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ÉDITO
La voix de la création Encore émergente au début des années 2000, la parfumerie dite de niche est parvenue, ces vingt dernières années, à jouir d’une vitalité incomparable : près de deux milliers de lancements par an, une croissance exponentielle, un marché de l’ordre du milliard annuel dans le monde, des produits en quête d’excellence, d’innovation, de créativité sous toutes ses formes. La niche, dont la dénomination et la définition semblent aussi indomptables que son développement spectaculaire, continue de défricher pour écrire ici et maintenant de nouvelles pages de l’histoire de la parfumerie. Libérée des contraintes du marché grand public, elle en constitue en quelque sorte le laboratoire d’expérimentation, ouvrant la voie aux explorations et aux tentatives qui permettent de tracer les trajectoires de la parfumerie de demain. Depuis son lancement en 2007, notre site Auparfum a observé de très près ce marché, ses acteurs, ses marques et ses créations, toujours
en continuant à mettre en avant le meilleur du circuit sélectif. Après le lancement et le succès immédiat de la revue Nez en 2016, les années d’expérience acquises à produire quinze numéros, des dizaines de livres, des podcasts, des expositions et des événements, il nous a semblé évident qu’un nouveau média international exclusivement consacré à la parfumerie de niche avait toute sa place aujourd’hui. Nous sommes ainsi ravis de vous présenter le premier numéro de Niche by Nez, magazine annuel, gratuit et disponible dans le monde entier grâce au réseau international que nous avons pu tisser avec nos nombreux partenaires, permettant de faire rayonner la culture olfactive auprès du plus grand nombre. Boutiques de parfum, salons, événements professionnels ou grand public contribueront à faire découvrir ce nouveau périodique, promis à amplifier la voix de tous les acteurs de cette parfumerie tournée vers l’avenir.
Dominique Brunel, Mathieu Chévara, Jeanne Doré, cofondateurs de Nez
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26, rue Cambon, Paris Ie parfums-de-marly.com
SOMMAIRE
ENTRÉE EN MATIÈRE
Une parfumerie confidentielle de moins en moins rare par Jessica Mignot P.6
OBVIOUS
À la recherche du plaisir olfactif authentique P.27 IN ASTRA
La tête dans les étoiles P.29
MATIÈRES PREMIÈRES
Dans les coulisses des marques
Les matières naturelles
MARC-ANTOINE BARROIS
P.11
P.32
P.9
par Delphine de Swardt
MAISON LAUTIER 1795
Le réveil d’une belle endormie
par Will Inrig et Béatrice Boisserie P.12 SANTANOL
Au cœur du santal indien
par Anne-Sophie Hojlo P.17
par Juliette Faliu P.31
Un univers imaginaire
P.33 AFFINESSENCE
Du fond à la tête P.35 D’ORSAY
La carte du Tendre P.36 LA CLOSERIE DES PARFUMS
Rêves d’ailleurs
PORTRAITS DE MARQUES
La niche venue du Nord
par Sarah Bouasse, Anne-Sophie Hojlo et Guillaume Tesson
La beauté d’un nouveau geste
Se lancer dans la parfumerie de niche par Juliette Faliu P.25 FABBRICA DELLA MUSA
La douceur de vivre à l’italienne UNIKA
La mise à l’honneur de belles matières naturelles PIGMENTARIUM
Dans le sillage de Prague P.26
AUTOUR DU PARFUM P.53 IFRA
Un acteur qui vous veut du bien par Jessica Mignot P.54 SCENTIS
« On préfère le cousu main »
par Béatrice Boisserie P.55
MAISON GODET
Une histoire de famille
P.37
P.23
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JORUM STUDIO P.39 HERMETICA PARIS P.40
MOYENORIENT P.57
Le sillage comme parure par Pascale Caussat P.59 AMOUAGE
« La filière de l’encens mérite davantage de transparence » par Guillaume Tesson P.62
IBERCHEM par Anne-Sophie Hojlo P.65
L’AIR DU TEMPS par Jessica Mignot P.43
Les notes salées, embruns & papilles P.44
Les notes anisées, spiritueuse aromatique P.48
Les secrets d’un marché de connaisseurs P.66
Du brief au flacon, la création d’un parfum de niche P.69
Luz Vaquero « Pour un parfumeur, la niche est plus stimulante » P.70 LE GUIDE INTERNATIONAL DE LA PARFUMERIE DE NICHE P.73
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Entrée en matière
UNE PARFUMERIE CONFIDENTIELLE DE MOINS EN MOINS RARE La parfumerie de niche, née il y a environ 50 ans, est devenue un incontournable de l’industrie, façonnant les goûts à venir et permettant de donner une place à une autre manière d’écrire les fragrances. Comment est-on passé de la confidentialité des premiers jours à un segment essentiel au marché ? Par Jessica Mignot
D’origine incertaine, le terme de « niche » est aujourd’hui souvent mal perçu par le secteur, qui semble même parfois y voir une insulte. Pourtant, il s’agit d’abord d’un mot du lexique architectural qui désigne une cavité creusée dans la pierre. Ce n’est que tardivement, au XVIIe siècle, qu’il s’est appliqué à la couche de nos animaux domestiques. Mais il caractérise aussi, dans le secteur économique, le « segment d’un marché où il existe peu de concurrence et qui permet à une entreprise de développer un nouveau créneau commercial », selon le Larousse. Nommée également haute parfumerie, parfumerie d’exception, parfumerie alternative, ou encore parfumerie d’auteur, cette catégorie émerge dans les années 1970, en réaction à l’industrialisation alors croissante du secteur. Selon le Dictionnaire amoureux du parfum d’Élisabeth de Feydeau, elle a pour aspirations fondamentales de « réveiller l’émotion, flatter la personnalité et répondre à un fort besoin de se singulariser », portée par quelques noms qui revendiquent une plus grande liberté créative, une vision moins influencée par
les impératifs du marché et une distribution limitée. L’historienne suggère d’ailleurs dans sa Grande Histoire du parfum que le terme « niche » puisse renvoyer à « l’habitat des oiseaux qui s’abritent dans des endroits secrets et préservés », à l’instar des boutiques-écrins de ces nouvelles maisons. Maïté Turonnet, journaliste spécialisée qui en a vécu la naissance, évoque trois grands pionniers : « Avec Serge Lutens, Annick Goutal et Jean-François Laporte, la parfumerie met pour la première fois des personnes en avant, avec un storytelling très puissant. Cependant, il ne s’agit pas encore de parfumeurs, mais de directeurs artistiques », souligne-t-elle. Il faudra attendre, notamment, l’impulsion de Frédéric Malle en 2000 pour que les premiers soient mis en lumière. Mais à l’époque, cette branche se distingue surtout, olfactivement, par une écriture novatrice : « On n’était plus dans des floraux riches avec de très nombreux composants ; les matières premières étaient travaillées de manière radicalement différente. Et l’on s’est mis à reconnaître les
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auteurs, leur signature », poursuit Maïté Turonnet. Lorsqu’elle voit le jour, la niche fascine, et les quelques journalistes spécialisés, formés à l’olfaction, s’emparent du sujet : « L’écriture sur le parfum et la niche sont arrivées de manière presque simultanée, ce qui a énormément contribué à l’essor de cette dernière. L’apport culturel a été important, cela a permis de développer le goût du public et de changer le regard global sur cette industrie. Bref : grâce à la niche et à la presse qui l’a mise en avant, l’ensemble du public s’est ouvert à la création olfactive », conclut la journaliste. Assez rapidement, les grandes maisons traditionnelles s’y intéressent et développent à leur tour des gammes exclusives, lignes croisières et autres collections privées ; certaines marques sont également reprises par les groupes puissants.
souvent délaissée par les grandes entreprises pour des raisons de rentabilité car ce micromarché a un potentiel faible de clientèle », notre industrie refuse cette inertie. Selon Marc Dubrule, directeur du développement stratégique des divisions sélectives de L’Oréal, lors d’une conférence de presse en 2016, le secteur a même « sauvé le marché, en amenant du réenchantement dans les points de vente, de l’éducation chez les consommateurs ». S’il est difficile de trouver des chiffres fiables sur le nombre annuel de lancements – on parle ici et là d’un millier (peut-être plus proche de deux milliers) –, ce segment de marché est en permanente progression. Mais en tant qu’indépendant, lancer sa marque de niche ne répond généralement pas à un opportunisme marketing : bien au contraire, c’est un pari risqué, et nombreuses sont les jeunes maisons qui Quelques salons – Esxence à Milan ferment leurs portes chaque année. Et et Pitti Fragranze à Florence notam- ceux qui s’illusionnent sur le succès des ment, révélant la forte présence de marques emblématiques rachetées par cette parfumerie en Italie – et des prix les grands groupes se trouvent souvent lui sont désormais consacrés. Ainsi, si et brutalement confrontés aux arcanes le Larousse précise que « la niche est d’un modèle économique fragile.
Savoir sourcer des matières premières de qualité, trouver les partenaires et parfumeurs qui correspondent à l’identité propre de sa maison, mais aussi assurer la bonne distribution de ses produits constituent autant de jalons d’un véritable parcours du combattant. C’est aux différents acteurs de cette longue chaîne que nous avons souhaité donner la parole, pour dresser le portrait nuancé d’un secteur devenu conséquent.
« Grâce à la niche et à la presse qui l’a mise en avant, l’ensemble du public s’est ouvert à la création olfactive. » Maïté Turonnet
Disponible chez Jovoy et sur www.jovoyparis.com
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MAti ères pre miè res MAISON LAUTIER 1795 LE RÉVEIL D’UNE BELLE ENDORMIE P. 12
SANTANOL AU CŒUR DU SANTAL INDIEN P. 17
DE LA TERRE AUX ESSENCES L'histoire continue*
MAISON L AUTIER 1795, L A NOUVELLE MARQUE D'INGRÉDIENTS NATURELS DE SYMRISE, R É I N T E R P R È T E L A PA R F U M E R I E N A T U R E L L E E N R E L I A N T L 'A R T I S A N A T E T L E S M É T I E R S D U PA S S É A U X I N N O VA T I O N S D U F U T U R . MAISON L AUTIER 1795, IS SYMRISE NEW NATUR AL INGREDIENTS BR AND C O N N E C T I N G T H E C R A F T O F T H E P A S T W I T H T H E I N N O VA T I O N O F T H E F U T U R E . *FROM EARTH TO ESSENCE
The stor y continues
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LES MATIÈRES NATURELLES Par Delphine de Swardt
Les parfums se composent de plusieurs types d’ingrédients, dont la première catégorie, par antériorité et par tradition, est celle des matières naturelles, issues principalement de plantes qui produisent des substances odorantes.
parfois l’expression « nature parfumeur » pour évoquer la genèse de ces matières premières. Si, historiquement, les plantes à parfums étaient surtout celles que l’on rencontrait dans le bassin méditerranéen (la région de Grasse, entre terre et mer, est d’ailleurs propice à leur culture, avec ses étés secs, ses hivers froids et des précipitations suffisantes), les végétaux exploités aujourd’hui en parfumerie poussent un peu partout sur la planète. Chaque plante serait capable d’un véri- Au commencement, il y a la plante, faite table assemblage de plusieurs centaines de racines, de tiges, de feuilles, d’écorce, de constituants aromatiques pour expri- de fleurs, de fruits ou de graines. Selon mer son « essence » olfactive, sa signa- l’espèce, on emploiera tout ou partie de ture, son âme parfumée. Ainsi, on utilise ces constituants. Pour être plus précis,
hormis pour les agrumes dont on utilise séparément feuilles, fleurs et fruits, la récolte est généralement focalisée sur un des éléments uniquement. Pour beaucoup d’ingrédients naturels, la récolte s’effectue à la main, et les processus d’extraction sont exécutés le plus souvent sur place ou à proximité du lieu de culture, en raison de la rapide dégradation du matériau, selon des savoir-faire datant parfois de plusieurs millénaires. Cela n’a pas empêché, ces deux dernières décennies, une intensification de la recherche en vue d’améliorer le rendement et la qualité de ces ingrédients.
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MATIÈRES PREMIÈRES
Maison Lautier 1795
LE RÉVEIL D’UNE BELLE ENDORMIE Par Will Inrig
La renaissance de la maison détenue par Symrise, qui concentre désormais sur celle-ci son portefeuille complet d’ingrédients naturels à travers trois gammes (Madagascar, Artisan et Supernature), nous invite à nous pencher sur une approche innovante des potentiels trésors qui composent les parfums.
Symrise, Lautier était une belle endormie. » Au fur et à mesure de la découverte de l’histoire de l’entreprise, sa fascination pour les archives de celle-ci ne fait que croître : « Contre toute attente, elles sont restées intactes, et sont parmi les plus importantes des anciennes maisons grassoises, constituant à mon sens une encyclopédie sur les naturels. » Ricardo Omori et son équipe proposent ainsi de redonner vie à Lautier en tant que fournisseur d’inParmi les entreprises d’ingrédients natu- grédients naturels pour la parfumerie et rels de la ville de Grasse, deux géantes les arômes : « Lautier est une légende, une ont longtemps tiré leur épingle du jeu : pionnière dans des domaines variés. Nous Chiris et Lautier. Durant la première avons donc commencé là où eux s’étaient moitié du xxe siècle, ces sociétés ont arrêtés. » rivalisé en visant la suprématie mondiale de leur domaine d’expertise et en offrant Faire renaître l’expertise Lautier des matières plus nombreuses et de la Lautier a été l’une des premières sociétés meilleure qualité à une clientèle toujours à investir dans les matières premières de croissante. Elles ont fini par être convoi- parfumerie à Madagascar. « La famille tées par des investisseurs extérieurs : Morel – propriétaire de la maison dès 1877 – Chiris a finalement été rachetée par a reconnu très tôt le potentiel du pays en Universal Oil Products, et Lautier par matière d’ingrédients », explique Ricardo Symrise. Omori. « Lautier y a fait ses premiers achats à partir de 1928 : des clous de girofle et de Des racines bicentenaires l’ylang-ylang. » Ce dernier était distillé à Les racines de Lautier s’ancrent au Nosy Be par le père Clément Raimbault, milieu du xviiie siècle, au moment qui y avait établi des plantations d’ylangoù François Rancé fait ses premiers ylang et de vanille générant des fonds pas en tant que parfumeur-gantier à pour aider les léproseries malgaches. Grasse. Ricardo Omori, vice-président « Aujourd’hui, Maison Lautier 1795 est senior de la branche Fine Fragrance de l’une des rares entreprises de parfumerie à Symrise, s’émerveille de l’héritage offert contrôler l’ensemble de sa chaîne d’approvipar la maison : « Lors de mon arrivée chez sionnement locale à Madagascar. Sur place,
nous avons notre propre usine, notre équipe et nos artisans », insiste Ricardo Omori. « À partir des années 1950, Lautier a investi dans les marchés émergents comme le Mexique, le Brésil et la Chine, des pays qui nous sont aujourd’hui essentiels », remarque Ricardo Omori, lui-même brésilien. Pour satisfaire la demande, Lautier conserve à cette époque un portefeuille de plus de mille ingrédients naturels provenant d’une soixantaine de pays : un réseau commercial digne d’un empire. C’est à la fois grâce à ses matières premières et aux nombreuses personnalités qu’elle a accueillies que l’entreprise a acquis sa réputation. Des années 1960 aux années 1980, de jeunes parfumeurs comme Carlos Benaïm, Jean Martel et Christopher Sheldrake y ont fait leurs armes ; Jean-Claude Ellena y a également exercé de 1976 à 1986. À cette époque, Christian Rémy gère les achats de matières premières de la société, avant de fonder avec sa femme Monique le Laboratoire Monique Rémy (LMR, racheté plus tard par IFF). Au milieu des années 1990, Lautier fusionne avec la célèbre société allemande Haarmann & Reimer, devenue Symrise en 2003. Rebaptisée Maison Lautier 1795, cette entité incarne désormais la volonté de Symrise de soigner son portefeuille d’ingrédients naturels, en renforçant son engagement en faveur du développement durable.
MATIÈRES PREMIÈRES
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MAISON LAUTIER 1795 EN UN CLIN D’ŒIL TROIS PILIERS
Madagascar Surnommé « la nouvelle Grasse », le pays est le centre névralgique de Maison Lautier 1795. Débutées avec la culture de vanille, les activités se sont diversifiées et consolidées avec la mise en place d’autres filières de plantes à parfums, telles que la baie rose, le cacao, la cannelle, le géranium, le gingembre, le lemongrass, le longoza, la mandarine, le patchouli, le vétiver… Artisan Maison Lautier 1795 a identifié des producteurs artisans triés sur le volet pour exploiter des plantes à parfums suivant des processus de transformation qui garantissent des qualités exclusives de jasmin, iris, boya et santal notamment. Supernature Les technologies exclusives et brevetées par Symrise sont mises au service de Maison Lautier 1795 pour l’extraction de fruits et légumes obtenue sans traitements chimiques et avec très peu d’énergie. Proposer aux parfumeurs des extraits 100 % naturels d’asperge, d’artichaut, d’oignon, de chou-fleur, de poireau, de banane, de cassis, de fraise et de pomme est une première pour la parfumerie.
MAISON LAUTIER 1795 E N 3 PA R F U M S
VELVET TONKA Marque
BDK
Parfumeur
Alexandra Carlin
Sortie
2021 Les facettes amandées de la fève tonka se fondent ici avec la fleur d’oranger et la rose, pour une gourmandise orientale revisitée. On y croise des nuances de tabac, soutenues par la chaleur épicée de l’essence de cannelle et de l’absolue vanille Bourbon de Madagascar.
Holzminden, Allemagne Grasse, France
Benavony, Madagascar
1ER RANG MONDIAL dans la production de vanille
1 000 À 2 000 T
de vanille exportées par l’île (destinée avant tout aux arômes)
80 – 90 %
de la production mondiale de vanille d’origine malgache
80 %
de la main-d’œuvre du pays consacrée à l’économie agricole
12 000
LAVALLIÈRE Marque
Yves Saint Laurent
Parfumeur
Annick Menardo
Sortie
2022 Une rose végétale et charnue, repulpée par la figue et le cassis juteux, se rafraîchit d’un zeste de mandarine et de la facette litchi du géranium, tous deux issus de Madagascar.
TONKA BLANC TROIS SITES DE PRODUCTION
MADAGASCAR EN CHIFFRES
Marque
L’Artisan parfumeur
Parfumeur
Alexandra Carlin
Sortie
2022 Cet ambré hespéridé, inspiré d’un cheesecake au chou-fleur, réinvente le genre grâce à un extrait naturel du légume issu du procédé SymTrap. La mandarine et le vétiver, cultivés à Madagascar, apportent leurs facettes zestée et boisée, au côté des enveloppantes vanille et fève tonka.
espèces végétales sur l’île
3 000
espèces d’orchidées dont une est la vanille
SYMRISE EN CHIFFRES
7 000 PAYSANS dans la région de la Sava, au nord-est de l’île
150 HA
possédés par Symrise dans la Sava pour mener à bien ses cultures
40 000
personnes concernées par le programme durable de Symrise
9 300
producteurs formés à l’agriculture régénérative
5 883
fermes certifiées
84
villages
De Grasse à Madagascar Par Béatrice Boisserie
Cent ans après les premiers essais botaniques qui y ont été menés, Madagascar est un extraordinaire laboratoire d’expérimentation à ciel ouvert et le cœur battant de Maison Lautier 1795. Grâce au rôle clé que la vanille joue dans l’économie de l’île, la maison encourage la diversification des cultures et consolide d’autres filières de plantes à parfums : gingembre, géranium, vétiver, cannelle, lemongrass… L’occasion de fournir un revenu complémentaire substantiel aux paysans, qui doivent survivre en dehors de la saison de la vanille. Mais aussi de pouvoir concevoir de nouveaux ingrédients naturels pour la parfumerie.
Les équipes de cultivateurs, horticulteurs, ingénieurs agronomes et botanistes considèrent la Sava – une région dans le nord-est de l’île nommée ainsi d’après ses principales villes, Sambava, Andapa, Vohémar et Antalaha – comme un extraordinaire terrain de jeu où multiplier les projets pilotes et les tests à petite échelle : le vétiver et la baie rose sur terre rouge, les mandariniers de demain, la baie de SaintThomas, dont la filière dominicaine connaît une pénurie depuis plusieurs années. Mais aussi le tsiperifery, cultivé pour la première fois ici. Son enregistrement comme nouvel ingrédient de la parfumerie est en cours. Avant d’acquérir son nom scientifique, ce poivre sauvage de Madagascar, qui joue les piments dans la cuisine locale, était déjà plébiscité par la cheffe Anne-Sophie Pic ou le chocolatier François Pralus.
Une des ambitions de Maison Lautier 1795 est par ailleurs de créer une nouvelle référence de patchouli pour la parfumerie fine. Le petit arbuste pousse facilement sous le cacao, la vanille et le café. Il se récolte trois ou quatre fois par an et se distille avec un bon rendement. Sa production, de plus en plus rodée et entièrement bio, pourrait venir concurrencer un jour le patchouli indonésien… Savoir-faire oubliés Les équipes recherchent constamment de nouveaux débouchés pour des matières premières, sans oublier d’explorer des façons inédites de produire des essences. Des outils sophistiqués sont utilisés pour faire parler les plantes, comme un camion doté d’une technologie d’extraction au CO2 : un procédé venu de l’industrie pétrolière qui fonctionne très bien sur les
produits secs comme le longoza, les fleurs blanches séchées ou le gingembre. Plus compliqué sur des matières fraîches, mais pas insurmontable : la mise au point d’un superséchoir est en cours, qui permettrait notamment de déshumidifier une eau aromatique par exemple, comme celle du litchi. De nombreux savoirfaire oubliés sont également revisités, comme l’enfleurage. Depuis 2020, les premières concrètes de fleurs de café, de niaouli et de gingembre papillon ont été réalisées avec de l’huile de jojoba. Jackpot aussi pour le fruit du jacquier, l’ylang-ylang et le poivre blanc ! Tournées vers le futur mais ancrées dans la tradition de la parfumerie, les recherches s’orientent vers la valorisation d’un corps gras endémique pour enfleurer, comme le beurre de cacao ou le calophyllum. Problème, ces matières sentent… fort.
Explorations olfactives Des essais de désodorisation ont été menés, avec des ultrasons, de l’argile rouge, du charbon actif. En vain jusqu’à présent. Mais les équipes de chercheurs locaux se mobilisent activement, et d’autres tests sont en cours – avec une machine pilote ou un nouveau procédé de trempage et de nettoyage des fleurs. Dans le respect de cette terre magique, en lien avec ses paysans qui la connaissent intimement, Maison Lautier 1795 est convaincue de ne pas avoir dit son dernier mot. En inventant de nouvelles façons d’extraire le parfum de quelques-unes des 12 000 espèces de plantes présentes à Madagascar, certaines pistes pourraient bien cacher des étoiles et permettre à ces explorations olfactives, développées en symbiose avec les producteurs locaux et en étroite
collaboration avec les parfumeurs à Paris, New York, Dubaï, São Paulo ou Shanghai, de devenir de nouveaux grands succès de la parfumerie de demain. Pour Ricardo Omori, l’héritage de Lautier invite à l’humilité : « C’est un énorme patrimoine, à la fois technique et culturel, qui est déposé entre nos mains. » Il est convaincu que la société a devant elle un avenir brillant, fort de son histoire mêlant tradition, innovation et respect. « Nous avons composé une formidable équipe et travaillons dur au développement de la prochaine étape. Je suis convaincu qu’en sachant qui l’on est, on sait où l’on va. » Et pour Symrise et Maison Lautier 1795, présents à Madagascar depuis 2004, cette destination est désormais Grasse. Maison Lautier 1795 @symrise_finefragrancestories
MATIÈRES PREMIÈRES
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Santanol
au cœur du santal indien Par Anne-Sophie Hojlo Photo s : Santanol
Depuis trente ans, « le roi des bois » règne sur le nord de l’Australie. Santanol y produit une huile essentielle avec une approche durable et raisonnée. Apprécié depuis l’Égypte antique, le santal est l’un des bois les plus précieux figurant à la palette des parfumeurs. Si l’on rencontre en Australie la variété Santalum spicatum de façon endémique, le pays offre aussi depuis les années 1990 des plantations durables de Santalum album, ou santal blanc, le plus prisé en parfumerie, et surnommé « le roi des bois ». Ce dernier a été classé comme vulnérable à l’extinction à l’état sauvage dans son pays d’origine, l’Inde, au début des années 2000. Une forte demande, ajoutée à une gestion locale peu scru-
puleuse de cette ressource pendant des années ont en effet provoqué une déforestation massive en Inde, favorisant le commerce illégal. Plusieurs entreprises pionnières, parmi lesquelles Santanol, ont alors décidé d’implanter cette variété de santal en Australie avec une approche responsable. L’espèce s’est parfaitement adaptée dans le nord du pays, qui partage le même climat tropical que le sud de l’Inde, couvrant de vastes zones où l’eau comme la terre étaient largement disponibles. Plus de 500 000 arbres de tous âges grandissent ainsi sur les 2 000 hectares de plantations que possède Santanol à l’extrême nord de l’Australie-Occidentale, près de Kununurra. Avant d’obtenir l’huile essentielle aux reflets dorés, il faut faire preuve d’une grande patience. « Cultiver le santal représente un investissement et un engagement à long terme,
car quinze ans au moins sont nécessaires pour que les arbres arrivent à maturité et développent le bois de cœur qui permet de produire l’essence », précise Dominique Sergi, Global Account Sales Manager au sein de la société. Une fois les arbres coupés, le bois récolté doit encore subir un processus de séchage durant trois à six mois avant d’être détaillé en copeaux et distillé. Les drêches de distillation sont upcyclées et constituent une nouvelle matière première utilisée par l’industrie pour la fabrication d’ingrédients renouvelables. Maîtrisant l’ensemble de la chaîne de production, des semis à l’essence, Santanol peut se prévaloir d’un contrôle total sur la qualité de ses produits et d’une traçabilité garantie tout au long du processus. Chacune de ces étapes a vu la mise en place de pratiques vertueuses et respectueuses de l’environnement, jusqu’à la valorisation des déchets.
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MATIÈRES PREMIÈRES
LE SANTAL FICHE D’IDENTITÉ
PRODUCTION
3 PA R F U M S A U X FA C E T T E S D E S A N TA L I N D I E N
Nom botanique Santalum album Noms communs Santal blanc, santal de Mysore
JUSTE UN RÊVE Inde
Marque
Nicolaï
Parfumeur
Patricia de Nicolaï
Sri Lanka
Sortie
Famille Santalacées Australie
ÉTYMOLOGIE
Le mot santal provient du nom de l’arbre en sanskrit, chandana, devenu sandal en arabe, puis sandalum en latin médiéval. Album, « blanc » en latin, fait référence au bois de cœur, vert pâle ou blanc.
EXTRACTION
P R I N C I PA U X C O M P O S A N T S
Alpha-santalol
SEDLEY Marque
Parfums de Marly
Parfumeurs
Olivier Cresp et Hamid Merati-Kashani
Sortie
35 kg
1 kg
santal
essence
Bêta-santalol
Trans-alpha-bergamotol
O D E U R D E L’ H U I L E ESSENTIELLE
Boisée, crémeuse, lactée, veloutée, douce et chaleureuse, légèrement cuirée et animale, elle évoque un côté mystique et raffiné. Elle n’est pas très puissante mais offre une grande rémanence.
VIA VELLUTO Marque
Fabbrica Della Musa
Parfumeur
Hamid Merati-Kashani
Sortie
Épi-bêta-santalol
Alpha-santalal
Cis-lancéol
2019 Un départ aromatique d’une grande fraîcheur contraste avec un accord boisé chaleureux, où le santal se marie au cèdre.
Hydrodistillation
RENDEMENT
1996 L’éclat de fleurs blanches luxuriantes s’épanouissant sur un lit moelleux de vanille et de santal.
2022 Une évocation de la Route de la soie, dans laquelle le santal apporte son caractère charnel et velouté.
La création des plantations de santal a d’abord contribué au renforcement de la biodiversité. L’arbre a en effet besoin de plusieurs plantes hôtes au cours de ses différentes phases de croissance. Leur sélection, fruit d’un savoir-faire maison, a permis de développer un écosystème diversifié qui attire une faune abondante, notamment des wallabies, des reptiles et de nombreuses espèces d’oiseaux et d’insectes vivant désormais sur des terres autrefois semi-désertiques. Santanol privilégie une approche naturelle pour favoriser la croissance saine de ses arbres, limitant l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires. Ainsi, un troupeau de chèvres est en charge de la lutte quotidienne contre les mauvaises herbes – et enrichit du même coup la terre grâce à un apport d’engrais organique. Élément nutritif essentiel à la croissance des plantes, l’azote, qui est traditionnellement apporté sous forme
d’engrais, est lui aussi produit naturellement par cet écosystème vertueux. Les plantes hôtes nécessaires au santal ont été choisies parmi les légumineuses, qui ont la capacité d’extraire l’azote de l’air et de le rendre disponible dans le sol via leur système racinaire. La gestion de l’eau est également un paramètre agronomique majeur sur lequel Santanol porte ses efforts. « Nous utilisons des systèmes d’irrigation qui fonctionnent par gravité, de sorte que nous n’avons pas besoin de pompes thermiques ou électriques. Nous avons également développé différentes techniques de sondes dans le sol pour garantir que l’eau est utilisée de la manière la plus efficace », indique Dominique Sergi. Afin de contrôler au mieux son approvisionnement et d’améliorer le rendement de ses arbres en huile essentielle, tout comme la qualité de cette dernière, Santanol investit par ailleurs depuis
Maîtrisant l’ensemble de la chaîne de production, Santanol peut se prévaloir d’un contrôle total sur la qualité et la traçabilité de ses produits.
plusieurs années dans la recherche et le développement. Elle dispose d’un centre de R&D basé à Kununurra où sont mis en œuvre des programmes destinés à optimiser l’ensemble des pratiques agronomiques de cette culture. L’entreprise gère ses propres pépinières, où sont replantés les semis des meilleurs sujets, ce qui permet une amélioration continue des plants. Elle exploite deux sites pour produire son huile essentielle de santal : un centre de traitement primaire à Kununurra, où le bois récolté est séché, trié et détaillé en copeaux, ainsi qu’une distillerie ultramoderne à Perth, où l’essence est extraite des copeaux de bois, puis raffinée. Toute l’énergie nécessaire est d’origine hydraulique, grâce à la proximité de la rivière Ord, et donc renouvelable. L’eau utilisée lors de la distillation est recyclée, et le bois valorisé dans d’autres filières, assurant un taux de déchets minimal lors du processus
de production. À la clé, une huile essentielle de qualité supérieure, produite de façon éthique et durable *, bénéficiant d’une traçabilité garantie tout au long de la chaîne de valeur, et certifiée Ecocert/ COSMOS (COSMetic Organic Standard). « Ce qui distingue Santalum album parmi les autres variétés, c’est sa concentration exceptionnelle en santalols, affirme Dominique Sergi. Le bêta-santalol lui donne son profil olfactif incomparable, sa signature boisée douce et crémeuse, tandis que l’alpha-santalol serait responsable des vertus thérapeutiques de l’huile essentielle. » Au-delà de son statut d’ingrédient star de l’histoire de la parfumerie, le santal possède en effet des propriétés médicinales et cosmétiques connues depuis des siècles. Utilisé par les Égyptiens pour embaumer leurs momies, il est également employé en Inde lors des cérémonies funéraires afin de permettre à l’âme de s’élever, ainsi que dans la médecine
ayurvédique et la médecine traditionnelle chinoise. « L’avancée des recherches scientifiques atteste aujourd’hui de ses propriétés prometteuses dans le traitement des affections de la peau et des cheveux, souligne Dominique Sergi. La dernière étude clinique réalisée par Santanol a démontré l’efficacité in vivo de l’huile essentielle dans la prévention de la chute des cheveux et constitue un élément majeur pour son utilisation en cosmétique. » Le santal n’a peut-être pas encore livré tous ses secrets. * Santanol est membre de l’Union for Ethical BioTrade (UEBT), une association à but non lucratif dont les membres œuvrent pour un approvisionnement éthique en ingrédients issus de la biodiversité.
Santanol info@santanol.com www.santanol.com @santanolgroup
LE SANTAL DANS LA PARFUMERIE DE NICHE
A M B RÉ V A N IL LÉ Dries Van Noten Éditions de parfums Frédéric Malle 2013
Santal carmin Atelier Cologne 2014
Sandalwood Temple Sana Jardin 2017
F L O RA L
Santal du Pacifique Perris Monte Carlo 2016
É P I CÉ
Santal Santal de Mysore blanc Serge Lutens Serge Lutens 1991 2001
Santal Blue Santal majuscule Comme Serge Lutens des garçons 2012 2013
Concrete Santal noble Comme Maître parfumeur des garçons et gantier 2017 2017
Santal volcanique Maison Crivelli 2018
Sandalo Sandalwood Acqua in Oak di Parma Scents of Wood 2019 2020
Santal Dan Sha Armani 2023
L A C TÉ
Santal 33 Le Labo 2011
Lumière Sacred Wood blanche Kilian Olfactive Studio 2014 2012
Radio Bombay D.S. & Durga 2016
B O I SÉ B A L SA MIQUE Sandalo Lorenzo Villoresi 1995
Tam Dao Diptyque 2003
Cadjméré Pierre Guillaume 2007
Quartier latin Memo Paris 2012
L’Arbre Iunx 2013
Milky Musk Sandalo Nobile Parle-moi Nobile 1942 de parfums 2016 2016
Santalum Chloé 2022
Eidesis Aesop 2022
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port raits de mar ques SE LANCER DANS LA PARFUMERIE DE NICHE P. 25
Textes de Sarah Bouasse, Anne-Sophie Hojlo et Guillaume Tesson
DANS LES COULISSES DES MARQUES P. 31
meo fusciuni parfums
www.meofusciuni.com
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SE LANCER DANS LA PARFUMERIE DE NICHE Par Juliette Faliu
Entreprendre une telle aventure peut répondre à différentes motivations : l’envie de développer une marque de créateur, de proposer une vision esthétique, de vivre de sa passion, ou de créer une activité dans un domaine en forte croissance et de présenter un concept original. Toutes ne sont pas incompatibles et, bien souvent, elles sont même associées pour augmenter les chances de créer une marque rentable. Car l’objectif est de vendre ses parfums. Surtout si l’on souhaite en vivre ! Le concept est ce qui séduira le futur consommateur. Il englobe l’univers d’inspiration : les voyages, la littérature, une région, une époque, la musique, le cinéma… C’est le terreau dans lequel puise le fondateur pour nourrir ses créations. Mais
surtout, c’est à partir de cet univers que se construit l’histoire, ou storytelling, que la maison mettra en avant. Le concepteur développe une vision artistique, autrement dit une manière personnelle et unique de traduire son univers d’inspiration dans tous les éléments tangibles de sa marque. Les parfums en sont le reflet, ainsi que le logo, la charte graphique, le flacon, le packaging, les images, les noms choisis, etc. Même s’il est parfois difficile de définir un public précis lors du lancement, savoir à qui l’on s’adresse peut être utile pour avoir une chance de toucher les bonnes personnes. Le prix découle directement de la cible fixée. Ce positionnement influence le plan d’affaires et les moyens à mettre en œuvre pour la fabrication (matériaux, packaging, concentré de parfum, etc.) ; il nécessite donc d’être cohérent avec l’ensemble ! Historiquement, les marques de niche ont construit leur positionnement en contrepoint de celui du sélectif : une diffusion restreinte, pas d’égérie, pas ou peu de campagnes médiatiques, une
offre unisexe, des formules faisant la part belle aux matières premières. Or l’essor de la niche, à partir des années 2000, a considérablement accru la concurrence dans ce secteur. Afin d’augmenter les chances de succès, la différenciation et la cohérence d’un concept sont devenues fondamentales pour convaincre tant les clients que les détaillants. Il est rare aujourd’hui de se lancer avec une seule référence. Dès sa naissance, une nouvelle marque propose habituellement une gamme allant de trois à cinq parfums, qui couvriront généralement quelques-unes des grandes familles olfactives afin de toucher un public large. Cela dit, si avec de nombreuses références on couvre beaucoup de possibilités olfactives, les coûts de développement sont alourdis, et les risques plus importants en cas d’échec. Lancer un grand nombre de parfums simultanément ne laisse pas le temps à la marque d’installer sa notoriété, son image et son discours. Or c’est aussi sur la durée que le client aime être séduit…
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Fabbrica della Musa La douceur de vivre à l’italienne
© Unika parfums
S’inspirant de la légende d’une princesse toscane férue de voyages qui créait ses propres parfums, la fondatrice de la marque Barbara Adelmann propose sa bibliothèque de souvenirs olfactifs. Avec l’aide du
UNIKA
La mise à l’honneur de belles matières naturelles Compositrice de parfums indépendante, Véronique Stambouli a créé sa marque en 2021. Elle rend hommage aux ingrédients qui lui tiennent à cœur dans des créations sans ostentation faisant la part belle aux matières naturelles. Pour 3 Poivres, elle a dompté le caractère impétueux du poivre de Sichuan grâce à la baie
parfumeur principal Hamid MeratiKashani, elle célèbre cet art de vivre à l’italienne qui cultive la beauté et la convivialité, infusé de matières premières venues du monde entier. De leur duo sont nées six compositions invitant à la découverte des plus beaux paysages de la Botte au fil de la journée. Mia Alba Mistica recrée ainsi les lueurs d’une aube riche de promesses sur les collines toscanes. 7 Miglia nous propose ensuite une virée matinale de Brescia à Rome. Cristallo Bianco évoque quant à lui le soleil au zénith baignant les sommets du Sud-Tyrol. Direction la Sardaigne avec Magia Maestrale, qui nous emmène pour un après-midi magique à la plage. Puis vient l’heure de se détendre autour d’un verre dans le Piémont avec Dolcetto Romano. Le voyage s’achève enfin avec Via Velluto, qui traduit ce moment précis, à 23 h 59, n’importe où dans le monde, où tout semble possible.
rose fruitée, au poivre de Madagascar piquant, et aux notes boisées de cèdre et de patchouli. Inspiré d’une irrésistible crème brûlée dégustée dans un restaurant, Vanille Réglisse magnifie la gousse et la racine avec ses nuances fruitées, baumées et cuirées qui s’étirent sur la peau. Fève Tonka Sésame est conçu comme un clin d’œil à son père : Véronique a revisité le parfum qu’elle avait créé pour lui il y a vingt ans avec une absolue de sésame, rare en parfumerie, dont les facettes légèrement torréfiées réveillent la rondeur de la tonka. Direction la Tunisie, pays d’origine de son mari, pour Oud Osmanthus, qui offre un nouvel éclairage au précieux bois, baigné de notes douces et confites d’abricot, de prune et d’osmanthus. La dernière étape nous conduit enfin en Corse pour Cédrat Myrte Immortelle, évocation de souvenirs d’enfance entre agrumes lumineux, effluves de maquis et immortelle chauffée au soleil. a.-s.h.
© DR
© FDM
PORTRAITS DE MARQUES
Pigmentarium Dans le sillage de Prague
« Une marque ? Pas exactement. À mes yeux, Pigmentarium représente plutôt une plateforme artistique », résume le Tchèque Tomáš Ric. Cet ancien étudiant en économie, qui se serait bien vu photographe, a constitué depuis 2018 une gamme resserrée de six parfums aux sillages puissants (Ad Libitum, Erotikon…), « ciselés comme la façade d’un immeuble d’Europe centrale ». Pigmentarium s’inspire de la ville de Prague, de son architecture, mais aussi de la danse, du cinéma ou encore du design. Ses six fragrances ont été composées par le parfumeur Jakub Hiermann. En parallèle, la maison se distingue par une collection de six encens, du plus frais (Moroccan Mint) au plus baroque (Prague Olibanum et ses effluves d’église). Ce support olfactif a conquis Tomáš Ric lors d’un séjour au Sri Lanka. La dernière création en date, Saffron Absheron, s’appuie sur un safran originaire de la péninsule d’Abşeron en Azerbaïdjan, « une matière première plus chère que l’or ». Cette année, on ne croisera pas le créateur dans les grands événements internationaux liés au parfum. « Je vais me concentrer sur notre réseau de distributeurs, principalement situés en Europe, mais aussi au Japon, en Arménie, en Ouzbékistan… Et finaliser notre prochaine fragrance. » Un nouvel hommage à Prague, qui sera dévoilé à l’automne prochain. g.t.
PORTRAITS DE MARQUES
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Obvious
LA RECHERCHE DU PLAISIR OLFACTIF AUTHENTIQUE
© Obvious
peut faire naître un sentiment de joie, et pourquoi pas d’accomplissement », poursuit-il. Un credo qui va de pair avec une recherche de simplicité, d’authenticité, d’épure, aussi bien dans le profil olfactif des compositions, qui proposent des interprétations directes d’ingrédients emblématiques, que dans la démarche responsable de la marque. « Faire simple ne signifie pas se contenter de produits moins travaillés, mais éviter les fausses complications et la surenchère, afin d’offrir les parfums les plus beaux et les plus sains possible », estime David Frossard. La marque défend une vision intimiste et épurée du parfum, à travers des compositions simples et une démarche responsable. David Frossard est un fin connaisseur de la parfumerie de niche. Après avoir créé Différentes latitudes, qui distribue et accompagne des marques indépendantes, il devient directeur artistique des Parfums Frapin & Cie, puis cofonde la maison Liquides imaginaires et la boutique Liquides, bar à parfums, à Paris. En 2020, c’est en son nom propre qu’il décide de s’exprimer en lançant Obvious. « La parfumerie de niche s’uniformise en allant de plus en plus loin dans la puissance, l’opulence, l’ostentation, analyse-t-il. J’avais envie de montrer qu’une autre voie est possible. » Aux sillages surpuissants souvent synonymes de mauvais goût, il choisit de répondre par une vision plus intimiste d’un parfum pour soi. « La plupart des marques vendent leurs créations comme des armes de séduction, que l’on porte pour les autres, mais j’avais l’intuition que l’on achète une fragrance avant tout pour se faire plaisir, et qu’elle
Chimie verte et ingrédients recyclés Les créations font ainsi la part belle aux matières premières naturelles, sans exclure la synthèse, mais en privilégiant chimie verte et ingrédients recyclés, tandis que l’alcool employé est biologique et issu de blé français. Cette recherche de durabilité s’applique aussi au packaging : les flacons, fabriqués à partir de 30 % de verre recyclé, sont rechargeables et recyclables à l’infini ; les capots utilisent du liège provenant du recyclage de bouchons de vin ; les étuis, non cellophanés, sont constitués de cellulose et de fibre de coton biologique biodégradables. Obvious reverse également un pourcentage de son chiffre d’affaires à Surfrider Foundation, qui œuvre pour la protection des océans. Deux ans et demi après son lancement, la marque, qui jouit aujourd’hui d’une large distribution internationale, continue à étoffer sa gamme. Le best-seller, Un musc, bénéficie désormais d’une déclinaison en savon liquide, tandis que le onzième parfum sorti en mars, Un été, se présente comme une traduction plus abstraite que les créations précédentes de la douceur de la belle saison. A.-S.H.
OBVIOUS E N 3 PA R F U M S
UN MUSC Parfumeur Sortie
Anne-Sophie Behaghel 2020 Un parfum seconde peau, doux et confortable, qui traduit parfaitement la philosophie de la marque avec son approche simple et directe.
UN PATCHOULI Parfumeur Sortie
Amélie Bourgeois 2020 Une interprétation chaude, baumée et tabacée de la feuille indonésienne, arrondie de fève tonka et soutenue par des notes boisées de cèdre et de santal.
UN ÉTÉ Parfumeur Sortie
Meabh McCurtin 2023 Une ouverture verte et fraîche de thé matcha et de gingembre qui révèle progressivement un fond vanillé, sensuel et ensoleillé.
Obvious www.obviousparfums.com contact@obviousparfums.com @obviousparfums
© IN ASTRA - WWW.INASTRA.COM
PORTRAITS DE MARQUES
© Sofia Bardelli
étoiles dans le champ de la parfumerie artistique ? « De la même manière qu’une fragrance évolue, des notes de tête aux notes de fond, une étoile poursuit son cycle de vie jusqu’à exploser et renaître de la poussière : toutes deux sont à la fois éphémères et éternelles », estime Fabiola, qui prend en charge la direction créative. Formée au Grasse Institute of Perfumery, Sofia signe quant à elle les compositions, inspirées d’une étoile et de ses caractéristiques. « Pour capturer l’essence de chacune, nous partons de données scientifiques auxquelles nous offrons une interprétation olfactive, par le choix des matières premières, le travail sur le sillage ou la persistance », poursuit Fabiola Bardelli.
In Astra
LA TÊTE DANS LES ÉTOILES Fabiola et Sofia Bardelli proposent une traduction olfactive de la voûte céleste à la beauté poétique. « Et dès lors, nous sortîmes revoir les étoiles » : la jeune maison italienne In Astra a choisi pour devise la phrase qui clôt L’Enfer dans La Divine Comédie de Dante. C’est à l’initiative de deux sœurs que la marque naît à Milan au printemps 2020. Passionnées d’astronomie depuis l’enfance, Fabiola et Sofia Bardelli avaient depuis longtemps le projet de rendre hommage à la beauté poétique de la voûte céleste. La phrase de Dante résonne comme une invitation à s’évader du quotidien pour admirer les astres scintillant à des millions d’années-lumière. Pourquoi ne pas traduire l’essence des
Supergéante et fleurs blanches C’est ainsi qu’Antares, supergéante rouge dont le nom arabe signifie « cœur du scorpion », prend les traits d’un bouquet de fleurs blanches flamboyant et opulent, soutenu par des notes boisées ambrées puissantes. Betelgeuse, vouée à exploser en supernova d’ici quelques milliers d’années, évoque la poussière d’étoiles grâce à un accord poudré aérien et légèrement fruité. Inspiré de l’étoile Polaire, Mismar se distingue par une ouverture presque glacée, qui dévoile ensuite un fond plus chaud et ambré. Enfin, Tistar traduit le rayonnement de Sirius, l’étoile la plus brillante dans le ciel après le Soleil, grâce à l’éclat des aldéhydes et de la pivoine. L’attention aux détails qui signe les compositions de la marque se retrouve aussi dans les flacons et les packagings. « En tant que maison italienne, il nous paraît important de mettre en valeur l’artisanat de notre pays, en particulier à travers des entreprises familiales », souligne Fabiola Bardelli. Fabriqué sur mesure, le capot en zamak doré revêt un design calqué sur les reliefs animant la surface de Bételgeuse. De quoi toucher du doigt la rêverie céleste à laquelle nous invite la marque. A.-S.H.
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IN ASTRA E N 3 PA R F U M S
MISMAR Parfumeur Sortie
Sofia Bardelli 2020 Un départ frais et métallique, entre gingembre et genièvre, contraste avec une évolution plus chaleureuse, où le cèdre se marie à l’encens et à l’ambre gris.
BETELGEUSE Parfumeur Sortie
Sofia Bardelli 2020 Un mariage éclatant et poudré d’iris et d’osmanthus qui s’assombrit peu à peu pour se fondre dans une nuit de patchouli, de café et de mousse de chêne.
TISTAR Parfumeur
Sofia Bardelli
Sortie
2022 Une ode à la lumière, dont la tête aromatique et aldéhydée dévoile un cœur fleuri de pivoine et de lavande reposant sur un fond balsamique et musqué.
In Astra info@inastra.com www.inastra.com @inastrafragrances
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DANS LES COULISSES DES MARQUES Par Juliette Faliu
Selon qu’il est ou non parfumeur, le créateur d’une marque indépendante est impliqué différemment dans les coulisses de la conception de son parfum. Si le succès est l’objectif primordial, il s’agit surtout de proposer une vision personnelle, distinctive et originale, que ce soit par le format ou les ingrédients des fragrances, l’univers ou l’histoire de la maison. Ici, la liberté créative que peut prendre la composition est souvent plus grande et davantage affranchie des validations externes que dans le circuit mainstream.
Dans la peau du directeur artistique Lorsqu’il n’est pas parfumeur luimême, le fondateur d’une maison va devoir diriger la création et endosser le rôle de chef d’orchestre de sa marque : il choisit ses interlocuteurs, partenaires et fournisseurs. Or, pour composer des fragrances, difficile d’improviser : il faut… un parfumeur ! S’il peut arriver que le nom de ce dernier ne soit volontairement pas dévoilé, une véritable cocréation s’opère néanmoins le plus souvent. Le fondateur peut faire appel à un ou plusieurs parfumeurs indépendants, et/ou à une ou plusieurs sociétés de composition, dont l’envergure dépendra des moyens engagés et du volume de production, mais aussi de son réseau professionnel ou personnel.
Durant le développement, il joue alors son rôle de directeur artistique : il sait où il veut aller et transmet sa vision au parfumeur avec lequel il travaille. Il indique les ajustements qu’il aimerait faire et s’assure ainsi de la cohérence du résultat final avec son ressenti et l’univers de sa marque. Dans la peau du parfumeur indépendant Quand un parfumeur crée lui-même sa propre marque, il peut bien sûr sentir en solo lors du développement d’un parfum. Mais il peut également faire appel à une personne ou une équipe dont les compétences en parfumerie lui permettront de dialoguer confortablement, et ainsi de faire évoluer les essais jusqu’à la version finale.
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PORTRAITS DE MARQUES
Marc-Antoine Barrois
UN UNIVERS IMAGINAIRE GANYMEDE Parfumeur Sortie
Quentin Bisch 2019 D’abord fraîche et minérale (mandarine, Safraléine, osmanthus), cette composition évoque ensuite la douceur d’un daim pour se clore sur des notes d’immortelle.
ENCELADE Parfumeur Sortie
Quentin Bisch 2022 Un jeu d’ombre et de lumière, entre les notes vertes et fraîches de la rhubarbe, et les facettes cuirées et fumées du vétiver, du santal et de la fève tonka.
GANYMEDE EXTRAIT Parfumeur Sortie
Quentin Bisch 2023 Il s’ouvre sur une overdose d’immortelle (la note de fond de Ganymede), avant d’évoluer vers la fraîcheur et la minéralité de l’Akigalawood et de la mandarine.
Marc-Antoine Barrois 13, galerie Véro-Dodat 75001 Paris www.marcantoinebarrois.com @marcantoinebarrois
Une lettre et trois chiffres en guise d’énigme. En 2016, dix ans après le lancement de la maison de couture qui porte son nom, Marc-Antoine Barrois dévoile son premier parfum, cuiré et épicé : B683. Un clin d’œil au Petit Prince de Saint-Exupéry et à son astéroïde B612 pour celui qui est né le 6 octobre 1983. Pour décrire son tandem artistique avec le parfumeur Quentin Bisch (Givaudan), rencontré en 2015, le créateur parle d’un « goût commun pour le raffinement, construit sur un référentiel olfactif très similaire ». Quand le premier interroge les silhouettes par sa couture, le second conçoit les sillages comme des textures. Ensemble, ils ont composé une gamme de cinq parfums. Encelade, lancé en 2022, doit son nom au géant de la mythologie grecque enfoui sous l’Etna. « À la fois puissant et sensuel, j’aime le décrire comme une explosion de joie, un câlin post-Covid. » Le dernier en date, Ganymede extrait, est en vente depuis le 1er mars. Le fruit d’un an de travail. « Avec Quentin Bisch, nous avons souhaité proposer autre chose qu’une concentration plus élevée de Ganymede, qui est présent dans notre gamme depuis 2019. Pour cela, nous sommes revenus sur nos pas, en imaginant l’eau de parfum et l’extrait comme des frères jumeaux dotés de caractères très différents. Alors que le premier se montre candide, souriant et frais, le second joue la carte du séducteur, flamboyant », résume MarcAntoine Barrois. Pour ce dernier, les préoccupations esthétiques vont de pair avec les enjeux éthiques et écologiques.
Une âme d’enfant Les parfums, vêtements et bijoux fabriqués par la maison, qui compte une quinzaine de salariés, se veulent « exceptionnels, sincères et respectueux ». « Consommer moins mais mieux, en phase avec une planète qui souffre, c’est une exigence en conformité avec notre ADN. Par exemple, nous avons supprimé les filtres anti-UV et les conservateurs de nos jus, ainsi que la cellophane de nos emballages », explique Marc-Antoine Barrois. Le couturier, qui revendique en outre « une âme d’enfant », s’inspire actuellement de l’évocation olfactive des jouets en bois et des goûters pour la création de sa prochaine bougie, baptisée Nº IV, en référence au nouveau flagship de la marque situé 4, Piccadilly Arcade, à Londres, ouvert à l’automne 2022. À Paris, le flagship Marc-Antoine Barrois est situé à deux pas du Louvre et du Palais-Royal, 13, galerie Véro-Dodat, et la maison dispose d’un corner au Printemps Haussmann. G.T.
© Maxime Dufour Photographies
MARC-ANTOINE BARROIS E N 3 PA R F U M S
© Maison Godet
PORTRAITS DE MARQUES
Maison Godet
UNE HISTOIRE DE FAMILLE Depuis 2016, Sonia Godet fait revivre l’héritage de ses ancêtres, défendant une vision artistique de la parfumerie et un attachement aux savoir-faire de la région de Saint-Paul de Vence, où se situe l’unique boutique de la marque. « Un coup de foudre » : c’est ainsi que Sonia Godet décrit ce qu’elle a vécu en découvrant dans le grenier de la maison familiale les flacons des créations de son arrière-grandpère. Elle qui travaille alors à New York pour la branche parfums de Cartier décide de tout quitter pour relancer la marque créée par Julien-Joseph en 1901. Formé à Grasse, le jeune homme côtoie à l’époque les milieux artistiques, et ses compositions connaissent rapidement le succès. Ami de Pierre Bonnard et Henri Matisse, il imagine Fleurs de reine pour l’épouse du premier en 1908, puis Folie bleue en 1925, porté par
la muse du second, Henriette Darricarrère. Le flacon de ce parfum poudré et raffiné, dont la forme innovante permet de le glisser dans sa poche pour se reparfumer à l’envi, gagne le prix des Arts décoratifs à Paris. Le fils de Julien-Joseph lui succède, avant que la maison ne cesse son activité dans les années 1970. Le réveil de la belle endormie intervient près de quarante ans plus tard, en 2016. « J’ai commencé par rééditer les compositions de mon arrière-grand-père et de mon grandpère. C’était un travail titanesque car il a fallu adapter les formules aux normes et aux ingrédients actuels », affirme Sonia Godet. Pour y parvenir, elle renoue avec des producteurs de fleurs de la Côte d’Azur : violette de Tourrettes-sur-Loup, tubéreuse de Saint-Paul de Vence, fleur d’oranger du Bar-sur-Loup… Une signature contemporaine La majeure partie de la gamme est cependant constituée de compositions inédites, fidèles à l’esprit de la maison, tout en proposant une signature plus contemporaine. « L’art a toujours inspiré nos parfums et il reste aujourd’hui mon socle de création. Je ne me fixe aucune limite de temps ou de budget, afin de rechercher la singularité, l’exceptionnel », assure Sonia Godet. Éternité est ainsi pensé comme une métaphore de l’écoulement du temps, autour d’une note de cognac facettée de fruits et de bois, tandis que Mondanité, inspiré d’un voyage à Cuba de Julien-Joseph Godet en 1913, met à l’honneur le tabac blond et la rose centifolia. Particularité de la maison : la volonté d’une distribution très exclusive, avec un seul point de vente physique situé à Saint-Paul de Vence. « Nous avons fait le choix d’une production artisanale, avec des parfums faits main quasiment de A à Z, et notamment des flacons soufflés à la bouche par un maître verrier, souligne Sonia Godet. Cela suppose une distribution limitée à notre boutique, qui est aussi notre écrin. » a.-s.h.
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MAISON GODET E N 3 PA R F U M S
FOLIE BLEUE Parfumeurs
Julien-Joseph Godet, Sonia Godet
Sortie
1925/2016 L’iris et la violette unissent leurs délicats effluves talqués dans un nuage de poudre de riz au charme rétro.
ÉTERNITÉ Parfumeur Sortie
Sonia Godet 2018 Une composition boisée liquoreuse, mariant cognac, fruits rouges et bois de chêne, pour évoquer un fauteuil en cuir patiné au coin du feu.
PHILTRE D’AMOUR Parfumeur Sortie
Sonia Godet 2023 Une fragrance à la fois corsée et sophistiquée, habillant un vieux rhum de facettes boisées, miellées, épicées et ambrées.
Maison Godet 98, rue Grande 06570 Saint-Paul de Vence info@parfumsgodet.com www.parfumsgodet.com
© Jérôme Menu
PORTRAITS DE MARQUES
Affinessence
DU FOND À LA TÊTE Main dans la main avec les parfumeurs, Sophie Bruneau imagine des fragrances intenses et chaleureuses en osant bousculer la notion même de pyramide olfactive. Lorsque Sophie Bruneau choisit de lancer sa marque en 2015, elle met à profit une trentaine d’années d’expérience dans le secteur de la parfumerie et de la cosmétique. « J’avais bien sûr envie de me faire plaisir, mais mon objectif était surtout d’innover et d’apporter un “plus” en matière de qualité aux consommateurs pour les fidéliser. J’étais toujours frustrée par les limites de budget imposées aux parfumeurs par les enseignes pour lesquelles je travaillais », confie l’ancienne directrice marketing. Elle, au contraire, leur laissera toute liberté pour sélectionner les matières premières les plus belles. La fondatrice souhaite également proposer des compositions puissantes, mémorables, alliant tenue et sillage, des parfums
signatures que l’on adopte pour la vie, comme une empreinte olfactive. Elle sait que ces qualités reposent essentiellement sur les ingrédients comme les bois ou les baumes qui apparaissent en notes de fond. « Ces dernières nous touchent particulièrement car elles entrent en résonance avec notre moi profond », souligne-t-elle. Pourquoi ne pas faire table rase des règles classiques de la parfumerie pour concevoir des créations composées uniquement de notes de fond ? Sophie Bruneau travaille en étroite collaboration avec les parfumeurs pour signer six fragrances profondes et enveloppantes construites chacune autour d’un duo d’ingrédients précieux : santal blanc indien, essence d’oud d’Indonésie, vanille de Tahiti et de Madagascar, infusion de blocs d’ambre gris de 10 à 20 ans d’âge… Proposée dans un luxueux coffret en bois laqué noir, accompagné d’un pochon en pur cachemire, la « Collection Notes de fond », au positionnement haut de gamme, rencontre rapidement le succès. Disponible aujourd’hui dans plus de 200 points de vente à travers 40 pays, l’offre s’est étoffée au fil des ans avec l’arrivée d’un flacon de 50 ml et celle d’un 100 ml présenté dans un packaging plus simple et plus abordable, pour séduire un public de plus en plus large. En octobre dernier, la marque a également accueilli une nouvelle collection, consacrée cette fois aux notes de tête. « Créer des compositions fraîches mais qui tiennent, c’est un peu le graal en parfumerie, explique Sophie Bruneau. Nous avons réussi à résoudre cette équation grâce à des ingrédients qui jouent un rôle technique pour assurer intensité et tenue, sans impact olfactif. Une telle tenue pour des parfums frais, c’est une petite révolution ! » Gingembre-Latte, Combava-Cédrat et Bergamote-Racines mettent encore une fois à l’honneur des matières d’exception et originales. Avant une prochaine collection dédiée aux notes de cœur ? A.-S.H.
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AFFINESSENCE E N 3 PA R F U M S
GINGEMBRELATTE Parfumeur
Alexandra Carlin
Sortie
2022 Un lait glacé au gingembre de Madagascar, rendu encore plus rafraîchissant par l’éclat de la citronnelleverveine et d’un accord thé vert givré-maté.
COMBAVACÉDRAT Parfumeur Sortie
Nicolas Bonneville 2022 Le cédrat de Calabre s’associe au combava, un petit agrume vert originaire d’Indonésie, pour créer un cocktail pétillant et stimulant.
BERGAMOTERACINES Parfumeur Sortie
Fabrice Pellegrin 2022 Un délicieux sorbet soulignant la luminosité des agrumes grâce au caractère affirmé du gingembre, de la carotte crue et du vétiver.
Affinessence www.affinessence.com @affinessence
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PORTRAITS DE MARQUES
© D’Orsay
d’un battement de cœur. Nous avons donc décidé de retrouver son essence, dans ce qu’elle a de plus contemporain, et d’explorer les facettes du sentiment amoureux », indique Amélie Huynh.
D’Orsay
LA CARTE DU TENDRE Inspirée par l’idylle d’Alfred d’Orsay et de Lady Blessington au XIXe siècle, la maison propose des parfums « nés d’un battement de cœur », qui explorent l’état amoureux. En 1830, le dandy et mécène Alfred d’Orsay imagine un parfum pour son grand amour, la poétesse irlandaise Lady Marguerite de Blessington. Près de deux cents ans plus tard, la marque portant son nom reprend vie sous l’impulsion d’Amélie Huynh, venue de l’univers de la joaillerie et du luxe. « La maison a connu un succès incroyable au début du xxe siècle, avant de se faire de plus en plus discrète au fil des années. Il fallait tout remettre à plat », estime la jeune femme. Après le rachat en 2015, quatre ans s’écoulent avant que les nouvelles créations D’Orsay ne voient le jour. Ces dernières expriment un véritable retour aux sources : « La marque est née d’une histoire d’amour,
Billets doux La collection compte aujourd’hui quinze parfums, dont les noms sont accompagnés d’initiales mystérieuses qui leur donnent l’allure de billets doux. Parmi eux, certains sont issus des archives de la maison. Vouloir être ailleurs C. G. reprend ainsi la formule du Tilleul tendre et lumineux qu’Olivia Giacobetti avait créé en 2008, après une première composition du même nom datant de 1915. Le boisé cuiré Dandy or not G. A. est quant à lui une réinterprétation par Sidonie Lancesseur du classique de la maison, Dandy. Les autres créations sont des nouveautés, parfois inspirées du patrimoine de la marque. Pour À cœur perdu L. B., construit autour de l’iris et de la fleur d’oranger, Fanny Bal a ainsi puisé dans les textes décrivant le parfum de Lady Blessington. « Ce sont des fragrances assez complexes, malgré des formules plutôt courtes : comme la relation d’Alfred et Marguerite était secrète, nous évitons les notes trop évidentes. Il faut bien sûr qu’elles évoquent l’amour, qu’elles soient non genrées et qu’elles dégagent une certaine élégance », détaille Amélie Huynh. Dans la boutique située au 44, rue du Bac à Paris, on découvre également des parfums d’intérieur qui retracent un rendez-vous amoureux, fixé à une heure et dans un lieu donnés. Créés pour la plupart par Vincent Ricord et Olivia Giacobetti (les anciens Tilleul pour la maison et Bois de coton), ils sont déclinés en spray, bougie et, d’ici la fin de l’année, en diffuseur capilla. L’année 2023 s’annonce particulièrement riche en nouveautés, entre une collaboration avec l’architecte Sophie Dries autour d’un objet olfactif et le lancement en avril de Sur tes lèvres E. Q. Un bouquet floral blanc signé Dominique Ropion, pensé comme le prolongement d’un baiser afin de célébrer « l’amour infini ». a.-s.h.
D ’ O R S AY E N 3 PA R F U M S
JE SUIS LE PLUS GRAND M. A. Parfumeur
Anne-Sophie Behaghel
Sortie
2020 L’ouverture propre, poudrée et irisée dévoile des notes boisées modernes ourlées de cèdre et d’Ambroxan.
JUSQU’À TOI P. S. Parfumeur Sortie
Nicolas Beaulieu 2022 Rafraîchie de baie rose et de pamplemousse, une rose de caractère s’unit au magnolia et au géranium sur fond de patchouli et de vétiver.
SUR TES LÈVRES E. Q. Parfumeur
Dominique Ropion
Sortie
2023 Une brassée de jasmin, veloutée d’iris et d’ambrette, et soutenue par une structure chyprée entre patchouli, ambre et Cashmeran.
D’Orsay 44, rue du Bac 75007 Paris www.dorsay.com @dorsayparis
PORTRAITS DE MARQUES
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La Closerie des parfums
RÊVES D’AILLEURS
Conjuguer un certain esprit de tradition et le goût de l’exotisme : telle est l’ambition que s’est donnée la famille Madrid en créant La Closerie des parfums. Fondateurs du groupe Panther, les frères Hervé et Antoine travaillent dans l’industrie du parfum et de la cosmétique depuis près de cinquante ans. Leur fille et nièce Valérie, qui les accompagne depuis plus de trente ans, fonde La Closerie des parfums en 2018. Ciseler les matières Toutes les créations de la jeune maison bordelaise sont guidées par le même principe : ciseler les matières premières emblématiques de la palette des parfumeurs en les combinant à des épices. « Chacune d’entre elles, avec son caractère propre, apporte une coloration différente à l’ingrédient phare, dont nous proposons ainsi une exploration à 360 degrés : iris, rose, oud ou patchouli », indique Valérie Madrid. Une démarche qui permet de révéler des facettes inattendues de ces matières, mais aussi de leur offrir le charme de l’ailleurs, en souvenir du passé de grand port marchand de la ville de Bordeaux. Assumant le rôle de directrice artistique de la maison, Valérie Madrid s’attache à sélectionner pour chaque projet le parfumeur qui témoigne d’une affinité particulière avec l’épice élue. « Je les choisis pour leur patte artistique, pour qu’ils m’emmènent dans leur univers, mais aussi pour les pousser dans leurs retranchements », souligne-t-elle.
Une rose lumineuse et profonde Au sein de la première collection de la marque, pour laquelle la rose, emblème de la parfumerie française, « s’est imposée naturellement », on découvre ainsi Rose Cardamome, qui contient un dosage inhabituel de l’épice : « L’idée était d’avoir une rose lumineuse et profonde, et je voulais toujours plus de cardamome. Nous avons retravaillé sept fois la formule jusqu’à atteindre une quantité qui a surpris son créateur, Vincent Ricord. » Parmi les autres best-sellers de la marque, présente dans plus de 70 points de vente à travers le monde, on peut également citer Oud Cannelle, un oriental opulent drapé autour du précieux bois ; Patchouli Baie rose, qui traite l’ingrédient sur un versant plus lumineux et hespéridé qu’à l’accoutumée grâce à l’éclat des épices froides ; et Iris Coriandre, une interprétation à la fois charnelle et sophistiquée du rhizome, marié à des facettes abricotées et cuirées d’osmanthus. La gamme, qui se compose de douze parfums, s’est enrichie de deux brumes corps et cheveux Rose et Oud, afin de personnaliser son sillage… et de poursuivre encore un peu le voyage. A.-S.H.
© Lionel Tinchant
Depuis 2018, la jeune marque bordelaise invite au voyage en teintant d’épices les matières premières emblématiques de la parfumerie.
L A C L O S E R I E D E S PA R F U M S E N 3 PA R F U M S
ROSE CARDAMOME Parfumeur Sortie
Vincent Ricord 2019 Une célébration de la rose centifolia au jardin, aux pétales veloutés piqués de bourgeon de cassis, de feuille de violette et de cardamome.
OUD CANNELLE Parfumeur Sortie
Philippe Romano 2019 La cannelle souffle le chaud et le froid sur le bois précieux, entre facettes suaves de pâtisseries orientales et inflexions plus sombres baignées d’encens.
PATCHOULI BAIE ROSE Parfumeur Sortie
Corinne Cachen 2021 Une infusion de patchouli claire et limpide, relevée de notes hespéridées et de nuances fraîches de gingembre, de cardamome et de baie rose.
La Closerie des parfums www.lacloseriedesparfums.com @lacloseriedesparfums
PORTRAITS DE MARQUES
© DR
terroir de caractère. « Nous sommes la seule marque de parfum indépendante basée en Écosse, et il nous paraissait intéressant d’exprimer notre sensibilité à travers des créations à la fois poétiques et accessibles, surprenantes et équilibrées », poursuit Euan. La première collection lancée par Jorum Studio, « 2019 Progressive Botany Vol. I », explore ainsi les espèces botaniques écossaises endémiques. « Notre best-seller Trimerous est une étude consacrée à l’iris, comme s’il était observé au microscope. Nous avons pris le parti de souligner trois facettes souvent délaissées du rhizome : son côté pétillant, ses tonalités beurrées et sa capacité à rehausser les autres ingrédients », indique le parfumeur.
Jorum Studio
LA NICHE VENUE DU NORD Euan McCall et Chloe Mullen portent un regard singulier sur la parfumerie d’auteur, entre exploration de la culture écossaise et réinterprétation de matières premières emblématiques. Parfumeur indépendant et consultant pour de nombreuses marques internationales au sein de Jorum Laboratories depuis 2010, Euan McCall décide neuf ans plus tard de créer sa propre marque, Jorum Studio, avec sa compagne Chloe Mullen. « Après des années passées à œuvrer en coulisses, j’ai eu envie de prendre la parole par moi-même », explique-t-il. Un territoire de caractère Cet Écossais formé auprès du parfumeur et biochimiste irlandais installé dans les Highlands, George Dodd, a à cœur de mettre en valeur les particularités de ce
Légendes écossaises La ligne « Scottish Odyssey » est quant à elle une exploration des racines et des légendes écossaises, entre lochs embrumés, feux de joie et baies sauvages. « Pour Spiritcask, notre dernier lancement, je me suis penché sur le processus de fabrication du whisky et notamment sur la maturation qui a lieu dans les fûts. Les arômes intenses qui en résultent m’ont inspiré un parfum très vanillé mais qui ne ressemble pas aux vanilles traditionnelles : il est boisé, liquoreux et très cuiré », souligne Euan. La collection « Selective Memory » rassemble ses souvenirs, qu’il cherche à rendre universels pour que chacun puisse les relier à sa propre histoire. Enfin, la ligne principale met l’accent sur des matières premières employées de manière innovante et inattendue. « Paradisi a la particularité d’être une composition hespéridée qui concilie la transparence des agrumes avec une très longue tenue. J’ai utilisé pour cela de la mousse de chêne et des notes boisées, comme le Clearwood, qui soutiennent la fraîcheur », expose le parfumeur. Des créations à retrouver dans la boutique de la marque à Édimbourg, en ligne, et dans 75 points de vente à travers le monde. a.-s.h.
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JORUM STUDIO E N 3 PA R F U M S
TRIMEROUS Parfumeur Sortie
Euan McCall 2019 L’iris majestueux, beurré et cireux s’illumine d’un cocktail carotte-nectarine, d’une branche de thym et de quelques graines d’angélique, le tout sur un cuir noirci d’oud et de styrax.
PARADISI Parfumeur Sortie
Euan McCall 2022 Autour d’un pamplemousse juteux et d’une rhubarbe râpeuse, un accord vert et terreux se déploie, entre patchouli et mousse, comme un sousbois à la végétation excentrique.
SPIRITCASK Parfumeur Sortie
Euan McCall 2023 Une liqueur caramélisée et cacaotée, facettée de sirop d’érable et de poire, se réchauffe au contact des fûts de chêne aux intonations de vanille cuirée.
Jorum Studio 12, Saint Stephen Street Édimbourg EH3 5AL Royaume-Uni hello@jorumstudio.com www.jorumstudio.com @jorumstudio
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PORTRAITS DE MARQUES
Hermetica Paris
LA BEAUTÉ D’UN NOUVEAU GESTE cette fameuse base n’interagit pas comme l’alcool avec les ingrédients : elle oblige les parfumeurs à formuler différemment, « un peu comme s’il fallait passer du piano à l’orgue ». Mais Aliénor Massenet, qui a signé les premières fragrances, ne s’est pas effrayée du défi. Cette complice de la première heure de Memo Paris « fait presque partie de la famille, résume Clara Molloy. On se parle très facilement : parfois elle sait où je veux en venir avant que je ne le sache moi-même ! »
H E R M E T I C A PA R I S E N 3 PA R F U M S
SOURCE 1 Parfumeur
Aliénor Massenet
Sortie
2018
VERTICALOUD Parfumeur Sortie
Philippe Paparella-Paris 2018 Entre force et délicatesse, ce parfum enveloppe la rose et l’oud dans un sillage épicé chaud, arrondi par le santal et la fève tonka.
MACOMBA Parfumeur Sortie
Aliénor Massenet 2022 La fraîcheur acidulée du combava épouse les accents boisés aromatiques du maté dans un sillage pétillant et énergisant, adouci de néroli et muscs blancs.
Hermetica Paris www.hermetica.com @hermeticaofficial
© DR
À porter seul ou sous un autre parfum, l’élixir originel de la marque allie l’éclat de la bergamote à la vibration du bois ambré et des muscs.
Fondateurs de Memo Paris, Clara et John Molloy ont fait le pari du parfum sans alcool pour leur troisième marque. Quand il a lancé Hermetica Paris en 2018, le couple franco-irlandais n’en était pas à son coup d’essai. En 2007, ces deux passionnés avaient déjà fondé Memo Paris, devenue en quelques années une marque de premier plan dans l’univers de la niche. L’étincelle de cette nouvelle initiative a été la découverte d’une base sans alcool, enrichie d’une molécule produite selon un procédé breveté à partir de bagasse (un résidu du broyage de la canne à sucre) et permettant de proposer des produits qui hydratent la peau en même temps qu’ils la parfument durablement. « Dès qu’il s’agit de parfum, John et moi sommes de grands curieux, avides de nouveauté, confie Clara Molloy. Lorsque Symrise est venu nous présenter cette base qui n’existait encore nulle part, on a été conquis. On y a vu une manière inédite de se parfumer, un nouveau geste à la fois sensoriel et clean, en phase avec l’environnement. » Composée en majeure partie d’eau,
Danse olfactive Ensemble, le couple et la parfumeuse ont donc apprivoisé ces contraintes techniques inédites en puisant notamment dans leur passion commune pour la danse un nouveau vocabulaire pour leurs échanges. « Avec cette base, on n’obtient pas les déroulés linéaires d’une fragrance alcoolique, qui présente généralement une tête, un cœur et un fond. Là, le parfum s’impose tout de suite en entier, puis il irradie vers l’extérieur, comme par vagues successives. C’est pour traduire ce mouvement très singulier que l’on a commencé à parler de “danse olfactive” », raconte Clara Molloy. Novatrice et engagée pour une parfumerie plus éthique, la marque déjà présente dans une vingtaine de pays connaît actuellement un succès croissant aux États-Unis et en Chine, tandis que sa collection continue de se diversifier. La dernière composition en date, Pomeloflow, est le fruit – si l’on ose dire – d’un long travail sur les notes hespéridées. « On n’arrivait pas à faire tenir ces facettes fraîches, mais on a fini par réussir, en les rendant élégantes et scintillantes. » Ou l’art de transformer la contrainte en atout. S.B.
At the heart of the IFF Atelier du Parfumeur, dedicated to creation, in Grasse, stands a manufacture imagined by a master perfumer. Each perfume is compounded by hand with the utmost respect for the rules of the art in the pure tradition of haute-perfumery.
@artofperfumeryatIFF L’Atelier du Parfumeur IFF – la manufacture de la haute-parfumerie à Grasse
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l’aIR du tem ps EMBRUNS & PAPILLES LES NOTES SALÉES P. 44
SPIRITUEUSE AROMATIQUE LES NOTES ANISÉES P. 48
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voie rétro-nasale vers nos récepteurs olfactifs –, il nous permet en fait de mieux percevoir l’arôme des mets, peu soluble dans les milieux aqueux comme notre salive. Notre odorat constitue ainsi 80 % de notre perception d’un aliment grâce à ses 400 types de récepteurs olfactifs différents. Cependant, le sel ne fait pas qu’amplifier notre perception gustative : il peut aussi diminuer la sensation d’amertume et, à forte dose, celle du sucré. Rappelons en effet que, par la gustation, nous percevons principalement (mais pas exclusivement) cinq saveurs dites primaires : le salé, donc, mais aussi le sucré, l’acide, l’amer et l’umami. Le glutamate de sodium, à l’origine de ce dernier, peut d’ailleurs renvoyer à une salinité que l’on qualifiera cependant d’organique plutôt que de minérale. Par Jessica Mignot Un canal dédié (l’Epithelial sodium channel), présent dans la membrane de Souvent employées pour il faut de la lumière, de même les aliments nos cellules gustatives, permet à notre évoquer une atmosphère ma- ont besoin de sel pour que le sens du goût soit cerveau de percevoir le salé, même si », écrivait déjà Plutarque dans son d’autres types de détecteurs spécifiques rine, les notes salées ont ceci excité petit traité sur les pratiques à adopter lors restent à découvrir. Encore mal compris, de particulier qu’elles font des banquets, Propos de table –, véritable les mécanismes du goût ont pu faire référence avant tout au goût monnaie d’échange à l’origine du mot l’objet de folles rumeurs par le passé : « salaire » (salarium désigne en effet le sel ainsi, l’idée selon laquelle les capteurs et diffèrent donc selon notre distribué en allocation aux centurions), des saveurs seraient répartis distincteculture culinaire : si nous ran- objet d’un impôt – la gabelle – au Moyen ment sur la langue, totalement fausse, geons la noix de coco dans la Âge et à l’Époque moderne, il accom- provient de l’erreur de traduction d’un catégorie sucrée, ce n’est pas pagne l’histoire de l’humanité. article scientifique ! Formés par la combinaison d’un élément le cas du marché asiatique, positive (cation) et d’un autre Embruns iodés par exemple, où l’ingrédient, àà charge charge négative (anion), les sels sont Si elle nous semble évidente aujourd’hui, utilisé dans les plats de résis- nombreux même si nous utilisons l’idée d’un sel inodore n’a pas toujours tance, n’est pas associé à la principalement en cuisine du chlorure été de mise. Au xviiie siècle par exemple, de sodium (NaCl). On distingue le sel ceux qui visitent les marais salants lui plage ou aux desserts comme marin, issu des marais salants, du sel attribuent un parfum bien précis, comme en Occident. Pour mieux les de gemme, issu de mines résultant de l’écrit l’anthropologue Laurence Hérault définir, saisissons les cristaux la présence d’océans il y a des centaines dans l’article « L’Odeur du sel » issu de par leurs caractéristiques de millions d’années (comme le sel rose l’ouvrage Odeurs et parfums : « Les difféde l’Himalaya, qui doit sa couleur au fer rents auteurs sont assez d’accord sur la physiologico-chimiques. qu’il contient). Imperceptible au nez, il qualification de cette odeur : le sel fraîcheest qualifié un peu à tort d’exhausteur ment récolté sentirait la violette, ou du moins Profil physiologique de goût : car en provoquant la fuite des un parfum floral, car certains évoquent Connu depuis toujours pour ses proprié- molécules odorantes volatiles dans le également les senteurs de l’iris de Florence. » tés conservatrices et pour son pouvoir fond de notre gorge – les précipitant, Cette odeur est peut-être due aux compoexhausteur de goût – « comme aux couleurs grâce à ses charges électriques, par la sés magnésiens qui accompagnent le
Les notes salées
EMBRUNS & PAPILLES
L’AIR DU TEMPS
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cuisson de légumes. L’asperge offre une nouvelle manière de travailler sur une note verte un peu salée ; l’artichaut a des facettes plus florales ; le chou-fleur casse le côté sucré dans une composition gourmande ; l’oignon peut remplacer des notes animales. Je les utilise en touches, elles apportent beaucoup de contraste.
Comment employez-vous les notes salées ? Je pense qu’elles sont plus « intellos » que les sucrées, moins évidentes de prime abord. Pourtant, en utilisant
La palette Symrise s’est enrichie en 2020 de la collection Garden Lab. Pouvez-vous nous en parler ? Nous étions comme des enfants lors de la découverte des cadeaux de Noël ! Ce sont de très belles matières, créées à partir d’eau de
Et si vous aviez carte blanche ? J’aimerais beaucoup imaginer un nouveau Jicky, en remplaçant la civette par l’oignon aux facettes fauves fascinantes, permettant de penser un nouvel oriental.
sel avant sa purification. Mais la caractérisation olfactive du cristal disparaît au xixe siècle, où les appareils technologiques remplacent l’odorat en tant qu’instrument de mesure de la qualité du produit. Sel et violette ont un destin lié cependant, car le terme d’« iode », généralement associé à l’idée de salé, vient du grec ioeides, signifiant « violet » : oligo-élément de la famille des halogènes découvert par Bernard Courtois en 1811 dans des cendres d’algues marines, il est nommé ainsi par Gay-Lussac en raison de la couleur des vapeurs rejetées lorsqu’il est chauffé. Mais le parfum des embruns est surtout dû au diméthylsulfure, issu de la décomposition du phytoplancton, ainsi qu’à un groupe de molécules, les dictyoptérènes, servant aux algues de moyen de communication, au bromophénol, et au giffordène, car « des aldéhydes apparentés à ce dernier – et par ailleurs responsables des notes aquatiques du concombre, de la pastèque ou du melon – sont également présents dans les algues », comme l’explique Guillaume Tesson dans un article de Nez #09 consacré aux odeurs de la plage.
Une pincée de matières Afin de recréer cette sensation salée, a priori plutôt réservée à la sphère gustative, comment s’y prennent les parfumeurs ? Côté matières naturelles, on ne sera pas étonné de l’emploi d’extrait d’algue. Longtemps considéré comme l’or blanc de la parfumerie, l’ambre gris est quant à lui peu utilisé désormais – à la fois à cause de sa raréfaction, de son prix et de la tendance vegan, même si son usage n’implique pas d’interaction avec l’animal (cette concrétion intestinale du cachalot devant notamment son odeur à un long voyage dans les mers sans lequel elle n’est pas utilisable olfactivement). Il est « remplacé » par des molécules comme l’Ambrox (d’ailleurs contenu dans l’ambre gris naturel). La plus célèbre des molécules artificielles pour notre sujet est certainement la puissante Calone, aux notes de fruit d’eau et d’embruns aux facettes anisées et grasses. Elle est synthétisée pour la première fois en 1966 par trois chimistes de Pfizer, John J. Beereboom, Donald P. Cameron et Charles R. Stephens, qui découvrent un composé (la méthylbenzodioxépinone)
à l’odeur « de feuille fraîche, verte et rappelant le melon ». La société confie sa production à l’une de ses filiales spécialisées dans les matériaux odorants, Camilli, Albert & Laloue (C. A. L.), d’où ce nom de « CALone ».
© Mat Jacob
cette facette comme on ajoute une pincée de sel dans un gâteau au chocolat, on crée du contraste et une nouvelle forme d’addiction, comme je l’ai fait dans Couleur vanille de L’Artisan parfumeur, sorti en 2020, en contrebalançant ma vanille par la Calone et l’immortelle, et le salicylate – une molécule salée, solaire, très abstraite – qui arrondit la note.
Aliénor Massenet, Symrise
Le grain de sel des parfumeurs C’est dans les années 1990 que débute la tendance salée, d’abord avec deux féminins chez Mane : New West for Her d’Yves Tanguy pour Aramis en 1990, puis Escape pour femme chez Calvin Klein en 1991. Mais elle s’empare surtout du marché masculin : Kenzo pour homme, signé Christian Mathieu en 1991 ; L’Eau d’Issey de Jacques Cavallier Belletrud en 1992 ; ou encore Acqua di Giò d’Alberto Morillas, Annick Menardo et Annie Buzantian pour Giorgio Armani en 1996, plus marin, mais très propre et policé. La même année sortent Rem de Reminiscence, à la signature ambrée-salée reconnaissable entre toutes, mais aussi Acqua di sale de Profumum Roma. En 2004, Nathalie Feisthauer et Ralf Schwieger créent l’Eau des merveilles chez Hermès, une composition
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L’AIR DU TEMPS
© Matthieu Dortomb
autour d’un accord d’ambre gris, devenue un classique de la parfumerie. La note conquiert peu à peu les marques indépendantes, avec notamment une apparition dans Do Son de Diptyque en 2005 : une tubéreuse verte vaporisée d’embruns. On pense aussi à Sel marin de James Heeley en 2008, évoquant une promenade dans les dunes, entre feuilles froissées et bois flotté ; ou encore à Aod de la maison bretonne Lostmarc’h et à sa noix de coco florale, aquatique et poétique. En 2010, dans la parfumerie sélective, Womanity de Mugler, cocréé en équipe chez Mane avec entre autres Cécile Matton, fait grand bruit avec son côté sucré-salé. Sur le même thème suivra Olympéa de Paco Rabanne en 2015, composé par Loc Dong, Anne Flipo et Dominique Ropion d’IFF.
Cécile Matton, Mane Quel a été votre premier projet autour des notes salées ? Womanity, élaboré en équipe chez Mane en 2010, l’un des premiers sucré-salé en parfumerie grand public – comme un clin d’œil à l’histoire de la société, pionnière de la note dans les créations féminines en 1990. Ce parfum retranscrit un souvenir de Thierry Mugler sous un figuier, bercé par la brise marine. C’était un pari audacieux, l’équilibre était complexe à trouver.
Plus rarement peut-être, la salinité rappelle l’animalité des peaux, la sueur corporelle issue des glandes sudoripares eccrines. Musc Tonkin, élaboré par MarcAntoine Corticchiato pour sa marque Parfum d’empire en 2012, joue sur cette minéralité animale avec une maestria remarquable. Si elles se sont souvent immiscées avec discrétion en étant ajoutées par pincées pour relever certaines créations, les notes salées s’imposent cependant sur le devant de la scène dans la parfumerie de niche ces dernières années. Contraste à la gourmandise, facette des fleurs blanches, évocation d’embruns iodés et composition potagère résonnent comme un appel à s’éloigner de la tendance sucrée tout en persistant dans le registre gustatif, mais aussi en écho aux grands marins qui ont façonné l’industrie.
Quelles sont les matières que vous utilisez pour construire ces notes salées ? La Calone, en touches, car cela peut donner un effet métallique écœurant en overdose. Nous pouvons aussi utiliser la Floralozone, ou le Melonal pour ses facettes de melon gorgé d’eau. Il y a aussi les captifs Mane comme l’Aqual, un floral aquatique, le Marinal, un aldéhydé marin, ou encore l’Orcanox, une molécule upcyclée complexe rappelant l’ambre gris. Et un très bel extrait d’algue rouge Jungle Essence iodé, salé, avec une facette boisée mousse. Et si l’on vous laissait carte blanche ? J’aimerais travailler sur le goût de velours du vinaigre balsamique, dont j’adore la texture, l’acidité, l’impression de sucré-salé ; ou encore imaginer un poivron aldéhydé, pétillant, avec des notes de cassis, pour réinventer un floral vert hespéridé.
OCEAN LEATHER Marque
Memo Paris
Parfumeur
Aliénor Massenet
Sortie
2020 Facettes cuirées et embruns marins nous invitent à quitter les bateaux exhalant bois et épices, pour plonger à la rencontre d’une humidité animale.
ÇA BOUM Marque
Teo Cabanel
Parfumeur
Patrice Revillard
Sortie
2021 Dans l’air iodé des dunes baignées de lumière s’épanouissent immortelles et lys des sables, suggérés par un accord à la fois floral, vanillé et épicé.
THE GHOST IN THE SHELL Marque
État libre d’Orange
Parfumeur
Julie Massé
Sortie
2021 Une proposition complexe oscillant entre sucré et salé, dans une ambiance futuriste aux inflexions tour à tour lactées, métalliques, fruitées et épicées.
ABYSSIS Marque
Liquides imaginaires
Parfumeur
Shyamala Maisondieu
Sortie
2022 Nous voici vingt mille lieues sous les mers, dans une explosion d’iode ambré, en compagnie du kraken emportant avec lui épaves de navires et sédiments minéraux.
DANCE OF THE DAWN Marque
The Different Company
Parfumeur
Emilie Coppermann
Sortie
2022 Un patchouli à la fois familier et innovant, qui nous transporte sur une île, entre épices, agrumes juteux, bois flotté et vanille salée addictive.
Photographer Didier D. Daarwin Getty Images/Tetra Images Getty Images/John W Banagan
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Les notes anisées
SPIRITUEUSE AROMATIQUE Par Jessica Mignot
Ah, les notes anisées… À les sentir, on entendrait presque le chant des cigales et l’accent du Sud. Tout à la fois très évocatrices et clivantes, elles renvoient à un prisme de matières premières variées, souvent utilisées en touches, mais qui savent signer une composition de manière incomparable. Pour mieux les comprendre, allons donc en cueillir les graines, feuilles et racines.
fois adulte, il est connu pour ses graines striées et vertes, issues de ses fleurs jaunes regroupées en ombelles. Il apprécie l’exposition au soleil et la chaleur. Probablement originaire de l’est du bassin méditerranéen et d’Asie mineure, il est utilisé dès l’Antiquité pour ses vertus médicinales, employé dans les rituels religieux, et constitue l’une des seules épices produites en Occident. Il est également très apprécié dans l’alimentation, comme le rapporte Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle : « Frais ou sec, il est recherché dans tous les assaisonnements, dans toutes les sauces. On en saupoudre la croûte inférieure du pain. On le met aussi dans les chausses à filtrer le vin ; avec les amandes amères, il donne de l’agrément au vin. » C’est d’ailleurs dans la catégorie des Vert anis et verre de pastis alcools qu’il a connu un déploiement L’anis, de son nom scientifique Pimpinella important, chaque pays ayant sa spéciaanisum, est une plante herbacée de la lité, de l’ouzo en Grèce à l’ori arménien. famille des Apiacées, comme la carotte, Ce succès s’expliquerait notamment le galbanum, l’aneth, la livèche, le persil, par sa douceur : l’un de ses principaux le cumin, le carvi, le céleri, le fenouil, la constituants, outre l’estragol et l’aldécoriandre ou encore l’angélique. hyde anisique, est en effet l’anéthol Atteignant environ 60 cm de haut une dont le pouvoir sucrant serait treize fois
supérieur à celui du saccharose. L’Anis de Flavigny, qui enrobe la graine d’une couche de sucre, est d’ailleurs l’un des premiers bonbons français, inventé par des moines bénédictins en 719. L’anéthol est également responsable de l’aspect du pastis dilué : non soluble dans l’eau, il forme, une fois mélangé à celle-ci, une émulsion opaque et blanchâtre. Variétés botaniques et convergences moléculaires Dans les alcools néanmoins, l’anis vert tend à être remplacé par l’anis étoilé, Illicium verum, ou badiane, dont la composition chimique de l’huile essentielle est très proche. Botaniquement et historiquement cependant, la différence est réelle : le badianier, qui appartient à la famille des Schisandracées, est un arbre à feuilles persistantes, vertes et lisses, et à grandes fleurs solitaires jaunâtres. Le fruit, en forme d’étoile à huit branches en moyenne, est séché avant d’être utilisé. L’arbre, originaire de Chine méridionale et appréciant les climats doux, n’est introduit en Europe qu’au xviie siècle, où il reste alors très cher, la tendance ne
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Kilian Paris
Parfumeur
Mathieu Nardin
Sortie
2021 Pour réveiller l’image de l’alcool versé sur son sucre, toutes les facettes de la réglisse sont explorées : vertes, boisées, amères, et surtout liquoreuses.
CÉDRAT CÉRUSE Marque
L’Artisan parfumeur
Parfumeur
Quentin Bisch
Sortie
2022 La verdeur aromatique du fenouil est mise à l’honneur, ensoleillée d’agrumes et parée de muscs blancs, conférant à la composition confort et douceur.
BEL ABSINTHE Marque
Roos & Roos
Parfumeur
Fabrice Pellegrin
Sortie
2022 Si sa minéralité et l’idée du vert évoquent une forme de fraîcheur, c’est pour mieux dessiner le contraste avec la chaleur des résines et du santal vaporeux.
ABSINTHE Marque
Headspace
Parfumeur
Nicolas Beaulieu
Sortie
2022 Une interprétation nocturne et sensuelle de la fée verte, où claque une cravache de cuir aromatique, dévoilant le mordant d’une sève animale.
OPUS XIV ROYAL TOBACCO Marque
Amouage
Parfumeur
Cécile Zarokian
Sortie
2022 Anis et lavande terpéniques introduisent une réglisse résineuse, brûlée et ambrée, dans une réinter prétation enthousiasmante de la note tabac.
© Franck Juery
Marque
© Michael Avedon
L’HEURE VERTE
Ilias Ermenidis, Firmenich Que représentent les notes anisées pour vous ? Un souvenir personnel d’abord : en tant que Grec né à Istanbul, j’aimais partager un verre d’alcool anisé avec mon père, au gré de nos balades en voilier sur le Bosphore. Mais c’est aussi une facette importante de la parfumerie, quoique discrète, avec de beaux précurseurs comme Brut, Eau sauvage et Azzaro pour homme. Et comment les distinguez-vous ? Pour ma part, je les répartirais en trois grandes catégories : les aromatiques, comprenant badiane, fenouil, estragon et basilic ; les floraux anisés, comme le mimosa, l’héliotrope ; et ceux plus réglissés, souvent gourmands, dont Lolita Lempicka est l’archétype : un chef-d’œuvre ! Comment aimez-vous travailler la note ? Pour Ege de Nishane, j’ai pu proposer une interprétation libre d’un hommage à la mer qui réunit la Grèce et la Turquie. J’ai associé un accord ozonique à des notes vertes mentholées, mais aussi anisées, pour rappeler que cet ingrédient, comme la mer, unit les deux pays. Combinées à une feuille de violette, elles sont déposées sur un socle boisé. C’est une très bonne vente chez eux. À l’avenir, j’aimerais beaucoup combiner la note avec l’oud, dans une inspiration moyen-orientale.
Caroline Dumur, IFF Quelles matières avez-vous à disposition pour construire les notes anisées ? Le basilic grand vert LMR, par exemple, a un côté assez floral, que l’on peut trouver dans l’héliotropine et l’aubépine. Le carvi, plus menthé et cumin, a un côté peau qui apporte de la douceur ; le fenugrec, l’immortelle et le céleri permettent quant à eux de les réchauffer. L’absinthe et l’armoise, plus dures et sombres, évoquent un vert très foncé. Nous disposons également de molécules de synthèse comme l’anéthol, et les notes muguet. Comment les employez-vous ? Dans Rayon vert de Bastille, les notes anisées m’ont permis de facetter, de donner de l’éclat, avec des traces de cassis et des citrus qui offrent un côté pétillant, des aldéhydes et des notes de poire pour adoucir l’ensemble. Le cœur floral est soutenu par une très belle essence d’immortelle LMR, que j’aime beaucoup pour son côté sable chaud, salé, presque curry. Appréciez-vous ce registre ? Je trouve qu’il y a quelque chose à explorer : ces notes mettent immédiatement l’eau à la bouche et sont assez vastes, des plus froides, de pastis, aux plus chaudes, de fenouil, d’absolue d’immortelle, de réglisse. Cela permet de composer des verts signés, lisibles, appréciés en parfumerie de niche, mais qu’il faut savoir habiller.
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L’AIR DU TEMPS
Les briefs qui placent l’anis au centre de la composition restent rares, ce qui s’explique par son caractère plutôt clivant. s’étant inversée que récemment. L’anis vert est plus proche du fenouil, lequel fait aussi partie de la famille des Apiacées. D’origine méditerranéenne, Foeniculum officinale ou vulgare est connu depuis la Haute Antiquité, toutes ses parties étant utilisables et recommandées pour leurs vertus médicinales et gustatives. On extrait de ses graines une huile essentielle riche en anéthol et en estragol, et, en moindre quantité, en limonène et en fenchone, l’un des constituants de l’alcool d’absinthe, ce qui explique que celle-ci soit rapprochée des notes anisées. Cousin du fenouil, l’anis l’est aussi de l’estragon, qui appartient à la famille des Astéracées, par ses composants moléculaires – et du si célèbre basilic, qui contient lui aussi de l’estragol. La réglisse, plante herbacée de la famille des Fabacées, plus boisée et résineuse, contient elle aussi de l’anéthol. Certaines fleurs comme le mimosa présentent des facettes florales anisées. Cela explique que lorsque l’on parle de ces notes elles ne renvoient pas à un ingrédient bien précis, mais à une myriade de matières que les parfumeurs peuvent employer, souvent par touches. Car les briefs qui placent l’anis au centre de la composition restent rares, ce qui s’explique par son caractère plutôt clivant – il est en cela parfois rapproché de la coriandre, suggérant que la qualité de sa perception
gustative soit déterminée, comme pour celle-ci, par des disparités génétiques –, mais aussi parce qu’il évoque un registre immédiatement alimentaire, voire alcoolique. Qui voudrait ainsi sentir la même odeur qu’un oncle un peu éméché après une partie de pétanque au soleil ? Trêve de clichés, force est de constater tout de même que les quelques compositions qui l’ont mis en avant ont bien souvent fait long feu sur le marché, et que dresser leur liste (non exhaustive, bien entendu) ressemble un peu à un jeu mélancolique. Mais peut-être étaient-elles nées trop tôt pour qu’on les comprenne, comme certains grands artistes ? Dégustations parfumées Car quelques exceptions dévoilent tout le potentiel créatif, mais aussi marketing, de la note. Ainsi, le premier parfum de Lolita Lempicka en 1997, signé Annick Menardo, a su conquérir son public et persister sur les étagères des parfumeries malgré (ou grâce à ?) son caractère clivant. Il rejoue avec intelligence sur la vague gourmande d’un Angel avec sa réglisse parée de violette, de caramel et de muscs. Son pendant masculin, lancé trois ans plus tard, met plus en avant encore la racine noire et sa cousine la badiane. On pense aussi à Kenzo Air créé par Maurice Roucel en 2003, qui a malheureusement été rapidement discontinué. Autre regretté sorti la même année, L’Eau ivre de Iunx, signée Olivia Giacobetti, décrite comme un « élixir glacé, coupable ». Disparu lui aussi, Anice de la marque italienne Etro nous proposait en 2004 un anis floral, appuyé par des notes « de fenouil et de carvi et des touches de jasmin et d’iris ». Au même moment sortait l’Eau noire de Dior, élaboré par Francis Kurkdjian, qui jouait sur la réglisse dans son aspect à la fois gourmand et plus aromatique. Difficile à dénicher pendant quelques années, la composition a été rééditée en 2022 dans la collection exclusive de la marque, dont la direction artistique est
désormais assurée par le parfumeur. En 2006, Olivia Giacobetti retrouvait l’accord avec Fou d’absinthe pour L’Artisan parfumeur, une interprétation de la fée verte « construite comme une rencontre entre une fraîcheur épicée et une chaleur boisée », où l’anis (étoilé) est évidemment de la partie. Une série de réglisses a ensuite vu le jour : Richard Fraysse employait en 2006 dans l’Eau de réglisse de Caron une absolue de réglisse pour construire une « eau de toilette fraîche et tendre née du mariage inattendu du frais et du boisé », mais elle n’est plus en vente. L’année suivante, Jean-Claude Ellena nous offrait avec Brin de réglisse d’Hermès « une lavande vive, élancée, habillée de réglisse noir mat », qui, elle, est bien restée au catalogue de la maison. En 2008, c’est à Guerlain de proposer son interprétation éphémère et plutôt sucrée de la racine dans l’Acqua Allegoria Laurier Réglisse, créé à six mains par Jean-Paul Guerlain, Marie Salamagne et Sylvaine Delacourte. Huit ans plus tard, Jo Malone intègre dans une collection en édition limitée nommée « The Herb Garden » l’une des premières sorties à revendiquer le fenouil : Carrot Blossom & Fennel, composée par Anne Flipo, marie ces deux notes à un bouquet plus floral de fleur d’oranger, de rose et d’iris. Les sorties s’accélèrent à partir des années 2020, la note connaissant un engouement de plus en plus manifeste. Elle fait même quelques percées côté mainstream, du moins dans les dossiers de presse. Si, au nez, elle reste bien souvent discrète, voire inexistante, cela n’en dénote pas moins un intérêt marketing indéniable. Relève-t-il d’un besoin de sortir peu à peu de la simple gourmandise pour aller vers d’autres notes, plus « nature » ? L’anis semblerait en cela une option presque parfaite, mêlant souvenirs gustatifs et facettes plus aromatiques. Répondant à l’envol des notes vertes signées, il se fait en tout cas un candidat bien senti pour la parfumerie de niche.
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au tour du par fum L’IFRA, UN ACTEUR QUI VOUS VEUT DU BIEN P. 54
« CHEZ SCENTIS, ON PRÉFÈRE LE COUSU MAIN » P. 55
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AUTOUR DU PARFUM
L’IFRA, UN ACTEUR QUI VOUS VEUT DU BIEN Par Jessica Mignot
Souvent perçue comme la police de la parfumerie, l’IFRA (International Fragrance Association) a pourtant été fondée et reste constituée par les grandes maisons de composition – qui emploient les parfumeurs –, leur permettant de garantir la sûreté des fragrances pour les consommateurs et l’environnement. Une autorégulation nécessaire Alors que la parfumerie s’organise peu à peu en industrie rationalisée au début du XXe siècle, ses volumes de production faibles – comparés à ceux de l’agroalimentaire par exemple – la laissent encore dans l’ombre d’un contrôle étatique. Elle devra donc s’autoréguler : c’est en ce sens que Guy Waldvogel, alors à la tête de Givaudan, décide de fonder l’IFRA en 1973. L’idée ? Regrouper et systématiser les études scientifiques sur les molécules odorantes (qu’elles soient synthétiques ou naturellement présentes dans les plantes). Celles-ci sont notamment issues des sociétés de composition et du Research Institute for Fragrance Material, né en 1966 sous l’impulsion d’A. L. van Ameringen, alors président de la maison de composition américaine IFF.
Défendre une palette raisonnable Cette autorégulation permet aussi à la parfumerie de prendre les devants pour éviter qu’un contrôle drastique ne soit exercé par des organismes qui ne saisiraient pas ses enjeux. En effet, elle est désormais soumise à des réglementations étatiques – notamment celles issues de la Commission européenne – qui proviennent à l’origine d’autres secteurs de la catégorie des industries chimiques, dans laquelle elle est classée, et qui constituent bien souvent des interdictions d’ingrédients pures et simples, sans regard sur l’emploi, la quantité, ni les conséquences sociétales. Lorsque celles-ci semblent infondées et sont appliquées à la parfumerie, l’IFRA joue ainsi un rôle de « lobbying » afin de défendre une palette raisonnable, en sensibilisant les dirigeants – parlementaires, ministres – et en rappelant, sur la base des résultats scientifiques, que tout est question de dosage. Interdire une molécule présente dans des milliers de produits peut en effet avoir des conséquences dramatiques, non seulement pour l’industrie et les producteurs, mais aussi pour les consommateurs, dans la mesure où cela entraîne la disparition de parfums qui constituent un
patrimoine immatériel encore trop souvent sous-estimé. Se conformer aux standards IFRA L’IFRA va donc proposer un « code de bonnes pratiques » auquel sont obligés d’adhérer tous les membres (qui produisent environ 80 % du volume de parfums dans le monde), et dont l’une des exigences centrales est de se conformer aux « standards IFRA ». Ces recommandations à la fois exhaustives, universalisables et systématiques ont pour but de garantir la sûreté des produits. Chaque ingrédient va ainsi être soit autorisé sans limite, soit soumis à un dosage maximum, ou bien, plus rarement, totalement interdit, toujours suivant la catégorie d’usage de produit considérée (rincé ou non, en contact ou pas avec la peau, le visage, la bouche, etc.). Les réglementations IFRA sont désormais légalement obligatoires dans certains États, comme dans l’Union européenne. Lorsqu’une marque souhaite commercialiser un parfum sur ce marché, elle doit donc constituer un dossier cosmétique, payant, afin de s’assurer que la formule, au dosage donné, est bien conforme aux recommandations, couvrant ainsi sa responsabilité civile. Tous les ans, l’IFRA publie un amendement qui prend en compte les données scientifiques les plus récentes. Certaines matières peuvent alors être soumises à de nouvelles restrictions : la marque doit s’assurer que tous ses produits en vente restent conformes. Lorsque ce n’est pas le cas, elle a environ deux ans pour faire retravailler sa formule par le parfumeur.
IFRA www.ifrafragrance.org @ifrafragrance
AUTOUR DU PARFUM
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© Scentis
Les encres aussi sont-elles particulières ? Oui, elles sont végétales, et ne coulent pas. Elles doivent résister aux alcools et ne pas avoir beaucoup d’odeur. Mais je ne peux pas en dire plus, car leur fabrication reste secrète !
« CHEZ SCENTIS, ON PRÉFÈRE LE COUSU MAIN » Propos recueillis par Béatrice Boisserie
Née en 2006 près de Grasse, Scentis est une entreprise spécialisée dans les supports destinés au marketing olfactif, devenue leader du marché de la mouillette en parfumerie de niche. C’est elle qui fabrique notamment la carte parfumée présente dans chaque numéro de Nez, la revue olfactive. Rencontre avec Jean-Paul Malerba, son fondateur. Comment êtes-vous devenu l’imprimeur préféré des marques de niche ? Nous travaillons autant pour de grandes marques, comme Hermès ou Dior, que pour le marché de la parfumerie de niche, tels Les Parfums de Marly, Juliette Has a Gun ou encore Roja Parfums. Mais il est vrai que 80 % des marques présentes à Pitti Fragranze, le salon de référence de la niche, à Florence, sont nos clientes. Nous sommes une entreprise à taille humaine – de onze salariés seulement –, ce qui nous rend réactifs pour produire de petites comme de grandes quantités.
Gaufrage, dorure, découpes spéciales, pourquoi la parfumerie de niche est-elle toujours à la pointe ? Parce que les services marketing des grands groupes ne viennent pas suffisamment rendre visite à leur imprimeur pour découvrir les technologies existantes ! Comme le Wet & See, qui consiste à déposer sur le papier une encre spéciale révélant une image lorsque l’on y vaporise du parfum. Nous, nous sommes à l’écoute, on préfère le cousu main, au plus près du client, à l’ancienne, comme le faisait mon patron dans l’entreprise dont j’ai été le directeur technique pendant vingt ans, l’imprimerie Carestia, qui restera d’ailleurs pour moi un modèle. Quelles qualités doit posséder un papier destiné à être parfumé ? Avoir un pH neutre, ne jamais contenir de colle et posséder un grammage de 300 g/m2. Comme un buvard, il doit absorber le parfum, tout en retransmettant au nez non seulement les notes de tête mais également celles de cœur et de fond. Auparavant, le papier était fabriqué avec du coton, il était plus mou, plus brut, la quadrichromie était moins belle, la dorure n’accrochait pas bien. Aujourd’hui, il est plus lisse, plus surfacé, et fabriqué avec des fibres longues.
Utiliser du papier recyclé ne serait-il pas écologiquement plus responsable ? Le papier fabriqué actuellement par nos fournisseurs italiens est le plus écologique possible. Il ne contient pas de produits chimiques, et il est issu d’arbres qui ont été plantés pour cette utilisation. Alors que le papier recyclé est fabriqué avec des chutes de papier imprimé. Or, pour le désencrer, il faut utiliser des solvants ou du chlore, ce qui est une aberration écologique. Comment parfumer une carte comme celle de Nez qui diffuse son odeur pendant longtemps ? Il existe deux techniques pour parfumer le papier, par pulvérisation ou par trempage. Je suis partisan de la deuxième solution, car la fibre de papier est mieux parfumée. Nous utilisons pour cela une machine spéciale qui permet d’obtenir des cadences industrielles. Vous créez également des outils traditionnels de parfumeur qui permettent d’évaluer les notes olfactives… Oui, si la fabrication de ces outils s’appuie sur des procédés ancestraux, parfaitement connus à Grasse, nous aimons les remettre au goût du jour, par exemple pour nos porte-mouillettes en utilisant de nouveaux matériaux comme le zamak, un alliage de quatre métaux ultrarésistant, ou en revisitant la forme et le design, et en ajoutant des possibilités de personnaliser ces produits. Scentis www.scentis.fr @scentis_fr
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Mo ye� ori e�t LE SILLAGE COMME PARURE P. 59
« LA FILIÈRE DE L’ENCENS MÉRITE DAVANTAGE DE TRANSPARENCE » P. 62
Le sillage comme parure Oud, bakhoor, makhmariya… Sous forme de fumée, d’huile ou encore en spray, les compositions odorantes font partie de la vie quotidienne des habitants de la péninsule Arabique, passés maîtres dans l’art de les superposer. Texte : Pascale Caussat Photos : Gilles Coulon
« Pour un parfumeur, travailler ici, c’est le paradis », s’enthousiasme Stéphane Bengana, parfumeur indépendant établi à Dubaï depuis dix ans. « Pour moi qui aime la niche, c’est le pays idéal », renchérit Mirvat Mijahed, évaluatrice. Difficile d’imaginer une région du monde où le parfum fait autant partie de la culture que le Moyen-Orient, en particulier la péninsule Arabique, où se trouvent les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Ici, absolument tout est parfumé, les corps, les vêtements, les maisons, les magasins, les hôtels dont chacun diffuse sa signature olfactive unique. Il n’est pas rare de recevoir une centaine de flacons pour son anniversaire, et le sujet alimente les conversations dans les dîners. Le sens de l’odorat est stimulé de multiples façons, par des fumigations, des huiles ou, comme en Occident, des parfums alcoolisés.
Symbole de cet art de vivre, le bakhoor est présent dans tous les intérieurs. Le terme désigne à la fois un brûleur décoratif en céramique, en étain, en cuivre, parfois en cristal de Baccarat, et les préparations odorantes que l’on y dépose, comme dans une chicha (pipe à eau). Sur du charbon, les Émiratis font brûler des copeaux de bois imbibés d’essences parfumées ou directement des morceaux d’oud, issu d’arbres d’Asie du Sud-Est et qui dégage une puissante odeur animale. Tout au long de la journée Le bakhoor est en général présenté aux invités dans une pièce de réception, autour d’une table richement garnie. « C’est à la fois un objet courant de la maison et un objet statutaire, explique Pierre-Constantin Guéros, parfumeur senior chez Symrise, qui a vécu trois ans à Dubaï. En fonction de la dignité de la personne que l’on reçoit, on y brûle des essences plus ou moins précieuses, selon des règles non écrites. »
Les MoyenOrientaux sont passés maîtres dans l’art du layering, la superposition de plusieurs fragrances.
Il n’est pas rare de voir les marques locales de parfum décliner leurs références à succès en coffrets comprenant la composition dans sa version alcoolique, en huile sur une base oud et sous forme de bakhoor. Dans une pièce prévue à cet effet, les femmes utilisent la fumée du brûleur pour imprégner la longue abaya qui couvre leur silhouette, ajoutant du parfum en spray (de marque locale ou de niche) afin de parfaire leur sillage. « À Dubaï, les femmes se parfument tout au long de la journée, pas seulement le matin, de même qu’elles se remaquillent plusieurs fois par jour », note Stéphane Bengana. « Comme il fait très humide et chaud (45 °C de juin à septembre), les parfums s’évaporent ; c’est pourquoi on en remet constamment, témoigne Mirvat Mijahed, originaire de Jordanie mais qui a adopté les coutumes locales. La dernière fois que je suis venue à Paris, le chauffeur de bus a fait une réflexion tellement mon parfum était puissant ! »
Les Moyen-Orientaux sont passés maîtres dans l’art du layering, la superposition de plusieurs fragrances. Leur routine quotidienne débute par un gel douche suivi d’une crème, toujours odorants, puis d’une huile, et enfin d’un ou deux parfums pour créer un sillage unique. Particularité locale, le makhmariya est une huile infusée de plusieurs essences que l’on place sur les poignets, dans le cou, derrière les oreilles. Traditionnellement, il est de couleur rouge. Les mélanges sont composés de façon artisanale par les femmes, selon des recettes qui se transmettent de génération en génération, et sont laissés à vieillir pendant cinq, dix, parfois vingt ans. On y retrouve les quatre piliers de la parfumerie arabe : le bois d’oud évidemment, la rose de Taïf (une variété qui pousse sur les hauts plateaux du Hedjaz en Arabie saoudite), le musc Tonkin (figuré aujourd’hui par des compositions musquées, l’utilisation de la matière première naturelle étant
interdite) et les notes ambrées. « Ce sont les matières premières les plus riches et luxueuses, à la fois subtiles et tenaces, représentant des monnaies d’échange classiques, explique Pierre-Constantin Guéros. Elles font partie des très nombreuses matières à parfum citées dans le Coran, avec aussi le safran, le santal, l’encens, la myrrhe… » Tradition des ablutions La religion tient une large place dans les traditions olfactives de la région. Plusieurs hadiths du Prophète « valorise[nt] la bonne odeur entre croyants », note l’anthropologue Aïda KanafaniZahar dans l’ouvrage collectif Une histoire mondiale du parfum (Somogy, 2007). Pour plaire à Dieu, le fidèle doit respecter certaines règles autour de la prière du vendredi : se laver, mettre ses plus beaux vêtements et se parfumer au bois d’aloès (autre nom de l’oud) et au musc pour aller à la mosquée, éviter de manger de l’ail… Le tout afin de ne pas indisposer ses coreligionnaires par son
apparence ou son odeur. « De la tradition des ablutions est née celle des parfums, poursuit Pierre-Constantin Guéros. Ils font partie des cadeaux les plus appréciés au retour du pèlerinage à La Mecque, avec l’eau et les dattes. » En revanche, les notes vertes et hespéridées n’entrent pas dans la palette prisée localement. « Les agrumes rappellent l’eau de Cologne avec laquelle on se rince les mains après le repas. Ils sont assimilés à l’hygiène », explique Stéphane Bengana. Les notes épicées – cumin, cardamome –, les eaux de rose ou de fleur d’oranger sont, elles, réservées à l’univers alimentaire. Historiquement, les habitants de la péninsule Arabique étaient des nomades éleveurs de chameaux qui parfumaient la cordelette de leur dishdasha (la longue tunique blanche des hommes), pour masquer l’odeur des animaux. Sédentarisés, ils ont gardé l’habitude de se distinguer par le parfum. À l’instar des accessoires – montres, bijoux, chaussures, sacs –, celui-ci
est considéré comme une parure qui permet de se singulariser, alors que les tenues traditionnelles (dishdasha et abaya) constituent l’uniforme commun. Comme l’écrit encore Aïda KanafaniZahar : « Le geste parfumant finalise et clôt la recherche esthétique quotidienne. »
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MOYEN-ORIENT
« La filière de l’encens mérite davantage de transparence » Propos recueillis par Guillaume Tesson Photo : Amouage
À Oman, Renaud Salmon, le directeur créatif d’Amouage, maison de parfum fondée dans le sultanat en 1983, supervise un vaste projet qui associera une production responsable de la précieuse résine sur fond d’animations touristiques et culturelles. Amouage a signé en 2022 un partenariat avec le ministère de l’Héritage et du Tourisme d’Oman pour l’exploitation d’un site historique de la culture de l’encens. En quoi consiste cet accord ? À Oman, quatre sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco constituent ce que l’on appelle The Land of Frankincense, « la Terre de l’encens » : les ports de Khor Rori et Al-Baleed, le site archéologique de Shisr (également appelé Ubar) et le Wadi Dawkah – un wadi étant de manière générale un canyon creusé par le lit d’une ancienne rivière. Le partenariat conclu porte sur la gestion de ce dernier. D’une vaste superficie (5 km2), il est consacré à la culture du Boswellia sacra, une variété d’arbre à encens. Amouage hérite d’une double mission pour les décennies à venir : y produire cette matière première et développer le tourisme. La création d’une pépinière où pousse actuellement
un cheptel de 5 000 à 6 000 arbres nous permettra de densifier la culture. Pour le moment, il n’existe qu’une route, un parking et quelques bâtiments pour apporter de l’ombre aux visiteurs. Le cahier des charges nous impose de protéger le biotope mais aussi l’héritage historique du site. À quel public vous adressez-vous ? Le site sera ouvert à tout le monde. Le but n’est pas d’en faire une destination payante. Dans un premier temps, nous nous adresserons aux amoureux du parfum. L’idée, c’est qu’ils puissent se dire « Tiens, un jour, j’irai là-bas », comme on projette d’aller à Grasse. Dans cette optique de séjour lié au parfum, à Oman, il y a déjà la ville de Muscat, plus connue sous le nom de Mascate, où il est possible de visiter la manufacture Amouage. Il y a aussi le Djebel Akhdar, qui signifie littéralement « montagne verte », renommé pour sa culture de la rose. Nous avons d’ailleurs prévu d’y effectuer des aménagements pour optimiser encore l’accueil des visiteurs. Nous souhaitons faire du Wadi Dawkah la troisième destination locale autour du parfum. Dans un premier temps, on y viendra pour découvrir le berceau de l’encens, avec la culture des arbres. Puis, dans plusieurs années, le public pourra assister à la récolte de la résine, à son extraction et à son conditionnement, avant l’expédition vers Muscat et l’exportation à travers le monde. Le premier public visé sera donc celui des connaisseurs.
Et en dehors des amateurs de parfums ? Nous n’oublierons pas les visiteurs moins connectés avec cette industrie. Ceux qui recherchent une activité touristique annexe trouveront une approche pédagogique et la vente sur place de produits locaux autour de l’encens – et pas uniquement des produits Amouage, je tiens à le préciser. Enfin, nous ciblerons de manière plus générale les habitants d’Oman et du Moyen-Orient. Ce wadi, proche de l’aéroport de Salalah, est en effet une destination touristique assez prisée en juillet-août, lorsque le climat est plus tempéré. Les visiteurs locaux pourront ainsi redécouvrir cet ingrédient qu’ils utilisent chez eux comme parfum, mais aussi dans des rituels quotidiens. Comment allez-vous animer les lieux ? Le site est sillonné par un chemin d’une dizaine de kilomètres empruntable par les guides locaux, que nous allons impliquer dans le projet et que nous allons former. Le parcours comptera une dizaine d’arrêts. Je travaille à l’installation d’œuvres d’art autour de la thématique de l’encens. Je discute en ce moment avec des artistes locaux et internationaux. Les lieux, très photogéniques, se prêtent bien à l’organisation de concerts et de spectacles : j’ai même trouvé un espace qui a naturellement la forme d’un arc de cercle, comme un amphithéâtre. J’aimerais y associer une dimension olfactive, dans le respect du site. Comment entendez-vous concilier le tourisme et le développement durable, un thème aujourd’hui incontournable quand on parle de matières premières ? À nous de trouver le bon équilibre. Il y aura bien cette pépinière à l’entrée du wadi, mais 98 % du site restera sauvage. Nous nous questionnons encore, par exemple, sur l’alimentation en eau des arbustes destinés à être replantés.
MOYEN-ORIENT
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Ne sont-ils pas surprotégés ? Pourraientils se réguler seuls ? En ce qui concerne les incisions pratiquées dans l’écorce – le tapping –, comment s’assurer qu’elles sont effectuées sans épuiser les arbres ? Nous sommes en train de définir ces pratiques avec les populations locales, qui ont une bonne connaissance du sujet. Et nous les comparons aux pratiques des autres régions productrices : le Somaliland, le Puntland (région autonome du nordouest de la Somalie) ou encore le Yémen. En développant cet encens haut de gamme nous allons pouvoir répondre à la demande d’un produit exceptionnel, tout en proposant un prix abordable. Des experts des matières premières et du parfum nous soutiennent. Certains nous ont déjà rendu visite. Qui, par exemple ? Les « sourceurs » de matières premières Dominique Roques, Stéphane Piquart et Guillaume Delaunay, ainsi que des experts de chez LMR (filiale d’IFF) et Maison Lautier 1795 (récemment relancée par Symrise). Une dizaine de parfumeurs se sont rendus à Oman pour évaluer l’encens à nos côtés, parmi lesquels Alexandra Carlin, Cécile Zarokian, Karine Vinchon-Spehner, Domitille Michalon-Bertier, Bruno Jovanovic, Quentin Bisch, Julien Rasquinet, Alexis Grugeon, Pierre Négrin, Dominique Ropion… Un consensus se dégage. C’est un produit d’exception doté de facettes incroyables. Son taux d’alpha-pinène élevé (entre 55 et 75 %) lui donne un aspect particulièrement terpénique mais qui est facilement fractionnable. On a affaire à un produit signé, marquant. C’est presque un parfum en soi. Il sent l’agrume, le pamplemousse, le poivre, avec une fraîcheur minérale persistante et très colorée. Tous les parfumeurs et experts en ingrédients sont bluffés. C’est une exclusivité destinée à la production d’Amouage, ou bien allez-vous partager ce trésor ?
L’objectif n’est pas de réserver la production du wadi à Amouage : nous voulons exporter cet encens sous le nom d’Encens Oman. Notre plan de développement s’articule sur trois ans. Durant la première année, qui a déjà commencé et qui s’achèvera en octobre 2023, nous effectuons une première récolte expérimentale sur des arbres déjà présents sur ce vaste site, pour caractériser l’encens et son profil olfactif, et essayer de définir s’il existe des qualités différentes. Les deux années suivantes seront consacrées au développement des infrastructures touristiques et à la création de l’usine d’extraction, pour laquelle nous sommes en train de réfléchir aux meilleures solutions. À terme, quel rôle comptez-vous jouer dans le commerce de cet encens ? L’encens est un ingrédient clé dans la parfumerie. Il permet beaucoup de créativité sans être trop onéreux : son essence coûte entre 100 et 300 euros du litre. Il n’est donc pas réservé à une élite. Mais
l’encens représente l’une des filières les plus obscures et les plus controversées. Les maisons traitent avec des traders, il y a beaucoup d’intermédiaires… Quand on acquiert de l’encens aujourd’hui, on est souvent probablement la dixième personne qui touche la résine. C’est aussi lié à son histoire : utilisé comme monnaie d’échange, on paie avec, le produit passe de main en main, et la valeur ajoutée se crée souvent au détriment du récoltant. Désormais, les marques communiquent de plus en plus sur les naturels. Elles voudraient être associées à une filière plus transparente. C’est ce que nous pouvons apporter. Nous souhaitons aussi mettre en avant les récoltants. Le wadi, c’est leur outil de travail. Ce sont donc eux qui seront en charge des visites. Il y a vraiment quelque chose à faire pour aller dans la bonne direction, dans le sens d’un cercle vertueux, en créant de la notoriété autour d’un ingrédient intimement lié à l’histoire de la parfumerie, mais aussi à la mythologie et à la religion.
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LES SECRETS D’UN MARCHÉ DE CONNAISSEURS P. 66
eR ch em DU BRIEF AU FLACON LA CRÉATION D’UN PARFUM DE NICHE P. 69
LUZ VAQUERO « POUR UN PARFUMEUR, LA NICHE EST PLUS STIMULANTE » P. 70
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IBERCHEM
Les secrets d’un marché de connaisseurs La parfumerie moyenorientale parvient à concilier traditions ancestrales et dernières tendances. La maison de composition espagnole Iberchem, implantée dans la région depuis plus de trente ans, nous fait découvrir son univers. Texte : Anne-Sophie Hojlo Photos : Iberchem
Tous les mois, Ana Gómez passe une semaine à Dubaï. Parfumeuse chez Iberchem depuis 2017, elle confie être « tombée amoureuse des parfums orientaux ». La jeune femme travaille régulièrement pour le marché moyen-oriental, où le parfum suscite une passion toujours vivace, imprégnant la culture et l’histoire. Longtemps premier marché de la région,
Dubaï a été détrôné ces dernières années taux optent volontiers pour des extraits par l’Arabie saoudite, les autres Émirats avec une concentration de 30 %, voire 35 arabes unis complétant le podium. « Nos ou 40 %. Pour renforcer encore la puisclients locaux sont très connaisseurs et sance de son parfum, on pratique égaleimpliqués, souligne Sylvain Massé, Global ment le layering. Cette superposition de Marketing Manager chez Iberchem. Ils fragrances sur la peau et les vêtements sont habitués à sentir, reconnaissent les permet aussi d’avoir un sillage personnamatières premières de qualité et savent lisé et unique, gage d’exclusivité. parfaitement ce qu’ils veulent. » De l’opulence, d’abord. « Les notions Le goût pour l’opulence se traduit bien de puissance, de sillage, de tenue, de sûr dans le profil olfactif des parfums. blooming sont fondamentales, poursuit « Je travaille volontiers des notes chaudes, Sylvain Massé. Le parfum est considéré boisées, sombres, intenses », explique comme une signature que les autres doivent Ana Gómez. Parmi les ingrédients clés, pouvoir sentir à plusieurs mètres, si ce n’est les notes boisées comme le santal, le avant même de vous voir. » Des habitudes patchouli et le cèdre ; les facettes fumées à l’opposé de celles que l’on observe en d’encens et de tabac ; les bois ambrés et Asie par exemple, où la discrétion est de les muscs, garants d’une ténacité sans mise. Cette recherche de performance faille ; mais aussi les fleurs comme la rose, va souvent de pair avec une demande le jasmin, l’iris ou la violette, appréciées de concentration plus élevée que pour par les femmes comme par les hommes, d’autres marchés. Alors que les eaux de car les parfums non genrés sont ici parfum sont généralement dosées autour la norme. La star incontestée reste de 15 ou 20 % en Europe ou aux États- néanmoins le rare et précieux oud, ou Unis, les consommateurs moyen-orien- bois d’agar, résine sécrétée par les
« Dans un marché ultra expert et de plus en plus saturé, on cherche à sortir des sentiers Loin d’être figé, le marché moyenAu-delà de ces matières premières oriental embrasse en effet les dernières battus et on peut traditionnellement prisées, la palette tendances. « Le storytelling a évolué, des parfumeurs peut aussi s’ouvrir à estime Sylvain Massé. Si les discours se tourner vers d’autres ingrédients. « Dans un marché ont longtemps été fondés sur la séducdes notes plus ultra expert et de plus en plus saturé, on tion, on préfère aujourd’hui parler de cherche à sortir des sentiers battus et on self-empowerment ou mettre l’accent inhabituelles, peut se tourner vers des notes plus inha- sur les matières premières, leur histoire, bituelles, comme le papyrus », indique leur sourcing. » La notion de dévelop- comme le Sylvain Massé. Même la fraîcheur, peu pement durable suscite également un populaire jusqu’ici, commence à se intérêt croissant. « Ce n’est pas encore une papyrus. » aquilarias qui subissent une attaque de fourmis ou de champignons. « Quand on le découvre, on se dit : “Oh my god !”, raconte la parfumeuse. Son odeur est boisée, animale, avec des facettes plus douces rappelant le labdanum, sensuelle, parfois sèche, parfois plus humide selon les variétés… mais toujours magique. »
hespéridées. Aventus de Creed plaît aussi beaucoup : frais et propre, il a tout de même un sillage énorme », note María Ángeles López, Fragrance Development Manager chez Iberchem. Alors que l’oud a gagné la parfumerie occidentale, l’influence est donc réciproque.
frayer un chemin. « Neroli Portofino de Tom Ford a changé la donne. La marque fonctionnait très bien au Moyen-Orient, ce qui a permis de faire découvrir les notes
priorité absolue, mais c’est indéniablement devenu un aspect important à prendre en compte dans le processus créatif », conclut notre interlocuteur.
Sylvain Massé
IBERCHEM
Du brief au flacon La création d’un parfum de niche
Comment se déroule le développement d’un parfum de niche, entre le premier contact et la mise sur le marché ? María Ángeles López, Fragrance Development Manager chez Iberchem, nous décrit ce travail de longue haleine. Tout commence par le brief : c’est le document que la marque souhaitant lancer une nouvelle création transmet à une société de composition, où travaillent des parfumeurs, et qui explique ses besoins et ses envies. Si le cahier des charges est extrêmement précis dans le cas d’un parfum grand public, notamment concernant la cible et le prix maximum de la formule, le brief est généralement moins directif quand il provient d’une marque de niche. « Il peut prendre la forme d’un texte, d’une photo, d’un dessin, ou encore d’une chanson, et laisse une plus grande liberté créative à la maison de composition. Il s’agit véritablement de partager une histoire avec notre client », explique María Ángeles López. Quand les commerciaux en charge d’une marque reçoivent un brief, une réunion est organisée avec les parfumeurs, les évaluateurs, le département réglementaire et l’équipe marketing. Cette dernière peut donner des pistes olfactives en fonction de l’ADN de la marque et des tendances du marché. L’aspect réglementaire est abordé dès le début du projet car la formule, même produite en quantité moins importante que pour un parfum mainstream, doit répondre aux normes en vigueur. Puis vient le développement olfactif proprement dit, dirigé par l’évaluateur, comme María Ángeles chez Iberchem, qui joue le rôle d’intermédiaire entre le client et le parfumeur. Celle-ci connaît parfaitement l’univers des marques pour lesquelles elle travaille, leurs attentes, mais aussi les collections de tous les parfumeurs, composées des formules déjà créées par ces derniers, tous projets confondus : elle avance donc main dans la main avec eux, les aide à donner une traduction olfactive au brief, à trouver des pistes de création, sent à leur côté les
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nouveaux essais et décide lesquels seront soumis à la marque. « Pour un parfum de niche, il faut être audacieux. Certains clients nous disent même : “Je veux quelque chose de désagréable pour interpeller et faire la différence !” C’est un terrain de jeu incroyable pour les parfumeurs, d’autant qu’il n’y a souvent pas de restriction de prix pour les ingrédients », souligne María Ángeles López. Contrairement aux créations grand public, les projets de niche ne sont effectivement pas soumis à des tests consommateurs : même s’il doit garder en tête le marché pour lequel il travaille, le parfumeur a davantage de latitude pour livrer sa vision du brief. Des rendez-vous sont organisés régulièrement pour faire sentir les essais en cours aux équipes de la marque, le parfumeur retravaillant ensuite sa formule en fonction des commentaires. Ces allers-retours peuvent durer quelques mois, un an, parfois plus. « Tout dépend de la taille de la marque : plus les interlocuteurs sont nombreux, plus le processus peut être long », indique l’évaluatrice. Parallèlement à ce travail de développement, différents laboratoires s’affairent quotidiennement. D’abord celui où les assistantes et assistants des parfumeurs pèsent les formules qui seront ensuite évaluées par les équipes : un véritable travail de fourmi qui demande une grande rigueur afin d’éviter toute erreur préjudiciable au bon déroulement du projet. Puis le laboratoire d’échantillonnage prépare une quantité parfois astronomique de petits flacons qui partiront en test ou chez le client. Enfin, un laboratoire technique mène des tests de stabilité sur les différentes « mods » (ou différents essais). Quand la formule est validée et qu’elle a passé avec succès les tests réglementaires, le concentré est fabriqué dans l’usine de la maison de composition, qui le livre ensuite à la marque. Cette dernière prend alors en charge la mise en alcool et le flaconnage. La nouvelle création est désormais prête à rejoindre les rayons des parfumeries.
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IBERCHEM
Luz Vaquero « Pour un parfumeur, la niche est plus stimulante »
Head Perfumer chez Iberchem, Luz Vaquero nous livre sa vision de la parfumerie confidentielle : ce qui la distingue du marché grand public, les tendances qui l’ont marquée ces dernières années, et l’idée d’équilibre que le parfumeur doit toujours garder à l’esprit. Vous êtes Head Perfumer chez Iberchem, en quoi cela consiste-t-il ? Je suis responsable de nos équipes de parfumeurs, qui comptent dix-huit personnes en Espagne, six en France, quatre en Chine, et une en Inde. J’ai une vision d’ensemble de tous les projets, que j’attribue à chacun après avoir échangé avec les évaluateurs ; je supervise le travail des juniors et j’accompagne les seniors. Je dirige également le contrôle qualité et je dois m’assurer de la conformité des matières premières que nous employons. Enfin, je suis moi-même compositrice de parfums : j’ai rejoint Iberchem il y a 23 ans avec un diplôme de chimie avant d’être formée au métier en interne. En quoi la création d’un parfum de niche diffère-t-elle de celle d’une composition grand public ? Pour un parfumeur, la niche est plus stimulante, car elle laisse davantage de liberté créative. Nous avons un budget plus élevé pour la formule, ce qui nous autorise à utiliser des ingrédients plus coûteux. On peut s’amuser avec eux, tenter des combinaisons, voire des overdoses… Chaque fois, tout l’enjeu réside dans l’équilibre à trouver, entre les notes de tête, de cœur et de fond, ainsi qu’entre les matières, car elles ne sont pas toujours faciles à travailler. J’aime particulièrement les notes ambrées, qui sont très puissantes, et peuvent parfois se révéler agressives, mais que je trouve magnifiques, ou l’absolue café, très sophistiquée lorsqu’elle est mariée à des facettes cuirées. Parmi les fleurs, l’iris est l’une de mes favorites, notamment dans des accords cuirés ou tabacés, et je trouve l’osmanthus unique avec ses nuances animales. Il faut également trouver un équilibre dans la
créativité : on doit imaginer quelque chose de différent, de jamais senti, mais que l’on peut porter. Le parfum doit rester un plaisir ! Comment se déroule le processus créatif ? J’ai d’abord besoin d’un brief – ce serait un plaisir de créer un parfum sans brief, mais nous devons vendre et donc répondre à une commande ! Le plus important est de comprendre ce que recherche notre client, et ce n’est pas toujours facile de se mettre d’accord quand on parle d’odeur : je dois saisir ce qu’il attend exactement quand il évoque la fraîcheur ou les agrumes. Je fais ensuite plusieurs propositions que nous sentons ensemble. Il arrive que les clients me disent qu’ils attendaient autre chose. Dans ce cas, je leur explique ce que j’ai voulu transmettre. La plupart du temps, ils comprennent mieux le cheminement et je réussis à les convaincre. Sinon, je leur propose bien sûr de nouvelles pistes. De quelle manière définiriez-vous votre signature ? J’ai des racines méditerranéennes fortes qui se retrouvent certainement dans mes créations : j’aime y mettre une touche de soleil, de plage ou de bord de mer. Quelles sont les tendances qui ont marqué la parfumerie de niche ces dernières années ? La niche est très à la mode, ce qui fait que de nombreuses marques grand public ont lancé des collections exclusives. Aujourd’hui, il y a donc deux niches qui coexistent : celle que l’on trouve un peu partout, et la vraie, qui est créative et confidentielle. Et sa plus grande qualité est précisément d’être hors des tendances. Tout est possible. Et comment voyez-vous son avenir ? Je le vois florissant ! Les fragrances grand public sont devenues des objets de consommation dont on change chaque saison ou même selon son humeur, alors qu’un parfum de niche exprime votre personnalité et devient une partie de vous-même.
IBERCHEM EN 3 PARFUMS
AZALEA Marque
Iberchem www.iberchem.com @iberchem
PEARL Attar Collection
Marque
MAGIC INTENSE Arabesque Perfumes
Marque
Oud Elite
Parfumeur Luz Vaquero
Parfumeur Luz Vaquero
Parfumeur Ana Gómez
Sortie
Sortie
Sortie
2020
Un hommage aux douceurs orientales associant une rose veloutée et une vanille onctueuse sur un lit crémeux d’héliotrope et de santal.
2020
La vivacité fruitée de la pomme verte et de la goyave annonce une évolution plus chaleureuse, entre notes ambrées, fleurs blanches et muscs confortables.
2022
Une ouverture aromatique de baie rose et de lavande rafraîchit un socle boisé fumé de patchouli, vétiver et cuir robuste.
Heritage perfumery linking East and West Parfumerie artistique reliant l’Est à l’Ouest
Photo © Carole Charbonnier
www.neelavermeire.com
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LE GUIDE INTERNATIONAL DE LA PARFUMERIE DE NICHE Que serait la parfumerie de niche sans le réseau de parfumeries indépendantes grâce à qui le public découvre chaque jour ses créations ? Comment ces parfums, élaborés dans l’intimité du laboratoire du parfumeur indépendant ou par de grandes maisons de composition, trouvent-ils leur chemin jusqu’aux consommateurs ?
Pour en savoir plus, rendez-vous sur : https ://mag.bynez.com/ niche-by-nez
Quels sont les lieux qui mettent à l’honneur la culture olfactive ? De la France aux États-Unis, en passant par Hong Kong, le Mexique ou Bali, nous avons sélectionné pour vous quelquesuns de ces lieux d’exception qui chaque jour font vivre la parfumerie de niche et contribuent à l’essor d’une culture olfactive universellement partagée.
Liste complète de nos dépositaires : https ://mag.bynez.com/stores Pour devenir dépositaire, contactez-nous : shop@bynez.com
Niche by Nez est aussi disponible en ligne, en français et en anglais : Amérique du Nord : nez-editions.us Europe : https ://shop.bynez.com
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ASIE AMÉRIQUE DU NORD & DU SUD CHINE
BRÉSIL
ÉTATS-UNIS
Paralela Escola Olfativa R. Cláudio Soares, 72 cj 504 - Pinheiros São Paulo - SP, 05422-030 paralelaescolaolfativa. com.br
LAKEWOOD
CANADA
LOS ANGELES
Etiket 1826 rue Sherbrooke O QC H3H 1E4 Montréal etiket.ca Scentrique 466 Granville St BC V6C 1V4 Vancouver scentrique.com
Indigo Perfumery 12011 Detroit Ave Lakewood, OH 44107 indigoperfumery.com
Luckyscent Online shop luckyscent.com Scent Bar DTLA 777 S Alameda St Los Angeles, CA 90021 luckyscent.com/scentbar Scent Bar Hollywood 7405 Beverly Blvd Los Angeles, CA 90036 luckyscent.com/scentbar
PLANO Perfume Express 6121 W Park Blvd Plano, TX 75093 perfumexp.com
PORTLAND Fumerie Parfumerie 3584 SE Division St, Portland, OR 97202, fumerie.com
SAN FRANCISCO Ministry of Scent (Tigerlily Perfumery) 973 Valencia St San Francisco, CA 94110 ministryofscent.com ZGO 600 Castro St San Francisco, CA 94114 zgoperfumery.com
NEW YORK Scent Bar New York 244 Elizabeth St New York, NY 10012 luckyscent.com/scentbar
PHILADELPHIE Perfumology 25 N 3rd St Philadelphie, PA 19106 perfumolog y.com
MEXIQUE Ars Aromatica Studio 10 Av. Hércules Ote. 76069 Santiago de Querétaro arsaromaticastudio.com
Scented Niche 32 Gough St Central Hong Kong scentedniche.com
Scented Niche Shop 210A Musea Tsim Sha Tsui Hong Kong scentedniche.com
ÉMIRATS ARABES UNIS Villa 515 Jumeirah 3, Jumeirah Beach Road Dubaï villa515.com
INDONÉSIE L’Atelier Parfums et Créations Jl. Nakula No.18, Seminyak, Kec. Kuta, Kabupaten Badung 80361 Bali perfumeworkshops.com
VIETNAM Scents Vortex 52 Dong Du, Ben Nghe Ward, District 1 Ho Chi Minh City lapogee.vn
L’ÉVÉNEMENT DE RÉFÉRENCE DE LA PARFUMERIE ARTISTIQUE
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30 MARCH – 2 APRIL 2023
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LE SALON SÉLECTIF DÉDIÉ AUX PARFUMS DE NICHE
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EUROPE ALLEMAGNE
ESPAGNE
Urban Scents Bleibtreustraße 32 10707 Berlin urbanscents.de
Les Topettes C/ de Joaquín Costa, 33 08001 Barcelone lestopettes.com
Parfums Lübner Große Bleichen 23 20354 Hambourg parfumslubner.com
Regia Passeig de Gràcia, 39 08007 Barcelone regia.es
Parfümerie BrücknerBublitz Marienplatz 8 80331 Munich parfuemerie-brueckner.com
The Perfumery Barcelona Carrer de Sant Pere Més Alt 58 08003 Barcelone theperfumerybarcelona.com
Parfums uniques Klenzestraße 22 80469 Munich parfums-uniques.de
AUTRICHE Osmotheca GmbH 31-33 Gumpendorfer Str. 1060 Vienne osmotheca.com
BELGIQUE Beauty by Kroonen & Brown 67 rue Lebeau 1000 Bruxelles beautybykroonen.com Smell Stories 15 rue des Teinturiers 1000 Bruxelles smellstories.be
Le Secret du Marais C/ de Hortaleza, 75 28004 Madrid lesecretdumarais.com
FRANCE ANGERS Passage 31 11 rue des Lices 49100 Angers passage31.com
BORDEAUX La Parfumerie bordelaise 17 rue du Temple 33000 Bordeaux laparfumeriebordelaise.com La Parfumerie de l’Opéra 10 bis allées de Tourny 33000 Bordeaux parfumerie-operabordeaux.fr Le Nez insurgé 32 rue du Pas-Saint-Georges 33000 Bordeaux lenezinsurge.com
GRASSE 1 000 Flowers Perfumer 4 place aux Aires 06130 Grasse fr.1000flowers.ca
MARSEILLE Maison des Nines 9 rue d’Aubagne 13001 Marseille instagram.com/ maisondesnines
MONTPELLIER Serendipity 2 bis rue Four des Flammes 34000 Montpellier instagram.com/serendipity_ montpellier
NANTES Fragrance Passion 10 rue des Trois Croissants 44000 Nantes fragrancepassion.fr Passage 31 13 passage Pommeraye 44000 Nantes passage31.com Passage 31 9 rue du Couëdic 44000 Nantes passage31.com
PARIS & ÎLE-DE-FRANCE Cinquième Sens (centre de formation) 18 rue de Monttessuy 75007 Paris cinquiemesens.com Conscience Parfums 371 rue des Pyrénées 75020 Paris instagram.com/conscience. parfums Fragrances & Cie 6 rue des Marchés 77400 Lagny-sur-Marne fragrancesetcie.com Jovoy 4 rue de Castiglione 75001 Paris jovoyparis.com/fr
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Liquides 9 rue de Normandie 75003 Paris liquides-parfums.com Marie Jeanne 49 rue Vaneau 75007 Paris marie-jeanne.net Sens unique Paris 13 rue du Roi de Sicile 75004 Paris sensuniqueparis.com
REIMS B.A.S.I.C. – La crème de la crème 3 rue du Clou-dans-le-Fer 51100 Reims parfumerie-basic.fr
TOULON Paris Parfums 438 rue Jean Jaurès 83000 Toulon parisparfums.com.fr
TOULOUSE Santa Rosa 11 rue Antonin Mercié 31000 Toulouse santarosa-parfumerie.com
VERSAILLES Osmothèque (Conservatoire international des parfums) 36 rue du Parc de Clagny 78000 Versailles osmotheque.fr
ITALIE ARONA Profumeria Gambarini 3 Via Camillo Benso di Cavour 28041 Arona profumeriagambarini.it
BERGAME Neroli32 32 Largo Bortolo Belotti 24121 Bergame neroli32.it
BOLOGNE Antica Profumeria Al Sacro Cuore 6c Via de’ Fusari 40123 Bologne sacrocuoreprofumi.it
CITTADELLA Centre Estetico Eri 65 Via Garibaldi 35013 Cittadella erieinaudi.com
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FLORENCE
PORTO CERVO
Campomarzio70 65/r Via della Condotta 50122 Florence shop.campomarzio70.it
Campomarzio70 1 c/o promenade du Port Via Aga Khan 07021 Porto Cervo shop.campomarzio70.it
FORTE DEI MARMI Campomarzio70 8 Via Risorgimento 55042 Forte dei Marmi shop.campomarzio70.it
MACERATA Lotum Boutique 34 Corso della Repubblica 62100 Macerata lotumboutique.com
MILAN 50ML 16 Viale Monte Nero 20135 Milan 50-ml.it Campomarzio70 2/a Via Brera 20121 Milan shop.campomarzio70.it
CORTINA D’AMPEZZO
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Campomarzio70 9 Piazza Fratelli Ghedina Pittori 32043 Cortina d’Ampezzo shop.campomarzio70.it
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PRATO Profumeria Cafissi 130 Via Giuseppe Garibaldi 59100 Prato facebook.com/ ProfumeriaCafissi
ROME Campomarzio70 70 Piazza della Rotonda 00186 Rome shop.campomarzio70.it Campomarzio70 70 Via di Campo Marzio 00186 Rome shop.campomarzio70.it Campomarzio70 52 Via Vittoria 00187 Rome shop.campomarzio70.it Laboratorio Olfattivo Store 18 Via delle Carrozze 00187 Rome laboratorioolfattivo.com Profumeria VII Senso 42 Via Ludovisi 00187 Rome
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TURIN Laboratorio Olfattivo Store 5 Via Giovanni Giolitti 10123 Turin laboratorioolfattivo.com
VICENCE Carla Chemello Pofumeria 25 Contra’ Do Rode 36100 Vicence carlachemelloprofumeria. wordpress.com
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POLOGNE
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GaliLu neoperfumeria Sienna 1 Rynek Główny 6 31-042 Cracovie galilu.pl
Perfumology 12 Via Cavour 10123 Turin perfumolog y.it
GaliLu neoperfumeria Szeroka 15-17 80-835 Gdańsk galilu.pl
VÉRONE Lebeau Enchanted Perfumery 9 Corso Cavour 37121 Vérone lebeauperfumery.com
RÉPUBLIQUE TCHÈQUE Vavavoom 9 Radnická 602 00 Brno vava-voom.cz
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nOTRE RÉSEAU
OURS Directeurs de la publication Dominique Brunel, Mathieu Chévara, Jeanne Doré Rédactrice en chef Jeanne Doré Coordination Arielle Lauze
Nez a construit un réseau de partenaires afin d’amplifier le rayonnement de la culture olfactive. Retrouvez-nous partout dans le monde, tout au long de l’année.
Barcelona Olfaction Congress Barcelone, novembre 2023
Secrétaire de rédaction Cécile Couet
Esxence Milan, 30 mars – 2 avril 2023
Fragrance Innovation Summit Paris, 30 novembre 2023
IFEAT Berlin, 8 – 12 octobre 2023 Beautyworld Middle East Dubaï, 30 octobre – 1er novembre 2023
Congrès olfaction & perspectives Clichy-la-Garenne, 21 mars 2024 Cosmetic 360 Paris, 18 – 19 octobre 2023
IFRA – Global Fragrance Summit Genève, 10 – 12 novembre 2023
Institute for Art and Olfaction Los Angeles, cérémonie des awards, 11 mai 2023
Pitti Fragranze Florence, 15 – 17 septembre 2023
Rives de la beauté Paris, octobre 2023
ScentXplore New York, 1 – 2 décembre 2023
Simppar Paris, 31 mai – 1er juin 2023
World Perfumery Congress Genève, 24 – 27 juin 2024
Direction artistique et design graphique Atelier Marge Design Fabrication Marianne Ménager Illustrations Erwann Terrier Régie publicitaire Dominique Brunel dbrunel@bynez.com +33 6 43 75 73 48 Océane Grall ograll@bynez.com +33 7 64 51 47 13 Inès Zabili izabili@bynez.com +33 6 25 81 58 60 Relations presse et partenariats Lucile Rives lrives@bynez.com +33 6 18 62 61 03 Éditeur Nez 29, rue des Orteaux 75020 Paris Distribution Amérique du Nord Maison Duquesne info@maisonduquesne.com France Manon Carrère manon@manotedecoeur.com Europe et hors Amérique Inès Zabili izabili@bynez.com
Remerciements Jérôme Algieri-Liguori, Giuditta Amisano, Guillaume Audy, Ersin Bas, Éléonore de Bonneval, Valentina Cagnola, Alice Charrier, Eloïse Desroches, Catherine Dolisi, Audrey Donato, Spyros Drosopoulos, Aurélien Escala, Clara Feder, Camilla Ferrando, Virginie Gervason, Michel Gutsatz, Alix d’Hautefeuille, Giuseppe Imprezzabile, Moe Khalaf, Andras Komar, Hakan Konakli, Camille Langrand, Marie Lapenu, Travis McIntosh, Georgiana Mocanu, Chloe Mullen, Ema Muller, Cécile Poulin, Chloé Prigent, Thibaut Vandemoortele, Neela Vermeire, Yana Zhakhouskaya, Aurore Zompicchiatti Achevé d’imprimer Ouvrage composé en Lyon (Commercial Type), Nez (Longtype), Aperçu (Colophon), & Trade Gothic (Linotype). Imprimé par Pollina sur Amber Volume 70 g/m2 et Materica Kraft 180 g/m2 en mars 2023. Niche by Nez www.bynez.com nezlarevue NezTheOlfactoryMagazine nezlarevue Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Les erreurs ou omissions involontaires qui auraient subsisté dans cette revue malgré les soins et les contrôles de l’équipe de rédaction ne sauraient engager la responsabilité de l’éditeur.
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AMOUAGE Des traditions « La filière de ancestrales aux tendances actuelles. l’encens mérite davantage de transparence »
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LE GUIDE INTERNATIONAL DE LA PARFUMERIE DE NICHE Se lancer dans la parfumerie de niche
À la rencontre des maisons de niche, de leurs fondateurs et de leurs créations.
AUTOUR DU PARFUM
MATIÈRES PREMIÈRES
Fabbrica Della Musa, Unika, Obvious, Pigmentarium, In Astra
L’AIR DU TEMPS
Découvrez les notes à la mode, décortiquées et enrichies de l’expertise de parfumeurs.
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Dans les coulisses des marques Marc-Antoine Barrois, Maison Godet, Affinessence, D’Orsay, La Closerie des parfums, Jorum Studio, Hermetica Paris
IBERCHEM
La maison de composition espagnole nous ouvre les portes de son univers. Les secrets d’un marché de connaisseurs Du brief au flacon
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LUZ VAQUERO
« Pour un parfumeur, la niche est plus stimulante »
nezlarevue Exemplaire gratuit, ne peut être vendu.