourage l’exportation de son extrait. C’est alors que naîtra Tocade, créé par Maurice Roucel en 1994 pour Rochas, fruit de ce voyage en Chine et de l’ouverture de la filière d’approvisionnement en concrète d’osmanthus dont IFF-LMR a été le pionnier et en est, aujourd’hui encore, le leader. L’osmanthus a cette spécificité qu’il partage avec le jasmin, par exemple, de ne pas pouvoir être distillé en raison

« La part animale cuirée de l’absolue d’osmanthus est liée à l’intervention de l’homme. »

de la trop faible teneur de la fleur en constituants entraînables par la vapeur d’eau. Une fois récoltées, les fleurs sont acheminées vers une usine régionale pour être traitées. L’extraction de la matière olfactive s’y fait donc aux solvants volatils, qui n’altèrent pas les constituants odorants et qui sont évacués par évaporation et recyclés une fois le traitement réalisé. Le produit obtenu est la concrète, un produit cireux en raison de la présence naturelle


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des cires végétales. Une seconde transformation, effectuée ensuite chez IFFLMR en France, débarrasse la concrète des cires pour obtenir un produit incorporable dans le parfum : l’absolue. Pour pouvoir conserver plus longtemps le matériel végétal avant sa transformation en concrète, les fleurs d’osmanthus sont mises en saumure, et y sont maintenues par des morceaux de bois. Ce procédé, s’il préserve les qualités odorantes de la fleur, n’empêche pas un début de fermentation. C’est au cours de ce processus qu’apparaissent des notes pourtant caractéristiques de cette belle matière de parfumerie : les notes cuirées et animales. Si la fleur sur pied dégage ces exquises notes florales et fruitées – pareilles à celles de l’abricot ou de la pêche juteuse pour lesquelles la fleur est tant appréciée au palais, et qu’on retrouve en tonalités majoritaires de l’absolue –, la part animale cuirée, en revanche, est bien liée à l’intervention de l’homme. Bertrand de Préville, directeur général

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d’IFF-LMR, rappelle que l’osmanthus est un ingrédient naturel devenu incontournable aujourd’hui dans la palette du parfumeur, car c’est un des rares ingrédients naturels à apporter des notes fruitées dans un parfum. ­Généralement, pour ces évocations, on a recours aux produits de synthèse. Dans le but d’une valorisation encore supérieure de l’ingrédient, Bertrand de Préville explique que la stratégie menée autour de l’osmanthus chez IFF-LMR vise à installer à l’avenir des extracteurs à proximité des lieux de récolte en Chine pour pouvoir traiter la fleur fraîche et obtenir une absolue fidèle aux qualités olfactives naturelles de la fleur sur pied. Parmi les avancées précédentes de la recherche d’IFF-LMR autour du produit, il y a eu la standardisation du bois utilisé pour maintenir les fleurs immergées dans la saumure avec le choix du bois de chêne. Une autre innovation a été de proposer une absolue moins colorée. En effet, l’absolue d’osmanthus est

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marron-orangé. Or, étant donné que les marques cherchent aujourd’hui des matières ­olfactives qui ne teintent pas le jus final, IFF-LMR a mis à disposition des parfumeurs une absolue ­d’osmanthus issue d’une distillation moléculaire, un procédé de fractionnement et de tri des différentes composantes de l’absolue pour obtenir un produit plus clair et, olfactivement, plus fort sur son versant fruité, qui en devient presque confiture d’abricot, moins animal. 1 Récolte de fleurs d’osmanthus, Lugao, Province de Jiangshu — 2, 3, 8 Production d’osmanthus, Jinhua, Province de Zhejiang — 4 Collecte et salage des fleurs d’osmanthus, Lugao, Province de Jiangshu

5 Barrage de contrôle des eaux pour l’irrigation des cultures — 6, 7 Récolte et collecte des fleurs d’osmanthus, Lugao, Province de Jiangshu


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RENCONTRE

Jean-Christophe Hérault

Jean-Christophe Hérault, parfumeur senior chez IFF, grand utilisateur de l’absolue d’osmanthus dans ses compositions, nous parle de son usage dans son art. En octobre 2018, il était en Chine pour assister à la récolte de la fleur. Une expérience qui a accru son amour pour cet ingrédient au cœur du parfum Alien Man de Mugler, qu’il a signé la même année. Jean-Christophe Hérault, pouvez-vous décrire olfactivement la fleur d’osmanthus ? C’est une fleur délicate au parfum contrasté qui est à la fois subtil et puissant. La fleur se sent de très loin, mais pour autant, son harmonie est particulièrement fragile.

LES CHIFFRES D E L’ O S M A N T H U S

Son bouquet condense l’odeur de la pêche, de l’abricot et de fruits exotiques. Son cœur floral évoque le freesia – une fleur blanche –, ainsi qu’une note verte proche de la feuille de thé. Dans l’absolue, on retrouve une odeur que la fleur ne possède pas, une odeur animale, pareille à celle du castoréum. À quelles fins employez-vous l’osmanthus dans vos compositions ? Le portrait olfactif de l’osmanthus est si complexe qu’on peut l’utiliser dans de nombreux cas de figure. En général, je choisis l’osmanthus pour son évocation de fruits juteux, pour créer des accords veloutés. Je me sers de l’ingrédient en particulier pour patiner certains accords de cuir. Dans Alien Man de Mugler, je l’ai utilisé à haute dose, comme un jasmin de couleur ambrée. Quelles sont les particularités de la matière ? L’absolue d’osmanthus a aussi cet avantage d’être très substantive, c’est-à-dire que son odeur dure longtemps sur mouillette ou sur peau. Sa présence donne du corps et des qualités charnelles très intéressantes. C’est un extrait naturel aux utilisations multiples : fruit, fleur ou animal. C’est rare qu’une matière soit aussi facettée. Quand je l’utilise, maintenant que j’ai assisté à sa récolte en Chine, je sais que je convoque tout un terroir, une mythologie et un savoir-faire. Il n’y a qu’à penser à cette belle légende du jardinier exilé sur la lune, chargé de couper les osmanthus qui y poussaient quotidiennement.

15 % Pourcentage d’osmanthus réservé à la parfumerie, sur la totalité de sa production en Chine, le reste étant consacré aux arômes et préparations alimentaires

RENDEMEN T 1 000 kg de fleurs = 1 kg d’absolue d’osmanthus, soit 0,1 % 4 000 € environ Prix moyen au kilo de l’absolue d’osmanthus IFF-LMR (par comparaison : similaire au prix de 1 kg d’absolue jasmin sambac) — 1 200 kg de fleurs = 1 kg d’absolue d’osmanthus MD (la qualité d’absolue moins colorée et plus fruitée), soit 0,08 % — 5 000 € environ Prix au kilo de l’absolue osmanthus MD IFF-LMR

SEP T EMBRE- O C TOBRE Période de récolte de l’osmanthus, pendant laquelle sa floraison est double, à 15 jours d’intervalle

20 °C Température nocturne maximale nécessaire à la floraison de l’osmanthus


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FRÉDÉRIC MALLE Ou la rencontre des grands auteurs et des plus belles matières

L’éditeur de parfums évoque le regard qu’il porte sur les ingrédients naturels, alors que sa marque s’apprête à s’installer sur le marché chinois. Interview.

Par Anne-Sophie Hojlo

Quelle place occupent les matières premières naturelles dans vos parfums ? Je laisse une liberté totale aux parfumeurs, sans limitation de coût, et nous sommes sans doute la société qui utilise les plus beaux ingrédients naturels, et ce à profusion. La qualité des matières et leur provenance représentent bien entendu une grande part dans la beauté d’un parfum. Je suis curieux, et j’aime travailler avec de nouvelles matières naturelles d’exception, comme le poivre Timut que Jean-Claude Ellena a découvert grâce au chef Olivier Roellinger, et dont il a développé une essence avec les Laboratoires Monique Rémy (LMR) pour notre Rose&Cuir. Mais ne soyons pas manichéens, et rappelons aussi l’importance des matières synthétiques dans la parfumerie moderne. Elles permettent la précision, quand le naturel apporte du raffinement.


beau vétiver Haïti, débarrassé de ses aspects médicinaux grâce à la distillation moléculaire pour devenir idéal. Ces facettes désagréables empêchaient jusque-là d’employer le vétiver en grande quantité dans les formules : on ne dépassait pas les 10 %. Grâce à ce traitement, nous avons pu en mettre 25 % dans Vétiver extraordinaire. Comment pensez-vous que le marché chinois percevra vos parfums ? La Chine s’ouvre à la parfumerie avec un appétit extrêmement touchant. Ce qui est incroyable, c’est que les consommateurs n’y ont pas du tout d’a priori, contrairement à ce que pensent certaines marques. Ils aiment les compositions fraîches et innocentes, certes, mais ils ont surtout une curiosité énorme, et sont prêts à essayer beaucoup de choses différentes. Dans notre gamme, des parfums comme Une Rose, Portrait of a Lady ou Promise plaisent par exemple beaucoup au public chinois : ce sont des créations d’une grande puissance, avec du caractère, et souvent une facette rose. Les consommateurs chinois sont à la recherche du beau, et je pense qu’ils adhèreront à la rencontre des grands auteurs et des plus belles matières, qui caractérise les Éditions de Parfums Frédéric Malle.

Ci-dessus Frédéric Malle © Brigitte Lacombe

Est-il arrivé qu’un ingrédient naturel qui vous plaisait particulièrement soit le point de départ d’une création ? Pour le Vétiver extraordinaire que nous avons créé avec Dominique Ropion, nous avons utilisé un prototype de distillation moléculaire d’un vétiver Haïti qui provenait lui aussi de chez LMR. Ce parfum est une sorte de miracle. Dominique et moi réfléchissions à une idée de parfum masculin. À l’époque où nous travaillions tous les deux pour la société Roure [aujourd’hui ­Givaudan, ndlr], il avait conçu une base boisée pour un parfum féminin que j’aimais porter, et de laquelle nous voulions repartir pour cette création. C’est alors que sa laborantine lui a apporté une nouvelle matière à évaluer. C’était un hasard total, mais il a été tout de suite évident que c’était le complément idéal à cette base boisée. C’était le plus



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L’hedione ODORAMA

Tous les parfums sont composés de molécules, issues de matières naturelles ou de la synthèse chimique. Comment les laboratoires découvrent-ils et p ­ roduisent-ils ces composés ? Histoire de l’Hedione, dont la qualité a enrichi depuis un demi-siècle la palette du parfumeur.

NOTE AUDITIVE En lisant cet article, vous pouvez écouter le motet Balsamus et munda cera de Guillaume Dufay, par le Huelgas Ensemble et Paul Van Nevel (O gemma lux, label Harmonia Mundi, 2011).

Dihydrojasmonate de méthyle ou 2-((1R,2S)-3-oxo-2-pentylcyclopentyl) acétate de méthyle

Par Olivier R.P. David

OCTOBRE 1957

1955 Édouard Demole a 23 ans et débute sa thèse à Paris.

Après avoir purifié, séparé et analysé 5 kg d’absolue de jasmin d’Égypte, il découvre la molécule magique qu’il cherchait, présente en toute petite quantité (moins de 0,8 %) mais au pouvoir olfactif considérable. Il la nomme jasmonate de méthyle.


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Qualités au fil des 1961 années et des fabricants, Hedione Firmenich 5 % avec pourcentage de dihydrojasmonate 1980 Claigeon de méthyle (+)-cis. Zeon 5 %

Jasmin secret Entre 1899 et 1950, les chimistes réussissent à identifier et à analyser 87 % des molécules présentes dans l’absolue de jasmin, la substance odorante obtenue par extraction de la fleur. Mais certaines ne se laissent pas capturer, et les parfumeurs ne peuvent restituer fidèlement la beauté olfactive du jasmin. Alors, dans les années 1950, Roger Firmenich, un des premiers dirigeants de la société de composition qui porte aujourd’hui son nom, commande des recherches et envoie un jeune étudiant, Édouard Demole, faire une thèse dans le laboratoire du Pr Edgar Lederer, à Paris.

1989

1995

1994

1999

Cepionate Zeon 15 %

Hedione HC Firmenich 40 %

Success story  À partir de la deuxième moitié des années 1960, l’Hedione connaît une utilisation grandissante. À ses débuts, elle est pourtant très onéreuse : un kilogramme coûtait environ 1 000 francs suisses, l’équivalent de la moitié du salaire d’un chimiste ! Mais en cinquante ans, les progrès de fabrication et son utilisation universelle ont multiplié la production par 100 000 et divisé son prix de vente par 100. L’Hedione est aujourd’hui un ingrédient essentiel en parfumerie.

Paradisone Firmenich > 90 %

2010

Jasmodione Takasago 35 %

Kharismal IFF 30 %

Quête de pureté  Techniquement, l’Hedione est en réalité un mélange de quatre molécules presque identiques, à quelques détails près, que les chimistes nomment isomères (« semblables parties » en grec). Or un seul de ces isomères est réellement odorant (la forme appellée (+)-cis), notre nez étant moins sensible aux trois autres. Malheureusement, il est aussi le plus délicat à synthétiser, ce qui fait que l’Hedione d’origine n’en contenait que 5 %. Firmenich, propriétaire de la marque Hedione, ainsi que des sociétés concurrentes, qui commercialisent le dihydrojasmonate de méthyle sous un autre nom, vont donc activement chercher de nouveaux procédés afin d’obtenir des

1958–1959 Le jeune chimiste s’attèle à sa fabrication par voie de synthèse. Il prépare d’abord un composé très proche olfactivement, mais plus simple,

le dihydro­ jasmonate de méthyle, puis parvient en 1959 à synthétiser le jasmonate de méthyle proprement dit.


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produits de meilleure qualité, c’est-à-dire des composés de plus en plus concentrés en (+)-cis. Après des années de recherches intensives avec des laboratoires européens, Firmenich découvre le moyen de fabriquer une qualité quasi absolue : la Paradisone, qui concentre la molécule odorante à plus de 90 %. Propriétés olfactives  On résume souvent cette molécule à l’odeur du jasmin, mais elle est bien plus que cela. Sentie seule, elle peut paraître délicate, un brin timide, voire un peu indéfinie, et surtout éloignée de la fleur dont elle est issue.

Les parfumeurs la décrivent comme une note florale avec des aspects de thé, transparente, lumineuse, animale, douce, blanche, féminine, sensuelle, aérienne, éthérée… L’Hedione est moins une odeur qu’un effet odorant, une émanation radiante qui transfigure les autres notes dans un parfum. Quand on l’ajoute dans une composition, on ne la détecte pas si aisément. Elle ne la rend pas plus « jasmin », mais elle a un effet propulseur qui embellit et apporte de l’ampleur à toute la formule, un peu à la manière d’un mixage son sur une musique qui donnerait du relief tout en équilibrant les notes.

2 5 F É V. 1 9 6 0 Roger Firmenich dépose un brevet pour le dihydro­jasmonate de méthyle, plus simple à produire industriellement que le jasmo­nate, et qu’il baptisera Hedione, du grec hêdonê (« plaisir »). Ce brevet sera tenu secret jusqu’au 15 décembre 1964, par discrétion industrielle.

Effets secondaires La neurologie a montré que l’Hedione active les récepteurs de phéromones, pourtant atrophiés chez l’être humain, et induit une stimulation des zones cérébrales associées à la mémoire et au comportement. Étonnamment, la perception de l’Hedione est significativement plus intense chez les femmes, avec une stimulation cérébrale presque triplée par rapport aux hommes. Les chercheurs ne se hasardent pas quant aux conséquences sociales de cet effet mais Roger Firmenich avait décidément très bien choisi le nom de cette molécule.


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EAU SAUVAGE

NO 19

FIRST

Marque

Dior

Marque

Chanel

Marque

Van Cleef & Arpels

Parfumeur

Edmond Roudnitska

Parfumeur

Henri Robert

Parfumeur

Jean-Claude Ellena

Sortie

1966

Sortie

1971

Sortie

1976

Présence

2,5 %

Présence

13 %

Présence

20 %

CK ONE Marque

ODEUR 53 Calvin Klein

Marque

Comme des garçons

Parfumeur

Martine Pallix et Anne-Sophie Chapuis

Parfumeur

Alberto Morillas et Harry Fremont

Sortie

1994

Sortie

1998

Présence

20 %

Présence

65 %

1961 Fabrication des 50 premiers kilogrammes d’Hedione. Ulrich Säuberli, employé chez Firmenich, crée Jasmin 74 D, une reconstitution artificielle moins coûteuse que l’absolue. Cette composition, appelée base, est com­mercialisée à destination de tous les parfumeurs.

1966 Lancement par Dior d’Eau sauvage ­d’Edmond Roudnitska, avec 2,5 % d’­Hedione. Le parfumeur l’a composée après que Roger Firmenich lui a envoyé un échantillon d’Hedione pure.



NEZ CHINE #1 / 21

PORTRAIT

LA VOIX DU PARFUM Rencontre avec Alex Lee Par Sarah Bouasse Photo de Matthieu Dortomb

C’est parce qu’il avait à cœur d’aider les gens qu’Alex Lee a d’abord voulu devenir médecin. Mais le parfum, lui aussi, peut faire beaucoup. Pendant son enfance en Californie, le jeune homme né d’une mère taïwanaise et d’un père singapourien en a lui-même fait l’expérience. « Garçon sociable, bon en théâtre, j’ai été traumatisé par un exposé qui s’est mal passé, racontet-il. Je suis devenu timide, très dur avec moimême. Et c’est le parfum qui m’a sauvé la vie. » Déjà passionné par l’univers des odeurs – dans la cour de récréation, il aimait courir après les filles pour sentir leurs cheveux fraîchement lavés –, il se met à fréquenter les parfumeries et les forums de discussion en ligne pendant ses études. « Dans cet univers de passionnés, discuter avec des inconnus ne me posait aucun problème. Le parfum m’a donné une voix. »

Et une armure pour affronter le monde : de Shalimar à Musc ravageur, de Chergui à Kouros, Alex Lee collectionne les flacons et retrouve sa confiance lorsqu’il est parfumé. Il suffira d’un article signé Chandler Burr dans le New Yorker, au sujet de la création d’Un jardin sur le Nil (2005) d’Hermès par Jean-Claude Ellena, pour mettre le feu aux poudres. « J’ai compris que le parfum était à la rencontre de la science et de l’art. Et j’ai eu envie d’en faire mon métier. » En 2007, Alex Lee quitte San Diego pour aller étudier le français à Lyon. Il suit ensuite la formation du Grasse Institute of Perfumery (GIP) avant de décrocher un Master à L’Isipca de Versailles. En 2011, il rejoint l’école interne de Mane, où, devenu parfumeur, il cultive aujourd’hui un style fait d’associations inattendues : un accord Oréo-rhum pour la marque Sillages Paris, un poivron vert-tubéreuse pour Ferragamo, un jasmin-­encens-lait pour Penhaligon’s... Dans son bureau à Paris, Alex Lee aligne dans les rayons d’une étagère les flacons des parfums qu’il a créés, mais aussi tout un assortiment de boissons et autres friandises venues de Chine, un marché pour lequel il travaille régulièrement – et en mandarin, qui plus est. Pour autant, il en parle avec précaution « La Chine est si vaste ! Chaque région a ses traditions,


NEZ CHINE #1 / 22

« J’ai compris que le parfum était à la rencontre de la science et de l’art. Et j’ai eu envie d’en faire mon métier. » son climat, ses goûts, et donc des attentes spécifiques en matière de fragrances. C’est important de le garder en tête. » D’une curiosité humble et respectueuse, Alex Lee se rend régulièrement dans le pays de ses grands-parents, où il passe beaucoup de temps dans les restaurants locaux et discute avec des aromaticiens. « Il est très important de bien comprendre la culture et les référents olfactifs du marché chinois, comme de n’importe quel marché, d’ailleurs. C’est la clé pour faire des propositions authentiques, où les gens peuvent se reconnaître. Par exemple, ce que nous, Occidentaux, entendons par “thé”, cet accord de bergamote et d’épices popularisé par l’Eau parfumée au thé vert de Bulgari, ça ne sent pas le thé pour les Chinois ! Et pour cause : ils

ne boivent pas d’Earl Grey… Pour eux, une note thé doit sentir la feuille. » De même, il prévient : « Les notes trop camphrées n’intéressent pas les Chinois, car elles ont une connotation médicinale trop forte. Mais les lignes bougent doucement, notamment grâce à Coco ­mademoiselle qui, en imposant jusqu’en Chine le succès de son sillage chypré, contribue à une meilleure acceptation des notes de patchouli. » Les goûts sont (aussi) une affaire d’éducation… À ce sujet, Alex Lee se souvient de son premier verre de vin : « C’était en France, j’avais 22 ans et je n’y connaissais rien du tout. Mais au fil des années, et grâce à toutes les personnes que j’ai rencontrées ici et qui ont pris le temps de m’expliquer, j’ai pu comprendre ce qui fait un bon vin. On ne peut pas changer la culture de quelqu’un, mais il y a bel et bien une culture qui peut s’acquérir. » Alex Lee assure qu’en matière de parfum, les Chinois ont très envie d’apprendre. Et exhorte les acteurs de l’industrie à assurer auprès d’eux cette éducation qui profiterait à tous. Selon lui, ce n’est qu’une question de temps avant que la Chine se dote de sa propre parfumerie – de même que les États-Unis, après avoir longtemps lorgné la France, ont fini par développer la leur. Aucun doute qu’il fasse partie de cette aventure excitante.

A L E X L E E E N 3 PA R F U M S

FIGUES & AGRUMES

AGARBATHI

RINASCIMENTO

Marque

Maison Lancôme

Marque

Penhaligon’s

Marque

Salvatore Ferragamo

Sortie

2019

Sortie

2017

Sortie

2018

« Pour évoquer un verger méditerranéen, j’ai imaginé avec Patricia Choux cet assemblage lumineux de figues vertes, d’agrumes et de jasmin. »

« L’odeur d’un temple indien, avec ses guirlandes de jasmin, son encens qui brûle et une note lactée qui rappelle les offrandes. »

« Le Lys de Florence, qui est en réalité un iris, se mêle ici au lys et à la tubéreuse. Un bouquet contrasté par une note moderne de poivron vert. »


Photographer Didier D. Daarwin Getty Images/Tetra Images Getty Images/John W Banagan.

E X T R

U N I A

Q C

U T

E I N

P G

R E S E N C E


FLASHBACK

François Coty L’histoire d’un empire olfactif Par Yohan Cervi


NEZ CHINE #1 / 25

Retour sur le parcours atypique de ce jeune Corse devenu l’un des pionniers de la parfumerie moderne.

Joseph Marie François Spoturno est né à Ajaccio, en Corse, le 3 mai 1874, au sein d’une famille qui jouit d’une grande notoriété locale. Rien ne prédestine ce jeune homme, élevé par sa grand-mère, à la parfumerie. Ayant pour ambition de devenir à la fois journaliste et une figure politique de premier plan, il quitte son île natale pour Paris à l’âge de 26 ans, et devient attaché parlementaire. Véritable self-made-man, il découvre le monde de la parfumerie par hasard, en aidant un jour un ami pharmacien à préparer une eau de Cologne, dans l’officine du docteur Jacqueminot. Il y prend goût et développe très rapidement son sens critique et esthétique. Parfumeur autodidacte Au début du XXe siècle, la parfumerie est un secteur très lucratif et luxueux. D’une activité artisanale, elle est en passe de devenir une industrie de haut rang. Parmi les grands noms de l’époque, on retrouve Guerlain, le plus renommé de tous, mais aussi Houbigant, L.T. Piver, Violet, Bourjois, Lubin, Dorin ou encore Coudray. Ces maisons

bénéficient d’une réputation prestigieuse et sont parvenues à fidéliser une clientèle très aisée. Les parfumeurs proposent alors des gammes variées de parfums, savons, talcs parfumés, poudres et vinaigres de toilette. La mise au point, au cours du XIXe siècle, de produits de synthèse appliqués à la parfumerie et de nouvelles techniques d’extraction, a révolutionné le secteur et démultiplié la palette du parfumeur. De nouvelles formes olfactives émergent, plus abstraites et brutales, éloignées des floraux figuratifs alors en vogue. À cette époque, Grasse constitue avec Paris l’autre grande capitale du parfum, terrain d’implantation de nombreuses sociétés fournisseuses de matières premières et de base. Afin de parfaire sa culture olfactive et d’acquérir les techniques du métier de parfumeur, François effectue alors un stage à Grasse chez Chiris où il s’initie à l’art de la composition et apprend à mémoriser les différentes odeurs. Surtout, il se passionne pour les matières et bases de synthèse. Après quelques mois, il retourne à Paris, et ouvre, avec l’argent légué par sa grand-mère, un petit laboratoire. Il se met alors à créer son premier parfum, La Rose Jacqueminot, en souvenir des champs de roses à Grasse, durant les belles journées du mois de mai. C’est à ce moment qu’il change de nom et devient Coty, en hommage au nom de jeune fille de sa mère, Coti. Parfums pour tous À partir de 1880, les parfums de luxe arrivent au sein des grands magasins parisiens comme Le Bon

marché ou Les Grands Magasins du Louvre. L’exportation se développe également en Europe, en A ­ mérique du Nord et même en Amérique ­latine, par le biais de succursales. La renommée des maisons de luxe s’étend donc bien au-delà des frontières nationales, mais leurs produits demeurent réservés à une élite. Pour cibler une large clientèle, Coty propose des produits plus abordables que la concurrence, sans jamais compromettre leur qualité. Le succès de La Rose Jacqueminot permet à Coty d’enchaîner rapidement les lancements : L’Origan et Ambre antique en 1905, Jasmin de Corse et Violette pourpre en 1906. Ses parfums sont propices au rêve, à l’évasion lointaine.

Page de gauche : © Albert Harlingue/Roger-Viollet Flacon de l’Ambre antique de Coty, modèle Lalique 1910 © Coty


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« Pour cibler une large clientèle, Coty propose des produits plus abordables que la concurrence, sans jamais compromettre leur qualité. »

Afin de répondre à la demande exponentielle, il fait construire en 1909 une grande usine moderne, aux environs de Paris. Lalique devient alors le verrier attitré de la marque et réalise de ­nombreux flacons, évoluant ­progressivement du style Art nouveau vers l’Art déco. Outre les grands magasins, Coty ­bénéficie à Paris d’une boutique spacieuse au 23 place V ­ endôme. Dans le reste de la France, il opte pour un large réseau de détaillants. Il destine également ses produits à l’export et parvient à ­s’imposer au sein de marchés très porteurs, comme la Russie, les États-Unis et l’Amérique latine.

La Grande Guerre et les Années folles La Belle Époque et son dynamisme économique s’achèvent brutalement en 1914, au début de la P ­ remière Guerre mondiale, mais la société Coty parvient à résister aux nombreux aléas et à la baisse de la consommation en France, notamment grâce à l’export. C’est durant le conflit que François Coty élabore le parfum qui sera certainement son plus grand chef-d’œuvre, Chypre, en 1917. Au sortir de la Grande Guerre et ­durant les Années folles (1920-1929), les couturiers commencent également à lancer leurs propres parfums à l’instar de Gabrielle Chanel, Jean Patou ou Jeanne Lanvin. Coty ­résiste à cette concurrence d’un nouveau genre avec Émeraude (1921), qui constitue son dernier grand succès. Milliardaire, il est alors l’un des hommes les plus riches du monde. Il collectionne les œuvres d’art, les maisons luxueuses et devient même un homme de presse influent, en rachetant le journal Le Figaro en 1922 et en fondant L’Ami du Peuple en 1928. À cette époque, les usines Coty sont en capacité de produire quelque 100 000 flacons par jour. Mais progressivement, le rythme des lancements ralentit et les nouveaux parfums se font moins inspirés. François Coty laisse même la place à d’autres parfumeurs, comme le jeune Vincent Roubert, qui signe L’Aimant (1927). Il mise alors d ­ avantage sur la vente des produits dérivés tels que les fards, les crèmes, les ­savons et surtout les poudres.

Postérité Si la Grande Guerre n’a pas eu raison de son succès, le krach boursier de 1929 et la crise qui s’ensuit viendront y mettre un terme. Aussi affaibli par un divorce coûteux, François Coty meurt ruiné le 5 juillet 1934, à l’âge de 60 ans. Son ex-femme hérite de la direction de l’entreprise, mais la cède rapidement à son nouvel époux, qui la ­revend au groupe Pfizer en 1963. De nouveaux parfums comme Le ­Vertige, Muse, Météor ou Le Muguet des bois continuent d’être lancés sous le nom Coty jusqu’en 1974. Le Groupe Coty se concentre par ailleurs sur l’acquisition d’un portefeuille de marques et développe, produit et distribue des parfums, du maquillage, des soins de la peau ainsi que des produits capillaires professionnels. L’entreprise qui porte le nom de ce visionnaire est aujourd’hui une multinationale américaine (appartenant à la holding JAB), le numéro un mondial de la parfumerie, et détient notamment les licences parfum de grandes marques comme Gucci, Chloé, Calvin Klein, Burberry ou Balenciaga. Si les parfums de François Coty ont disparu, leur postérité est considérable et la parfumerie porte encore l’empreinte de son œuvre.


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LA ROSE JACQUEMINOT

L’ORIGAN

Marque

Coty

Marque

Coty

Sortie

1904

Sortie

1905

Le premier parfum de Coty s’inscrit dans la lignée des soliflores, en vogue au début du XXe siècle. C’est un hommage à la rose de Mai, que le parfumeur a découvert lors de son premier séjour à Grasse. Afin de parfaire le réalisme et de donner plus de corps à sa composition, François Coty emploie des matières et bases de synthèse, notamment le rhodinol, à l’odeur de géranium, et une ionone (molécule qui sent la violette). Son nom est un hommage au docteur Jacqueminot et à son officine, où Coty a découvert le monde de la parfumerie.

CHYPRE

Coty souhaite rompre avec un certain académisme et sortir la parfumerie de ses carcans. L’Origan est essentiellement structuré à partir de puissantes bases de synthèse auxquelles ont été ajoutées des absolues florales. Avec cette création, le parfumeur inaugure la sous-famille des ambrés fleuris épicés, ou « florientaux ». Un bouquet floral chargé et vif (fleur d’oranger, violette, rose, jasmin) vient s’épicer de puissantes notes de clou de girofle. Le parfum s’adoucit progressivement grâce à la coumarine, la vanille et les muscs. Le succès de L’Origan ne se dément pas jusque dans les années 1930, et il sera l’un des parfums les plus vendus du monde. On retrouvera cette forme olfactive, mais avec un traitement plus délicat et sophistiqué, dans L’Heure bleue de Guerlain (1912). On l’a souvent dit, il suffisait que Coty lance un parfum pour que, quelque temps après, Guerlain lui réponde.

ÉMERAUDE

Marque

Coty

Marque

Coty

Sortie

1917

Sortie

1921

Un mythe de la parfumerie moderne ! Avant 1917, de nombreuses créations ont porté l’intitulé « Chypre » et nourri la confusion. Mais c’est cette création qui est véritablement à l’origine de la lignée prolifique des parfums chyprés. Un clair-obscur entre une ouverture lumineuse et aérienne, et une évolution à l’ombre des sous-bois. Une bergamote classique est juxtaposée à des notes terreuses, tandis qu’un cœur floral de rose et de jasmin apporte épaisseur et brillance. Des notes animales, le patchouli et la mousse de chêne signent ce parfum original et fascinant. Deux ans plus tard, Jacques Guerlain s’inspirera de cette matrice, tout en ajoutant une note fruitée de pêche, pour créer Mitsouko.

S’il ne s’agit pas de sa dernière création, Émeraude est en revanche le dernier chef-d’œuvre de François Coty. Là encore, le parfumeur innove et imagine une forme olfactive inédite autour de notes chaudes et intenses, vanillées, baumées et poudrées. Cet accord ambré (ou oriental) est rafraîchi par une grande quantité d’agrumes, notamment de bergamote, pour parvenir à une fragrance complexe et très contrastée. Ce parfum aura lui aussi une forte influence sur la parfumerie, puisqu’il inspirera notamment le célèbre Shalimar de Guerlain (1925).



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Alan Chan Variations autour du thé Un créateur hongkongais, deux parfumeurs français. De leur rencontre autour du thé naîtra une collection poétique, conjuguant l’esthétique orientale d’Alan Chan, designer collectionneur, et la sensibilité de deux virtuoses de la parfumerie : Maurice Roucel et Émilie Coppermann. Par Aurélie Dematons Photos de Mathieu Chevara


Dans le studio de création d’Alan Chan règne une ambiance concentrée. L’agence compte plus d’une quarantaine de collaborateurs et travaille sur une vingtaine de projets en parallèle, mêlant architecture, design et photographie. Costume clair, chemise blanche impeccable, lunettes rondes cerclant de noir son regard perçant et rieur, le maître des lieux est heureux de nous ouvrir les portes de son univers pour nous présenter sa nouvelle trilogie de parfums autour du thé. C’est au milieu de son impressionnante collection d’objets qu’Alan raconte son parcours et sa passion pour le thé. Bustes de Mao, figurines de Bouddha, sculpture représentant un pratiquant de tai-chi, photographies, objets en tout genre provenant des quatre coins du globe, de l’antiquité précieuse à la bouteille de soda… Au

gré de ses voyages, il a acquis nombre d’objets anciens, nourrissant son imaginaire de souvenirs glanés de pays en pays. En quarante-neuf ans de carrière, Alan Chan a remporté, avec son entreprise, plus de 600 prix locaux et internationaux. Mille et une marques issues de domaines très différents ont fait appel aux services de sa société : Coca-Cola, Disney, Four Seasons, Salvatore Ferragamo, Seiko ou l’aéroport international de Hongkong. Autour d’un mobilier spécialement dessiné pour la dégustation de thé, notre hôte raconte comment ce breuvage est devenu un élément indispensable de sa vie. « Je suis toujours fasciné par la relation complexe entre les gens, le thé, les objets et l’espace. Cette culture si riche sert de base d’inspiration pour mes projets et expositions d’art liés au thé. » Le designer a en effet su intégrer sa passion dans sa vie professionnelle, créant la marque de thé Mr Chan avec le groupe japonais Kirin en 1990,

puis ouvrant des salons de thé : Chan à Hongkong, Cha Yu à Tokyo et TeaSite à Osaka. À travers ses collaborations avec de grands noms comme Alessi, Louis Vuitton ou Cha Ling, il esquisse une approche contemporaine pour redéfinir l’art de la dégustation. « Le thé nous permet d’explorer la nature des six sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et l’esprit. Parmi eux, l’odorat est étroitement lié aux souvenirs, évoquant des images de l’enfance, un être cher, un sentiment agréable. » Petit à petit, l’univers du thé et celui du luxe se sont mêlés, faisant germer une nouvelle idée. « Depuis cinquante ans, je bois tranquillement et cherche sans cesse la profonde sagesse qu’apporte le thé. Une coutume chinoise établie depuis deux mille ans. Associer cette pratique ancestrale à un produit occidental – le parfum – était une façon de combiner nos deux cultures. » Le projet de création commença donc par de simples échantillons de


feuilles de thé envoyées au parfumeur ­ aurice Roucel. Carte blanche était M donnée au chimiste rêveur dont on ne compte plus les références : Hermès, Rochas, Guerlain, Gucci, Lancôme… « Je souhaitais que Maurice détecte ses propres arômes du thé, avec sa perspective de Français, ses émotions. » Deux variétés de thé furent le point de départ de créations parfumées également nourries de leur rencontre. Maurice Roucel avait passé quelques jours à Hong Kong aux côtés du designer pour s’imprégner de son univers. De dégustation en dégustation, Maurice Roucel s’est familiarisé avec le monde subtil des saveurs délivrées par le thé délicat et la philosophie de vie que lui a enseigné Alan Chan : « Pour citer Le Livre du thé, un ouvrage japonais d’Okakura Kakuzō [publié en 1906] : “Un homme sans thé en lui est incapable de comprendre la vérité et la beauté.” Il y a quelque chose dans le thé qui élève un moment de la vie

et vous fait entrer dans une éphémère contemplation silen­cieuse – comme peut le faire l’odeur du parfum –, brève mais profonde. » À l’image du yin et du yang, les deux premières créations se répondent et s’opposent par leur lumière : l’une, joyeuse et fruitée, rappelle le thé à l’osmanthus. La seconde, plus noire, plus animale, saisit la puissance et le caractère fumé du thé Pu Er. Alan Chan ne cache pas sa joie, il présente aujourd’hui sa nouvelle collection, constituée de trois parfums inédits. Maurice Roucel fait bien sûr partie de l’aventure, une certaine complicité s’est établie entre les deux créateurs. Leur collaboration a fait émerger d’étonnantes similitudes : un même signe astrologique, une affection pour l’Eau sauvage de Dior, des études de chimie. Chacun a même sa date porte-bonheur ! Si le numéro fétiche d’Alan est le 27, date qui a marqué les moments importants de sa vie, les changements

« Je souhaitais que Maurice détecte ses propres arômes du thé, avec sa perspective de Français, ses émotions. » de poste du parfumeur sont systématiquement intervenus le 1er juillet. Pour cette seconde édition, Maurice Roucel s’est inspiré du thé Oolong, charmé par les évocations d’Alan : « Le thé Oolong va bien avec tout. Son arôme projette une sensation succulente. C’est comme une âme sœur qui vous connaît bien et sera toujours là pour vous. » Artiste et esthète, le parfumeur s’est amusé à confronter son interprétation du thé aux spécificités


« Je me suis inspirée de l’univers très épuré d’Alan Chan, à la fois moderne, urbain et minimaliste. »

du Oolong. « J’ai repensé à ce qui apportait du plaisir, du réconfort dans l’idée du thé. J’ai donc construit la composition autour de notes musquées, qui se révèlent amplement comme la longueur en bouche d’un thé ancien, décrit Maurice. Des inflexions épicées reproduisent l’effet chaud d’une profonde gorgée, douce et lactée par le santal et la fève tonka. Doucement, la note fleurie et verte du Oolong s’installe en touches de jasmin, de chèvrefeuille et de magnolia ; tandis que le fond cuiré évoque son caractère fermenté. » L’histoire se poursuit avec deux nouvelles variétés de thé, complétant la riche collection du designer. « Il existe un thé pour chaque situation, s’amuse-t-il, pour se réveiller, pour digérer… » Nouvelles inspirations, nouvelles interprétations, cette fois, c’est une femme qui se prête au jeu : Émilie Coppermann, récompensée par de nombreux prix pour ses références prestigieuses parmi lesquelles Paco

Rabanne, Givenchy, Karl Lagerfeld… Parfumeur solaire, Émilie teinte ses créations d’une lumière poétique : « Je me suis inspirée de l’univers très épuré d’Alan Chan, à la fois moderne, urbain et minimaliste. » Pour le second parfum, Émilie imagine un thé à la menthe glacée et minérale, inspirée d’un désert de sel. « Les étendues, les couleurs évoquent la fraîcheur, mais elles s’inscrivent dans un paysage de forte chaleur. Chaud et froid se tutoient ainsi dans une douceur musquée. Le troisième parfum sublime quant à lui le thé Hojicha, une variété japonaise qu’affectionne particulièrement Alan pour sa saveur maltée de noisette caramélisée, et de terre. » Finesse et raffinement sont de règle pour épouser l’esthétisme japonisant ; Émilie revisite le délicat thé dans un accord boisé saupoudré de riz soufflé et de sésame grillé. Un délice à savourer avec profondeur et sagesse, autour d’une tasse de thé.


I-EYE

CARTE BLANCHE

à Alan Chan

C’est en 2010 qu’Alan Chan se sert de son iPhone pour créer sa série photographique « iEye-ai ». D’abord informelle, cette pratique deviendra engagée, tant l’action spontanée de la prise de vue apportera à l’auteur liberté et satisfaction au fil de ses trépidants voyages.

Elle aboutit également à des expositions dans de nombreuses villes, et à une nouvelle installation vidéo. Pour Alan Chan, le projet permet avant tout de mettre en relation différentes villes, différentes cultures. Au gré de ses nombreux voyages, au détour d’une promenade en ville ou bloqué dans la circulation, des moments éphémères – une scène intéressante ou une jolie composition – surgissaient si soudainement qu’il devait utiliser son iPhone pour les saisir au vol. Le titre « Eye-ai » désigne ainsi cette utilisation de l’iPhone pour immortaliser les éléments chers à Alan Chan (« ai 愛 » est l’idéogramme signifiant « amour » en Mandarin/Japonais). Au-delà du simple témoignage de la vie d’Alan Chan à l’étranger, « iEyeai » transcende la simple photographie en utilisant la répétition pour créer de nouveaux motifs, multipliant les possibles lectures de la structure visuelle et de son contexte. À l’exception

d’infimes retouches, toutes les photographies exposées depuis le lancement d’« iEye-ai » ont conservé leur forme originale. Par l’utilisation d’un outil de capture photographique compact et via un traitement graphique raffiné, la série de photographies illustre la prompte transformation de la société contemporaine, constituant tout à la fois un objet photographique, design, un reportage et un récit. Comme le confie Alan Chan, « Depuis mes débuts dans la publicité, dans les années 1970, j’ai toujours utilisé la photographie pour créer des storyboards de publicités télévisuelles et pour la presse. La photographie est pour moi la façon la plus directe de raconter des histoires. J’ai toujours été très sensible aux images, et la prise de photos me permet d’illustrer rapidement mon imagination. Ces jours-ci, je ne photographie que pour trouver l’inspiration. Pour moi, cela représente l’expression de notre style de vie contemporain. »


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Yu Hui Tseng, Le maître de thé Par Béatrice Boisserie et Tristan Baldi Photo de Pablo Nùñez

Née à Taïwan et parisienne d’adoption, Yu Hui Tseng déguste le thé depuis l’âge de 2 ans. Elle est aujourd’hui la première femme à porter le titre de Maître de thé dans l’histoire de la Chine.

Gagnaire, Robuchon, Petrus, Dom Pérignon… Depuis un quart de siècle, les 1 000 références qui sommeillent dans la cave de la Maison des trois thés, à Paris, ont conquis d’illustres chefs et sommeliers. Mais au-delà des grands crus seuls, c’est le conseil, le palais et le nez de Maître Tseng qui sont convoités. Yu Hui Tseng a toujours vécu en sentant les choses autour d’elle ; aussi ne considère-t-elle pas son expertise comme un métier, mais plutôt comme une façon de vivre : « Le thé est une sorte de parfum intérieur, un parfum que l’on boit et qui finit par nous habiter. Petit à petit, au fil des tasses, il s’installe dans notre corps. » C’est en 1990, pour sauver le marché du thé en France, qu’elle s’implique dans les plantations chinoises pour réintroduire une exigence de qualité et remettre au point les processus de fabrication. En parallèle, elle élabore une terminologie permettant de décrire le thé sur le modèle du vin : terroir et millésime pour les Pu Er, mais également robe ou longueur en bouche.

Elle participe plus tard à la réalisation d’accords entre mets et thés pour de grands chefs, en adaptant ses sélections au gré des épices et de l’affinage des différents fromages. Aujourd’hui, cette gardienne du temple de la production chinoise enseigne dans les écoles, forme des planteurs comme des sommeliers, et organise des dégustations au sein de son établissement. Ici, contrairement à la cérémonie du thé, la mise en scène ne prime pas sur la qualité du produit : c’est en développant l’odorat et le palais que l’on s’éduque à la complexité aromatique exceptionnelle des grands thés. Pour Madame Tseng, préférer un thé équilibré à des tanins vulgaires qui agressent le palais, et « attraper

les odeurs » alentour nous permettent d’enrichir notre mémoire et d’aiguiser notre vocabulaire. D’une liqueur à l’autre, la dégustation se drape effectivement de mille senteurs : alors qu’un Oolong évoque le seringa, les lilas, le troène, le miel d’acacia et des notes d’artichaut, de courgette, de noix de coco et de vanille, un Pu Er offre des notes de champignon frais, de tourbe et de feuilles mortes… De la visite des théiers, dont elle assure que « tout ce que vit l’arbre marque la feuille », à la dégustation au sein de son Maison des trois thés, Yu Hui Tseng exerce une influence mondiale sur l’univers de ce précieux breuvage et le langage utilisé pour le qualifier.



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NEWS

CHINE : DU PATRIMOINE OLFACTIF À L’INNOVATION Par centdegrés

La fin de l’année 2019, marquée par le 70e anniversaire de la République Populaire de Chine – largement fêté tant par les parfumeries chinoises qu’internationales – nous donne un aperçu des perspectives pour les prochaines saisons. Et elles sont précisément tournées vers la Chine, sa culture, ses couleurs, ses matériaux bruts, son expertise, son artisanat et ses créations. Autant d’hommages à un ­héritage riche, non plus assimilé à une qualité médiocre et une faible créativité. Bien au contraire : « Made in China » symbolise aujourd’hui la fierté de la Chine, et donne de l’élan à une génération désireuse de montrer une facette nouvelle et exaltante de son pays.

Les Hommes « Y » Bien que l’utilisation de produits de beauté et de soins pour la peau constitue aujourd’hui une norme pour les hommes en Chine, le parfum est jusqu’à présent resté relativement discret. L’obsession des millennials pour la beauté via les masques, crèmes et sérums de visage n’est plus un secret : cet immense engouement a constitué un véritable challenge pour l’industrie, qui a dû adapter son offre afin de proposer de nouveaux produits, plus pertinents. La Génération Y soigne(ait) son apparence, influencée par la publicité et le reflet des réseaux sociaux. C’est aujourd’hui une inclination plus subtile, plus fine, qui voit le jour parmi les hommes chinois.

L’intérêt pour le parfum – encore très faible jusqu’en 2017, avec une présence sur le marché global du parfum de l’ordre de 1 % pour les consommateurs chinois – grandit, et force est de constater que si les hommes se désintéressent de la plupart des sujets tendances en Chine, ils sont très enthousiastes à l’égard de l’olfaction, convoitant les informations relatives aux différentes compositions et les histoires associées à la création de parfums. En juillet dernier (2019), le parfum masculin était l’une des tendances les plus virulentes sur l’application Little Red Book, reflet d’une bonne couverture médiatique des marques et de l’engouement pour le secteur. Parmi les sujets, « quel parfum sexy pour un homme » était largement discuté, avec des hashtags tels que « Bad boy scents (渣男香) » (les parfums pour


mauvais garçons) et « Girl-slaying scents (女香) » (parfums pour faire tomber les filles) repris plus de 50 000 fois en l’espace d’un mois. À l’instar de l’industrie des spiritueux en Chine, les marques et parfumeurs devront adapter leur communication à ce marché prometteur, ce qui pourrait bien pousser les leaders de l’industrie à partager de nouvelles innovations et/ou conceptions avec leur public. Une véritable matrice de nouveaux spécialistes ! De « Fabriqué en Chine » à « Conçu en Chine » Les chinois constituent une clientèle prédominante dans le secteur du luxe, dont celui du parfum, et notamment du parfum d’ambiance, qui connait une croissance significative et rapide. Les afficionados du parfum

s’intéressent dorénavant aux marques de niche, qui offrent une approche et une expérience différentes : une belle opportunité qui ont permis aux maisons de parfum locales de s’implanter sur le marché et d’entrer en compétition avec les géants internationaux. Aujourd’hui, cette implantation est effective, et il serait indécent de les sousestimer dans les années à venir, particulièrement depuis cette prise de conscience du potentiel « Made in China » soutenu à la fois par le gouvernement et les citoyens, fiers du savoir-faire et des parfums locaux. Un bel hommage à ce pays, aujourd’hui au croisement de l’innovation et de la créativité, qui s’aménage une place parmi les décisionnaires du secteur.

Les particularités du marché de l’olfaction en Chine sont trop complexes pour que des conclusions puissent être tirées sur les derniers mois qui nous séparent de 2020. Mais qu’il s’agisse de symboles de l’héritage culturel chinois ou d’intelligences artificielles, qui viendront sans doute jouer un rôle prochain dans l’industrie du parfum, une chose est sûre : la Chine a tout juste commencé à nous étonner, et les innovations, parfums et tendances qu’elle insufflera au secteur promettent d’être exceptionnels.


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Directeurs de la publication Dominique Brunel Mathieu Chévara Jeanne Doré Direction artistique Atelier Marge Design Direction d’ouvrage Mathieu Chévara Jeanne Doré Coordination éditoriale Lucile Rives Marion Salort Contributeurs Tristan Baldi Béatrice Boisserie Sarah Bouasse Yohan Cervi Olivier R. P. David Aurélie Dematons Delphine de Swardt

Traduction Tristan Baldi Fabrication Marianne Ménager centdegrés Design graphique Manon Guerillot Sheng Cao Patrick-Axel Fagnon Photographies Michael Avedon Mathieu Chevara Matthieu Dortomb Olivier Löser Pablo Nùñez Illustrations Jeremy Perrodeau Publicités et partenariats Dominique Brunel

Éditeur Nez éditions 29, rue des Orteaux 75020 Paris contact@nez-larevue.fr Diffusion et distribution Chine Emma Chateauneuf Matthieu Rochette-Schneider centdegrés China www.centdegres.com Remerciements Juliette Allaire (Mane) Alan Chan (Gallery 27) Ava Chan (Gallery 27) Nelly Charriot (IFF) Judith Gross (IFF) Ting Shao (centdegrés)

Nez, la revue olfactive www.nez-larevue.com Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Les erreurs ou omissions involontaires qui auraient subsisté malgré les soins et les contrôles de l’équipe de rédaction ne sauraient engager la responsabilité de l’éditeur.



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Nez propose tous les six mois d’explorer le monde à travers nos sensations olfactives, avec une approche pluridisciplinaire inédite : art, littérature, ­photographie, sciences, histoire, parfumerie… Pour découvrir et comprendre le rôle essentiel de l’odorat dans notre vie. Nez porte la voix d’un mouvement culturel visant à promouvoir la culture de l’olfaction et développer la connaissance du parfum autour du globe. Créée en 2016 à Paris, Nez est disponible dans trois langues – anglais, français et italien – dans plus de vingt pays.

é di tor i al p our une c ult ure ol fac tive g e s t ue lle l e s z one s parf umabl e s  : c om men t s e parf umer ? l’o s mant hus il était u ne fl eur fruitée r e nc ont r e je an- c hris tophe hérault i nt e rv i ew f rédéric mal l e odor ama l a mol éc ul e : l’hedione

p ortrait l a voi x du pa r f um r enc on t r e avec a lex lee flashback fran ç ois c ot y  : l’hi st oi r e d’un empi r e olfact i f alan chan va r i at ion s au t our du t hé i-eye ca rt e bl a nche à a l a n cha n y u hui tsen g le ma î t r e de t hé news chi n e : du pat r i moi n e olfact i f à l’i n novat ion

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