SAVOIR TOUT FAIRE EN PHOTOGRAPHIE

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// Théorie le noir et blanc

LE REGARD SUR LA VILLE, EN NOIR ET BLANC Tant pour des raisons esthétiques qu’historiques, la photographie noir et blanc est étroitement liée à l’espace urbain. Par Nicolas Savine

Willy Ronis - Les amoureux de la Bastille. 1957

LE CHOIX DU NOIR ET BLANC

Il faut tout d’abord comprendre ce que signifie observer en noir et blanc et définir quelles sont les raisons qui vous incitent à vous passer de la couleur. Par Nicolas Savine

René Burri Hommes sur un toit Sao Polo. 1960

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istorique, car lorsqu’on pense “photographie urbaine” en ayant un minimum de culture de l’image, notre mémoire collective a facilement tendance à nous rappeler des chefs-d’œuvre, pour la plupart monochromes, de photographes de rue qui ont marqué l’histoire, comme Eugène Atget, Henri CartierBresson, Robert Franck ou encore William Klein. Esthétique, car l’absence de couleurs nous invite à concentrer notre observation sur ce qu’il reste de l’image, comme sa structure graphique, les densités de gris, les combinaisons de lignes, mais aussi la répartition des masses, les textures des matériaux et l’agencement des formes : tout en ensemble d’éléments que seul l’univers urbain offre avec autant d´abondance.

Si vous désirez travailler sur de belles scènes urbaines de lumières mixtes comme l’ont souvent fait John Meyerowitz ou William Eggleston ou si vous avez toujours été fasciné par les compositions de Stephen Shore, peut-être la couleur sera-t-elle le support le plus approprié. Cependant, le pouvoir des plus belles photographies urbaines en noir et blanc tient souvent à une composante profonde, durable, qui dépasse la couleur. Si par exemple, perché sur le toit d’un immeuble, vous observez un immense paysage de béton et notez les jeux de lumière se reflétant dans les marbres et les vitrages, si encore vous appréciez comment se dessine le relief du goudron, des pavés à contre-jour ou si votre regard a systématiquement tendance à rechercher un cadrage élaboré sur les innombrables lignes qu’offre la ville, c’est que le support monochrome s’adapte sûrement à votre observation.

De la réussite d’un cliché en noir et blanc Analysons donc quels sont les éléments qui contribuent à la réussite d’une photographie en noir et blanc. En premier lieu, elle va toujours au-delà de la couleur, évidente et omniprésente. La couleur d’une scène, en elle-même, ne contribue que très

rarement à la réalisation d’une bonne image, on le constate une fois l’image convertie en noir et blanc. Pour expliquer cela, on peut prendre l’exemple de célèbres photos, comme celle de René Burri prise à Sao Paulo en 1960 “Hommes sur un toit” où il photographiait à contre-jour quatre hommes d’affaires se baladant sur le toit d’un building surplombant une des artères principales de la mégapole. En couleurs, ce splendide paysage urbain n’aurait jamais autant marqué l’attention : sa complexité graphique, les formes géométriques à répétition, la subtilité des lumières et les silhouettes de ces hommes se dessinant en premier plan n’auraient jamais pu être aussi sublimées sans une interprétation de cette scène synthétisée en densités de gris.

Insuffler de l’énergie à la photo En effet, l’un des grands objectifs du noir et blanc face à l’absence de couleur est de nous faire franchir des niveaux de lumière et d’ombre soulignés par une météo ou un éclairage artificiel spectaculaires. L’intérêt du monochrome est d’insuffler à la photographie une énergie qui dépasse le simple souvenir de l’angle de rue où vous êtes passé ou d’une belle perspective d’une avenue déserte. P.

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QUELQUES CONSEILS DE COMPOSITION

Nicolas Savine Quartier de Palermo, Buenos Aires, 2010

photographie d’architecture. Cependant, selon votre intuition, n’hésitez pas à rompre avec ces règles le cas échéant, c’est d’ailleurs que font la plupart des photographes professionnels.

La composition en photographie urbaine est l’une des plus difficiles à maîtriser. Il ne faut pas, bien sûr, réduire votre approche de la photographie à un ensemble de théories préétablies, mais il est bon d’en mémoriser quelques-unes pour organiser votre mise en œuvre et tenter de faire mieux qu’une belle image monochrome de plus.

Tirer profit du potentiel graphique En photographiant l’espace urbain en noir et blanc, vous réunissez les meilleures conditions pour composer une image en profitant d’une grande quantité d’éléments graphiques valorisés par l’absence de couleurs. De fortes lignes directrices ou convergentes vous permettent de structurer l’image et de guider le regard de l’observateur sur le parcours visuel de l’image. Ainsi, les immeubles, les contours des avenues, les virages sont quelques-uns des éléments urbains qui attirent le spectateur à l’intérieur de l’image et donnent un sens de composition à la scène. Verticales, horizontales ou obliques, elles structurent l’élaboration de l’image et renforcent l’impact visuel. La répétition des éléments, utilisée comme figure rhétorique qui rythme votre composition, peut être un recours fréquemment employé. Depuis une série d’immeubles jusqu’aux bandes blanches du passage piéton, les répétitions sont présentes partout dans l’espace urbain, tout comme les perspectives qui souligneront l’aspect tridimensionnel de vos scènes en utilisant un ou deux points de fuite. Enfin, les courbes, éléments très esthétiques en photographie, offrent sensualité et mouvement et conduisent le regard de l’observateur. À vous de les utiliser pour servir la lecture de votre image.

Par Nicolas Savine Si le noir et blanc valorise les belles compositions, il en accentuera visuellement les erreurs si vous n’y prêtez pas attention. Avant tout cadrage, il faudra donc réfléchir et être sûr de ce que vous voulez représenter, ce que vous souhaitez placer dans le cadre et laisser de côté : est-ce la grandeur des bâtiments, les interactions humaines d’une rue piétonne, l’esprit que dégage une place une fois la nuit tombée ? L’important est d’utiliser la composition comme un parcours visuel qui conduit le regard de l’observateur à l’essentiel de votre image, à ce qui a réellement retenu votre attention.

La règle des tiers Pour donner de l’intérêt à une image avec un certain impact

visuel, une photographie nécessite de puissants éléments de composition. Elle plaira en général davantage si vous suivez ce que les photographes appellent la règle des tiers. Pour cela, imaginez une grille divisée en trois parties verticales et horizontales. Placez l’élément principal à l’une des intersections de la grille plutôt qu’au milieu. Dans un paysage urbain par exemple, évitez de centrer l’horizon et situez-le le long du tiers inférieur ou supérieur de l’image. Pour une scène de rue, il sera bénéfique de décaler le sujet vers la gauche ou la droite de l’image et d’étudier l’effet produit sur la composition globale. En plaçant les éléments à des endroits inattendus ou en les décentrant légèrement, vous créerez une certaine tension qui renforcera l’intérêt de votre image. Cette règle convient aussi parfaitement à la

Nicolas Savine Cimetière de Recoleta, Buenos Aires, 2010

Les contrastes Comme nous l’avons vu, les contrastes de toutes formes seront systématiquement mis en valeur par le noir et blanc. Essentiel, le contraste est l’une des clés de l’expression photographique et détermine la lisibilité et l’impact de nos images, il intervient pour une grande part dans l’émotion qu’elle dégage. En ville, les principaux que l’on retrouvera régulièrement sont les contrastes de formes, de lignes et de tailles, mais aussi les contrastes de contenus, de textures et de matériels. À cela s’ajouteront bien sûr les oppositions de base, comme les contrastes lumineux de valeurs ou encore les contrastes entre le fond et l’objet.

© Shutterstock : Tower Bridge de nuit, Londres

Premier et arrière-plan

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Beaucoup de grands photographes se servent de différentes strates au premier plan et à l’arrière-plan pour renforcer leurs compositions. Un objectif grand-angle permet d’accentuer les éléments du premier plan, mais l’arrière-plan rétréci n’en fournit pas moins le soutien nécessaire. De plus, travailler de près avec un grand-angle, en particulier avec des gens de la rue, donne parfois une note intimiste, sans pour autant négliger le décor. Dans ce type de travail, regardez toujours comment vous pouvez opposer premier plan et arrière-plan. Le téléobjectif, quant à lui, aura tendance à comprimer les plans et pourra être d’une grande utilité pour détacher un sujet du reste de la scène ou pour travailler sur des détails de l’espace urbain. P.

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Le noir et blanc

L’UTILISATION DES FILTRES Bien plus utilisés durant l’ère de l’argentique et aujourd’hui hélas souvent supplantés par la retouche numérique, les filtres en photographie noir et blanc vous permettent de modifier la lumière et les contrastes d’une scène de différentes manières. Par Nicolas Savine

LA LUMIÈRE ET LA PHOTO EN NOIR ET BLANC

La lumière et l’emploi que vous en faites font fusionner les composantes du sujet et de la forme. Si vous ne maîtrisez pas l’éclairage, artificiel ou naturel, vos photos noir et blanc manqueront cruellement d’intérêt. C’est la qualité de la lumière qui fera valoir les échelles de gris, sublimera les textures des éléments et conditionnera le contraste global de l’image. Par Nicolas Savine

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our améliorer le ton et le sujet d’une photo, il conviendra parfois d’attendre pour utiliser une qualité d’éclairage spécifique, comme celle d’un temps morose, d’un brouillard vaporeux ou d’un soleil ardent de fin d’après-midi. Si vous souhaitez capturer l’atmosphère des scènes urbaines, l’essentiel sera de travailler sur les lumières naturelles de la ville, l’utilisation du flash sera donc à éviter le plus possible. D’ailleurs, nous pouvons constater qu’une large majorité des travaux des plus grands photographes de l’espace urbain sont réalisés sans cet outil. En effet, qu’elles soient artificielles, solaires, lunaires ou mixtes, les ambiances lumineuses qu’offre la ville sont très variées et il faudra savoir les exploiter au mieux. Il est en général recommandé aux photographes paysagistes de profiter des premières et des dernières heures de la journée pour réaliser leurs prises de vue : ce sont des moments où le soleil projette une lumière latérale plus subtile pour souligner les reliefs et les détails. Cependant, l’espace urbain nous offre plus de flexibilité et nous pouvons photographier à n’importe quelle heure de la journée selon le sujet que nous recherchons. Durant les journées ennuagées, la douceur de la lumière diffuse nous permettra de profiter d’une grande quantité de détails offrant des images monochromes pourvues d’une grande densité de gris. Les journées ensoleillées, quant à elles, offriront des lumières intenses, mais aussi des ombres prononcées, des reflets et des réflexions de tout genre qui évolueront au fil des heures. Ainsi, durant l’aube et le crépuscule, nous pourrons jouer sur les

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lumières mixtes, produites par les toutes premières et toutes dernières lumières du soleil reflétées dans le ciel et les lumières artificielles de la ville. Les débuts de matinée et les fins d’après-midi offriront une lumière latérale qui donnera une apparence chaude aux constructions et proportionneront d’agréables illuminations reflétées. Ce sont des moments de la journée durant lesquels vous pourrez aussi profiter de la position basse du soleil pour pratiquer les contre-jours en travaillant face à la source de lumière, situation qui offre de magnifiques résultats en noir et blanc si vous exposez sur les hautes lumières. Par la suite, au fur et à mesure que le soleil s’élèvera dans le ciel, apparaîtront des effets d’ombre et de lumière plus contrastés. En exposant pour les hautes lumières, vous obtiendrez des images aux ombres très prononcées qui renforceront leur aspect graphique. Enfin, une fois le soleil couché, la ville offrira une autre apparence et s’illuminera d’elle-même. L’usage du trépied vous permettra de faire de longues expositions et de créer des images offrant une belle profondeur de champ. De même, vous obtiendrez d’intéressants effets lumineux, comme ceux laissés par les flux de circulation ou encore par le scintillement des lumières de la ville. (Prenez en compte que plus vous fermerez le diaphragme, plus ces effets seront prononcés.) À main levée, l’appareil ajusté en haute sensibilité et muni d’un objectif rapide, vous pourrez ainsi continuer à profiter de votre mobilité tout en gardant un style reportage.

Voici ici quelques filtres utiles en photographie noir et blanc: • Le filtre jaune : il est très utilisé pour contraster les nuages et atténue légèrement le voile atmosphérique. • Le filtre orange : il possède les mêmes propriétés que le filtre jaune, mais avec un effet encore plus prononcé. • Le filtre rouge : il offre un caractère presque dramatique à vos scènes. Le ciel se contraste alors en devenant très sombre. Par opposition au ciel, les nuages deviennent plus brillants, alors que le voile atmosphérique se trouve très fortement

atténué. Il peut donner une apparence de clair de lune à vos scènes urbaines prises de jour par exemple. • Filtre vert : il permet d’améliorer le contraste des étendues vertes et renforce la différenciation des plans dans l’image. Ainsi, il peut être utile pour jouer sur les contrastes des espaces verts de la ville. • Filtre polarisant : sans doute l’un des plus utiles en ville, il permet d’éliminer les reflets et de saturer les couleurs. En noir et blanc, certains gris seront donc plus prononcés. Il existe deux types de filtre polarisant dont l’effet est identique : - Le filtre polarisant circulaire dont l’action sera variable, est destiné aux appareils reflex autofocus (modernes). En effet, certains appareils utilisent pour la mesure de l’exposition un miroir semi-transparent qui se comporte comme un filtre polarisant. L’emploi d’un filtre polarisant circulaire évite une seconde polarisation par le miroir semi-transparent, ce qui conduirait à une mesure de l’exposition erronée ; - Le filtre polarisant linéaire, quant à lui, est destiné aux appareils à mise au point manuelle.

© Fotolia : Filtres optiques

© Shutterstock : Contre-jour au fond d´un tunnel.

Pour obtenir une ambiance plus dramatique, des scènes plus contrastées, ou si vous désirez contrôler les nombreux reflets présents en ville, les filtres représentent des compléments optiques qui peuvent apporter beaucoup à vos images selon vos désirs d’interprétation. Ils ont pour particularité de bloquer une partie des longueurs d’onde correspondant à leurs couleurs complémentaires. Ils laissent ainsi passer les longueurs d’onde correspondant à leurs propres couleurs et les atténuent tout en renforçant leur couleur complémentaire.

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À QUOI SERVENT LES FILTRES COLORÉS Quand le mélange de la technique et de la composition permet de créer des images qui racontent des histoires. Par Hélène Dourliand

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vec l’arrivée du numérique et surtout l’accessibilité des logiciels de retouche, on pourrait croire que les filtres deviennent obsolètes, mais en pratique, pas du tout. Leur utilisation lors de la prise de vue vous donne un rendu exceptionnel et un gain de temps à la postproduction. Le principe du filtre est d’absorber sa couleur complémentaire (ce qui la fonce) et de laisser passer sa propre couleur (ce qui l’éclaircit). Mais qu’allons-nous utiliser comme filtres pour la photographie en noir et blanc ? Pour la plupart des photographes numériques nostalgiques du noir et blanc, on trouvera dans leur fourre-tout principalement deux filtres, soit le filtre rouge et le filtre orange. Chaque filtre, quelle que soit sa couleur, se présente sous forme ronde à visser sur l’objectif ou bien à glisser dans un porte-filtre. Selon les marques, les tons seront plus ou moins soutenus et les prix plus ou moins hauts (de 25 à 80 € env.).

Le filtre rouge Le filtre rouge est principalement utilisé pour la photographie en noir et blanc et plus spécifiquement pour les paysages. Le rouge est plus ou moins foncé en fonction des marques, votre choix se fera donc en fonction du type de photo que vous souhaitez réaliser. Selon le principe énoncé plus haut, le filtre rouge va assombrir les bleus. En utilisant ce filtre, vous modifiez donc la modulation des tons gris, ce qui vous donnera des ciels beaucoup plus foncés. En revanche, vu que le filtre rouge absorbe les UV, sachez que les verts seront plus foncés, ce qui peut être plus gênant lors d’une prise de vue dans une prairie. Son utilisation d’un filtre rouge vous permet de dramatiser un ciel bleu et de faire ressortir un paysage brumeux. Petit hic, il absorbe beaucoup de lumière et votre exposition sera modifiée d’au moins trois diaphragmes. De plus, comme la photographie

de paysages requiert des ouvertures petites (comme f/16 ou f/22) afin d’obtenir une profondeur de champ maximale, les temps de pose seront donc prolongés. Par conséquent, pensez à l’usage de votre trépied.

Le filtre orange Ce filtre est utilisé principalement en photographie en noir et blanc. Selon les marques, l’orange est plus ou moins foncé. Comme le filtre rouge, le filtre orange a pour principe de laisser passer sa propre couleur et de foncer sa couleur complémentaire. Par conséquent, le filtre orange va accentuer les rouges et les jaunes mais assombrir les bleus et les violets. En l’utilisant lors de la prise de vue, vous allez pouvoir faire ressortir les nuages de vos ciels et dramatiser vos ciels

tourmentés. Il permet également d’ajouter du détail dans les paysages lointains. Même problème que le filtre rouge, le filtre orange absorbe beaucoup de lumière et votre exposition sera modifiée d’au moins trois ou quatre diaphragmes selon sa couleur. un trépied reste alors indispensable. Pour conclure, l’investissement devient indispensable si vous souhaitez ce “petit plus” sur vos clichés. Certes, vous pouvez essayer de les reproduire grâce à différents tutoriels en fonction du choix de votre logiciel de retouche mais rien ne vaut la réalisation en prise de vue directe. Il est plus simple de corriger quand vous êtes sur place que de vous approcher du résultat devant votre ordinateur.

Simulation de filtre rouge dans Photoshop CS6 à travers la conversion noir et blanc en utilisant un calque de réglage.

LES FILTRES En utilisant le filtre rouge, vous pouvez créer le célèbre effet de nuit américaine si cher à François Truffaut. La nuit américaine est une technique cinématographique qui permet, grâce à une sous-exposition de la pellicule et/ou à l’utilisation d’un filtre, de tourner de jour des scènes, généralement en extérieur, censées se dérouler la nuit.

Simulation de filtre orange dans Camera RAW à travers la conversion en noir et blanc.

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Pour cela, il suffit de sous-exposer votre mesure de 2 IL, mais n’oubliez pas votre trépied. Nous vous conseillons le filtre 25A de chez Hoya qui se révèle assez concluant.

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Le noir et blanc

QUELQUES TECHNIQUES PROPRE À L'EDITION DES IMAGES NOIR ET BLANC Voici quelques techniques, toutes héritées de l’ère argentique, utilisées pendant des décennies en laboratoire et aujourd’hui devenues beaucoup plus précises et accessibles grâce au numérique. Nous verrons comment les appliquer avec le logiciel Photoshop. Par Nicolas Savine

1 - SPLIT TONING La technique du “split toning”, plus couramment appelée en France “virage”, est utilisée depuis les débuts de la photographie, il s’agit d’un procédé que l’on applique à une image pour lui donner un ou plusieurs tons spécifiques. L’aspect sépia qui caractérise un grand nombre d’images de notre mémoire collective est sans doute le plus connu, mais n’importe quelle couleur peut être appliquée. En photographie analogique, on le réalise par le biais des produits chimiques ; à l’heure du numérique, les logiciels nous permettent de l’appliquer de manière simple et créative avec des options bien plus souples. L’effet le plus utilisé du virage est l’application d’une couleur dans les zones sombres et d’une autre dans les zones claires de l’image. Les couleurs peuvent être totalement différentes, mais les résul-

Split Toning

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tats les plus esthétiques se réussissent en général en appliquant des couleurs claires et complémentaires. Pour effectuer un virage coloré, la fonction Balance des couleurs de Photoshop vous permet de travailler d’une manière très intuitive en modifiant au choix les tons foncés, moyens et clairs de l’image. Cette commande peut aussi être appliquée en tant que calque de réglage, ce qui permet par exemple de donner des couleurs très vives à l’image, puis d’atténuer l’effet en réduisant l’opacité du calque de réglage. Il faut donc convertir l’image en niveaux de gris en image RVB ou désaturer une image RVB (Image> Réglages> Désaturation). Ajoutez ensuite un calque de réglage de type Balance des couleurs. Sélectionnez l’option Tons foncés, puis faites glisser les curseurs pour modifier les tons foncés de l’image. Vous devez ensuite répéter l’opération pour les tons moyens et les tons clairs de l’image. Ensuite, vous pourrez à nouveau corriger

les tons foncés, si nécessaire. Le calque de réglage vous permettra par la suite de modifier l’effet obtenu à tout moment, modifiable également en réduisant son opacité. Si l’image initiale est en mode RVB ou CMJN, la commande Mélangeur de couches est un autre outil qui peut s’avérer intéressant pour obtenir un “virage” à partir d’une image en noir et blanc.

Virages successifs Il est possible d’appliquer à une photo plusieurs virages partiels successifs, ou de ne la blanchir que partiellement avant le virage proprement dit. On obtient ainsi des transitions de couleurs intéressantes. Pour reproduire cet effet dans Photoshop, il est conseillé d’utiliser l’outil de fusion des calques et des calques de réglage, le procédé est le suivant :

01 Convertir l’image RVB en image monochrome en utilisant la commande Image> Réglages> Désaturation ou le Mélangeur de couches en mode monochrome. 02 Colorer l’image désaturée en utilisant un calque de réglage de type Balance des couleurs. Modifiez les tons moyens et les tons foncés de l’image et gardez cochée l’option Conserver la luminosité pour préserver l’uniformité de la luminosité. 03 Ajouter un 2e calque de réglage de Balance des couleurs, mais modifier cette fois les tons moyens et les tons clairs de l’image. 04 Double-cliquer sur le calque de réglage pour afficher la boîte de dialogue Style de calque, enfoncer les touches Maj et Alt puis, dans les options de Fusion avancées, faire glisser vers la droite la moitié gauche du curseur. Le fait que les deux moitiés du curseur soient éloignées l’une de l’autre permettra d’obtenir une transition très douce entre les tons.

2 - LA SOLARISATION Cette technique a été décrite pour la première fois en 1859 dans le livre “L’Art du photographe” de H. de la Blanchère et considérablement perfectionnée par l’artiste Man Ray dans les années 1930. En laboratoire, elle consiste à exposer brutalement à la lumière le négatif ou la copie à la fin de son développement, ceci d’une manière totale ou partielle. Les résultats de cette technique restent cependant aléatoires ; en travaillant avec une image numérique, on peut parvenir plus aisément et avec une meilleure précision au résultat souhaité. Vous pourrez réaliser cet effet avec Photoshop de la manière suivante :

01 Ouvrez une image en niveaux de gris. 02 Ajoutez-y un calque de réglage de type Courbes (vous pourrez modifier par la suite le masque de ce calque pour qu’il n’affecte que partiellement l’image). 03 Dans la boîte de dialogue Courbes, cliquez sur le Crayon et dessinez un “V” inversé. Pour dessiner des lignes droites, enfoncez la touche Maj et cliquez. 04 Modifiez le masque du calque de réglage : assurez-vous que le masque est bien activé, puis utilisez le Lasso pour définir les zones de l’image qui ne doivent pas être affectées par le calque. Donnez ensuite un contour progressif à la sélection (Sélection> Contour progressif) en utilisant une valeur élevée. 05 Examinez votre sélection en mode Masque. Votre sélection n’a pas besoin d’être parfaite, car vous pourrez modifier par la suite le masque qui en résulte. 06 Revenez en mode normal, assurez-vous que le masque de fusion du calque de réglage est toujours actif, puis remplissez de noir la sélection. Désélectionnez, puis utilisez le pinceau avec une opacité faible pour agrandir la zone solarisée (avec du blanc) ou pour la réduire (avec du noir). 07 Pour finir, fusionnez les calques, convertissez la sélection en mode RVB puis, si vous le souhaitez, effectuez un virage comme dans l’exemple précédent.

Solarisation

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3 - LA BICHROMIE Le travail en mode Bichromie trouve tout son intérêt si vous désirez optimiser vos impressions monochromes. Elle concerne les images utilisant plusieurs plaques d’impression pour reproduire une image en noir et blanc, que le nombre de plaques soit de deux (bichromie), de trois (trichromie) ou de quatre (quadrichromie). Les écrans sur lesquels nous éditons nos images nous permettent d’afficher 256 niveaux de gris alors qu’une presse offset ne travaille qu’avec une cinquantaine. Cela oblige les imprimeurs à répartir ces valeurs dans les noirs, les gris moyens et les blancs, ce qui d’une manière ou d’une autre provoque une perte de densité dans une grande partie de votre gamme de gris, en général dans les tons foncés et clairs de votre image. C’est pourquoi, avec la reproduction des gris par le mélange des couleurs, la bichromie peut nous offrir des images d’apparence monochrome présentant des détails bien plus subtils qu’en échelle de gris. Cet effet peut être reproduit dans Photoshop, que votre image soit en définitive imprimée en “vraie” bichromie ou avec les encres habituelles (CMJN). Pour obtenir une image en mode bichromie, vous devez vous baser sur une image en niveaux de gris puis choisir la commande Image> Mode> Bichromie. Chaque carré de couleur représente une encre utilisée lors de l’impression, le nom de l’encre apparaissant à sa droite. Le graphique à gauche du carré de couleur permet de déterminer la proportion de l’encre qui est employée en fonction des niveaux de lumière de l’image. Pour ouvrir la courbe de transfert correspondante, cliquez sur le graphique et, avec la courbe qui apparaît, il est alors possible de déterminer la

Simulation d´un film infrarouge

répartition de l’encre grâce à la boîte de dialogue Courbes. Par défaut, les encres sont classées de haut en bas, de la plus foncée à la plus claire dans la boîte de dialogue Bichromie. Photoshop est livré avec une série de bichromies prédéfinies. Pour y accéder, cliquez sur le bouton Charger de la boîte de dialogue Bichromie.

Impressions de bichromies Les seuls formats de fichiers qui prennent en charge le mode Bichromie, à l’exception du format PSD, sont les formats EPS et DCS. Attention toutefois, si vous utilisez des encres personnalisées dans une bichromie, vous devez en informer P.

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l’imprimeur ; par ailleurs, si ces encres s’ajoutent aux encres CMJN, le prix de la publication en sera augmenté. Il est possible de convertir l’image en bichromie en image CMJN ; limitez-vous alors aux couleurs imprimables dans ce format. Sous Photoshop, une fois l’image ouverte, vous devez ouvrir la boîte de dialogue Couleurs et entrer l’engraissement (dot grain) prévu lors de l’impression. Vous définissez ainsi l’espace de travail de Photoshop pour toutes les images en niveaux de gris de nouveau créées et converties dans ce mode. Si vous travaillez sur une image en niveaux de gris destinée à être affichée sur un moniteur, activez l’option Affichage> Couleur de l’épreuve puis choisissez Affichage> Format d’épreuve> RVB Windows. Lorsque l’option Aperçu est cochée dans la boîte de dialogue Bichromie, toutes les modifications que vous apportez sont immédiatement répercutées dans l’image. La boîte de dialogue Courbes bichromie fonctionne de la même manière que la boîte de dialogue Courbes. Ainsi, la barre de dégradé, en bas dans la boîte de dialogue Bichromie, montre la gamme des tons de l’image, du plus clair au plus foncé.

4 - SIMULATION D'UN FILM INFRAROUGE Aucune pellicule photographique ne reproduit avec exactitude le spectre lumineux perçu par l’œil humain ; la plupart des pellicules sont notamment sensibles aux ultraviolets, qui sont invisibles pour l’homme. Il existe aussi un type de pellicule (IR) particulièrement sensible au rayonnement infrarouge. Les images qui en résultent présentent un grain important. Bien connus des

amateurs de photo argentique, les films infrarouges ont pour particularité de réagir aux radiations infrarouges, ce qui se traduit notamment par des photographies de paysages surréalistes. Si certains appareils numériques possèdent un mode spécifique reproduisant l’effet de ces films, vous pouvez également utiliser Photoshop pour parvenir au même résultat, je vais ainsi vous guider ci-dessous : 01 Ouvrez l’image et cliquez sur F7 pour afficher le panneau Calques. En combinant Ctrl/Cmd+J, dupliquez le calque d’arrière-plan. 02 En bas du panneau, cliquez sur Créer un calque de réglage.

03 Choisissez une correction sélective : pour les rouges, réglez Cyan à 35 %. Pour les cyans, réglez Noir à 100 % et Cyan à -5 %. Pour les bleus et les blancs, réglez Noir à 100 % et -100 % respectivement. Pour les gris, réglez Noir à 20 %. Enfin, validez le tout. 04 Cliquez de nouveau sur l’icône Créer un calque de réglage et choisissez Mélangeur de couches. 05 Cochez la case Monochrome : la couche de sortie sera donc le gris. Réglez les paramètres suivants : Rouge : 160 %, Vert : -10 %, Bleu : -15 %, Constant : +5 %. 06 Placez-vous sur le Calque 1 puis allez dans le menu Filtre> Atténuation> Flou gaussien. Choisissez un Rayon de 2 pixels puis validez. 07 Passez le Calque 1 copie en mode Obscurcir grâce au menu déroulant Mode de fusion, situé dans la partie supérieure du panneau Calques. 08 Allez dans le menu Filtre> Galerie de filtres puis Artistique> Grain photo et appliquez les paramètres Grain = 4 ; Zones claires = 2 ; Intensité = 8. 09 Enfin, fusionnez le Calque 1 avec celui d’arrière-plan via le menu Calque> Aplatir l’image.

5 - SIMULATION DU GRAN ARGENTIQUE En numérique, le noir et blanc est loin d’avoir le même rendu qu’en argentique, nombreux sont les photographes ayant travaillé en analogique qui dénoncent l’aspect un peu aseptisé, plat, voire métallique des images numériques, en opposition au caractère tranché du rendu des diverses pellicules. Sous Photoshop, vous pourrez trouver dans le menu des filtres des simulations de grain argentique qui donneront plus de relief à la texture de vos images. Cependant, le logiciel DxO FilmPack, spécialisé dans ce domaine, offre de réels avantages en proposant des rendus extrêmement fidèles à ceux des pellicules. On peut d’ailleurs choisir un rendu spécifique à une marque (modèle et sensibilité) de dizaines de pellicules existantes ou ayant existé sur le marché de l’analogique, de quoi ravir les passionnés de l’argentique et de son esthétique.

Simulation du grain argentique

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