// Introduction photographie urbaine
Photographie urbaine
LA PHOTOGRAPHIE URBAINE
PAR NICOLAS SAVINE
Un environnement familier, facile d'accès, où personne ne remarque que l'on tient un appareil photo, avec une quantité de sujets possibles... La ville s'offre comme un modèle aux milles visages.
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ourquoi, depuis l’invention de la photographie, la ville et ceux qui l’animent ont-ils toujours été des sujets de prédilection pour tant de grands maîtres de la photographie ? La première explication nous venant à l’esprit pourrait être liée au simple fait qu’elle représente l’environnement quotidien des quatre cinquièmes de la population et se présente logiquement comme un inévitable sujet à documenter.
Les origines de la photographie de rue
Cependant, ne serait-ce pas sa complexité unique et toutes les questions qu’elle soulève qui attirent l’œil des photographes et des intellectuels pour y trouver les réponses par le biais de l’observation et de l’analyse ?
Dès 1839, des relations étroites se lient entre la photographie et Paris, qui reste aujourd’hui comme l’une des sources d’inspiration vivante et permanente de tous les poètes de cette “écriture de lumière” qui n’en finit pas de révéler son potentiel. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, nombreux seront les photographes comme Marville, Nègre, Regnault, Le Grey et Baldus qui arpenteront les rues de la capitale pour nous offrir de superbes images de cette époque, aujourd’hui ancrées dans la mémoire collective des Parisiens qui s’intéressent à l’histoire de leurs quartiers.
Le fonctionnement de l’espace urbain invite à réfléchir sur un nombre considérable de problématiques pouvant être liées à ses transformations, ses continuels flux de personnes, l’identité sociale d’une population ou encore l’interaction de l’architecture et de ses occupants. La plupart des grands photographes de l’espace urbain sont entrés dans l’histoire pour avoir réalisé des travaux qui ont brillamment contribué à l’étude et à la compréhension de son fonctionnement. Ainsi, depuis les prises de vue parisiennes datant de la fin du XIXe siècle d’Eugène Atget jusqu’aux monumentales images contemporaines des héritiers de l’École de Düsseldorf comme Andreas Gursky, cinq générations de street photographers ont participé inlassablement à cette recherche. Durant près d’un siècle et demi, la manière de scruter les rues et l’approche de la photographie en tant qu’outil créatif, artistique et narratif s’est continuellement renouvelée. Monochromes ou en couleurs, résultats de l’ingéniosité de la prise de vue ou de la conceptualisation, réalisées à la chambre photographique ou avec simple appareil de poche, la multitude d’images dont nous héritons aujourd’hui de la part d’auteurs prestigieux retracent l’histoire de notre relation avec l’univers urbain, symbole de notre civilisation.
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Si la photographie a bien vu le jour sur les bords de la Saône, c’est sur les rives de la Seine qu’elle a fait son entrée dans la société, propulsée par l’arrivée de l’art du daguerréotype. Fruit de l’association de Niepce et Daguerre, cette technique fixera les premières images de la ville, comme le pavillon de Flore, le boulevard des Italiens, le lit de la Seine et les typiques toits de zinc parisiens.
Point de vue de la fenêtre, la plus ancienne photographie conservée, réalisée par Nicéphore Niépce en 1827.
À la fin du XIXe siècle, l’amélioration des surfaces sensibles et l’apparition d’appareils à la fois plus sophistiqués et plus simples d’emploi provoquent l’arrivée de nouveaux utilisateurs : les amateurs. Tous porteront sur Paris un regard plein de passion et de tendresse. La plupart resteront méconnus alors que d’autres, comme Zola, Degas ou Vuillard, deviendront célèbres dans la profession. Le plus illustre d’entre eux laisse une œuvre exceptionnelle, qui n’a été véritablement découverte qu’après sa mort : Eugène Atget. Ses images reflétant le quotidien parisien avec une grande force de suggestion joueront un rôle majeur pour faire la photographie une discipline à part entière vers 1940. Il travailla entre 1890 et 1920 dans la capitale, où il porta son attention sur les quartiers anciens voués à disparaître tout comme sur les boutiques bientôt condamnées par l’essor des grands magasins. Son travail, très marqué par l’importance qu’il a donnée aux façades des bâtiments, où il s’est focalisé sur des détails comme les fers forgés, les heurtoirs de porte ou encore les balustrades d’escalier, fit de lui un pionnier de l’analyse urbaine.
Boulevard du Temple Daguerre, 1838
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