Dtr6use6premiere novembre 2015

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WWW.PREMIERE.FR

3,90 € No 465 – NOVEMBRE 2015

Star Wars est-il meilleur sans George Lucas ? Le côté obscur va-t-il gagner ? Où est passé Luke Skywalker ?

Star Wars

Épisode VII – Le Réveil de la Force

un nouvel empire


LE PLUS GRAND ÉCRAN AUX BORDS INCURVÉS AU MONDE


Le Galaxy S6 edge + est le résultat d’un savoir-faire technologique inégalé : la combinaison d’un écran de 5,7 pouces impressionnant avec la signature design incurvé du Galaxy S6 edge. C’est une expérience visuelle fantastique qui s’offre à vous et vous plonge dans une nouvelle ère pour une immersion totale. Le Galaxy S6 edge + est aussi un concentré d’innovations grâce au Live Stream vidéo, la charge sans fil par induction et un son en ultra haute définition. Des performances et un design uniques qui en font le smartphone le plus spectaculaire au monde. #NextIsNow

www.samsung.com/fr/galaxys6 Next is now = Le futur, maintenant. Live Stream vidéo = Diffusion en direct. DAS Galaxy S6 edge : 0,473 W/kg - DAS Galaxy S6 edge+ : 0,216 W/kg. Le DAS (débit d’absorption spécifique des téléphones mobiles) quantifie le niveau d’exposition maximal de l’utilisateur aux ondes électromagnétiques, pour une utilisation à l’oreille. La réglementation française impose que le DAS ne dépasse pas 2W/kg. © 2015 - Samsung Electronics France. Ovalie. CS 2003. 1 rue Fructidor. 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497 SAS au capital de 27 000 000 €. Visuels non contractuels. Ecrans simulés.


PHOTO TWENTIETH CENTURY FOX FILM

teaser

4 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015


007 SPECTRE Sam Mendes À la fin de Skyfall, tout était en place pour que 007 parte enfin en mission. Nouveau M (Ralph Fiennes impeccable), tout jeune Q et Moneypenny à la rescousse. Ne manquait plus qu’un méchant à la hauteur du Commander. Précisément ce qu’entend combler 007 SPECTRE, puisqu’il fait (re)surgir du passé de James Bond le mystérieux Franz Oberhauser (Christoph Waltz). En rattachant enfin Daniel Craig à la franchise (l’organisation SPECTRE présente depuis Dr. No, et peut-être même Blofeld), le nouveau Bond boucle la boucle et branche définitivement le James blond sur la mythologie de double-zéro-sept. Et pour (vraiment) tout savoir sur les enjeux et les histoires de ce nouvel opus, découvrez notre hors-série déjà en kiosque. GAËL GOLHEN Sortie le 11 novembre 2015.

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 5


Par le réalisateur de

The Tree Of Life

Christian BALE

Cate BLANCHETT

Natalie PORTMAN

un film écrit et réalisé par

AU CINÉMA LE 25 NOVEMBRE www.KnightOfCups.fr © 2014 Dogwood Pictures, LLC

Crédits non contractuels.

TERRENCE MALICK


édito

ÉDITION LIMITÉE ABONNÉS

PHOTOS DE COUVERTURES © LUCAS FILM 2015 DANIEL DE ALMEIDA Directeur de la rédaction (59 06) ddealmeida@premiere.fr NATHALIE LASSERRE Directrice artistique (59 15) nlasserre@premiere.fr GAËL GOLHEN Rédacteur en chef (59 11) ggolhen@premiere.fr GÉRARD DELORME Rédacteur en chef adjoint (59 07) gdelorme@premiere.fr CHRISTOPHE NARBONNE Chef de rubrique Critiques (59 18) cnarbonne@premiere.fr FRÉDÉRIC FOUBERT Responsable News (59 09) ffoubert@premiere.fr SANDRINE GUIOC 1re SR (59 13) sguioc@premiere.fr PIERRICK GIGAN Maquettiste (59 10) pgigan@premiere.fr ÉLISABETH DOUMAX Assistante (59 00) edoumax@premiere.fr COLLABORATIONS TEXTES : BERNARD ACHOUR, MATHIAS AVERTY, ÉLODIE BARDINET, HENDY BICAISE, GUILLAUME BONNET, ISABELLE DANEL, FRANÇOIS GRELET, LÉONARD HADDAD, DAMIEN LEBLANC, NICOLAS RIOULT, BENJAMIN ROZOVAS, YAL SADAT, ÉRIC VERNAY PHOTOS : ROBERT ASCROFT / CPI SYNDICATION / AGENCE A., JÉRÔME BONNET/MODDS, GÉRARD GIAUME / H&K, JEAN-FRANÇOIS ROBERT/ MODDS, RETOUCHES PHOTO : SAMUEL SMITH / ICONOGRAPHIE : GÉRALDINE LAFONT RÉDACTRICE GRAPHISTE : MARY D’ANDREA / GRAPHISTE : SAMUEL SMITH SR : STÉPHANIE ARC, FRANÇOISE JALLOT, VALÉRIE MAILLARD, ESTELLE RUET PREMIERE.FR VANINA ARRIGHI DE CASANOVA Chef d’édition cinéma (59 08) varrighidecasanova@premiere.fr MATHIEU LECERF Chef d’édition news (59 16) – mlecerf@premiere.fr ÉLODIE BARDINET Rédactrice cinéma – ebardinet@premiere.fr NICOLAS BELLET Responsable séries (59 03) – nbellet@premiere.fr FRANCOIS LÉGER Rédacteur cinéma CHARLES MARTIN Rédacteur séries CLARA NAHMIAS Rédactrice actus ÉDOUARD OROZCO Social media editor (59 19) – eorozco@premiere.fr SYLVESTRE PICARD Rédacteur cinéma (59 20) – spicard@premiere.fr FABRICATION THIBAUT LEFEBVRE tlefebvre@premiere.fr MARKETING STÉPHANE CANOT (59 04) Responsable marketing – scanot@premiere.fr PUBLICITÉ RÉGIE PREMIÈRE : 2-8, rue Gaston-Rébuffat, 75019 PARIS PRUNE BARBION (59 01) Directrice de clientèle cinéma VALÉRIE RUIMY (59 21) Directrice de clientèle JULIETTE RAULT (59 01) Chef de publicité MÉLANIE MARIE Directrice opérations spéciales MATHILDE CHEREL (59 05) Conception/création GILLES POTTIÉE-SPERRY (59 02) Traffic manager ADMINISTRATION ET FINANCES AUDREY CAHAN Directrice administrative et financière (01 44 65 58 05) ANGÉLA BELLOT Responsable des ressources humaines (01 44 65 58 02) COMMANDE ANCIENS NUMÉROS ET RELIURES Tél. : 03 20 12 86 01 / BP 4 – 59718 Lille Cedex 9 ABONNEMENT Tarif standard 1 an 30 €. Avion sur demande. Suisse : 1 an 59 CHF. Dynapresse Marketing SA, 38, av. Vibert, CH, 1227 Carouge. Tél. : 022 308 08 08. Fax : 022 308 08 59. E-mail : abonnements@dynapresse.ch. Belgique 1 an 30 € : Partner Press, rue Charles-Parente, 11, 1070 Bruxelles, compte bancaire 210-0980879-67 ; 39, Bois du Foyau, 1440 Braine-le-Château, Belgique. Canada : « Express Mag », 8 155, rue Larrey, Anjou, Québec H1J 2L5. Tél. : (514) 355-3333 ou (1) 800 363-1310 (français) ; (1) 877 363-1310 (anglais). Fax : (514) 355-3332. Prix : 1 an 49 $, USA. Prix : 1 an 49 $, Canada (TPS et TVQ non incluses). “Première” ISSN 0399-3698, is published monthly (10 times per year, except January and August) by Première SAS, c/o USACAN Media Corp., 123A Distribution Way, Building H-1, Suite 104, Plattsburgh, NY 12901. Periodicals Postage paid at Plattsburgh, NY. Postmaster : Send address changes to “Première”, c/o Express Mag, PO Box 2769, Plattsburgh, NY, 12901-0239. VENTE DÉPOSITAIRE ISSN 0399-3698. Tous droits de reproduction textes et photos réservés pour tous pays sous quelque procédé que ce soit. Commission paritaire : no 1117 K 82451. Imprimé en Belgique par Renny-Roto sa, Rue de Rochefort 211, 5570 Beauraing. Dépôt légal : octobre 2015 – Distribution NMPP. BERNARD MARCHANT Directeur de la publication DANIEL DE ALMEIDA Directeur général SIBYLLE DE FAUCAMBERGE Directrice marketing direct (01 44 65 58 08) ISABELLE FARGIER Responsable ventes au numéro (01 44 65 58 16) ADRESSE 2-8, rue Gaston-Rébuffat, 75019 Paris Tél. France : 01 44 65 59 00. Tél. International : 33 1 44 65 59 00. Pour joindre votre correspondant, composez le 01 44 65, ou le 33 1 44 65, suivi des 4 chiffres mentionnés après le nom de votre interlocuteur. IMPRIMÉ EN BELGIQUE / PRINTED IN BELGIUM Ce magazine est édité par : Première SAS, au capital de 2 234 820 €, 1-3, avenue de Flandre, 75019 Paris, RCS Paris 803 014 364. Président : Bernard Marchant. ATTENTION, LE SERVICE ABONNEMENTS CHANGE D’ADRESSE Gérer vos abonnements, abonnez-vous, réabonnez-vous ou posez vos questions Par internet : www.premiere.fr (rubrique « Abonnez-vous ») Par téléphone : 03 88 66 28 63 (France) – (00 33) 3 88 66 28 63 (étranger) Ouvert du lundi au vendredi de 8 h à 12 h et de 13 h à 18 h

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À qui appartiennent les franchises ? À leurs créateurs, aux fans qui s’en emparent ou à ceux qui les rachètent et les font (parfois) fructifier ? En près de quarante ans, Star Wars n’aura connu qu’un seul maître, adulé, honni, toujours suivi. Quand, en 2012, la saga passe sous la houlette du géant mondial de l’entertainment, les fans se demandent si l’ignorance lissée des départements marketing ne va pas leur faire regretter le mépris autrement frontal de George le démiurge. Pourtant, trois ans plus tard, le vent de la révolte ne souffle pas, Disney n’a pas commis de faux pas et parviendra peut-être à prouver in fine que l’aura de Star Wars dépasse celle de son créateur. À qui appartiennent les mythes ?

l’essence du Depuis plus de cinquante ans, la saga James Bond est portée par une dynamique qui excède ses incarnations. 007 peut changer de visage et son acteur convaincre plus ou moins, les réalisateurs se succéder avec des réussites diverses, sans que la légende ne pâtisse de ce qui l’a précédée. Les lectures s’enchaînent, le mythe demeure. Et se réinvente à chaque interprétation. Qu’importe alors qui en est l’auteur ? Pas simple... La versatilité des époques et la valse des cinéastes à la barre cachent malgré tout une constance confondante : depuis près de trente ans, les producteurs Barbara Broccoli et Michael G. Wilson veillent à la continuité de la série. C’est ce que l’on comprend à la lecture de notre hors-série 007 SPECTRE et que même Sam Mendes admet : le cinéaste a beau revendiquer une grande liberté de mouvement à la tête des derniers opus, il sait que sa création s’inscrit dans une cosmogonie dont il est illusoire de penser s’extirper. Et quand révolution il y a, Broccoli et Wilson en sont les seuls vrais artisans. À la lumière de leur enseignement, la question n’est plus de savoir ce que Star Wars, Épisode VII – Le Réveil de la Force va changer, mais plutôt s’il y a encore quelqu’un pour s’assurer de la persévérance du mythe.

Daniel de Almeida, directeur de la rédaction @dandealmeida sur twitter (twitter.com/dandealmeida) Premiere.fr évolue ! Nous attendons vos retours à cette adresse : http://bit.ly/VotreAvisPremiere

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 7


sommaire

teaser 007 SPECTRE, de Sam Mendes.

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édito news

Daniel Radcliffe, y a-t-il une vie après Harry ? ; David Fincher cinéaste mainstream ? ; la série française a-t-elle besoin de cinéastes ? ; Amy Schumer au scalpel.

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magazine EN COUVERTURE STAR WARS Han, Leia et Chewy s’apprêtent à reprendre du service. Mais sans George Lucas à la barre. À quoi ressemblera cet Épisode VII ? Et que fait Luke Skywalker ? Éléments de réponse ici et maintenant.

PHOTO LUCASFILM 2015

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RENCONTRE NATALIE PORTMAN Un western, un Malick, un premier film, elle fait feu de tout bois : Natalie Portman on fire !

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FOCUS MADE IN FRANCE Nicolas Boukhrief réussit un polar tendu sur le sujet le plus sensible du moment : le djihad.

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PORTRAIT KARIN VIARD Actrice talentueuse et sympa, elle devient sous l’œil des frères Larrieu, un fantasme absolu.

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FILMO COMMENTÉE THOMAS BIDEGAIN Plume d’Audiard, de Lartigau ou Bonello, avec Les Cowboys, il fait désormais cavalier seul.

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PORTFOLIO OLGA, CATE, JESSICA... Toutes les femmes de Malick enfin réunies.

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DOSSIER HIGH-TECH Le guide ultime des technophiles.

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critiques Knight of Cups, Le Fils de Saul, Les Anarchistes, L’Hermine, Strictly Criminal, Les Cowboys... Notre avis sur les films du mois.

replay Le cinéaste Brett Morgen évoque Kurt Cobain : Montage of Heck, docu émouvant sur la star grunge. Retour sur Outrage 2, nouveau film de Takeshi Kitano, et sur l’extraordinaire documentaire cinéphile Hitchcock / Truffaut.

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agenda

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le film qui Nicolas & Bruno.

Ce numéro comporte un encart Psychologies à jeter en 4e de couverture pour une sélection d’abonnés France (30 000 exemplaires). Attention, le service abonnements change d’adresse Pour gérer vos abonnements, vous abonner ou vous réabonner, écrivez-nous à : Service abonnements Première 19, rue de l’Industrie – BP 90053 – 67402 ILLKIRCH Cedex Tél. : 03 88 66 28 63 (France) – (00 33) 3 88 66 28 63 (étranger) du lundi au vendredi de 8 h à 12 h et de 13 h à 18 h.


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Je finis toujours par revenir aux fantômes et aux châteaux gothiques. 10 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015


PREMIÈRE : Des films comme Kill Your Darlings... ou Et (beaucoup) plus si affinités nous avaient fait parier notre chemise que vous en aviez fini avec le fantastique. Il semble bien qu’on ait perdu une chemise... DANIEL RADCLIFFE : Je suis désolé, parfois je ne mesure pas tout à fait les conséquences de mes actes. (Rire.) Mais c’est vrai, j’ai replongé en quelque sorte et, le plus étrange, c’est que je ne suis toujours pas un aficionado d’épouvante ou de fantasy. Comme l’écrasante majorité des gens qui connaissent Frankenstein, je n’ai pas lu le livre. Je n’ai pas des goûts de geek, je préfère lire des choses plus enracinées dans la société.

Frankenstein. Oui, c’est encore un film sur Frankenstein, mais come on ! Ces gens-là devraient se douter qu’on vise autre chose que les frissons bon marché. Pas question de rivaliser avec cette foutue Annabelle ou autres machins censés vous faire tomber de votre fauteuil. On a l’impression que le film repose avant tout sur votre relation compliquée avec James McAvoy. Tout Kill Your Darlings ou Horns portaient déjà sur les rapports ambigus que vous aviez avec d’autres stars. Avec James, on a fonctionné comme dans un buddy movie retors qui opposerait le docteur à Igor, l’assistant

vous vous retrouvez dans une saga, assumez-le. Mais vous leur conseillez tout de même de réfléchir à deux fois avant de faire ce choix ? Au contraire, je les encourage à signer ! Il y a deux types de franchises : d’abord, celles qui se contentent de capitaliser sur un succès, sans se soucier d’élever le niveau à chaque volet. Celles-là meurent le jour où le public décroche. Ensuite, il y a celles qui s’engagent auprès du public. Quand vous avez prévu d’enchaîner sept épisodes de Harry..., chaque film doit être irréprochable pour permettre au suivant d’exister. De ce point de vue, Harry Potter et Le Seigneur des anneaux ont vraiment changé la donne. Auparavant, les suites à gogo pouvaient se permettre d’être pourries.

Héritage littéraire, conte fantastique et nouvelle franchise potentielle : Daniel Radcliffe est en terrain connu dans Docteur Frankenstein. pour vous les acteurs, le Se serait-il résolu à vivre avec le spectre de Harry ? Mais fardeau n’est-il pas lourd à porter ?

unhomme d’horreur PHOTO ROBERT ASCROFT / CPI SYNDICATION / AGENCE A

Vous parlez de Kill Your Darlings : on pourrait dire que je suis plus Allen Ginsberg que Mary Shelley, si vous voulez. J’aime les postulats narratifs dingues, les sous-textes psychologiques tordus. Mais, justement, un mythe tel que celui de Frankenstein est bâti sur un postulat dingue et un sous-texte psychologique tordu... Absolument, c’est sûrement pour ça que je finis toujours par revenir aux fantômes et aux châteaux gothiques. Ils permettent de faire passer des idées casse-gueule auprès du grand public. Regardez Horns : une enquête criminelle menée par un jeune type cornu, ce serait quand même dommage de louper ça parce que je refuse le fantastique ! C’est pour cette raison que, même si je m’excuse de vous avoir fait perdre votre pari, je ne m’excuse pas auprès de ceux qui ont râlé dès l’annonce de Docteur

fébrile que j’interprète. C’est vrai que l’expérience m’a rappelé le boulot avec Dane DeHaan dans Kill Your Darlings : un type charismatique se confronte à son double plus vulnérable. Fonctionner en binôme me fait un bien fou. Mais quand vous avez joué un héros éponyme de saga, le drame c’est qu’on s’acharne à bâtir des films sur votre seul nom. J’adore La Dame en noir mais, franchement, tourner en rond en solitaire dans un manoir a été une expérience plutôt rasoir... Partager le haut de l’affiche, c’est aussi un moyen de fondre Harry dans le décor une bonne fois pour toutes ? Non, je ne crois pas à cette idée-là. Il ne suffira pas d’un film pour faire oublier Harry, seul le temps le permettra. Chercher à tout prix le contreemploi miracle qui me réinventera subitement, ce serait une illusion. Je le répète à mes amis acteurs : si

Il faut être malin. Prenez Channing Tatum, il s’est dégoté deux « petites » franchises, 21 Jump Street et Magic Mike. Elles n’ont rien à voir l’une avec l’autre et attirent donc deux publics très différents, comme pour faire passer un message : « Channing, c’est le colosse un peu balourd de 21 Jump Street, mais c’est aussi son exact opposé. » En fin de compte, ces licences élargissent son panel au lieu de le rétrécir. C’est pour ça que le public le suivra partout et qu’il peut bosser avec des producteurs qui acceptent de perdre une poignée de millions pour ses beaux yeux. (Rire.) Vous aimeriez aussi vous retrouver dans des projets « à risques » ? Oui, j’adorerais jouer dans des comédies musicales old-fashioned, moi qui m’époumone tout seul chez moi en écoutant Sufjan Stevens ! (Rire.) Mais je reconnais que c’est plus facile à dire qu’à faire. Dans le règne des franchises, si un projet coûte moins de 100 millions de dollars, les producteurs estiment qu’il n’est pas assez rassembleur et passent au suivant. Enfin, Dieu merci, j’ai déjà trouvé ma franchise à succès depuis longtemps, alors maintenant je peux papillonner un peu et tremper dans des histoires d’enquêteurs cornus ou dans des buddy movies gothiques. Je ne regrette donc rien. INTERVIEW YAL SADAT Sortie le 25 novembre, critique page 102. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 11


Bopnlan Fascinante plongée au cœur d’une communauté de marginaux de Louisiane, The Other Side confirme le talent de Roberto Minervini pour créer des objets hybrides où le réel est travaillé par la fiction. Exemple avec une séquence de bar où Mark et Lisa, un couple de junkies, se déclare leur flamme. « Peut-être dois-je commencer par spécifier qu’il n’y a aucun dialogue écrit dans The Other Side, encore moins dans cette scène. Elle a été tournée “Chez Josie”, un bar du coin, où on a filmé beaucoup de choses que l’on n’a pas conservées : l’anniversaire de Josie, des concours de bikinis, etc. C’étaient, en l’occurrence, des séquences prévues à l’avance, à l’inverse de celle qui nous intéresse. À l’époque, Mark et moi étions très proches (le tour-

nage, s’est étalé sur cinq mois, en totale immersion dans la communauté). Accompagné de mon ingénieur du son et de mon cadreur, je traînais ce soir-là avec lui quand sa compagne, Lisa, a surgi de nulle part complètement ivre. On les a filmés d’un peu loin avec la musique qui recouvrait leurs voix, si bien qu’à part mon ingénieur du son espagnol, qui les enregistrait sans rien comprendre, nous ne savions pas ce qu’ils se disaient ! Vous imaginez ma surprise et mon émotion quand j’ai écouté le son… Ce genre “d’accident” valide en quelque sorte mon dispositif qui favorise une grande intimité. On se sent tous vulnérables dans l’espace sécurisant du film. » PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE NARBONNE Sortie le 25 novembre, critique page 100.

The Other Side

La Forêt d’émeraude,

de John Boorman. Avec Powers Boothe, Charley Boorman, Rui Polonah... Un ingénieur américain, parti construire un barrage, s’installe avec sa famille en Amazonie. Un jour, son fils disparaît en forêt. Dix ans plus tard, Tommy réapparaît, mais, élevé par une tribu, il est devenu totalement Indien… Utopie, rêve, magie, récit initiatique : c’est ce que brasse le réalisateur depuis Délivrance. La Forêt d’émeraude est une synthèse parfaite de son cinéma lyrique, qui avance entre mythologie et aventures. Au fond, ce qui fascine

John Boorman, cinéaste rousseauiste, c’est la nature. C’est là, dans cette jungle filmée comme la forêt légendaire d’Arthur, aux frontières du réel et de l’imaginaire, que l’homme doit se ressourcer pour que surgisse le meilleur de lui-même. Le message n’a pas vieilli, mais c’est la caméra attentive et mobile, les compositions frénétiques et l’utilisation envoûtante des sons et des bruits qui donnent une grâce hallucinante à ce film radical.

Ce film est diffusé le 22 novembre à 20 h 45 sur Arte, en partenariat avec Première.

12 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

À ne pas rater en novembre sur

PHOTOS SHELLAC / STÉPHANE CARDINALE / CORBIS / EMBASSYPICTURES

Par Roberto Minervini


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potpure cul

Quel cinéaste rock P.T. Anderson est-il ? Disponible sur la plate-forme de streaming Mubi jusqu’au 7 novembre (dépêchez-vous !), Junun, le « rockumentaire » de Paul Thomas Anderson, chronique le trip musical indien du guitariste de Radiohead, Jonny Greenwood. Une première pour lui, qui s’inscrit dans une longue tradition. LE GODARD DE ONE + ONE, BEAUCOUP

À la fin des années 90, Wim Wenders suit Ry Cooder dans les rades de La Havane pour filmer le Social Club de Compay Segundo et transformer les papys cubains en icônes. L’amitié entre Wim et Ry remontait à la BO de Paris, Texas, scie 80s certifiée. Avec Junun, P.T. Anderson fait le même trajet. Devant sa caméra, un guitariste star, Jonny Greenwood de Radiohead, et collaborateur fidèle (il a signé les scores phénoménaux de There Will Be Blood, The Master et Inherent Vice), part chercher le grand frisson musical : retranché dans un fort du nord de l’Inde, entouré des dix-sept musiciens du Rajasthan Express. Vous ne connaissiez pas leur musique avant, vous n’écouterez plus que ça après.

LUI-MÊME, SURTOUT

Avant de coller aux basques de l’ami Greenwood, PTA frayait avec Aimee Mann (qui a signé la BO de Magnolia), Fiona Apple (son ex) ou Joanna Newson. Les clips lui ont permis de se divertir entre deux longs. Junun trace une nouvelle voie : c’est son premier doc, un moyen métrage (54 minutes) destiné à Mubi, plateforme VOD, sorte de Netflix du riche où les films disparaissent après trente jours. Une façon pour Anderson d’entériner son statut de génie autiste et aristo ? Surtout un appendice à son œuvre, confirmant qu’il ne s’épanouit pas uniquement dans le geste mégalo post-kubrickien. Ludique, traquant les effluves psyché d’hier dans le présent : le post-scriptum parfait à Inherent Vice. FRÉDÉRIC FOUBERT Junun, à voir sur mubi.com

Soirée spéciale « Nikita » Le Première Cinéma Club ouvre ses portes au cinéma Les Fauvettes à Paris avec la projection de Nikita, le film culte de Luc Besson. En 1990, le prologue de Nikita « arrache le fan-club du Grand Bleu de sa torpeur béate », comme l’écrivait Première à l’époque. Deux ans après le gentil dauphin, votre magazine affiche, en une, le visage déterminé d’Anne Parillaud.

14 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

En partenariat avec le cinéma Les Fauvettes, 58 avenue des Gobelins à Paris, Première vous propose de revivre cet intense moment de cinéma le mercredi 25 novembre à 20 heures, présenté par Anne « Nikita » Parillaud et Tcheky « Bob » Karyo. Chaque mois, le Première Cinéma Club proposera aux Fauvettes un film culte ayant eu les honneurs de la couverture.

PHOTOS ROAD MOVIES FILMPRODUKTION / CUPID PRODUCTION / SHIN KATAN

LE WIM WENDERS DE BUENA VISTA SOCIAL CLUB, UN PEU

Godard n’entendait rien au rock, mais il a quand même signé en 68 le making of ultime d’un disque : One + One, où les Stones, cloîtrés dans les studios Olympic de Londres, bâtissent pierre après pierre, prise après prise, le monument Sympathy for the Devil. De longs plans-séquences envoûtants, la musique qui se « matérialise » sous nos yeux, jusqu’à l’apothéose vaudoue. PTA la joue Godard à sa façon. La première scène (un travelling circulaire fou sur le groupe de musiciens entrant en transe) pose les bases du langage Junun : pas de commentaires, peu de contexte, la musique comme une boucle sans fin, incassable. L’hypnose commence ici.


“À LA VIE, À L’AMOUR, À LA MORT.” TÉLÉRAMA

TAHAR

RAHIM ADÈLE

EXARCHOPOULOS SWANN

ARLAUD GUILLAUME

GOUIX

UN FILM DE ELIE WAJEMAN

LE 11 NOVEMBRE

FILM D’OUVERTURE


n i a brtorm s Cédric Klapisch Réalisateur de films cultes comme L’Auberge espagnole, Cédric Klapisch a signé deux épisodes de Dix pour cent (le carton du mois d’octobre sur France 2), série pour laquelle il est producteur associé et directeur artistique.

Jalil Lespert

Les séries françaises ont-elles besoin des cinéastes ? Dans la foulée des États-Unis, les cinéastes français, d’Éric Rochant à Florent Emilio Siri, prêtent main-forte à l’industrie des séries. Le petit écran deviendrait-il leur nouvel eldorado ? Réponse de deux réalisateurs qui viennent de participer à des projets particulièrement en vue cet automne.

16 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

PREMIÈRE : Pourquoi avez-vous réalisé des épisodes de séries ? JALIL LESPERT : J’ai été contacté par Canal+ et par le producteur Claude Chelli qui porte le projet Versailles depuis plusieurs années. Le sujet – Louis XIV, la cour – m’a interpellé : il y avait une vision shakespearienne de l’histoire de France, sûrement parce qu’il a été écrit par deux showrunners anglo-américains, Simon Mirren et David Wolstencroft. Cela m’intéressait de réaliser les deux épisodes qui ouvrent la saison et de mettre ainsi en place la ligne visuelle, très punk rock, de la série.

CÉDRIC KLAPISCH : Dominique Besnehard (qui est à l’origine du projet) m’a demandé de lire deux épisodes de Dix pour cent. Et c’est pour l’écriture que j’ai accepté. J’aimais beaucoup le fait qu’on parle des coulisses du cinéma. Et j’étais épuisé après Casse-tête chinois, dont le scénario m’avait demandé du temps : il était donc motivant d’avoir devant moi quelque chose de déjà écrit. En principe, le pouvoir de décision appartient aux showrunners. Quelle marge de manœuvre aviez-vous ? JALIL : Il a fallu trouver un équilibre.

PHOTOS STÉPHANE CARDINALE / CORBIS /J.GRAF / DIVERGENCE

Après le succès en salles d’Yves Saint Laurent, Jalil Lespert a réalisé les deux premiers épisodes de la série historique Versailles (ce mois-ci sur Canal+), coproduction internationale tournée en anglais.


Ce projet est totalement novateur et hybride. Mon rôle était de comprendre les intentions et les ambitions des showrunners, tout en leur proposant une vision personnelle. En France et en Europe, les réalisateurs n’ont pas la même place qu’aux États-Unis où ils sont souvent considérés comme de simples techniciens. Ici, le réalisateur est aussi un auteur. Néanmoins, il était essentiel d’aborder ce projet autrement. Du coup, ma démarche était donc plus collaborative que strictement personnelle.

On s’est dit qu’il fallait tendre vers sa façon de filmer quand il est en intérieur avec des moyens relativement limités, et on a cherché à jouer sur le cadrage des visages.

N’avez-vous pas été appelés sur ces projets pour apposer un label cinéma et rassurer le public grâce à vos noms ? JALIL : Peut-être. J’imagine qu’il y avait une confiance, vu le succès d’Yves Saint Laurent en France comme à l’étranger. Mais je dirais que c’est la même chose à tous les niveaux, les showrunners aussi ont été engagés après des succès comme Esprits criminels ou MI-5 qui ont eu suffisamment d’écho pour rassurer tout le monde. CÉDRIC : Oui, bien sûr, j’avais conscience qu’on m’appelait pour amener une légitimité cinéma. Mais Jalil Lespert j’en avais également envie. Je savais qu’avec un tel CÉDRIC : Sur Dix pour cent, il n’y avait sujet il fallait quelqu’un qui travaille pas de showrunner à proprement dans l’industrie cinématographique, parler, mais une créatrice, Fanny notamment afin d’attirer des guestHerrero, qui a dirigé l’écriture avec stars. Cet aspect promotionnel était une dizaine de scénaristes. Il s’agis- évidemment dans la tête des prosait d’un projet très collégial. Ce ducteurs et de la chaîne, mais la terme de showrunner, qui désigne thématique le justifiait. un scénariste-star chapeautant l’ensemble d’une saison et parlant Travailler pour une série télé directement aux acteurs, ne s’ap- offre-t-il des avantages qu’on plique pas trop à ce qu’on a fait. À ne trouve pas au cinéma ? partir du moment où les scénarios JALIL : Depuis une décennie, la étaient écrits, les trois réalisateurs série a totalement supplanté le de la série ont travaillé de manière cinéma indépendant aux États-Unis. collective en échangeant beaucoup. Elle jouit d’une audace d’écriture C’était d’ailleurs troublant, on oubliait incroyable. Il faut dire qu’en tant que totalement la notion d’auteur clas- spectateur, on a sique dont on parle souvent en France un rapport beaudepuis la Nouvelle Vague. coup plus intime avec une série Vos références de réalisation qu’avec un film. C’est exactement étaient-elles plutôt issues comme avec un du cinéma ou des séries ? JALIL : Les deux. Les intrigues poli- roman. C’est aussi un formidable tiques de la cour rappellent un peu terrain de jeu pour les auteurs et House of Cards ou Le Parrain. Nous pour les réalisateurs. avions avec George Blagden, l’acteur CÉDRIC : De nombreux cinéastes qui joue Louis XIV, Michael Corleone peuvent s’éclater dans l’industrie en référence principale. de la série et traiter de sujets qu’ils CÉDRIC : Quand on est dans une n’auraient pas osé aborder au cinélogique de série télé, le maître mot ma. Je n’aurais jamais filmé un de est le temps, encore plus que mes longs métrages comme Dix l’argent. On a onze jours pour tour- pour cent. Rien qu’en termes de ner et il faut avant tout respecter le comédie, j’ai vraiment pu grossir le planning. Mais on essaie en effet de trait et aller parfois jusqu’à la limite trouver un style et notre principale de la crédibilité pour susciter le rire. référence était Ingmar Bergman. Et cela m’a beaucoup amusé.

Les frontières vont peu à peu disparaître entre cinéma et télévision, il n’y aura plus besoin de passeport.”

Vous pensez que la collaboration des cinéastes français aux séries va donc se poursuivre ? JALIL : Oui, je crois que ces deux mondes vont continuer à se croiser et que cela va produire de nombreuses opportunités. Les frontières vont peu à peu disparaître entre cinéma et télévision, il n’y aura plus besoin de passeport. On a la chance de vivre une révolution des médias, tout bouge constamment, tout est à remettre en question. Ainsi, je ne suis pas étonné que Cédric se mette à la série car ses films ont toujours eu quelque chose de très contemporain et se sont intéressés au présent de nos sociétés. CÉDRIC : Il y a encore six ou sept ans, tout le monde disait que c’était la fin de la télé, notamment à cause de l’arrivée d’Internet. Et finalement, c’est le contraire qui s’est passé : les séries sont devenues les stars. Un espace de création s’est libéré. Comme le dit Jalil, j’aime bien défricher des lieux nouveaux. Ce n’est évidemment pas le cas de la télé. Mais il y a vraiment une nouvelle façon de faire de la télévision. Et, en France, il faut absolument que cette industrie évolue. Des réalisateurs qui viennent du cinéma vont logiquement vouloir y aller, c’est très tentant. À mon avis, nous ne sommes qu’au début du phénomène. Mais le cinéma pourra-t-il s’en remettre ? CÉDRIC : Toutes les industries sont des univers à deux vitesses. C’est le cas de l’automobile. Ou de la mode, où il y a le prêt-à-porter et

Pour ma part, le cinéma c’est la haute couture et la télévision le prêt-à-porter.” Cédric Klapisch la haute couture. Mais jamais l’un ne tue l’autre, et on a toujours besoin des deux. J’estime pour ma part que le cinéma c’est la haute couture et la télévision le prêt-àporter. Mais ce n’est pas négatif de le dire : de très grands stylistes créent du prêt-à-porter. Actuellement, je tourne un nouveau long métrage et je me rends compte que participer à une série m’a beaucoup servi, parce que cela m’a permis de redéfinir les enjeux du cinéma. INTERVIEW DAMIEN LEBLANC NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 17


e c n a tend

Fincher passe au centre

L’ÉPOQUE L’A RATTRAPÉ

L’ironie glaçante et insidieuse du cinéma de David Fincher s’est étendue à tout l’univers audiovisuel, des séries de prime time (Hannibal) aux shows plus pointus (Utopia), des clips de Sia (Chandelier) aux spots de soutien en faveur des victimes de la guerre en Syrie. Fincher at-il inventé le monde anxieux et dérangeant dans lequel on vit, ou est-ce l’époque qui l’a rattrapé ? Il y a seize ans, Fight Club était accueilli comme un acte terroriste. C’était le dernier film du vieux siècle, deux ans avant le 11-Septembre. Post-Irak, post-Madoff et postSnowden, le climat de flippe des films de David Fincher s’est téléporté dans le monde réel. Dans ce contexte, Gone Girl ferait presque figure d’aimable thriller domestique. C’est que, parallèlement, David s’est rapproché du mainstream en devenant l’adaptateur haute couture de romans pulp très aguicheurs... LE STYLE FAIT ÉCOLE

Hors Seven, l’un des films les plus pompés de l’histoire, et dans une moindre mesure Fight Club (99 francs, Limitless), personne n’a vraiment osé copier le style Fincher. Difficile à imiter, il a beaucoup évolué. Mais depuis la série House of Cards, dont chaque réalisateur a justement eu pour mission de singer la patte du maître, il semble enfin permis d’essayer. Pour contraster avec l’univers intérieur de Riley, coloré et riche en reliefs, les auteurs de Vice-Versa imaginent un monde réel « fincheresque » : exsangue, tout en contreplongées oppressantes. Quant à Steve Jobs, il n’existerait

The Gamechangers 18 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

Mr. Robot

pas sans la promesse initiale de réunir Fincher et Aaron Sorkin (au scénario), la dream team de The Social Network. Le résultat porte la signature de Danny Boyle, mais peut difficilement se regarder autrement que comme un film de Fincher sans Fincher. Boyle le reconnaît lui-même : « C’est clairement la deuxième partie d’un diptyque. David est devenu le grand cinéaste classique de notre temps, ça ne me dérange pas du tout de passer après lui ! » LA CITATION FAIT PLAGIAT

C’est officiel : Fincher a maintenant des disciples, qui poussent parfois l’hommage très loin. La série culte Mr. Robot est l’œuvre exclusive de Sam Esmail, auteur-réalisateur prometteur et fan transi de Fincher. L’histoire d’un hacker génial souffrant de troubles de la personnalité, contacté pour faire la révolution par un mystérieux gourou cyber nommé Mr. Robot, qui pourrait être, ou ne pas être, une manifestation de son inconscient… Pour que cela soit clair, le poster de la série reprend à l’identique l’iconographie de l’affiche de The Social Network. The Gamechangers, téléfilm BBC sur la création et les déboires juridiques du jeu Grand Theft Auto, s’approprie, quant à lui, tout The Social Network. Daniel Radcliffe joue le génie punk éprouvé par la machine administrative, un gamin irresponsable en passe de changer le monde, au cœur d’un réseau d’amitiés trahies. La lumière est blafarde et la techno, lancinante, gronde entre les tempes du héros. À ce niveau de plagiat, c’est presque tordant. BENJAMIN ROZOVAS

Steve Jobs

PHOTOS COLUMBIA PICTURES / BBC / USA NETWORK MEDIA / UNIVERSAL PICTURES

Copié, « hommagé », plagié, l’ex-enfant terrible David Fincher est finalement devenu le mètre étalon de la culture mainstream. Steve Jobs, Mr. Robot, Vice-Versa ou l’industrie de la pub toute entière… Sa griffe cryptomalsaine est partout.


“UN TRÈS GROS CHOC !”

PREMIERE

AU CINÉMA LE 25 NOVEMBRE


Les anars et la manière

Histoire d’un flic infiltré, qui tombe amoureux d’une anarchiste dans le Paris de 1899, Les Anarchistes convoque les influences de Desplechin, Spielberg, Gray... Nous soumettons cinq titres de films au réalisateur Elie Wajeman, il nous dit si on a vu juste ou pas.

Traître sur commande (Martin Ritt, 1970) Même sujet (un infiltré se lie d’amitié avec une bande de révolutionnaires), même époque (la fin du XIXe siècle), mêmes moustaches... « C’est un film méconnu, magnifique. Je l’ai découvert quand il est ressorti en salles, il y a quatre ans. Peu de temps après, j’ai vu une mise en scène des Démons, de Dostoïevski, sur un groupe d’anarchistes. Ces deux influences se sont mêlées et ont donné naissance à mon film. J’aime l’idée de traiter d’un grand sujet, de politique, de l’histoire d’un pays, mais à travers les sentiments. Et aussi de filmer un traître, un salaud, avec douceur. »

The Yards (James Gray, 2000) Dans un monde en clair-obscur, un homme est contraint de trahir les siens. « C’est un film important pour moi. J’aime le mélange entre le portrait 20 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

d’un jeune homme et une réflexion plus large sur l’Amérique et la fin du prolétariat. Gray se réapproprie Le Parrain, mais en plus down. Je suis sensible à cette idée du grand film pris par en dessous. Après, il y a une solennité chez lui que je ne recherche pas forcément. Mais, comme sur l’affiche de mon premier film, Alyah, il y avait écrit : “Un polar racé façon James Gray”, je suis censé être le James Gray français. Bon, OK, j’assume ! »

Esther Kahn (Arnaud Desplechin, 2000) Un portrait de femme, le XIX e siècle, le drame en costumes... « C’est un grand film. J’en suis dingue. Il y a dedans au moins trois choses fondamentales qui m’ont guidé pour Les Anarchistes : l’utilisation de la caméra à l’épaule dans des espaces exigus ; le choix des décors naturels et l’envie de faire dire des “choses impossibles” aux acteurs. Des dialogues très élaborés. Ils jouent L’Illusion comique au théâtre, pourquoi leur faire dire des banalités au cinéma ? Arnaud Desplechin a eu une grande influence sur moi. Je possédais un poster de La Sentinelle dans ma chambre lorsque j’avais 13 ans. »

Munich (Steven Spielberg, 2006) Les Anarchistes baignent dans une lumière bleutée parfois trouée de grands jets de lumière blanche. L’influence de Janusz Kaminski, le chef op historique de Spielberg ? « Kaminski est le maître de mon directeur photo, David Chizallet. La lumière est très importante dans le film, on avait envie de cette luminosité qui blanchit tout. David a décidé de faire la lumière sur le plateau et très peu de post-prod. Notre étalonneur trouvait qu’on prenait un gros risque. Mais le contexte du XIXe siècle nous permettait de pousser plus loin ce qu’on avait déjà entrepris dans Alyah. La presse me le reproche, d’ailleurs. À Cannes, certains trouvaient la lumière trop belle... »

Miami Vice – Deux flics à Miami (Michael Mann, 2006) Un flic infiltré ne distingue plus le vrai du faux et s’éprend de sa proie. « Ce film ne m’intéresse pas. Et le flic n’est quand même pas très discret. Ma vraie référence dans le genre “infiltré amoureux”, c’est Les Anges de la nuit, avec Sean Penn et Robin Wright. Magnifique. J’adore ces petits films, pas intimidants. La Main droite du diable, Comme un chien enragé... Et Rush, tu connais ? Ça se passe dans le Texas des 70s, avec Jason Patrick, sur un couple de flics infiltrés qui plongent dans la dope. Très touchant, hyperbeau. J’aimerais faire un remake de celui-là... » FRÉDÉRIC FOUBERT Sortie le 11 novembre , critique page 94.

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Je suis ni du côté de Lanzmann, ni du côté de Spielberg Annoncé comme le choc du dernier Festival de Cannes, Le Fils de Saul en est reparti avec le Grand Prix et sort en salles aujourd’hui. Une expérience viscérale ? C’est ainsi qu’en parle son réalisateur, László Nemes, qui refuse d’intellectualiser les représentations de la Shoah. 22 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

PHOTOS LENKE SZILÁGYI / AD VITAM

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PREMIÈRE : Vous avez présenté le film dans plusieurs festivals à travers le monde entier. Les réactions sont-elles les mêmes ? LÁSZLÓ NEMES : Non... Vous êtes les plus bizarres, vous les Français. Partout où je suis passé, dans tous les festivals où j’ai présenté Le Fils de Saul, le film a été reçu spontanément. Ici, on me demande toujours ce qu’il veut dire, comment l’interpréter. Comme s’il devait y avoir une fiche technique, un guide de visionnage. Il n’y a donc pas de mode d’emploi pour ce film ? Non. Je peux en donner des explications, mais il fonctionne aussi sans. J’ose espérer qu’il existe par lui-même, que je ne suis pas obligé d’être tout le temps à ses côtés, comme s’il me tenait en laisse... « Comme s’il me tenait en laisse » ? C’est très fort comme expression. Vous sentez-vous prisonnier de votre film ? Non, mais parfois, j’aimerais le laisser partir, j’aimerais que vous le receviez en tant qu’expérience et que certains arrêtent de théoriser, de me demander des explications. C’est comme ça que vous l’avez conçu ? Comme une expérience ? Oui, comme une expérience extrême et viscérale. En le regardant, j’ai pourtant eu la sensation que cet aspect viscéral était parasité par le dispositif qui... C’est une approche, et non pas un dispositif.

László Nemes.

Quelle est la différence ? J’ai utilisé une stratégie visuelle, c’est très organique. Un dispositif est au contraire intellectualisé, statique et réfléchi. Je n’ai jamais pensé Le Fils de Saul de cette manière. Je voulais être avec mon personnage. Et le film ne fonctionne que comme ça. Toutes les indications

(le flou, le hors champ, le son, la photo) montrent qu’il s’agit d’une expérience avant d’être un processus intellectuel. La forme en découle. Et les gens le ressentent. Très violemment. Plusieurs spectateurs m’ont confié avoir été dérangés par le fait de ne pas pouvoir penser pendant la projection. Mais c’était exactement mon but. J’ai élaboré une descente aux enfers. Les camps ont souvent été perçus de manière abstraite. Je voulais revenir au réel. Ce n’est donc pas une perspective conceptuelle ou philosophique qui a guidé vos choix cinématographiques ? La scène où, avec Saul, on entend les victimes crier dans les chambres à gaz ressemble pourtant à une déclaration d’intention. Comme si vous disiez : je ne regarderai pas à l’intérieur de la pièce comme Spielberg, je garde mes distances comme Lanzmann... Mais bien sûr que non ! Je ne me suis jamais posé la question : « Shoah ou La Liste de Schindler ? » Jamais ! (Il fait une pause.) Je voulais transmettre quelque chose d’intuitif en immergeant le spectateur. Quand vous dites que je choisis entre Shoah et La Liste de Schindler, vous intellectualisez. À aucun moment, les débats sur la représentation des camps n’ont guidé la réalisation. Je ne voulais pas de posture intellectuelle. Je ne suis pas français d’origine et je pense que cela me donne une position extérieure à tout ça. Vous savez où je me situe ? Je ne suis ni du côté de Lanzmann, ni du côté de Spielberg. Je suis avec le Sonderkommando. Je fais le portrait d’un homme, et cela implique des restrictions. Lesquelles ? Les restrictions de point de vue. Je voulais accompagner cet homme dans l’enfer et cela dictait d’emblée les conditions de ce que j’allais transmettre aux spectateurs. Après, il y a une forme de responsabilité. Le respect des morts.

Plusieurs spectateurs ont été dérangés par le fait de ne pas pouvoir penser pendant la projection. L’histoire du film a été difficile. Avant de triompher à Cannes, il a été refusé à la Berlinale... Ils n’en voulaient pas en compétition. Pourtant, avec le 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz, je pensais... ... et les organismes de financement français ont aussi refusé d’y participer. Comment le comprenez-vous ? Ça leur a sans doute fait peur. Le film était peut-être trop ambitieux. Et le mot « ambition » en a visiblement effrayé certains. Ambitieux ? Risqué, disons. Mes choix filmiques étaient décrits, mais ils posaient un problème à certaines instances. Quelles instances ? Le CNC, Arte, plusieurs producteurs... Au moment où j’écrivais à la Cinéfondation, la seule qui nous a soutenus, on a refusé mon projet ailleurs au motif que, vu mes courts métrages, je ne serais pas capable de réaliser ce long. On pensait que ma mise en scène ne pourrait pas tenir sur la durée. C’est intéressant, en France, on juge la réalisation d’un film dès l’écriture. Vous le dites en souriant... Pourtant ça ne me fait pas rire. Je trouve cela... ironique. J’ai l’impression que le cinéma français, l’un des plus grands, s’est fait avaler par la télévision. Si le cinéma n’est plus l’art du risque et de l’innovation, alors on fait des téléfilms. Et je trouve ça grave. D’une certaine manière, cela a dû faire naître un tabou parce qu’aujourd’hui, on ne peut plus évoquer la Shoah de manière responsable. Il faut en parler en rassurant le spectateur. INTERVIEW GAËL GOLHEN Sortie le 4 novembre, critique page 90.

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 23


f e i r déb

À Lionsgate ? À voir les préventes de La Révolte..., Lionsgate va facilement enregistrer le plus gros carton de son histoire. Comme on ne peut pas sortir un épisode final chaque année et que le studio – malgré les rumeurs – ne compte pas développer de spin-off, il va pouvoir se focaliser sur sa franchise Divergente (dont les deux derniers volets sortent en 2016 et 2017). Une série de films adaptés d’une trilogie de romans, sur fond de futur post-apocalyptique, dans une société divisée en castes, où une héroïne porte le flambeau de la révolte face à des dirigeants corrompus. Si ce n’est pas un spin-off, c’est drôlement bien imité.

À Jennifer Lawrence ? Elle a réussi à ne pas se faire tuer par Katniss en devenant à la fois la muse de David O. Russell et la nouvelle star de la saga X-Men. En 2016, elle sera dans Passengers, une odyssée SF avec Chris Pratt. Elle a aussi écrit une comédie avec Amy Schumer et prend la parole sur les différences de salaires entre hommes et femmes à Hollywood. Pour elle, Panem est déjà loin.

À qui profite la fin de Hunger Games ?

Katniss, c’est fini. Hunger Games – La Révolte, partie 2 sonne la fin de la saga. Et tous les participants de l’aventure se retrouvent à la croisée des chemins.

À Francis Lawrence ? Libéré de son CDD Hunger Games, le réalisateur est tombé dans la galère. Après avoir signé trois énormes hits (une pensée pour Gary Ross, réalisateur du premier volet), que faire ? Francis a prouvé qu’il était un ouvrier efficace, capable d’emballer une franchise dans le cahier des charges prévu (budget, calendrier, succès). Parmi sa dizaine de projets éventuels, on remarque surtout qu’il compte tourner – toujours pour Lionsgate – une nouvelle version de L’Odyssée avec Hugh Jackman dans les sandales d’Ulysse. Plus risqué au box-office, le Peter Pan nouvelle génération vient de se planter, et le péplum ne fait plus recette depuis 300. 24 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

À David O. Russell ? Le réalisateur des cartons publics et critiques Happiness Therapy (qui a valu l’Oscar à J-Law) et American Bluff va enfin avoir l’actrice pour lui tout seul. Leur prochaine collaboration, Joy, où l’actrice joue une star du télé-achat américain, sort

À la concurrence ? Ça faisait trois ans que les autres studios n’osaient plus sortir de films en novembre, le créneau de sortie des suites de Hunger Games depuis 2013. Pour commencer, Warner sortira en novembre 2016 Fantastic Beasts and Where to Find Them, le premier volet d’une trilogie spin-off de Harry Potter. Rayon young adult (en deux mots : franchises de science-fiction pour ados), on verra La Cinquième Vague avec Chloë Moretz, en février prochain, et The Death Curse (le troisième Labyrinthe) en février 2017.

en décembre, à temps pour se qualifier aux Oscars. Maintenant, David et Jennifer vont pouvoir tourner ensemble deux films par an si ça leur chante. SYLVESTRE PICARD Sortie le 18 novembre.


Le Loup de Wall Street, Martin Scorsese, 2013 © MMXIII TWOWS, LLC. Tous droits réservés

Taxi Driver, Martin Scorsese, 1975 © Steve Schapiro/Corbis - Courtesy of Columbia Pictures


l e p l sca Crazy Amy, avant / après

Après

Avant Pendant longtemps, Amy Schumer était « une comique pour comiques ». Une de ces travailleuses de stand-up qui arpente les routes américaines entourée de collègues mecs qu’elle fait rouler sous la table le soir venu. Inside Amy Schumer a fait d’elle « une comique pour fans de comédie ». Son show est un cocktail assez irrésistible de sketches sur l’herpès ou la « pornographie interraciale », de bouts de stand-up sexy enregistrés devant un public et de micro-trottoirs rafraîchissants, où la sexualité du quidam américain est mise à nue… Le succès est au rendez-vous, mais reste confidentiel. Amy est une « comique cul », trop cool et trop vulgaire pour un public de masse. N’est-ce pas ?

Elle est de tous les tapis rouges, debout sur ses jambes ou en tombant (aux pieds de Kim et Kanye, mais c’était fait exprès). Elle ne manque pas une occasion de sortir sa nouvelle BFF Jennifer Lawrence. Elle a décroché un Emmy en septembre,et donné un one-woman show sur HBO dans la foulée… Elle est partout ! Un supplément de popularité qui lui a donné des ailes. Dans la saison 3 d’Inside, elle verse dans le féminisme dur avec le sketch des « actrices imbaisables après 40 ans » (starring Tina Fey et Julia Louis-Dreyfus) ou avec sa parodie de Douze Hommes en colère, où douze hommes en colère se demandent si elle est assez « bonne » pour faire de la télé.

Elle a osé ! « Vous êtes déjà sortis avec un sexaddict ? Au début, c’est super. Vous pensez : “Je suis le meilleur coup du monde, t’as vu ça !” Et puis, vous comprenez : “Non, il baiserait une boîte aux lettres.” » « La capote, j’aime faire comme si je n’avais pas le choix. Ce que je devrais lui dire en réalité, c’est : “Tu vas vouloir en mettre une, j’ai eu un mois très chargé.” » « Ça surprend beaucoup de gens, mais personne ne m’a jamais éjaculé sur le visage. J’en ai jamais “pris un en plein vol” comme on dit dans le showbiz.” »

26 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

Amy Avec sa bouille de gentille fille du Midwest élevée au grain et ses cheveux blonds tirés en arrière comme à un concours de la queue de cheval la plus cute du monde, Amy Schumer ressemble à la bonne copine sans histoires. C’est quand elle ouvre la bouche et se met à parler de son sexe comme d’une « décharge à sperme » que les mâchoires nous en tombent. Premier effet Schumer : vous vous apprêtez à rire de sa tendre maladresse et elle vous emmène dans une visite guidée de son vagin un soir de grande fréquentation. Le tout accompagné d’un adorable sourire mutin… C’est en réduisant Charlie Sheen à néant pour un roast (cérémonie où l’on dit du mal de l’invité) donné en 2011 sur Comedy Central, qu’elle décroche sa propre série à sketches. Diffusée au printemps 2013 sur la même chaîne, la première saison de Inside Amy Schumer (double sens encouragé) la propulse aux États-Unis de l’anonymat des comedy clubs à la célébrité YouTube. Dans la partie stand-up de l’émission,


Et Apatow, dans tout ça ? Crazy Amy est sans doute le premier film que Judd Apatow réalise en pur mercenaire. Écrit par Amy Schumer, pour Amy Schumer, sur Amy Schumer, il s’agit de la distillation tout public de son habituel personnage de fille légère, au moins dans sa première moitié. La seconde succombe à un modèle de comédie expiatoire distinctement « apatowesque ». Amy ne couche plus, ne boit plus et s’excuse auprès de tous ceux qu’elle a pu vexer dans la première partie avec ses blagues tordantes. L’un dans l’autre,un film d’Apatow.

Amy Schumer, le Top 3

1 PHOTOS UNIVERSAL PICTURES INTERNATIONAL FRANCE

Schumer Son propre show câblé, son Special sur HBO et maintenant un premier carton au cinéma (Crazy Amy) sous la direction de Judd Apatow… En l’espace d’un an, elle est devenue une immense star aux États-Unis. Voilà pourquoi. Amy envoie ses vannes dégoûtantes, étriquée dans des jupes hyperserrées et perchée sur des talons vertigineux. Son numéro de fille facile un peu boulotte et qui boit beaucoup est moins le reflet de la réalité (la « vraie » Amy boit peu, n’a jamais essayé la sodomie) qu’un moyen d’abattre certaines barrières liées au sexe et à l’insuffisance de « parler cul » dans la culture américaine. Le genre de nouveau féminisme trash sur lequel Judd Apatow aime poser son drapeau ces temps-ci. Après Lena Dunham (Girls), il a jeté son dévolu sur Amy Schumer. Et se met entièrement à son service dans Crazy Amy, qui traduit assez fidèlement le personnage (nympho, alcoolo...) tout en mettant de l’eau dans son vin. Carton, feu d’artifice et tapis rouge… Amy superstar. B.R.

La couv Star Wars du GQ américain Dans la tenue d’esclave de Leia, elle suce le doigt de C-3PO. Le coup de génie est que si vous regardez bien, il a l’air d’aimer ça… Les pages intérieures sont pas mal aussi.

Le HBO Special

2

C’était le 17 octobre dernier, sur HBO. Une heure sur scène avec la fille la plus hit du moment. Les blagues étaient solides, mais c’est le charisme monstre d’Amy qui a ensorcelé le public. Ça se voyait.

Le sketch Herpers Scare

3

Son plan cul a une crise d’herpès et Amy supplie Dieu de ne pas en être victime elle aussi. Dieu apparaît (Paul Giamatti) et constate qu’il devrait arrêter de faire autant de femmes blanches. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 27


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55 En millions de dollars, c’est

le score de Seul sur Mars lors de son premier week-end américain. C’est presque aussi bien que Gravity en octobre 2013. En moins de quinze jours, le film avec Matt Damon a déjà remboursé son budget officiel de 108 millions, rien qu’avec ses recettes aux États-Unis.

10 La place des Nouvelles Aventures d’Aladin dans le top des meilleurs premiers jours de 2015 en France. Cette comédie avec Kev Adams a attiré 231 998 spectateurs lors de sa sortie, quelques mois après les 3,4 millions d’entrées des Profs 2.

19 En millions de dollars, c’est

le démarrage de Pan aux ÉtatsUnis. Flop en vue pour ce prequel de Peter Pan qui a coûté 150 millions de dollars à Warner Bros.

A New Hopkins

1,1 En million, ce sont les en-

trées enregistrées en une semaine en France par Le Labyrinthe – La Terre brûlée. Soit 300 000 spectateurs de plus que pour Le Labyrinthe l’an dernier. Le premier volet avait passé les 3 millions, cette suite est donc partie pour cartonner.

la somme récoltée par Vice-Versa cet été dans le monde. Soit le troisième plus gros succès Pixar après Toy Story 3 (seul film du studio à avoir passé le milliard en 2010) et Le Monde de Nemo (895 millions amassés il y a douze ans). ÉLODIE BARDINET

PHOTOS DR

820 En millions de dollars, c’est

À l’heure où nous écrivons, Prémonitions (sorti le 9 septembre) vient de dépasser les 800 000 entrées en France. Notre prémonition, quand vous lirez ces lignes, est que le film aura passé la barre du million d’entrées en un mois, sur un nombre de copies stable (246 la première semaine, 255 la quatrième). Gros succès pour cette série B, réalisée il y a deux ans par le Brésilien Afonso Poyart et produite par six petits studios yankees, dans laquelle Anthony Hopkins traque un serial killer. 329 959 entrées en première semaine : c’est le deuxième meilleur score de 2015 pour le distributeur SND, derrière Divergente 2 – L’Insurrection, alors que Prémonitions (paraîtil dérivé d’un script de Seven 2) n’est même pas sorti aux États-Unis et s’est méchamment planté en Angleterre. SND, qui n’a pas montré le film à la presse pour éviter toute critique, a orchestré une promo massive à la radio. Tout cela démontre la popularité d’Anthony Hopkins en France, surtout quand l’ombre du Silence des agneaux plane sur ses films (Le Rite avait fini à plus de 800 000 entrées dans l’Hexagone) et confirme que septembre-octobre est une période un peu creuse en thrillers faciles. SND avait bien vu : il y avait de la place pour Prémonitions. SYLVESTRE PICARD

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un nouvel empire PHOTO LUCASFILM 2015

Star Wars 007, c’est ici, c’est maintenant, avec plein de gens qu’on ne connaît pas mais aussi Han Solo, R2-D2 et Luke Skywalker en personne. Malgré le retrait de George Lucas, une troisième génération s’apprête à succomber au pouvoir de la Force. Mais de quel côté la toute-puissante Walt Disney Company la fera-t-elle pencher ? Ce n’est pas encore très clair...


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un nouvel empire

Finn (John Boyega).

Rey (Daisy Ridley).

Tout le monde est content, et il faut prendre cette expression au pied de la lettre. Depuis le 16 avril, toutes les personnes du monde entier sont contentes. Le premier trailer du nouveau Star Wars a été adoré. Il faisait « vionngggggggg ! » comme un sabre laser, il faisait « ktchhhhhh... fwhooooooh... » comme la respiration de Vador, il faisait « psssiouuu ! pssssiouu ! » comme un X-Wing, et Luke S. nous parlait (lire page 40). Il nous parlait d’une voix d’un autre âge, le sien, le nôtre, l’âge de La Guerre des étoiles. Six mois plus tard, le trailer « final » a enfoncé le clou. Voilà, tout le monde est fou de joie, Han Solo et Chewy sont à la maison, et J.J. Abrams peut être rassuré. Il s’est acquitté avec générosité de la première mission qui lui était confiée : faire plaisir. Caresser le fan dans le sens du poil, une occupation quelque peu onaniste pour lui, le fan numéro 1 de la saga, le Tarantino des années Lucas/Spielberg, notre représentant. Star Wars revient, trois ans après la vente de Lucasfilm à Disney. Première observation : ils ont été vite, très vite. Deuxième observation : ils ont l’air d’avoir bien fait les choses. Lucas avait vendu 32 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

ses précieux « traitements » pour la nouvelle trilogie, écrits selon la légende au début des années 70, ou bien au début des années 80, ou alors à la fin des années 90, ou encore juste avant la cession de sa boîte. Les versions divergent. Il a donc « généreusement » fait don d’une trentaine de pages contre quatre milliards de dollars. Mais J.J. et Bob Iger, le chairman de Disney, ont considéré que ses idées n’étaient pas si terribles, et qu’on pouvait donc les jeter à la poubelle puisqu’ils en avaient de meilleures, virant au passage Michael Arndt, le premier scénariste choisi. « Manifestement, ils ont trouvé qu’il y avait mieux à faire que de suivre mes ébauches d’histoires et je suis à fond derrière eux », a fait savoir George, beau joueur, avec sa dégaine de vieil Ewok grisonnant plein de sagesse. Avant d’ajouter (selon ses représentants) qu’il était « très excité à l’idée d’être pour la première fois de sa vie surpris par un Star Wars, quand il ira le découvrir en salles en décembre, comme tout le monde ». Il est libéré, George. Comme si en vendant Star Wars à Disney, il avait récupéré son âme en échange.


La Force est à eux Ils sont les nouveaux piliers de la franchise et ont juré à la planète fans qu’on pouvait compter sur eux.

Bob Iger Le monde a découvert le visage du PDG de Disney lors de la vente de Lucasfilm par George Lucas en octobre 2012. C’est Bob, tout sourire, qui tenait le stylo au nom de Mickey. Ils se connaissent depuis 1991 :

Kathleen Kennedy La garante de l’esprit Lucasfilm était surtout jusqu’à présent la plus fidèle collaboratrice de Steven Spielberg. Chargée de s’occuper du « cas

Iger bossait pour la chaîne ABC et avait donné le feu vert à la série télé Les Aventures du jeune Indiana Jones, produite par George. Cette année, Bob Iger a validé deux parcs d’attractions Star Wars, dans deux Disneyland.

John Belushi » sur le plateau de 1941, elle a gravi un à un les échelons de l’industrie, jusqu’à devenir la femme la plus puissante de Hollywood aujourd’hui.

Le général Hux (Domhnall Gleeson).

Pour le public, il y a plusieurs façons de prendre pareille nouvelle (l’éviction de Lucas, la prise de pouvoir par Disney, la mise sur orbite du metteur en scène fan J.J.), et chacune de ces réactions pourrait être résumée par le titre d’un des épisodes de la saga. Essayez, c’est rigolo : la menace fantôme, l’attaque des clones, la revanche, le retour, ils marchent tous. Mais les plus adaptés restent au choix « un nouvel espoir » ou « l’empire contre-attaque », selon que l’on est optimiste (le retour de SW débarrassé de ce gougnafier de Lucas ! Enfin !) ou plus circonspect (Horreur ! La corporation Disney s’approprie les héros de notre enfance !). Un nouvel empire, alors ? Oui, voilà qui ressemble à un compromis acceptable pour décrire la situation.

PEOPLE VS GEORGE LUCAS PHOTOS LUCASFILM

J.J. Abrams Lors de la convention Star Wars, en avril dernier, un joli court métrage à sa gloire a été projeté : on le voit gamin jouer avec les figurines de la saga sous le soleil californien

des années 70. Fidèle padawan de l’omniprésent Spielberg, J.J. Abrams est le symbole même de la génération nourrie à Star Wars. Celle qui va désormais prendre la relève, et les commandes.

George Lucas out of the picture(s), ça n’a l’air de rien, ça aurait même presque l’air d’une bonne nouvelle, mais l’équilibre des forces – de la Force – pourrait s’en trouver ébranlé. En réalité, la terre entière a des raisons d’en vouloir mortellement à Lucas, un divorce consommé depuis les éditions spéciales trafiquées de 1997 ou depuis Jar Jar Binks (1999) pour le plus grand nombre ; depuis les Ewoks en 1983 pour les plus précoces, depuis le « noooo » de la poupée Vador en 2005 pour les plus résistants. De manière consciente NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 33


unnouve un nouvel empire

La vieille garde

Le capitaine Phasma (Gwendoline Christie).

Trois vétérans de la trilogie garantissent le raccord avec le bon vieux temps : le sound designer Ben Burtt (le sabre laser, le souffle de Vador, Chewbacca...), le compositeur John

Rick Carter Production-designer officiel de Spielberg depuis Jurassic Park, il sera en charge de remettre à jour le look des premiers Star Wars, ceux en « dur » et ceux

Williams (au bord de la retraite, mais fidèle au poste, à 83 ans) mais aussi Lawrence Kasdan, auteur de la forme définitive du script de L’Empire contre-attaque. Un super coup pour rassurer les fans.

« dé-spécialisés », et de faire oublier à jamais les viennoiseries numériques et les décors en fond vert de la prélogie. Un job de faussaire, quelque part entre le fan service et l’exercice de style.

George Lucas Ah bah non mince, ils l’ont remercié, lui, le creative consultant. Que la force soit avec toi, George !

Poe Dameron (Oscar Isaac).

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PHOTOS LUCASFILM 2015 / IMAGINECHINA

Rey met BB8 en filet.

ou inconsciente, tous les fans de la saga (en gros, le monde entier) entretiennent depuis l’enfance avec le « créateur » un rapport amour/ haine fondé sur un conflit d’intérêts, génialement raconté il y a cinq ans dans le documentaire The People vs George Lucas, d’Alexandre O. Philippe. En gros, les termes de la question sont les suivants : Star Wars appartient-il à Lucas ou à ses fans ? À celui qui a créé cet univers ou à ceux qui ont choisi d’en faire l’acte de naissance d’une génération ? Autrement dit, Star Wars appartient-il à George Lucas ou appartient-il à tout le monde ? C’est désormais The Walt Disney Company qui détient la réponse à cette question...

LE MEILLEUR DES MONDES La stratégie qui a présidé au lancement de la nouvelle trilogie répond à la recherche d’équilibres très subtils. Lucasfilm a été vendue avec à sa tête Kathleen Kennedy, censée incarner si ce n’est la fidélité aux intentions initiales de Lucas, du moins l’intégrité d’une saga à

laquelle elle n’a pourtant jamais été associée auparavant, elle qui a fait l’essentiel de sa carrière auprès de Steven Spielberg. De son côté, on l’a dit, Abrams incarne la « voix du peuple », la promesse que, cette fois, les fans ne se sentiront pas trahis, puisque c’est l’un d’entre eux qui est aux commandes. Pour le reste, c’est la parole au marketing (teasers, trailers, teasers de trailers) et le silence radio : personne ne parle à la presse, si ce n’est les jeunes acteurs soumis au secret le plus absolu (lire interview de John Boyega, page 37). Au-dessus de la mêlée, les cadres de Disney font profil bas, se contentant de gérer avec doigté, soin et respect le Star Wars universe : les produits dérivés, les jeux, les spin-off, les suites. Ne pas se tromper, cependant : le job de Bob Iger n’est pas de produire de grands Star Wars mais de faire monter le cours des actions de la Walt Disney Company. Il se trouve simplement que, pour un temps au moins, les deux ne sont pas incompatibles et qu’ils sont même liés. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce monde NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 35


unnouve un nouvel empire

Un pilote de TIE nouveau style.

BB8, nouvelle icône droïde.

où une seule et même compagnie cumule les propriétés des dessins animés les plus universels, de Pixar, de Marvel et de Star Wars, ce qui ressemble à une OPA généralisée sur l’imaginaire enfantin, du moins dans sa traduction cinéma. Pour l’instant, comme si les responsables du marketing s’en rendaient compte, le château de la Belle au bois dormant n’a pas été mis sur les trailers de l’Épisode VII. Mais le 16 décembre, il sera sans doute là, juste avant John Williams et le générique défilant, comme symbole d’un monopole qui menace à tout moment de faire pencher la balance du côté obscur.

DES NOMS QUI RASSURENT Mais jusqu’à présent, personne n’a à se plaindre. Tout le monde est content. Le changement de cap dans le processus d’écriture s’est accompagné du rappel de Lawrence Kasdan, vieux complice de Lucas et coauteur des scénarios de L’Empire contre-attaque et du Retour du Jedi, pas les plus pourris – les deux seuls films de la série que Mister George n’a pas réalisés jusqu’ici. Une troisième 36 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

génération s’apprête à se prendre les sound designs de Ben Burtt et la musique de John Williams dans les oreilles, des noms qui rassurent et font du bien, des noms auxquels on se raccroche en l’absence de l’homme sans lequel rien de tout cela n’aurait été possible. Quelque chose nous dit que Le Réveil de la force va être fantastique, parce que chacun a intérêt à ce qu’il le soit et parce que le seul type qui pouvait s’autoriser à tout gâcher n’est plus dans le coup. Mais quelque chose nous dit aussi qu’il va nous manquer, le « créateur », ce « grand marchand de jouets » qui, comme son devancier Walt, rêvait d’indépendance, de succès et d’étoiles (lire page 46) et qui s’y est retrouvé enfermé malgré lui pendant quatre longues décennies. Il est libre, George, et il regarde tout ça de loin. Si l’Épisode VII est nul, il n’y sera pour rien, et on ne saura même pas sur qui balancer nos tomates pourries. Et si le film est formidable, il lui manquera toujours un petit quelque chose. Pas la légitimité, mais un socle, un repère, un papa. Et c’est important, ça, un papa. Ce n’est pas Luke GUILLAUME BONNET Skywalker qui nous contredira.

PHOTOS LUCASFILM 2015 / CHRISTOPHER BEYER/GETTY

Les X-Wings en formation.


« C’est quoi le titre du film déjà ? » En exclusivité pour Première, John Boyega, nouveau poster boy de Star Wars, essaie de répondre aux questions en s’efforçant de ne surtout pas répondre aux questions. Le secret de la Force est entre de bonnes mains.

PREMIÈRE : Ton père est pasteur. Est-ce que cela a joué dans ta formation d’acteur ? JOHN BOYEGA : En fait oui, je crois. Je dis

toujours que c’est un peu comme avoir Obi-Wan Kenobi pour papa. Tu sais, un père facile à vivre, doux, qui était très attaché à la dimension spirituelle de la vie... Son côté mentor, enseignant, m’accompagne tous les jours. C’est amusant parce que tu as un faux air de Denzel Washington...

C’est ce que tout le monde dit. Et ? ... et que Denzel répète souvent qu’il va prendre sa retraite et devenir pasteur.

(Rire.) Tu sais qu’il y a une rumeur sur le Net qui prétend que je suis le fils caché de Denzel Washington ? Il faudrait lui

demander de venir jouer dans les suites de Star Wars. Sérieusement, c’est un de mes comédiens préférés, mais dans ma façon d’aborder ce métier, les acteurs ne sont pas des role models. Les personnages, oui. Justement, tu as déclaré dans une interview que l’histoire du Réveil de la Force faisait écho à celle du premier film de 1977. Surtout l’arc de Luke Skywalker et de Han Solo. Tu peux préciser ?

C’est principalement une question de ton et de rythme du film, mais aussi de la manière dont les personnages parlent. Les dialogues sont vraiment très marrants, très énergiques, très dramatiques – dans le sens où ils font avancer l’intrigue... Ce qui est carrément dans le même esprit que l’original. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 37


un nouvel n puve empire e e Tu joues donc le nouveau Han Solo du Réveil de la Force ?

C’est ce que les rumeurs disent. Je ne sais pas. Après le tournage ils ont utilisé le gadget de Men in Black pour effacer les souvenirs de toute l’équipe. C’est quoi le titre du film déjà ? On va parler du blouson de ton personnage, alors. Il est vraiment cool. De grands héros de cinéma ont des blousons cool. Mad Max, Ryan Gosling dans Drive...

Le mien est un vrai miracle de design. Il est hyperstylé, mais il est en même temps hypersimple. J’espère qu’il va devenir le symbole fashion de la nouvelle génération Star Wars. Mais ce blouson joue aussi un rôle très important dans l’histoire. Comment ça ?

(Silence.) Ce blouson a des secrets. Dans la bande-annonce, on voit Poe Dameron (Oscar Isaac) le porter lui aussi…

Alors il est à qui ? À toi ou à Oscar ?

Je ne peux pas te le dire. Seigneur ! Ça pourrait dévoiler toute l’intrigue du film ! À en juger par les trailers, le film a l’air assez sombre.

Il y a des scènes assez intenses, c’est sûr. Mais il est aussi fun, joyeux et inspirant que les précédents. Les films originaux (la première trilogie) ont vraiment servi de modèle pour arriver à équilibrer l’humour, l’action et le drame. Et donc, tu manies le sabre laser...

Sur le sabre laser, voilà ce que je peux te dire : il est bleu, tu peux faire des moulinets, apparemment tu peux découper les gens comme du beurre avec... Et il fait un bruit hyper badass. Tu sais que, selon la légende, Samuel L. Jackson a eu le droit de choisir la couleur de son sabre laser ? Il voulait une teinte inédite... Il a donc pris le violet. Toi aussi, tu as eu le droit de choisir ?

Sérieux ? La chance ! J.J. Abrams a décidé pour moi. Bleu, tout bêtement. Tu m’aurais demandé, je l’aurais pris noir. Un sabre laser noir avec une consistance genre fumée... Je ne sais pas comment ils peuvent faire ça visuellement, mais je suis sûr que ça pourrait dépoter.

On te livrait tes pages du scénario, tu devais les apprendre et le livreur attendait dans ta loge que tu aies fini pour les récupérer...”

38 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

As-tu déjà signé pour les Épisodes VIII et IX ?

Pour l’instant, je me concentre sur la promo de l’Épisode VII et ma tête est déjà dans le film de SF, The Circle, que je m’apprête à tourner avec Emma Watson et Tom Hanks. Après, qui sait ? On a entendu parler de ton personnage de Star Wars pour la première fois en septembre avec le jouet Finn, qui s’exprime avec l’accent américain…

En fait, j’ai passé l’audition avec l’accent anglais et avec l’accent américain – l’accent standard de Tatooine, comme je l’appelle. Et c’était marrant parce que je me sentais plus à l’aise avec l’accent américain qu’avec mon accent d’origine.

Que devais-tu faire pendant ton audition ?

Avant d’y aller, je me suis passé en boucle les essais de Harrison Ford et de Mark Hamill pour La Guerre des étoiles. C’était très intéressant de voir naître leur future relation. Cela m’a donné une base solide. Ensuite, pour l’audition, je devais parler avec Daisy Ridley. C’était assez simple. Dans le film, on court beaucoup ensemble. Il y a plein de scènes de course. Je n’arrête pas de cavaler... Il faut parler du secret qui a entouré le tournage. Comment ça se passait à ton niveau ?

Parfois tu devais rendre le scénario à la fin de la journée. Et, d’autres fois, on te livrait tes pages, tu devais les apprendre et le livreur attendait devant ta loge que tu aies fini pour les récupérer... Mais on savait où on allait. À la fin du tournage, J.J. a demandé à ce qu’un trailer de trois minutes soit monté et projeté juste pour l’équipe. La vache ! Cela nous a bluffés. Et ça nous a soudés à jamais. Il paraît que tu as pleuré en lisant le scénario.

Oh, oui, absolument. Bon, ce n’était pas des larmes version grandes eaux mais plutôt les yeux humides du début jusqu’à la fin. Et ne t’inquiète pas, ce n’était pas parce qu’il était bidon. Le scénario est génial. Voir le nom de son personnage cité tellement souvent dans un film appelé à devenir légendaire, c’est surtout ça qui m’a ému. (Rire.) Tu as plutôt bien réagi aux attaques racistes en écrivant « faites-vous une raison » à ceux qui disaient qu’un stormtrooper ne pouvait pas être Noir. Mais qu’as-tu vraiment ressenti ?

Pas de colère, pas de tristesse. J’ai surtout apprécié le fait que plein de fans me soutiennent. Tu te raccroches aux réactions positives et tu réfléchis à la meilleure façon de répondre aux gens haineux. Le mieux était de leur faire comprendre qu’ils allaient quand même apprécier le film.


Ça me fait penser aux réactions sur l’hypothèse Idris Elba en James Bond.

Tu as gardé propre ton sabre après le tournage ?

Comment as-tu découvert Star Wars ? En VHS. J’avais 8 ans quand La Menace

Oui, j’ai vu sa réponse, à mourir de rire. Il serait fantastique en 007. Il tuerait le rôle. Mais que te dire ? Le monde change, on ne peut pas aller contre. Je compte faire une vente de charité pour réhabiliter les Ewoks, Charity for Ewoks. Pour qu’ils soient présents dans un prochain Star Wars.

J’aurais préféré piquer celui d’Adam, le rouge en forme de croix.

fantôme est sorti, mais je ne l’ai pas vu en salles. En fait, je n’ai vu aucun Star Wars sur grand écran. Je ne suis même pas allé à Secret Cinema (un happening à Londres où l’on projette un film culte dans un décor spécial : cette année, c’était “L’Empire contre-attaque”) . En fait, je me réserve pour Le Réveil de la Force. Le premier Star Wars que je vais voir au cinéma, je joue dedans !

Comment se sont passées tes séances d’entraînement au sabre laser ?

PHOTOS DR

En fait, sur le plateau, je maniais une épée lumineuse – je passais mon temps à jouer avec, à dégainer, Daisy me regardait l’air consterné. Sinon, j’ai surtout effectué des mouvements de défense.

Tu affrontes Kylo Ren en combat ?

On joue des scènes ensemble. Tu as vu les teasers : il est dans une forêt enneigée, je suis moi aussi dans une forêt enneigée... On ne sait jamais. Il y a des scènes... avec des gens. Tu peux nous dire si Kylo Ren est le nouveau Dark Vador ?

C’est un bad guy très massif. Comme Vador. Mais les méchants sont très variés. On a Phasma, Snoke interprété par Andy Serkis. Ils jouent chacun un rôle important.

Pour finir, quelle est la scène la plus dingue de Star Wars VII ?

La scène la plus dingue ? Tu crois vraiment que je vais te la raconter ? INTERVIEW SYLVESTRE PICARD

J.J. Abrams dirige le tir de John.

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 39


un nouvel empire


Le Faucon Millenium dans le nouveau millĂŠnaire.


un nouvel empire


La boucle est bouclée. On avait commencé sur Tatooine, les deux pieds dans le sable, à contempler un double coucher de soleil mélancolique. Le jeune fermier en kimono essayait de regarder au-delà ; il se languissait d’espace et d’aventures... Et nous voici, trente-huit ans plus tard, à scotcher sur les allers et venues du même Skywalker. Le Jedi supremo, l’homme qui marchait dans le ciel. Où est Luke ? À quoi ressemble-t-il aujourd’hui ? Et pourquoi n’estil pas sur l’affiche ? Partout sur la planète, des adultes responsables prennent sur leur temps de travail pour éplucher le dernier matériel promo du Réveil de la Force, à la recherche d’indices. L’absence marketing de Luke dans la toute dernière ligne droite est forcément la clef des enjeux du film. Les théories fusent, certaines un peu moins folles que les autres : Luke abandonne la Force, Luke passe du côté obscur, Luke vit en ermite déguisé en Ewok... Il semblerait que Lucasfilm ait réussi son coup.

Maître Luke

PHOTO LUCASFILM

On avait presque oublié que le héros de La Guerre des étoiles, c’est lui. Après trente ans passés dans le grenier de la pop culture (dans les oubliettes pour Mark Hamill), Luke Skywalker est de retour pour réaffirmer son héritage et sa grande beauté romanesque. Replacer Luke au cœur de la discussion n’a pas dû demander un effort d’imagination gigantesque à J.J. Abrams et Lawrence Kasdan. Il suffit de mettre Star Wars à plat pour se rendre compte qu’il n’y a qu’un seul héros dans cette histoire de succession ying/yang : le gamin à la coupe de douille qui embrasse sa sœur et « tue » son père. Le fermier avec un Œdipe gros comme Alderan. Les trente dernières années, pourtant, ont essayé de nous convaincre du contraire. Longtemps, Star Wars a moins été une série de films qu’un patrimoine à entretenir, un univers à catégoriser, et toutes les raisons de regarder ailleurs sont devenues bonnes à explorer. Han Solo était plus cool, il avait un pistolaser, donc Han était le héros. Boba Fett avait une fusée dorsale et ne parlait pas ; c’était lui, le héros. Mais Anakin Skywalker a quand même eu trois films dont il est le héros, donc c’est lui le... (Et puis quoi encore ?). Star Wars, c’était le design des X-Wings, la « monstrueuse » diversité des figurants, les bruits « bip-bop » créés par Ben Burtt, la fanfare symphonique de John Williams... Tout, sauf Luke Skywalker. Le moment où Abrams

et ses troupes ont dévoilé le second trailer du Réveil de la Force est celui où le monde entier a commencé à s’impliquer. Bien, l’apparition de Solo et Chewie à la fin. Sympa. Mais les frissons dans le dos, les effluves classics, c’est la voix off de Luke qui les envoie. Familière, onctueuse, comme dans un rêve. « The Force is strong in my family. » Voilà, ça, c’est Star Wars (les bruits « bip-bop » et la fanfare aident pas mal). Le pouvoir d’évocation, la force du storytelling... Tout est là.

YOU HAVE THAT POWER TOO En 2015, Mark Hamill devient par un étrange effet boomerang le secret le mieux gardé de la planète cinéma. Un privilège qui doit lui sembler inouï. Et une belle revanche pour ce comédien de sous-culture qui, malgré l’anonymat des années post-Retour du Jedi, n’a jamais cessé de travailler. Jusqu’à s’imposer comme l’un des « acteurs de voix » les plus côtés du métier (son Joker dans les longs métrages animés DC et la série de jeux Arkham est authentiquement renversant). Cette voix, cette capacité à incarner un personnage ou une idée par des

harmonies, est son outil premier. En 1977, à l’âge de 26 ans, il avait la gueule de l’emploi, une bouille de jeune acteur d’opérette, le parfait Prince Valiant (de l’espace). On ne sait pas encore de quoi il aura l’air à 64 ans (la balance penche pour vieil ermite encapuché à la ObiWan) mais son timbre de voix si nasillard, si romantique, conjure aussitôt l’exubérance juvénile du fermier de Tatooine. On reconnaît dans le court extrait entendu le conteur né qui dialoguait seul dans l’espace avec R2-D2. Leur relation est l’une des plus spéciales de la saga. Une succession de « bips-bops » interrogatifs et de pensées rêveuses à moitié ébauchées. Le Jedi et son droïde sont de nouveau réunis dans Le Réveil de la Force (R2 comme unique compagnon à l’autre bout de la galaxie ?) ; l’écho de leurs longues conversations décousues a parcouru l’univers et nous arrive enfin. Skywalker n’est plus le rêveur idéaliste de l’histoire, ce rôle revient à Rey (Daisy Ridley), pilleuse d’épaves sur la planète Jakku. Il semble admis à ce stade qu’elle est la fille de Leia et de Han Solo, la nièce de Luke, Jedi en puissance (« You have that power too »), connectée d’une manière ou d’une autre au destin de son oncle. Un passage de flambeau on ne peut plus littéral : les héros d’hier font les légendes d’aujourd’hui. Finalement, après des décennies de silence radio, le nom de Luke Skywalker a pris dans la galaxie Star Wars la signification biblique qu’il a dans le monde réel. Intuition : son rôle dans l’Épisode VII se bornera à un guest fantôme (une apparition finale ?), avant de s’étoffer dans les épisodes subséquents. Promettre, teaser, faire durer. C’est l’essence du cinéma blockbuster d’aujourd’hui, particulièrement celui de J.J. Abrams. C’est l’essence de Star Wars. Welcome back, Maître Luke. BENJAMIN ROZOVAS NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 43


unnouve un nouvel empire

Une galaxie plus si lointaine

Cinq films en production, étalés sur les cinq prochaines années : Star Wars passe en hypervitesse ! En cherchant à s’agrandir, l’univers créé par George Lucas ne risque-t-il pas plutôt de rapetisser ?

Josh Trank est la première victime officielle du Nouvel Empire. D’après les rumeurs, il aurait été évincé du poste de réalisateur sur le spin-off de Boba Fett après avoir connu certaines difficultés relationnelles sur le tournage des 4 Fantastiques. Comprenez bien : il n’a même pas touché à Star Wars, ou alors à un stade préparatoire, mais il en subit quand même le préjudice. Le simple fait d’y avoir été associé a suffi à créer sur Internet le mythe de l’auteur casse-bonbons inexpérimenté, de l’élément indésirable que Lucasfilm préfère mettre à distance pour protéger ses intérêts – même si rien de tout cela n’est fondé (Trank prétend que l’expérience Fantastiques l’a vidé). On ne saura jamais la vérité. Une chose est sûre : ça n’empêche pas la machine Star Wars de tourner. Kennedy et ses hommes ont des films à faire, et des échéances à honorer. Cinq long métrages sont actuellement à différents stades d’avancement chez Lucasfilm, plus deux dans les starting-blocks (dont le fameux Boba Fett). Soit un Star Wars par an jusqu’en 2022, parce qu’on l’a bien cherché. Rian Johnson et Colin Trevorrow succèdent à Abrams sur les épisodes VIII et IX, tandis que Gareth 44 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

Edwards sera le premier à tester, dès l’année prochaine, la nouvelle collection « hors format » (dite Star Wars Anthology) avec Rogue One, l’histoire d’une poignée de misfits de la rébellion (dont Ben Mendelsohn et Donnie Yen) en mission pour voler les plans de l’Étoile Noire. Chris Lord et Phil Miller (21 Jump Street, Lego Movie) héritent quant à eux du film solo sur, euh, Han Solo, dont on nous promet qu’il révélera « la face cachée de l’irrésistible brigand que Luke et Obi-Wan rencontreront sur Tatooine » (Star Wars, pour l’instant, est une galaxie de communiqués de presse)...

TOUT EST PERMIS Tous ces jeunes réalisateurs relativement verts dans le cinéma de blockbuster ont environ deux ans et demi pour finir le job, ce qui correspond au temps alloué à Abrams sur l’Épisode VII. Lord raconte que lorsqu’il a demandé à Kennedy de décaler la sortie de Han Solo de mai à décembre 2018, celle-ci est partie dans un ravissant fou rire : « Aucune chance ! a-t-elle répondu. Mais la Force est avec toi ! » À ce jour, le remplaçant de Josh Trank sur Boba Fett n’a pas été annoncé.


PHOTOS LUCASFILM 2015

Cela va donc arriver plus vite qu’on ne croit. Et ça va faire drôle, sinon mal. En donnant accès aux recoins jusque-là inaccessibles de sa galaxie, Star Wars brise les ponts avec la famille Skywalker et cesse de n’être qu’une histoire de princesses et de chevaliers (un conte de fées dans l’espace) pour devenir une multitude d’autres choses. Un film de casse (Rogue One), une comédie d’action (Han Solo), un western (Boba Fett) ? Tout est permis. La saga n’a pas attendu le cinéma pour se donner des airs d’Univers. Le phénomène a cours depuis plus de trente ans dans les marges de la pop culture, à coups de BD, de romans, de jeux vidéo et de dessins animés par millions. Un ensemble narratif aujourd’hui considéré « hors canon ». À quelques exceptions près (les romans de Timothy Zahn, les cartoons The Clone Wars, de Tartakovsky), ces tentatives d’augmentation n’ont jamais très bien fonctionné. Le talent de leurs auteurs n’est pas nécessairement en cause, plutôt la nature de la bête. La grandeur de Star Wars réside dans l’insignifiance absolue de ces petits détails qui déclenchent l’imaginaire. Parce que la vue est limitée, l’esprit aide à reconstruire un monde plus vaste. Combien ont

fantasmé (ou suis-je le seul ?) sur cette réplique lâchée par Han Solo au détour d’un dialogue de L’Empire contre-attaque à propos d’un « chasseur de primes déjà croisé sur Ord Mandell » ? Quel chasseur de primes ? Quand ? Et que s’était-il passé sur Ord Mandell ? On ne l’apprit que des années plus tard, dans un triste livre audio intitulé Mission sur Ord Mandell (ce fut un mercredi pluvieux). Chaque ligne de dialogue de la trilogie originale, chaque élément de décor, chaque vaisseau au fond du hangar, chaque monstre caché dans l’orchestre, porte en lui les germes d’une histoire et d’une franchise potentielles. Lorsque vous commencez à remplir la galaxie, celleci a tendance à rétrécir. Un problème dont George Lucas lui-même fit l’expérience sur la prélogie. Mais c’est aussi la nature de la bête que d’ouvrir des perspectives, de promettre des visions, du design, et de donner à imaginer plus, toujours plus. Quelque part, l’offre foisonnante de films à venir inspire « un mauvais pressentiment », mais on se fera, bien sûr, un devoir de l’examiner en détail. Le fan de Star Wars n’a jamais su faire la différence entre ce qu’il désire (tout, tout de suite !) et ce qui est bon pour lui. B.R. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 45


unnouve un nouvel empire e p e En 2012, le rachat de la compagnie de George Lucas par la corporation fondée par Walt Disney a été l’aboutissement logique de deux trajectoires humaines, artistiques et industrielles étrangement similaires.

Stars Walt

Les mômes adorent la prélogie Star Wars. Ils aiment Jar Jar Binks, la blanche Padmé, le sombre Anakin, Maître Yoda qui se bat en faisant des pirouettes, Nick Fury muni d’un sabre laser, les bisous bucoliques dans les prés numériques et les conversations dans le Sénat intergalactique (avec E.T. en caméo, ça les fait rire). C’est indiscutable : George Lucas sait parler aux gosses. Walt Disney le faisait très bien aussi. Lui aimait dire qu’il faisait des films « non pas pour les enfants, mais pour la part d’enfance qui sommeille en chaque adulte ». Comme George, Walt était un sacré bonimenteur, un marketeur pépère qui savait dissimuler son génie du merchandising derrière un grand credo artistique. Ces deux-là sont parvenus mieux que quiconque à ne jamais s’aliéner leur public prépubère, même au moment où leur propre pilosité se mettait à grisonner sévère – contrairement au wonderboy Spielberg, à la fois héritier de l’un et cousin de l’autre, et qui enquille désormais, au crépuscule de sa carrière, les films pour adultes. Le cinéma de Walt Disney a refusé de grandir en même temps que ses fans, celui de George Lucas aussi. On a toujours pardonné à l’un, jamais à l’autre, parce qu’il 46 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

y a eu ce moment où l’imaginaire enfantin est devenu un lieu sacré et plus seulement un terrain de jeu. Certains ont appelé ça la « culture geek », d’autres le passage à l’âge adulte de l’entertainment, et l’Oncle Walt a sans doute bien fait de tirer sa révérence avant son éclosion. Il aurait vraiment eu du mal à imaginer une suite à Blanche-Neige. Il y a un paquet de points de jonction dans la vie des deux hommes. On peut les énumérer. Ils ont été élevés chacun dans la foi chrétienne et la tradition provinciale par des papas brutaux et toxiques, qu’ils détestaient cordialement. Ils ont connu une trajectoire qui a dévié, après un accident à l’adolescence (pied broyé pour Walt, crash en bagnole pour George) les tenant l’un et l’autre alités pendant de longues semaines et les obligeant à se plonger dans la lecture pour en ressortir transfigurés – et persuadés que leur destin ne se résumerait plus à reprendre la petite affaire familiale. Deux épiphanies sur un lit d’hôpital. Et puis après ça, les années d’apprentissage, de galère, d’humiliations quotidiennes connues au cœur de l’industrie, et enfin une vision qui changera tout : Mickey d’un côté,

Star Wars de l’autre. Leurs biographes, divers et nombreux, ont beau nous raconter que ces créations étaient aussi, voire surtout, celles de leurs âmes damnées (Ub Iwerks dans un cas, Gary Kurtz dans l’autre), l’histoire, elle, s’en contrefout ; elle archive. Et compte les billets. Ce que Lucas et Disney ont réussi à fonder ensuite, c’est un empire, ou tout du moins un studio. Un rêve un peu hypertrophié pour ces deux grands nerds, mais surtout un espace où leur créativité pourrait s’exprimer librement, indexée à un cahier des charges, peut être, mais dont ils auraient défini eux-mêmes les contours. Sans devoir rendre de comptes à qui que ce soit. Plus jamais. Étrangement, c’est pile à ce moment-là que les deux ont lâché leur poste de réalisateur, de bête créative, pour devenir les superviseurs de leur propre héritage : les doux poètes qui luttaient contre l’ordre établi et les diktats se transformaient en producteurs, et surtout en trademark. Des gestionnaires. Des patrons d’industrie. Une obsession de jeunesse restait néanmoins intacte : pousser la technologie dans ses derniers retranchements pour chaque film. Il ne leur restait plus que ça de leurs rêves de mômes.

DEUX DÉMIURGES De Charlie Chaplin avec United Artists, à Steven Spielberg via DreamWorks, en passant par Francis Ford Coppola et son Zoetrope, un paquet de réalisateurs hollywoodiens ont cherché à préserver leur intégrité artistique en imaginant et en montant une structure qui leur garantirait une totale indépendance. Les seuls à ne pas avoir connu la défaite se nomment Walt Disney et George Lucas. Que l’un ait fini, post mortem, à avaler l’autre, postretraite, semble tomber sous le sens de l’histoire. Cette union raconte surtout les parcours


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symétriques de deux démiurges, obsédés l’un et l’autre par la confrontation entre le bien et le mal, et qui ont fini par devenir l’exact opposé de leurs aspirations (Walt Disney broyant ses animateurs à la moulinette ; George Lucas devenant, comme son papa honni, un simple marchand de jouets). Il y a indéniablement un terreau mythologique à l’intérieur de ces trajectoires-là, un mouvement semblable à celui dont se nourrissaient Disney et Lucas dans leurs œuvres. Un univers peuplé de symboles psy, de preux chevaliers travaillés par les forces obscures, de liens familiaux retors, et de catharsis qui ne se produiront jamais. Cela pourrait donner un superfilm. Sûr que les FRANÇOIS GRELET mômes adoreraient ça. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 47


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un nouvel n puve empire e e

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rencontre

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Un western qu’elle a elle-même produit, un Terrence Malick (et bientôt deux), un premier film comme réalisatrice adapté d’Amos Oz et l’ombre de Star Wars qui la ramène à Padmé Amidala : en cette fin d'année, Natalie Portman est sur tous les fronts. Prête pour le saut de l’ange qui donnera sens à sa carrière ?

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PHOTO JEAN-FRANÇOIS ROBERT / MODDS

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En 1999, Natalie Portman a 18 ans et décide de faire un break. Elle quitte Hollywood direction le campus : « Ça m’est égal de savoir si la fac ruinera ma carrière. Je préfère être une fille intelligente plutôt qu’une movie star. » confie-t-elle au New York Post. La phrase, reprise dans toute la presse, affirme le caractère d’une jeune femme qui sait ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut déjà plus : bâtir sa carrière uniquement sur son potentiel de séduction. Superstar révélée à 13 ans dans un film de Luc Besson, princesse rebelle pour George Lucas, Natalie est donc, au tournant des années 2000, cette poster girl qui refuse d'être punaisée au mur. Au cours des dix années suivantes, elle va tout faire pour changer son image. Incarner les femmes fragiles pour les grands auteurs world et indés ; s’affranchir de l’impératif glamour en refusant les blockbusters (ou en acceptant les grosses machines, mais « subversives » – V for Vendetta) ou encore en s’engageant pour les causes les plus diverses (les animaux, la paix au Moyen-Orient...). Il faut grandir. Vite. « Le succès est venu très tôt », nous confie-t-elle au téléphone. Peut-être trop. Il lui a fallu un peu de temps pour mûrir et savoir où elle voulait vraiment aller. Où ? De Wayne Wang (Ma mère, moi et ma mère) au pire Wong Kar-wai (My Blueberry Nights) en passant par Mike Nichols et Amos Gitaï, elle enchaîne dès lors les films sérieux. Pas des grands films, non. Ni même des succès. Juste des films sérieux, avec des réalisateurs sérieux, véhicules d’une star sérieuse.

SAUT DANS LE VIDE

Jusqu’à Black Swan, un drôle de film. Un thriller mental qui entend la « déglamouriser », l’œuvre où elle est censée apparaître moins star que jamais. Dans le rôle de la danseuse qui ne parvient pas à susciter le désir et vire totalement schizo, Darren Aronofsky la filme blafarde, émaciée et borderline. Une performance impressionnante (avec un Oscar à la clé), mais surtout, un succès. Un vrai. En devenant un hit mondial, cet objet arty lui redonne la place exacte qu’elle convoitait. Tout en haut, avec un grand film et la reconnaissance publique. Dans un cas pareil, le problème c’est la suite. Comment enchaîner ? Comment conserver son statut de reine de la promo ? À la fin du mois de novembre, le même jour, on verra Natalie à l’affiche de Jane Got a Gun, un mélo-western grand public qu’elle porte à bout de colt, et dans Knight of Cups de Terrence Malick, au bras de Christian Bale. Quelques semaines plus tard, la sortie du Réveil de la Force rappellera à tout le monde qu’elle reste à jamais, dans l’imaginaire pop, la reine Amidala. Enfin, on découvrira bientôt Une histoire d'amour et de ténèbres, son premier film en tant que réalisatrice, fresque sur la naissance d’Israël et le destin d’un enfant, qu’elle a tourné en hébreu. Au moment où l’on écrit ces lignes, elle joue sous la direction de Rebecca Zlotowski et s’apprête à rejoindre le cast de Jackie, de Pablo Larrain. Hyperactive Portman ? On est obligé de lui demander ce qui la fait courir : « Ça fait vingt-cinq ans que je travaille à Hollywood. Ça fonctionne par cycles. Parfois on te propose de bons rôles, mais à certains moments, c’est plus compliqué. » Réalisatrice ? Productrice ? Icône ? Natalie fait partie de ces nouvelles stars bien décidées à prendre leur destin en main et à ne pas se laisser dicter leur conduite par l’industrie. À la croisée des chemins, la star va devoir faire des choix ; des choix de fille intelligente. GAËL GOLHEN

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PHOTOS MARS DISTRIBUTION - DOGWOOD PICTURES - LUCAS FILM 2015

rencontre

Knight of Cups (2015) LE FILM : Troisième « épisode » de la veine autobiographique de Malick (après The Tree of Life et À la merveille), Knight of Cups est une divagation abstraite. Un cinéaste noie sa crise existentielle en multipliant les conquêtes féminines. Après avoir trompé Cate Blanchett avec Imogen Poots et Isabel Lucas, il tombe amoureux de Natalie Portman qui incarne, visage de porcelaine strié de larmes, la femme enfant douce et sensible. CE QU’ELLE EN DIT : « Malick m’a appris à me libérer de tous les rituels et à utiliser les erreurs. C’est un réalisateur incroyable ! On a l’impression qu’il vit les choses pour la première fois. Il semble découvrir le monde d’un œil neuf tous les jours. » CE QU’ELLE EN RETIRE : Après Wong Kar-wai, Anthony Minghella et Wes Anderson, Portman rajoute un autre auteur à son arc et reste une superstar du film d'art international. En se « pluggant » sur l’univers malickien, elle dit aussi que c’est à ce cinéma (fragile, évanescent, transcendental) qu’elle entend se raccrocher.


Jane Got a Gun (2015) LE FILM : Au départ, Lynne Ramsay devait réaliser un western féministe, mais elle a quitté le plateau le premier jour de tournage et laissé la productrice Portman dans l’embarras. Repris par Gavin O’Connor, le projet art-house packagé pour Cannes (Ramsay + Portman + Fassbender) se transforme en mélo tout public, avec Natalie seule rescapée du trio. Une histoire d’amour qui est aussi un véhicule pour la star. CE QU’ELLE EN DIT : « Ça a été compliqué de voir partir Lynne mais heureusement Gavin a su s’emparer du projet pour le faire

sien. Cette expérience m’a fait grandir. Je m’aperçois que c’est compliqué de trouver des femmes en position de pouvoir, et ce dans toutes les industries, pas juste à Hollywood. Il se trouve que j’ai pas mal de chance dans mon travail. » CE QU’ELLE EN RETIRE : Des déconvenues ? Une expérience ? « J’ai compris la difficulté et l’importance du métier de producteur. » Manière de dire que prendre le pouvoir à Hollywood et essayer d’influer sur l’industrie est plus compliqué que prévu. Et que, femme ou pas, ce boulot-là est semé d’embûches.

Une histoire d’amour et de ténèbres (2015) LE FILM : L’autobiographie du romancier Amos Oz, qui met en parallèle la création de l'État d’Israël et la fin de son enfance. CE QU’ELLE EN DIT : « Quand j’ai lu le livre d'Amos Oz, j’ai été intimement touchée. L’histoire de cette femme immigrée, c’est l’histoire de ma grand-mère. C’est l’histoire de ma mère. Et c’est mon histoire. Je suis la troisième génération immigrée et je comprends le paradoxe qui est au cœur du livre. L’immigrant idéalise dans un premier temps le lieu où il va, avant d'idéaliser le lieu d’où il vient. C’est l’histoire de ma famille et c’est pour cette raison que c’était si important pour moi de faire ce film. »

CE QU’ELLE EN RETIRE : En réalisant son premier film en hébreu, à partir d’un livre inadaptable et en s’octroyant le rôle de la mère dépressive, Portman multiplie les challenges comme pour affirmer qu’elle n’a peur de rien. Et prendre sa revanche dans les grandes largeurs sur le machisme hollywoodien ? Elle semble marcher sur les traces d’Angelina Jolie la réalisatrice. Sujet lourd et personnel, défi technique : l’idée est de ne plus être simple objet de désir. Présenté à Cannes, le film, un peu trop sage, n’a pas convaincu. Pas assez, en tout cas, pour pouvoir affirmer la naissance d’une cinéaste.

Star Wars (1999-2005) LE FILM : Elle n’est pas dans l'épisode VII (« en tout cas pas que je sache »). Mais, dans Jane Got a Gun, elle donne la réplique à deux anciens membres de la Force : Ewan McGregor et Joel Edgerton. À un mois de la sortie, impossible de ne pas penser à Padmé. CE QU'ELLE EN DIT : « J’ai très envie de voir Star Wars VII. Comme tout le monde ! Dans la rue, les adultes m’abordent pour Black Swan ou Leon, et les enfants pour Star Wars. » CE QU'ELLE EN RETIRE : Un rappel évident de son statut pop et de son aura de megastar. L’idée subliminale que, pour elle, tout a commencé ici et que rien ne pourra surpasser ça dans sa carrière.

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focus

terror Avec Made in France, Nicolas Boukhri ef aborde le djihad sous l’angle du thriller. Pour Première, il évoque la double difficulté de traiter en France de sujets qui fâchent et de faire des films de genre.


SUJET EXPLOSIF « Pour moi, c’était une évidence presque morale de faire un film sur le djihad à la suite de l’affaire Merah, qui m’a énormément marqué. Étant donné mes origines et mon parcours, je me sentais légitime pour traiter le sujet sans être suspecté d’islamophobie ou de fascisme. En étudiant la trajectoire de ce type qui, un jour, entre dans une école et tire sur des enfants à bout portant, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’un tueur en série, mais de quelqu’un qui se perçoit comme un soldat. Ce n’était pas le premier, ni le dernier, il y avait donc un sujet. Il fallait en parler, c’était important. Mais je ne me rendais pas compte à quel point ce serait difficile. Une fois lancé, j’ai mis des mois à trouver un producteur. Ensuite, on a eu un mal fou à obtenir le financement nécessaire, mais Canal+, en nous soutenant fortement, a permis que le

« Je vous assure, madame, on ne reconnaîtra pas votre appartement ! », tentions-nous d’expliquer. Il a donc fallu ruser. En trois jours, j’ai écrit une autre version de mon script sur une bande de jeunes qui font du trafic de fausse monnaie. C’est le même scénario, mais à la place d’armes et d’explosifs, il s’agit d’encre. J’ai tout réécrit en vitesse, ce qui a donné les pires dialogues imaginables. Mais c’était nécessaire pour obtenir les autorisations. Même pendant le tournage, l’équipe était inquiète. »

MIROIR DÉFORMANT « Peut-être que ce serait aussi compliqué de tourner un film sur le lobby du tabac. Je sais qu’un film sur Mediator se prépare, mais avec beaucoup de difficultés. En France, il y a un blocage sur les sujets qui fâchent. Peut-être

is me film existe. Une fois terminé, les distributeurs n’en voulaient pas. Il a fini par sortir en salles grâce à une amie cinéaste, Joyce A. Nashawati, qui en a parlé à son distributeur. Sinon, c’était directement la vidéo. »

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INTERDICTION DE TOURNER « C’est fou, la peur qui est liée à ce sujet. Certains acteurs ne voulaient pas en entendre parler. Au début des repérages, on allait se renseigner et demander des autorisations en mairie. D’emblée, on nous répondait toujours : “oui, bien sûr”, mais dès qu’on leur expliquait qu’il s’agissait d’un film sur le djihad, l’intérêt retombait. Pareil avec la SNCF qui ne voulait à aucun prix voir son sigle associé à ce projet, alors qu’on souhaitait juste tourner dans un entrepôt. Même les particuliers semblaient mal à l’aise.

parce que le public des salles ne s’y intéresse pas assez ; c’est frappant. Je me souviens qu’à 20 ans, j’avais le sentiment que le cinéma français ne me représentait pas. À part Série noire de Corneau (1979), qui témoignait d’une désespérance que je ressentais. C’était punk, on l’était tous un peu. La Haine a dû provoquer le même effet pour ceux qui l’ont découvert à 20 ans. Je connais des gens pour qui c’est une vraie référence. Je me demande à quel moment le spectateur français d’aujourd’hui se retrouve dans les films qui lui sont proposés. »

CHAOS TOTAL « Si la République n’avait pas à ce point failli depuis trente ans à s’occuper des jeunes générations – quelle que soit leur origine – on n’en serait pas là. Les intégristes manipulateurs

surfent sur un terrain qui est un no man’s land. Toute une partie de la jeunesse est plongée dans un chaos idéologique où d’un côté on les pousse au “moi je” en leur montrant comment un imbécile de téléréalité devient un héros et fait la une des magazines, et de l’autre, on leur dit : “Tu n’auras pas d’appartement, tu trouveras un travail très tard, pour un salaire de misère, et la belle voiture que tu vois à la télévision, n’espère pas pouvoir te l’acheter avant tes 30 ans. Sinon tu peux vendre de la cocaïne, mais tu te feras serrer et on te mettra en prison.” Ce paradoxe permanent a de quoi faire péter les plombs. Comment peuton se dire qu’on va être un loser toute sa vie ? Il y a ceux qui se retrouvent dans un idéal romantique comme l’écologie ou l’altermondialisme. D’autres sont plus violents, plus en colère ou plus psychotiques. Et ils peuvent NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 55


➜ Made in France, de Nicolas Boukhrief. Avec Malik Zidi, Dimitri Storoge, François Civil... Sortie le 18 novembre. Critique page 98.

Nassim Si Ahmed

être sensibles à une idéologie hypertoxique mais orientée, qui leur explique qu’ils peuvent devenir des héros en prenant les armes. »

PRINCIPES DE RÉALITÉ

Nicolas Boukhrief

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« Comme pour Le Convoyeur, on s’est dit avec Éric Besnard (le coscénariste) qu’on traitait quelque chose qui ne l’avait jamais été en France. C’est exaltant parce que tu sais que tu n’es pas dans une obligation de renouvellement. Tu dois d’abord créer. Ensuite, ce qui domine ton écriture quand tu travailles sur un thriller, c’est la nécessité d’être toujours en mouvement. Tu ne t’arrêtes pas pour considérer ce que tu es en train de rédiger, ou commenter la situation. Un dialogue n’a de sens que s’il fait avancer l’action. Cela évite la lourdeur et le côté thésard. Le résultat, c’est que le réalisme documentaire va servir ta fiction et inversement. »

REALITY CHAUD « Comme nous avons commencé à écrire début 2013, beaucoup de ce que nous avons découvert est sorti au grand jour entre-temps. Depuis les événements de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, ce que le film raconte n’est plus vraiment une surprise. Il ressemble plus à un résumé de ce que l’on sait qu’à l’exploration d’un monde inconnu. D’ailleurs, deux éléments montrent que Made in France a été réalisé avant 2015 : les références à Al-Qaïda plutôt qu’à Daesh, et à l’Afghanistan plutôt qu’à la Syrie. Ce qui nous est arrivé est très troublant. Par exemple, à un moment du film, un personnage déclare : “Tu crois que ça les dérange de tuer nos enfants en Palestine ?” et l’autre lui répond : “Mais de quels enfants tu parles ? Tu es Breton !” C’était de la création pure. Mais depuis, un article du Parisien est paru sur la mort en Syrie d’un djihadiste


focus réputé dangereux qui s’est avéré être Breton. Le réel nous a rattrapés en permanence, alors qu’on a juste fait une bonne synthèse de ce qu’on avait ressenti. »

TAUPE SECRÈTE « Il faut d’abord faire un film dans un genre qui va plaire à ceux à qui il s’adresse. Et le thriller me paraissait idéal. Quand tu abordes un thème précis, complexe, peu connu, le principe de l’immersion te permet de plonger dans l’intimité des personnages. Si tu fais s’affronter les gentils et les méchants, tu vas peut-être mettre le doigt sur quelques détails anecdotiques mais, globalement, tu vas être débordé par la nature du conflit, qui va conditionner tout le film. Alors que l’infiltration t’oblige à envisager des scènes qui sont comme des courants d’air et permettent de découvrir l’univers auquel tu es confronté avec ton personnage principal. Le quotidien devient matière à suspense : il y a toujours le risque d’être démasqué. »

DE BRUIT ET DE FULLER « En France, le cinéma de genre est toujours regardé de haut. Malgré tous mes arguments, Made in France a immédiatement été évincé par toutes les instances publiques de financement. Uniquement parce que c’est un film de genre et qu’il n’est pas de “bon goût”. J’ai donc eu des doutes : était-ce la bonne façon d’en parler ? Est-ce que je n’aurais pas eu plus de chances si j’avais proposé un film plus sociétal, sulpicien ? Personnellement, ma grande référence sur Made in France, c’était Samuel Fuller, qui a tourné uniquement des

films courts, tendus, toujours passionnants même aujourd’hui, en s’appuyant systématiquement sur les failles de la société américaine. Oui, White Dog est un des meilleurs films jamais réalisés sur le racisme. Oui, Shock Corridor est un des meilleurs films sur la maltraitance en hôpital psychiatrique. C’est bel et bien sous l’angle du thriller qu’il faut parler du djihadisme si tu veux conserver l’essence de ton sujet. Je me suis dit : “Ce n’est pas moi qui me trompe, ce sont eux qui ont tort.” Tort de ne favoriser qu’un certain type de cinéma, qui peut par ailleurs donner de très beaux films. Mais demain, si quelqu’un veut raconter un drame français sous l’angle de l’horreur, tu peux être certain qu’il a très peu de chance de gagner la considération de ces organismes de financement ou encore d’une certaine presse. »

GENRE IDÉAL « Assumer le genre, c’est ne pas s’en excuser, ou ne pas essayer de le prendre de haut. Cela implique d’accepter la caractérisation à outrance, avec des personnages écrits, puissants, qui interagissent et qui s’entrechoquent de façon violente sans essayer d’être trop poli. Les Français ont tendance à vouloir montrer qu’ils sont plus intelligents que le genre dans lequel ils travaillent. Comme certains acteurs qui essayent de prouver qu’ils sont plus subtils que le personnage rustre qu’ils sont en train de jouer... Ce goût des lettres françaises, du bon goût et de l’intelligence a parfois tendance à parasiter le plaisir qu’il y a à regarder une comédie, un thriller ou un polar tendu. » GÉRARD DELORME

Ciné fil

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Boukhrief, Bidegain, Saada. Ces trois cinéastes se nourrissent du genre pour raconter la société contemporaine. En seulement quelques semaines, trois films aux sujets voisins sortent en salles : Made in France, de Nicolas Boukhrief, traite d’une enquête au cœur d’une cellule jihadiste ; Les Cowboys, de Thomas Bidegain, raconte la quête d’un père dont la fille a disparu (avec le djihad en filigrane, même si l’histoire est calquée sur La Prisonnière du désert) ; enfin, Taj Mahal, de Nicolas Saada, adopte le point de vue d’une victime sur l’attaque d’un grand hôtel indien par des terroristes. Malgré des approches distinctes, ces films sont nourris par une

cinéphilie qui a déterminé les choix de leurs auteurs. Nicolas Boukhrief s’en explique ici, affirmant notamment que ses références cinématographiques lui ont inspiré le genre le plus approprié. Thomas Bidegain le rejoint d'ailleurs sur ce point : « Le western s’est imposé dès le moment où les personnages se réunissent le week-end avec des chapeaux de cowboys. Le genre m’a servi guide. Des scènes très classiques allaient prendre un aspect moderne et curieux, les Apaches devenant des talibans. » Quant à Nicolas Saada, la cinéphilie n’a jamais déterminé le choix de ses sujets,

sauf par cette question : « Estce qu’il y a assez de cinéma dans cette histoire ? » Il précise : « J’essaie de trouver des sujets qui ne peuvent se raconter qu’en images.(...) Je n’ai pas envie de choisir entre ma passion pour Hitchcock ou Carpenter et mon admiration pour Bergman ou Bresson. L’histoire de Taj Mahal me permettait de réunir ces deux influences. » Lorsqu’il s’agit de mise en scène, Bidegain oublie, lui, les références pour se concentrer sur la meilleure façon de raconter : « Je me suis fixé pour règle de ne jamais me placer entre le récit

et le spectateur. Les Cowboys parle de gens simples qui sont plongés dans le fracas du monde. Je ne me situe pas à la hauteur du fracas, mais à la leur. » De son côté, Saada se sert de sa cinéphilie pour apporter une solution à un problème de découpage ou de mise en scène : « Pendant la préparation de mon film, Journée noire pour un bélier, un giallo des années 70, m’a aidé à débloquer une séquence. J’ai constamment besoin de voir les films des autres, mais pas seulement. J’aime me nourrir ailleurs : lectures, photographie, peinture. » G.D. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 57


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putain Dans 21 Nuits avec Pattie, Karin Viard retrouve l’univers libertaire des frères Larrieu. Le challenge ? Jouer une ogresse licencieuse et s’affirmer définitivement comme un sex-symbol.

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maman ou la


La vie d’un cinéphile est faite de passions interdites, un peu coupables, plus ou moins déviantes, parfois légitimées avec le temps. Pendant très longtemps, on n’osait pas avouer notre obsession érotique pour l’ultrasensualité de Karin Viard. Sa présence dans un film, même comme second rôle, suffisait à nous faire courir en salles. On aurait bien voulu crier au monde entier qu’elle était notre Liz Taylor locale, notre « postière-girl », mais on nous aurait probablement ri au nez. Il faut dire qu’après sa découverte chez le tandem

Jeunet/Caro et chez Étienne Chatiliez, Karin a évolué au cinéma dans le rôle de cette femme normale, très normale. Des Randonneurs à La Nouvelle Ève, elle fut cette provinciale au beau sourire et aux jolies courbes, plutôt croqueuse d’hommes mais trop embarrassée par ses petits tracas de femme populaire pour pouvoir prétendre au glamour. Son César obtenu pour Haut les cœurs !, où elle jouait une femme enceinte bataillant avec le cancer, ne devait que prolonger cette phase de galère à travers la France moyenne (la preuve,


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Embrassez qui vous voudrez lui vaudra une seconde statuette). Même Thierry Ardisson se moquait d’elle (« Alors, vous n’en avez pas marre d’être la Bécassine qui arrive de Normandie ? »). Mais nous, on s’en fichait : on n’avait d’yeux que pour elle. D’ailleurs, c’est peut-être justement son statut de woman next door, accessible et franche du collier, qui alimentait notre fantasme secret. Car, contrairement à une foule de ses consœurs, Karin avait l’air d’une vraie femme, elle. Et voilà qu’aujourd’hui, sous le regard braque des frères Larrieu, elle apparaît au monde comme nous l’avons toujours vue : après ses rôles déjà très suaves dans Les Derniers Jours du monde et L’amour est un crime parfait, elle joue un monstre de désir, une sorte de sex machine au sens propre, qui débite des monologues torrides mais jamais putassiers. Plus de doute, Karin s’est muée en fantasme légitime, évident, presque incontestable. On se sent moins seul. Et le pire, c’est qu’elle assume un tel rôle tout en cultivant une part de mystère, un je-ne-sais-quoi d’inaccessible, pour le coup, qui ne disparaît jamais (même au bout d’une heure passée à siroter du thé vert en sa compagnie). Mais comment fait-elle ?

21 Nuits avec Pattie, de Jean-Marie & Arnaud Larrieu. Avec Isabelle Carré, Karin Viard, André Dussollier... Sortie le 25 novembre. Critique page 102.

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ENJAMBER LA GÊNE « L’enjeu du personnage de Pattie est là, justement. Elle raconte ses ébats avec les mecs de façon crue. Comment faire pour conserver une zone de fantasme ? L’idée, c’est d’entretenir un mystère sur son parcours : pourquoi a-t-elle besoin de se faire pénétrer à ce point ? Comment en estelle arrivée là ? C’est ce côté mystérieux qui la rend attirante. Même si je ne l’ai pas forcément pensée comme un personnage désirable. Enfin, je ne sais pas, vous trouvez qu’elle suscite le désir ? » On lui fait répéter la question, tant elle nous étonne, nous qui sommes tentés de la voir comme une somme des rôles sexy qu’elle a pu tenir par le passé, de La Nage indienne à Fourbi (lire encadré page 63). Une Karin au carré. Mais l’actrice s’en défend : ce monstre de sensualité viendrait plutôt de loin, très loin, dans la fourmilière mentale des frères Larrieu. « Il ne faut pas croire, j’ai d’abord été superintimidée par le rôle. Parler de sexe comme d’une recette de cuisine, cela me gêne énormément. J’ai bossé dur pour me rendre crédible en déesse du désir, en misant


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portrait

Cette idée qu’une femme sortant avec un mec plus jeune de dix ans est forcément une prédatrice me révolte ! notamment sur la gourmandise... L’idée, c’est de transformer une sexualité radicale en quelque chose de très gai. Mais le résultat appartient aux Larrieu avant tout. C’est eux qui me voient dans chaque film comme une superfemme. Une créature charnelle qu’ils emmènent au sommet de sa féminité... » Et comment vit-on le fait d’être filmée comme une (super)femme-objet ? « J’adore, cela m’amuse beaucoup. Non seulement leur regard masculin me flatte, mais il me renvoie aussi à mon identité de femme. J’ai grandi au sein d’une famille matriarcale, sans frères, ni oncles, ni cousins. Quand je tourne avec les Larrieu, je suis comme une petite fille qui joue à la poupée et dont les cousins aux genoux écorchés lui crient : “Sors de là, on va construire une cabane dans la forêt !” Et je les suis, en me demandant ce qu’ils vont bien pouvoir faire de moi... » Dans la cabane des Larrieu, Karin semble avoir découvert une nouvelle part d’elle-même. Bien sûr, elle était déjà une « superfemme » à 25 ans, dans les froufrous désuets de Jeunet et Caro (Delicatessen). Mais impossible de ne pas voir sa scène des Derniers Jours du monde comme une étape charnière, qui la réinvente à 43 ans comme la seule actrice capable d’enfouir le visage d’un Amalric hagard sous sa jupe, avec une assurance sans faille. N’est-ce pas cette scène qui l’a poussée, par exemple, vers le rôle de quadra hédoniste de La Famille Bélier ? « C’est peut-être eux en effet qui m’ont lancée sur cette voie. Après m’avoir proposé des rôles de femmes populaires avec cinq enfants à charge, on vient désormais me chercher pour jouer les jouisseuses en pleine maîtrise de leur 62 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

PHOTO GÉRARD GIAUME / H&K

Karin Viard


sexualité. Mais c’est aussi une question d’âge. J’avais refusé Un homme, un vrai, des Larrieu en 2001, parce qu’il y avait cette scène où l’héroïne reçoit ses amis les seins à l’air pendant vingt minutes. Ça ne m’a pas fait rire, j’ai pensé qu’ils étaient dingues. Plus tard, j’ai compris où ils pouvaient m’emmener. J’ai accepté la scène des Derniers Jours... parce que je me sentais assez mûre pour assumer le sexe sous leur direction. On te dit que tu es adulte à 20 ans, mais tu es encore soumise à ton désir. Passé 40 ans, ta sexualité se libère, tu sais ce que tu aimes, donc tu peux le jouer avec jubilation. C’est cela qu’il faut faire sentir quand tu tournes une séquence “chaude” : la jubilation. »

ÉGALITÉ DU SEXE Encore faut-il assumer cette jubilation, qui se répercute sur son image publique. Par les temps qui courent, on ne sait plus si la figure de la quadra hypersexuée est très en vogue ou très datée. D’un côté, l’époque a entériné le mythe de la cougar inoxydable. De l’autre, la femme-objet est plus que jamais combattue par le féminisme. Comment trouver le juste équilibre ? Karin a la solution : s’en foutre. « Le personnage de Pattie a peut-être été écrit comme une femme-objet, et alors ? Cela ne fait pas des Larrieu des misogynes. Et puis elle choisit ses amants et leur fait faire ce qu’elle veut : ils la suivraient jusqu’au bout du monde ! Le plus drôle, c’est que ce sont les journalistes hommes qui me demandent comment j’ose assumer un tel rôle de débauchée. Les filles, elles, en rigolent... Sans doute que Pattie fait peur aux hommes. Ils oublient que les femmes sont comme eux, elles peuvent parler salement de sexe, faire l’amour violemment et bander la nuit, même si tout est rentré à l’intérieur ! » Karin Viard dessine un personnage de femme libre à travers sa filmo. Une femme qui refuse la passivité, maîtrise son destin et ses amants,

sans se laisser piéger dans les petites cases de l’air du temps. « Je trouve le concept de cougar insultant. Cette idée qu’une femme sortant avec un mec plus jeune de dix ans est forcément une prédatrice qui cherche un étalon pour la baiser me révolte ! Moi, audelà du sexe, je trouve cela naturel : si un homme de 30 ans n’a pas envie de se coller avec une fille de son âge, il sera bien mieux avec une quadra qui ne veut pas d’enfants et qui est dans le plaisir... Où est le mal ? J’admire Deneuve, parce qu’elle a légitimé le désir de rester une femme en mûrissant, de poser en collants résilles devant son miroir à 70 ans sans qu’on y voie de la prédation sexuelle. » Voilà comment Karin parvient à se rendre accessible sans rompre les fils du fantasme. Elle s’offre aux regards, mais sans chercher à plaire à personne, sinon à ellemême. L’addiction sexuelle en moins, tout ça ressemble quand même très fort à Pattie. Karin sourit, mais n’en démord pas : il ne faut pas lui chercher une alter ego dans cette héroïne surréaliste. « Je ne parle pas de moi à travers elle, ni de ma propre expérience. D’ailleurs, au départ, les Larrieu voulaient me confier le rôle d’Isabelle Carré, mais ils avaient peur que personne n’accepte de jouer Pattie... Et pour eux, j’étais la seule qui oserait se jeter à l’eau. » C’est bien ce qu’on pensait : Karin s’est taillé une place à part, un fauteuil imprenable. Mais comme elle est modeste, elle nie avoir calculé quoi que ce soit. « On ne fait que composer avec ce que l’on incarne aux yeux des autres. J’ai un physique assez rond, assez féminin, j’ai dû travailler avec et il m’a emmenée là où je suis. On me dit souvent que je pourrais tout jouer, mais c’est faux. Elizabeth Taylor n’aurait pas pu piquer les rôles d’Olivia de Havilland. Et celle-ci n’aurait pas pu jouer La Chatte sur un toit brûlant ! Vous me suivez ? » Jusqu’au bout du monde. YAL SADAT

Cinq nuits avec Karin Jeune prolo en galère ici, bourgeoise mature là : discrètement mais sûrement, Karin Viard s’est imposée au fil de quelques scènes suaves en icône désirante et désirable.

La Nage indienne (1993) Après son passage en poupée surannée chez Jeunet et Caro, on la découvre en garçonne enlacée par Gérald Laroche au beau milieu du grand bassin.

Fourbi (1996) Une toison rousse, un F3 calfeutré, une douche : une séquence fugace mais indélébile, voyant la belle libérer sa blanche poitrine. Le fantasme prend corps pour quelques secondes.

Les Ambitieux (2006) Le rôle qui la fait basculer dans la position de quadra en pleine possession de ses moyens. Elle

s’échappe des bras de Jacques Weber pour mener un jeune écrivaillon (Éric Caravaca) à la baguette, mais avec amour.

Les Derniers Jours du monde (2009) Une séance de facesitting avec

Le grand public ne la regardera plus jamais comme avant.

L’amour est un crime parfait (2014)

Un peignoir entrebâillé, un joli brushing et une étrange relation (incestueuse ?) en pleine enquête criminelle Mathieu Amalric pousse Karin dans ses retranchements, et fait lui donnent des airs d’héroïne prendre conscience aux distraits lynchienne, évaporée et presque onirique. de son potentiel érotique.


filmo commentée

y l i m fa

man En six ans, la plume préférée de Jacques Audiard est devenue incontournable. À l’heure où sort son premier film, Les Cowboys, le scénariste Thomas Bidegain, obsédé par la thématique de la filiation, évoque ses différentes familles de cinéma.

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The Château de Jesse Peretz (2002)

PHOTOS JEROME BONNET/MODDS/PRETTY PICTURES/REZO FILMS/WHY NOT PRODUCTIONS/CHIC FILMS

Après des études de gestion, Thomas Bidegain s’improvise distributeur vidéo aux États-Unis, collaborateur de Marin Karmitz à Paris et développeur de projets américains chez Why Not Productions, la société de Pascal Caucheteux – futur producteur d’Audiard. Jusqu’à cette comédie improbable avec Paul Rudd et Sylvie Testud...

« Un jour, pour mon boulot, je déjeunais avec Tom Richmond, un chef opérateur américain qui me raconte qu’il venait de tourner un long métrage en huit jours à L.A. Je me dis : « Waouh ! » Je soumets alors un projet au réalisateur Jesse Peretz et à son producteur, qui l’achète. Deux mois plus tard, Jesse réalise The Château en neuf jours... Mon idée était plus qu’un simple pitch : c’était une liste de situations ; tout se passait dans un château où l’on faisait aussi dormir les comédiens. À ce moment, je comprends qu’un scénario doit s’envisager en fonction du film, de sa fabrication et de sa forme. L’idée de la “boîte”, où le projet est contenu dans sa totalité, naît dans mon esprit. »

À boire de Marion Vernoux (2004) À la fin des années 90, Bidegain sympathise avec Jacques Audiard et sa compagne d’alors, Marion Vernoux, qui sont ses voisins, à Paris. Un noyau se forme.

« Dans la foulée de The Château, j’écris L’Équarrisseur, que je vends à un producteur pour le réaliser – le projet sera enterré. Marion, qui avait lu mon script, me propose alors de me joindre à elle et à Frédéric Jardin pour finaliser À boire qu’ils ont quelques difficultés à terminer. Leur bienveillance me servira de boussole pour la suite. On ne peut pas intervenir sur un scénario en cours si on ressent de l’hostilité. Ici mon apport a principalement consisté à faire monter la comédie d’un cran. Car, contrairement, à ce qu’on pourrait penser, j’adore la comédie ! Je prends un grand plaisir à écrire pour les César (des monologues, des entrées) depuis quelques années... De l’échec douloureux d’À boire, on retiendra tous une chose importante : un film avec des stars peut se planter dans les grandes largeurs. »

De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard (2005) En toute discrétion, Jacques Audiard s’est fait un prénom. Quatre ans après le remarqué Sur mes lèvres, il signe un thriller fiévreux qui marque officieusement le début d’une collaboration fructueuse avec Bidegain.

« À l’époque d’À boire, je travaillais encore chez Why Not et j’avais présenté Audiard à Pascal Caucheteux, qui voulait faire un remake. Jacques a alors l’idée d’adapter Mélodie pour un tueur, de James Toback. Je me charge d’acheter les droits et je suis le développement du projet. Puis, à un moment du process, Jacques me demande de regarder les rushes. J’accepte évidemment et lui présente des notes chaque jour. Des retakes sont ensuite prévues que Tonino Benacquista, le coscénariste, ne peut pas écrire pour des raisons d’emploi du temps. À la demande de Jacques, encore une fois, je me retrouve à imaginer trois nouvelles petites scènes pour le film. Notre collaboration a débuté ainsi et se poursuivra sur le même mode, dans une confiance absolue. »

Un prophète de Jacques Audiard (2009) C’est le film de la consécration pour Audiard et pour Bidegain qui gagne ses galons de scénariste.

« Pendant le montage de De battre..., Jacques reçoit la version d’un scénario d’Abdel Raouf Dafri et Nicolas Peufaillit, qui raconte le parcours d’un type en cellule, puis à l’extérieur. En le lisant, je me dis tout de suite que le héros doit entrer en prison à la première image et n’en sortir qu’à la dernière. La “boîte” du film est évidente. Avec Jacques, nous partons pour trois ans d’écriture... À ses côtés, j’apprends la précision : on doit savoir si on est loin ou près, si ça va vite ou pas. On écrit un film, pas une histoire. Plus il y a d’informations, mêmes inutiles, plus on est en position de changer des choses sur le plateau. De la même façon, il faut

en permanence se tenir prêt à réécrire des scènes. Rien n’est plus angoissant qu’un réalisateur qui s’astreint à filmer un scénario. Au final, la grande idée d’Un prophète n’est pas de raconter la trajectoire d’un petit voyou qui va devenir un caïd, c’est de raconter celle d’un SDF sans famille qui, à la fin, se trouve un foyer. On est loin de Tony Montana... »

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filmo commentée De rouille et d’os de Jacques Audiard (2012) Audiard et Bidegain embrayent sur un projet à l’opposé d’Un prophète : une adaptation littéraire portée par une star, Marion Cotillard.

« Nous mettons la longue période d’accompagnement d’Un prophète à profit pour travailler sur l’adaptation d’un recueil de nouvelles de Craig Davidson, Un goût de rouille et d’os. J’écris un petit traitement qui raconte une histoire d’amour, absente du bouquin dont j’utilise le background et certains personnages tels qu’un estropié que je transforme en femme. Notre “boîte”, cette fois, c’est l’évocation de la crise inspirée par les grands films de foire, Freaks et Le Charlatan en tête. On savait que ça allait produire des images folles – les combats, la femme sans jambes, les orques – mais il fallait les rattacher au sol. On a alors cette idée, qui est l’objectif primaire et invisible du film, de faire du héros incarné par Matthias Schoenaerts un bon père. À l’intérieur du cinéma de genre – c’est pour ça que je crois à sa force et à son impact populaire –, le héros doit partir de très loin. Plus on lui met de bâtons dans les pattes, plus il sera crédible en tant que tel. »

À perdre la raison de Joachim Lafosse (2012) Thomas Bidegain arrive en cours d’écriture et amène avec lui Tahar Rahim et Niels Arestrup, le duo d’Un prophète.

« Je rencontre Joachim pour un autre projet, Les Chevaliers blancs – qu’il vient d’ailleurs seulement de tourner. Dans la conversation, il me glisse qu’il se trouve dans l’impasse avec son scénario du moment. En le lisant, je vois la Vierge ! Plutôt que de raconter une histoire qui fonctionne comme un compte à rebours jusqu’à la tragédie finale (un multiple infanticide perpétré par une mère sous la coupe d’un docteur toxique), je lui suggère d’en tirer un grand drame populaire. Je lui parle de L’Ombre d’un doute, de La Nuit du chasseur, de ces films avec des personnages sympathiques qui cachent en fait des monstres. J’incite les producteurs à voir plus grand, à embaucher des vedettes... Le fait que Tahar accepte de jouer le père nous pousse ensuite à envisager de reconduire son duo avec Niels. La production se séparera au passage du distributeur initial qui ne croyait pas en tous ces changements. »

Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014) Thomas Bidegain est désormais reconnu. Il est appelé par les frères Éric et Nicolas Altmayer, de Mandarin Cinéma, pour collaborer avec Bonello qui avait toujours écrit seul.

« Avec Bertrand, on a le même âge, on s’est très vite entendus. Au bout de notre deuxième rencontre, on arrive à la conclusion que le biopic, tel qu’il est conçu habituellement (prendre un génie et en faire un homme ordinaire, tout rabaisser), nous déplaît. Il y a par ailleurs souvent des scènes embarrassantes où le type se met 66 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

à créer une chanson, une toile... En réalité, personne ne sait comment marche la création, mais tout le monde sait ce que ça coûte. Animés par l’envie de mettre une idée par scène, on décide de faire un film sur ce sujet, qui commencerait comme un documentaire et finirait comme un opéra. On voulait que ce soit éblouissant comme un Visconti ou comme Citizen Kane. Pour moi, c’est important de travailler avec le réalisateur, de développer une grammaire commune. Je ne sais pas si les cinéastes qui n’aiment pas écrire sont les meilleurs. »


PHOTOS JEROME BONNET/MODDS/PRETTY PICTURES/ REZO FILMS/WHY NOT PRODUCTIONS/CHIC FILMS

La Famille Bélier d’Éric Lartigau (2014) Avec Vincent n’a pas d’écailles ou Ni le ciel ni la terre, La Famille Bélier fait partie de ces projets sur lesquels Bidegain vient en appui en bout de chaîne.

« Je n’aime pas le terme de script doctor qui induit la notion de personne “miracle”. Quand on intervient tardivement, il ne faut surtout pas toucher à la “musique” du film ni casser sa dynamique. Mais pour que ça marche, il faut parfois consolider les fondations. Dans le scénario, il y a le jardinage et la déco, et il y a l’architecture dont je m’occupe dans ces cas précis. Sur La Famille Bélier, par exemple, le problème de construction tenait à peu de choses : c’est l’histoire d’une fille qui va partir, et ça commençait sur une voix off sous-entendant qu’elle allait le faire. Elle avait déjà effectué la moitié du chemin. À mon sens, elle devait d’abord avoir les mains dans le cambouis. C’est pour cette raison que le film s’ouvre sur une scène où, avec son père, elle aide une vache à mettre bas. »

Dheepan de Jacques Audiard (2015) Le duo Audiard-Bidegain intègreune jeune recrue, Noé Debré, dont Bidegain a fait son « padawan » sur La Résistance de l’air.

« Nous avons demandé à Noé de défricher le terrain pour Dheepan, inspiré à Jacques à la fois par l’observation de la banlieue à l’époque d’Un prophète et par des articles relatifs à l’omerta qui y régnait. Noé a notamment rencontré la communauté tamoule et nous a beaucoup renseignés sur la paranoïa qui l’agite.

La “boîte”, cette fois, consistait à montrer notre monde à travers les yeux d’un arrivant discret et à finir avec la figure du vétéran, qui fascine Jacques et qui est très utilisée dans le cinéma US. On nous a reproché notre vision réductrice de la banlieue, mais on ne fait pas de la sociologie. La télé est là pour présenter les problèmes, le cinéma, pour raconter des personnages. Quant à la critique sur notre supposé discours anti-France, elle nous a blessés et surpris. La femme dit quand même au moins quatre fois qu’elle veut aller s’installer à Londres. »

Les Cowboys de Thomas Bidegain (2015) Sollicité de toute part, Bidegain travaille la nuit avec Noé Debré sur ce qui deviendra son premier long métrage.

Les Cowboys, de Thomas Bidegain. Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne... Sortie le 25 novembre. Critique page 101.

« L’envie de réaliser est là depuis que je suis tout petit. Je suis très heureux quand j’écris, mais ce projet n’était ni pour Jacques ni pour Bertrand, c’était ma musique. Je voulais un film à l’ancienne, très classique, et j’avais surtout envie de travailler avec les comédiens. Il s’agissait de faire un western actuel où les cowboys seraient les gens d’une communauté country de l’est de la France et où les Indiens seraient les djihadistes. Vous me parlez de La Prisonnière du désert (un homme part à la recherche de sa fille disparue), de John Ford, mais j’avais plutôt en tête La Rivière rouge, de Howard Hawks, avec ce père un peu fou confronté à un fils plus raisonnable. Jacques m’a dit que le film me ressemblait parce qu’il est très premier degré, qu’il n’y a aucune ironie. J’assume. Il faut croire à cette histoire et à ces personnages comme moi je croyais à Dean Martin en shérif quand j’étais petit... » CHRISTOPHE NARBONNE NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 67


« Womanizer ! », lance Brian Dennehy à son fils, incarné par Christian Bale, dans Knight of Cups. Depuis des années, on nous présente Terrence Malick comme un philosophe, un poète, un saint cherchant l’élévation de l’esprit loin des préoccupations terrestres. Surprise : Knight of Cups est un autoportrait impudique du cinéaste en obsédé sexuel, la quête d’un homme qui cherche à combler l’absence de sens de la vie par la multiplication des conquêtes. Mais cette fascination pour les femmes était présente depuis le début. Passage en revue des actrices qui ont illuminé son cinéma.

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PHOTO WARNER BROS .

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Sissy Spacek Avec ses taches de rousseur et ses grands yeux inquiets, Sissy Spacek est la première héroïne malickienne. C’est à travers l’interprète de Carrie au bal du diable que le cinéaste trouve son style si particulier : en post-production, il demande à l’impératrice du cinéma américain des 70s d’enregistrer une voix off apaisée et lunaire en total décalage avec les images qui montrent l’épopée cruelle et violente d’un couple en cavale. S’il n’a jamais retourné avec elle, Terrence Malick continue de travailler sur chacun de ses films avec son mari, le directeur artistique Jack Fisk. « C’est la première fois où, sur le plateau, dans la maison où nous tournions, les placards et les commodes étaient remplis de choses. Terrence aime filmer dans les endroits où vivent des gens. Il ne veut pas de décors de cinéma. »

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Linda Manz Elle incarne la sœur de Richard Gere, encore faut-il ne pas rater la ligne de dialogue qui l’indique en introduction. Personnage témoin des aventures d’un couple (Gere / Adams) essayant d’extorquer de l’argent à un propriétaire terrien aisé (Sam Shepard), Linda Manz, alors âgée de 17 ans, incarne une enfant censée en avoir 12. Elle donne la ligne directrice du récit puisque c’est elle qui prend en charge la narration (en voix off) sans qu’on puisse savoir si ce qu’elle raconte est « vrai » ou transformé par son regard de petite fille. « On m’a installée dans un studio d’enregistrement, sans scénario. Je venais de voir le film, alors je me suis mise à dire les choses qui me passaient par la tête. Ils ont gardé ce qui leur paraissait bien. »

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Brooke Adams Avec Jessica Harper et Karen Allen, Brooke Adams est l’une de ces superbes actrices aux cheveux noirs et à la peau d’albâtre de la fin des 70s et du début des 80s. Amoureuse de Richard Gere, faisant tourner la tête de Sam Shepard, elle traverse le film sans dégager d’émotion particulière. Impossible de savoir ce qu’elle pense ou ressent, Brooke Adams reste un mystère jusqu’à la dernière image. « On a tourné tellement de scènes qui ne sont pas à l’écran... En voyant le film, je n’arrêtais pas de me dire : “Mais où est passée cette scène ? Et celle-ci ?” »

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PHOTOS PARAMOUNT PICTURES / NEW LINE CINEMA

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Q’Orianka Kilcher Elle est l’une des plus jeunes actrices de Terrence Malick, 14 ans seulement au moment du tournage. De toute la carrière du cinéaste, c’est le personnage qu’elle interprète, inspiré de Pocahontas, qui connaît la plus grande évolution entre le début

et la fin du film. Petite princesse indienne rejetée par les siens à cause de sa passion pour un soldat anglais, elle finit par découvrir un amour apaisé avec un propriétaire terrien, avant d’être reçue en grande pompe à la cour d’Angleterre.

« Le scénario était épais avec beaucoup de dialogues à apprendre, qui plus est, dans une langue qui m’était étrangère. Mais il n’était pas rare qu’avant de tourner une scène, Terrence vienne me voir et me demande de ne dire qu’une seule phrase. Au fond, il préfère filmer le silence. »

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Jessica Chastain La comédienne a fait forte impression dans le rôle de cette mère aimante et rassurante, aussi pure qu’une héroïne de film d’animation (pas étonnant que Terrence Malick la montre le temps d’un de ces plans oniriques dont il a le secret en Blanche-Neige morte dans un cercueil de verre). Cette pureté extraterrestre en a fait l’actrice favorite de cinéastes SF, comme Christopher Nolan ou Ridley Scott. Beau personnage, même s’il est, peut-être, un peu trop beau. « Dans la vie on a tendance à parler vite parce qu’on est tout le temps interrompu ou qu’on coupe nous-mêmes la parole aux autres. Terry m’avait demandé de regarder des films avec Lauren Bacall, parce qu’elle a une diction lente et posée. En enregistrant les voix off, je repensais beaucoup à sa façon si spéciale de s’exprimer. »

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Olga Kurylenko S’il ne devait en rester qu’une, ce serait elle. La plus belle héroïne de Malick, dans son plus beau film. Marina est l’un des personnages de femme les plus complexes vus dans le cinéma américain. Duale, amoureuse transie, tourmentée : impossible d’oublier son visage éclairé par une lumière (divine ?) dans l’avant-dernier plan du film. « Le montage a duré longtemps. Si bien que, régulièrement, pendant presque deux ans, alors que j’étais sur d’autres tournages dans des pays différents, je me rendais dans des studios pour enregistrer les nouvelles voix off. »

PHOTOS COTTONOOD PICTURES / METROPOLITANFILMEXPORT

« Sur le plateau des Infiltrés, Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio viennent de se parler avant une prise, DiCaprio reprend sa place. De mentor et protégé, « Sur le plateau des Infiltrés, Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio viennent de se parler avant une prise, DiCaprio reprend sa place. De

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Rachel McAdams

Personnage étrange que celui incarné par Rachel McAdams dans À la merveille. Propriétaire terrienne comme l’était Sam Shepard dans Les Moissons du ciel, amie d’enfance du héros joué par Ben Affleck, plus solaire que sa « rivale » Olga Kurylenko, la femme qu’elle interprète est pourtant hantée par la perte d’un enfant. La nuit, elle « Sur le plateau des Infiltrés, éclaire à la lampe torche les Martin Scorsese et Leonardo poupées de sa fille disparue dans DiCaprio viennent de se parler avant une prise, DiCaprio des plans dignes d’un film d’épouvante. reprend sa place. De mentor et « Bien sûr que j’étais perdue. Être protégé, « Sur le plateau des sur un tournage est ce Infiltrés, Martin Scorsesedésorientée et quide peut arriver de pire à un acteur. Leonardo DiCaprio viennent se parler avant une prise, Et pourtant, de cet état de perdition naître des choses positives. » DiCaprio reprend sa place.peuvent De

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Imogen Poots Dans À la merveille, Olga Kurylenko contemplait une tapisserie médiévale représentant une licorne, symbole de féminité, dans un musée français. Imogen Poots faisait exactement la même chose dans Broadway Therapy, de Peter Bogdanovich, mais dans un musée américain. Pas étonnant qu’elle se retrouve dans un Malick. Fée Clochette perruquée, Poots a la grâce d’une héroïne wong kar-waienne. « Le tournage d’un film de Malick ne ressemble pas à un film “normal” où tout est organisé. Il y a quelque chose d’un pur présent. Tout ceci existe, là, maintenant, ne se reproduira jamais et peut-être même ne sera jamais vu puisqu’on sait que Terrence Malick coupe toujours beaucoup au montage. »

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Isabel Lucas

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elle fend l’eau d’une piscine, nue, par une nuit d’été. Qui sait si Malick n’a pas vu Les Immortels, de Tarsem Singh où Isabel Lucas jouait déjà une déesse de l’Olympe. « Avant de commencer le film, je savais juste que mon personnage devait s’appeler Caroline. À la fin de la première journée de tournage,

Terrence me dit : “Je crois qu’on va appeler ton personnage Isabel comme toi, si tu n’y vois pas d’inconvénient.” Tout se passe comme ça sur le plateau, il instaure une grande confiance entre lui et les comédiens. Tout devient possible. »

On ne voit jamais son visage. Elle est la dernière des déesses de Christian Bale dans le mouvement final du film. Un œil affûté pourra la débusquer en début de récit dans quelques plans, dont un avec Teresa Palmer sur la plage. Elle offre une des images les plus mémorables du film : celle où, telle une sirène,

Knight of Cups, de Terrence Malick. Avec Natalie Portman, Christian Bale, Cate Blanchett... Sortie le 25 novembre. Critique page 88.


Freida Pinto

Teresa Palmer

Cate Blanchett

Si tout le monde loue les qualités plastiques de Freida Pinto, il n’en est pas de même pour ses talents d’actrice. Terrence Malick lui a donc offert le rôle d’un mannequin ! Elle est dans la scène la plus drôle du film. Accessoirement, sa relation avec Christian Bale restera amicale. « Travailler avec Terrence Malick, c’est comme vivre un nouvel éveil spirituel. Vous arrivez sur le plateau, vous ne savez pas à quoi vous attendre, et vous recevez bien plus que vous ne l’auriez espéré. Sur ses tournages, il faut toujours garder l’esprit ouvert. »

L’actrice australienne vue dans Warm Bodies se retrouve dans la partie la plus sexy du film (la scène de “pole dance” et les fêtes grandioses à Vegas). À la fois sublime et sympa, Teresa Palmer est notre favorite de Knight of Cups. « Terrence était sur la liste des réalisateurs avec qui je rêvais de travailler. Imaginez quand on m’a proposé de tourner avec lui ! C’était surréaliste. J’ai été engagée pour jouer une journée à Los Angeles. Finalement, je suis restée un peu plus d’une semaine pendant laquelle j’ai aussi tourné à Las Vegas. »

Dans le rôle de la femme parfaite quittée pour des filles plus jeunes, Cate Blanchett joue Cate Blanchett. L’air grave, digne en toutes circonstances, affublée d’un métier sérieux – elle est médecin là où ses « remplaçantes » sont strip-teaseuses ou mannequins. Cate Blanchett est à la fois absolument parfaite et totalement attendue. « Terrence se décrit comme un pêcheur. Il part tourner sans scénario et voit ce qu’il attrape le jour du tournage. Il est tellement loin d’un cinéma traditionnel que je ne le vois pas revenir un jour à un cinéma narratif. »

PHOTOS DOGWOOD PICTURES

Natalie Portman À l’instar de Cate, Natalie est telle qu’on l’attend. Petite chose fragile comme de la porcelaine avec les yeux toujours embués de larmes. Cette propension au malheur doit susciter le sadisme des cinéastes. Car même dans un film aussi doux vis-à-vis des femmes que Knight of Cups, c’est le seul personnage féminin à réellement souffrir.

« Les Moissons du ciel est le premier film de Terrence Malick que j’ai vu. Il m’a ébloui. L’alliance entre l’image et le son créait une forte émotion. La première fois que j’ai rencontré Terrence, je devais avoir 20 ans. On a discuté, on s’est recroisé au fil du temps. Avant de finalement tourner ensemble. Ce fut un long processus. » NICOLAS RIOULT




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Cette sélection de produits high-tech fait entrer une part de la magie du 7 e art en France, grâce, notamment, aux dernières technologies 4K ou Dolby Atmos.

La fin d’année est clairement marquée par la généralisation de l’Ultra HD/4K (de 3840 x 2160 à 4096 x 2160 pixels) dans tous les secteurs. La définition quatre fois supérieure à celle de la Full HD promet un confort visuel inégalé. Téléviseurs, vidéoprojecteurs, appareils photo numériques et même smartphones : la 4K est partout ! Du côté des sources, alors que les premiers lecteurs Blu-ray Ultra HD arriveront très prochainement (environ 500 €) accompagnés de films dans ce format, les platines actuelles proposent une mise à l’échelle (upscaling) de nos Blu-ray, pour patienter. Côté audio, depuis le premier film en Dolby Atmos, Rebelle, ce nouveau format encore plus immersif tente d’envahir nos salons.

Dossier réalisé par François-Cyrille Géroult OCTOBRE 2015 PREMIÈRE 79


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Sony

1. LG 55EG960V, 3 490 €. Certainement le meilleur écran plat de cette fin d’année combinant la fabuleuse technologie OLED et la résolution Ultra HD. Ce téléviseur courbe de 140 cm est le seul du marché à offrir un noir absolu et un contraste inégalable. En prime, son affichage 3D passif de haut niveau autorise l’utilisation de lunettes plus légères et plus agréables à porter, car elles sont dépourvues de batterie. 2. Panasonic TX-50CX700E, 1 290 €. Un bel écran LED UHD de 127 cm à moins de 1000 € ? C’est possible ! Ce modèle lancé au printemps dernier offre une panoplie de fonctions connectées via son système embarqué Firefox OS, sans oublier la compatibilité 3D en version active... Mais attention, aucune paire de lunettes n’est fournie. Revenons au tarif, alléchant, le prix public de lancement n’est plus du tout d’actualité et Panasonic rembourse 200 € sur ce modèle jusqu’au 31 décembre 2015. Beau cadeau ! 3. Philips 55PUS7600/12, 1 790 €. Ce téléviseur LED Ultra HD de 140 cm se différencie clairement de la concurrence par la technologie Ambilight, signature de la marque depuis de nombreuses années. Elle projette sur le mur un halo coloré tout autour de l’écran, en fonction des images affichées, comme si le contenu vidéo envahissait votre intérieur. 4. Samsung UE65JS9500, 4 990 €. Ce modèle haut de gamme offre une image UHD incurvée de 165 cm de diagonale et embarque tout le savoir-faire technologique de la marque : processeur 8 cœurs hyperpuissant, pilotage vocal ou par reconnaissance de mouvements, webcam intégrée, accès Internet complet par câble ou sans fil, communication bidirectionnelle avec son smartphone ou sa tablette, jeux vidéo. 5. Sony KD-55X8505C, 1 590 €. Principale nouveauté de cette gamme X85C d’écrans UHD, l’interface Android TV qui transforme votre écran plat en tablette géante. Ainsi, la navigation dans les différents menus devient plus facile et les possibilités du téléviseur semblent infinies, car il est possible de choisir dans un vaste catalogue d’applications.

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VIDÉOPROJECTEURS Acer Epson Philips Sony Vivitek

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1. Acer V7500, 799 €. Projeter une image HD d’au moins 2 mètres de base n’est qu’une simple formalité pour ce petit projecteur abordable. Le capteur intelligent LumiSense+ optimise la luminosité et la saturation des couleurs de l’image projetée en fonction de l’éclairage de la pièce. Bref, son rapport qualité prix s’avère vraiment intéressant. 2. Epson EH-LS10000, 7 349 €. Techniquement paré pour projeter la saga Star Wars, cet appareil dernier cri utilise le laser comme source lumineuse à la place de la traditionnelle lampe UHP. Silencieux, il promet jusqu’à 30 000 heures de fonctionnement, soit un film par jour pendant les quarante prochaines années ! De nombreux traitements vidéo permettent de magnifier les images en simulant notamment un affichage 4K. 3. Philips Screeneo HDP1690TV, 999 €. Ce n’est pas la résolution native un peu faiblarde avec ses 1280 x 800 pixels de ce projecteur original qui a retenu notre attention, mais sa focale ultracourte. En le plaçant à 40 cm seulement du mur on obtient une image d’environ 2,50 m. Autres particularités, il intègre un tuner TNT HD pour regarder ses programmes TV favoris et un système de restitution audio stéréo. 4. Sony VPL-VW320ES, 6 990 €. Disponible en deux coloris, blanc ou noir, ce projecteur Sony est le seul du marché (avec ses grands frères) à proposer une résolution 4K de 4096 x 2160 pixels, identique à la norme du cinéma numérique. Il n’en reste pas moins compatible avec les Blu-ray ou DVD, alors convertis en 4K grâce au procédé Reality Creation. L’image est améliorée, certes, mais le résultat restera inférieur à des sources natives UHD/4K. 5. Vivitek H1188HD, 1 199 €. Un petit projecteur pensé pour le cinéma à domicile proposé à prix doux et réunissant tous les critères indispensables à une image de qualité : un contraste solide, un traitement du signal vidéo efficace, une forte luminosité, un excellent piqué, un bruit de fonctionnement contenu en mode éco... Le tout assorti d’une garantie de trois ans (limitée à un an pour la lampe).

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Dossier high-tech BLU-RAY

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Oppo Panasonic Pioneer Samsung Sony

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1. Oppo BDP-105D EU, 1 599 €. Une platine universelle haut de gamme qui accepte tous types de galettes numériques, du CD audio au Blu-ray 3D, en passant par les SA-CD et DVD audio. Elle tire la quintessence de chaque disque et va, si l'on peut dire, au-delà. Ses prestations audio séduiront les mélomanes les plus exigeants, quand son traitement d’images Darbee intégré et l’upscaling 4K raviront les rétines les plus sensibles. 2. Panasonic DMP-BDT370, 149 €. Ce lecteur Blu-ray offre un éventail de possibilités inversement proportionnel à son tarif, très attractif. Il peut convertir les sources vidéo en résolution 4K, transformer des contenus 2D en 3D et aussi faire très facilement office de navigateur Internet, grâce à sa connectivité Wi-Fi intégrée. 3. Pioneer BDP-LX58, 699 €. Autre modèle haut de gamme de notre sélection, signé Pioneer, ce lecteur Blu-ray équipé d'un châssis antivibrations : c’est du lourd. Il affiche quasiment 10 kg sur la balance ! Ses remarquables performances audio et vidéo le placent d’emblée comme l’un des meilleurs appareils vendus sous la barre des 1 000 €. Rien que ça. Et pour le fun, on peut même le piloter depuis son smartphone Android ou iOS. 4. Samsung BD-J7500, 249 €. Sa connectique complète permet de l’adapter à différentes configurations matérielles, même anciennes. La double sortie HDMI permet, par exemple, d’alimenter un écran compatible UHD ou 3D quand l’ampli ne l’est pas. Dans le même esprit, les sorties audio analogiques sauveront de la mise au rebut un ampli 5.1 dépourvu d’entrée HDMI. 5. Sony BDP-S6500, 149 € Un lecteur abordable du point de vue du prix et compact, qui peut aisément faire office de seconde platine Blu-ray car ses prestations vidéo ne déméritent pas, loin de là. Doté du super Wi-Fi, le signal étant plus puissant grâce à la multiplication des antennes, ce petit Sony met en avant sa connectivité à Internet dès sa page d’accueil, truffée d’applications en tous genres.

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SON Denon Philips Sonos Yamaha

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Onkyo

1. Denon Heos, à partir de 249 €. C’est toute une gamme d’enceintes sans-fil que Denon propose, venant ainsi chasser sur les terres audio de Sonos. De l’Heos 1, compacte et portable, à l'Heos Home Cinema, avec sa barre de son et son caisson de basses pour accompagner votre téléviseur, il y a un produit pour chaque pièce de la maison. En guise de télécommande, une application à installer sur votre tablette ou smartphone. 2. Philips Fidelio B5/12 SoundBar, 800 €. À première vue, cette barre de son semble bien classique... Son originalité réside dans ses extrémités détachables, qui deviennent en un clin d’œil des enceintes surround, sans-fil grâce à leur batterie rechargeable. Et pour que l’immersion dans le film soit totale, un système d’autocalibration optimise le rendu sonore dans votre pièce. 3. Sonos PLAY:5, 579 €. Le leader du « son intelligent pour votre maison », Sonos, enrichit sa gamme d’enceintes sans-fil avec cette PLAY:5 dotée de 6 haut-parleurs. Autre nouveauté, le système de paramétrage automatique Trueplay, disponible sur iOS, qui garantit un son parfait, quelle que soit la configuration de la pièce et le positionnement de l’enceinte. Impressionnant ! 4. Yamaha YSP-5600, 1 999 €. Voilà déjà plus d’une décennie que Yamaha, l’inventeur du projecteur sonore, ne cesse d’améliorer son concept. Sa dernière innovation haut de gamme apporte dans votre salon le son Dolby Atmos, réservé pour l’instant seulement, à quelques salles de cinéma récentes. Le son semble provenir des côtés, de l’arrière et du plafond. En option, s'ajoute un caisson de basses sans-fil pour offrir les conditions d'un spectacle à couper le souffle. 5. Onkyo TX-NR646, 699 €. Cet ampli-tuner home cinéma s’intégrera parfaitement dans une configuration musclée car il a de la puissance à revendre : 7 x 160 W. Il peut aussi se vanter de proposer les derniers formats audio multicanaux, du DTS:X au Dolby Atmos. On pourra ainsi lui associer les enceintes Klipsch Reference Premiere compatibles Dolby Atmos.

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Dossier high-tech

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APPAREILS PHOTO NUMÉRIQUES Canon Leica Panasonic Ricoh

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Samsung

1. Canon EOS 5Ds, 3 599 €. Avec son capteur de 50,6 millions de pixels, cet appareil photo professionnel devient le champion du monde de la résolution. Son boîtier conventionnel, résistant à l’humidité et à la poussière, ne propose pas de réelles innovations technologiques, la section vidéo restant notamment limitée à la haute définition. 2. Leica Q, 3 990 €. La marque allemande indissociable de l’histoire de la photographie, centenaire en 2014, revient en force dans le numérique avec cet appareil compact expert qui est équipé d’un capteur plein format de 24,2 millions de pixels, associé à une focale fixe de 28 mm f/1.7 stabilisée. Le prix est à la hauteur des prestations. 3. Panasonic Lumix DMC-FZ300, 599 €. Ce bridge signé Panasonic a tout pour séduire le photographe amateur comme le vidéaste averti : un capteur de 12 millions de pixels, un zoom lumineux 24 x stabilisé, un écran tactile orientable, un boîtier tropicalisé qui résiste à l’eau et à la poussière et la possibilité de filmer en UHD. De quoi exploiter pleinement son nouvel écran Ultra HD avec ses propres films. 4. Ricoh Theta S, 399 €. Un appareil photo au look et aux fonctionnalités originales, car il permet de capturer son environnement à 360° sphérique ! Cet ovni photographique, qui tient dans le creux de la main, offre une mémoire interne de 8 Go pour stocker ses étonnants clichés et des vidéos Full HD. Des applications pour smartphone et ordinateur spécialement développées pour le Theta S sont disponibles gratuitement sur le site dédié. 5. Samsung NX500, 599 €. Il s'agit de l'unique appareil de notre sélection à pouvoir filmer en Ultra HD et en véritable 4K, cet hybride est équipé d’un capteur de 28,2 millions de pixels et d’un zoom 16/50 mm. S’il est dépourvu de viseur, il propose néanmoins un écran tactile orientable verticalement à 180°. Si son look est rétro, il est au top de la technologie avec, par exemple, une connectivité sans-fil complète Wi-Fi, Bluetooth et NFC.

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SMARTPHONES Apple LG Microsoft Samsung Sony

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1. Apple iPhone 6S, à partir de 749 €. Cette dernière génération d’iPhone S reprend la base des modèles 6 et 6 Plus sortis l’an dernier. Elle améliore la puissance des processeurs, la qualité des photos avec un capteur 12 mégapixels et la qualité des vidéos avec la possibilité de filmer en UHD. La réelle innovation est à chercher du côté de l’écran 3D Touch qui, en fonction de la pression exercée, propose différentes actions. 2. LG G4, à partir de 649 €. Téléphone portable ou appareil photo numérique ? On peut se poser la question tant ce G4 se révèle performant pour prendre des clichés de toute beauté grâce à un capteur de 16 millions de pixels et une stabilisation optique avec mise au point laser. Et si le photographe qui sommeille en vous se déchaîne, sachez que la mémoire est extensible par carte microSD. 3. Microsoft Lumia 950, à partir de 599 €. Les nouveaux smartphones Windows 10 se veulent haut de gamme. En deux tailles d’écran, 5,2 et 5,7 pouces, ils sont dotés de processeurs surpuissants à refroidissement liquide, d’un capteur photo de 20 millions de pixels et d’un système de déverrouillage par scan de l’iris. Une innovation digne des meilleurs gadgets de 007. 4. Samsung Galaxy S6 edge, à partir de 699 €. Le Coréen aime arrondir les angles... À l’instar de ses téléviseurs, ses Galaxy S6 edge et edge+ se démarquent notamment de la concurrence par un écran aux bords incurvés. Un design très séduisant certes, mais qui n’apporte pas grand-chose finalement. Il n’en reste pas moins des smartphones haut de gamme, très pointus pour les photos et les vidéos en UHD. 5. Sony Xperia Z5 Premium, 799 €. Si tous les téléphones de cette sélection permettent de filmer en UHD/4K, ce nouveau Z5 Premium inclus, ce dernier est le seul à proposer un écran avec cette résolution native. Après ses téléviseurs et ses vidéoprojecteurs, Sony continue sur sa lancée du tout-4K. Autre prouesse notable, ce téléphone dispose d'un niveau élevé d’étanchéité qui lui permet de résister à l’eau et à la poussière.

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THE VISIT UNE RENCONTRE

EXTRATERRESTRE

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LES ANARCHISTES

Critique p. 94

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L’HERMINE

Critique p. 98

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++++ KNIGHT OF CUPS de Terrence Malick

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STRICTLY CRIMINAL

Critique p. 100

C’était l’un des films les plus attendus de l’année. Avec Knight of Cups, Terrence Malick ne déçoit pas les attentes et clôt en beauté sa trilogie existentialoarty entamée en 2011 avec The Tree of Life. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 87 87


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★ ★ ★ ★ KNIGHT OF CUPS de Terrence Malick

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Sean Penn contrit pour d’autres et, pour une large majorité, le finale réconciliateur où tout le cast se tombait dans les bras sur une plage. On ne sait pas si Malick lit les critiques, sans doute s’en moque-t-il autant que d’écrire un scénario en trois actes, mais Knight of Cups ressemble à une fin de non-recevoir face à ces réserves. Tous ces moments limites sont désormais les seuls qui le passionnent et il les filme avec une obsession quasi pathologique, comme un peintre dans sa période bleue. De la création du monde, dans The Tree of Life, il a tiré un long métrage à part entière qui sortira un jour (Voyage of Time) ; des scènes modernes, il a fait le terrain d’exploration de ses trois films suivants (À la

merveille hier, Knight of Cups aujourd’hui, son prochain film situé à Austin avec Ryan Gosling demain) ; de la plage, le lieu où Christian Bale emmène toutes ses conquêtes. Rétrospectivement, The Tree of Life ressemblerait presque à un brouillon. « Brouillon » : le terme est sans doute exagéré devant pareil chef-d’œuvre.

originelle. Le style, parlons-en. Si on associe le cinéma d’auteur ou expérimental à une forme de pose, de lenteur, d’affectation, de minimalisme, Knight of Cups constitue l’extrême inverse de cette vision des choses. C’est au contraire un torrent de plans terrassants, un défilé de femmes sublimes, une plongée vertigineuse dans un

Malick conçoit un cinéma d’une humanité sans pareille où la raillerie et le cynisme n’ont pas leur place Disons plutôt, pour continuer à filer la métaphore picturale, que le film est une fresque dont Malick extrairait désormais des détails pour les transformer en d’autres toiles de la dimension de l’œuvre

Los Angeles dévoré par un urbanisme délirant – on pense aux derniers Michael Mann, et en particulier à Collateral –, une playlist pointue allant de l’entêtant Exodus, de Wojciech Kilar, à

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ick (Christian Bale) est un scénariste en vue à Hollywood. Plongé dans une angoisse existentielle profonde, il erre dans le désert, symbole du vide de sa vie. Les souvenirs affluent au cours de son périple : il se souvient des femmes aimées, des garden-parties somptueuses, mais aussi des relations conflictuelles avec son père et son seul frère encore vivant. Il est éclairant de reconsidérer The Tree of Life, de Terrence Malick, à l’aune de son nouveau film, Knight of Cups. Même chez les plus fervents admirateurs de Terrence Malick, des scènes de la Palme d’or 2011 avaient du mal à passer : la parenthèse création de l’Univers pour certains, les scènes contemporaines avec un


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le film événement

l’extraordinaire morceau de dubstep Ashtray Wasp, de Burial, un maillage sonore complexe où les voix off des acteurs principaux se mêlent à des sources extérieures (des pièces radiophoniques où Charles Laughton lit des textes religieux, Ben Kingsley narrant Le Voyage du pèlerin, et même le Major Briggs de la série Twin Peaks !). En somme, cette œuvre bouillonnante vise d’abord à l’épuisement physique de son spectateur pour mieux le faire entrer dans une forme sinon de méditation, du moins d’abandon. Certains seront déconcertés par le caractère radical du projet qui n’offre ni personnages, ni histoire auxquels se raccrocher. Knight of Cups est un voyage mental où une caméra en apesanteur

traverse les lieux sans s’attarder et où Christian Bale a l’évanescence d’une projection astrale, revisitant des scènes de son passé amoureux ou familial tel un fantôme errant. Plus d’une fois, on pense au héros de La Jetée de Chris Marker, apparaissant et disparaissant à différents moments. Malick conçoit un cinéma d’une humanité sans pareille où la raillerie et le cynisme n’ont pas leur place. Si l’univers dans lequel évolue son héros est une illusion (Hollywood, Las Vegas, ses fêtes, ses créatures, son vide), Malick sait combien la beauté du monde se niche aussi dans cette illusion. Qui mieux que lui pour filmer la pyramide et le sphinx en toc de l’hôtel Luxor de Vegas, ou un sosie d’Elvis Presley, avec

le même émerveillement que s’il était devant les vrais ? Dans le cinéma malickien, la tendresse est tout autant adressée à l’ancienne épouse (Cate Blanchett) qu’à la conquête du moment (Teresa Palmer désignée comme la « grande prêtresse », sans doute la fille la plus inoubliable du casting), au riche qu’au pauvre, à la star qu’au figurant, au playboy tentateur (Antonio Banderas) qu’au prêtre, à la religion qu’à l’ésotérisme, à l’humain en général qu’à l’insecte en passe de se noyer dans une piscine. Le film réussit le mariage contre-nature de l’impudeur et de la bienveillance. Si la fin apporte un semblant de réponse quant au destin de son personnage, sans doute est-elle aussi illusoire que le

reste. Car finalement, cet homme, exilé dans un désert où les astres scintillent comme des néons, est le même que celui qui trace sa route au volant de sa décapotable sur les échangeurs de L.A. tandis que les panneaux publicitaires ornés de mannequins sublimes éclairent la nuit telles des étoiles. Le cinéaste a beau s’attacher à un héros déconnecté de la réalité, un chevalier (knight) – dont la quête sans fin est de rassembler les continents à la dérive de son monde intérieur, le film lui, les réconcilie par la seule grâce de son regard. NICOLAS RIOULT USA.. 1 H 58. AVEC CHRISTIAN BALE, NATALIE PORTMAN, CATE BLANCHETT... SCÉNARIO TERRENCE MALICK. MUSIQUE HANAN TOWNSHEND . PHOTOGRAPHIE EMMANUEL LUBEZKI . DISTRIBUTION METROPOLITAN FILMEXPORT.

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★ ★ LE FILS DE SAUL de László Nemes Forcé de travailler dans un Sonderkommando à Auschwitz, Saul découvre le cadavre d’un enfant (son fils ?) qui vient d’être gazé. Pour donner du sens au peu de vie qu’il lui reste, il tente de lui offrir une sépulture. Dès le premier plan, Le Fils de Saul attrape le spectateur pour ne plus le lâcher. Un planséquence suit un visage, un corps (Saul), qui descend dans les entrailles de la terre et pénètre la machine génocidaire. Dès ce début tétanisant, László Nemes rompt avec l’imagerie qui a prévalu dans les fictions sur la Shoah.

Le réalisateur et son équipe se sont soumis à des règles strictes de narration et de mise en scène. On reste rivés au « héros », on épouse le point de vue de ce juif hongrois contraint d’assister les nazis dans leur entreprise de massacre et on ne voit que ce qu’il voit – le reste étant rejeté hors champ ou flou. La solution finale est réduite à un vacarme infernal (une bande-son terrifiante où se mêlent les bruits de l’industrie meurtrière à une Babel des langues), un visage décharné, des flammes ou des cadavres qu’on aperçoit. Le Fils de Saul

est un survival dans l’enfer labyrinthique des camps. Une plongée immersive. Pourtant, le film ne devient jamais l’expérience viscérale qu’il cherche à être. À cause de sa structure narrative trop simpliste, qui utilise la formule du conte (voire de la mythologie – Saul, c’est Antigone dans les camps), ou de ses artifices (le travail sur le son, la photo sublime, les maquillages et les décors). Reste un film impressionnant, mais pas le choc recherché. GAËL GOLHEN HON. 1 H 47. AVEC GEZA RÖHRIG, LEVANTE MOLNAR, URS RECHN... DISTRIBUTION AD VITAM..

★ ★ MADAME BOVARY de Sophie Barthes

GB. 1 H 58. AVEC MIA WASIKOWSKA, HENRY LLOYD-HUGHES, EZRA MILLER... DISTRIBUTION JOUR2FÊTE.

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★★★ THE VISIT – UNE RENCONTRE EXTRATERRESTRE de Michael Madsen Que se passerait-il en cas de rencontre avec des extraterrestres ? Ce documentaire nous donne des réponses. Il y a quatre ans, le Danois Michael Madsen s’invitait à la table des cinéastes qui comptent avec Into Eternity, objet singulier entre le documentaire circonstancié et la fable SF à la mise en scène kubrickienne. On retrouve ses fascinants travellings et ses ralentis irrespirables dans The Visit..., qui pousse le concept encore plus loin en faisant jouer leurs propres rôles à des individus censés faire face à l’arrivée

d’extraterrestres sur Terre. Ce protocole américain – évidemment – existe-t-il vraiment ? Oui, nous répond Michael Madsen, qui filme des scientifiques, des communicants et des militaires, avec intérêt et ironie mêlés. En résulte un film d’anticipation d’un genre nouveau, ponctué de visions stupéfiantes et abstraites, telles que cet homme en combinaison orange s’enfonçant doucement dans l’obscurité – disparition ou renaissance, on ne sait pas. Fascinant. CHRISTOPHE NARBONNE NOR-DAN-IRL-FIN. 1 H 23. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION PICKUP.

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Après Âmes en stock (2009), premier long original et fou dont elle signait le scénario, Sophie Barthes adapte (avec Felipe Marino) le roman de Flaubert, dans la foulée de Renoir, Minnelli et Chabrol (entre autres). S’ouvrant sur la mort d’Emma et évoquant sa soif d’amour, le film est centré sur la déception de la jeune femme, dont le mariage ne répond pas aux attentes romantiques. Ces choix restreignent la portée du roman et rendent l’héroïne certes plus sympathique, mais moins complexe. Heureusement, Mia Wasikowska offre un intéressant mélange de douceur passéiste et de légèreté moderne. Enfin, la beauté des lumières et la munificence des costumes sont indéniables. ISABELLE DANEL


04.11 et aussi

+ + NIGHT FARE

FRA. 1 H 20. DE JULIEN SERI. AVEC JONATHAN HOWARD, JONATHAN DEMURGER, FANNY VALETTE... DISTRIBUTION KANIBAL.

★ ★ STEVE MCQUEEN – THE MAN & LE MANS de John McKenna & Gabriel Clarke 1970. Le tournage du Mans de John Sturges débute. Pour Steve McQueen, pilote émérite et producteur omnipotent, ce film doit être le summum de sa carrière. Mais rien ne se passera comme prévu. Démarré sans scénario, quitté par Sturges (remplacé par Lee H. Katzin, un réalisateur issu de la télévision), marqué par un grave accident (dans lequel le pilote David Piper perdit sa jambe), le tournage du Mans faillit avoir la peau de Steve McQueen, alors au firmament de sa carrière. Ce documentaire, qui ambitionne d’éclairer sous un nouveau

jour les coulisses d’un des grands naufrages hollywoodiens, n’est ni une enquête scrupuleuse, ni un portrait définitif. Entrecoupé de scènes de reconstitution maladroites (qui sont la plaie du genre...), The Man & Le Mans déçoit un peu les attentes. Reste, et ce n’est pas si mince, une réflexion sur le star-system et ses dérives, combattu aussi bien que personnifié par Steve McQueen, l’un des acteurs les plus fascinants de son époque. C.N. USA-GB. 1 H 52. DOCUMENTAIRE. PHOTO MATT SMITH. MUSIQUE JIM COPPERTHWAITE DISTRIBUTION MARCO POLO PRODUCTION.

Les dettes se paient tôt ou tard : c’est le leitmotiv simple mais efficace de ce compte à rebours contre la mort dans la nuit parisienne, cocktail improbable de Taxi Driver, de Duel et d’un film animé de samouraïs. On tutoie parfois le grand n’importe quoi, et alors ? Dynamique, la mise en scène assure le job, digne d’une roborative série B. ÉRIC VERNAY

+ + + NORTE

– LA FIN DE L’HISTOIRE

PHI. 4 H 10. DE LAV DIAZ. AVEC SID LUCERO, ARCHIE ALEMANIA, ANGELI BAYANI... DISTRIBUTION SHELLAC.

Cette cruelle radiographie des Philippines, inspirée de Crime et Châtiment, de Dostoïevski, relie les destins de Fabian, étudiant en droit ayant commis un meurtre, et de Joaquin, le pauvre homme qui paie pour celui-ci. De ce film-fleuve aux images sublimes qui réinvente le temps et la composition des plans, on sort sonné. I.D.

+ + SIGO SIENDO

PÉR-ESP. 2 H 00. DE JAVIER CORCUERA. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION ALOEST.

★★★ NOUS TROIS OU RIEN de Kheiron Popularisé par ses stand-up et la série Bref, Kheiron passe à la réalisation en retraçant le parcours de ses parents, opposants politiques iraniens contraints de s’exiler en France en 1984. La brutalité de la réalité historique exposée dans la première partie (où l’on aperçoit les prisons du Shah) s’accompagne de dialogues absurdes et d’un comique de situation qui font voisiner le portrait familial avec l’esprit satirique de Riad Sattouf. Si la seconde partie, peinture du vivre-ensemble dans les banlieues, est moins soignée, cette comédie sur l’immigration et la nécessité de lutter contre l’obscurantisme fait entendre sa voix optimiste. DAMIEN LEBLANC FRA. 1 H 42. AVEC KHEIRON, LEÏLA BEKHTI, GÉRARD DARMON... DISTRIBUTION GAUMONT.

Des chants quechua des Andes aux rythmes afrocubains de Lima, en passant par la spectaculaire danse des ciseaux, une virée documentaire à travers les musiques du Pérou, pour une sorte de Buena Vista Social Club local. S’égarant un peu dans une myriade de portraits, le voyage offre son lot d’inoubliables visages parcheminés et de good vibes latinos. E.V.

+ + THE MEND

USA. 1 H 51. DE JOHN MAGARY. AVEC JOSH LUCAS, STEPHEN PLUNKETT, MICKEY SUMNER... DISTRIBUTION VISIOSFEIR.

Un New-Yorkais à la dérive squatte chez son frère à la vie mieux rangée. Peuplé d’êtres déboussolés, ce film télescope les individualités en quasi huis clos, façon Cassavetes (sans le côté free jazz) avec une touche de Desplechin (fermetures à l’iris, montage syncopé, haine de la famille) : une « dramédie » mi-crispante mi-attachante. E.V.

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★ ★ LA DERNIÈRE LEÇON de Pascale Pouzadoux

de la 3D, la vision à plat d’Avril et le Monde truqué, d’une invention stimulante, rappelle le pouvoir d’attraction intact d’une forme jugée un peu désuète par certains... L’histoire, quant à elle, pleine de rebondissements et d’humour, est l’occasion pour les acteurs qui prêtent leur voix aux personnages de se livrer à de belles performances. Jean Rochefort en émule du professeur Tournesol et Philippe Katherine en chat philosophe assurent notamment le spectacle. C.N.

Lors d’un repas de famille, une grandmère de 92 ans exprime à ses enfants et petits-enfants le désir de mettre fin à ses jours. Adapté du roman éponyme de Noëlle Châtelet, le récit traite de la mort d’une manière plus épicurienne que tragique, en montrant comment une femme trouve un second souffle auprès de sa mère lorsque celle-ci lui explique son choix de partir sans souffrir. Les échanges de regards entre les excellentes Sandrine Bonnaire et Marthe Villalonga constituent les meilleures parties de ce lumineux mélo. Ils compensent la faiblesse de certains personnages secondaires, comme le petit-fils surfeur, qui jouent inutilement la carte de la comédie pantouflarde. D.L.

FRA. 1H45. AVEC LES VOIX DE MARION COTILLARD, JEAN ROCHEFORT, PHILIPPE KATERINE... DISTRIBUTION STUDIOCANAL.

FRA. 1 H 45. AVEC SANDRINE BONNAIRE, MARTHE VILLALONGA, ANTOINE DULÉRY... DISTRIBUTION WILD BUNCH.

★ ★ ★ AVRIL ET LE MONDE TRUQUÉ de Christian Desmares & Franck Ekinci 1941. Le monde vit encore à l’ère du charbon et de la vapeur, tous les scientifiques du monde entier ayant mystérieusement disparu les uns après les autres. C’est le cas des parents d’Avril, jeune femme intrépide qui a grandi dans l’espoir de les retrouver. Les ombres de Hayao Miyazaki et de Jules Verne planent sur ce dessin animé protéiforme qui embrasse le serial, l’esthétique steampunk, l’uchronie, le tout sous la supervision de l’immense Tardi, responsable de la création graphique. Trains suspendus, double Tour Eiffel, univers parallèle : à l’heure du triomphe

★ ★ DOPE de Rick Famuyiwa

USA. 1 H 43. AVEC SHAMEIK MOORE, TONY REVOLORI, KIERSEY CLEMONS... DISTRIBUTION HAPPINESS.

92 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

★★ EN MAI FAIS CE QU’IL TE PLAÎT de Christian Carion En mai 1940, des villageois français fuient l’invasion nazie. Parmi eux, se trouve un garçon allemand dont le père, opposant au régime hitlérien, est emprisonné à Arras. Libéré, le papa tente de retrouver son fils. Fidèle à son envie de raconter des histoires issues de la mémoire familiale, Christian Carion aborde ici l’exode du printemps 1940, vécu par huit millions de Français dont sa propre mère. Tenté par l’épopée, le cinéaste montre ce déplacement de population comme un saut dans l’inconnu, qui exige

courage et énergie – ce que vient appuyer la musique d’Ennio Morricone. Multipliant les allers-retours entre le convoi de réfugiés franchouillards et des séquences plus guerrières où un immigré allemand s’allie avec un héroïque soldat écossais, le film n’offre pas la même intensité à ses différentes intrigues, mais surprend par son mélange de violence graphique et d’optimisme champêtre. D.L. FRA. 1 H 54. AVEC AUGUST DIEHL, OLIVIER GOURMET, MATHILDE SEIGNER... DISTRIBUTION PATHÉ.

PHOTOS DR

Spike Lee n’en finit plus de faire des émules. Après Justin Simien (Dear White People), c’est au tour d’un autre réalisateur afroaméricain de s’essayer au pamphlet fun et édifiant, qui veut donner une image positive de sa communauté sans chercher à la dédouaner de ses erreurs. Soit l’histoire de Malcolm, jeune geek fan du hip-hop des années 90, embringué dans une histoire de drogue qui met en péril son avenir tranquille. « Dope, c’est Risky Business pour la génération 2.0 », martèle Rick Famuyiwa dans sa note d’intention un peu trop programmatique. Le fait est qu’on se désintéresse assez vite de cette comédie certes rythmée, mais curieusement dénuée d’enjeux. C.N.


04.11 et aussi

+ À VIF !

USA. 1 H 56. DE JOHN WELLS. AVEC BRADLEY COOPER, DANIEL BRÜHL, SIENNA MILLER... DISTRIBUTION SND.

Un chef reconnu ayant gaspillé son talent et découragé ses amis par ses colères et ses addictions remonte, à Londres, un restaurant et une équipe. Entre récit d’une rédemption et ode à la grande cuisine, le film se perd et n’approfondit pas le propos. Sympathique mais paresseux et peu rythmé, il offre toutefois à Bradley Cooper un personnage efficace et taillé sur mesure. I.D.

+ + LA CLARTÉ

FRA. 1 H 16. D’ÉLODIE FARIA & RÉMY RATYNSKA. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTEUR CINÉODE.

La Clarté suit avec beaucoup de tendresse la création d’une pièce de théâtre interprétée par des personnes en situation de handicap mental. Dans les coulisses passionnantes de ce projet ambitieux, on rencontre une bande de comédiens épuisés par les répétitions et impatients de mettre le feu aux planches. Une troupe finalement comme les autres ! MATHIAS AVERTY

+ + LA FÊTE EST FINIE FRA. 1 H 12. DE NICOLAS BURLAUD. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION COLLECTIF 360° ET MÊME PLUS.

Par qui un projet tel que le MuCEM de Marseille pourrait-il être décrié ? Tout simplement par ses riverains, négligés et même déplacés pour faire place neuve. Un postulat plus martelé que développé, mais à bon escient puisqu’il s’agit d’éveiller les consciences. HENDY BICAISE

+ + MERCI LES JEUNES !

FRA. 1 H 21. DE JÉRÔME POLIDOR. AVEC THÉO COSTA-MARINI, LAURA CAZES-PAILLER, AMINA ZOUITEN... DISTRIBUTION LA MARE.

Une télé de quartier, à la cité des Mines : animateurs et jeunes y croient jusqu’à ce que les dissensions émergent. Ce premier long, bricolé avec pas mal d’amateurisme et beaucoup d’enthousiasme, véhicule quelques clichés sur la banlieue. Mais le sujet est circonscrit et les bonnes questions (sur la récupération politique, l’opportunisme...) sont soulevées. I.D. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 93


★ ★ ★ LES ANARCHISTES d’Elie Wajeman Paris, 1899. Un brigadier infiltre un groupe d’anarchistes. Il va bientôt être déchiré entre les impératifs de sa mission et les sentiments forts qu’il éprouve pour les membres de la bande. Beaucoup de critiques avaient comparé Alyah, le premier long d’Elie Wajeman, à du James Gray, et c’est encore une fois à l’homme de The Yards qu’on pense en voyant Les Anarchistes. De la même

façon que Gray redimensionne des classiques monumentaux du cinéma (Le Parrain, Rocco et ses frères) pour les faire tenir dans des « deux pièces cuisine » du Queens ou de Brooklyn, Wajeman s’empare ici d’un chefd’œuvre de Martin Ritt (Traître sur commande, 1970) et le réinvente dans des salons parisiens exigus et des cafés blafards. L’intrigue est très proche de celle de Ritt (un flic

se lie d’amitié avec des révoltés), le contexte aussi (le Paris de 1899 versus la Pennsylvanie des années 1870). C’est une référence énorme, écrasante. Les moustaches de Tahar Rahim et de Swann Arlaud remplacent celles de Richard Harris et de Sean Connery. Ça ne devrait pas marcher. Et pourtant si, grâce à des dialogues incroyablement élégants (balancés avec un naturel fou par un casting qui tue),

et cette étrange photo bleu nuit, qui saisit une ville claustro et endormie. Assumant ses fixettes US jusqu’au bout en les étayant par des obsessions françaises (politiques, historiques, romantiques, littéraires), voici un petit film qui voit grand, très grand, et il aurait tort de se gêner. FRÉDÉRIC FOUBERT FRA. 1 H 41. AVEC TAHAR RAHIM, ADÈLE EXARCHOPOULOS, SWANN ARLAUD… DISTRIBUTION MARS FILMS.

AU ROYAUME DES SINGES

★★★

de Mark Linfield &Alastair Fothergill

USA. 1 H 21. AVEC LA VOIX DE CLAIRE KEIM. DISTRIBUTION WALT DISNEY FRANCE.

94 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

★★ UNE HISTOIRE DE FOU de Robert Guédiguian Berlin, 1921. Le principal responsable turc du génocide arménien, Talaat Pacha, est abattu en pleine rue par Soghomon Thelirian, dont la famille a été exterminée. Soixante ans plus tard, à Paris, un Français est la victime collatérale d’un attentat dirigé contre l’ambassadeur de Turquie par un Marseillais d’origine arménienne. Grièvement blessé, il cherche à comprendre. Malgré son titre, Une histoire de fou a un côté scolaire, comme souvent avec Guédiguian lorsqu’il s’attaque à un matériau historique. D’autant qu’ici, le réalisateur

s’acquitte d’un devoir de mémoire envers ses propres origines arméniennes. Ce qui donne un film appliqué, conscient de son rôle. Mais au lieu d’annihiler totalement son souffle romanesque, cet aspect pédagogique le nourrit, en s’intégrant organiquement à son récit : le personnage principal prend peu à peu conscience du génocide et de l’importance de sa reconnaissance. La puissance de la tragédie personnelle finit par prendre le pas sur le cours magistral. E.V. FRA. 2 H 14. AVEC SIMON ABKARIAN, ARIANE ASCARIDE, GRÉGOIRE LEPRINCE-RINGUET... DISTRIBUTION DIAPHANA.

PHOTOS DR

Une plongée dans la société hiérarchisée des macaques à toque du Sri Lanka, où l’on suit la guenon Maya qui essaie de survivre. Joliment shooté au milieu d’une cité abandonnée et trafiqué (comme si un documentaire devait forcément être objectif), le dernier Disney Nature ne parle pas que de singes qui se papouillent. Il raconte une histoire pleine de rebondissements et d’archétypes shakespeariens (trois sorcières, le souverain menacé, la conquête et la perte du pouvoir), une guerre entre clans, la lutte d’une mère célibataire contre le système, mais aussi la menace que représentent les humains pour les animaux. Tout ça ? Oui. SYLVESTRE PICARD


11.11 et aussi

+ + ÁRTICO

ESP. 1 H 18. DE GABRIEL VELÁZQUEZ. AVEC DÉBORA BORGES, VICTOR GARCIA... DISTRIBUTION BOBINE FILMS.

Ce drame minimaliste et implacable suit la descente aux enfers de quatre jeunes qui se débattent en marge d’une Espagne en crise. À voir pour la terrible amertume avec laquelle Velázquez transforme son pays malade en cercueil glacial. M.A.

★ ★ L’ÉTAGE DU DESSOUS de Radu Muntean Persuadé d’avoir identifié l’auteur d’un meurtre commis dans son immeuble, un homme choisit de ne rien dire. Ce pitch est le point de départ d’une sorte de thriller moral aux enjeux majuscules, instaurant une tension qui stimule autant l’esprit que l’adrénaline. Celui que tout semble désigner est-il vraiment coupable ? Si oui, son comportement, de plus en plus intrusif et menaçant, va-t-il faire exploser l’existence du témoin ? Quant à ce dernier, la terreur l’empêchera-t-elle de dénoncer le crime aux autorités, comme le lui intime

+ + LE DERNIER

CONTINENT

son devoir de citoyen ? Tout en posant ces questions, la mise en scène (rigoureuse) et le scénario (sobrement flippant) semblent préparer le terrain pour un crescendo aux allures d’estocade. Alors on attend, captivé… Jusqu’au moment où le réalisateur décide de laisser le spectateur apporter ses propres réponses. Une démarche surprenante et radicale, où le légitime sentiment d’insatisfaction cède bientôt la place à une réflexion indubitablement féconde. BERNARD ACHOUR ROU-FRA-ALL-SUÈ. 1 H 33 AVEC TEODOR CORBAN, IULIAN POSTELNICU, OXANA MORAVEC... DISTRIBUTION ÉPICENTRE FILMS.

FRANCOFONIA – LE LOUVRE SOUS L’OCCUPATION ★★

FRA. 1 H 17. DE VINCENT LAPIZE. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION À PERTE DE VUE.

Deux années passées aux côtés des opposants au projet d’aéroport de Notre-Damedes-Landes. Au fil des rencontres, une idée forte émerge : leur « zone à défendre » s’avère un espace mental, les occupants chérissant avant tout la notion même de liberté. H.B.

FRA. 1 H 32. D’ARTHUR JOFFÉ. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION LES FILMS DU LOSANGE.

Que faire quand on ne peut plus rien filmer depuis onze ans ? Filmer quand même, parce que sinon on meurt. Preuve de vie du réalisateur du formidable Alberto Express, un journal intime, sans queue ni tête, mais au grand cœur. B.A.

FRA-ALL-PB. 1 H 28. AVEC LOUIS-DO DE LENCQUESAING, VINCENT NEMETH... DISTRIBUTION SOPHIE DULAC.

+ THE BEAST

BEL. 2 H 07. DE HANS HERBOTS. AVEC GEERT VAN RAMPELBERG, INA GEERTS… DISTRIBUTION KMBO.

d’Alexandre Sokourov

Francofonia n’est pas au Louvre ce que L’Arche russe fut à l’Ermitage. En 2002, Alexandre Sokourov avait rendu hommage au musée de SaintPétersbourg en un plan-séquence : il le parcourait d’un souffle pour lui donner vie. Dans les allées du Louvre, il semble s’éparpiller. Hésitant entre reconstitution, documentaire et mise en abyme, son projet aux contours incertains ne parvient à capter l’attention que par fulgurances. Dont un plan somptueux sur les doigts d’un homme caressant ceux d’une statue. Le film est ainsi résumé : Sokourov nous laisse effleurer ses images quand on voudrait les étreindre. H.B.

+ + LE FEU SACRÉ

Hans Herbots a dû beaucoup réviser son David Fincher avant de réaliser ce thriller grisâtre qui raconte la traque d’un pédophile par un inspecteur au lourd passé. Les fautes de goût (très limites parfois) finissent par avoir raison de notre patience. C.N.

LA FILLE ET LE FLEUVE

FRA. 1 H 05. D’AURÉLIA GEORGES. AVEC SABRINA SEYVECOU, GUILLAUME ALLARDI, SERGE BOZON... DISTRIBUTION 31 JUIN FILMS.

Elle y croit dur comme fer à son sujet, la jeune réalisatrice de cette relecture du mythe d’Orphée et d’Eurydice. Mais elle la traite avec une application tellement symbolique et corsetée qu’elle suscite de l’embarras chez le spectateur. B.A. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 95


zoom

Members Only Le principe d’un club, c’est qu’il n’est jamais simple d’y entrer. Celui de Pablo Larraín respecte ce précepte à la lettre. Si le dévoilement progressif, de la nature du club et du passé de ses membres, est si fort pour le spectateur, c’est peut-être parce que le dispositif du réalisateur l’est tout autant pour les acteurs : ils avancent à l’aveugle. Le cinéaste ne leur a pas montré le scénario, ils ne connaissent pas leur personnage ni ceux de leurs partenaires de jeu et encore moins l’issue de l’histoire. Pour les membres de cette communauté figée dans le temps, seul compte le présent, il en sera donc de même pour celles et ceux qui les incarnent. Ils n’existent que le temps de la prise et n’ont aucune idée de ce qui précède ou ce qui suit. Chaque séquence, ainsi autonomisée, renferme un concentré d’émotions et permet aux acteurs d’accéder, à chaque fois, au même degré d’intensité. V.A.C.

Quatre prêtres. Une bonne sœur. Et un torrent de péchés refoulés, que l’arrivée d’un nouveau membre dans cette étrange communauté fait resurgir. Ça commence comme du Terrence Malick : une citation biblique, un homme en contre-jour, une plage, un chien qui court. Les vagues, le soleil aveuglant. Il sera question de foi et de morale, mais nous ne sommes pas sur la côte californienne et on ne verra pas de sublimes créatures. Plutôt des hommes mûrs et une femme 96 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

à l’allure de servante dans une maison perchée sur une falaise de la côte chilienne aux airs de bout du monde. On entre à tâtons dans le Club de Pablo Larraín, et la découverte progressive de cette communauté est un cheminement étonnant. Consternant. Comme l’est la remontée à la surface des tourments qui agitent ses membres à la sérénité apparente, dont on comprend finalement qu’ils ne sont pas des hommes tout à fait comme les autres. Ces hommes sont des prêtres qui ont

fauté, marginalisés mais protégés par l’Église, placés sous la garde d’une ancienne bonne sœur au moins aussi trouble qu’eux et qui tentent de trouver la paix hors du monde. L’irruption d’un nouveau pensionnaire va faire surgir une violence (verbale, physique, morale) inouïe tandis que le passé de tous sera révélé. Après sa trilogie sous Pinochet, Pablo Larraín pose un regard extraordinairement singulier sur les déviances de l’Église et de ses prêtres qu’elle soustraie à la justice grâce aux

VANINA ARRIGHI DE CASANOVA CHI. 1 H 37. AVEC ALFREDO CASTRO, ROBERTO FARIAS, ANTONIA ZEGERS... PHOTO SERGIO ARMSTRONG. DISTRIBUTION WILD BUNCH.

PHOTOS DR

★ ★ ★ EL CLUB de Pablo Larraín

« clubs ». On est très loin de la légèreté et de l’optimisme de No. Ici, tout est sombre, malade, corrompu. Le cinéaste chilien voile d’ailleurs l’image de filtres, tourne à l’aube ou au crépuscule et baigne l’ensemble dans un flou dans lequel le scénario maintient longtemps le spectateur. Et quand un coin de voile se lève, le malaise est vertigineux – à la hauteur des enjeux. Avec sa mise en scène hautement symbolique (les incroyables confessions face caméra ne sont que la part la plus forte d’une esthétique hantée par l’imagerie chrétienne), Larraín dénonce la corruption d’une institution, met la foi à l’épreuve, place des consciences torturées face à leurs actes. Pourtant, aucun damné n’est condamné. La morale, comme l’image, reste floue.


18.11

★ ★ JE SUIS UN SOLDAT de Laurent Larrivière

★ ★ ★ CRAZY AMY de Judd Apatow

Drame familial, chronique sociale, thriller à la lisière de l’épouvante, autopsie d’une emprise psychologique, zoom sur une forme méconnue de banditisme... Ce film à l’ambition narrative et à la tonalité surprenantes intrigue, voire secoue, avec une constance solidement maîtrisée. Collé aux basques d’une chômeuse qui devient complice involontaire d’un effroyable trafic de chiens, le scénario offre en outre à Jean-Hugues Anglade l’occasion de composer un des plus « beaux » salauds qu’on ait vus depuis longtemps. Dommage que la peinture très appuyée de la France rurale cède parfois au misérabilisme. B.A.

Quand elle était enfant, son père lui a martelé que la monogamie n’existait pas. Devenue adulte, Amy consomme les hommes comme l’alcool qu’elle ingurgite à haute dose. Sa discipline de vie résistera-t-elle à sa rencontre avec ce délicieux médecin du sport ? Conçu par et pour Amy Schumer, star outreAtlantique du stand-up et de la télé, Crazy Amy est néanmoins du pur Apatow : l’héroïne part de très loin pour finir « normalisée ». D’aucuns pourraient déceler un affreux puritanisme dans ce qui n’est, au fond, qu’une histoire américaine ultraclassique. La force d’Apatow réside dans son traitement démocratique des « deux Amy », qu’il filme avec la même tendresse et la même dérision. C.N.

FRA-BEL. 1 H37. AVEC LOUISE BOURGOIN, JEAN-HUGUES ANGLADE, ANNE BENOÎT... DISTRIBUTION LE PACTE.

USA. 2 H 05. AVEC AMY SCHUMER, BILL HADER, BRIE LARSON… DISTRIBUTION UNIVERSAL.

★ ★ ★ L’IDIOT ! de Yuriy Bykov

chez lui, la mise en scène est géométrique, le rire métaphysique et l’émotion viscérale. Il n’est en définitive pas simple de définir La Peau de Bax, où l’on croise aussi une grande dépressive et une prostituée dans un sous-bois protecteur, autant d’éléments qui viennent parasiter l’intrigue principale et la tirent vers le mélo familial, la tragédie humaine et le conte fantastique. Ne vous méprenez pas, c’est très plaisant. En tout cas, beaucoup plus que le conceptuel Borgman. C.N.

Un modeste plombier découvre qu’une fissure géante menace de faire s’écrouler un HLM décrépi, dans la cité-dortoir d’une petite ville russe. Il a seulement 24 heures pour convaincre l’administration de faire évacuer les lieux. Mais sa bonne volonté se heurte à une société corrompue de A à Z. À mi-chemin entre Dostoïevski et Kafka, L’Idiot ! décrit le parcours christique et tragiquement solitaire de ce trouble-fête avec l’acidité de la satire et la nervosité du thriller. Yuriy Bykov capte cette odyssée nocturne quasiment en temps réel, caméra à l’épaule. Le sentiment d’urgence qui en émane, permanent, achoppe sur le cynisme d’un pays pourri de l’intérieur avec d’autant plus d’amertume. E.V.

PB. 1 H 36. AVEC TOM DEWISPELAERE, ALEX VAN WARMERDAM, MARIA KRAAKMAN... DISTRIBUTION POTEMKINE FILMS.

RUS. 1 H 52. AVEC ARTEM BYSTROV, NATALIYA SURKOVA, YURIY TSURILO… DISTRIBUTION KINOVISTA.

★ ★ ★ LA PEAU DE BAX d’Alex Van Warmerdam Tueur à gages consciencieux, Schneider doit liquider un écrivain solitaire qui vit au milieu des marécages. La tâche va s’avérer plus compliquée que prévue et retarder le meurtrier qui doit se rendre à une fête d’anniversaire en famille. Imaginez une comédie débridée d’Almodóvar jouée par des acteurs qui font la gueule : c’est à peu près l’impression que donne le nouveau film d’Alex Van Warmerdam (Borgman, 2013), un thriller aux airs de western (l’attente, les silences), qui fait preuve de cette ironie grinçante propre au cinéaste batave. Comme toujours

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 97


★ ★ ★ L’HERMINE de Christian Vincent Président de cour d’assises intraitable, Michel Racine doit officier, sérieusement grippé, lors du procès d’un homme accusé du meurtre de son enfant. Il se sent encore plus mal lorsqu’il voit Birgit Lorensen-Cotteret arriver au tribunal. Cette grande chirurgienne, qui l’a soigné six ans auparavant, a été désignée pour être jurée. Racine est excessivement troublé de la retrouver.

Il y a une énigme Christian Vincent. On l’a d’abord pris pour un réalisateur de comédie parisienne intello (La Discrète, 1990), puis de drame bourgeois (La Séparation, 1994) et de mélo social (Sauve-moi, 2000), enfin de romcom sophistiquée (Quatre Étoiles, 2006). Sa réinvention, quasi systématique, lui a joué des tours, si bien qu’il a disparu des écrans. L’Hermine, qui marque ses retrouvailles avec

Fabrice Luchini, remet les pendules à l’heure : Christian Vincent est un habile portraitiste et un fin chroniqueur de son temps, une sorte de Claude Sautet (période 70s) en mode léger, qui privilégie un mystère et une fragilité qu’on pourrait qualifier de « féminins » sans se départir d’une dérision sincère envers les mâles empêtrés dans leurs névroses. Luchini incarne à merveille ce paradigme, lui qui

est capable de jouer l’intériorité maladive ou de tomber par terre de façon ridicule avec une vérité confondante. Il fait bien sûr l’attrait de cette Hermine, qui laisse aussi la part belle aux seconds rôles, en tête desquels Sidse Babett Knudsen, la formidable actrice danoise de la série Borgen. C.N. FRA. 1 H 38. AVEC FABRICE LUCHINI, SIDSE BABETT KNUDSEN, MICHAËL ABITEBOUL... DISTRIBUTION GAUMONT.

héros est musulman, les intégristes sont, pour partie, des cathos convertis à l’islam), la tentation d’héroïsation du bad guy (ambiguïté du charismatique Dimitri Storoge), le fantasme facho (on ne parle pas d’une France contrôlée par Al-Qaïda, mais de quelques paumés prêts à mourir). Malgré ce que pourrait laisser penser le titre, Boukhrief réalise un film d’infiltré sous tension qui montre non pas la fabrication du mal, mais sa banalité et la facilité avec laquelle il se propage. V.A.C.

Il semble que le réalisateur ait ingurgité sans mâcher l’intégrale de Wes Anderson (et un grand verre des frères Coen pour faire passer) avant de se lancer. Résultat : au lieu d’une bluette lacrymale façon Nos étoiles contraires, l’histoire de cet ado qui « tombe ami » d’une jeune cancéreuse devient une pure démo de virtuosité technique et verbale, entre ironie sur-écrite, cadrages sophistiqués et autres acrobaties ostensibles, sans oublier un « kolossal » clin d’œil au matou grognon d’Inside Llewyn Davis. Tantôt éblouissant comme une grosse ampoule, tantôt crispant, le film réussit pourtant son épilogue dramatique et laisse entrevoir une personnalité attachante derrière la frime du petit malin. B.A.

FRA. 1 H 34. AVEC MALIK ZIDI, DIMITRI STOROGE, FRANÇOIS CIVIL... DISTRIBUTION PRETTY PICTURES.

USA. 1 H 46. AVEC THOMAS MANN, RJ CYLER, OLIVIA COOKE... DISTRIBUTION FOX.

★ ★ ★ CRAZY MADE IN FRANCE AMY de Nicolas Boukhrief d’Oliver Hirschbiegel Un journaliste noyaute les milieux intégristes et se retrouve au cœur d’une cellule djihadiste chargée de perpétrer des attentats à Paris. Pour approcher le sujet le plus épineux qui soit, Nicolas Boukhrief choisit un enquêteur de confession musulmane, à la fois extérieur et légitime, pour s’introduire dans les milieux intégristes. Le réalisateur se sert du genre, celui du thriller, comme d’une grille de lecture, avec ses tensions et ses scènes d’action ; il démine un à un les éléments potentiellement explosifs de son sujet : l’islamophobie (le 98 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

PHOTOS DR

★ ★ THIS IS NOT A LOVE STORY d’Alfonso Gomez-Rejon


18.11 et aussi

+ + + LES AMITIÉS

INVISIBLES

FRA-ALL. 1 H 52. DE CHRISTOPH HOCHHÄUSLER. AVEC FLORIAN DAVID FITZ, LILITH STANGENBERG, DAVID C. BUNNERS... DISTRIBUTION BODEGA FILMS.

Une enquête journalistique prenante, où les dés sont pipés. Christoph Hochhäusler (Sous toi, la ville, 2010) saisit Berlin de l’intérieur, les cages de verre de ses hauts buildings, ses bureaux exigus. Personnages très écrits et intrigue complexe donnent un film élégant, aussi moderne qu’ancré dans la tradition des Pakula et Lumet. I.D.

★ ★ LES SUFFRAGETTES de Sarah Gavron 1912, en Angleterre. Une jeune blanchisseuse, mère d’un enfant, s’engage dans le mouvement des Suffragettes qui milite pour le droit de vote des femmes et n’hésite pas à recourir à la violence face à la répression brutale du gouvernement. Pur récit d’émancipation historique (Meryl Streep fait quelques apparitions dans le rôle de la légendaire activiste féministe Emmeline Pankhurst), le film se démarque moins par le trajet sacrificiel de son héroïne, incarnée par Carey Mulligan, que par la

+ + + COMME

ILS RESPIRENT

rage dont témoigne par endroits sa mise en scène. Le souvenir de The Magdalene Sisters (2002), œuvre-choc de Peter Mullan sur des jeunes filles brutalisées dans une institution religieuse destinée à la rééducation des femmes « perdues » – où figurait aussi Anne-Marie Duff –, s’invite alors, dressant contre le patriarcat de cohérents ponts cinéphiliques. D.L. GB. 1 H 46. AVEC CAREY MULLIGAN, MERYL STREEP, HELENA BONHAM CARTER... SCÉNARIO ABI MORGAN. PHOTOGRAPHIE EDUARD GRAU. MUSIQUE ALEXANDRE DESPLAT. DISTRIBUTION PATHÉ.

FRA. 1 H 36. DE CLAIRE PATRONIK. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION ZELIG FILMS.

C’est peut-être parce qu’elle filme des amis de longue date que Claire Patronik parvient à rendre ce documentaire sur la danse aussi touchant et intimiste. Entre des séquences chorégraphiques sublimes, elle nous immerge dans les rêves et les désillusions de quatre jeunes passionnés qui sacrifient tout à la plus exigeante des disciplines artistiques. M.A.

+ + MAESTÀ

– LA PASSION DU CHRIST

FRA. 1 H 00. D’ANDY GUÉRIF AVEC JÉRÔME AUGER, MATHIEU BINEAU, JEAN-GABRIEL GOHAUX... DISTRIBUTION CAPRICCI.

★★ MACBETH de Justin Kurzel Cette nouvelle adaptation de la pièce de Shakespeare ne pouvait pas échapper à la comparaison avec celles de ses illustres prédécesseurs. Alors, plutôt Welles ou Polanski ? Plutôt baroque ou réaliste ? La réponse est : entre les deux. De la version de Welles, Justin Kurzel, cinéaste australien maniériste, a conservé une certaine grandiloquence et un sens de l’esthétisme poussé ; de celle de Polanski, une fascination pour la violence et la morbidité. Le résultat est honorable mais, à la vérité, on s’en fiche un peu. La relecture postmoderne de Kurzel ne peut rien contre le côté daté d’une pièce écrite il y a quatre cents ans, dont le héros velléitaire semble archétypal. C.N. GB-FRA-USA. 1 H 53. AVEC MICHAEL FASSBENDER, MARION COTILLARD, DAVID THEWLIS... DISTRIBUTION STUDIOCANAL.

Adaptation de La Maestà, un polyptyque du XIVe siècle racontant la Passion du Christ) en tableaux vivants, cette expérience plastique propose une image découpée en vingt-six écrans où des figurants s’agitent pour recomposer les plans. Ode ludique mais répétitive au split screen, le film restitue le tumulte de l’œuvre originale. D.L.

+ VOYAGE EN GRÈCE

PAR TEMPS DE CRISE

GRÈ. 1 H 07. DE COLLECTIF. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION LES FILMS DES DEUX RIVES.

La crise grecque en sept courts métrages tournés entre 2010 et 2013 : une collection variée (animation, allégorie, chronique sociale, pastiche du cinéma muet...), de longueur et de qualité inégales, mais dans l’ensemble assez faiblarde, pour un film à sketches qui réactive la tradition italienne du cinéma des années 1950-60 sans en retrouver la verve satirique. E.V.

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 99


★ ★ ★ STRICTLY CRIMINAL de Scott Cooper James « Whitey » Bulger serait resté un petit malfrat des quartiers sud de Boston si John Connolly, un de ses amis d’enfance devenu agent du FBI, ne lui avait proposé une collaboration que le gangster mettra à profit dans des proportions imprévues. Au tout premier abord, Strictly Criminal est un film inconfortable, parce qu’on se demande l’intérêt de raconter le cas de Bulger, un

voyou psychotique déplaisant. Mais progressivement, un tableau complexe se révèle avec clarté, derrière une apparence classique. Sans recourir à la psychologie ni aux explications, Scott Cooper pose la question des voies mystérieuses du destin, en révélant les rapports de Bulger avec son frère sénateur. Comment deux hommes élevés dans les mêmes conditions ont-ils pu suivre des routes si

radicalement opposées ? Le mécanisme de la corruption est lui aussi détaillé avec minutie à travers le parcours malheureux d’un agent fédéral dérouté par sa propre fausse bonne idée. Excellent directeur d’acteurs, Cooper orchestre un ensemble puissant, dominé par Johnny Depp dans un rôle qui représente une véritable résurrection artistique. À plus d’un titre, il est le centre de gravité d’un film de

gangsters qui se démarque de ceux de Scorsese : ici, le thème n’est pas la séduction du mal, mais son pouvoir d’attraction. En aspirant et en détruisant ceux qui l’entourent, Bulger est une fascinante masse noire qui justifie totalement le titre original (Black Mass), bien plus parlant que le trop réducteur Strictly Criminal. G.D. USA. 2 H 02. AVEC JOHNNY DEPP, JOEL EDGERTON, BENEDICT CUMBERBATCH... DISTRIBUTION WARNER BROS.

★ ★ CHANT D’HIVER d’Otar Iosselliani

FRA-GEO. 1 H 57. AVEC RUFUS, AMIRAN AMIRANASHVILI, SARAH BRANNENS... DISTRIBUTION LES FILMS DU LOSANGE.

100 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

★★★ THE OTHER SIDE de Roberto Minervini Deux facettes d’une Amérique oubliée sont représentées par une communauté de toxicomanes en Louisiane et par un groupe de paramilitaires au Texas. Une escouade d’hommes armés jusqu’aux dents s’avance dans la forêt vers un ennemi imaginaire. Ailleurs, dans l’exiguïté d’une caravane, un couple de junkies se pique et fait l’amour fiévreusement. Est-on du côté de la fiction ou du documentaire ? « De l’autre côté », semble répondre le documentariste Roberto Minervini, sublimant une réalité sordide (sans la truquer par la

reconstitution ni la délester de sa charge hyperdérangeante) par le biais de cadres soignés, d’une photographie lumineuse et d’un regard attentif, plein d’empathie. Nous voilà embarqués, tel un reporter de guerre, au plus près d’une zone de conflits étrange, fantasmatique : celle des rebuts de l’Amérique, des déshérités qui, derrière le pittoresque de trognes white trash ou de discours paranos, ont la dignité de ne pas avoir abandonné l’idée de liberté. Viscéral et fascinant. E.V. ITA-FRA. 1 H 32. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION SHELLAC.

PHOTOS DR

La poésie du génial réalisateur géorgien des Favoris de la lune inspire ce long métrage tourné en 2010 et parvenu tardivement sur nos écrans. On y retrouve son goût pour le cinéma muet et les vignettes comiques. Le film enjambe le temps, démarrant sur un baron guillotiné (avec sa pipe) pendant la Révolution française et se poursuivant de nos jours, à Paris, avec le baron (Rufus joue les deux rôles) en concierge d’immeuble qui côtoie une bande de voleurs, un anthropologue, des enfants et des représentants de l’ordre... Si le coq-à-l’âne ne fonctionne pas toujours et si l’ennui s’insinue parfois, il y a de vraies trouvailles. Et un plaisir fou à se laisser porter par ces déambulations. I.D


25.11

★ ★ ★ LES COWBOYS de Thomas Bidegain Pilier d’une communauté de fans de culture western dans l’est de la France, Alain part avec son fils, Kid, sur les traces de sa fille Kelly, soudainement disparue. Le voyage va durer onze ans, de 1994 à 2005. Le premier long métrage du scénariste Thomas Bidegain (coauteur d’Un prophète, de Jacques Audiard) est évidemment un remake de La Prisonnière du désert, de John Ford, dans une version terrorisme contemporain. Sujet casse-gueule, traitement mélancolique, mutique, flippant, un peu comme une variation française, populaire et étouffée,

de Zero Dark Thirty (mais sans les US Navy SEALs !)... L’année de Dheepan, de Jacques Audiard, et de Made in France, de Nicolas Boukhrief, Les Cowboys, le moins ouvertement politisé des trois, complète cette « trilogie » post-Charlie. Traversé de visions noires et impressionnantes, Les Cowboys est un film de cinéphiles qui dessine implicitement une frontière invisible mais certaine entre les initiés et les non-initiés. C’est néanmoins une vraie réussite ! S.P. FRA. 1 H 45. AVEC FRANÇOIS DAMIENS, FINNEGAN OLDFIELD, JOHN C. REILLY, AGATHE DRONNE... DISTRIBUTION PATHÉ.

★★ L’ATTENTE de Piero Messina

DÉCALÉ AU 16.12

Difficile d’adhérer totalement à cette réflexion (pourtant passionnante en soi) sur la puissance du mensonge et de la croyance, incarnée par la rencontre d’une mère en deuil et de sa belle-fille, dans les brumes siciliennes. Si le monde est bien divisé en deux catégories – les fans de Paolo Sorrentino et ses contempteurs –, alors le premier film de son ex-assistant ne contentera personne. Car, malgré ses qualités évidentes, Piero Messina hésite. D’un côté, il emprunte à son mentor une forme baroque, qui s’exprime lors de spectaculaires scènes de procession ; de l’autre, il refoule soigneusement sa grandiloquence, livrant un récit austère au minimalisme un peu compassé. E.V. ITA-FRA. 1 H 40. AVEC JULIETTE BINOCHE, LOU DE LAÂGE, GIORGIO COLANGELI… DISTRIBUTION BELLISIMA FILMS.

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 101


25.11 et aussi

+ DIS MAÎTRESSE !

FRA. 1 H 15. DE JEAN-PAUL JULLIAND. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION CHAPEAU MELON.

Filmant la classe des tout-petits dont s’occupe sa fille, le réalisateur rend compte de l’aventure sociale et citoyenne que représentent les premiers pas à la maternelle. Mais, faute d’un style documentaire percutant, l’exposé en reste à des généralités. D.L.

Un été, Caroline retourne dans sa maison de famille pour enterrer sa mère. Elle y rencontre Pattie, une femme délurée qui lui raconte sa vie sexuelle avec une conviction irrésistible. Caroline s’épanouira-t-elle à son contact ? Si l’hédonisme et la littérature sont deux ingrédients essentiels du cinéma des frères Larrieu, ils en ont réalisé une synthèse parfaite avec ce dernier film. Portée par des dialogues réjouissants, Karin Viard s’affirme en digne héritière de Bernadette Laffont et nous propulse au cœur d’un fascinant

processus de transmission et d’imprégnation. Le texte est si cru et si pénétrant qu’il aurait été impossible de le traduire en images sans verser dans la pornographie. André Dussollier a lui aussi un très beau texte à dire, pour exprimer une pratique qui, en d’autres circonstances, paraîtrait sordide. Mais tout l’art des Larrieu est dans cette façon de traiter de sujets potentiellement risqués, aux confins du fantastique et du conte de fées, en n’en retenant que la frange lumineuse. G.D. FRA. 1 H 55. AVEC ISABELLE CARRÉ, KARIN VIARD, ANDRÉ DUSSOLLIER... DISTRIBUTION PYRAMIDE.

DOCTEUR FRANKENSTEIN

★★★

GUA-FRA. 1 H 32. DE JAYRO BUSTAMANTE. AVEC MARIA MERCEDES CROY, MARIA TELÓN, MANUEL ANTÚN... DISTRIBUTION ARP SÉLECTION.

À l’ombre du volcan Ixcanul, une jeune fille pauvre tombe enceinte, ce qui entraîne sa famille dans une spirale terrible. Malgré de superbes images, ce premier long garde une distance ethnologique qui freine l’empathie. I.D.

USA. 1 H 42. AVEC JAMES MCAVOY, DANIEL RADCLIFFE, JESSICA BROWN FINDLAY... DISTRIBUTION 20TH CENTURY FOX.

102 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

+ + LA VIE PURE FRA. 1 H 33. DE JÉRÉMY BANSTER. AVEC STANY COPPET, AURÉLIEN RECOING... DISTRIBUTION PANOCEANIC FILMS.

En 1949, le jeune explorateur Raymond Maufrais disparaît dans la jungle amazonienne. Son carnet de notes inspire le scénario de ce road-movie. Malgré son paquetage un peu scolaire, cette virée au milieu de l’enfer vert tient en haleine grâce à la prestation bestiale et hallucinée de Stany Coppet. M.A.

+ + + UNE HISTOIRE

BIRMANE

de Paul McGuigan Londres à l’ère victorienne. Un bossu, artiste de cirque, rencontre un savant fou. De loin, Docteur Frankenstein ressemble à un prequel du roman de Shelley, façon Christopher Nolan. De près, c’est un peu vrai. Il s’agit pourtant d’un néo-film d’épouvante gothique musclé, divertissant de bout en bout, ni méprisant ni intello – on est loin de la série Penny Dreadful. Daniel Radcliffe se la joue un peu trop tourmenté, mais James McAvoy est parfait en dandy alcoolo qui défit Dieu. Grâce à la réalisation nerveuse de McGuigan, habitué des films de gangsters, leur relation fait des étincelles – ou plutôt des éclairs. S.P.

+ + IXCANUL

FRA. 1 H 32. D’ALAIN MAZARS DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION CDP.

Au lieu de filmer la cruauté du régime, Alain Mazars illustre l’oppression qu’il exerce grâce à une mise en abyme de la pensée de George Orwell. S’opère alors un chassécroisé avec 1984, qui donne à cette critique une force de frappe redoutable. M.A.

+ + + CAPITAINE THOMAS

SANKARA

SUI. 1 H 30. DE CHRISTOPHE CUPELIN. DOCUMENTAIRE. DISTRIBUTION VENDREDI.

Ce portrait du président du Burkina Faso insiste sur sa politique anti-impérialiste et le caractère iconoclaste de ce dirigeant marxiste. Par la vivacité du montage, le film crée avec son sujet une familiarité qui rend sa fin d’autant plus brutale. D.L.

PHOTOS DR

★ ★ ★ 21 NUITS AVEC PATTIE de Jean-Marie & Arnaud Larrieu



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25 NOVEMBRE

20x2 PLACES POUR LA PROJECTION DE NIKITA en présence de Anne Parillaud et Tchéky Karyo au cinéma Les Fauvettes à Paris

20x2 PLACES pour l’avant-première de LES COWBOYS en présence de l’équipe du film au Gaumont Opéra Capucines à Paris

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POUR LES ANARCHISTES

POUR MADE IN FRANCE

16 NOVEMBRE

15 DVD DE MAD MAX FURY ROAD

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nos étoiles

★★★★ SUPER BIEN ★★★ BIEN ★★ ASSEZ BIEN ★ PAS BIEN

VANINA ARRIGHI DE CASANOVA

ISABELLE DANEL

GÉRARD DELORME

FRÉDÉRIC FOUBERT

GAËL GOLHEN

CHRISTOPHE NARBONNE

SYLVESTRE PICARD

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VOTRE NOTE

PAS BIEN DU TOUT

21 NUITS AVEC PATTIE P. 102 LES ANARCHISTES P. 94 L’ATTENTE P. 101 AU ROYAUME DES SINGES P. 94 AVRIL ET LE MONDE TRUQUÉ P. 92 LES COWBOYS P. 101 CRAZY AMY P. 97

★★ ★★

★★★

★★★

DOCTEUR FRANKENSTEIN P. 102 DOPE P. 92 EL CLUB P. 96

★★★

EN MAI, FAIS CE QU’IL TE PLAÎT P. 92 LE FILS DE SAUL P. 90

★★

L’HERMINE P. 98 JE SUIS UN SOLDAT P. 97 KNIGHT OF CUPS P. 88

MACBETH P. 99 MADAME BOVARY P. 90 MADE IN FRANCE P. 98

★★★

LA PEAU DE BAX P. 97

★★ ★★ ★ ★★ ★★ ★★

★★ ★★

STEVE MCQUEEN – THE MAN & LE MANS P. 91

★★★ ★★ ★★★

STRICTLY CRIMINAL P. 100 LES SUFFRAGETTES P. 99 THE OTHER SIDE P. 100

★★★

★★ ★★★ ★★★ ★★ ★★ ★★

★★★

PHOTOS DR

THE VISIT – UNE RENCONTRE EXTRATERRESTRE P. 90

★★★

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 105


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le home guide dvd

110 Culte L’Enfant miroir

Cinéaste rare (il est l’auteur de trois films seulement), Philip Ridley réalise, avec ce premier long métrage, un concentré de cauchemar américain comme seul un Anglais pouvait le concevoir : distancié, inventif, hyperstylisé.

113 Inédit Outrage 2

Dans l’inédit Outrage 2, Takeshi Kitano fait renaître son personnage de yakuza pour mieux le faire mourir. C’est la première fois dans sa filmographie qu’il réalise une suite à l’un de ses films. Il s’en explique.

blu-ray vod séries

SMELLS LIKE SCREEN SPIRIT

uos c o f lerédtur s moi

115 Focus

Hitchcock/Truffaut

PHOTO DORA HANDEL / CORBIS OUTLINE

Partant du making of du livre le plus célèbre sur la mise en scène de cinéma, Kent Jones lie le passé et le présent en interrogeant quelques-uns des meilleurs cinéastes contemporains sur l’héritage hitchcockien. Essentiel.

117 d

dthèque

Bruno Podalydès Bruno Podalydès s’est souvenu des films qui l’ont inspiré pour la réalisation de Comme un avion : Journal intime, de Nanni Moretti, Burt Munro, de Roger Donaldson, Une histoire vraie, de David Lynch, Horizons perdus, de Frank Capra, et Une partie de campagne, de Jean Renoir.

Vingt ans après la mort de Kurt Cobain, un documentaire lui est consacré, le plus complet à ce jour. Son auteur, Brett Morgen, raconte comment il a eu carte blanche pour réaliser ce qui est bien plus qu’une biographie autorisée. NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 107


108 replay

Réputé pour ses documentaires sur les Rolling Stones ou sur Robert Evans (le producteur de Rosemary’s Baby et du Parrain), Brett Morgen a été contacté par Courtney Love pour réaliser un film sur Kurt Cobain à partir d’une somme de documents audio et vidéo inédits, ainsi que des peintures et dessins personnels. Le réalisateur en a tiré Cobain – Montage of Heck, qui jette un éclairage nouveau sur le chanteur mort en 1994. La plupart du temps, il essaie de ne pas trop recourir au commentaire. Dans ce cadre, le rappel du contexte familial est particulièrement fort, mais pas autant que certains épisodes sombres de l’adolescence du leader de Nirvana. Réalisées en animation d’après des confessions audio, ces séquences figurent parmi les plus 108 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

troublantes et les plus poétiques d’un documentaire globalement très réussi. Brett Morgen nous explique comment il a mis de l’ordre dans ce chaos. PREMIÈRE : Dans quelles circonstances Courtney Love vous a-t-elle approché ? BRETT MORGEN : Elle a pensé à moi

après avoir vu mon film sur Robert Evans, The Kid Stays in the Picture. Elle avait aimé ma façon d’utiliser les nouvelles technologies pour animer des photos. Kurt Cobain avait accumulé une grande quantité d’œuvres graphiques et Courtney est venue me demander si je pouvais donner une forme de vie à ces images. Incidemment, on trouvait là un arc parfait pour raconter le destin de Cobain et découvrir un autre aspect de sa per-

sonnalité. Mais elle ne pouvait pas savoir à quel point cette histoire me toucherait. Jusqu’alors, j’avais réalisé des documentaires sur des gens plus âgés que moi, professionnellement actifs dans les années 60 et 70. Kurt Cobain avait quasiment le même âge que moi, à un an près. Il a grandi dans le même environnement culturel, à une époque très particulière (les années 70). J’aime penser que si ses parents avaient eu cinq ans de plus, ils ne se seraient ni mariés ni séparés. Mes propres parents ont divorcé lorsque j’avais 9 ans, comme lui, j’ai été confronté à un sentiment d’abandon très intense et je me suis battu avec pendant longtemps. Lorsque je me suis plongé plus profondément dans l’histoire de Kurt, c’est devenu très personnel.


Kurt – avec ce passage sur la perte de sa virginité – ni entendu sa version d’And I Loved Her des Beatles. Comment avez-vous réagi face à une telle profusion de documents ?

C’était plus une malédiction qu’une bénédiction, parce qu’on ne peut pas être très créatif dans ces cas-là. On peut étalonner, monter, ajouter du son, mais on est toujours contraint par le matériel dont on dispose. Le premier bout à bout de Cobain – Montage of Heck a été réalisé sans aucune interview. C’était une clé pour le langage du film, que je voulais visuel et immersif. Et encore une fois, nous ne manquions pas de matière. À un moment, il a été question d’utiliser des commentaires de Kurt sur son art. Mais après avoir écouté les entretiens, je me suis rendu compte qu’ils ne suffisaient pas à porter le film. J’ai

sincère, mais il se montrait rarement sous son vrai jour. Heureusement, c’est beaucoup plus facile de le laisser s’exprimer à travers ses dessins. Il était très doué pour extérioriser son monde intérieur. Son art est ce qui se rapproche le plus d’une interview honnête. Grâce à ce qu’il a laissé derrière lui, Kurt a livré l’autobiographie audiovisuelle la plus complète de sa génération. Je n’ai eu qu’à suivre le chemin tracé. Avez-vous trouvé d’autres sources de documentation ?

Nous avons acquis quelques documents supplémentaires comme ces images de Kurt et Courtney, enregistrées par un de leurs amis communs avant la naissance de Frances, leur fille. Celui-ci est venu me voir pendant le montage du docu avec cette bande HI-8 dont

Courtney m’a fait un cadeau unique : l’accès illimité à une quantité d’archives avec la liberté d’en faire ce que je voulais. donc cherché à recueillir les témoignages des personnes qui avaient soutenu Kurt. Trois d’entre elles ne s’étaient jamais exprimées, ce qui est incroyable : sa mère, son père et sa sœur. Elles étaient pourtant très importantes dans sa vie. Leur coopération a été décisive.

PHOTO UNIVERSAL PICTURES

De quelle liberté disposiez-vous ?

Courtney m’a fait un cadeau unique : l’accès illimité à une quantité d’archives avec la liberté d’en faire ce que je voulais. Elle ne m’a jamais dit ce que je pouvais utiliser ou non dans le film. Je crois que si elle m’a fait confiance, c’est parce qu’elle me considère comme un artiste. Je sais bien que certains cyniques sousentendent qu’elle ne m’a montré que ce qu’elle voulait bien me montrer. Ils ont tort. De quoi se composait ce matériel ?

Des tonnes de documents se trouvaient stockées dans un entrepôt, mais Courtney n’en avait jamais évalué le contenu. Elle savait seulement que ces dessins et peintures existaient. Personne n’avait jamais écouté l’autobiographie audio de

Que vous ont-elles appris ? DE BRETT MORGEN. 2015. UNIVERSAL. DOCUMENTAIRE. FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD ET BLU-RAY LE 24 NOVEMBRE

Kurt avait tendance à mythifier sa propre existence. Par exemple, il racontait souvent qu’il avait connu une enfance heureuse jusqu’au divorce de ses parents (il avait 9 ans). Le film montre que ce n’est pas vrai. Ses problèmes ont commencé très tôt, vers l’âge de 3 ans. Il avait beaucoup de mal à trouver sa place au sein de sa famille. J’ai laissé ses parents raconter sa vie avant 5 ans. Ensuite, il prend le relais, mais pas par le biais des interviews. Il en a donné des centaines, cependant aucune n’est fiable. Dans ces momentslà, il pouvait être agressif, méfiant, trompeur ou bien excessivement

il ne connaissait pas précisément le contenu. Elle n’avait jamais été visionnée. C’était un peu le chaînon manquant parce que cette vidéo montre Kurt et Courtney sans filtre. Leurs sentiments s’y expriment en toute franchise. On peut parler de vérité nue. Comment a réagi Courtney Love en découvrant cette séquence en particulier ?

Elle a vu le documentaire quelques jours avant la première. À ce moment-là, il n’était plus possible de faire des ajustements. Je m’attendais à tout, y compris à ce qu’elle devienne hystérique. Au contraire, elle a été submergée par l’émotion. Elle l’a revu trois jours après, à Sundance, et une semaine plus tard à Berlin, alors qu’elle n’y était pas obligée. Elle m’a confié qu’elle n’avait jamais eu autant envie de passer la nuit avec Kurt depuis sa mort, il y a vingt ans. INTERVIEW GÉRARD DELORME

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 109


110 replay le révèle son réalisateur Philip Ridley dans l’interview qu’il donne en bonus du DVD. Peintre de formation, Ridley avait exposé une série de collages sur le thème de l’Amérique vue par un Anglais. Dans des décors paradisiaques aux couleurs saturées, des images iconiques d’Elvis ou de Cadillac voisinaient avec des visions cauchemardesques, imprégnées par l’obsession du péché et par le fantôme du puritanisme. Mises bout à bout, ces images semblaient raconter une histoire, comme le story-board d’un film qui ne demandait qu’à être écrit. C’est ce qu’a fait Philip Ridley, qui venait de signer le script du formidable film de Peter Medak sur les frères Kray (1990).

e cult

AMERICAN GOTHIC Inédit depuis sa sortie en salles, L’Enfant miroir est un cauchemar éveillé magnifiquement mis en images. Un DVD permet enfin de le découvrir.

110 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

La première idée qui vient à l’esprit en voyant L’Enfant miroir, avec ses références picturales à d’effrayants personnages puritains, c’est le tableau de Grant Wood représentant un paysan et sa fille posant devant une maison de style néogothique. La peinture est célèbre au point de s’inscrire dans l’inconscient collectif. Et ce n’est pas un hasard si American Gothic était le titre de travail de L’Enfant miroir, comme

DE PHILIP RIDLEY. 1990. BLAQ OUT. AVEC VIGGO MORTENSEN, LINDSAY DUNCAN, JEREMY COOPER.... FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD LE 17 NOVEMBRE

PHOTO FUGITIVE FILMS

ANGE ET DÉMONS S’inspirant de La Nuit du chasseur, Philip Ridley a écrit L’Enfant miroir comme un récit fantastique, un rêve d’enfant qui relate son été rempli de découvertes merveilleuses et de cauchemars éveillés. Seth Dove, 8 ans, accumule les expériences : ses amis sont tués, son père s’immole par le feu, sa mère le bat, il trouve un fœtus qu’il prend pour un ange et son frère revient de la guerre avant de tomber sous le charme d’une voisine que Seth prend pour un vampire… Comme si Ridley voulait encore préciser que nous ne sommes pas dans le domaine du réalisme, tout est exagéré: les décors, les accessoires et les costumes sont « surstylisés », le bleu du ciel et le jaune des blés sont saturés, et les contrastes sont poussés à la limite. Le film a été peu montré, mais il laisse un souvenir marquant. Vingtcinq ans après, le rédecouvrir est comme retrouver un ami proche : chaque plan, chaque dialogue est familier, et c’est un signe de la précision et de la détermination de Philip Ridley qui, dans ses deux films suivants (Darkly Noon – Le Jour du châtiment, en 1995 et Heartless en 2009), n’atteindra jamais le niveau de ce premier long métrage singulier, imparfait mais inoubliable. L’Enfant miroir inaugure une collection « Blaq Market » composée d’autres titres hors norme. Ridley sera à Paris pour dédicacer le DVD à la librairie Potemkine, avant de présenter L’Enfant miroir au Paris International Fantastic Film Festival le 22 novembre, au Grand Rex. G.D.


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replay 113

REQUIEM POUR UN MASSACRE

Inédit en France, Outrage 2 a été montré à la Mostra de Venise, en 2012, en présence de son auteur Takeshi Kitano. C’est là que nous l’avons rencontré.

Dans Outrage 2, Kitano reprend son personnage de yakuza qui, après avoir survécu en prison à une tentative d’assassinat, se venge de ses anciens collègues en les incitant à s’entre-tuer selon leur propre logique de destruction. PREMIÈRE : C’est la première fois que vous tournez une suite. Comment l’avez-vous envisagée ? TAKESHI KITANO : Le premier

Outrage a été un tel succès qu’il appelait un prolongement. Mais j’étais un peu irrité par la quantité de questions que l’on me posait sur la violence, alors que j’avais porté un soin particulier à l’intrigue. J’ai donc décidé que cette fois-ci j’allais développer encore plus l’histoire. De toute façon, le crime est inévitable dans un film de gangsters,

la police et la société japonaise en général. Pensez-vous que le cinéma puisse être vecteur de changement ?

Ce n’est pas sa vocation. Il devrait être un art et un divertissement, rien de plus. Mon pays est quasiment en état de crise, mais la société japonaise n’a pas l’intention de changer, et le cinéma n’y fera rien.

alors j’ai mis l’accent sur la violence verbale plutôt que sur la brutalité physique.

Lorsque vous montrez les yakuzas s’associant à des fonds d’investissement, faites-vous allusion à cette crise ?

Étant donné son nihilisme, Outrage 2 ressemble à un adieu au genre. À quel point partagezvous les sentiments de votre personnage envers les yakuzas ?

Ce n’est pas une stricte représentation de la réalité ; plutôt un commentaire sur ce qui s’est passé au plus fort de la bulle économique au Japon dans les années 80 et 90. Les organismes bancaires prêtaient de l’argent à n’importe qui, y compris aux organisations criminelles. Une des raisons de l’explosion de la bulle, c’est que les yakuzas n’ont pas remboursé leurs emprunts aux banques ! Pendant cette période, ils ont beaucoup appris et se sont diversifiés dans des activités légales comme la bourse, la finance ou l’immobilier. Ils ont ainsi développé des techniques d’extorsion très subtiles. INTERVIEW G.D.

Je suis régulièrement lassé d’être pris pour un réalisateur de films de genre. Pour autant, je n’essaie pas de faire passer ce message à travers mon personnage. Si dans Outrage 2, je lui fais dire à un moment qu’il est trop vieux, ça n’a rien à voir avec mes sentiments personnels. D’ailleurs, si le film est un succès, je rajeunirai ! Vous avez toujours été assez critique envers les yakuzas,

DE TAKESHI KITANO. 2012. HK VIDÉO. AVEC TAKESHI KITANO, TOSHIYUKI NISHIDA, TOMOKAZU MIURA... FILM ★★★ BONUS ★ EN DVD ET BLU-RAY LE 18 NOVEMBRE

PHOTOS OFFICE KITANO / HK VIDÉO

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CONVERSATIONS

PHOTOS PHILIPPE HALSMAN / MAGNUM / ARTE FRANCE

Hitchcock/Truffaut de Kent Jones est plus qu’un documentaire de cinéma : une conversation à tiroirs qui démythifie l’art de faire des films et d’en parler. Un vrai plaisir d’esthète, un divertissement pour tous. Hitchcock/Truffaut, le film, est un drôle d’animal. Une idée sublime du cinéma comme base de ralliement et de discussion. Un documentaire sur le livre culte (Hitchcock /Truffaut ou Le Cinéma selon Alfred Hitchcock, 1967) qui se balade à la fois dans l’œuvre du cinéaste britannique et dans le making of du bouquin. Si tout ça a l’air de se mordre un peu la queue, c’est normal, et c’est évidemment voulu… En 1962, à la requête du jeune François Truffaut qui lui envoie une lettre élogieuse, Hitch, alors en plein montage des Oiseaux, accepte de se livrer à une série d’entretiens marathon autour de son œuvre. Chaque jour, pendant une semaine, le réalisateur des 39 Marches et celui des 400 Coups se réunissent dans un bureau des studios Universal, en présence d’une traductrice et d’un photographe. Le résultat de leurs sessions sortira trois ans plus tard en librairie et restaurera la grandeur de Hitchcock ; entertainer de masse, certes, mais

SECRÈTES

artiste du siècle (Truffaut le lui avait promis dans sa lettre). Kent Jones a retrouvé les vingt-sept heures d’enregistrement audio et recompose, façon photo-montage, le déroulé de la rencontre, flinguant certaines légendes au passage (Non, Truffaut n’a pas plié Hitchcock à son discours) et donnant naissance à d’autres (Hitch vient-il de faire une blague porno sur le cigare ?).

UNE LEÇON DE CINÉMA Les échanges de civilités francoanglaises constituent déjà un film en soi. Mais si Hitchcock/Truffaut devait servir les mêmes intérêts que le livre, c’est-à-dire réhabiliter sir Alfred, il aurait plusieurs trains de retard. Dans le documentaire, on apprend que David Fincher a reçu l'ouvrage en cadeau de son papa quand il avait huit ans, que Wes Anderson a tellement compulsé son exemplaire que la reliure a sauté et que Martin Scorsese lisait le sien sur les marches de l’appartement de ses parents, à Little

DE KENT JONES. 2015. ARTE ÉDITIONS. DOCUMENTAIRE FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD LE 18 NOVEMBRE

Italy… En invitant les plus grosses pointures d’aujourd’hui à la table des deux autres, Jones prolonge la conversation au XXIe siècle. L’œuvre hitchcockienne devient alors un relais d’identification fort par lequel transitent les obsessions et les constructions mentales de chacun. Anderson questionne la précision géométrique des scènes de foule chez Hitch. Scorsese identifie chaque contreplongée des Oiseaux comme l’expression d’un jugement divin. Fincher, le plus éloquent, loue sa maîtrise de la compression (et de l’extension) du temps. Il se demande ce que donnerait Sueurs froides du point de vue de Madeleine, la mystérieuse blonde qui disparaît. Se rend-il compte qu’il parle de Gone Girl ? Sur le ton de la conversation de bistrot, Hitchcock/ Truffaut organise le monde du cinéma en un tout cohérent. Un documentaire cinéphile, au sens le moins pompeux (le plus fun) du terme. Le plus étonnant, au final, est qu’il ne sorte pas en salles. BENJAMIN ROZOVAS NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 115


116 replay MICROBE ET GASOIL

Dans un making of trop court et frisant l’amateurisme (peut-être voulu ?), Michel Gondry avoue qu’après L’Écume des jours, il avait voulu tourner un film plus modeste avec une équipe réduite et une seule caméra, ce qui a eu pour effet de souder les gens dans la difficulté. Leur défi a notamment été de « gérer » la voiture prototype ultrafragile utilisée par les deux petits héros dans leur fuite pittoresque sur les routes. En résulte une comédie atypique sur la fin de l’enfance, inventive, bordélique, sensible, qui ne ressemble à rien d’autre qu’à un film de Michel Gondry. C.N. DE MICHEL GONDRY. 2015. AVEC ANGE DARGENT, THÉOPHILE BAQUET, AUDREY TAUTOU… STUDIOCANAL. FILM ★★★ BONUS ★ EN DVD ET BLU-RAY LE 17 NOVEMBRE

LE FEU FOLLET

ROAD OF THE DEAD – WYRMWOOD

Avec son titre, ironique et explicite, ce très beau film inaugure la collection « Les Années Toho », composée de dix-sept Kurosawa restaurés. On y suit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un couple d’amoureux qui essaie de trouver un peu de joie dans les ruines de Tokyo. Au milieu de ce décor déprimant, inondé de pluie, balayé par les vents et infesté de prédateurs, les occasions d’espérer se font rares. On pourrait qualifier ce film de néo-réaliste, mais Kurosawa utilise une palette plus variée que ses contemporains italiens pour décrire les humeurs de ses personnages, très bien interprétés. G.D.

Au milieu des dizaines de films de zombies plus ou moins mal faits, celui-ci sort du lot, avec ses survivants qui découvrent que le sang des mortsvivants peut servir de carburant à leurs véhicules. Réalisé de façon artisanale en Australie durant quatre ans parce que l’équipe n’était disponible que le week-end, le film rappelle Bad Taste, de Peter Jackson, tourné dans des conditions similaires. Malgré son budget réduit, il tient grâce à une énergie inépuisable qui recèle son lot de bonnes surprises dans un registre trop visité et trop peu renouvelé. G.D.

D’AKIRA KUROSAWA. 1947. AVEC ISAO NUMASAKI, CHIEKO NAKAKITA… WILD SIDE FILMS. FILM ★★★ BONUS ★★ EN DVD ET BLU-RAY

DE KIAH ROACHE-TURNER. 2014. AVEC JAY GALLAGHER, BIANCA BRADEY, LEON BURCHILL… KMBO. FILM ★★★ BONUS ★★ EN DVD LE 17 NOVEMBRE

116 PREMIÈRE NOVEMBRE 2015

DE LOUIS MALLE. 1963. AVEC MAURICE RONET, ALEXANDRA STEWART, JEANNE MOREAU... GAUMONT. FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD ET BLU-RAY

LES ENVOÛTÉS

Après une longue période de purgatoire, John Schlesinger a connu une sorte de résurrection en 1985 en tournant Le Jeu du faucon, qui lui a permis de réaliser cet excellent film de terreur, hélas méconnu. Martin Sheen y joue un veuf amené à combattre une secte vaudou dont les adeptes sacrifient leurs propres enfants. À la différence de L’Exorciste (et de ses copies, toutes inférieures), Les Envoûtés ne montre aucune manifestation surnaturelle, mais seulement des actes commis par des hommes qui croient au surnaturel. Ici, c’est la superstition qui fait peur, pas le diable. G.D. DE JOHN SCHLESINGER. 1987. AVEC MARTIN SHEEN, HELEN SHAVER, HARRIS YULIN… WILD SIDE. FILM ★★★★ BONUS ★★ EN DVD ET BLU-RAY

PHOTOS UGC DISTRIBUTION / WHY NOT PRODUCTIONS / DR

UN MERVEILLEUX DIMANCHE

Un an avant Le Feu follet, Louis Malle avait raconté la solitude d’une star dans Vie privée – avec B.B. Cette fois, il adapte le livre de Drieu la Rochelle pour dépeindre le quotidien grisâtre d’un dandy parisien alcoolique. Nimbé d’une tristesse insondable que renforce la proximité de Maurice Ronet avec son personnage (des intervenants le confirment en bonus), ce film est a posteriori un formidable témoignage sur les années 60. Malle filme des passants, des ouvriers, des bourgeois, les rues de Paris avec un sens aigu du détail hérité de son expérience de documentariste. C.N.


ce l é s ion t Dans Comme un avion, disponible le 4 novembre chez UGC Vidéo, Bruno Podalydès se filme dans la peau d’un kayakiste qui descend une rivière. Et signe un feel-good movie aquatique bercé par d’illustres références.

la dvdthèque de... BRUNO PODALYDÈS BLACK SEA

Viré parce que sa tâche est effectuée par des robots, un capitaine de sous-marin (Jude Law) accepte d’aller récupérer un chargement d’or nazi dans un U-Boot coulé au large de la Géorgie. Avec son décor théâtral et claustrophobique, propice à précipiter les conflits humains, Black Sea rappelle le récent thriller coréen Sea Fog – Les Clandestins, jusque dans sa critique à peine voilée de la violence économique. Kevin Macdonald, le réalisateur du Dernier Roi d’Écosse, en profite pour mélanger les genres et diriger ses acteurs comme on secoue des crabes dans un seau dans le but de les voir s’entre-dévorer. G.D. DE KEVIN MACDONALD. 2014. AVEC JUDE LAW, SCOOT MCNAIRY, BEN MENDELSOHN… TF1. FILM ★★★ BONUS ★★ EN DVD ET BLU-RAY

THE DUKE OF BURGUNDY

Dans la vingtaine de scènes coupées du Duke of Burgundy, les commentaires du réalisateur Peter Strickland n’éclairent pas seulement les raisons qui l’ont poussé à les retirer du montage final. Ils donnent un aperçu plus global de la conception de ce poème visuel et sonore, qui suit un couple de lesbiennes fétichistes et lépidoptéristes (ce n’est pas une perversion, mais une science). La structure du film elle-même est musicale : en répétant le même thème avec des variantes, elle finit par révéler que la vraie dominatrice est l’apparente soumise, et vice versa. Incidemment, l’un des plus beaux films de l’année. G.D. DE PETER STRICKLAND. 2014. AVEC SIDSE BABETT KNUDSEN, CHIARA D’ANNA, KATA BARTSCH… WILD SIDE. FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD ET BLU-RAY

DRIVER

Tourné presque entièrement de nuit à Los Angeles pour profiter des rues vides, Driver est un film de poursuites difficilement dépassable, et Nicolas Winding Refn a eu la sagesse, trentetrois ans plus tard, de ne pas essayer de le concurrencer sur ce terrain dans son film presque homonyme, conduit par un autre Ryan. Le making of dévoile les secrets de certaines cascades réalisées en dur avec des astuces classiques – la plupart consistant à filmer des voitures en marche arrière, avant de faire défiler le film à l’envers pour donner l’illusion qu’elles avancent et se frôlent à quelques millimètres. G.D. DE WALTER HILL. 1978. AVEC RYAN O’NEAL, BRUCE DERN, ISABELLE ADJANI… WILD SIDE. FILM ★★★ BONUS ★★★ EN DVD ET BLU-RAY

JOURNAL INTIME DE NANNI MORETTI (STUDIOCANAL)

« J’ai été marqué par le geste cinématographique de Moretti qui nous dit au début “suivez-moi”, avant de monter sur son scooter et de nous guider dans Rome. C’est une invitation de cinéaste très gracieuse, oùquelqu’un peut traverser la rue sans que ce soit de la fiction ou de la mise en scène. Dans Comme un avion, la caméra me suit en kayak, car j’avais cette même envie de voir le paysage à travers les yeux du personnage. »

★ BURT MUNRO DE ROGER DONALDSON (FRANCE TÉLÉVISIONS DISTRIBUTION)

« Donaldson est un honnête artisan hollywoodien qui offre là un film personnel. Anthony Hopkins joue un type de 69 ans qui veut battre un record de vitesse avec sa vieille moto d’avant-guerre. On suit son rêve avec beaucoup de bienveillance, les adversités sont déjouées et le récit avance d’une façon imprévisible. Un road-movie avec un gars qui tire sa moto et non pas un gars qui est sur sa moto. »

★ UNE HISTOIRE VRAIE DE DAVID LYNCH (STUDIOCANAL)

« Burt Munro (lire ci-dessus) veut aller très vite sur sa moto, alors que Lynch montre au contraire un gars qui traverse

lentement l’Amérique avec sa tondeuse. Le film est à part dans sa filmographie, mais il prend progressivement de l’ampleur, notamment grâce à la musique. On retrouve aussi l’idée que la mise en scène est un rythme. Comme un avion possède, lui, un rythme inhérent au bateau. »

★ HORIZONS PERDUS DE FRANK CAPRA (SONY PICTURES ENTERTAINMENT)

« Capra dépeint un endroit où règne l’harmonie, avec ce dilemme : si on reste dans le bonheur, on perd sans doute un peu de sa liberté et de sa vie d’avant. Une des fins possibles de mon film était que le personnage, revenu à la vie urbaine, essaie de retrouver la guinguette mais n’y parvient jamais. Il cherchait en scooter le chemin qui constituait un horizon perdu. Mais j’ai laissé tomber l’idée. »

★ UNE PARTIE DE CAMPAGNE DE JEAN RENOIR (STUDIOCANAL)

« C’est l’un de mes films préférés. On peut le regarder jusqu’à la fin de ses jours et être touché par des détails différents à chaque âge. La dernière fois que je l’ai vu, j’ai été saisi par le rire de rouge-gorge de la dame qui se fait chatouiller par un des deux dragueurs. Il me fallait ces images de bonheur pour le tournage de Comme un avion. On se sent heureux quand on entre d’un coup en phase avec la nature. » DAMIEN LEBLANC

NOVEMBRE 2015 PREMIÈRE 117


118 séries

MARVEL LA VRAIE PHASE 2 Première authentique superhéroïne à tenir le haut de l’affiche dans une production Marvel, la détective privée Jessica Jones débarque sur Netflix et ouvre une nouvelle ère pour la maison mère des Avengers, aujourd’hui un peu moins aveugle à la diversité de la société américaine.

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Cet été, Ant-Man est venu boucler la phase 2 de Marvel au cinéma. Place à la phase 3, ses pierres de l’infini, Thanos… La routine, quoi. S’il doit y avoir une nouvelle donne pour le studio, ce sera courant 2018 avec Black Panther. Cette fois, l’acteur principal sera un Noir, Chadwick Boseman. Suivra un Captain Marvel au féminin. Dix ans après la sortie du premier Iron Man, Marvel se décide enfin à honorer au cinéma sa réputation

d’éditeur de comics progressiste, historiquement soucieux de représenter dans ses pages toutes les composantes de la société américaine. À la télévision, la révolution a déjà commencé. Après le personnage féminin d’Agent Carter et avant le vigilante afro-américain Luke Cage, Jessica Jones – à découvrir ce mois-ci sur Netflix –, offre au Marvel Cinematic Universe (MCU) sa première véritable superhéroïne.


et aussi laeru s rpoïne hé du s moi Brian Michael Bendis, le créateur de la série Powers, c’est justement que Jessica use de ses « dons », avec parcimonie, « sans les cacher mais sans en faire la publicité », en tout cas sans enfiler de costume. Car pour gagner sa vie, Jessica Jones opère au grand jour comme détective privée.

PHOTOS NETFLIX / MARVEL / MISO FILM NORGE AKSEL JERMSTAD / YELLO BIRD / ARTE

CASSE-NOISEXE

Sans faire injure aux espionnes d’élite Black Widow et Peggy Carter, ce que l’on attend d’une superjusticière Marvel, c’est qu’elle puisse, de temps en temps, rivaliser en matière de superpouvoirs bien cool avec un Thor ou un Hulk. Nous voilà enfin servis avec Jessica Jones, femme forte au sens de « vraiment balèze ». Capable de faire passer un type par la fenêtre et de soulever une voiture sans sourciller. Ce genre. Née en 2001 dans les pages de la BD Alias (aucun lien avec Sydney Bristow), la jeune femme ne passe pas son temps qu’à jouer des poings. Ce qui fait le charme de ses aventures imaginées par

D’où une séduisante ambiance hardboiled (ce générique !), au diapason de Daredevil, diffusée un peu plus tôt cette année sur Netflix. Les deux séries partagent le même univers, le même décor new-yorkais et la même volonté d’aborder le catalogue Marvel par sa face adulte. Sombre et violente comme son aînée, Jessica Jones a la particularité d’être le produit maison comptant le plus de scènes de sexe. Pas compliqué au vu du reste de la production, mais il y en a quand même un certain nombre, Jessica (Krysten Ritter, un peu tendre pour le rôle) envoyant même quelques sommiers à la casse pour la peine. C’est un chouette personnage que cette noceuse un peu abîmée par la vie, portée sur la bouteille et les jolis garçons, mais ne s’excusant jamais de ne pas être aussi parfaite que sa meilleure amie, Trish, star de la radio très propre sur elle. La série, en accord avec la nouvelle politique de Marvel, qui a instauré plus de parité aux postes créatifs, est écrite et réalisée par deux femmes, Melissa Rosenberg et S. J. Clarkson. L’intrigue principale de cette première saison traite explicitement d’empowerment féminin, à travers son grand méchant Kilgrave (David Tennant) qui exerce une emprise démoniaque sur ses victimes. Une véritable série de 2015, donc, pour des studios Marvel un tout petit peu plus en phase avec leur époque. GRÉGORY LEDERGUE Jessica Jones, saison 1, le 20 novembre sur Netflix

KNIGHTS OF SIDONIA Le catalogue de Netflix France recèle de belles surprises au rayon animation japonaise. À commencer par Knights of Sidonia. Adaptée du manga de Tsutomu Nihei, cette saga, à base de robots géants, nous embarque à bord d’un vaisseau-planète abritant les derniers humains. Face aux assauts meurtriers menés par des monstres tentaculaires, les gaunas, l’armée compte sur ses jeunes cadets, harnachés dans des mechas, pour défendre le Sidonia. Quelque part entre Neon Genesis Evangelion et Battlestar Galactica, la série impressionne avant tout par ses combats en 3D orchestrés par le studio Polygon Pictures (Ghost in the Shell 2 – Innocence). Un space opera qui fait honneur au genre. G.L. Sur Netflix.

ACQUITTED L’overdose de polars télé nordiques guette. Prenons Acquitted, thriller norvégien bien produit, sûr de ses paysages lacustres et du charme de Nicolai Cleve Broch… Le Tom Hardy scandinave campe un homme d’affaires accusé de meurtre il y a vingt ans, en exil depuis. Prêt à investir dans sa ville natale pour sauver des emplois, il espère se racheter. Mais, sur place il déchante. Pensez Rectify pour l’hostilité ambiante, les souvenirs douloureux… oui, mais sans l’intensité dramatique. Ce succès public en Norvège, qui oscille sans choisir entre suspense et chronique provinciale, engourdit poliment. L’overdose, pépère. G.L. À partir du 7 novembre sur Canal+.

OCCUPIED Nettement plus ambitieuse que les polars calibrés qu’exporte la Scandinavie par porte-conteneurs entiers (lire ci-dessus), cette superproduction norvégienne avec participation française (celle, financière, d’Arte, et celle, à l’écran, de Hippolyte Girardot) repose sur un postulat coup de poing. La Russie, soutenue par l’UE, décide de prendre le contrôle militaire des ressources pétrolières de la Norvège. Oslo se transforme en nid d’espions, on collabore, on entre en résistance. La mise en place est laborieuse, mais Erik Skjoldbjærg (Insomnia) mène ensuite crânement cette incursion rare dans le genre compliqué de la politique-fiction. Louable. G.L. À partir du 19 novembre sur Arte.

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agenda121

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Le cinéma Les Fauvettes ouvre enfin ! Ancienne salle mythique de l’Est parisien qui avait connu les premières heures du 7e art, Les Fauvettes a fait peau neuve sous la houlette de Françoise Raynaud et Miguel Alexandre. Résultat : cinq salles 4K (dont une équipée en 35 mm) qui diffuseront les plus grands films de l’histoire du cinéma en versions restaurées. (www.cinemalesfauvettes.com)

6

nov.

nov.

En plus d’un florilège de films du monde entier, le Festival international du film d’Arras propose cette année un cycle sur le cinéma irlandais, un zoom sur la carrière de Michèle Mercier et une rétrospective sur les films de braquage. Mais c’est aussi l’occasion de voir 007 SPECTRE et Strictly Criminal avant les autres ! Du 6 au 15 novembre à Arras. (www.arrasfilmfestival.com)

Envie de revoir Les Parapluies de Cherbourg, West Side Story ou encore Peau d’âne ? Direction le Festival du cinéma et de la musique de film de La Baule qui accueille mélomanes et cinéphiles pour fêter la musique au cinéma sous toutes ses formes à travers une large sélection de longs métrages ! Du 11 au 15 novembre à La Baule. (www.festival-labaule.com)

8

PHOTOS PATHÉ / CINÉ-TAMARIS / THE FILM / STUDIO 37 / PATHÉ DISTRIBUTION / OFFSHORE / NEW LINE CINEMA / GAUMONT

nov.

Le Festival du cinéma franco-arabe fête sa 4e édition sous le parrainage de Ludivine Sagnier et Mouloud Achour. Originalité de l’événement : vous pourrez dialoguer avec les réalisateurs des films diffusés (Je suis le peuple, Certifié halal et Nous trois ou rien...) Du 6 au 17 novembre à Noisy-le-Sec. (www.cinematrianon.fr)

17

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nov.

Les Cowboys, la révélation Première du mois, sera présenté par un membre de la rédaction en présence de l’équipe du film. À 20 h au Gaumont Opéra Capucines. (www.cinemasgaumontpathe.com)

Le cycle Un état du monde… et du cinéma du Forum des images propose des films interrogeant les enjeux du monde actuel, tel Syngué Sabour..., d’Atiq Rahimi. Un événement engagé oùles idées défilent en 24 images par seconde. Daniel Cohn-Bendit sera le parrain de cette 7e édition. Du 13 au 22 novembre au Forum des images. (www.forumdesimages.fr)

13

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nov. Carte blanche à Valérie

Le Festival international du film de Bruxelles transforme la capitale belge en temple du 7e art. Cette année, zoom sur quarante ans de cinéma indépendant en Belgique et sur le nouveau cinéma français. Du 17 au 21 novembre à Bruxelles. (www.fifb.be)

Donzelli, invitée d’honneur du 19e Festival du film francophone d’Albi Les Œillades. En plus d’offrir un beau regard sur la production cinématographique francophone, ce rendez-vous donnera l’occasion de passer de l’autre côté de l’écran grâce à un stage d’analyse filmique et à des ateliers sur les métiers du cinéma. Du 17 au 22 novembre à Albi. (cine-oeillades.fr)

21

nov.

S’il vous prend un jour l’envie de suéder Le Seigneur des anneaux, vous feriez bien de faire un tour au Festival Effets stars. Ce rendez-vous qui dévoile les coulisses des effets spéciaux et de l’image 3D vous donnera la recette de bons trucages. Du 18 au 22 novembre à Montpellier. (www.effets-stars.com)

Première lance son ciné-club dans le cinéma restauré Les Fauvettes. Notre envie ? Vous faire partager les grands films qui ont fait la une du magazine depuis 1976. Pour ce premier rendez-vous, Anne Parillaud et Tcheky Karyo viendront présenter le légendaire Nikita, de Luc Besson. MATHIAS AVERTY

25 nov.

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122 le film qui...

… devrait être envoyé aux extraterrestres pour les informer de notre existence ? Cinderella 2000, d’Al Adamson. Une magnifique comédie musicale érotique de science-fiction. Pour leur montrer que nous ne leur voulons que du bien !

… vous faisait faire des cauchemars quand vous étiez petit ? Citizenfour, de Laura Poitras. Un documentaire sur les révélations d’Edward Snowden à propos de la NSA. On l’a vu la semaine dernière. On n’est plus très petits, mais ça nous file vraiment des cauchemars.

… s’apprécie mieux dans un état second ? L’Homme qui en savait trop peu, de Jon Amiel, où Bill Murray prend les espions russes qui tentent de le tuer pour les acteurs d’un jeu auquel il croit participer ! On l’a vu ivre dans un avion, le plus beau voyage de notre vie.

… est considéré comme un classique mais vous a toujours échappé ? Le Jour et la Nuit, de Bernard-Henri Lévy. Tout le monde nous en parle, mais nous n’avons pas trouvé une seconde pour le voir !

… vous permet de briller en société ? Logistikrichtlinien in der Stahlindustrie, de Horst Bauer (1974), un superbe film d’entreprise allemand sur la logistique de la sidérurgie dans la Ruhr. Les gens restent généralement sans voix.

… vous a aidé à emballer ? À la recherche de l’ultra-sex, notre dernier film. À l’énoncé du pitch, les filles engagent immédiatement un processus érotique.

… vous fait pleurer à tous les coups ? Frangins malgré eux, réalisé par Adam McKay. Quand Will Ferrell frotte ses testicules sur la batterie de John C. Reilly, c’est poignant, de la trahison à l’état pur, le châtiment ultime, le point de non-retour. Ça nous crucifie à chaque visionnage.

… vous a mis un peu la honte quand vous l’avez vu en avion ? On a un gros, gros pêché mignon : les programmes de caméra cachée internationaux que l’on peut voir avant le décollage. On dérange généralement beaucoup nos voisins. INTERVIEW FRÉDÉRIC FOUBERT

NICOLAS&BRUNO L’hilarant « documenteur » Vampires en toute intimité est disponible en e-cinéma depuis le 30 octobre, désormais doté d’une VF assurée par les génies du détournement, Nicolas Charlet et Bruno Lavaine. Et les films qui les ont marqués sont…

PHOTO OLIVIER CULMAN / TENDANCE FLOUE

… vous était interdit quand vous étiez jeune mais que vous avez regardé quand même ? L’Ile aux trente cercueils, de Marcel Cravenne. Une minisérie diffusée le dimanche après-midi sur Antenne 2, avec des nonnes pendues dans des arbres et des gens qui se précipitaient des falaises. Un horrible souvenir de terreur diurne.


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