Photographie de nuit

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Débuter en prise de vue AUTEUR : NICOLAS SAVINE

DE NUIT

La photographie de nuit exige une approche différente de la prise de vue, elle impose beaucoup de variables qui vous procureront bon nombre de surprises. 84


La photographie de nuit THÉORIE

MATÉRIEL

DOSSIER

SYNTHÈSE

Image réalisée avec un fish-eye de 15mm sur trépied, le flou de filée des nuages est du á un temps d´exposition de 25 secondes - Buenos Aires.

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Débuter en prise de vue

L’immeuble Métropolis à Madrid.

P

our tout admirateur de la nature et de la vie, cette spécialité de la photographie fascine par les sensations que procure le spectacle de la nuit, elle nous rappelle notre solitude face au monde naturel tout en stimulant notre respect par son immensité. Capter le mouvement des étoiles, jouer avec les formes capricieuses des constellations, savoir tirer profit des surprenantes couleurs de la nuit ou de l’ambiance que procure une pleine lune : la photographie de nuit donne d’innombrables opportunités pour reproduire ces ambiances magiques qu’offre le monde une fois le soleil couché. Depuis les images emblématiques de la vie nocturne parisienne de Brassaï jusqu’aux travaux d’envergure de photographes

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contemporains comme Gregory Crewdson ou Alejandro Chaskielberg, la photographie de nuit a toujours suscité une grande admiration du public. C’est aussi un des domaines les plus exigeants du point de vue technique, même si, grâce à l’arrivée de l’ère digitale, sa maîtrise est devenue plus accessible qu’en photographie analogique. En effet, la polyvalence des boîtiers numériques et les améliorations considérables en matière de gestion du bruit à haute sensibilité ont ouvert de nouvelles portes aux passionnés du monde nocturne. Quel type d’objectif utiliser ? Comment illuminer la scène ? Le trépied est-il toujours indispensable ? Ce sont quelques-unes de ces questions auxquelles j’essaierai de répondre afin de vous orienter le mieux possible.


La photographie de nuit THÉORIE

MATÉRIEL

DOSSIER

SYNTHÈSE

MATÉRIEL La photographie offre une quantité considérable d’appareils, d’objectifs et d’accessoires permettant de tirer au mieux

profit des diverses opportunités que nous offre le monde de la nuit. Nous allons cependant nous limiter au matériel basique

d’initiation dont le photographe aura besoin pour partir faire ces premières expéditions avec un équipement lui offrant les

garanties techniques nécessaires pour réaliser ses premières images.

L’appareil Même s’il est idéal, le reflex n’est pas indispensable pour ce type de photographie. Aujourd’hui, de nombreux appareils comme les compacts ou les bridges pourront tout à fait répondre à beaucoup de vos attentes. Néanmoins, les caractéristiques techniques importantes que votre appareil devra posséder sont les suivantes : Le mode d’exposition manuel, qui vous permettra d’avoir un contrôle total sur l’exposition en contrôlant indépendamment

l’ouverture du diaphragme et la vitesse d’obturation. Comme nous le verrons par la suite, il est essentiel de pouvoir faire vos propres mesures de lumière sur des scènes nocturnes souvent très contrastées. La mise au point manuelle, qui, de nuit, nécessite de procéder délicatement, l’autofocus de l’appareil étant souvent très limité dans des conditions de basse lumière. Même s’il n’est pas aussi

indispensable que les deux points antérieurs, le mode B (Bulb) peut être très utile dans de nombreuses situations que l’on abordera par la suite. Une plage de valeurs ISO de qualité : l’idéal pour de longues expositions et des images prises à main levée est un capteur possédant une bonne gestion du bruit numérique et une qualité d’image respectable jusqu’à 800/1600 ISO.

L’optique

L’objectif 50 mm standard est léger et compact. Avec une ouverture maximale de f/1.8 lumineuse, il est idéal pour es prises de vue réalisées dans des conditions de faible éclairage.

Tant que vous utilisez le trépied, une optique de bonne définition, quel que soit l’appareil, sera suffisante pour la plupart de vos besoins. En général, les compacts et bridges offrent un objectif à focale variable (zoom) couvrant une plage focale très ample qui vous permet de réaliser des images depuis le paysage jusqu’au portrait. Pour ce qui est du reflex, le choix de l’objectif se fera selon ce que vous possédez et le type d’ouverture correspondant au style d’images que vous désirez. En outre, pour ce qui est de la photographie nocturne à main levée, le choix de l’optique prend une tout autre dimension. Comme nous le verrons par la suite, il vous sera indispensable de disposer d’un objectif rapide (doté d’une grande ouverture de diaphragme, entre f/1,2 et f/2) pour compenser le manque de lumière sans avoir à grimper trop haut dans les sensibilités (plus de 1600 ISO) et tout en gardant une vitesse d’obturation raisonnable. Il y a aujourd’hui bon nombre de compacts et de bridges sur le marché offrant des ouvertures très intéressantes (sous la barre de f/2) mais qui cependant ne maintiennent

ces valeurs que sur les plages grand-angle. Pour ceux qui possèdent un reflex, l’idéal sera sans doute l’utilisation d’un objectif à focale fixe. Certes, ils sont souvent chers, mais beaucoup de marques offrent des modèles à des prix raisonnables (50 mm f/1.8 pour une centaine d’euros chez Canon et Nikon par exemple). Ce type d’objectifs était, il y a quelques décennies, le standard de la photographie professionnelle jusqu’à ce qu’ils perdent du poids face à l’arrivée des objectifs zoom beaucoup plus polyvalents et de bonne qualité optique. Cependant, les objectifs à focale fixe ont l’avantage de proposer des ouvertures plus grandes et parfois une stabilisation optique qui les rend encore plus efficaces face au manque de lumière. La résolution de l’objectif est importante car, comme nous le verrons par la suite, les grandes ouvertures proposent des images présentant une courte profondeur de champ. La mise au point se faisant dans un espace réduit, une excellente résolution du détail sera souhaitable pour valoriser le centre d’attention de l’image.

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Débuter en prise de vue ACCESSOIRES SUPPLÉMENTAIRES

Le flash Vous vous découvrirez au cours de cet article que le flash peut être d’une grande utilité dans bon nombre de situations. Que votre appareil soit reflex ou pas, il conviendra d’avoir un flash externe. L’idéal est bien sûr d’avoir un flash de la même marque que l’appareil pour s’assurer qu’ils soient compatibles. Cependant, il y a de fortes chances qu’en photographie de nuit vous finissiez par l’utiliser en mode manuel et en le déclenchant vous-même. C’est pour cela que n’importe quel flash à puissance réglable vous offrira des solutions d’éclairage à la hauteur dans beaucoup de situations et pourra tout aussi bien fonctionner en déclenchement par système radio.

• La torche : en plus de son utilité technique au moment de la mise au point, elle pourra aussi vous éclairer le chemin. Des piles de rechange sont toujours nécessaires, les aventures photographiques ayant toujours tendance à se terminer plus tard que prévu... • Le déclencheur à distance ou la télécommande sont très utiles pour éviter la vibration due au déclenchement direct sur le bouton de l’appareil. Ce n’est pas un élément indispensable, mais il reste avantageux pour garantir une netteté d’image optimale. • Les possibles filtres de correction de couleurs que nous étudierons dans cet article.

En photo de nuit, le flash externe est indispensable.

• Un sac de transport imperméable au cas où vous vous feriez surprendre par la pluie.

Le trépied Compagnon de votre appareil lors de virées nocturnes, le trépied devra être maniable et léger.

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Du petit trépied souple de bureau jusqu’aux modèles robustes pour la photographie grand format, l’offre est très variée. En photographie de nuit, le trépied devra être suffisamment léger pour vous accompagner dans vos quêtes d’images sans devenir une charge trop importante. Selon moi, la rigidité, l’équilibre et le poids du trépied sont les points les plus importants à prendre en compte. Dans chaque gamme, beaucoup de produits sont proposés et il est préférable de prendre un modèle de qualité, doté d’une bonne construction, qui vous garantira ces caractéristiques et vous servira durant de longues années, voire à vie. Assurez-vous tout de même qu’il supporte le poids de votre appareil, ce que vous découvrirez dans le descriptif.

Mais rassurez-vous, à moins que vous ne souhaitiez utiliser un reflex équipé d’un grand téléobjectif zoom, vous ne risquez pas d’avoir de soucis. Dernière chose, prenez en compte le vent qui fait facilement vibrer l’appareil, une forte bourrasque pouvant même faire tomber votre matériel. Dans ces conditions climatiques, il est recommandé un trépied d’une plus forte structure ou équipé d’un crochet, afin d’y fixer un poids supplémentaire et ainsi améliorer la stabilité. Enfin, n’oubliez pas que : plus vous l’élevez, plus il perd en stabilité ; il vaut mieux commencer par déployer les pattes télescopiques par les tronçons les plus épais ; enfin, le centre de gravité de l’appareil et son objectif doivent toujours être placés au centre du trépied.


La photographie de nuit THÉORIE

MATÉRIEL

DOSSIER

SYNTHÈSE

ÉCLAIRAGE Les nuits ne sont pas toujours les mêmes et il faut savoir s’adapter aux conditions en les ayant étudiées. En effet, les nuits de pleine lune permettront de réaliser des images d’une grande profondeur tandis

que les nuits de nouvelle lune offriront des paysages bleutés parsemés d’étoiles. D’autre part, il faut prendre en compte la source de lumière qui peut être naturelle, artificielle ou mixte.

Une illumination naturelle pourra être celle d’un paysage désertique ; une lumière artificielle celle d’une avenue en pleine ville durant une nuit sombre ; et enfin, une lumière mixte pourra provenir d’un chalet éclairé

un soir de pleine lune en haute montagne. Nous analyserons donc les principales situations que nous réserve la nuit ainsi que les possibilités techniques qui en découlent.

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Débuter en prise de vue

Cieux étoilés Autre sujet classique de la photographie de nuit : il est préférable de choisir une nuit où la lune n’est pas trop lumineuse. Capter le mouvement apparent des étoiles produit par la rotation de la Terre est un sujet d’admiration pour beaucoup de passionnés de photographie ; les étoiles en exposition prolongée paraissent tourner autour du pôle. Les cadrages éloignés de l’étoile Polaire et de la Croix du Sud, orientés vers l’est ou vers l’ouest, seront donc ceux qui offriront les traînées les plus grandes. À l’inverse, si l’on cadre vers le nord ou vers le sud, nous obtiendrons des images sur lesquelles les étoiles forment des cercles concentriques autour de l’étoile Polaire ou de la Croix du Sud. L’utilisation de diaphragmes plus ouverts raccourcira leur traînée et permettra l’observation d’un nombre d’étoiles bien supérieur à celui que l’on perçoit à l’œil nu. Dans ces situations, si l’on désire inclure des éléments terrestres, l’utilisation du flash ou d’une autre source artificielle sera indispensable. Le temps d’exposition pourra être plus long, même si la tendance actuelle est d’augmenter la sensibilité (ISO) pour photographier les étoiles sans effets de mouvement non désirés.

Les nuages diffusant la lumière lunaire permettent de réduire le contraste de la scène et d´augmenter les détails du paysage.

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Les formes de l´effet de filée que présente ce paysage de Hollande indique que l´appareil était orienté vers l´est ou vers l´ouest.

LA POLLUTION LUMINEUSE

Les cercles concentriques que forment les étoiles nous montrent que l´appareil était orienté vers le nord ou vers le sud - Silicon Valley, Californie.

La pollution lumineuse provient des concentrations urbaines. Elle peut provoquer des dominantes rouges ou orangées qui souvent ne sont pas visuellement agréables. Dans ce cas-là, le choix d’une balance de blancs plus froide aide à corriger cette dominante dans le ciel. Pour cette raison, les endroits les plus éloignés des zones urbaines sont souvent les préférés des photographes. Malgré cet inconvénient, cette lumière urbaine peut illuminer le sujet de manière résiduelle sur de longues expositions tout en captant un ciel plein d’étoiles.

La lune La lune est une grande source de lumière nocturne (n’oublions pas que c’est la lumière solaire reflétée) mais c’est aussi l’un des sujets photographiques les plus prisés. La meilleure manière de la photographier est d’attendre une phase de pleine lune et de réaliser la prise juste après le crépuscule quand elle se dirige vers l’est, ou avant le lever du soleil quand elle se dirige vers l’ouest. Pendant ces deux moments, souvent appelés “heures bleues”, la lumière ambiante est encore appréciable

et permet de définir l’exposition sur la lumière de la lune avec des expositions relativement courtes. Prenez en compte le fait que la lune et la Voie lactée se déplacent à grande vitesse, ce qui oblige à ne pas utiliser de temps d’exposition trop longs ; cela pourrait provoquer des flous de filé. Une fois cette phase temporaire terminée, vous vous trouvez face à un problème dû à un fort contraste lumineux entre la lune et le reste de la scène, ce qui rend très difficile l’exposition

correcte des deux éléments. À l’occasion, des nuages passant devant la lune peuvent estomper la surexposition d’une manière élégante et offrir une scène différente, autre raison de plus pour vous informer des possibles conditions atmosphériques. En l’absence de nuages, il est cependant possible de calculer le temps d’exposition raisonnable pour la lune et d’illuminer la scène par le biais d’un flash en veillant à ce que le temps d’exposition ne soit pas trop long (pas plus de 30 secondes).


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DOSSIER

SYNTHÈSE

Paysages nocturnes Un paysage d’une certaine ampleur requiert une source de lumière capable d’illuminer de grandes surfaces. Il sera donc difficile de réaliser une belle prise sous un ciel étoilé. Face à cette situation, il faudra planifier la sortie photographique pour une nuit de pleine lune ou les trois nuits antérieures ou postérieures. La tendance actuelle pour les photographies de paysages nocturnes est d’utiliser des diaphragmes relativement ouverts jusqu’à f/5,6, mais ceci est en train de changer et nous pouvons augmenter la sensibilité sans pour autant avoir de hauts niveaux de bruit tout en fermant le diaphragme. Dans les situations où la lumière du ciel n’est pas suffisante pour illuminer un sujet, l’emploi du flash pour comprimer la plage dynamique (écart entre les lumières les plus faibles et les plus fortes) de la scène peut s’avérer indispensable. Nous devrons donc faire une exposition sur la lumière ambiante provenant du ciel et compenser le reste de la scène par le biais du flash. Durant l’exposition, pendant que l’obturateur reste ouvert, nous pouvons illuminer, flash en main, les différentes parties de la scène, déclenchant le flash d’une manière homogène en réglant sa puissance selon l’ouverture de diaphragme utilisée. Aussi, pour mieux contrôler l’éclairage du flash et la zone qu’il illumine, on peut utiliser un snoot, une sorte de cône qui canalise la lumière et la rend plus ponctuelle. Un autre accessoire intéressant est le flash extender, ou encore une optique Fresnel qui, par un effet de loupe, concentre la lumière et

l’amplifie. L’utilisation du flash est aussi bien utile non seulement quand il y a un manque de lumière à compenser dans la scène, mais aussi si l’on désire sous-exposer le ciel pour lui donner un aspect plus nocturne. Comme en photographie diurne, le flash nous donne la liberté d’exposer différemment plusieurs éléments de la scène. Si nous sommes capables d’illuminer au flash un sujet, le choix de l’exposition du ciel reste à notre disposition. Nous pouvons réguler les mesures indépendamment l’une de l’autre comme bon nous semble (la lumière ambiante et le flash). Son utilisation nous donne donc beaucoup de liberté pour obtenir l’image souhaitée. Enfin, en cas de courtes expositions ou si pour des raisons pratiques dues au relief du terrain il vous est difficile de vous éloigner de l’appareil, il faudra au préalable placer le flash sur un trépied si nécessaire et le déclencher à distance par un système de transmission radio par exemple. Il vous faudra cependant disposer de plusieurs flashs si vous désirez illuminer la

scène depuis différents endroits. C’est pourquoi, dans la mesure du possible, l’éclairage au flash avec déclenchement manuel donne plus de liberté et reste bien moins onéreux. Les filtres de correction de température pour le flash Si nous travaillons en mélangeant différentes températures de couleur, nous pouvons les ajuster à l’aide de filtres. De cette manière, nous pouvons faire une correction générale parfaite de la balance des blancs avec l’appareil. Pour cela, l’usage des filtres CTO (Color Temperature Orange) est important. Ce sont des filtres de gélatine qui se placent devant la source de lumière pour modifier sa température. Dans la plupart des situations de contamination lumineuse, le ciel tend à avoir une dominante chaude qui peut se corriger en réglant la balance des blancs entre 2800 et 4000 °K. L’inconvénient est que ce réglage

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Débuter en prise de vue Prise d´éclairs dans le Colorado réalisée avec une exposition en mode bulb.

influera aussi sur la lumière du flash. Si nous plaçons un filtre CTO sur le flash, nous égaliserons les deux lumières et la correction de balance des blancs sera la même pour les deux sources. Ce type de correction de dominante est la plus courante en photographie nocturne, mais il y a bien sûr d’autres filtres de différentes couleurs qui peuvent s’utiliser pour renforcer certaines tonalités d’une scène ou pour concrétiser toute autre fantaisie créative. Dans le cas où vous utilisez un filtre afin de corriger une température de couleur, il ne faut pas oublier de prendre en compte une perte de luminosité qu’il sera nécessaire de compenser en augmentant la puissance du flash (les mesures en diaphragmes sont toujours indiquées par les fabricants de filtres). Feux d’artifice, éclairs et “light painting” Ce sont trois cas de figure qui se produisent pendant une courte durée : le mode Bulb offre un grand avantage pour ce genre de situation. En effet, tant que vous laissez le déclencheur enfoncé, l’obturateur reste ouvert. Ainsi, il permet de contrôler manuellement le temps d’obturation et de le raccourcir ou

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de l’allonger à tout moment. Aujourd’hui, sur certains appareils, c’est en appuyant sur le déclencheur une fois pour ouvrir l’obturateur et une seconde fois pour le fermer que ce mode fonctionne. Contrairement aux temps de pose prédéfinis, le mode Bulb offre donc l’avantage de ne pas être limité dans le temps. Quand les réglages du boîtier ne permettent pas de dépasser les 30 secondes, le mode Bulb, lui, permet un temps de pose “illimité”. Par exemple, pour photographier un éclair, il faudra laisser l’obturateur ouvert et le refermer une fois que l’éclair s’est produit.

Photographie réalisée avec la technique du Light Painting, Exposition en mode Bulb.

L’ouverture du diaphragme dépendra de la lumière ambiante et du temps maximum durant lequel vous souhaitez exposer ; vous apprendrez beaucoup avec la pratique. En ce qui concerne les feux d’artifice et le “light painting”, plus prévisibles, l’idéal sera d’ouvrir et de fermer l’obturateur en début et en fin de chaque action. Vous régulerez dans ce cas l’exposition avec le diaphragme.

Photographie de feux d´artifices réalisée en mode Bulb, les filées lumineuses tombantes nous montrent quand est-ce que le photographe a mis fin à l´exposition.


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SYNTHÈSE

CADRAGE ET RÉGLAGES Hormis une plus grande exigence technique, il n’y a pas vraiment de

différence de savoir-faire entre la composition de nuit ou de jour.

Le langage des lignes, des formes, du contraste reste le même.

L’important est de savoir localiser et prévisualiser le résultat.

Jouer sur la corde sensible

Vision nocturne

La difficulté principale du cadrage en photographie nocturne est due logiquement au manque de clarté dans le viseur. Avec la photographie numérique, ce problème trouve une solution en visionnant l’image directement après la prise de vue. Une autre option, très utilisée, est de sélectionner la sensibilité la plus élevée, d’ouvrir le diaphragme au maximum et de baisser à plus ou moins 1/30 l’obturation de l’appareil. Vous pourrez ainsi prendre plusieurs photos à main levée jusqu’à trouver la composition recherchée.

La seconde difficulté est liée à la mise au point. En effet, le manque de lumière ne permet pas à l’autofocus de fonctionner normalement. À moins que votre appareil soit équipé d’une assistance infrarouge qui, en général, se trouve sur le flash externe et dans tous les cas reste assez limitée, la mise au point automatique pourra seulement se faire si la lumière ambiante est importante. C’est pourquoi, en photographie nocturne, la mise au point la plus couramment utilisée est manuelle. Voyons quelles sont les différentes options techniques que nous avons à disposition pour l’effectuer. Dans le cas où le viseur offre suffisamment de clarté pour apprécier le détail de la scène, vous pourrez faire une mise au point manuelle sans assistance particulière, la précision sera bonne mais pas optimale. Aussi efficace, une technique classique comme l’utilisation de l’hyperfocale donne de très bons résultats mais reste limitée par les distances minimales (qui varient selon l’objectif et le diaphragme utilisés) que nous impose cette technique avec le sujet. Une erreur qu’ont tendance à faire les photographes débutants est d’exécuter la mise au point sur la lune ou sur les éclairages artificiels de la scène. Cela limite considérablement la profondeur de champ et reste très approximatif.

ASTUCE Selon moi, la meilleure mise au point possible se fait à l’aide d’une torche électrique éclairant la scène ou directement placée sur le plan de mise au point et orientée vers l’appareil. Enfin, si votre appareil dispose de la visée par écran, un avantage à prendre en compte est la possibilité de zoomer sur la scène éclairée par la torche et de contrôler le détail avec une excellente précision.

La photographie de nuit à main levée

Ciudad Oculta, Buenos Aires, photographie prise á main levée avec une vitesse de 1/60 de seconde, f: 2 et 800 ISO.

Très souvent, dès que l’on fait référence à la photographie de nuit, il nous vient en tête l’usage du trépied. Cependant, et aujourd’hui plus que jamais, les appareils à hautes sensibilités proposent une gestion du bruit numérique de plus en plus efficace et les optiques rapides nous facilitent la technique au moment de prendre une photo à main levée. Certes, sans lumière lunaire ou artificielle, la mise en pratique sera très difficile ; mais dans ces deux cas, les possibilités d’obtenir une image d’une qualité plus qu’acceptable sont tout à fait réelles. Logiquement, l’absence du trépied nous offre beaucoup d’avantages, notamment une grande liberté de mobilité et un gain de vitesse d’exécution. Elle nous permet d’être plus discrets, de prendre des photos à la sauvette tout en adoptant un style reportage.

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Débuter en prise de vue Station service de Copacabana, Rio de janeiro. Photographie prise á main levée avec une vitesse de 1/50 de seconde, f: 1.4 et 400 ISO.

Éviter le flou Pour ce qui est de la stabilité, n’oubliez pas que plus la focale que vous utiliserez sera longue, plus l’image aura de risques de présenter un flou de bougé. Par exemple, vous aurez plus de chances d’avoir une image nette avec un 28 mm et une vitesse de 1/30e s qu’avec un 300 mm et une vitesse de 1/100e s. Il existe une estimation qui, si elle ne prétend pas être totalement exacte, est raisonnable et facile à mémoriser : dites-vous que pour vous assurer un niveau de netteté acceptable, le dénominateur de votre vitesse d’obturation doit être égal ou supérieur à la valeur de focale utilisée. Par exemple, si vous souhaitez faire un portrait avec un 80 mm, l’idéal est d’avoir une vitesse d’obturation d’au moins 1/80e s. Cependant, si pour des raisons techniques en relation avec le diaphragme ou la sensibilité cela ne vous est pas possible, baisser la vitesse à 1/40e s ne gâchera pas l’image mais ne vous donnera pas les mêmes garanties. Ce sera aussi à vous de soutenir l’appareil avec fermeté en vous efforçant toujours de trouver un point d’appui.

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Le juste équilibre des réglages Trouver le juste équilibre entre ouverture du diaphragme, vitesse d’obturation et sensibilité est la meilleure option pour photographier des sujets en mouvement sans être obligé de rester dépendant d’un point fixe. Au moment d’effectuer la prise de vue, il faudra donc vous pouvez plusieurs questions : • Quel est le temps d’obturation minimum avec lequel je peux prendre une photo à main levée sans avoir de flou de bougé ? • Ai-je besoin d’une grande profondeur de champ ou est-ce que je souhaite effectuer une mise au point sur un sujet précis de la scène ? • Jusqu’à quelle valeur ISO puis-je monter tout en gardant une qualité d’image qui me satisfait ? Toutes ces questions trouveront des réponses avec la pratique, et je l’espère, avec les quelques conseils que je vous livre.


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SYNTHÈSE

Le contraste Autre aspect intéressant qui peut vous faciliter la tâche : la nuit, surtout en ville, offre généralement des scènes contrastées et on aura souvent tendance, pour des questions d’intérêt et/ou esthétiques à exposer sur les hautes ou moyennes lumières tout en sous-exposant les ombres. Le fait est qu’exposer sur ces zones de l’image vous permettra soit de baisser la sensibilité, soit d’augmenter la vitesse d’exposition ou de refermer le diaphragme de plusieurs valeurs, de une à trois en général. J’ai passé des nuits à photographier des scènes de rue sans trépied, à l’époque en 35 mm, et seulement dans très peu de situations je n’ai pas pu réaliser la photo pour des raisons techniques. J’étais

équipé d’un film de 400 ISO forcé à 800 et de deux objectifs, un 28 mm f/1,8 et un 50 mm f/1,4. Dans le pire des cas, je sous-exposais la pellicule d’un diaphragme et je compensais le manque de lumière pendant le développement, chose aujourd’hui tout aussi possible avec les logiciels de postproduction. Comme quoi il ne faut pas hésiter à jouer avec les limites des possibilités techniques de votre équipement. Parfois, une image avec un flou flagrant de bougé/figé, un fort contraste dû à la retouche d’une image sous-exposée ou une profondeur de champ plus courte que celle souhaitée peut vous offrir de bonnes surprises et même vous guider vers de nouvelles idées créatives.

Des vitriers travaillant à Buenos Aires, photographie prise á main levée avec une vitesse de 1/40 de seconde, f: 4 et 400 ISO.

DROIT & ÉTHIQUE L’éthique en photographie, comme dans tous les domaines, repose sur notre propre conduite de vie, sur notre morale et sur le sens commun. Comem toujours en zones naturelles, il ne faut jamais oublier que l’approche doit se faire dans le respect de l’environnement. Lors de nos excursions, il ne faudra pas abuser du flash dans des endroits où se trouvent

beaucoup d’animaux. Une longue session photo sera pour eux synonyme de pollution lumineuse. Dans les zones urbaines, nous travaillerons en faisant en sorte de ne pas déranger les habitants. Il faudra faire attention à ne pas surprendre les automobilistes par l’illumination au flash. Et si l’on désire photographier des gens, il faudra le faire dans le

respect de leur dignité en toutes circonstances. Enfin, et surtout pour une éventuelle publication, il faudra tenir compte de l’étendue de la jurisprudence, très variable selon les pays, qui définit les limites du droit à l’image tant pour les personnes que pour les biens privés. En Europe, la privatisation de l’espace public a changé la donne, le photographe a tendance à devenir

persona non grata sur les trottoirs des grandes villes. Il faudra donc au préalable s’informer auprès des autorités compétentes du pays sur ce qui est autorisé ou non avant de commencer un travail d’envergure ; cela vous évitera de mauvaises surprises en aval.

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Débuter en prise de vue Ciudad Oculta, Buenos Aires. Cette image a été réalisée á l´aide d´un trépied mais le temps d´exposition a été calculé de manière á ce que les personnes du premier plan ne soit pas trop affectées par le flou de mouvement dû á une vitesse d´obturation trop lente. Disposant d´un appareil analogique (Canon EOS 1N) et d´une pellicule Kodak TMax de 400, je n´avais pas les mêmes possibilités qu´en digital pour réguler l´ISO. J´ai cependant forcé la pellicule d´un diaphragme pour après compenser le manque de lumière durant l´étape de développement de la pellicule. L´objectif que j´ai utilisé est un Canon 17-40mm f: 4; j´ai donc employé l´ouverture maximale pour avoir une vitesse d´obturation la plus rapide possible: 1/10 de seconde. Le fait est d´avoir l´appareil sur trépied, d´utiliser un focale courte (24mm) et d´avoir une mise au point placée sur l´hyperfocale m´a permit d´obtenir une définition nette sur toutes les zones fixes ainsi qu´une bonne profondeur de champ. Les sujets du premier plan n´étaient pas trop «mobiles» et présentent malgré la faible vitesse d´exposition, une netteté estimable. Cette une image nocturne que j´apprécie particulièrement car elle reflète parfaitement l´aspect fantasmatique de cette scène qui m´avait frappé en arrivant sur les lieux et dénonce la grande disparité sociale qui règne au sein même de la ville de Buenos Aires par une composition qui renforce l´impact visuel.

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La photographie de nuit LES BASES

MATÉRIEL

DOSSIER DOSSIER

SYNTHÈSE

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