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Johannes Hoesflot Klæbo. Entretien

nAprès Ruka, le Norvégien a quitté la coupe du monde et a manqué le Tour de Ski. La faute au coronavirus. Planète nordique Aux Mondiaux d’Oberstdorf, il aura à cœur, en février, de sauver sa saison. b MODICA/NORDIC FOCUS

JOHANNES HOESFLOT KLÆBO

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J’espère revenir plus fort lorsque cette pandémie ne sera plus qu’une vieille et lointaine histoire.

‘‘ Johannes Hoesflot Klæbo est en première ligne. Dans la lutte contre la propagation de la Covid-19, la star norvégienne du ski de fond, dont les moindres faits et gestes sont épiés par les médias de son pays, est prudente. Très prudente, même. C’est que le triple champion olympique à la gueule d’ange fait tout pour ne pas contracter le coronavirus. Quitte à mettre entre parenthèses sa passion: le ski de fond. C’est ainsi qu’il a décidé de faire l’impasse sur les étapes de coupe du monde disputées en Europe continentale en décembre dernier ainsi que sur le Tour de Ski en début d’année.

Dans un hiver qui ne ressemble à aucun autre, celui qui ira aux championnats du monde d’Oberstdorf (Allemagne) seulement si toutes les conditions sanitaires sont réunies, se confie à Nordic Magazine.

NORDIC MAGAZINE. Vous êtes considéré comme la grande star du ski de fond mondial. Comment vivez-vous ce statut?

Johannes Hoesflot Klæbo. J’essaie de le vivre le plus normalement possible, comme une personne lambda, sans être préoccupé par mon statut dans le ski de fond. Ceci dit, je ne peux pas toujours faire comme les autres jeunes de mon âge sans prendre le risque de me retrouver à la une des journaux [sourire].

N’est-ce pas trop difficile d’être sans cesse traqué par les journalistes?

La gestion des médias fait par- •••

En Norvège, le jeune homme de 24 ans est une véritable star. Sa vie est relayée quotidiennement par les médias comme les footballeurs et les artistes en France et en Suisse.

b PHILIP MITTET tie des responsabilités auxquelles les fondeurs norvégiens doivent faire face. Mais il ne faut pas se tromper de cible, c’est une réelle chance de susciter un tel intérêt de la part des sponsors, du public et, justement, des médias, malgré les quelques inconvénients que cela peut engendrer.

Vous êtes récemment apparu sous la neige en boxer sur Instagram. Est-ce à dire qu’il faut beaucoup donner de sa personne pour satisfaire les fans?

Non, pas du tout. Chaque semaine, sur ma chaîne YouTube, j’ai voulu montrer aux gens un peu de ma vie quotidienne. Et puis, vous savez, se jeter dans la neige après avoir pris un sauna est assez courant, ici, dans le Nord de l’Europe [sourire].

Justement, pendant très longtemps, vous étiez présent sur YouTube avec vos vlogs, arrêtés en ce début d’année 2021. Était-ce une façon pour vous de maîtriser votre communication?

J’ai commencé à faire des vlogs quand je m’ennuyais dans un hôtel de Davos, en Suisse. Lorsque j’étais enfant, j’étais vraiment très content d’apprendre des choses sur les athlètes que j’admirais. Je pense que montrer la vie d’un fondeur sans passer par les médias traditionnels est quelque chose d’intéressant pour tous les gamins qui ne nous regardent qu’à la télévision.

Vous fonctionnez en famille avec votre grand-père Kaare comme entraîneur, votre père Haakon comme manager et votre frère Ola comme conseiller média. C’est quelque chose d’important pour votre équilibre?

Ma famille est effectivement très importante pour moi et je n’aurais jamais pu atteindre mes objectifs sans l’aide de mes proches. Comme vous l’avez dit, mon grand-père Kaare est mon entraîneur avec Arild Monsen de la fédération norvégienne de ski. Je peux aussi compter sur l’aide de mes parents ainsi que de mon frère Ola et de ma sœur Ane. Lui m’aidait avec le vlog chaque semaine, tout comme Ane qui s’occupait de la traduction en anglais.

Votre grand-père a récemment déclaré un cancer. Compte tenu de votre proximité avec lui, on

imagine que vous avez été très peiné...

C’était un moment très difficile pour moi et ma famille... Heureusement, les derniers tests de Granpa sont positifs suite au traitement qu’il a reçu pour vaincre son cancer.

Avant même que la Norvège ne décide de se retirer de la coupe du monde après l’étape de Ruka (Finlande), vous aviez annoncé, de vous-même, votre mise en retrait. Vous ne vouliez pas prendre le risque d’attraper le coronavirus. Cette maladie vous fait-elle peur?

Nous avons tous une responsabilité pour aider à réduire la propagation de la Covid-19, y compris nous, les athlètes de haut niveau. Il n’y a rien qui dise que les compétitions de ski de fond doivent se dérouler en plein milieu d’une pandémie mondiale. Tout au long de cette année 2020, j’ai été très prudent dans mes contacts parce que je pense que l’infection au coronavirus n’est pas compatible avec la vie de fondeur professionnel que je mène. Quand la FIS, contrairement au biathlon, a choisi de suivre son calendrier initial avec un circuit de la coupe du monde passant par de nombreux pays et des sites différents, le choix était assez simple pour moi. Le risque pour ma santé était trop élevé.

D’ailleurs, dans cette logique de moindre prise de risque, vous aviez décidé, en août, de vous rendre au Blink Festival non pas en avion mais en voiture. Expliquez-nous cette (folle) aventure...

Le moyen le plus sûr pour réduire le plus possible les risques d’infection à la Covid-19 était effectivement de voyager avec mon père en voiture. C’était une très très longue route entre Trondheim et Sandnes. Près de 2000 kilomètres et 30 heures passées dans la voiture. Heureusement, c’est mon père qui a conduit la plupart du temps [rires].

Pensez-vous que le grand public comprenne que ses héros puissent

À Seefeld, lors des championnats du monde de 2019, Klæbo avait impressionné son monde et récolté trois médailles d’or.

b MODICA/NORDICFOCUS

renoncer à prendre des risques et, dès lors, ne pas assurer le spectacle qu’il veut suivre chaque semaine à la télévision?

Je peux comprendre que des personnes trouvent étrange que certains d’entre nous ne participent pas à la coupe du monde ou au Tour de Ski. Je suis conscient que la FIS et d’autres m’ont critiqué pour avoir fait ce choix radical. Je dois vivre avec, mais je pense sincèrement qu’il est important, en ces temps troublés, qu’il y ait une ouverture d’esprit sur de tels choix effectués dans un but sanitaire.

Qu’est-ce que cela fait de rester à la maison et de regarder les compétitions à la télévision dans votre canapé? Il doit y avoir de la frustration, non?

Il n’y a rien que j’aurais voulu plus que de pouvoir participer au Tour de •••Ski cette année... Mais j’accepte

Johannes Hoesflot Klæbo JE N’AI PAS DÉCIDÉ ENCORE COMBIEN DE TEMPS JE RESTERAI FONDEUR DE HAUT NIVEAU. JE N’AI QUE 24 ANS.‘‘

‘‘Johannes Hoesflot Klæbo

La domination norvégienne et russe de ces derniers hivers n’est pas une bonne chose.

la situation. Le but est maintenant de participer aux championnats du monde d’Oberstdorf (Allemagne). Mais ce sera seulement si le risque sanitaire n’est pas trop grand. J’espère revenir plus fort lorsque cette pandémie ne sera plus qu’une vieille et lointaine histoire.

Depuis votre plus jeune âge, vous êtes considéré comme le futur Petter Northug Jr. Était-il un modèle pour vous?

J’ai admiré plusieurs fondeurs et Petter Northug Jr en faisait bien sûr partie. Mais j’ai aussi et surtout passé beaucoup de temps à regarder la télévision pour apprendre les techniques des meilleurs.

Justement, lorsque Petter Northug Jr a confié qu’après sa carrière, il s’était mis à boire et à se droguer, quelle a été votre réaction?

Petter Northug Jr a toujours été un modèle pour moi... Il y a, d’un côté, les actes qui ne peuvent pas être défendus et, de l’autre, un Petter qui se fait aider pour résoudre ses problèmes d’addictions. Je lui souhaite tout le meilleur pour l’avenir et, le connaissant, il réussira à s’en sortir.

Vous voyez-vous étirer votre carrière au-delà de la trentaine, à la manière de Dario Cologna ou d’Ole Einar Bjoerndalen, ou pensez-vous arrêter plus tôt, au sommet de votre art, comme Martin Fourcade?

Je n’ai pas encore décidé combien de temps je resterai un fondeur de haut niveau. Je n’ai que 24 ans, donc j’ai encore quelques années pour faire mon choix! Tant que je pense que c’est cool de s’entraîner et de participer à des compétitions, je continuerai. Nous avons le meilleur job du monde donc c’est compliqué d’arrêter [sourire].

Vraiment?

J’ai beaucoup de respect pour les athlètes comme Dario Cologna qui parviennent à se classer année après année dans le top mondial, mais, pour ce qui est de la durée de ma carrière, je suivrai probablement davantage quelqu’un comme Martin Fourcade.

Peu de gens le savent, mais vous étiez également un bon footballeur lors de votre adolescence.

C’est vrai, j’ai joué au football jusqu’à l’âge de dix-sept ans! C’est seule- •••

Double vainqueur du gros globe de cristal en 2018 et 2019, il a laissé échapper le précieux trophée en 2020 face à Alexander Bolshunov, son rival russe... qui devrait le garder en 2021.

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ment lorsque je suis entré à l’Heimdal High School [N.D.L.R., au lycée] de Saupstad que je me suis concentré sur le ski de fond. J’ai continué à jouer au foot pour le club d’Astor 2 avec mes amis jusqu’en 2019. D’ailleurs, nous avions battu l’équipe de foot de Northug à l’été 2017 [rires].

En 2020, vous vous êtes blessé à deux reprises au doigt en faisant de la mini-boxe et du basketball. La faute à pas de chance ou vous êtes maladroit?

J’ai vraiment été malchanceux avec mon doigt... D’habitude, je ne m’éparpille pas et, les deux fois, j’ai été insouciant. J’ai promis à mon grand-père Kaare que je serai un peu plus prudent à l’avenir [rires].

Lors de l’été 2019, vous êtes venu en France. Vous avez effectué un stage en altitude à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales). Un bon souvenir?

C’était mon tout premier stage en altitude. Font-Romeu est vraiment un endroit formidable pour s’entraîner. Il y a des conditions fantastiques. J’espère vraiment y retourner quand il sera de nouveau possible de se déplacer [N.D.L.R., les Norvégiens n’ont pas pu s’y rendre l’été dernier].

Quand vous observez les athlètes français et ce qu’ils peuvent parfois réussir, pensez-vous que la France puisse un jour devenir une grande nation du ski de fond?

En France, il n’y a pas beaucoup de personnes « nées les skis aux pieds » comme on dit en Norvège, mais je crois

‘‘Johannes Hoesflot Klæbo

Tout le monde n’est pas obligé d’adhérer à ma façon de skier.

que votre pays peut devenir une très bonne nation du ski de fond. Actuellement, la France a de bons fondeurs en coupe du monde et de nombreux grands domaines nordiques bien adaptés à l’entraînement, comme j’ai pu le voir à Font-Romeu.

Quand vous vous entraînez avec le Bornandin Lucas Chanavat, que vous raconte-t-il de son pays?

Il m’a invité pour que je vienne m’entraîner en France! J’espère qu’un jour je pourrais découvrir Le Grand-Bornand où, si j’ai bien compris, les conditions d’entraînement sont plutôt excellentes.

Comme vous, la fondeuse suédoise Stina Nilsson est championne olympique en titre du sprint, mais elle, elle a décidé de rejoindre le biathlon. Comment réagissez-vous?

Je trouve excitant qu’elle s’essaie à ce sport. J’aime les gens qui osent se défier et défier ceux qui sont en place. Je lui souhaite bonne chance, et d’après ce que j’ai vu et entendu, elle est assez douée au tir.

N’est-ce pas néanmoins un mauvais signal pour le ski de fond?

Je pense qu’on doit trouver de nouvelles stars pour le ski de fond. Pour être honnête, j’espère que nous verrons plus de jeunes fondeurs venus des ÉtatsUnis, de France, d’Allemagne ou d’Italie dans les années à venir. La domination norvégienne et russe que nous avons connue ces derniers hivers n’est pas une bonne chose pour notre sport.

De votre côté, vous avez révolutionné le style classique en réalisant des accélérations où l’on vous voit quasiment courir sur la neige. Que dites-vous à ceux qui vous critiquent et affirment que vous dénaturez ce style de pas ancestral?

C’est bien que ça fasse causer! Toute évolution est bonne pour le sport que l’on pratique et tout le monde n’est pas obligé d’adhérer à ma façon de skier. Mon grand-père et moi avons trouvé ce

La start-up Klæbo est florissante avec une famille dédiée quasiment à 100% au développement de la carrière du skieur.

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ET TEAM SPORTIVE

qui est le mieux pour mes qualités physiques. De toute manière, je pense que le ski de fond continuera de bouger dans le futur. Rappelez-vous, tout le monde avait peur du saut en V en saut à ski lorsqu’il est arrivé... il a finalement été adopté!

Votre frère est un artiste. On peut entendre ses chansons sur les plateformes de streaming et il a récemment signé avec une grande maison de disques.

Mon frère Ola, alias OKEY, a effectivement signé un contrat chez Sony Music. Il sortira ses premières chansons ce printemps...

À nos lecteurs français et suisses, quelle morceau conseillez-vous d’écouter pour découvrir son travail?

Je recommande simplement à vos lecteurs de suivre son compte Instagram et d’écouter ses nouvelles chansons. J’en ai entendues quelques-unes et je les ai vraiment aimées ! n Écoutez Okey

- mail : assports@orange.fr / Team As Sports Meylan

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